Les comités / Travaux des comités
Séances à huis clos : communication de renseignements confidentiels; député accusé d’anticiper la décision d’un comité en dévoilant aux médias le contenu de transcriptions avant leur publication
Débats, p. 2716-2717
Contexte
Le 1er avril 2004, Michel Gauthier (Roberval) soulève la question de privilège au sujet de Dennis Mills (Toronto–Danforth), qui s’est trouvé à anticiper la décision d’un comité en dévoilant la teneur d’un témoignage livré à huis clos par Chuck Guité, ancien fonctionnaire, devant le Comité permanent des comptes publics avant que le Comité décide s’il allait ou non rendre ce témoignage public. Il ajoute qu’une ébauche de rapport sur l’affaire a été préparée pour le Comité, mais qu’elle a été rejetée par une majorité des membres. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré. Le 20 avril 2004, M. Mills s’excuse auprès de la Chambre et du Comité s’il a causé une atteinte au privilège[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 4 mai 2004. Il se dit préoccupé par le fait que les députés soulèvent, sur le parquet de la Chambre, des questions de procédure survenues en comité et leur rappelle que les comités sont libres de choisir de faire ou non rapport à la Chambre d’une prétendue atteinte au privilège. Il indique qu’il ne peut trouver aucune justification d’ordre procédural lui permettant d’infirmer la décision du Comité de ne pas faire rapport de la question à la Chambre. Il souligne également que même si les comités sont maîtres de leurs travaux, la liberté qui leur est accordée a ses limites et que si la Chambre s’inquiète de la façon dont un comité mène ses travaux, elle peut lui donner des instructions, notamment en adoptant une motion portant instructions ou, si elle juge un rapport insatisfaisant, en ordonnant le renvoi du rapport au comité. Enfin, il rappelle aux députés que dans le cas d’une lacune structurelle ou systématique, il serait bon de porter la question à l’attention du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Président statue que, sur le plan de la procédure, la façon dont le Comité a traité la question est acceptable.
Décision de la présidence
Le Président : Avant de procéder aux Ordres émanant du gouvernement, je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 1er avril 2004 par l’honorable député de Roberval au sujet de la divulgation par l’honorable député de Toronto–Danforth des propos d’un témoignage à huis clos rendu devant le Comité permanent des comptes publics.
Je tiens à remercier l’honorable député de Roberval d’avoir soulevé cette question. J’aimerais aussi remercier l’honorable leader adjoint du gouvernement à la Chambre et les honorables députés de West Vancouver–Sunshine Coast, de Provencher, de Winnipeg-Centre-Nord, de Scarborough–Rouge River et de Toronto–Danforth de leur contribution à la discussion.
Lors de son intervention, l’honorable député de Roberval a allégué que l’honorable député de Toronto–Danforth avait divulgué aux médias des propos d’un témoignage à huis clos rendu devant le Comité permanent des comptes publics au cours de la première session de la 37e législature. Il a aussi soutenu que l’honorable député de Toronto–Danforth avait agi de façon délibérée en sachant très bien que le Comité n’avait pas encore pris la décision de rendre ce témoignage public.
Il a ajouté que le fait de laisser passer de tels actes sans protester équivaudrait à reconnaître de facto que les règles régissant les travaux des comités, en particulier les délibérations à huis clos, ne s’appliquent qu’aux députés d’opposition.
Les mêmes préoccupations ont été réitérées par les députés de West Vancouver–Sunshine Coast et de Winnipeg-Centre-Nord.
Pour sa part, l’honorable leader adjoint du gouvernement à la Chambre a fait valoir que, puisque le Comité avait en fait déjà pris la décision de rendre le témoignage public, le point soulevé par l’honorable député de Roberval était une question purement théorique.
L’honorable député de Provencher a signalé à la Chambre qu’un rapport préliminaire avait été rédigé pour le Comité au sujet du geste posé par l’honorable député de Toronto–Danforth, mais qu’il avait été rejeté par une majorité de membres du Comité permanent des comptes publics.
L’honorable député de Scarborough–Rouge River a indiqué que le geste posé par l’honorable député de Toronto–Danforth avait déjà fait l’objet d’une discussion en comité, comme il se doit, et que le Comité permanent des comptes publics en avait disposé de la façon qu’il avait jugée appropriée. Il a soutenu que le rejet du rapport préliminaire par un vote majoritaire des membres du Comité avait réglé la question.
Lors de son intervention, le député de Toronto–Danforth a indiqué que le Comité avait reçu de l’avocat de M. Guité une attestation écrite permettant que le témoignage soit rendu public. Il a ajouté que les déclarations dans lesquelles il avait révélé certaines parties du témoignage avaient été faites lors d’un point de presse. En terminant, il a présenté ses excuses à la Chambre et au Comité pour toute atteinte au privilège qui aurait pu se produire.
Avant d’aborder les aspects procéduraux de cette question, j’estime qu’il est de mon devoir de signaler à la Chambre à quel point j’ai trouvé cette situation troublante. Comme les députés se rappelleront, j’ai rendu une décision sur une autre plainte concernant les délibérations du Comité permanent des comptes publics un peu plus tôt le même jour où l’honorable député de Roberval a soulevé sa question de privilège. Je trouve extrêmement préoccupant que les membres du Comité, dans le cadre de leur enquête, aient jugé nécessaire de soulever des questions de procédure sur le parquet de cette Chambre. Comme le savent les honorables députés, la procédure à suivre dans les cas d’allégations d’atteinte au privilège en comité est très claire.
J’aimerais porter à l’attention des honorables députés le passage suivant de La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 128 :
Puisque la Chambre n’a pas donné à ses comités le pouvoir de réprimer eux-mêmes l’inconduite, l’atteinte aux privilèges et l’outrage, les comités ne peuvent se prononcer sur ces questions; ils ne sont habilités qu’à en faire rapport à la Chambre. Seule la Chambre peut établir si une infraction a été commise. La présidence a toujours eu pour politique, sauf dans des circonstances extrêmement graves, de n’accueillir des questions de privilège découlant de délibérations de comités que sur présentation, par le comité visé, d’un rapport traitant directement de la question et non lorsqu’elles étaient soulevées à la Chambre par un député.
Quant à l’examen d’un rapport portant sur une question de privilège découlant des délibérations d’un comité, La procédure et les usages de la Chambre des communes indique ce qui suit, à la page 130 :
Si le comité décide qu’il y a effectivement lieu de faire rapport de la question à la Chambre, il adoptera le rapport, qu’il présentera à la Chambre au moment prévu au cours des Affaires courantes ordinaires.
Il est manifeste, d’après ce passage, qu’un comité peut choisir de faire rapport à la Chambre d’une prétendue atteinte au privilège ou il peut décider de ne pas lui en faire rapport. Dans le cas soulevé par l’honorable député de Roberval, le Comité permanent des comptes publics a décidé de ne pas faire rapport à la Chambre du geste posé par l’honorable député de Toronto–Danforth. En ma qualité de Président, je ne peux trouver aucune justification d’ordre procédural qui me permettrait de renverser la décision du Comité ou encore d’intervenir de quelque façon que ce soit dans les délibérations du Comité à cet égard.
Même si d’autres Présidents ainsi que moi-même, dans des décisions antérieures, avons indiqué que le Président pourrait, dans des circonstances extrêmement graves, prendre des mesures à l’égard d’irrégularités commises en comité, il y a toujours eu une grande réticence de la part du Président d’intervenir dans les affaires qui sont censées relever du comité lui-même.
Le Président Fraser a défini assez clairement l’enjeu dans l’une de ses décisions. Je me reporte à la page 1076 des Débats du 2 avril 1990 :
Le Président risquerait ainsi qu’on s’adresse à lui pour en appeler des décisions prises par ses homologues des comités permanents, spéciaux et législatifs, particulièrement dans les cas controversés et les débats politiques vigoureux comme celui-ci. Ni notre Règlement ni nos usages ne prévoient un tel rôle pour le Président.
L’honorable député de Roberval s’est dit préoccupé du fait que, même si la Chambre dispose des règles d’usage qui protègent les députés contre ce qu’on appelle souvent la tyrannie de la majorité, aucun mécanisme de protection de ce genre n’existe pour les comités.
J’aimerais rappeler aux honorables députés que malgré la grande latitude accordée aux comités pour organiser leurs travaux, ceux-ci ne sont pas libres d’adopter les procédures qu’ils veulent. À cet égard, on peut lire à la page 804 du Marleau et Montpetit :
Les comités, qui sont une émanation de la Chambre des communes, ont seulement les pouvoirs, la structure et les mandats qui leur ont été délégués par la Chambre […] La Chambre a précisé : « Un comité permanent, spécial ou législatif observe le Règlement de la Chambre dans la mesure où il est applicable, sauf les dispositions relatives à l’élection du Président, à l’appui des motions, à la limite du nombre d’interventions et à la durée des discours. »
À ces exceptions près, les comités sont tenus de se conformer à la procédure prévue par le Règlement ainsi qu’à tout ordre sessionnel ou ordre spécial que la Chambre leur a donné.
Même si la Chambre accorde une grande latitude aux comités, elle ne se contente pas de simplement fermer les yeux sur la façon dont ceux-ci mènent leurs travaux. Comme je l’ai déjà mentionné dans ma décision du 1er avril 2004 sur les délibérations du Comité permanent des comptes publics, la Chambre peut, si elle a des préoccupations quant à la façon dont le Comité mène ses travaux, donner des instructions à celui-ci. Cela peut se faire par la présentation d’une motion portant instructions pendant les Affaires émanant des députés, ou, si le consentement unanime est demandé et obtenu, par la présentation d’une telle motion, sans avis, sous la rubrique « Motions » au cours des Affaires courantes ordinaires.
L’honorable député de Roberval, en sa qualité de leader à la Chambre, est bien versé dans les négociations qui s’imposent dans de telles circonstances.
En dernier lieu, la Chambre peut aussi ordonner le renvoi au comité d’un rapport de celui-ci qu’elle juge insatisfaisant à quelque égard.
On peut s’attendre à ce que, très souvent, les décisions prises en comité ne fassent pas l’affaire de tous les membres. Les députés comprendront que la confrontation des points de vue divergents est un élément essentiel de notre système parlementaire de gouvernement. Cela est valable autant dans les comités qu’au sein de la Chambre même.
Par contre, si l’on croit que les désaccords au sein du Comité permanent des comptes publics découlent de quelque lacune structurelle ou systématique, il faudrait peut-être porter la question à l’attention du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui a pour mandat d’examiner les procédures et les pratiques des comités.
À l’instar des comités qui sont tenus de se conformer aux règles établies pour eux par la Chambre, le Président est contraint de s’en tenir aux règles et aux usages de la Chambre pour rendre ses décisions. La question qu’a soulevée l’honorable député de Roberval a, en l’occurrence, été traitée par le Comité d’une façon acceptable au plan de la procédure.
Je tiens à rappeler à la Chambre qu’il incombe à tous les députés de veiller à ce que les comités, dans l’exécution des travaux qui leur sont confiés, se conforment aux règles et aux procédures établies à leur égard.
Note de la rédaction
Voir aussi une décision connexe rendue le 1er avril 2004[2].
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[2] Débats, 1er avril 2004, p. 1968-1969.