Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les procédures financières / Travaux des voies et moyens

Phase législative : recevabilité; motion portant mise en œuvre de certaines dispositions du budget

Débats, p. 4109-4110

Contexte

Le 11 mars 2008, Jim Flaherty (ministre des Finances) donne avis de la motion de voies et moyens no 10 tendant à mettre en œuvre certaines dispositions du budget présenté le 26 février 2008 et à promulguer des dispositions visant à préserver le plan financier établi dans ce budget. Le ministre ajoute que la motion est libellée de façon à protéger le cadre financier du Canada contre les effets du projet de loi C-253, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déductibilité des cotisations à un REEE), adopté par la Chambre le 5 mars 2008. Dan McTeague (Pickering–Scarborough-Est) invoque immédiatement le Règlement pour contester la recevabilité de la motion de voies et moyens, arguant qu’elle demande à la Chambre de se prononcer sur une affaire sur laquelle elle a déjà voté. Le lendemain, 12 mars 2008, M. McTeague et d’autres députés affirment que la motion est irrecevable parce qu’elle tend à mettre en œuvre une mesure qui ne découle pas du budget et que le fait de laisser le gouvernement se servir du processus des voies et moyens pour annuler un projet de loi d’initiative parlementaire porterait atteinte aux droits de tous les députés. Le Président prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 13 mars 2008. En ce qui concerne l’argument selon lequel la motion contient des dispositions touchant le projet de loi C-253 qui ne sont pas prévues dans le budget, il cite plusieurs sources sûres confirmant qu’il n’existe pas nécessairement de lien entre le discours du budget et les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens déposées à une date ultérieure. Ainsi, il conclut que la motion ne pose pas de problème du point de vue de la procédure. Il statue également que la motion ne demande pas à la Chambre de se prononcer de nouveau sur le même sujet au cours de la même session, citant d’autres occasions où un projet de loi abrogeait des dispositions d’une loi déjà modifiée par un autre projet de loi adopté par la Chambre au cours de la même session. En ce qui concerne l’argument selon lequel ce processus a une incidence sur l’étude des initiatives parlementaires en tant qu’élément des travaux de la Chambre ou sur le droit des simples députés de proposer des initiatives, le Président signale que ce n’est pas à la présidence mais bien à la Chambre de trancher ces questions. Pour ces raisons, le Président statue que la motion de voies et moyens no 10 est recevable sous sa forme actuelle.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement effectué le 11 mars par le député de Pickering–Scarborough-Est au sujet de la recevabilité de la motion de voies et moyens portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget, motion dont le ministre des Finances a donné avis ce jour-là.

Je voudrais remercier le député de Pickering–Scarborough-Est d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre et de l’intervention qu’il a faite par la suite. Je remercie aussi le député de Markham–Unionville, le leader du gouvernement à la Chambre et le leader parlementaire du Bloc Québécois pour leurs contributions à cet égard.

Lors de son intervention, le député de Pickering–Scarborough-Est a soutenu que la motion de voies et moyens no 10, inscrite au Feuilleton au nom du ministre des Finances, visait à faire en sorte que la Chambre décide d’une mesure ayant déjà fait l’objet d’un vote.

Ce vote s’est déroulé le 5 mars dernier, lors de l’adoption du projet de loi C-253, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déductibilité des cotisations à un REEE). À cet égard, le député de Markham–Unionville a ajouté que la motion de voies et moyens no 10, qui comprend des dispositions relatives au projet de loi C-253, visait à mettre en œuvre une mesure qui n’est pas prévue dans le plus récent budget, ce qui, selon lui, a pour effet d’élargir les paramètres habituels des motions de voies et moyens d’exécution du budget.

De plus, il soutient qu’il s’agit d’une façon détournée de court-circuiter les droits dont les simples députés disposent aux termes des règles encadrant cette catégorie d’affaires.

Par souci de clarté, je dois rappeler à la Chambre que le rappel au Règlement porte sur les dispositions 45 à 48 de la motion de voies et moyens no 10. Il s’agit de modifications conditionnelles visant à modifier ou à abroger les modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu contenues dans le projet de loi C-253, si jamais ce projet de loi obtenait la sanction royale. Ces dispositions de la motion de voies et moyens ont pour objet de « protéger le cadre financier du Canada », comme l’a expliqué le ministre des Finances à la page 3971 des Débats.

Le leader du gouvernement à la Chambre a affirmé que la vaste portée de la motion de voies et moyens no 10 et le vaste éventail de mesures fiscales et financières qu’elle vise à mettre en oeuvre montrent clairement que la motion est fondamentalement différente du projet de loi C-253 et qu’elle devrait par conséquent être jugée recevable.

Pour appuyer ses arguments, il a cité diverses autorités en matière de procédure. Je reviendrai sur certaines d’entre elles plus loin dans cette décision.

Je vais d’abord répondre à l’argument selon lequel l’inclusion de dispositions concernant le projet de loi C-253 dans la motion de voies et moyens no 10 ne respecte pas nos conventions en ce qui concerne le contenu de ce genre de motion.

La présidence désire rappeler à la Chambre qu’il n’existe pas nécessairement de lien entre le discours du budget et les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens déposées à une date ultérieure. Comme on peut le lire à la page 748 de l’ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Alors qu’un budget est normalement suivi d’un projet de loi de voies et moyens, un tel projet de loi n’a pas à être précédé d’un exposé budgétaire. En règle générale, on peut présenter des mesures fiscales à n’importe quel moment d’une session, la seule condition préalable étant l’adoption d’une motion de voies et moyens.

À la page 759 du Marleau et Montpetit, on peut lire ceci :

L’adoption d’une motion de voies et moyens constitue un ordre de la Chambre en vue du dépôt d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions de cette motion, ou du dépôt d’un ou de plusieurs amendements à un projet de loi déjà soumis à la Chambre.

Dans la note en bas de page, on donne des exemples de 1971, 1973 et 1997.

De plus, dans le cas qui nous occupe, il faut faire remarquer que le titre de la motion de voies et moyens no 10 dit clairement qu’elle ne fait pas que porter exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008, mais qu’elle vise aussi à :

[édicter] des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget.

À cet égard, c’est-à-dire en ce qui concerne l’objection selon laquelle la motion contient des dispositions qui n’étaient pas contenues dans le Budget, la présidence doit conclure que la motion de voies et moyens no 10 ne pose pas de problème du point de vue de la procédure.

Passons maintenant à l’argument selon lequel la décision de la Chambre d’adopter le projet de loi C-253 à l’étape de la troisième lecture doit être maintenue puisqu’on ne peut pas demander à la Chambre de se prononcer de nouveau sur le même sujet au cours de la même session.

La présidence désire rappeler aux députés que, bien qu’une partie de la motion de voies et moyens no 10 porte sur le projet de loi C-253, la question sur laquelle la Chambre sera appelée à se prononcer aujourd’hui, en supposant que ce sera aujourd’hui, n’est pas la même que celle sur laquelle elle a donné son accord le 5 mars 2008 lorsqu’elle a adopté le projet de loi à l’étape de la troisième lecture.

À cet égard, la présidence a trouvé un certain nombre d’exemples où un projet de loi abrogeait des dispositions d’une loi déjà modifiée par un autre projet de loi adopté par la Chambre au cours de la même session.

Par exemple, au cours de la première session de la 38e législature, le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur Téléfilm Canada et une autre loi en conséquence, et le projet de loi C-43, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 février 2005, proposaient tous deux de modifier le paragraphe 85(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Il y a aussi des exemples de projets de loi qui sont étudiés simultanément même si certaines de leurs dispositions dépendent l’une de l’autre.

Comme l’a mentionné le leader du gouvernement à la Chambre, le Président Lamoureux a rendu une décision sur une situation semblable le 24 février 1971, comme on peut le voir à la page 3712 des Débats. Il a dit ceci :

À mon sens, rien dans la procédure ne s’oppose à ce que la Chambre soit saisie en même temps de bills apparentés ou connexes qui pourraient se contredire l’un l’autre à cause des termes mêmes des projets de loi [ou] des amendements proposés.

Les propos qu’on trouve à la page 580 de la 23e édition de l’ouvrage d’Erskine May viennent appuyer cette décision. On y dit ceci :

Il n’y a pas de règle interdisant qu’on modifie ou qu’on abroge une loi de la même session.

Les arguments les plus convaincants sont les décisions rendues par le Président Fraser le 8 juin 1988, aux pages 16252 à 16258 des Débats, et le 28 novembre 1991, aux pages 5513 et 5514, décisions que le leader du gouvernement à la Chambre a citées. Ces décisions viennent clairement appuyer l’opinion selon laquelle le cheminement de tout projet de loi découlant de la motion de voies et moyens no 10 dépend de la Chambre.

Comme le Président Fraser l’a dit le 28 novembre 1991 :

Le processus législatif donne aux députés de nombreuses occasions pour amender les mesures proposées, soit au moment de l’étude détaillée au comité, soit à l’étape du rapport à la Chambre.

Pour ce qui est de déterminer si ce processus a une incidence sur l’étude des initiatives parlementaires en tant qu’élément des travaux de la Chambre ou en fait sur le droit des simples députés de proposer des initiatives, je dois signaler que ce n’est pas au Président mais bien à la Chambre de trancher ces questions.

Pour les raisons susmentionnées, la présidence est d’avis que la motion de voies et moyens no 10, déposée par le ministre des Finances, est recevable sous sa forme actuelle.

Encore une fois, je remercie le député de Pickering–Scarborough-Est d’avoir soulevé cette question.

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[1] Débats, 12 mars 2008, p. 4050-4055.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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