La Chambre et ses députés / Divers
Utilisation d’un site de réseautage social pour faire allusion à la présence ou à l’absence de députés à la Chambre
Débats, p. 1284-1285
Contexte
Le 24 mars 2010, Pierre Paquette (Joliette) invoque le Règlement pour signaler que Royal Galipeau (Ottawa–Orléans) s’est servi à plusieurs reprises du site de réseautage social Twitter pour divulguer le nombre exact de députés de chacun des partis présents à la Chambre, en mentionnant même le nom de certains députés qui étaient présents ou absents. M. Paquette rappelle une règle bien établie selon laquelle les députés ne peuvent pas faire indirectement ce qu’ils ne peuvent pas faire directement et soutient que si un député n’a pas le droit de faire des commentaires sur la présence ou l’absence de collègues à la Chambre, cela devrait aussi s’appliquer aux nouvelles technologies. Le Président prend l’affaire en délibéré[1]. Le 29 mars 2010, M. Galipeau demande la parole pour répondre au reproche dont il fait l’objet. Il cite l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes (éd. 2009), lequel énonce que le Président n’est pas habilité à rendre des décisions au sujet de déclarations faites en dehors de la Chambre, et ajoute que le réseau Twitter est effectivement en dehors de la Chambre. Faisant remarquer que la présence ou l’absence des députés constitue une information publique, et non privilégiée, il demande au Président de rejeter le rappel au Règlement[2].
Résolution
Le Président rend sa décision le 1er avril 2010. Bien qu’il comprenne l’inquiétude de M. Paquette, il affirme qu’il est impossible, pour la présidence, de surveiller l’utilisation d’appareils numériques que font les députés, par exemple en essayant de déterminer si des messages textes sont envoyés à partir de la Chambre ou non. Il ajoute que la présidence ne veut pas non plus changer l’usage de longue date selon lequel elle ne se prononce pas sur les déclarations faites à l’extérieur de la Chambre. Toutefois, il prie les députés de s’abstenir de faire des commentaires comme ceux dont il est question, en raison des répercussions possibles sur leurs collègues et sur la réputation de la Chambre. Enfin, soulignant la fréquence accrue des incidents relatifs aux technologies de réseautage social, le Président suggère que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre examine les questions liées à ces technologies et leurs conséquences sur la procédure de la Chambre et de ses comités.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 24 mars dernier par l’honorable député de Joliette concernant des allusions faites par le député d’Ottawa–Orléans sur le site de réseautage social Twitter à propos de la présence ou de l’absence de députés à la Chambre.
Je remercie l’honorable député de Joliette d’avoir soulevé la question ainsi que l’honorable député d’Ottawa–Orléans de son intervention du 29 mars dernier.
Lorsqu’il a invoqué le Règlement, l’honorable député de Joliette a informé la Chambre que les 11, 12, 18 et 19 mars derniers, l’honorable député d’Ottawa–Orléans avait affiché sur le site Twitter le nombre exact de députés de chaque parti présents à la Chambre, ainsi que le nom de certains députés qui étaient absents ou présents.
Soulignant l’usage bien établi voulant que les députés ne soient pas autorisés à faire allusion à la présence ou à l’absence de députés à la Chambre, et le fait qu’ils ne peuvent faire indirectement ce qu’ils ne peuvent faire directement, l’honorable député de Joliette a soutenu que ces règles devaient également s’appliquer aux députés qui utilisent les nouvelles technologies.
Le 29 mars 2010, le député d’Ottawa–Orléans a affirmé que le Président n’était pas habilité à rendre des décisions au sujet de déclarations faites en dehors de la Chambre, comme il est écrit dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 614. Il a soutenu que le site de réseautage social Twitter est en dehors de la Chambre et, qui plus est, que le leader à la Chambre du Bloc Québécois n’avait produit aucune preuve révélant que les renseignements publics en cause avaient été communiqués sur Twitter depuis le parquet de la Chambre ou la tribune.
En outre, il a fait observer que, contrairement à ce qu’a prétendu l’honorable député de Joliette, les renseignements affichés n’étaient pas confidentiels, mais bien publics. Il a conclu en réitérant que les députés étaient tenus de respecter la confidentialité des renseignements, mais qu’ils devraient avoir les mêmes droits que les autres citoyens quant à la diffusion de renseignements publics.
L’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, traite à quelques reprises de l’interdiction visant les allusions à la présence ou à l’absence de députés à la Chambre, notamment à la page 614, comme l’ont souligné les deux députés, et aussi aux pages 126, 127 et 213.
En particulier, j’aimerais attirer l’attention des députés sur le passage suivant, à la page 213 :
Assister aux séances de la Chambre lorsqu’elle siège est l’une des principales responsabilités du député sauf s’il est occupé à d’autres activités et fonctions parlementaires dont les séances des comités, le travail lié à la circonscription ou les échanges parlementaires. L’article 15 du Règlement énonce ainsi cette possibilité : « Vu les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada, tout député est tenu d’assister aux séances de la Chambre sauf s’il est occupé à d’autres activités et fonctions parlementaires ou à un engagement public ou officiel. » Le Président a toujours rappelé aux députés qu’ils ne devaient pas signaler l’absence d’un autre député car « les députés doivent être à bien des endroits, afin de bien remplir les devoirs de leur charge ».
Comme il est souvent rappelé aux députés, il est contraire à l’éthique parlementaire de faire allusion à la présence ou à l’absence d’autres députés à la Chambre, comme nous l’avons déjà vu aujourd’hui. La situation en l’espèce est quelque peu nouvelle et, bien que j’accepte le point de vue de l’honorable député de Joliette, je reconnais également la valeur des arguments avancés par l’honorable député d’Ottawa–Orléans. De toute évidence, il est impossible pour le Président de surveiller l’utilisation personnelle que font les députés d’appareils numériques, par exemple en essayant d’établir si certains messages textes ont été envoyés depuis la Chambre ou non. Le Président ne veut pas non plus changer l’usage de longue date selon lequel il ne se prononce pas sur les déclarations faites en dehors de la Chambre. Cela dit, il me semble toutefois que les déclarations comme celles en cause sont, à tout le moins, regrettables. Je recommanderais fortement aux députés de s’abstenir d’un tel comportement à l’avenir afin d’éviter, on le comprendra certainement, les répercussions possibles sur leurs collègues et sur la réputation de la Chambre.
J’aimerais profiter de l’occasion pour aborder la question plus générale de la façon dont les nouvelles technologies et les nouveaux outils remettent en cause nos usages et nos procédures. Ces technologies sont extrêmement utiles pour communiquer avec nos collègues, les électeurs et le public, mais il faut s’en servir à bon escient, principalement en raison de la vitesse à laquelle les textes et les images se répandent une fois qu’ils sont sur Internet.
À diverses reprises au cours des derniers mois, des députés se sont inquiétés de l’utilisation des nouvelles technologies dans le cadre des travaux de la Chambre et des comités. En fait, l’utilisation même du site de réseautage social Twitter a été remise en cause à la Chambre plusieurs fois, y compris dans le cas qui nous occupe. À titre d’exemple, les 20 et 27 octobre 2009 et de nouveau le 17 novembre 2009, des députés ont dû présenter leurs excuses à la Chambre pour des messages affichés sur Twitter.
Plus récemment, un article sur Facebook a préoccupé le député de Saskatoon–Humboldt quand une photographie de lui et une affirmation qui y était rattachée ont été affichées sur le populaire site de réseautage.
La Chambre et le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se sont déjà penchés sur certaines questions liées aux nouvelles technologies. Ainsi, en réponse à des interrogations sur la réutilisation de la diffusion sur le Web des délibérations, la Chambre a adopté, le 5 mars 2009, le huitième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, renforçant et élargissant ainsi la portée du message du Président imprimé à la dernière page des Débats qui autorise la reproduction et l’utilisation de la diffusion sur le Web des délibérations de la Chambre et de ses comités.
Étant donné la fréquence accrue des incidents relatifs aux technologies de réseautage social, je crois qu’il serait utile que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre examine les questions liées à ces technologies et leurs conséquences sur la procédure de la Chambre et des comités.
Je remercie les députés de leur attention.
Post-scriptum
Le 16 juin 2010, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dépose son 12e rapport sur les nouvelles technologies et leurs conséquences sur la procédure de la Chambre et de ses comités[3]. Le Comité y exhorte la Chambre à confirmer l’usage de longue date selon lequel les députés ne peuvent faire indirectement ce qu’ils n’ont pas le droit de faire directement, y compris lorsqu’ils se servent d’appareils technologiques quand ils sont dans la Chambre des communes ou l’un de ses comités. En outre, le Comité fait siennes les dispositions du Règlement ainsi que les procédures et usages acceptés régissant l’utilisation d’appareils technologiques et recommande à la présidence de les faire appliquer en s’en remettant à son propre jugement. Enfin, il lui recommande de faire parvenir à tous les députés un message écrit leur rappelant les dispositions du Règlement, les procédures et les usages portant sur l’utilisation d’appareils technologiques dans la Chambre et ses comités. Le rapport n’a pas été adopté.
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[1] Débats, 24 mars 2010, p. 879-880.
[2] Débats, 29 mars 2010, p. 1061-1063.