Les procédures financières / Travaux des subsides
Motions de l’opposition : recevabilité; application de la convention sur la confiance
Débats, p. 3754
Contexte
Le 6 mars 2008, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement au commencement du débat sur une motion de l’opposition inscrite au Feuilleton au nom de Maria Minna (Beaches–East York) pour contester sa recevabilité. La motion se termine en ces termes : « […] la Chambre condamne les choix irresponsables et intéressés, faits le 28 novembre 2005 par le Nouveau Parti démocratique et le Bloc Québécois, qui ont mené à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement hostile aux droits et aux besoins des Canadiens les plus vulnérables. » Le leader du gouvernement à la Chambre soutient qu’une motion de l’opposition ne peut remettre en cause le comportement d’un parti de l’opposition et que l’emploi du mot « condamne » met en jeu la convention sur la confiance[1]. Le Président prend la question en délibéré et autorise la tenue du débat sur la motion[2].
Résolution
Le Président rend sa décision le jour même. Il déclare que, comme le Règlement prévoit que les motions de l’opposition peuvent porter sur toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada et que les députés jouissent d’une grande latitude pour les motions de l’opposition présentées les jours désignés, la présidence hésite beaucoup à intervenir, à moins que la motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière. En ce qui concerne le mot « condamne » et la convention sur la confiance, il déclare que les questions de confiance ne relèvent pas de la procédure parlementaire et qu’elles ne peuvent être tranchées par la présidence. Il décide donc de permettre à la Chambre de poursuivre le débat sur la motion.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé plus tôt aujourd’hui par l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes, qui allègue l’irrecevabilité de la motion de l’opposition qui fait présentement l’objet d’un débat et qui est inscrite au nom de l’honorable députée de Beaches–East York.
Le leader du gouvernement à la Chambre a présenté divers arguments, mais il a mis l’accent sur deux principaux éléments. Premièrement, il a soutenu qu’une motion présentée une journée de l’opposition ne peut pas remettre en cause la conduite d’un parti de l’opposition et, deuxièmement, il a laissé entendre que l’utilisation du mot « condamner » à l’endroit d’un parti de l’opposition met en jeu la convention sur la confiance et toutes ses conséquences pour le parti visé.
Sur le premier point, la présidence hésite beaucoup à intervenir compte tenu du fait qu’il est clairement établi au paragraphe 81(13) du Règlement et à la page 724 de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes que de telles motions peuvent porter sur « toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada » et que le Règlement « donne énormément de latitude aux députés pour les motions de l’opposition présentées lors des jours consacrés à l’étude des subsides et à moins que la motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière (c’est-à-dire qu’on ne puisse réellement pas soutenir, du point de vue de la procédure, qu’elle est recevable), la présidence n’intervient pas ».
Comme je l’avais mentionné à l’occasion d’une décision rendue le 29 mars 2007 :
Les interventions de la présidence ont, par conséquent, été rares dans le passé et se sont limitées aux cas où une motion était « nettement et indubitablement irrégulière ». À ce sujet, le Président Fraser a déclaré qu’« on ne peut porter atteinte à la liberté de choix du sujet à débattre pendant une journée [de l’]opposition, si ce n’est pour les motifs les plus graves et les moins contestables, sur le plan de la procédure ». On trouvera cette citation à la page 6820 des Débats, le 8 juin 1987.
La mention, par le leader du gouvernement à la Chambre, d’une décision rendue en 1983 est intéressante, mais il s’agit d’une autre époque lorsque tout le monde, même les ministériels, pouvait proposer des amendements aux motions débattues les journées de l’opposition. Dans le cas mentionné, il s’agissait d’une motion du Parti progressiste-conservateur à laquelle le Nouveau Parti démocratique avait proposé un amendement qui ne respectait pas le Règlement, car il ne portait pas sur une « question relevant de la compétence du Parlement du Canada ».
Évidemment, l’article 85 du Règlement, qui exige le consentement du motionnaire pour accepter un amendement, rend maintenant ce genre de manoeuvre impossible. Dans le cas qui nous occupe, il semble déraisonnable d’appliquer le précédent de 1983 à une motion qui a clairement pour thème central une question qui relève nettement de la compétence du Parlement du Canada.
La présidence reconnaît cependant qu’elle doit demeurer vigilante à cet égard. Comme je l’avais indiqué dans la décision rendue en mars 2007 citée plus tôt, les motions de l’opposition servaient à l’origine à « exprimer [d]es doléances avant d’adopter des crédits servant à financer le programme de la Couronne ». J’avais par la suite indiqué que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pourrait souhaiter revoir les dispositions pertinentes du Règlement afin de déterminer s’il y a lieu d’en réviser le libellé pour mieux exprimer leur intention première.
Près d’une année s’est écoulée depuis la formulation de cette suggestion et je me permets de la répéter aujourd’hui.
Quant au deuxième point soulevé par le leader du gouvernement à la Chambre, soit l’utilisation du mot « condamner » et son importance, la présidence a beaucoup moins de sympathie pour l’argument présenté. Je renvoie la Chambre à la page 37 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, où on lit :
Ce qui constitue une question engageant la confiance à l’endroit du gouvernement varie selon les circonstances. Ces questions de confiance ne relèvent pas de la procédure parlementaire, pas plus qu’elles ne peuvent être tranchées par le Président.
Cela me paraît plutôt concluant et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d’utile.
Par conséquent, pour les motifs que je viens d’évoquer, la présidence permet la poursuite du débat sur la motion. Je remercie les députés de leur attention.
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[1] Débats, 6 mars 2008, p. 3707-3708.