Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les comités / Rapports

Lignes directrices pour un rapport portant sur une question de privilège en comité

Débats, p. 7386-7387

Contexte

Le 27 novembre 2009, le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan dépose son troisième rapport à la Chambre, dans lequel il déclare que le Comité est d’avis qu’une atteinte grave au privilège a été commise et viole les droits des députés, du fait que le gouvernement a intimidé un témoin du Comité et qu’il a fait entrave aux travaux du Comité ainsi qu’aux documents demandés par le Comité[1]. Le 30 novembre 2009, Paul Dewar (Ottawa-Centre) soulève une question de privilège fondée sur le rapport du Comité. Il avance que le gouvernement a tenté d’intimider un témoin avant qu’il ne comparaisse devant le Comité en l’avertissant qu’il ne reconnaissait pas l’avis du légiste selon laquelle le privilège parlementaire avait primauté sur certains articles de la Loi sur la preuve au Canada, lui donnant ainsi instruction sur la façon de répondre aux questions des députés. M. Dewar ajoute que le témoin s’est vu retirer des documents qu’il avait en sa possession afin qu’il ne puisse les remettre au Comité. Il dénonce ce qu’il appelle « la volonté du gouvernement de bafouer le droit constitutionnel du Parlement ». Il affirme qu’avec le dépôt du rapport du Comité, la Chambre est dûment saisie de la question de privilège. Le Président entend aussi plusieurs autres députés sur la question de privilège[2].

Résolution

Le Président se prononce sur-le-champ. Il affirme que le rapport est insuffisant, car il ne contient pas assez de détails pour permettre à la présidence de rendre une décision concernant la question de privilège. En particulier, il souligne que le rapport ne décrit pas l’atteinte présumée au privilège, qu’il ne mentionne pas le nom des personnes en cause ou des témoins prétendument intimidés ni quels documents ont été fournis ou non au Comité. Comme le rapport ne respecte pas les exigences de la procédure, le Président statue qu’il ne peut déterminer s’il y a eu effectivement atteinte au privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je remercie les députés pour leurs interventions, mais je crois en avoir entendu suffisamment jusqu’à maintenant pour me prononcer.

Je remercie les honorables députés de tous les partis qui ont présenté des arguments sur ce point. Nous avons devant nous aujourd’hui le troisième rapport du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Le rapport est très bref. Je peux le citer encore une fois. Il dit ceci :

Que le Comité estime qu’une atteinte grave au privilège a été commise et viole les droits des députés et que le gouvernement du Canada, en particulier le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, a intimidé un témoin du Comité et fait entrave aux travaux du Comité et aux documents demandés par le Comité.

La décision que j’ai rendue la semaine dernière au sujet du recours du député de St. John’s-Est a été citée par le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale qui intervenait au sujet de la question de privilège. Je reprendrai la citation que j’ai tirée de la page 151 de la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, qui se trouve dans le chapitre 3, que tout le monde a mentionné aujourd’hui. On y lit que :

Si le président du comité […]

il s’agit bien du président du comité,

[…] estime que la question concerne un privilège (ou si sa décision affirmant qu’il n’y a pas matière à privilège est renversée en appel), le comité peut alors envisager de présenter un rapport à la Chambre sur la question. Le président du comité recevra une motion qui constituera le texte du rapport. On devrait y exposer clairement la situation, résumer les faits, nommer les personnes en cause, indiquer qu’il pourrait y avoir atteinte au privilège ou outrage, et demander à la Chambre de prendre les mesures qui s’imposent. La motion peut être débattue et modifiée […]

Et ainsi de suite.

Le fait est qu’à mon avis, le rapport est insuffisant. Il ne contient pas les détails qui permettraient à la Chambre de rendre une décision concernant la question de privilège. Il se peut que le Comité en présente un autre. Le Comité est libre de le faire lors d’une prochaine réunion et de présenter un rapport conforme aux exigences de la procédure, mais, à mon avis, le rapport que nous avons reçu aujourd’hui ne respecte pas ces exigences.

Les noms des personnes en cause ne sont pas mentionnés. Je crois comprendre que le Comité reçoit de nouveaux documents au moment même où nous discutons de la question. J’ignore quand le Comité doit se réunir, mais l’engagement de fournir davantage de documents a été pris. Le Comité convoque d’autres témoins.

Il me semble que le Comité devrait nous présenter un rapport décrivant en détail l’atteinte présumée aux privilèges, ce qui a été présenté, ce qui ne l’a pas été et donnant les noms des témoins qui ont été intimidés et de ceux qui ne l’ont pas été, et autres détails du genre. Ces détails ne se retrouvent pas dans le rapport mais, selon moi, ils devraient s’y retrouver. Jusqu’à ce que ces détails aient été communiqués, je ne pense pas pouvoir conclure qu’il y a eu atteinte aux privilèges.

Il faut que les détails de l’affaire soient présentés à la Chambre dans un rapport. La présidence se prononcera alors sur ce rapport. C’est la pratique décrite dans La procédure et les usages de la Chambre des communes. Après cela, une motion pourra être proposée.

Sinon, comme l’a indiqué le secrétaire parlementaire, n’importe quel comité pourrait adopter une motion comme celle-ci pour informer la Chambre qu’il semble y avoir eu atteinte au privilège parlementaire et demander au Président de rendre une décision, ce qui revient à dire qu’on lui demande d’ordonner la tenue d’un débat d’urgence qui passe avant les autres affaires de la Chambre. Pour que le Président puisse décider s’il y a eu atteinte au privilège des députés des Communes, il est important que le Comité lui fournisse un rapport détaillé lui indiquant en quoi consiste cette atteinte présumée. Nous ne disposons pas d’un tel rapport actuellement.

En refusant la demande aujourd’hui, je ne suis pas en train de dire qu’il n’y aura pas matière plus tard à accepter cette demande, si des faits sont portés à la connaissance de la Chambre. Mais, selon moi, le rapport du Comité, tel qu’il est actuellement ne suffit pas à justifier la demande. Il devra contenir beaucoup plus de détails. J’espère qu’au cours des délibérations du Comité, il préparera une liste des choses dont il a besoin ou dont il estime qu’elles ne sont pas appropriées. J’espère qu’il obtiendra l’information qui lui est nécessaire des témoins qu’il appellera à comparaître.

Par conséquent, lorsque le Comité aura obtenu l’information voulue, le député d’Ottawa-Centre ou les autres députés qui sont membres du Comité pourront présenter à la Chambre un autre rapport précisant en quoi il y a eu atteinte au privilège et demandant à la présidence de prendre une décision à cet égard. Je crois que, conformément à notre pratique, la présidence a besoin de plus d’information pour pouvoir prendre une telle décision et ne peut pas se prononcer simplement parce que la majorité des membres du Comité croit qu’il y a eu atteinte au privilège. Le Président doit disposer d’information sur laquelle il peut s’appuyer pour déterminer s’il y a eu effectivement atteinte au privilège des députés.

Nous en resterons là pour l’instant.

Note de la rédaction

 Le Président a rendu une décision sur une question de privilège connexe le 27 avril 2010[3].

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Troisième rapport du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, présenté à la Chambre des communes le 27 novembre 2009 (Journaux, p. 1101).

[2] Débats, 30 novembre 2009, p. 7379-7387.

[3] Voir Débats, 27 avril 2010, p. 2039-2045.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

Haut de la page