Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les procédures financières / Mandats spéciaux du gouverneur général

Dépenses de fonctionnement

Débats, p. 7220-7221

Contexte

Le 5 juin 2003, John Williams (St. Albert) invoque le Règlement sous prétexte que le gouvernement n’a plus le pouvoir de faire des paiements à titre gracieux dans le cadre du Programme d’allocation pour frais de chauffage, comme il l’a fait en janvier 2001, date où il avait versé plus de 1,4 milliard de dollars[1]. Il déclare que les paiements continuent d’être versés malgré l’expiration du mandat spécial accordé par le gouverneur général à la fin de mars 2001, conformément au paragraphe 30(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il demande donc au Président de réduire le crédit en question du Budget principal des dépenses. Le 11 juin 2003, Elinor Caplan (ministre du Revenu national) répond que les allocations destinées au Programme ont été approuvées par le Parlement et inscrites sous le crédit 1 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada — Dépenses de fonctionnement, en vertu de deux mandats spéciaux du gouverneur général. Elle avance que rien ne justifie de réduire ce crédit, puisque le paragraphe 60(1) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada permet de reporter les sommes inutilisées du crédit 1 à l’exercice suivant et que ces fonds reportés sont les premiers utilisés dans le nouvel exercice, tant et aussi longtemps qu’ils servent à des fins de fonctionnement. Elle fait aussi remarquer qu’il s’agit de paiements à titre gracieux inscrits au crédit 1 et, qu’à ce titre, ils n’exigent pas l’approbation ou l’autorisation explicite du Parlement[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 12 juin 2003. Il explique que les mandats spéciaux doivent être approuvés par le Parlement et que les fonds ainsi obtenus s’appliquent uniquement à l’exercice au cours duquel ils ont été accordés. Il signale qu’il existe une exception en ce que les crédits affectés à l’Agence des douanes et du revenu du Canada le sont pour deux ans, conformément à la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Il souligne aussi que c’est cette disposition de report qui autorise l’Agence à faire des paiements au cours des exercices 2000-2001 et 2001-2002. Le Président accepte également l’explication de la ministre, selon laquelle les paiements versés en 2002-2003 et au cours des exercices subséquents seraient des paiements à titre gracieux, qui ne requièrent pas l’approbation expresse du Parlement, puisqu’ils proviendraient de fonds autorisés dans le cadre du crédit 1 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada — Dépenses de fonctionnement. Le Président déclare le rappel au Règlement non fondé. Il se dit également inquiet de la difficulté persistante qu’ont les députés à obtenir des renseignements exhaustifs et exacts dans le Budget des dépenses. C’est pourquoi il recommande que les comités chargés de superviser le processus budgétaire examinent de plus près la nature des données fournies aux députés dans les documents budgétaires.

Décision de la présidence

Le Président : Je vais maintenant rendre ma décision sur le rappel au Règlement fait par le député de St. Albert le 5 juin 2003 au sujet du financement pluriannuel des allocations pour frais de chauffage. Je tiens à remercier le député d’avoir soulevé la question et la ministre du Revenu national des renseignements qu’elle a fournis le 11 juin 2003 pour aider la présidence à statuer.

Lorsqu’il a exposé le sujet de son rappel au Règlement, le député de St. Albert a signalé qu’en janvier 2001, le gouvernement avait versé au-delà de 1,4 milliard de dollars en allocations pour frais de chauffage. Comme l’affaire est plutôt complexe, il est utile que je fasse pour la Chambre une chronologie assez détaillée des événements qui ont amené le député à invoquer le Règlement.

Le gouvernement a annoncé pour la première fois son intention de verser des allocations pour frais de chauffage dans son exposé budgétaire du 18 octobre 2000. Suite aux élections générales qui ont eu [lieu][3] en novembre 2000, le gouvernement a financé les premières allocations au moyen de mandats spéciaux de la gouverneure générale. Ces mandats ont pour unique fonction de permettre au gouvernement de financer sans attendre des activités urgentes pendant la période de vacance du pouvoir qui sépare les législatures et au cours de laquelle il ne peut demander au Parlement d’approuver des crédits. Les mandats spéciaux de la gouverneure générale lui fournissent alors un moyen provisoire de surmonter cette difficulté.

Les députés peuvent trouver une description détaillée de l’usage fait de ces mandats aux pages 747 et 748 de La procédure et les usages de la Chambre des communes.

Dès que la législature nouvellement élue commence à siéger, les mandats spéciaux qui ont été délivrés au gouvernement doivent être soumis à l’approbation du Parlement. Dans le cas qui nous occupe, ils ont été déposés à la Chambre le 12 février 2001. Il serait inutile que j’expose chaque détail de la procédure qui régit l’usage des mandats spéciaux de la gouverneure générale, mais je tiens à signaler deux choses. Premièrement, les fonds que le gouvernement obtient en vertu de ces mandats doivent par la suite être approuvés par la Chambre dans le cadre du processus budgétaire habituel. Ceux qui lui ont été accordés en vertu des mandats spéciaux du 13 décembre 2000 et des 9 et 23 janvier 2001 étaient visés dans la Loi de crédits adoptée à la Chambre le 20 mars 2001.

Deuxièmement — et le député de St. Albert a insisté sur ce point dans son exposé —, les fonds ainsi obtenus ne peuvent être employés qu’au cours de l’exercice pour lequel ils sont accordés. Le fait qu’ils soient obtenus par mandat spécial ne les soustrait pas à l’application du principe fondamental de notre procédure financière selon lequel les crédits sont affectés pour une année seulement et ne peuvent pas être dépensés au-delà de la fin de l’exercice pour lequel ils ont été approuvés.

Or, bien que les fonds approuvés l’aient été pour l’exercice se terminant le 31 mars 2001, le député de St. Albert a signalé que 42,2 millions de dollars avaient été affectés aux allocations pour frais de chauffage en 2001-2002 et 13 millions de dollars de plus, en 2002-2003.

De plus, à sa séance du 12 mai 2003, le Comité permanent des comptes publics a appris du témoin qui représentait le Conseil du Trésor que d’autres versements seraient effectués au cours de l’exercice 2003-2004. Le député de St. Albert a rappelé que le Programme d’allocations pour frais de chauffage n’existe en vertu d’aucune loi et que la Chambre n’a pas été priée d’y affecter de crédits depuis l’adoption de ceux qui ont été engagés aux fins de ce Programme pour l’exercice 2000-2001.

Comme le pouvoir de dépenser conféré par une loi de crédits ne vaut que pour une seule année, ce type de loi ne convient pas pour approuver des dépenses censées se répéter plus longtemps ou indéfiniment. Les programmes permanents doivent être établis dans des mesures législatives spécifiques. Une fois que le Parlement les a ainsi approuvés, on peut lui demander d’y affecter de nouveaux crédits chaque année.

Je tiens toutefois à signaler qu’il existe une exception à cette règle dans le cas de l’Agence des douanes et du revenu du Canada. En effet, le paragraphe 60(1) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada prévoit ce qui suit :

Sous réserve du paragraphe (4), la partie non utilisée à la fin d’un exercice des crédits affectés par le Parlement à l’usage de l’Agence, après le rapprochement visé à l’article 37 de la Loi sur la gestion des finances publiques, est annulée à la fin de l’exercice suivant.

Ainsi, dans le seul cas de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, sans préjudice des réserves énoncées dans la loi, les crédits sont affectés pour deux ans plutôt que pour un seul, comme c’est habituellement le cas. Le député de St. Albert a signalé que 42,2 millions de dollars avaient été versés en allocations pour frais de chauffage au cours de l’exercice 2001-2002. Étant donné la disposition de report que je viens de citer, il ne semble y avoir aucune raison de douter que l’Agence avait le pouvoir de financer ces versements au moyen de crédits affectés pour l’exercice 2000-2001.

Cependant, le député a aussi souligné que le Comité permanent des comptes publics avait appris d’un témoin que 13 millions de dollars de plus avaient été versés en allocations au cours de 2002-2003. De toute évidence, rien n’autorisait l’Agence à reporter certains des crédits accordés dans les mandats spéciaux, et toute partie inutilisée de ces crédits a été annulée le 31 mars 2002. Le même témoin a aussi informé le Comité que d’autres versements seraient faits au titre des allocations au cours du présent exercice.

Dans la déclaration qu’elle a faite à la Chambre à ce sujet, la ministre du Revenu national a indiqué que tous les versements faits aux fins des allocations pour frais de chauffage l’avaient été à titre gracieux. Selon les Comptes publics du Canada de 2002, Volume II, Partie II, page 10.14, le paiement à titre gracieux est un « paiement discrétionnaire consenti à titre de don dans l’intérêt public sans aucune obligation légale, qu’un avantage ou un service ait été reçu ou non ».

Comme la députée l’a dit, les versements de ce genre ne requièrent pas d’approbation expresse du Parlement. En d’autres termes, ils ne sont pas effectués dans le cadre d’un programme créé dans une loi et ils ne sont pas expressément demandés au Parlement à une fin précise. Cela dit, il est bien entendu que même les fonds versés dans le cadre de paiements à titre gracieux doivent avoir été dûment approuvés par le Parlement. En l’occurrence, la ministre a dit à la Chambre que les allocations pour frais de chauffage avaient été financées au moyen de crédits approuvés au titre du crédit 1 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada — Dépenses de fonctionnement.

La présidence conclut qu’en 2001-2002 et en 2002-2003, les allocations ont été financées au moyen des fonds du crédit 1, dont l’affectation avait été dûment autorisée. Aucune autre autorisation n’est requise pour des paiements de ce type. Il semble raisonnable de conclure que les autres allocations payées depuis le début de l’exercice 2003-2004 ou prévues pour les exercices suivants seront aussi versées de la même façon. J’estime donc que le rappel au Règlement de l’honorable député de St. Albert n’est pas fondé.

Cependant, la présidence reste perplexe devant cette affaire qui illustre un problème persistant dont j’ai déjà parlé, soit la suffisance de l’information fournie au Parlement concernant le budget des dépenses. Les comités ont toujours compté sur des renseignements exhaustifs et exacts au sujet des dépenses publiques prévues. Et c’est encore plus vrai vu la taille et la complexité du gouvernement moderne.

Les Rapports sur les plans et les priorités et les Rapports sur le rendement qui sont déposés chaque année devaient fournir ces renseignements. Mais les difficultés persistent et, de l’avis de certains, elles ne font qu’empirer. Dans cette affaire, par exemple, pour déterminer la provenance des fonds utilisés pour financer les allocations pour frais de chauffage, les députés ont dû se fier aux documents présentés au Parlement. Si ces documents ne sont pas exacts, les députés qui demandent des éclaircissements n’ont pas de recours si ce n’est, comme l’a fait le député de St. Albert, de soulever un rappel au Règlement à la Chambre.

La déclaration de la ministre a clarifié la situation, mais je crois que tous les députés conviendront avec la présidence qu’il serait préférable que les députés aient la possibilité d’obtenir cette information sans que la Chambre doive y consacrer de son temps.

Les comités de la Chambre chargés de superviser le processus budgétaire voudront peut-être examiner de plus près la nature des données fournies aux députés dans les documents budgétaires. Après tout, c’est surtout aux députés qu’il incombe de veiller à obtenir toute l’information dont ils ont besoin.

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[1] Débats, 5 juin 2003, p. 6908-6910.

[2] Débats, 11 juin 2003, p. 7142-7143.

[3] Le mot « lieu » manquait dans les Débats publiés.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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