Les comités / Rapports
Divulgation d’un rapport de comité : députés accusés d’en avoir dévoilé le contenu avant son dépôt à la Chambre
Débats, p. 3505-3506
Contexte
Le 12 décembre 2002, Réal Ménard (Hochelaga–Maisonneuve) soulève la question de privilège au sujet de la divulgation prématurée et non autorisée d’une partie du rapport du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Il allègue que deux membres du Comité, Randy White (Langley–Abbotsford) et Carole-Marie Allard (Laval-Est), ont accordé aux médias des entrevues où ils ont révélé le contenu du rapport avant qu’il soit présenté à la Chambre. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré et déclare qu’il ne rendra pas de décision tant que les députés intéressés n’auront pas eu l’occasion de s’exprimer[1]. Le 27 janvier 2003, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) avance que la question de privilège est irrecevable, parce que le Comité n’a pas déposé de rapport à ce sujet. M. White intervient aussi le même jour[2]. Le 6 février 2003, Mme Allard prend la parole à son tour sur l’affaire, après quoi le Président prend de nouveau la question en délibéré[3].
Résolution
Le Président rend sa décision le 13 février 2003. Il explique que, bien que les comités soient maîtres de leurs travaux, les comités spéciaux cessent d’exister une fois qu’ils ont déposé leur rapport final. Ainsi, précise-t-il, le seul moyen dont dispose un comité spécial pour examiner une question de procédure après avoir déposé son rapport est de recevoir un ordre de la Chambre qui le rétablit et qui l’investit du pouvoir de le faire. Il conclut par conséquent que la question doit être examinée à la Chambre. Après avoir lu les articles de presse en cause, il déclare que, bien qu’ils semblent démontrer qu’il y a eu atteinte à la confidentialité du rapport du Comité, aucun des commentaires des députés cités par les médias ne constitue une divulgation directe du contenu du rapport et aucun des reportages n’allègue que c’est un membre du Comité qui a fourni les renseignements qui s’y trouvent. Pour toutes ces raisons, le Président statue qu’il ne considère pas ces reportages comme preuve à première vue de la divulgation du rapport par les députés nommés par M. Ménard.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par l’honorable député de Hochelaga–Maisonneuve le 12 décembre 2002 au sujet de la divulgation prématurée du rapport du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments.
Je tiens à préciser que le retard inhabituel à rendre ma décision est lié, d’une part, à l’ajournement de la Chambre et, d’autre part, au fait que la présidence a voulu donner à tous les députés visés la possibilité d’intervenir à cet égard.
J’aimerais remercier l’honorable député de Hochelaga–Maisonneuve d’avoir soulevé cette question, ainsi que l’honorable député de Brossard–La Prairie, l’honorable leader de l’Opposition à la Chambre, l’honorable député de Langley–Abbotsford et l’honorable députée de Laval-Est pour leurs interventions.
L’honorable député de Hochelaga–Maisonneuve soutient que les reportages publiés dans les journaux avant le dépôt du rapport final du Comité spécial, le 12 décembre 2002, ont révélé prématurément des passages du rapport concernant les recommandations du Comité sur la décriminalisation de la marijuana. Il allègue que la divulgation prématurée de ces renseignements pourrait être imputable à l’honorable députée de Laval-Est et l’honorable député de Langley–Abbotsford.
Comme l’honorable député de Hochelaga–Maisonneuve l’a mentionné avec raison, cela est contraire à nos usages et constitue une atteinte au privilège de la Chambre et des députés et, par ailleurs, les décisions rendues par les autres Présidents ont toujours fait valoir la nécessité de désigner la source de la fuite lorsqu’une accusation de ce genre est portée.
Cela est dit clairement dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, aux pages 884 et 885 :
Des Présidents ont jugé que les questions de privilège relatives à des rapports ayant fait l’objet d’une fuite ne seraient pas prises en considération à moins qu’une accusation précise ne soit portée contre une personne, une organisation ou un groupe, cette accusation devant non seulement viser les personnes de l’extérieur de la Chambre qui ont rendu publics des documents étudiés à huis clos, mais encore désigner la source de la fuite au sein de la Chambre elle-même.
L’honorable député de Langley–Abbotsford a admis avoir traité dans les médias de la question de la décriminalisation, mais il soutient qu’il ne l’a pas fait dans le contexte du rapport du Comité spécial. Il a précisé que la décriminalisation est un sujet qui a suscité beaucoup d’attention dans le public ces derniers mois et que ses observations se rapportaient plutôt à la position du gouvernement, rendue publique par le ministre de la Justice.
L’honorable leader de l’Opposition à la Chambre a fait valoir, en citant les pages 128 et 129 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, que jusqu’à maintenant notre pratique a été de faire régler les questions de ce genre d’abord par le comité visé, de sorte que la Chambre ne soit saisie des cas de fuite que sur présentation d’un rapport du comité.
Je me pencherai d’abord sur ce dernier point. Bien qu’il soit vrai que les comités sont maîtres de leurs travaux et ont la responsabilité première de régler leurs propres rappels au Règlement, la situation est un peu plus complexe pour un comité spécial. Même si un comité spécial, à l’instar de tout autre comité de la Chambre, est censé régler les questions de procédure au fur et à mesure qu’elles se présentent, il lui est impossible de le faire une fois qu’il a déposé son rapport final.
La règle est énoncée clairement dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 812 : « Les comités spéciaux cessent d’exister lorsqu’ils présentent leur rapport final. »
Par conséquent, bien qu’en général il soit vrai que les comités sont responsables de leurs propres questions de procédure, le seul moyen dont dispose un comité spécial pour étudier la question dans un cas comme celui-ci est de recevoir un ordre de la Chambre qui le rétablit et l’investit du pouvoir de le faire. C’est donc par nécessité qu’il faut traiter de la question ici à la Chambre.
J’aimerais assurer l’honorable député de Hochelaga–Maisonneuve que je prends cette question très au sérieux. En effet, la confidentialité des rapports de comité est une source de préoccupation constante, tant pour votre Président que pour la Chambre. Par conséquent, j’ai examiné avec une attention particulière tous les articles de journaux qui m’ont été remis. À leur face même, ils semblent démontrer qu’il y a eu atteinte à la confidentialité du rapport du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Je sais que tous les honorables députés partageront ma déception et ma frustration devant un tel constat.
Toutefois, quant aux accusations portées à l’encontre des honorables députés de Laval-Est et de Langley–Abbotsford, la situation est quelque peu différente. À l’intérêt général suscité par la question du statut de la marijuana s’ajoute un facteur qui vient compliquer la chose, soit le fait que, le 10 décembre 2002, l’honorable ministre de la Justice a fait des déclarations sur la position du gouvernement en matière de décriminalisation.
Je fais remarquer d’autre part qu’il existe une grande similitude entre les points de vue exprimés par le ministre et ceux contenus dans le rapport du Comité.
J’ai constaté, en examinant les reportages, que plusieurs députés ont fait des commentaires sur la décriminalisation de la marijuana. Or, aucun des commentaires cités par les médias ne constitue une divulgation directe du contenu du rapport du Comité et aucun des reportages n’allègue qu’un membre du Comité a fourni les renseignements qui s’y trouvent.
Par conséquent, je ne suis pas enclin à accepter ces reportages comme preuve à première vue de la participation des honorables députés de Laval-Est et de Langley–Abbotsford à la divulgation prématurée du rapport du Comité.
Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, il semble qu’au moins quelques passages du rapport aient été communiqués aux médias avant son dépôt en Chambre. J’exhorte donc tous les honorables députés à ne pas oublier leurs responsabilités à cet égard, tant envers leurs collègues qu’envers la Chambre.
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[1] Débats, 12 décembre 2002, p. 2639-2640.
[2] Débats, 27 janvier 2003, p. 2734-2735.
[3] Débats, 6 février 2003, p. 3256-3258.