Le privilège parlementaire / Droits des députés
Protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité : utilisation des ressources publiques pour promouvoir des activités politiques
Débats, p. 1836-1837
Contexte
Le 5 mars 2009, Wayne Easter (Malpeque) soulève la question de privilège, alléguant que Gail Shea (ministre des Pêches et des Océans) a autorisé un sénateur conservateur à se servir du site Web et de l’en-tête de son ministère pour diffuser de l’information partisane trompeuse; la ministre aurait donc fait une utilisation inappropriée de son bureau, enfreint la politique de communication du Conseil du Trésor et porté atteinte aux privilèges du député. Le Président prend la question en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 24 mars 2009. Il déclare qu’il est inhabituel et inquiétant qu’un communiqué ministériel contienne des critiques à l’égard de députés et de sénateurs. Il fait remarquer que son pouvoir se limite à déterminer s’il y a eu atteinte aux privilèges des députés et qu’il ne l’autorise pas à déterminer si la ministre a respecté ou non la politique du gouvernement en matière de communication. Étant donné que le député n’a pas démontré qu’il y avait un lien avec ses fonctions parlementaires ou que l’incident avait terni la réputation de la Chambre, le Président déclare qu’il ne peut conclure qu’il y a eu entrave au travail du député ou dommage à la réputation de la Chambre. Il statue par conséquent qu’il n’y a pas, de prime abord, atteinte au privilège.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 5 mars 2009 par l’honorable député de Malpeque au sujet de la diffusion d’informations par le ministère des Pêches et des Océans. Je le remercie d’avoir soulevé cette question.
Dans son intervention, le député a allégué que la ministre des Pêches et des Océans avait abusé des privilèges de ses fonctions en permettant à un sénateur conservateur de se servir du papier à en-tête et du site Web du ministère pour divulguer des informations trompeuses à des fins partisanes. Il a soutenu que les actes de la ministre, du ministère et d’un membre de l’autre endroit ont porté atteinte à ses privilèges de député.
Le député de Malpeque a expliqué que le communiqué de presse du sénateur avait été publié sur le papier à en-tête et le site Web du ministère. Il a également souligné que le sénateur n’était pas le porte-parole officiel du ministère. Le communiqué de presse, portant sur la chasse au phoque, s’en prenait à un sénateur, au chef de l’Opposition officielle et au Parti libéral et, de l’avis du député, déformait la position de ce parti et de son chef.
Selon le député, il incombait à la ministre de veiller à ce que les ressources médiatiques soient réservées aux seules activités du ministère, ce qu’elle n’a pas fait en l’occurrence. Le député a cité abondamment la politique de communication du gouvernement du Canada, mettant ainsi en lumière la façon dont le communiqué avait violé cette politique. Il a ajouté que la ministre, en permettant à quelqu’un qui ne relève pas de son ministère d’utiliser le papier à en-tête et le site Web à des fins partisanes, avait porté atteinte à ses privilèges de député.
La diffusion d’un communiqué ministériel qui s’en prend aux sénateurs et aux députés est tout à fait inhabituelle, et il s’agit là d’une question sérieuse qui me préoccupe énormément.
Toutefois, le député a peut-être raison de dire qu’il incombe aux ministres de respecter la politique de communication du gouvernement, mais il ne m’appartient pas de déterminer si la ministre l’a respectée. Dans le cas qui nous occupe, je ne peux qu’établir si les actes de la ministre et du ministère ont porté atteinte aux privilèges de l’honorable député.
Par le passé, les Présidents ont été appelés à se prononcer sur des questions de privilège concernant des actes de ministères fédéraux ayant porté atteinte aux privilèges des députés, par exemple des publicités du gouvernement annonçant des décisions attendues de la Chambre. De tels actes n’ont été considérés comme de l’obstruction qu’à de rares occasions.
La plupart du temps, cependant, comme on peut le lire aux pages 91 et 92 de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes :
[…] sa décision se fondait principalement sur le fait que l’incident n’était pas directement lié aux fonctions parlementaires du député. Même si elle a souvent reconnu que le député qui soulevait la question de privilège pouvait très bien avoir des motifs légitimes de se plaindre, la présidence a régulièrement conclu que l’incident n’avait pas empêché le député d’accomplir ses devoirs parlementaires.
Dans l’affaire en cause, je ne crois pas que le député ait établi un lien avec ses fonctions parlementaires. De même, rien ne prouve que les faits décrits aient entaché la réputation de la Chambre des communes. Pour ces raisons, j’estime qu’il n’y a pas eu entrave à la capacité du député d’exercer ses fonctions et, par conséquent, je ne peux conclure qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.
Je tiens à remercier l’honorable député de sa vigilance. En soulevant cette question, il a attiré l’attention du public sur une situation grave qu’il fallait corriger. Son point de vue a été pris en compte : selon les reportages dans les médias et un examen du site Web du ministère des Pêches et des Océans, il semble qu’on ait retiré le communiqué litigieux et que les fonctionnaires du ministère aient présenté leurs excuses.
Il ne fait aucun doute que les ministres et leurs fonctionnaires ont pris connaissance de ces malheureux événements et qu’ils prendront les mesures voulues pour qu’une telle chose ne se reproduise plus.
Je remercie la Chambre de son attention sur cette importante question.
Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.