Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les comités / Rapports

Conduite de la présidence : signature sur un rapport considérée comme un conflit d’intérêts

Débats, p. 5990-5991

Contexte

Le 1er mai 2003, John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast) invoque le Règlement au sujet du sixième rapport du Comité permanent des langues officielles, présenté à la Chambre le 30 avril 2003. Le rapport demandait que la Chambre recommande au Bureau de régie interne de rembourser les frais juridiques engagés par le président du Comité, Mauril Bélanger (Ottawa–Vanier), dans le cadre de son intervention dans l’affaire Quigley c. Canada (Chambre des communes)[1]. M. Reynolds soutient qu’en signant le rapport, M. Bélanger s’est mis en situation de conflit d’intérêts en donnant directement son appui à une décision lui accordant un gain pécuniaire personnel. M. Reynolds allègue aussi que le fait de signer le rapport a « une conséquence parlementaire presque aussi grande que le vote du député » sur une question dans laquelle le député avait un intérêt pécuniaire direct, ce qui est contraire à l’article 21 du Règlement. Après avoir entendu d’autres députés, le Président prend la question en délibéré[2]. Le 2 mai 2003, M. Bélanger répond en citant la 6e édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne où l’on explique que le président d’un comité signe un rapport à seule fin d’en attester l’authenticité plutôt que pour exprimer son opinion personnelle sur le contenu. Il affirme à la Chambre avoir respecté les règles à la lettre. (Note de la rédaction : La réunion du Comité permanent des langues officielles où le rapport a été adopté s’est tenue à huis clos[3].) Le Président prend de nouveau la question en délibéré[4].

Résolution

Le Président rend sa décision le 8 mai 2003. Il souligne que rien ne laisse croire que le député aurait pu bénéficier d’un gain pécuniaire direct. Le Président déclare ensuite que le fait qu’un président de comité signe un rapport est un usage courant qui sert à valider le texte présenté à la Chambre. Le Président réfère à l’affirmation de M. Bélanger selon laquelle il a quitté la présidence et s’est abstenu de voter sur une question semblable lors d’une réunion précédente du Comité, et que rien n’aurait justifié qu’il agisse différemment à une réunion subséquente tenue à huis clos. Par conséquent, en se fondant sur les faits qui lui ont été présentés, le Président conclut que M. Bélanger n’a pas contrevenu à l’article 21 du Règlement.

Note de la rédaction

 L’article 21 du Règlement a été abrogé à l’adoption, le 4 octobre 2004, du Code régissant les conflits d’intérêts des députés[5].

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le député de West Vancouver–Sunshine Coast le jeudi 1er mai 2003 au sujet du sixième rapport du Comité permanent des langues officielles.

Je tiens à remercier l’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast d’avoir soulevé la question. Je voudrais également remercier l’honorable leader du gouvernement à la Chambre, l’honorable député d’Ottawa–Vanier et l’honorable député d’Acadie–Bathurst pour leurs interventions à cet égard.

Le député de West Vancouver–Sunshine Coast a exprimé ses préoccupations quant à la décision du Comité permanent des langues officielles de demander que le Bureau de régie interne appuie le président du Comité, le député d’Ottawa–Vanier, dans son intervention dans la cause Quigley c. Canada. La motion à cet effet, que le Comité a adoptée le 29 avril 2003 et dont il a fait rapport à la Chambre le 30 avril, est libellée comme suit :

Conformément à l’article 108 du Règlement, le Comité a adopté la résolution suivante :

Il est résolu que le Comité permanent des langues officielles exprime son appui à la démarche du député Mauril Bélanger (Ottawa–Vanier) dans la cause Quigley c. Canada (Chambre des communes), et demande à la Chambre des communes de suggérer à son Bureau de la régie interne à rendre disponible au comité un budget maximum de 30 000 $ pour défrayer une partie des honoraires d’avocats de M. Bélanger relativement à son rôle d’intervenant dans cette cause.

En premier lieu, le député de West Vancouver–Sunshine Coast soutient que le député d’Ottawa–Vanier, en signant le rapport du Comité, s’est placé en situation de conflit d’intérêts parce qu’il a appuyé directement une décision qui lui apporte un gain personnel de 30 000 $.

En second lieu, le leader de l’Opposition officielle à la Chambre a laissé entendre que le fait de signer le rapport équivaudrait à voter sur une question dans laquelle le député a un intérêt pécuniaire direct, ce qui est contraire à l’article 21 du Règlement qui prévoit que :

Aucun député n’a le droit de voter sur une question dans laquelle il a un intérêt pécuniaire direct, et le vote de tout député ainsi intéressé doit être rejeté.

L’honorable député d’Ottawa–Vanier a répondu aux accusations portées contre lui le vendredi 2 mai 2003. Il a expliqué qu’en signant le rapport du Comité, il n’a fait que respecter la pratique bien établie voulant que le président signe chaque rapport au nom d’un comité afin d’en attester l’authenticité avant son dépôt à la Chambre.

Après avoir examiné les faits du cas à l’étude, j’aimerais faire valoir les points suivants. Permettez-moi d’abord de traiter brièvement de la question du gain personnel.

Dans le cas qui nous occupe, je crois important de souligner que le remboursement qu’il est recommandé de verser [à l’]honorable[6] député d’Ottawa–Vanier doit servir à payer les frais d’avocats qu’il a engagés relativement à son rôle d’intervenant. Il ne s’agit pas, à strictement parler, d’un octroi de fonds fait au député à titre personnel, même si on doit admettre que le député subirait une perte en l’absence d’un tel remboursement et serait ainsi réputé avoir un intérêt pécuniaire dans la question. Cependant, la présidence sait bien, comme tous les députés, qu’il n’a pas été suggéré que le député bénéficierait ainsi d’un gain pécuniaire direct.

Passons maintenant à l’interprétation très stricte qu’a toujours reçue l’article 21 du Règlement concernant les conflits d’intérêts. L’ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes précise, à la page 194 :

[…] le Règlement de la Chambre prescrit qu’aucun député n’a le droit de voter sur une question dans laquelle il a un intérêt pécuniaire direct, et que le vote de tout député ainsi intéressé doit être rejeté. L’intérêt pécuniaire doit être immédiat et personnel et appartenir en propre à la personne dont le vote est contesté.

L’article 21 du Règlement précise lui aussi, sans ambiguïté, que l’interdiction se rapporte au vote. L’honorable député de West Vancouver–Sunshine Coast a soutenu que la signature du rapport du Comité équivalait à un vote en faveur de son contenu et de ses recommandations. L’honorable député d’Ottawa–Vanier a contredit cet argument en indiquant que la signature du rapport ne constituait qu’une attestation de son authenticité et non un appui en sa faveur. Il a cité le paragraphe 873 de la 6e édition de Beauchesne, à la page 249, pour illustrer le fait que la signature d’un rapport par le président d’un comité faisait partie de nos usages habituels :

Le président signe au nom du comité à seule fin d’attester l’authenticité du rapport. Il le signe donc même s’il ne partage pas l’opinion majoritaire du comité.

J’attire également l’attention des honorables députés à la page 827 du Marleau et Montpetit, où est expliqué le rôle des présidents de comité dans le processus de présentation des rapports. On y lit ce qui suit :

Le président signe les rapports du comité à la Chambre et s’assure que le texte présenté à la Chambre est bien celui qui a été accepté par le comité.

Comme l’a souligné l’honorable député d’Ottawa–Vanier, ni nos règles écrites ni nos usages ne suggèrent que la signature d’un rapport par le président du comité constitue une prise de position de ce dernier quant au contenu du rapport. La signature ne fait qu’attester que le contenu du rapport reflète les décisions du comité.

Quant aux votes qui ont été tenus lors de l’étude et de l’adoption du rapport par le Comité, le député d’Ottawa–Vanier s’est abstenu de divulguer la façon dont il s’est comporté à ces occasions puisque ces votes ont été tenus lors d’une réunion à huis clos du Comité.

Il a néanmoins assuré à la Chambre être tout à fait au courant des règles et les avoir suivies à la lettre. Il a rappelé qu’à l’occasion d’un vote semblable tenu lors d’une réunion publique du Comité en février, il avait quitté la présidence et s’était abstenu de voter sur la question. Il a affirmé que rien n’aurait justifié un comportement différent de sa part lors du vote sur l’adoption des recommandations du sixième rapport.

Après avoir évalué l’ensemble des faits qui m’ont été présentés, la présidence ne trouve aucun fondement à l’allégation selon laquelle le député d’Ottawa–Vanier aurait contrevenu à l’article 21 du Règlement.

Post-scriptum

Le 12 mai 2003, M. Reynolds invoque le Règlement au sujet d’un avis d’une motion inscrite au Feuilleton et portant adoption du sixième rapport du Comité permanent des langues officielles, alléguant de nouveau que le président du Comité y avait un intérêt pécuniaire[7]. Le Président rend sa décision le 12 juillet 2003, en soulignant que lorsque le président du Comité avait présenté sa motion, il avait informé la Chambre qu’il s’abstiendrait de voter, se conformant ainsi à l’article 21 du Règlement[8]. (Note de la rédaction : Le rapport n’a pas été adopté[9].)

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[1] Sixième rapport du Comité permanent des langues officielles, présenté à la Chambre le 30 avril 2003 (Journaux, p. 716).

[2] Débats, 1er mai 2003, p. 5714-5715.

[3] Comité permanent des langues officielles, Procès-verbal, 29 avril 2003, séance no 21.

[4] Débats, 2 mai 2003, p. 5762-5763.

[5] Journaux, 29 avril 2004, p. 348-349.

[6] Les Débats publiés devraient lire « à l’honorable » au lieu de « au honorable ».

[7] Débats, 12 mai 2003, p. 6095-6096.

[8] Débats, 12 juin 2003, p. 7178-7179.

[9] Voir Journaux, 12 juin 2003, p. 915-916.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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