Les règles du débat / Ordre et décorum
Langage non parlementaire : attaques personnelles pendant les Déclarations de députés
Débats, p. 1631-1632
Contexte
Le 26 février 2009, Michel Guimond (Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord) invoque le Règlement au sujet de remarques faites par Josée Verner (ministre des Affaires intergouvernementales, présidente du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre de la Francophonie) pendant les Questions orales plus tôt ce jour-là[1]. M. Guimond prétend que la ministre a accusé le Bloc Québécois d’appuyer des menaces et des actes de violence; il qualifie ses propos d’offensants et de contraires au Règlement. Pierre Poilievre (secrétaire parlementaire du premier ministre et de la ministre des Affaires intergouvernementales) soutient que la ministre faisait référence au journal Le Québécois, dans lequel, dit-il, le Bloc Québécois a acheté de la publicité. Il demande le consentement unanime pour en déposer un exemplaire à la Chambre, ce qui lui est refusé. Le Président prend la question en délibéré[2]. Le 5 mars 2009, Louis Plamondon (Bas-Richelieu–Nicolet–Bécancour) fait un rappel au Règlement similaire. Il allègue que Shelly Glover (Saint-Boniface) a tenu de tels propos offensants à l’endroit du Bloc Québécois pendant les Déclarations de députés[3] et affirme que les termes employés devraient être condamnés. Le Président déclare qu’il lira la transcription de la période des questions et qu’il rendra une décision à ce sujet sous peu[4].
Résolution
Le 12 mars 2009, le Président rend sa décision sur les deux rappels au Règlement. Il déclare que bien que les propos en question ne soient pas antiparlementaires au sens strict du terme, du fait qu’ils étaient dirigés contre un parti plutôt que contre un député, ils visaient clairement à provoquer et ont manifestement semé le désordre. Il rappelle aussi aux députés que le Règlement confère au Président l’important pouvoir de maintenir l’ordre et le décorum et qu’il n’hésitera pas à interrompre les transgresseurs, particulièrement durant les Déclarations de députés. Enfin, le Président invite les députés à éviter ce genre de propos à l’avenir.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord au sujet des propos tenus par la ministre des Affaires intergouvernementales pendant la période des questions le jeudi 26 février dernier. L’honorable député de Bas-Richelieu–Nicolet–Bécancour ayant soulevé un rappel au Règlement au sujet de propos semblables tenus le 5 mars dernier, ma décision portera également sur cette question.
Dans son intervention, le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord a affirmé qu’en réponse à la question qu’il a posée à l’honorable ministre et à la suite de la réponse qu’elle a donnée à la question de l’honorable députée de Québec, la ministre a déclaré que « […] les menaces et les appels à la violence ne font pas partie des valeurs québécoises. Il s’agit plutôt de l’idéologie du Bloc. » Je me réfère aux Débats de la Chambre des communes, à la page 1038.
Le député a ajouté que ces propos étaient offensants, que le Bloc Québécois a toujours dénoncé les appels à la violence sous toutes ses formes et que, par conséquent, les paroles accusant le Bloc Québécois de cautionner des menaces et des gestes de violence sont des propos non parlementaires. Le député de Montmorency–Charlesbourg–Haute-Côte-Nord a ajouté que ces propos contrevenaient à l’article 18 du Règlement, et il a demandé à la présidence de les déclarer non parlementaires et d’ordonner à l’honorable ministre de les retirer.
En réponse au rappel au Règlement, l’honorable secrétaire parlementaire du premier ministre a soutenu que les commentaires de la ministre faisaient allusion au journal intitulé Le Québécois, dont il a trouvé le contenu offensant. Il a fait remarquer que certains députés du Bloc Québécois avaient acheté de la publicité dans ce journal.
Lors de son intervention, le 5 mars dernier, le député de Bas-Richelieu–Nicolet–Bécancour a déclaré que les termes « extrémistes » et « prêchent la violence » employés en référence au Bloc Québécois par l’honorable députée de Saint-Boniface pendant les Déclarations des députés et par le secrétaire parlementaire du premier ministre pendant la période des questions le concernaient également à titre de membre de ce parti politique. À son avis, ces termes devraient être condamnés.
Comme je l’ai déjà dit par le passé, il revient au Président d’assurer le maintien d’un certain degré de civilité et de respect mutuel pendant le déroulement des débats à la Chambre, comme le veut la pratique établie. On peut lire à la page 503 de La procédure et les usages de la Chambre des communes que :
Les députés doivent se respecter les uns les autres, et respecter les points de vue différents des leurs; le comportement et le langage injurieux ou grossier ne sont pas tolérés. Ils doivent traduire leurs émotions en paroles plutôt qu’en actes et exprimer leurs opinions poliment […]
À la page 526, on y mentionne également ceci :
Même si une expression peut être considérée comme acceptable, selon le Président, il faut se garder d’utiliser toute expression qui pourrait semer le désordre à la Chambre. Les expressions qui sont considérées comme non parlementaires lorsqu’elles s’appliquent à un député ne sont pas toujours considérées de la sorte lorsqu’elles s’appliquent de manière générale ou à un parti.
Par ailleurs, il faut se rappeler que les délibérations de la Chambre sont fondées sur une longue tradition de respect de l’intégrité de tous les députés. De plus, l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre [des communes][5] précise à la page 526 que :
Lorsqu’il doit décider si des propos sont non parlementaires, le Président tient compte du ton, de la manière et de l’intention du député qui les a prononcés, de la personne à qui ils s’adressaient, du degré de provocation et, ce qui est plus important, de la question de savoir si oui ou non les remarques faites ont semé le désordre à la Chambre.
Dans le cas qui nous occupe, les propos formulés par l’honorable ministre des Affaires intergouvernementales, la députée de Saint-Boniface et le secrétaire parlementaire du premier ministre, parce qu’ils étaient dirigés contre un parti plutôt que contre un député, n’étaient pas des propos non parlementaires au sens strict du terme. Cependant, il est clair qu’ils visaient la provocation, et ils ont manifestement semé le désordre.
Il importe de souligner qu’une jurisprudence importante s’est développée au fil des ans en ce qui concerne les déclarations de députés. Non seulement les attaques personnelles ne sont pas permises, mais l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes prévoit ce qui suit, à la page 364 :
Il est arrivé que le Président interrompe un député et le prie de se rasseoir pour avoir utilisé des propos offensants, critiqué le comportement d’un sénateur, critiqué les actions du Sénat, dénoncé la décision d’un tribunal, et porté atteinte à la réputation d’un juge.
Le Président a aussi mis en garde les députés de ne pas profiter de l’occasion pour faire des observations diffamatoires au sujet de membres du public, de ne pas citer les propos d’un simple citoyen comme point de départ d’une déclaration, ni de faire des déclarations à caractère commercial.
J’attire tout particulièrement l’attention de tous les députés sur cette citation et je leur recommande vivement de jeter un coup d’oeil à tout cela avant le début de la période des déclarations, cet après-midi, à 14 heures.
C’est donc en des termes on ne peut plus clairs que j’invite les députés à éviter ce genre de propos à l’avenir. Le Règlement confère au Président l’important pouvoir de maintenir l’ordre et le décorum. La présidence tient à préciser sans équivoque que les contrevenants s’exposent à se faire interrompre par le Président. Tous les députés doivent être conscients que ces propos provocants ne font que susciter des réactions tout aussi enflammées et ne servent qu’à abaisser le niveau de nos délibérations. Au cours des dernières semaines, j’ai dû intervenir à plus d’une reprise pour rappeler aux députés des deux côtés de la Chambre les normes en matière d’ordre et de décorum que les traditions de la Chambre et les électeurs attendent d’eux. Encore une fois, je tiens à réitérer la nécessité de maintenir un décorum convenable et d’utiliser un langage modéré à la Chambre.
Post-scriptum
Plus tard au cours de la journée, pendant les Déclarations de députés, le Président interrompt les déclarations de Tim Uppal (Edmonton–Sherwood Park), Sylvie Boucher (Beauport–Limoilou) et Rodney Weston (Saint John), qui portent toutes sur Michael Ignatieff (chef de l’Opposition)[6]. Après les Questions orales, M. Uppal invoque le Règlement pour demander des éclaircissements au Président sur ce que les députés peuvent et ne peuvent pas dire pendant les Déclarations de députés. Il fait valoir que sa déclaration et celle de Mme Boucher n’étaient pas différentes de déclarations faites par des députés du Parti libéral au cours des dernières années et visant à attaquer le gouvernement. En outre, il fait remarquer que dans leurs déclarations, Mme Boucher et lui ont cité l’Edmonton Journal. Le Président réitère la décision qu’il a rendue plus tôt dans la séance et encourage les députés à éviter les attaques personnelles pendant les débats à la Chambre, en particulier pendant la période des Déclarations de députés, puisqu’aucune réponse n’est prévue pendant cette période[7].
Note de la rédaction
On trouvera les décisions sur le déroulement des Déclarations de députés au chapitre 3, Le programme quotidien.
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[4] Débats, 5 mars 2009, p. 1363-1364.
[5] Les mots « des communes » manquaient dans les Débats publiés.
[6] Débats, 12 mars 2009, p. 1672-1674.
[7] Débats, 12 mars 2009, p. 1683-1684.