Recueil de décisions du Président John Fraser 1986 - 1994
La procédure financière / Les travaux des subsides
Prévisions budgétaires : crédits à caractère législatif; crédits doivent se rapporter à l'exercice pour lequel ils sont accordés; crédits rayés des budgets en question; délibérations portant spécifiquement sur des crédits déclarés nuls et non avenus
Débats, p. 18728-18733
Contexte
Le 8 mars 1991, M. René Soetens (Ontario) invoque le Règlement au sujet des crédits qui ont été prévus, dans le Budget des dépenses supplémentaire (C) de l'exercice financier se terminant le 31 mars 1991 et dans le Budget des dépenses principal de l'exercice financier suivant, au titre de l'allocation journalière de 153 $ payable aux sénateurs pour assister aux séances du Sénat. Il soutient que cette indemnité doit être jugée irrecevable puisque la Loi sur le Parlement du Canada. en vertu de laquelle les indemnités de session sont versées aux députés et aux sénateurs, n'a pas été modifiée pour inclure la nouvelle allocation. Il cite par ailleurs nombre de précédents qui viennent confirmer le fait qu'un crédit ne doit pas servir à obtenir une autorisation qui doit normalement faire l'objet d'un projet de loi. D'autres députés interviennent également à ce sujet[1]. Le Président reporte le débat à la semaine suivante et invite les députés à l'informer de la date à laquelle ils voudraient reprendre la discussion.
Le 12 mars suivant, M. Peter Milliken (Kingston et les Îles) invoque le Règlement pour exposer la position du Parti libéral sur cette question. Il soutient que par le biais de la recommandation royale, le Cabinet a donné son aval au Budget des dépenses supplémentaire (C) ainsi qu'au Budget des dépenses principal et qu'il doit accepter l'entière responsabilité d'avoir recommandé ces Budgets de dépenses à la Chambre par l'entremise du Gouverneur général. M. Rod Murphy (Churchill) intervient à ce moment pour faire valoir que le crédit 2c inscrit au Budget des dépenses supplémentaire (C), qui prévoit le versement de l’allocation « pendant l'exercice en cours et les exercices subséquents », va à l'encontre de la Loi sur la gestion des finances publiques qui stipule que les prévisions de dépenses doivent porter sur les services dont le paiement arrive à échéance au cours de l'exercice[2]. Le président suppléant (M Charles DeBlois) remercie les deux députés pour leur contribution et rappelle à la Chambre que la question a été prise en délibéré. Le Président rend sa décision le 20 mars 1991. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.
Décision de la présidence
M. le Président: Le vendredi 8 mars 1991 le député d'Ontario, invoquant le Règlement, s'est opposé à l'inclusion dans le Budget des dépenses supplémentaire et dans le Budget des dépenses principal de crédits qui autoriseraient le versement d'une allocation journalière de 153 $ aux sénateurs. Il a soutenu qu'on aurait dû solliciter l'autorisation de verser une telle allocation par un amendement à la Loi sur le Parlement du Canada, a cité un ensemble important d'autorités suivant lesquelles on ne peut se servir du Budget des dépenses pour modifier la loi et a invité la présidence à user de son autorité pour déclarer antiréglementaires les crédits incriminés.
Le député de Kingston et les Îles est intervenu à ce sujet le 12 mars 1991. Il a demandé à la présidence de tenir compte du fait que les crédits sont recommandés à la Chambre par le Gouverneur général, mais aussi du fait que cette recommandation est obtenue sur les conseils des ministres.
Le député a renvoyé la présidence à deux précédents : l'un concernait des dispositions de la Loi des [subsides] n° 2 de 1965 qui prévoyaient le versement d'une gratification au conjoint d'un sénateur ou député décédé et le second se rapportait à l'inclusion dans le crédit n° 1 du Bureau du Conseil privé, dans la Loi de crédits n° 3 [de 1989-90] des traitements des ministres d'État qui ne dirigeaient pas un ministère d'État.
Le député de Churchill a exprimé l'avis que le crédit 2c du Budget supplémentaire violait la Loi sur la gestion des finances publiques du fait qu'il visait à obtenir des fonds devant être utilisés au-delà de l'exercice en cours. Il a de plus fait remarquer qu'on aurait dû solliciter les allocations en question par un amendement à la Loi sur le Parlement du Canada. Pour cette raison, a-t-il dit, on est allé à l'encontre des décisions rendues par le passé par les Présidents de cette Chambre.
Finalement, le député de Churchill concluait qu'il était mal à propos d'obtenir des avantages individuels pour certains par un moyen qui est à tous égards douteux.
Comme les deux articles budgétaires auxquels on s'oppose sont des crédits demandés par la Chambre haute, la première réaction de la présidence a été d'examiner la régularité d'une intervention de notre Chambre dans les crédits relatifs à l'autre endroit. Au cours des quelques 20 dernières années où des comités de la Chambre des communes ont été saisis des crédits du Sénat, aucun témoin de la Chambre haute n'a jamais comparu devant le comité permanent chargé de l'étude de ces crédits. Nous ne disposons donc d'aucune source pouvant nous guider dans l'étude de ces crédits.
La « parenté » des articles contestés reste également douteuse. Le député de Kingston et les Îles a signalé que les crédits en question avaient été recommandés à la Chambre par le Gouverneur général, faisant remarquer qu'en vertu de la convention constitutionnelle existante cela indiquait forcément qu'ils avaient été approuvés par le Cabinet. Le député de Churchill a été plus direct. Il a soutenu que le gouvernement n'avait pas présenté ce Budget des dépenses de façon correcte, alléguant que le gouvernement avait la responsabilité de veiller à ce que ce Budget se présente sous une forme acceptable. Pour sa part, le député de Calgary-Ouest (M. Jim Hawkes) a clairement distingué le Budget des dépenses du gouvernement de ceux de la Chambre des communes et du Sénat.
Il a dit que ces derniers n'étaient pas le fait du gouvernement et qu'ils nous parvenaient conformément à une démarche prévue dans la Loi sur le Parlement du Canada. Or, l'article 51 de cette loi prévoit que les états relatifs aux prévisions de dépenses de la Chambre des communes « sont, sur approbation du Bureau, transmis par le Président au président du Conseil du Trésor qui les dépose séparément devant la Chambre des communes avec les prévisions budgétaires du gouvernement pour l'exercice. » Il ressort de l'interprétation normale de ce texte que le député de Calgary-Ouest a parfaitement raison de soutenir que le Budget des dépenses de la Chambre des communes jouit d'un statut particulier. Cependant, on n'a signalé à la présidence aucune disposition semblable pour ce qui concerne le Sénat, et la présidence n'en a relevé aucune.
Face à la question de la propriété des prévisions de dépenses du Sénat et à celle de la régularité d'une intervention de la Chambre des communes se déploie un ensemble impressionnant constitué de décisions importantes de mes prédécesseurs, et des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques ainsi que du commentaire 233 de la quatrième édition de Beauchesne où il est dit ceci:
« Le principe capital qui sert de fondement à tout notre système financier est celui du contrôle par le Parlement, et il ne faut pas entendre ici le Parlement tel qu'il a été établi par la Constitution, mais exclusivement la Chambre des communes. »
Le député de la circonscription d'Ontario a présenté ses arguments avec soin et remarquablement. Il a invoqué dans son intervention les dispositions pertinentes de la Loi sur le Parlement du Canada pour démontrer que cette loi ne comportait aucune disposition qui puisse servir de fondement à la demande d'allocation du Sénat. Le député a ensuite présenté les diverses décisions rendues par la présidence depuis 1971 à l'appui de la notion que c'est la législation qui donne l'autorisation d'agir, tandis que l'argent nécessaire au financement des mesures autorisées est obtenu au moyen de l'adoption d'une loi de crédits. Il a soutenu que la demande d'allocation des sénateurs aurait dû être faite au moyen d'un amendement à la Loi sur le Parlement du Canada et, à l'aide d'un relevé impressionnant des décisions des Présidents, il a démontré que par le passé on avait rejeté les tentatives de légiférer ou de modifier les lois autres que les lois de crédits par le biais des crédits budgétaires.
Le député de Churchill a convenu qu'on essayait ici d'obtenir par le biais de crédits budgétaires ce qu'on aurait dû obtenir par voie législative et que cela allait à l'encontre de décisions rendues par les Présidents. Il a en outre fait valoir qu'aux termes de l'article 27 de la Loi sur la gestion des finances publiques les prévisions de dépenses ne devaient porter que sur les dépenses de l'exercice en cours, attirant notre attention sur le fait que le crédit 2c du Sénat qui apparaît dans le Budget supplémentaire visait à obtenir l'autorisation de verser l'allocation en cause pendant l'exercice en cours et les exercices subséquents. À noter également qu'on demande le même genre d'autorisation non seulement pour l'exercice en cours et les exercices subséquents mais pour tous les exercices subséquents au crédit 5 du Budget principal de 1991-1992.
Dans son intervention, le député de Kingston et les Îles n'a pas contesté l'effet des décisions citées par le député d'Ontario. Il a plutôt signalé à la présidence deux précédents que je vais maintenant examiner brièvement.
Il apparaît qu'on s'entend sur le fait, premièrement, que les lois ne doivent pas être modifiées par le biais de crédits budgétaires, deuxièmement, qu'on devrait obtenir l'autorisation d'agir en faisant adopter une mesure législative. On ne devrait demander dans le cadre des lois de crédits que l'argent nécessaire au financement de l'action en question et, troisièmement, les fonds sollicités dans le Budget doivent se rapporter uniquement à l'exercice au titre duquel on les demande.
En fait, il ne reste à la présidence qu'à décider, pour employer les termes utilisés par le député de Kingston et les Îles, si les articles du Budget qui autorisent le versement aux sénateurs des allocations en cause font partie du type de Budget contesté.
Le député a renvoyé la présidence à l'annexe de la Loi des [subsides] n° 2 de 1965 où était autorisé le versement d'une gratification au conjoint ou à la succession d'un membre décédé du Sénat ou de la Chambre des communes. Je crois que Je député a reconnu que ce précédent n'avait que peu d'utilité dans la présente situation, parce qu'il se rapporte à une époque où il existait en cette Chambre un processus d'allocation de crédits radicalement différent·, et que d'autre part, il est antérieur aux importantes décisions de la présidence intervenues au cours de la période de 1971 à 1984.
Le second précédent que le député a signalé se rapportait à un article apparaissant à l'annexe de la Loi de crédits n° 3 [de 1989-90]. Le crédit du Bureau du Conseil privé, a-t-il fait remarquer, prévoyait le versement aux ministres sans portefeuille ou aux ministres d'État qui ne dirigent pas un ministère, d'un traitement équivalent à celui versé en vertu de la Loi sur les traitements, aux ministres d'État qui dirigent un ministère. On y trouve aussi d'autres dispositions mais il n'est pas nécessaire de citer le tout dans le détail. Le 18 juin 1982, le député de Calgary-Centre (M. Harvie Andre) contestait précisément le crédit en question. Il disait, ainsi que le rapportent les Débats, à la page 18607:
« Malgré les décisions très claires rendues par la présidence, il y a un crédit qui vise à modifier la loi. Je veux parler du crédit 1er du Conseil privé, qui prévoit ceci :
Dépenses du programme, y compris le fonctionnement de la résidence du premier ministre; versement à chacun des membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada qui a qualité de ministre sans portefeuille ou de ministre d'État, mais qui ne dirige pas un ministère d'État, d'un traitement équivalant à celui versé aux ministres d'État qui dirigent un ministère d'État, aux ternies de la Loi sur les traitements, rajusté en vertu de la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes [...].
La Loi sur les traitements, telle qu'elle a été modifiée en juillet dernier, prévoit le traitement qui doit être versé à chaque ministre. article 5 de cette loi stipule ce qui suit :
Le traitement de chaque ministre d'État, membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada qui est à la tête d'un département d'État est de 30 800 $ par an.
Le crédit 1er du Conseil privé cherche à modifier la loi puisqu'il y est dit que les ministres d'État qui ne sont pas à la tête d'un ministère d'État pourront néanmoins bénéficier du même traitement que leurs collègues qui en dirigent un. Avec ce crédit 1er, on essaie de faire exactement la même chose, madame le Président, qu'avec un crédit que vous aviez considéré antiréglementaire-à juste titre d'ailleurs-l ‘an dernier. Il s'agissait du crédit 30 du ministère de l'Agriculture pour l'exercice financier 1981-1982. Ce crédit était formulé de la manière suivante :
Réglementation et inspection agro-alimentaire-Contributions, y compris les indemnités, aux taux déterminés et de la manière prévue à l'article 12 de la Loi sur les maladies et la protection des animaux, aux propriétaires des animaux qui, atteints des maladies mentionnées dans la loi, sont morts ou ont été abattus dans des circonstances non prévues par la loi[...].
Il essayait d'étendre l'application de la loi à des cas qu'elle ne prévoyait pas. Vous avez eu tout à fait raison, madame le Président, de déclarer que ce crédit modifiait la loi. C'est la même chose avec le crédit 1er du Conseil privé. Il est clair qu'il est antiréglementaire, sur la base de la décision que vous avez rendue l'an dernier. »
Madame le Président Sauvé décidait ce qui suit le 21 juin 1982, ainsi que le rapportent les Débats à la page 18646 :
Le député de Calgary-Centre a soulevé ensuite une objection contre le crédit 1 du Conseil privé en prétendant que ce crédit vise à modifier la loi et il l'a comparé, pour cette raison, au crédit 30 de l'Agriculture dans le Budget principal de 1981-1982, qui a été déclaré irrecevable le 12 juin 1981. Je dois reconnaître que ce crédit a posé un problème à la présidence. Le crédit 30 du ministère de l'Agriculture cherchait particulièrement à dépasser la portée de l'article 12 de la Loi sur les maladies et la protection des animaux et il a été jugé irrecevable parce qu'il visait à modifier une loi existante, tandis que le crédit 1 du Conseil privé ne se rapporte pas à une loi précise mais prolonge plutôt le crédit du Budget principal de 1981-1982 que comportait la Loi n° 2 de [1981-82J portant affectation de crédits. Autrement dit, le crédit 1 du Conseil privé ne cherche pas à modifier la Loi sur les traitements mais prévoit des fonds pour le traitement de ministres d'État nommés en vertu de l'article 23 de la Loi de 1970 sur l'organisation du gouvernement, qui constitue elle-même l'autorisation législative nécessaire. autorisation de ce montant se trouve dans la Loi n° 2 de [1981-82] portant affectation de crédits. Je considère donc aussi comme régulier le crédit du Conseil privé.
Le précédent de 1982, qui se fondait sur une autorisation législative existante, ne cadre pas tout à fait avec le cas qui nous occupe, et, par extension, il en est de même pour le crédit de 1989-1990 formulé en termes identiques auquel le député de Kingston et les Îles nous a renvoyés.
Il se dégage des décisions des Présidents une jurisprudence claire quant à la distinction entre ce qui relève proprement de la législation et ce qui relève proprement des crédits budgétaires.
Il y a 20 ans, le10 mars 1971, à l'origine de la pratique actuelle de la Chambre en matière de crédits, le Président Lamoureux ordonnait la radiation de trois crédits d'un dollar dans la motion portant adoption du Budget supplémentaire. Il expliquait, ainsi qu'on le relève aux pages 4125 à 4127, que « lorsque ces propositions visent clairement à modifier des lois existantes, [la Chambre] devrait en être saisie au moyen d'un bill modificateur et non d'un crédit dans le Budget supplémentaire[3]. » Le Président Lamoureux eut l'occasion de confirmer ce principe en 1973 et en 1974.
Le Président Jerome, appelé le 22 mars 1977 à rendre une décision sur un certain nombre d'articles contestés du Budget supplémentaire, précisait que la question essentielle du débat était « [] de savoir si le gouvernement peut obtenir, grâce à un crédit dans un bill de subsides adopté par le Parlement, une autorisation qu'il ne possède pas en vertu des lois actuelles. » Il dégageait de la discussion sur cette question centrale deux points-clés :
Tout d'abord, les modifications à la loi devraient être apportées au moyen de mesures législatives et non par des crédits. Ces deux questions sont débattues ou étudiées dans des circonstances tout à fait différentes. Par conséquent, quand on veut apporter des changements à une mesure législative, il faudrait le faire comme il se doit, en franchissant toutes les étapes de l'étude d'un projet de loi. Deuxièmement, les lois de subsides n'ont qu'une durée temporaire, c'est-à-dire pour le reste de l'année financière. Elles ne devraient donc pas être utilisées pour financer ou autoriser des programmes en cours.
C'est dans les Débats à la page 4220. Se prononçant sur la question en général pour indiquer la voie à suivre à l'avenir, le Président Jerome dit ceci :
Pour ce qui est de la question en général, j'estime que le Parlement autorise le gouvernement à agir en adoptant des lois et lui alloue l'argent pour financer les programmes autorisés en adoptant une loi portant affectation de crédits. À mon avis, il ne faudrait donc pas qu'un crédit serve à obtenir une autorisation qui doit normalement faire l'objet d'une loi.
C'est dans les Débats du même jour à la page 4221. Le Président s'est étendu encore davantage sur la question dans une décision semblable, le 7 décembre 1977 :
Tous les députés savent que l'examen des crédits par la Chambre est soumis à certaines restrictions, en ce que les crédits sont d'abord étudiés par les comités de la Chambre qui, ensuite, en font rapport ou, en fait les renvoient à la Chambre, laquelle les adopte assez rapidement par le biais d'un bill de finances le dernier jour réservé aux subsides pendant le semestre pour lequel les crédits ont d'abord été avancés.
Cette méthode, que la Chambre utilise depuis longtemps, permet une étude assez approfondie du budget, mais elle ne permet pas un débat prolongé aux différentes étapes de l'étude du bill de finances. La Chambre a toujours insisté pour que les travaux des subsides se déroulent strictement en fonction du but recherché, c'est-à-dire que le gouvernement prévoit les sommes dont il a besoin, puis la Chambre lui vote ces crédits. On ne doit en aucun cas empiéter sur le domaine législatif, car les mesures législatives et les changements de fond d'ordre législatif ne sont pas censés faire partie des subsides, mais relèvent plutôt du processus législatif ordinaire qui comporte trois lectures, l'étape de l'étude en comité, et qui offre, autrement dit, aux députés toutes les occasions voulues pour participer au débat et proposer des amendements.
C'est à la page 184 des Procès-verbaux.
Ainsi que le député d'Ontario l'a reconnu dans son rappel au Règlement, madame le Président Sauvé a présenté, le 12 juin 1981, dans une décision bien structurée, les principes établis par ses prédécesseurs. Elle a dit ceci : « Ils nous ont appris que depuis dix ans, certains députés se sont élevés contre le fait que dans les Budgets de dépenses qu'il présentait de temps à autre, le gouvernement ne se contentait pas de prévoir ses dépenses pour l'exercice financier suivant, ce qui est censé être le but du Budget des dépenses et des lois portant affectation de crédits[4] »
À la lumière de cette jurisprudence la direction que la présidence doit prendre à cet égard apparaît évidente.
La formulation du crédit 2c du Sénat contenu dans le Budget des dépenses supplémentaire pour 1990-1991 et du crédit 5 du Budget des dépenses principal de 1991-1992 est claire. Voici le texte du crédit 2c :
Autoriser la mise en œuvre du quarante et unième rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, 2 e session, 34e législature, adopté par le Sénat le 5 juin 1990, et autoriser, pendant l'exercice en cours et les exercices subséquents, le paiement de l'allocation mentionnée dans le rapport.
Quant au crédit 5, il est ainsi libellé :
Autoriser la mise en œuvre du quarante et unième rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, 2 e session, 34e législature, adopté par le Sénat le 5 juin 1990, et autoriser, pendant l'exercice en cours et les exercices subséquents, le paiement de l'allocation mentionnée dans le rapport.
Dans les deux cas on cherche, d'une part, l'autorisation de mettre en œuvre le rapport du comité sénatorial qui a recommandé le versement des allocations et, d'autre part, l'autorisation de verser ces allocations. La formulation même des crédits en cause confirme l'absence d'autorisation législative permettant de verser ces allocations, car si cette autorisation existait on n'aurait pas à faire approuver de cette façon la mise en œuvre du rapport. Le genre d'autorisation recherché ici est apparenté à une approbation de principe et, comme l'ont bien précisé les décisions des Présidents Lamoureux et Jerome, il devrait être recherché au moyen d'une mesure législative autre qu'un projet de loi de crédits.
L’absence d'autorisation législative sur laquelle on puisse fonder une demande de fonds qui déborde le cadre d'une loi du Parlement existante et toujours en vigueur constituerait à elle seule un motif suffisant pour la présidence d'ordonner que les crédits litigieux soient rayés du Budget; mais on demande en outre l'autorisation de dépenser au cours d'une période qui s'étend au-delà de l'exercice en cours, ce qui est aussi clairement interdit. Le cycle budgétaire est clairement interdit. Le cycle budgétaire est clairement exposé à la page 677 de la 18e édition de May, ainsi qu'il suit : « Suivant le « principe de l'annualité », qui est strictement appliqué, chaque exercice est considéré comme une période fermée, distincte de tout autre exercice. Les sommes votées au titre d'un exercice déterminé et les revenus touchés au cours de celui-ci ne peuvent être appliqués aux besoins d'un exercice subséquent »; en outre, le commentaire 483 de la 5e édition de Beauchesne fait mention « [des] crédits principaux de l'exercice qui vient ». Le commentaire 484 dit ceci :
L’objet de l'examen des prévisions budgétaires est de faire connaître au Parlement les propositions budgétaires et extra-budgétaires du gouvernement pour l'exercice fiscal qui vient. [ ]
Il résulte du rapprochement de May et de Beauchesne qu'il n'y a pas de doute possible sur ce point. Les demandes de crédits faites dans le cadre des Budgets principaux ou supplémentaires doivent se rapporter uniquement à l'exercice pour lequel ils sont accordés.
Le poids des précédents et la force des arguments présentés par les députés m'obligent à conclure que la Chambre n'est pas régulièrement saisie du crédit 2c, inscrit sous la rubrique « Parlement » dans le Budget des dépenses supplémentaire 1990-1991, et du crédit 5 inscrit sous la même rubrique dans le Budget des dépenses principal 1991-1992; ils sont donc rayés des Budgets en question. Toutes les délibérations portant spécifiquement sur ces crédits sont déclarées nulles et non avenues et il ne pourra se tenir d'autres délibérations à leur sujet.
La présidence remercie le député d'Ontario pour tout le soin qu'il a mis à la présentation de son rappel au Règlement, de même que les députés de Kingston et les Îles et de Churchill, pour leur apport à ce débat de procédure.
F0605-f
34-2
1991-03-20
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[1] Débats, 8 mars 1991, p. 18229-18232.
[2] Débats, 12 mars 1991, p. 18329-18331.