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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS


RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DE LA MAIN-D'OEUVRE INFANTILE DANS LE MONDE

FÉVRIER 1997

Avant-propos :

C'est avec intérêt que le Bloc Québécois a participé aux travaux du Sous-comité du développement humain durable du Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international, qui avaient pour objet d'étudier l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile dans le monde. Nous tenons à mentionner que nous avons été impressionnés par la qualité et la diversité des témoignages entendus devant le Sous-comité tout au long des divers travaux. C'est grâce à ceux-ci que nous avons pu aborder de manière satisfaisante le phénomène du travail des enfants dans toute sa complexité.

Les députés du Bloc Québécois ont participé activement aux discussions et leur contribution appréciable se reflète dans le rapport du Sous-comité. À la suite d'une étude approfondie de la première version du présent rapport, notre formation politique a fait adopter, par le parti ministériel, une série d'amendements importants en vue de son amélioration. Ainsi, nous avons proposé des modifications à une majorité de recommandations qui ont été suivies en presque totalité dans le rapport actuel.

Cependant, malgré ces changements importants, certains éléments essentiels à nos yeux, ont été laissés de côté par les députés libéraux. Les observations dont nous traitons dans ces lignes portent donc sur ces éléments.

Mais avant d'aller plus loin, nous tenons à souligner notre déception quant à la piètre qualité de la version française du rapport. Depuis plus de trois ans, nous sommes confrontés à ce problème. De plus, les changements d'échéanciers précipités et inattendus que nous avons subis sont inacceptables et découlent d'une mauvaise planification des travaux. Nous espérons ne plus avoir à travailler dans de telles conditions.

Collaborer avec la société civile au Canada-Recommandation #16

Dans le rapport majoritaire, la section se rapportant à la recommandation no 16 s'intitule : « Collaborer avec la société civile au Canada ». Pour aller dans ce sens, le Bloc Québécois a proposé que l'on ajoute l'élément suivant à cette proposition : «Le Sous-comité recommande aussi que le gouvernement fédéral rétablisse le Programme de participation du public de l'ACDI (c'est-à-dire les subventions aux ONG qui oeuvrent à la sensibilisation du public québécois et canadien).»

À cet égard, rappelons que les subventions du Programme de participation du public (PPP) de l'ACDI ont été éliminées sans justification par le gouvernement libéral à partir du 1er avril 1995. Ce programme avait pour but le soutien financier des organisations non gouvernementales canadiennes dont la mission consiste à informer le grand public des enjeux relatifs à l'aide au développement. Ces organismes oeuvraient également à la sensibilisation de la population canadienne à des problématiques plus particulières telle l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile. De nombreuses organisations non gouvernementales implantées dans des communautés aux quatre coins du pays bénéficiaient alors de ce fonds alloué par le gouvernement fédéral au programme de participation du public.

Ceci étant dit, nous croyons que la sensibilisation et la participation du public sont essentielles si on veut en arriver à des résultats concrets, dans le domaine de l'aide au développement et plus particulièrement au chapitre de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile. Comme nous l'ont rapporté de nombreux témoins et tel que le rapport l'indique clairement, la participation de la société civile est un élément primordial à la réalisation des objectifs de l'Aide publique au développement (APD). Le mandat premier de l'APD de l'ACDI est la réduction de la pauvreté dans le monde, tel que mentionné dans l'énoncé de politique étrangère, Le Canada dans le monde1). Le soutien de la population est non moins essentiel au maintien et à l'augmentation des ressources allouées à l'APD.

En ciblant l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile comme objet d'étude, le Sous-comité a identifié un problème d'envergure mondiale dont la cause première est sans contredit la pauvreté. Ainsi, la principale solution à ce phénomène complexe passe irrémédiablement par le développement humain durable, via une approche holistique s'appuyant sur la satisfaction des besoins humains fondamentaux. À ce sujet, nous notons que depuis 1995, le gouvernement affirme consacrer 25 % de l'APD à la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Malgré les belles paroles du gouvernement une étude de l'Institut Nord-Sud souligne que la proportion réelle de l'APD consacrée aux besoins humains fondamentaux est beaucoup plus proche de 13 %2=. De plus, le gouvernement ne cesse de sabrer dans l'APD, dont le budget total aura été coupé de 28 % en 4 ans de règne libéral. Le Bloc Québécois et le Conseil canadien de la coopération internationale (CCCI) proposent, par contre, de hausser le pourcentage consacré aux besoins humains fondamentaux à 50 % de l'APD.

Il est ironique de constater que les recommandations 15 à 18 du rapport mettent davantage l'accent sur le développement des nouvelles technologies de l'information plutôt que sur les moyens concrets d'atteindre les objectifs prioritaires du développement humain durable. Pourtant, la très grande majorité des témoignages proposaient des solutions liées au développement humain durable, alors que la question des nouvelles technologies de l'information a été peu abordée lors des audiences. La nécessité pour le Canada de chercher à se positionner sur les marchés mondiaux des hautes technologies est légitime. Mais de là à brancher le tiers monde sur Internet, il y a une marge!

Nous déplorons la nouvelle orientation que le ministre Axworthy entend donner au mandat de l'APD, d'autant plus qu'il décide sans consulter3. En effet, le ministre semble davantage préoccupé par la promotion de sa Stratégie internationale d'information4 que par la quête de solutions adéquate au problème de l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile. Rappelons en ce sens qu'il s'agit en tout premier lieu d'un problème issu de la pauvreté extrême et que les enfants victimes de l'exploitation sont à mille lieues de notre conception toute occidentale de la communication virtuelle. D'ailleurs, c'est pour cette raison que le Bloc Québécois a insisté pour recommander au gouvernement d'assurer un financement pluriannuel à Radio Canada International, qui rappelons-le, avait été « oublié » de la Stratégie du ministre Axworthy. Cette stratégie prétendait pourtant s'appuyer sur des réseaux existants de communications5. Selon un journaliste de Radio Canada International, il y a au Rwanda 500 000 postes de radio contre seulement 14 000 téléphones6, ce qui démontre bien que les meilleurs moyens pour rejoindre les populations démunies ne sont pas nécessairement ceux dont le gouvernement fait la promotion.

Malgré le discours qui sollicite la participation active de la population civile, le gouvernement ne cesse de s'approprier de plus en plus de pouvoirs, et ceci de manière très autocratique. En effet, dans différentes matières, telles l'information, la culture, la coopération internationale, il est alarmant de constater que le gouvernement fédéral, par l'entremise d'une centralisation abusive, est en train de bâillonner l'appareil démocratique. Ainsi, le gouvernement a annulé le Programme de participation du public (PPP) de l'ACDI, pour créer l'année suivante le Centre canadien pour le développement de la politique étrangère du MAECI, auquel on voudrait bien remettre les responsabilités qui incombaient auparavant à des organismes non gouvernementaux, bien ancrés au sein de la population. En passant par les services du Centre canadien pour le développement de la politique étrangère du MAECI, le gouvernement s'assurera de toujours contrôler l'information véhiculée auprès de la population. C'est d'ailleurs pour cette raison que les membres du parti ministériel ont tenu mordicus à garder toutes les références à ce Centre ainsi qu'à l'utilisation de ses ressources dans le rapport, et ont refusé d'appuyer notre recommandation quant à la remise en opération du PPP. Le gouvernement crie sur tous les toits qu'il faut encourager la participation du public, mais ne cesse de couper les vivres aux organismes qui travaillent à la base et qui sont les antennes de la population canadienne. Il nous importe de dénoncer cette contradiction flagrante.

Interventions passant par les organisations régionales et autres organisations multilatérales-Recommandation #5

Le Bloc Québécois approuve la recommandation 5 que nous avons d'ailleurs contribué à renforcer. Notre formation politique est en faveur d'un leadership canadien dans les divers forums internationaux pour qu'il y soulève la question du travail des enfants en vue, notamment, de trouver les moyens de mettre en place une norme internationale obligatoire. Là où le bât blesse, c'est que les députés libéraux souscrivent à une telle approche, mais que le gouvernement annonce qu'au prochain Sommet du Forum de coopération économique de l'Asie-Pacifique (CEAP), qui aura lieu à Vancouver cet automne, toutes questions relatives à la défense des droits de la personne seront exclues de l'ordre du jour. Selon un article du Globe and Mail, le directeur général du CEAP au Canada a affirmé qu'il n'est aucunement question d'inclure des discussions sur les droits de la personne lors de la conférence de Vancouver7. Plus encore, le gouvernement fédéral refuse même d'appuyer la tenue, à Vancouver, d'un sommet parallèle parrainé par des organismes canadiens et internationaux de défense des droits humains sur le commerce et les droits de la personne.

Ce gouvernement peut bien se targuer de célébrer l'année de l'Asie-Pacifique, mais tous auront compris que sa conception des relations internationales demeure principalement axée sur le commerce et exclut les droits de la personne. Ces exemples nous le démontrent bien que les belles paroles du ministre des Affaires étrangères sont vides de sens quand le gouvernement, dont il se réclame, agit directement à l'encontre de ce qu'il défend.



Maud Debien, députée de Laval-Est

Philippe Paré, député de Louis-Hébert


1
Le Canada dans le monde, p. 47.

2
Institut Nord-Sud, Une promesse partielle, 1996.

3
John Stackhouse, Canada to change foreign-aid focus, The Globe and Mail, le 15 janvier 1997.

4
Rendue publique le 6 décembre 1996.

5
La politique étrangère à l'âge de l'information, discours du ministre Axworthy, Ottawa, le 6 décembre 1996.

6
Jean Bériault, La nouvelle politique canadienne de communications internationales : Pour branchés seulement, Le Devoir, le 12 décembre 1996

7
Ross Howard, Summit agenda ignores rights, The Globe and Mail, le 17 février 1997.


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