Le processus législatif / Forme des projets de loi
Projets de loi de voies et moyens : député qualifiant un paragraphe de délégation inappropriée d’une mesure législative subordonnée
Débats, p. 9047-9048
Contexte
Le 17 avril 2007, Derek Lee (Scarborough–Rouge River) invoque le Règlement pour contester la recevabilité du paragraphe 13(1) du projet de loi C-52, Loi d’exécution du budget de 2007, qui modifie la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à la réglementation de l’impôt des fiducies de revenu en prévoyant des taux d’imposition provisoires fondés sur les « précisions concernant la croissance normale » publiées par le ministère des Finances le 15 décembre 2006. M. Lee fait remarquer à la présidence l’absence de mesure correspondante dans une motion de voies et moyens. Il soutient que le gouvernement tente de soustraire aux règles de la Chambre sur l’examen parlementaire des mesures législatives subordonnées une mesure équivalant, pratiquement, à une délégation du pouvoir. De plus, estime-t-il, le projet de loi ne serait pas conforme aux propres règles du gouvernement en matière de rédaction législative. Le Président prend la question en délibéré[1]. Le 19 avril 2007, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique) prend la parole pour dire que la question soulevée par M. Lee relève du débat, puisqu’il n’existe aucune autorité en matière de procédure empêchant la Chambre de « légiférer ainsi ». Le Président annonce qu’il continuera d’étudier la question[2].
Résolution
Le Président rend sa décision le 3 mai 2007. Il rappelle aux députés que son rôle se limite à assurer le respect des règles de procédure et des usages, avant de préciser que les questions éventuelles ou les difficultés concernant l’interprétation ou l’application ultérieure des projets de loi dont la Chambre est saisie sont des questions de droit et qu’il ne revient pas au Président d’y répondre ou de les résoudre. Il ajoute que la nature juridique des « précisions concernant la croissance normale » publiées par le ministère des Finances et mentionnées au paragraphe 13(1) du projet de loi, ainsi que le pouvoir du ministre de publier de telles précisions ne relèvent pas non plus de la présidence. Il fait aussi remarquer qu’il n’appartient pas au Président de se prononcer sur la conformité du gouvernement à ses propres règles de rédaction législative. En ce qui concerne les motions de voies et moyens et les projets de loi fondés sur de telles motions, il convient que la disposition contestée du paragraphe 13(1) du projet de loi C-52 ne figure pas dans la motion de voies et moyens no 10, à laquelle a renvoyé M. Lee, mais qu’elle figure dans la motion de voies et moyens no 20, déposée le 27 mars et adoptée le 28 mars 2007. Étant donné que le libellé du projet de loi correspond fidèlement à celui de la motion, il déclare le projet de loi entièrement conforme au Règlement. Il affirme n’avoir relevé aucune irrégularité procédurale et conclut donc à la recevabilité du paragraphe 13(1) ainsi que du projet de loi C-52 dans son ensemble.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable député de Scarborough–Rouge River le 17 avril 2007 au sujet de la recevabilité, sur le plan de la procédure, du projet de loi C-52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007.
J’aimerais remercier l’honorable député de Scarborough–Rouge River d’avoir soulevé cette question, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes de son intervention.
Lors de son rappel au Règlement, le député de Scarborough–Rouge River a demandé à la présidence de juger que le projet de loi C-52 ne pouvait être soumis à la Chambre en raison de la présence, au paragraphe 13(1) du projet de loi, d’une disposition modifiant l’alinéa 122.1(2)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Si elle était adoptée, cette disposition réglementerait l’imposition des fiducies de revenu existantes pendant une période de transition en prévoyant des taux d’imposition provisoires fondés sur les « précisions concernant la croissance normale » publiées par le ministère des Finances le 15 décembre 2006.
L’honorable député a attiré l’attention de la présidence sur l’absence d’une mesure correspondante dans la motion de voies et moyens déposée le 31 octobre 2006, la motion de voies et moyens no 9.
En relisant l’intervention du député de Scarborough–Rouge River, il m’est apparu qu’il devait en fait faire référence à la motion de voies et moyens no 10, déposée le 2 novembre et adoptée le 7 novembre 2006, étant donné que la motion de voies et moyens no 9 se trouve encore au Feuilleton et n’a pas été adoptée.
Cela dit, le député a raison lorsqu’il souligne que la motion à laquelle il fait référence prévoit une exemption transitoire applicable aux fiducies de revenu existantes, mais qu’elle ne fait nullement mention d’un protocole fondé sur les « précisions concernant la croissance normale », protocole mentionné ultérieurement au paragraphe 13(1) du projet de loi.
Décrivant ces « précisions concernant la croissance normale » comme n’étant rien de plus qu’un simple communiqué de presse, le député a qualifié les effets de cette disposition de « délégation du pouvoir de prendre des décrets-lois, ni par règlement, ni par directive ministérielle, mais par communiqué de presse ».
Il s’est inquiété de la possibilité, mentionnée dans le communiqué de presse du ministre, que des critères qui ne sont pas énoncés dans le projet de loi puissent être invoqués après l’entrée en vigueur de ce dernier pour annuler l’application du report d’impôt de certaines fiducies de revenu. Il a déclaré que cette situation se traduirait par l’imposition d’un fardeau fiscal supplémentaire non prévu par la loi.
L’honorable député a poursuivi en citant plusieurs textes faisant autorité, dont la Loi sur les textes réglementaires, pour soutenir sa thèse selon laquelle le paragraphe 13(1) du projet de loi tente, sans le dire expressément, de soustraire un texte de législation déléguée à l’examen parlementaire du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation.
Finalement, le député a déclaré que le paragraphe 13(1) ne respectait pas les lignes directrices en matière de rédaction du gouvernement, en particulier les normes s’appliquant à la prise de textes de législation déléguée établies dans l’ouvrage Lois et règlements : L’Essentiel, publié par le Bureau du Conseil privé. Il a conclu en invitant la présidence à déclarer invalide le paragraphe 13(1) du projet C-52.
L’honorable leader du gouvernement à la Chambre a répondu au rappel au Règlement le 19 avril. Sur la question de savoir si le paragraphe 13(1) avait été inclus dans une motion de voies et moyens adoptée précédemment, il a attiré l’attention de la présidence sur la motion de voies et moyens no 20, adoptée par la Chambre le 28 mars, affirmant que cette motion comportait la disposition en question.
En réponse à l’argument voulant que le paragraphe 13(1) du projet de loi prévoie la délégation non autorisée du droit de prendre des textes de législation déléguée, il a déclaré que la disposition en question ne contrevient pas à la procédure de cette Chambre et que cette question relève donc du débat. Il a ajouté que le même principe s’applique à la question de la conformité du projet de loi aux règles de rédaction du gouvernement.
L’honorable leader du gouvernement à la Chambre a aussi noté qu’il n’est pas inhabituel, dans les projets de loi, de prévoir des textes de législation déléguée qui ne sont pas assujettis à la Loi sur les textes réglementaires.
J’ai étudié cette question avec attention, étant donné la complexité des points soulevés. Comme je l’ai fait à maintes reprises par le passé, je rappelle aux honorables députés que mon rôle en tant que Président se limite à assurer le respect des règles de procédure et des usages de la Chambre. Les questions éventuelles ou les difficultés concernant l’interprétation ou l’application ultérieure des projets de loi dont est saisie la Chambre sont des questions de droit et il ne revient pas au Président d’y répondre ou de les résoudre.
Par ailleurs, la nature juridique des « précisions concernant la croissance normale » publiées par le ministère des Finances le 15 décembre 2006, dont il est fait mention au paragraphe 13(1) du projet de loi, ainsi que le pouvoir du ministre de publier de telles précisions ne relèvent pas non plus de la présidence. Ce qui entre ou non dans la définition de « texte réglementaire » est en effet une question de droit et non de procédure.
Nos usages prévoient que le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation doit vérifier si le gouvernement applique « les principes et usages à observer dans la définition des pouvoirs permettant aux délégués du Parlement de faire des règlements ». Cette citation est tirée de la page 689 de La procédure et les usages de la Chambre des communes.
Toutefois, il n’appartient pas au Président de se prononcer sur ces questions ou d’évaluer le degré de conformité du gouvernement à ses propres règles de rédaction législative. En outre, je ne vois aucune objection, sur le plan de la procédure, à faire renvoi dans un projet de loi à des documents qui ne sont pas assujettis au contrôle de la Chambre ou de ses comités. Il appartient à la Chambre de décider s’il y a lieu d’adopter, de modifier ou de rejeter de telles dispositions.
En ce qui concerne le rapport entre les motions de voies et moyens et les projets de loi fondés sur les dispositions qu’elles renferment, je crois qu’il serait utile de citer le passage suivant de La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 760 :
On peut libeller les motions de voies et moyens en termes très généraux ou de façon très précise, par exemple sous forme d’avant-projet de loi. Dans l’un ou l’autre cas, elles fixent des limites à la portée — plus précisément, les taux d’imposition et leur application — des mesures législatives qu’elles proposent.
Ce principe est réitéré au paragraphe 83(4) du Règlement qui prévoit notamment que :
L’adoption de toute motion des voies et moyens constitue un ordre en vue du dépôt d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions que renferme ladite motion […]
Après un examen attentif des motions de voies et moyens pertinentes, la présidence convient que la disposition contestée du paragraphe 13(1) du projet de loi C-52 ne figure pas dans la motion de voies et moyens no 10 à laquelle a renvoyé le député de Scarborough–Rouge River et qui a été déposée le 2 novembre et adoptée le 7 novembre 2006.
Par contre, comme l’a indiqué l’honorable leader du gouvernement à la Chambre, cette disposition figure dans la motion de voies et moyens no 20 déposée le 27 mars et adoptée le 28 mars 2007. Le projet de loi C-52 est fondé sur la motion de voies et moyens no 20. Étant donné que le libellé du projet de loi correspond fidèlement à celui de la motion, la présidence doit conclure que le projet de loi est entièrement conforme aux exigences du paragraphe 83(4) du Règlement.
Les autres points que le député de Scarborough–Rouge River a soulevés — d’une façon intéressante et convaincante — lors de son rappel au Règlement se rapportent au fond du projet de loi et à des questions juridiques connexes et non à des aspects d’ordre procédural. Bien que ces points soient susceptibles d’intéresser les députés au cours de l’étude du projet de loi C-52, ils ne relèvent pas de la présidence.
Pour conclure, la présidence n’a relevé aucune irrégularité procédurale dans le cas qui nous occupe. La disposition 13(1) du projet de loi ainsi que le projet de loi C-52 dans son ensemble sont en règle, et celui-ci peut aller de l’avant dans son état actuel.
Je tiens à remercier encore une fois l’honorable député de Scarborough–Rouge River de la vigilance dont il a fait preuve en portant ces questions à l’attention de la Chambre.
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[1] Débats, 17 avril 2007, p. 8308-8310.
[2] Débats, 19 avril 2007, p. 8454-8456.