Les procédures financières / Travaux des voies et moyens
Budget : annonces faites à l’extérieur de la Chambre
Débats, p. 4368-4369
Contexte
Le 26 février 2003, Loyola Hearn (St. John’s-Ouest) invoque le Règlement. Il accuse John Manley (ministre des Finances) d’avoir négligé d’informer la Chambre de changements qui seraient survenus à la politique budgétaire du gouvernement depuis le dépôt du budget à la Chambre, le 18 février 2003[1]. M. Hearn soutient que Jean Chrétien (premier ministre) a fait à l’extérieur de la Chambre une annonce contredisant l’exposé budgétaire au sujet de la politique et du financement des Jeux olympiques et affirme que si le gouvernement a décidé de modifier le budget, le ministre aurait dû en informer la Chambre. M. Hearn demande que tout vote sur la motion de budget soit précédé d’une déclaration d’un ministre informant la Chambre des modifications apportées par le gouvernement à sa politique budgétaire[2]. Après avoir entendu un autre député, le Président prend la question en délibéré.
Résolution
Le Président rend sa décision le 18 mars 2003. Il explique qu’aucune règle de procédure n’oblige le ministre des Finances à faire un discours du budget ni à présenter des documents à l’appui d’un tel discours. Il ajoute que même si les obligations qu’imposent les règles touchant aux mesures législatives à caractère financier sont strictes, elles n’ont pas d’incidence sur la façon dont le gouvernement établit ses objectifs en matière de politiques. Il conclut que le fait que les documents à l’appui du discours ne soient plus tout à fait exacts ne suffit pas à remettre en question le droit de la Chambre de poursuivre l’étude de la motion sur le budget.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le député de St. John’s-Ouest le 26 février dernier au sujet d’un changement apporté à la politique budgétaire du gouvernement. Je tiens à remercier le député de St. John’s-Ouest d’avoir porté cette question à l’attention de la présidence, ainsi que le leader du gouvernement à la Chambre pour ses commentaires à cet égard.
Le député de St. John’s-Ouest a fait allusion à une déclaration du premier ministre rapportée dans les médias. Il a soutenu que les citations attribuées au premier ministre contredisent la politique budgétaire du gouvernement établie par le ministre des Finances le 18 février dernier. Le député a souligné qu’aucun avis officiel de modification du budget n’a été présenté à la Chambre et que, par conséquent, le gouvernement ne peut demander aux députés de voter sur la motion « Que la Chambre approuve la politique budgétaire générale du gouvernement », qui paraît au Feuilleton comme poste no 2 de la rubrique Voies et moyens. Le député soutient qu’on ne peut exiger de la Chambre qu’elle prenne une décision relativement à cette motion avant que le gouvernement n’ait clarifié sa position et pris les mesures nécessaires pour modifier officiellement le budget.
La présidence est pleinement consciente de la gravité des interventions qui ont trait au budget. Le Président a la responsabilité toute particulière de veiller au respect des procédures et des usages quant aux procédures financières, et de s’assurer que rien ne contrevienne aux privilèges traditionnels de la Chambre en la matière.
Je crois utile de mettre en contexte les usages de la Chambre des communes en matière de budget. Je souligne que la présidence est consciente de la controverse que soulève présentement cette question à l’Assemblée législative de l’Ontario et je ne voudrais pas que les remarques qui suivent soit interprétées comme visant la situation actuelle à Queen’s Park. La présidence ne souhaite pas s’immiscer dans des questions qui relèvent d’une autre autorité législative.
Les règles de la Chambre des communes prévoient la présentation du budget par le ministre des Finances, et les usages relatifs à cette présentation sont bien ancrés dans notre procédure parlementaire. Pourtant, à strictement parler, nos règles n’imposent pas au ministre l’obligation de faire un discours du budget et aucune procédure n’impose la présentation de documents à l’appui de ce discours. Autrement dit, tant le discours du budget que le dépôt de documents d’information sont des actes que le gouvernement pose volontairement.
Dans le cas qui nous occupe, le député de St. John’s-Ouest conteste la divergence apparente entre un passage du document intitulé « Le plan budgétaire de 2003 », déposé par le ministre des Finances le 18 février, et des déclarations faites par le premier ministre à l’extérieur de la Chambre.
Ce passage se lit comme suit :
[…] le présent budget prévoit un investissement de 10 millions au cours des deux prochains exercices pour appuyer davantage les meilleurs athlètes canadiens, au cas où la candidature de Vancouver pour les Jeux olympiques d’hiver de 2010 serait acceptée.
Les médias indiquent que cette condition serait levée mais aucune déclaration à cet effet n’a été faite à la Chambre.
Ni le député de St. John’s-Ouest ni les médias ne suggèrent que cette divergence entraîne une situation où la Chambre serait délibérément induite en erreur. La question qui se pose ici est de savoir si notre procédure exige qu’une déclaration à la Chambre soit faite pour corriger ou expliquer cette divergence.
La procédure et les usages de la Chambre des communes précise, à la page 379, et je cite :
Rien n’oblige un ministre à faire une déclaration à la Chambre. La décision d’un ministre d’annoncer quelque chose en dehors de la Chambre au lieu de faire une déclaration à la Chambre pendant les Affaires courantes a donné lieu à des questions de privilège, mais la présidence a toujours jugé sans fondement les allégations d’atteinte au privilège.
Le gouvernement peut modifier ses politiques à tout moment et de la façon dont il l’entend. Les obligations qu’imposent nos règles touchant aux mesures législatives à caractère financier sont strictes mais n’ont pas d’incidence sur la façon dont le gouvernement établit ses objectifs en matière de politiques. Le fait que les documents d’information ne soient plus tout à fait exacts ne suffit pas à remettre en question le droit qu’a la Chambre de poursuivre l’étude de la motion sur le budget. Par conséquent, j’en conclus que, dans le cas présent, il n’y a pas eu violation de nos règles et usages.
J’aimerais également apporter une précision quant aux avis de motion de voies et moyens déposés par le ministre des Finances le jour du budget. Le paragraphe 83(4) du Règlement exige que toute mesure législative habilitante à caractère financier présentée à la Chambre soit fondée sur le libellé de ces motions, dans la version qui a été adoptée. Si, à la suite d’une modification de la politique, le gouvernement souhaite proposer une loi différente de celle qu’il envisageait de présenter auparavant, il devra déposer un nouvel avis de motion de voies et moyens. Néanmoins, à l’heure actuelle, la Chambre ne semble pas être dans une situation nécessitant la présentation d’un nouvel avis.
La question que le député de St. John’s-Ouest a portée à l’attention de la Chambre vise une modification apparente à la politique établissant les modalités de financement des meilleurs athlètes canadiens.
Les députés qui souhaitent obtenir des éclaircissements sur la façon dont le gouvernement entend financer les athlètes amateurs disposent de divers moyens, notamment le débat sur le budget et la période des questions orales. Entre-temps, j’en arrive à la conclusion que notre procédure n’exige pas du gouvernement qu’il dépose à la Chambre des documents révisés reflétant la modification de sa politique.
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[1] Journaux, 18 février 2003, p. 431-432.
[2] Débats, 26 février 2003, p. 4041-4042.