Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre
Outrage à la Chambre : hauts fonctionnaires du Parlement; allégation de faux témoignage devant un comité; question fondée de prime abord
Débats, p. 9229
Contexte
Le 4 novembre 2003, Derek Lee (Scarborough–Rouge River) présente à la Chambre le neuvième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, qui relate la façon dont George Radwanski, ancien commissaire à la protection de la vie privée, a délibérément induit le Comité en erreur en lui fournissant de faux renseignements[1]. Plus tard au cours de la séance, M. Lee soulève la question de privilège pour accuser M. Radwanski d’outrage au Parlement, compte tenu du rapport du Comité, mais en précisant que seule la Chambre peut statuer qu’il y a effectivement eu outrage au Parlement. Après avoir entendu plusieurs autres députés, le Président prend l’affaire en délibéré[2]. Le 5 novembre 2003, Don Boudria (ministre d’État et leader du gouvernement à la Chambre des communes) prend la parole pour demander au Président de rappeler les responsabilités des citoyens qui témoignent devant des comités de la Chambre et de décrire aux députés les options dont ils disposent s’il conclut que la question d’atteinte au privilège est fondée de prime abord. Paul Szabo (Mississauga-Sud) intervient alors pour demander le consentement unanime en vue de présenter une motion portant que M. Radwanski soit reconnu coupable d’outrage au Parlement. Le consentement lui est refusé[3].
Résolution
Le Président rend sa décision le 6 novembre 2003. Il déclare qu’il revient à la Chambre, et non au Président, de décider des mesures à prendre en cas d’atteinte au privilège fondée de prime abord, et qu’il revient aux comités de faire savoir ce qu’ils attendent de leurs témoins. Il ajoute que même si le Président ne peut présumer des attentes des comités, il estime important que les comités et la Chambre puissent se fier aux témoignages qu’ils reçoivent. Faisant allusion aux faits exposés dans le neuvième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, il conclut que l’allégation d’atteinte au privilège de la Chambre est fondée de prime abord et invite M. Lee à présenter sa motion.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par le député de Scarborough–Rouge River le 4 novembre 2003, au sujet de la conduite de M. George Radwanski lors des audiences du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.
Je tiens à remercier l’honorable député de Scarborough–Rouge River d’avoir soulevé cette question qui est importante pour tous les députés ainsi que pour la Chambre des communes en tant qu’institution. Je voudrais remercier également l’honorable député de New Westminster–Coquitlam–Burnaby, le très honorable député de Calgary-Centre et l’honorable député de Winnipeg-Centre pour leurs interventions.
Le 5 novembre 2003, le leader du gouvernement à la Chambre est intervenu dans le débat. Reconnaissant la gravité de la question et l’importance de la décision que la présidence rendrait dans l’affaire, il a demandé que le Président précise deux choses dans sa décision. Pour reprendre ses propres paroles, il espérait que la décision, d’une part :
[…] rappelle clairement à tout citoyen pouvant témoigner devant un comité de la Chambre la responsabilité qu’il a […] ainsi que les conséquences d’un manquement à cette responsabilité […]
Et, d’autre part :
[…] donne une idée à la Chambre des options à prendre, si la présidence statue que l’affaire […] constitue, à première vue, un outrage à la Chambre […]
Le leader à la Chambre a ensuite fait état de divers problèmes que soulève la possibilité de sommer un particulier de comparaître à la barre de la Chambre. Je tiens à le remercier de sa contribution au débat.
Avant de rendre ma décision, je tiens à répondre aux deux requêtes qu’il a soumises à la présidence.
Je répondrai d’abord à la suggestion me proposant d’énoncer clairement dans ma décision les possibilités qui s’offrent à la Chambre dans cette affaire. Comme les députés le savent, le rôle du Président, lorsqu’il est question de privilège, est bien défini à la page 122 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, où on peut en effet lire ce qui suit :
Le rôle du Président se limite à décider si la question qu’a soulevée le député est de nature à autoriser celui-ci à proposer une motion qui aura priorité sur toute autre affaire à l’ordre du jour de la Chambre, autrement dit que le Président pourra considérer de prime abord comme une question de privilège. Le cas échéant, la Chambre devra immédiatement prendre la question en considération. […]
[…] La décision du Président ne va pas jusqu’à déterminer s’il y a eu effectivement atteinte à un privilège, car seule la Chambre est habilitée à en décider.
Il m’apparaît clairement que, lorsqu’il s’agit de privilège et d’outrage à la Chambre, le rôle du Président est solidement établi dans nos usages. À mon avis, il ne lui incombe pas de suggérer à la Chambre diverses suites à donner à une question de privilège ou à un cas d’outrage, à supposer, je le répète, qu’elle décide que quelqu’un s’est bel et bien rendu coupable d’un tel manquement. Je me bornerai donc à dire si la présidence a conclu qu’il y a eu, à première vue, un outrage à la Chambre.
Il m’a aussi été suggéré d’énoncer clairement dans ma décision des lignes directrices à l’intention des particuliers appelés à comparaître devant les comités de la Chambre. L’invitation est alléchante, mais le Président ne saurait présumer baliser ce que les comités attendent des témoins qu’ils interrogent. Je dirai simplement — et je crois que tous les députés seront du même avis — que nos comités et, par extension, la Chambre elle-même doivent pouvoir se fier aux témoignages qu’ils reçoivent, qu’ils émanent de fonctionnaires ou de particuliers. Ces témoignages doivent être véridiques et complets. Lorsqu’il est prouvé que ce n’est pas le cas, il en résulte un problème grave qu’on ne peut prendre à la légère.
Dans le cas qui nous occupe, j’ai lu attentivement le neuvième rapport que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a présenté à la Chambre. Le Comité y relate le témoignage de M. George Radwanski, ex-commissaire à la protection de la vie privée, affirme le juger trompeur et dit estimer que M. Radwanski devrait être déclaré coupable d’outrage à la Chambre. Le Comité fait état des contradictions relevées dans le témoignage et tire des conclusions qui me semblent raisonnables dans les circonstances.
Par conséquent, j’estime que les faits exposés dans le neuvième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires me permettent de conclure que l’allégation d’atteinte aux privilèges de la Chambre semble fondée de prime abord. J’invite donc le député de Scarborough–Rouge River à présenter sa motion.
Post-scriptum
Tout de suite après la décision du Président, Reg Alcock (Winnipeg-Sud), président du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, lit une lettre de M. Radwanski dans laquelle il présente ses excuses au Comité et au Parlement pour les erreurs qui ont été commises durant son mandat de commissaire à la protection de la vie privée. M. Alcock demande et reçoit le consentement unanime pour déposer la lettre[4]. M. Lee déclare alors qu’il ne présentera pas la motion sur l’atteinte au privilège (qui aurait convoqué M. Radwanski à la barre de la Chambre) et demande à la Chambre de mettre un terme à l’affaire[5]. Après les interventions d’autres députés sur l’affaire, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) avise la Chambre que les leaders parlementaires sont en train de discuter de l’affaire et demande, puis reçoit, le consentement unanime pour que la Chambre revienne à cette question plus tard au cours de la séance[6]. Plus tard, M. Lee demande et reçoit le consentement unanime pour proposer une motion portant que la Chambre reconnaisse avoir reçu sa lettre d’excuses et qu’elle constate que la conduite de M. Radwanski constitue un outrage envers elle[7].
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[1] Neuvième rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, présenté à la Chambre le 4 novembre 2003 (Journaux, p. 1225).
[2] Débats, 4 novembre 2003, p. 9150-9151.
[3] Débats, 5 novembre 2003, p. 9192-9193.