Les règles du débat / Processus du débat
Motions : recevabilité fondée sur la longueur et le contenu d’un préambule
Débats, p. 3173-3174
Contexte
Le 11 février 2008, Libby Davies (Vancouver-Est) invoque le Règlement au sujet de la motion no 4 du gouvernement, inscrite au Feuilleton des avis et concernant la mission canadienne en Afghanistan. Mme Davies prétend que la motion n’en est pas une, étant donné qu’elle contient un long préambule argumentatif ainsi que des conditions qui échappent au contrôle de la Chambre. Elle demande que le gouvernement récrive la motion en fonction des normes et usages convenus et, sinon, que le Président la déclare irrecevable. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 15 février 2008. Faisant allusion à plusieurs précédents ainsi qu’à une décision du Président Michener, il déclare qu’il ne peut juger la motion irrecevable parce qu’elle est longue et contient un préambule et des conditions. Il laisse entendre qu’il serait bon que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur la question des préambules dans les motions.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 11 février 2008 par l’honorable leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique concernant la recevabilité de la motion no 4 du gouvernement inscrite au Feuilleton au nom du leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Réforme démocratique
Je remercie la leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique d’avoir soulevé cette question, ainsi que l’honorable député de Mississauga-Sud et l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes pour leurs interventions à cet égard.
La leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique a fait valoir que le préambule de la motion no 4 du gouvernement revenait à une série d’arguments sujets à débat. À son avis, cela est contraire aux usages de la Chambre, qui ne permettent pas la présentation de motions rédigées dans le style d’un discours ou comprenant des dispositions argumentatives.
Pour appuyer sa position, elle a cité le commentaire 565 de la 6e édition du Beauchesne ainsi qu’un extrait de la page 449 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, que je cite :
Elles ne devraient pas renfermer de termes répréhensibles ou irrecevables. De plus, elles ne devraient avoir ni la nature de l’argumentation ni le style d’un discours.
En outre, elle s’est dite inquiète de la viabilité de la motion d’un point de vue procédural en raison de sa longueur et du fait qu’elle contient des conditions qui échappent au contrôle de la Chambre.
Pour ces raisons, la leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique a demandé soit que le gouvernement retire la motion no 4 et la reformule en retirant les éléments irréguliers, soit à défaut de toute indication du gouvernement en ce sens, que la présidence déclare la motion irrecevable et permette au gouvernement d’en présenter une nouvelle.
Le député de Mississauga-Sud a reconnu que le préambule de la motion en question était équivalent à un argument qui devrait plutôt être avancé au cours d’un débat. Il a ajouté que, d’après son expérience, l’utilisation de préambules est déconseillée et il a prétendu que la tenue d’un débat sur la motion dans son état actuel créerait un précédent, ce qui pourrait entraîner une certaine confusion quant à la recevabilité, sur le plan de la procédure, des motions inscrites au Feuilleton des avis dans l’avenir. Lors de son intervention, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a fait remarquer qu’il existe des exemples de motions à très large portée qui ont été présentées et que, par conséquent, la motion en cause est acceptable sur le plan de la procédure.
À certains égards, la Chambre connaît bien les arguments soulevés dans le cas présent puisque la notion de recevabilité, sur le plan de la procédure, des motions renfermant un préambule a été évoquée à plusieurs reprises dans le passé. Un examen des précédents pertinents ainsi que des décisions pertinentes révèle que la Chambre a débattu de nombreuses motions assorties d’un préambule.
Les précédents remontent fort loin dans l’histoire parlementaire — le secrétaire parlementaire a mentionné à juste titre l’exemple assez récent d’une motion concernant la société distincte présentée le 6 décembre 1995 —, mais au cours de la dernière session seulement, il y a eu deux motions de l’opposition particulièrement pertinentes en l’espèce. La première, inscrite au nom de l’honorable député de Bourassa, portait sur la participation du Canada en Afghanistan et a fait l’objet d’un débat le 19 avril 2007. La deuxième, sur le même sujet, était, comme l’a indiqué l’honorable secrétaire parlementaire le jeudi 14 février 2008, parrainée par l’honorable député de Toronto–Danforth et a fait l’objet d’un débat le 26 avril 2007. Ces deux motions comportaient un préambule d’une longueur considérable contenant plusieurs dispositions semblables à celles de la motion no 4 du gouvernement. Leur recevabilité sur le plan de la procédure n’a pas été contestée, et cela est compatible avec la décision du Président Michener rendue le 16 janvier 1961. À la page 1116 des Débats de cette date, il est écrit « qu’il est amplement établi que pareil préambule est conforme à nos usages ».
Dans cette décision, le Président Michener a également traité de façon décisive, bien qu’avec une certaine réticence, de la question de la longueur des motions en soulignant que :
Le recours au préambule peut entraîner des longueurs absurdes. À titre d’exemple, je citerai simplement un cas que j’ai relevé dans les documents de 1899, celui du préambule à une motion, qui remplissait 21 pages des Journaux. C’est évidemment une monstruosité du point de vue procédure, si je puis m’exprimer ainsi, mais elle constitue un précédent.
De toute évidence, la recevabilité des motions du point de vue de la procédure n’est pas évaluée d’après leur longueur.
En ce qui concerne le fait d’inclure des conditions dans des motions, il est peut-être utile que la présidence rappelle à la Chambre qu’il ne relève pas du rôle du Président d’évaluer l’efficacité des propositions mises de l’avant aux fins de débat.
Comme il est précisé dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 448 :
Une résolution de la Chambre exprime une opinion ou une intention; elle n’entraîne pas nécessairement la prise d’une mesure, pas plus qu’elle ne lie la Chambre. La Chambre s’est souvent penchée sur des résolutions afin d’appuyer une cause.
Par conséquent, la présidence n’est pas en mesure de conclure que la présence de conditions dans le libellé de la motion en cause la rend irrecevable. Plus exactement, ces conditions représentent simplement un autre aspect de la question que vise la motion, dont les honorables députés devront tenir compte pendant qu’ils en débattent et, ultérieurement, lorsqu’ils prendront une décision.
Dans les circonstances, je dois donc conclure que la motion no 4 du gouvernement est recevable et qu’elle peut être présentée à la Chambre dans son état actuel.
Cela dit, le point qu’a soulevé l’honorable député de Mississauga-Sud — qui dit savoir d’expérience qu’on déconseille l’utilisation de préambules dans les motions — mérite que je me renseigne davantage sur ce sujet. Entre-temps, il s’agit certainement d’une question que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre voudra peut-être étudier en vue de formuler ultérieurement des recommandations.
Je remercie la leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique d’avoir porté cette question à l’attention de la Chambre.
Post-scriptum
Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre n’a pas fait rapport de la question des préambules dans les motions.
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[1] Débats, 11 février 2008, p. 2891-2892.