Chapitre 9Les séances de la Chambre
Séance quotidienne
La Chambre tient habituellement chacune de ses séances un jour différent. Au XIXe siècle, il est toutefois arrivé qu’on tienne deux séances ou plus un même jour32. Cela visait à accélérer les travaux de la Chambre en contournant la règle interdisant qu’un projet de loi ne fasse l’objet de plus d’une « lecture » le même jour33. La prolongation des séances, la mise en application d’heures de séances prolongées avant l’ajournement de juin ainsi que divers types de limitation du débat sur certaines mesures législatives ont entraîné l’abandon de cette pratique. Au XXe siècle, c’est pour de tout autres raisons, comme la fin d’une session et l’ouverture de la prochaine session d’une législature34, ainsi que pour permettre aux députés de participer à des cérémonies spéciales35, qu’il y a eu deux séances le même jour. Depuis le début du XXIe siècle, la Chambre des communes n’a jamais tenu plus d’une séance le même jour. La Chambre a toutefois prolongé à maintes reprises ses heures de séance, notamment pour des séances en juin36, ou encore pour tenir un débat d’urgence ou exploratoire37, ou pour poursuivre l’étude d’une affaire précise38.
Le Règlement énonce que la Chambre doit se réunir le lundi à 11 heures, le mardi, le jeudi et le vendredi à 10 heures, et le mercredi à 14 heures39. Une fois qu’elle est réunie et a amorcé ses travaux, la Chambre n’ajourne habituellement pas avant l’heure d’ajournement fixée, c’est-à-dire 18 h 30 les lundis, mardis, mercredis et jeudis, et 14 h 30 les vendredis40. À l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien, les lundis, mardis, mercredis et jeudis, une motion d’ajournement de la Chambre est réputée avoir été présentée et appuyée. L’article 38 du Règlement énonce que cette motion peut faire l’objet d’un débat d’au plus 30 minutes. En réalité, le débat, appelé officiellement Débat d’ajournement et également connu sous le nom de « late show »41, n’est pas un débat sur la motion, mais sur les sujets découlant des affaires soulevées pendant la période des questions orales ou dans des questions écrites. Après les 30 minutes prévues ou dès qu’il n’y a plus d’interventions, le Président considère la motion d’ajournement adoptée et ajourne la Chambre jusqu’au prochain jour de séance42. Le vendredi, aucune motion d’ajournement de la Chambre n’est présentée, et le Président lève la séance sans que la question soit mise aux voix (ou sans qu’elle soit réputée mise aux voix).
Modification des jours et heures de séance
La Chambre peut adopter des ordres spéciaux pour modifier ses jours ou ses heures habituels de séance. Au fil du temps, diverses raisons ont motivé de tels ordres : pour écourter ou annuler une séance afin de permettre à des députés de participer à un congrès politique43 ou à des cérémonies marquant le décès de personnalités publiques44 ; pour la tenue d’activités spéciales à la Chambre, comme les excuses qui ont été présentées en 2008 aux anciens élèves des pensionnats indiens45 ; pour amorcer une séance plus tôt, certains jours, afin d’étudier des Ordres émanant du gouvernement46 ; pour l’installation d’un nouveau gouverneur général47 ; pour devancer ou retarder le début d’une séance afin qu’une personnalité étrangère ou un chef d’État en visite puisse prendre la parole devant les deux chambres48 ; pour ne pas siéger certains jours où une séance serait autrement prévue49 ; pour siéger certains jours où autrement la Chambre ne siégerait pas, y compris le samedi et le dimanche50 ; et pour siéger en suivant l’horaire du vendredi un autre jour afin d’ajourner plus tôt51.
Si un ordre spécial est adopté en vue de siéger un samedi ou un dimanche et qu’il ne le précise pas explicitement, l’ordre des travaux sera celui d’une séance du vendredi52. À une époque, il était assez courant que la Chambre siège le samedi en fin de session ou juste avant l’ajournement pour l’été lorsque le gouvernement voulait accélérer l’adoption de mesures législatives. Depuis l’entrée en vigueur d’articles du Règlement qui permettent de prolonger les heures de séance sans déroger au calendrier habituel de la Chambre des communes, il est devenu rare que la Chambre siège le samedi ou le dimanche53.
Le 22 octobre 2014, la Chambre n’a pas siégé, en raison d’événements tragiques et imprévisibles qui étaient survenus en matinée. La question s’est posée de savoir comment le Président aurait pu modifier les heures de séance de la Chambre si la Chambre avait voulu se réunir plus tard ce jour-là54.
Suspension d’une séance
Même si les travaux se poursuivent sans interruption du début d’une séance jusqu’à l’ajournement, la Chambre peut s’entendre pour effectuer une « suspension provisoire ». Il s’agit d’une procédure courante et fort simple que la Chambre peut invoquer pour diverses raisons et qui lui permet de gérer son emploi du temps. Lorsqu’il y a suspension d’une séance, le Président quitte le fauteuil, mais la masse demeure sur le Bureau pour indiquer que la Chambre reste en exercice. Les séances de la Chambre sont souvent suspendues avec l’intention de reprendre les travaux plus tard dans la journée, habituellement peu de temps après.
Aucun article du Règlement ne régit explicitement la suspension d’une séance. Le libellé d’une motion ou d’un ordre spécial de la Chambre peut entraîner une suspension de la séance55 ou la Chambre peut suspendre ses travaux du consentement unanime56.
Les séances sont le plus souvent suspendues lorsque, ayant terminé l’étude d’une question, la Chambre arrête ses travaux jusqu’à la « convocation de la présidence » (c’est-à-dire jusqu’à ce que le Président signale la reprise des travaux) ou jusqu’à l’heure prévue du prochain point à l’ordre des travaux. Cela se fait soit sur l’initiative d’un député, qui demande le consentement unanime de la Chambre pour suspendre la séance57, soit par une intervention du Président qui, voyant que le débat sur une affaire est terminé, suspend la séance58. Il est cependant entendu, dans ce dernier cas, que le Président agit avec l’assentiment de la Chambre.
Au cours des dernières années, la Chambre a suspendu ses séances pour diverses raisons : pour attendre l’heure fixée par la Chambre pour un vote par appel nominal59 ; pour permettre la tenue éventuelle d’une cérémonie de sanction royale60 ; pour permettre au Président de délibérer sur une décision à rendre61 ; pour attendre l’heure fixée pour la présentation d’un budget62 ; pour observer une alerte d’incendie63 ; pour permettre la présence de certains députés à la Chambre en vue d’un débat64 ; pour attendre un message du Sénat concernant un amendement à un projet de loi65 ; pour permettre aux partis de tenir des négociations sur une mesure législative66 ; pour permettre à un député d’obtenir des précisions sur les modalités d’un débat67 ; pour attendre l’heure fixée pour un débat exploratoire68 ; pour permettre la reproduction de motions déposées sans préavis69 ; pour attendre une déclaration anticipée du premier ministre70 ; pour permettre aux députés d’assister aux funérailles d’un député71 ou à un autre service commémoratif72 ; pour permettre aux députés d’assister au dévoilement d’une statue sur la Colline du Parlement73 ; pour réparer le système d’interprétation simultanée de la Chambre74 ; et pour intervenir à la suite de l’effondrement soudain d’une députée à la Chambre75.
Pour reprendre une séance suspendue, le Président prend place au fauteuil et fait retentir la sonnerie d’appel brièvement. Les travaux de la Chambre reprennent sans vérifier s’il y a quorum et conformément à l’entente conclue par la Chambre avant la suspension, ou conformément à l’ordre spécial adopté par la Chambre, qui peut consister simplement à revenir à l’ordre habituel des travaux.
Moments de silence
La Chambre interrompt parfois ses travaux pour observer une brève période de silence lors de commémorations solennelles76. Certaines de ces commémorations sont ponctuelles et d’autres se répètent tous les ans, comme la Semaine des anciens combattants et le Jour du souvenir77, la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes78, ainsi que le Jour de deuil national, qui est observé en mémoire des personnes décédées dans des accidents du travail79. Ces moments de silence se tiennent souvent à la fin des Déclarations de députés, pendant les Affaires courantes (souvent à la fin des « Déclarations de ministres ») ou après les Questions orales. Le Président annonce habituellement le moment de silence en précisant que les partis ont été consultés et qu’ils se sont entendus pour observer un moment de silence pour l’occasion en question. Le Président, les députés et les autres personnes se trouvant dans la Chambre et les tribunes se lèvent et demeurent silencieux pendant environ une minute. La télédiffusion se poursuit pendant ce temps. Le moment de silence se termine habituellement quand le Président passe au prochain point à l’ordre du jour.
Poursuite ou prolongation d’une séance après l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien
Dans certaines situations, tout député peut, sans préavis, proposer une motion visant à prolonger une séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien afin de poursuivre l’étude d’une affaire particulière à une ou à plusieurs étapes80. Cependant, bien qu’une motion de prolongation de séance puisse « proposer la poursuite » d’un débat, elle ne peut en proposer la conclusion81.
Depuis l’entrée en vigueur de l’heure d’ajournement fixe en 1927 jusqu’en 1965, une multitude de motions visant à poursuivre ou à prolonger les séances pendant l’heure des repas ou au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien ont été adoptées, souvent du consentement unanime. Au début des années 1960, il devenait toutefois de plus en plus difficile d’obtenir l’accord des députés en vue de prolonger une séance au-delà de l’heure d’ajournement obligatoire à la fin d’un jour donné82. Cette rigidité a contribué à la création d’un autre mécanisme de prolongation des séances par l’adoption, en 1965, d’un nouvel article du Règlement83.
Depuis lors, des motions de prolongation d’une séance ont été présentées, par des ministres aussi bien que par des députés, généralement durant l’étude des Ordres émanant du gouvernement84. Une motion visant à poursuivre ou à prolonger une séance de la Chambre doit être proposée pendant que la Chambre est en train d’examiner l’affaire en cause85, et le motionnaire doit la présenter dans l’heure qui précède celle où les Affaires émanant des députés ou l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien viendraient normalement interrompre l’étude de cette affaire86. Une telle motion, qui ne peut faire l’objet ni d’un débat ni d’un amendement87, ne peut être proposée pendant la période des Affaires émanant des députés88. Un député peut en faire la proposition au cours du débat, mais il ne doit le faire ni en invoquant le Règlement89, ni pendant la période de questions et d’observations qui suit le discours d’un député90, ni lorsque la Chambre est engagée dans des délibérations qui doivent prendre fin à une heure précise91. Une motion visant à prolonger la séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien ne peut, par exemple, être proposée lorsque des votes sont prévus les jours réservés aux Travaux des subsides, pendant le débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône ou sur le budget, lorsqu’un projet de loi ou une motion fait l’objet d’une motion d’attribution de temps ou de clôture, ou lorsqu’un ordre spécial de la Chambre lui fixe une échéance précise pour disposer d’une affaire.
Lorsqu’une motion visant à poursuivre ou à prolonger une séance est présentée, le Président met la question aux voix et demande spécifiquement aux députés qui s’y opposent de se lever. Si 15 députés ou plus se lèvent, la motion est réputée retirée ; autrement, elle est adoptée92. Il est arrivé que la même motion soit proposée plus d’une fois durant la même heure93. Si la Chambre s’est formée en comité plénier, le comité doit lever brièvement la séance afin que la motion puisse être présentée dans les règles et que la Chambre puisse en disposer alors que le Président occupe le fauteuil94.
Lorsqu’une motion visant à prolonger une séance est adoptée avant de passer aux Affaires émanant des députés le mardi, le mercredi, le jeudi ou le vendredi, le débat prolongé se poursuit après l’heure réservée aux Affaires émanant des députés.
Une séance peut être prolongée en raison d’un ordre permanent ou spécial de la Chambre exigeant qu’une affaire spécifique se poursuive, soit immédiatement réglée ou se termine lors d’une séance en particulier. Dans ce cas, seul un ministre peut présenter une motion d’ajournement de la Chambre avant que ne soit terminée l’étude de l’affaire en question95. Autrement, une fois l’étude terminée, la Chambre s’ajourne comme d’habitude96.
D’autres circonstances peuvent amener la Chambre à siéger au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien prescrite par le Règlement, notamment : l’adoption par la Chambre d’un ordre spécial en ce sens97 ; la prolongation des Ordres émanant du gouvernement en raison de la période de questions et d’observations sur une motion d’attribution de temps, ou en raison des « Déclarations de ministres »98 ; l’étude de certains crédits du Budget principal des dépenses en comité plénier99 ; la conclusion du débat sur une affaire visée par une motion de clôture100 ; un débat d’urgence101 ; ou un débat exploratoire102.
La Chambre peut aussi siéger au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien lorsqu’elle procède à l’élection d’un Président. L’élection du Président a préséance sur toutes les autres affaires ; aucune motion d’ajournement de la Chambre n’est donc acceptée jusqu’à ce que le Président soit déclaré élu et occupe le fauteuil. Une fois le Président élu, après les mots de remerciements et de félicitations d’usage et après avoir annoncé la date et l’heure du discours du Trône, le Président ajourne la Chambre jusqu’à la séance suivante103.
Ajournement d’une séance avant l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien
Il peut arriver que la Chambre veuille devancer l’heure d’ajournement prescrite par le Règlement. Ici aussi, elle peut le faire au moyen de l’adoption d’un ordre spécial104. Sinon, lorsque le débat sur une affaire prend fin avant l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien, la Chambre peut s’ajourner du consentement unanime : le Président peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un député, demander le consentement de la Chambre pour « déclarer qu’il est 18 h 30 » (ou 14 h 30 le vendredi ou une autre heure, si la Chambre a adopté un ordre en ce sens, comme c’est souvent le cas à la fin juin). Comme la Chambre acquiesce habituellement à cette demande, il n’est pas nécessaire de présenter une motion d’ajournement105.
Un député peut aussi proposer la motion demandant « Que la Chambre s’ajourne maintenant » afin que la Chambre s’ajourne sans préavis106, sauf dans les circonstances où le Règlement l’interdit explicitement107. La motion ne peut faire l’objet ni d’un débat ni d’un amendement et son adoption met fin immédiatement à la séance. Si la motion n’est pas adoptée, elle peut être présentée de nouveau au cours de la même séance, à condition qu’il y ait eu d’autres délibérations entre-temps.
Les raisons pour lesquelles la Chambre a décidé d’ajourner plus tôt que prévu ses travaux sont diverses : notons un manque d’eau sur la Colline du Parlement, ce qui posait un risque pour la santé et la sécurité108, ainsi que l’annonce du décès d’un député, d’un ancien parlementaire ou d’une personnalité de marque109.
Prolongation des heures de séances en juin
Depuis l’établissement, en 1982, d’un calendrier fixe de la Chambre des communes, le Règlement permet de prolonger les heures de séance au cours des 10 derniers jours de séance en juin110. La Chambre n’a fait qu’officialiser une pratique de longue date par laquelle, avant une prorogation du Parlement ou l’ajournement pour l’été, elle prolongeait les heures de séance afin de terminer ou de faire avancer ses travaux. Cette prolongation des heures de séance se faisait le plus souvent par l’ajout d’une séance le samedi111 ; l’ouverture des séances plus tôt dans la journée pendant la semaine112 ; l’ajout de séances les soirs où il n’était pas prévu que la Chambre siège113 ; ou l’omission des pauses-repas le midi et le soir114.
Pour prolonger les heures de séance en juin, un ministre doit, pendant les Affaires courantes du 10e jour de séance qui précède le 23 juin, présenter une motion115. La motion, qui n’exige pas de préavis, doit proposer de prolonger les séances jusqu’à une heure donnée, sans que cela ne s’applique nécessairement chaque jour durant cette période116, et peut faire l’objet d’un débat d’au plus deux heures avant que le Président ne mette la question aux voix117.
Même si cet article du Règlement est en vigueur depuis 1982, on n’y a pas fait appel chaque année. Dans certains cas, des ordres spéciaux ont plutôt été proposés et adoptés, habituellement du consentement unanime118.
Séance de plus d’un jour
Une séance de la Chambre peut se dérouler sur plus d’un jour civil. Avant l’adoption, en 1927, d’une heure d’ajournement fixe pour chaque jour de la semaine119, les séances s’étendaient en fait souvent sur plus d’un jour120. Depuis, les séances de plus d’un jour sont devenues rares, découlant de facteurs comme le retentissement prolongé de la sonnerie d’appel121 ; la prolongation d’une séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien en vue d’étudier une affaire précise122 ; la poursuite d’un débat d’urgence ou d’un débat exploratoire au-delà de l’heure normale d’ajournement stipulée par le Règlement123 ; la décision de faire franchir à un projet de loi toutes les étapes qui restent124 ou de permettre à tous les députés qui le souhaitent de prendre la parole sur une question125 ; et la tenue de votes par appel nominal à l’étape du rapport d’un projet de loi126. À la fin d’une séance prolongée, la Chambre s’ajourne jusqu’à l’heure normale du début de la prochaine séance, qui est soit plus tard le même jour si cette heure n’a pas encore été dépassée127, ou le lendemain, si la séance s’est prolongée au-delà de ladite heure128.