ADOPTER UNE POLITIQUE RURALE EXHAUSTIVE
Le Canada rural regroupe environ 20 p. 100 de la population active occupée du Canada et le tiers de la population totale et couvre plus de 90 p. 100 du territoire canadien. Englobant des régions côtières, des régions éloignées et une zone centrale agricole, il a une économie et une société très diversifiées. Le Canada rural produit de l'emploi, des produits forestiers, des minéraux, du pétrole et du gaz, des biens manufacturés, des devises étrangères en plus d'assurer la sécurité alimentaire. On y traite la pollution des villes, on y éduque le tiers de la jeunesse canadienne et on y gère l'environnement au bénéfice de tous les Canadiens. On y retrouve des installations de loisir et de découverte de la nature dont tous les Canadiens peuvent profiter.
Le Canada rural est aussi, hélas, aux prises avec un certain nombre de réalités malheureuses. De façon générale, les régions rurales sont économiquement défavorisées lorsqu'on les compare aux régions urbaines du Canada. Depuis toujours, le revenu par habitant y est moins élevé - en 1990, par exemple, il était de 2 600 $ inférieur à la moyenne canadienne -, bien que cette disparité varie généralement selon la distance des principaux centres urbains. En fait, certaines régions rurales croissent à un rythme tout aussi rapide ou même plus rapide que leurs contreparties urbaines. D'autres, toutefois, ont une longue pente à remonter.
Les lacunes, au chapitre des compétences et de l'éducation de base, continuent de poser problème. Les résidants des régions rurales, particulièrement les femmes, les jeunes et les personnes dont les compétences sont particulièrement limitées, demeurent en chômage pendant de plus longues périodes. Les taux de chômage, en fait, augmentent régulièrement à mesure que l'on s'éloigne des régions urbaines. En raison surtout de l'insuffisance des possibilités d'emploi et de l'absence de programmes de formation et d'éducation spécialisée, on assiste à un exode des jeunes des zones rurales.
Le fait que les besoins en infrastructures de base et en capitaux de placement ne soient pas satisfaits dans le Canada rural constitue un autre important obstacle au développement. Souvent, les services sociaux et médicaux sont absents ou inférieurs aux normes. Le réseau routier se détériore, et les lignes ferroviaires sont abandonnées, tandis que de nouvelles routes et voies ferroviaires doivent être aménagées; pour de nombreux résidants des régions rurales, le transport aérien est prohibitif; dans de nombreuses régions, l'infrastructure des communications fait cruellement défaut; l'accès à l'autoroute de l'information, outil essentiel au développement, doit être considérablement amélioré; enfin, la disponibilité du crédit suscite de graves préoccupations. Les Canadiens qui vivent en région rurale ont le sentiment d'être les parents pauvres des décideurs fédéraux.
L'accès à l'éducation et à la formation, à l'infrastructure, aux capitaux, aux services gouvernementaux de base et à la prise de décisions est beaucoup plus limité que dans le Canada urbain. Il n'est guère surprenant de constater que les résidants des régions rurales souhaitent de plus en plus être traités comme des citoyens à part entière et bénéficier d'un accès égal aux outils de développement que les Canadiens urbains tiennent pour acquis.
Dans le Canada rural, nombre des obstacles structurels au développement économique se sont traduits par le manque de confiance qu'on observe chez les Canadiens ruraux, particulièrement les jeunes, qui voient dans les régions urbaines la clé de leur avenir économique. Le Canada rural ne pourra se développer que si on a conscience des possibilités économiques qu'il recèle et que si les outils nécessaires pour concrétiser ces possibilités sont facilement accessibles. Le présent rapport a pour but premier de recommander des mesures qui favoriseront le bien-être économique du Canada rural. Nous tenons tous à créer une économie rurale qui permettra aux jeunes de demeurer dans des collectivités fières et dynamiques.
De plus, de nombreux citadins nourrissent à l'endroit du Canada rural des préjugés généralement défavorables. On peut imputer cette perception au fait que les habitants des villes comprennent mal qu'il existe bel et bien une économie rurale distincte qui entretient des liens importants avec l'économie du Canada urbain. Faire la promotion du Canada rural devrait être un objectif national important, car, sans le Canada rural, il n'y aurait pas de Canada urbain. Il importe que les Canadiens parviennent à mieux comprendre la contribution des régions rurales à l'économie et au bien-être social du pays.
Les localités rurales procurent beaucoup d'emplois et d'avantages économiques à l'ensemble des Canadiens. Le succès que le Canada connaît à l'étranger et l'image qu'il projette reposent principalement sur ses ressources naturelles. Mais les Canadiens des régions rurales ne sont souvent qu'une «voix dans le désert» : personne ne les écoute. Le gouvernement doit reconnaître l'importante contribution de ce secteur. Les personnes influentes, c'est-à-dire les femmes et les hommes politiques, doivent prendre cette reconnaissance au sérieux et s'en réjouir.
L'un des principaux messages du présent rapport est que la responsabilité du développement économique rural doit être assumée collectivement par les trois paliers de gouvernement et par des intervenants ruraux. Dans ce contexte plus large, le gouvernement fédéral doit faire preuve d'un leadership plus actif dans le développement économique du développement rural. Il doit indiquer aux Canadiens ruraux qu'ils sont essentiels au bien-être du Canada, tout comme l'est l'activité économique qu'ils génèrent.
Les ruraux doivent avoir le sentiment que leur activité et leurs collectivités sont importantes, ils doivent être associés au développement communautaire, et ils doivent investir dans leur propre avenir. Comme de nombreux organismes ruraux sont en déclin, les particuliers doivent commencer à prendre plus d'initiatives personnelles, à créer des débouchés et à réinvestir dans leur collectivité. Pour ce faire, ils doivent toutefois posséder les outils nécessaires.
Par le passé, développement rural a rimé à l'occasion avec subventions gouvernementales et avec d'autres formes d'aides fiscales. Ce n'est pas, à notre avis, la seule façon d'assurer la vitalité de l'économie rurale du Canada. Pour tirer profit de tout le potentiel du marché, nous avons besoin d'une collaboration efficace du gouvernement. En effet, le gouvernement peut créer un contexte propice par des interventions directes minimales, des règlements limpides et une stabilité législative.
En plus d'être le chef de file, le gouvernement fédéral doit s'appliquer tout particulièrement à mettre les régions rurales et urbaines sur un pied d'égalité en permettant aux régions rurales d'accéder à l'éducation, à la formation, à l'infrastructure, à l'information, aux capitaux et à d'autres outils de développement au même titre que le Canada urbain.
Le gouvernement devrait favoriser le développement économique local en laissant aux collectivités rurales le soin de définir les modalités de ce développement. Dans les villages, on n'apprécie guère de se voir imposer des programmes, et nombre de résidants redoutent les anciennes approches du développement régional que préconise le gouvernement, lourdes et axées sur les mégaprojets. Il est arrivé, a-t-on fait valoir, que ces approches aient inhibé plutôt que favorisé un développement local adéquat. La conclusion de partenariats avec les campagnes, les gouvernements provinciaux, le secteur privé et des responsables locaux du développement économique est, croyons-nous, la marche à suivre qu'il faut privilégier. Les remarquables efforts déployés par des fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux, des environnementalistes et des gens d'affaires qui, dans la région de Mattawa, en Ontario, se sont unis pour stimuler l'économie locale, témoignent de l'utilité d'une telle approche.
Les programmes du gouvernement doivent fournir les outils, mais ne pas s'immiscer dans leur utilisation car s'ils le font, ils ne seront pas appréciés à leur juste valeur dans les communautés rurales. La clé du succès, dans celles-ci, c'est d'apprendre aux gens à se débrouiller tous seuls.
Bien que les petites villes et les municipalités rurales se retrouvent fréquemment sous l'aile soi-disant protectrice des gouvernements et des grandes sociétés actives dans le secteur des ressources naturelles, une collectivité a tout intérêt à prendre en main ses propres affaires et à s'engager elle-même à s'assurer un avenir viable. Les collectivités qui s'affirment se dotent des moyens de survivre et, à long terme, parviennent à la prospérité grâce aux jugements de valeur qu'elles ont elles-mêmes portés.
La plupart des témoins ont laissé entendre que le développement communautaire «ascendant» donnera de meilleurs résultats que les stratégies de développement «descendantes» , qui peuvent se révéler improductives, et le Comité partage leur avis. Si elles sont pleinement associées à la prise de décisions en matière de développement, qu'elles sont responsables de leurs propres affaires et qu'elles s'engagent elles-mêmes envers un avenir viable, les petites collectivités rurales sont plus susceptibles de connaître du succès.
[. . .] l'occasion se présente au gouvernement fédéral d'améliorer sensiblement le développement économique des régions rurales du Canada. Pour ce faire, le gouvernement ne doit plus se contenter d'intervenir au strict niveau des intérêts sectoriels comme il le fait par ses politiques nationales actuelles sur les questions rurales, mais il doit jouer un rôle nouveau.
Les politiques macroéconomiques du gouvernement fédéral conçues pour comprimer les dépenses publiques, réduire la taille du déficit, les taux d'intérêts et les taux d'inflation, de même que pour créer des emplois, sont tout aussi pertinentes en milieu rural qu'en milieu urbain. Pour le Canada rural, il est toutefois crucial que le gouvernement applique ses politiques de façon différente dans les régions concernées, en tenant compte de l'existence d'une économie rurale distincte qui repose sur des structures sociales différentes et est confrontée à des défis économiques également différents.
L'application distincte des politiques fédérales dans le Canada rural fait l'objet des recommandations du présent rapport et devrait être à la base de la vision et de la stratégie rurale du gouvernement fédéral. La stratégie devrait s'inspirer des principes fondamentaux suivants :
- on doit sensibiliser les Canadiens des villes à l'importance de la contribution économique du Canada rural;
- on doit adopter des politiques pour faire en sorte que les Canadiens des régions rurales aient accès à des services gouvernementaux de base d'une qualité comparable à celle dont bénéficient les citadins;
- pour répondre à leurs besoins en matière de développement économique, les Canadiens des campagnes doivent bénéficier d'un accès facile à l'éducation, à la formation, à l'infrastructure, aux communications, aux capitaux, à la recherche et au développement et à d'autres importants outils;
- on doit laisser aux résidants de la région locale le soin de définir un modèle de développement rural précis, qui doit idéalement reposer sur un partenariat communautaire «ascendant»;
- on ne doit pas augmenter indûment les dépenses publiques fédérales; on doit plutôt, de façon proactive, cibler les programmes de financement gouvernementaux existants vers le Canada rural;
- pour renforcer la présence du gouvernement fédéral dans le Canada rural, on doit fournir aux résidants des renseignements concernant les politiques et les programmes.
1. D'ici la fin de l'exercice 1997-1998, le gouvernement fédéral devrait concevoir et rendre publique une politique rurale d'ensemble, mais axée sur les régions. Il devrait adopter une vision claire du développement économique du Canada rural et informer efficacement la population canadienne de la contribution vitale du Canada rural sur les plans économique, environnemental et social.
2. Il faudrait cibler activement les programmes de financement fédéraux actuels au bénéfice du Canada rural afin de garantir à ses résidants le même accès aux programmes, aux services et aux sources de capital dont jouissent les citadins.
DÉFINIR LA RÉALITÉ RURALE AU CANADA
Il existe diverses façons de définir le Canada rural. À la lumière des témoignages entendus et de nos recherches, nous en sommes venus à la conclusion que les diverses définitions appartiennent à deux grandes catégories : géographiques et économiques. Quelle que soit la définition adoptée, on peut dire que le tiers environ de la population du Canada vit en milieu rural.
a. Répartition géographique
Si, pour établir une distinction entre les collectivités et les régions rurales et les autres, on utilise les définitions de l'OCDE, une collectivité est considérée comme «rurale» lorsqu'elle compte moins de 150 habitants par kilomètre carré. En revanche, une région est considérée comme «rurale» lorsque plus de 50 p. 100 de ses habitants vivent dans des collectivités rurales; lorsque de 15 à 50 p. 100 de ces habitants vivent dans des villages, on la considère comme «intermédiaire». Dans les régions «agglomérées», où on retrouve les principales villes du Canada, moins de 15 p. 100 de la population vit dans des régions rurales. Sur le plan strictement géographique, jusqu'à 97 ou 98 p. 100 du Canada est rural.D'autres adoptent la règle élémentaire suivante : toute agglomération où vivent moins de 10 000 personnes est considérée comme une petite ville ou une collectivité rurale. Ainsi, jusqu'à 25 p. 100 des Canadiens vivent dans ce type d'agglomération. La ventilation selon les régions varie de façon spectaculaire. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, environ 53 p. 100 des citoyens vivent dans des petites villes ou des collectivités rurales. On retrouve un pourcentage similaire en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, tandis que, à l'Île-du-Prince-Édouard, le pourcentage est beaucoup plus élevé. Fait surprenant, l'Alberta est, selon la définition ci-dessus, l'une des provinces les plus urbaines.
Pour mieux cerner la diversité des régions rurales et éloignées, on tient compte de trois types de régions : les régions adjacentes à un centre urbain (les sous-régions adjacentes à un centre urbain), les régions non adjacentes à un centre urbain (les sous-régions non adjacentes) et les sous-régions de l'arrière-pays nordique. En 1991, 33 p. 100 des Canadiens vivaient dans une division de recensement rurale, contre 35 p. 100 en 1981 (Voir le tableau 1). Dans les années 1980, la population totale des régions rurales et éloignées a connu un taux de croissance légèrement inférieur à 6 p. 100. Le déclin de la population du Canada rural par rapport à la population totale s'explique par le fait que la croissance démographique dans d'autres régions du pays a été considérablement plus élevée.
Tableau 1
Source : Division de l'agriculture, Statistique Canada; Recensement de la population de 1991 (échantillon de 20 %)
Une bonne part de la croissance démographique dans le Canada rural a été observée dans les sous-régions adjacentes à un centre urbain. Dans certaines régions éloignées du nord de l'Ontario et du Québec, on a en fait assisté à un déclin absolu de la population. Des données non scientifiques laissent entendre que ces tendances démographiques défavorables se sont maintenues dans les années 1990.
B. Diversité de l'activité économique
Les régions rurales peuvent aussi être décrites selon quelques-unes de leurs principales activités économiques et le niveau de prospérité économique. C'est ainsi que certains spécialistes ont divisé le Canada rural en trois catégories distinctes. Le «premier Canada rural», du point de vue culturel, politique et économique, fait partie de l'économie mondiale. Il repose sur la production et le commerce international, en plus d'être bien intégré au monde des affaires canadien et à l'activité économique mondiale. Il est au coeur de l'industrie du bois d'oeuvre, des pâtes et papiers, des mines et de l'énergie, des flottes de chalutiers, de la production commerciale de céréales et de fèves oléagineuses et des parcs d'engraissement pour le bétail. Comptant pour moins de 10 p. 100 de la population et de l'emploi ruraux, ce «Canada rural de classe mondiale» produit, si l'on tient compte de la valeur marchande, bien plus de 80 p. 100 des denrées de base issues du Canada rural.Le «deuxième Canada rural» est d'abord et avant tout orienté vers les produits spécialisés de même que vers les services. Il soutient de plus l'activité commerciale mondiale du «premier Canada rural», principalement grâce à la prestation de services professionnels et environnementaux, notamment aux champs pétrolifères et à la sylviculture. Il participe également à la production de denrées de base par le truchement de la pêche et de l'agriculture familiales de même qu'aux services assurés par les gouvernements fédéral et provinciaux dans les villages. Il est responsable de l'essentiel de la production non commerciale, particulièrement au chapitre du tourisme patrimonial et campagnard. Dans cette catégorie, certains voient les «paradis ruraux» du Canada dans les régions rurales qui attirent des citadins à titre régulier ou permanent - la région des Kootenays en Colombie-Britannique, la région de Canmore en Alberta, la région de Muskoka en Ontario, les Cantons de l'Est au Québec, les comtés de Lunenberg en Nouvelle-Écosse et les petits ports isolés de Terre-Neuve. Le «deuxième Canada rural» compte pour environ 75 p. 100 de la population et de la main-d'oeuvre rurales totales de même que pour 25 p. 100 de la production agricole, mesurée selon la valeur marchande.
Le «troisième Canada rural» correspond essentiellement aux collectivités et aux régions géographiques pauvres du Canada. Caractérisé par des taux de chômage très élevés, il dépend dans une large mesure des paiements de transfert gouvernementaux. Il compte pour 15 à 20 p. 100 de la population rurale du Canada et n'est responsable que de 5 p. 100 des extrants économiques. Certains affirment même que le «troisième Canada rural» est, sur les plans social, économique et politique, exclu du reste du Canada rural et urbain.
Dans l'analyse des diverses régions rurales de notre vaste pays, on doit bien se garder d'assigner à toutes des caractéristiques analogues, car la diversité de ces régions est très remarquable. Par exemple, il est probable qu'une collectivité du Nord-Ouest du Canada diffère considérablement d'une autre collectivité située en milieu rural, mais à proximité d'un important centre urbain. En fait, le Canada rural est de plus en plus complexe, du point de vue économique et social. En matière de développement, le spectre est large : à une extrémité, on trouve les «enclaves rurales», et à l'autre, les «paradis ruraux». Malgré cette diversité, les régions rurales sont, sur le plan du développement, confrontées à certains défis communs. C'est à ces défis que l'on tente de s'attaquer dans le présent rapport.
RESSOURCES NATURELLES ET DÉVELOPPEMENT RURAL
Pendant l'essentiel de notre histoire et encore aujourd'hui, les industries canadiennes liées aux ressources humaines ont été la principale source de notre prospérité. Elles constituent la pierre angulaire de l'économie nationale et demeurent de loin la principale source de surplus commercial. À l'heure actuelle, elles représentent, dans le contexte de la concurrence mondiale, l'un de nos principaux atouts stratégiques. En fait, le Canada est la troisième nation minière en importance du monde, le premier exportateur mondial de produits forestiers et miniers, un exportateur net d'énergie et un important producteur et exportateur de produits agricoles.
Notre prospérité future dépend tout autant de notre capacité de continuer de découvrir et d'exploiter nos ressources naturelles dans le Canada rural que de notre dépendance à l'égard des secteurs des services et de la fabrication axés sur les connaissances. Certains affirment que les industries canadiennes liées aux ressources sont en déclin et qu'elles ne revêtent plus une grande importante pour l'économie canadienne. Le Comité permanent des ressources naturelles rejette catégoriquement ce point de vue. Dans les régions rurales, l'activité économique, si elle profite aux résidants, n'en demeure pas moins essentielle au maintien de milliers d'emplois dans le Canada urbain.
En fait, les ressources naturelles canadiennes constituent une importante force économique, compte tenu à la fois de l'économie nationale dans son ensemble et de l'impact des ressources sur le développement rural. Les ressources naturelles sont particulièrement importantes en tant que facteurs contribuant à la prospérité générale, qui a considérablement stimulé la création d'emplois dans le Canada urbain. Par ailleurs, l'efficience de l'exploitation et de l'extraction tout comme l'avènement des nouvelles technologies ont réduit l'impact du secteur sur l'emploi direct dans les régions rurales, la demande de main-d'oeuvre par unité d'investissement ayant diminué.
Comme on l'a indiqué, les industries primaires du Canada sont à l'origine d'un grand nombre d'emplois indirects. Par exemple, les emplois directs et indirects dans les industries forestières et connexes ont représenté, en 1995, un emploi sur 15 au Canada. Parmi les emplois indirects, citons les quelque 100 000 Canadiens qui travaillent dans des stations-service et dans le secteur de la vente en gros de produits pétroliers ainsi que les 1,8 million de personnes et plus qui travaillent dans le secteur de l'alimentation. Toutefois, nombre de ces personnes ne vivent pas dans le Canada rural.
Comme le montre le tableau 2, les industries forestière, énergétique et minière comptent pour environ 13,5 p. 100 du produit intérieur brut (PIB). En 1995, elles représentaient 5,6 p. 100 des emplois directs, 24,1 p. 100 des dépenses en immobilisations nouvelles au pays et 38,3 p. 100 des exportations. La même année, 64,6 milliards de dollars ont été ajoutés à la balance commerciale du pays (marchandises), les exportations à base de ressources constituant presque le seul aspect du commerce extérieur canadien à grande échelle qui a contribué à une balance commerciale positive. La balance commerciale pour l'ensemble du Canada a été de 38,5 milliards de dollars, soit beaucoup moins.
Pour sa part, le secteur agricole primaire compte pour 14,3 milliards de dollars, soit 2,1 p. 100 du PIB total; de plus, en novembre 1995, 413 000 emplois directs avaient été créés dans le Canada rural. Dans l'ensemble, l'industrie agroalimentaire canadienne joue également un rôle vital pour la santé économique du Canada, générant environ 15 p. 100 des débouchés d'emploi au pays et plus de 82 milliards de dollars en biens et services, soit environ 8 p. 100 du PIB. Dans le secteur agricole et les services connexes, les nouvelles dépenses en immobilisations ont, en 1995, atteint la barre des 3,4 milliards de dollars, soit 2,7 p. 100 du total canadien. Cette année-là, les gains à l'exportation attribuables au secteur agricole primaire s'étaient chiffrés à presque 12 milliards de dollars.
De la même façon, les pêches demeurent un important secteur d'activité économique dans le Canada rural, même si, dans les années 1990, elles ont connu un déclin marqué. En 1995, l'industrie de la pêche et du piégeage représentait, à l'égard du PIB, 681,5 millions de dollars, soit 0,1 p. 100 du total national. Cette année-là, les dépenses en immobilisations et les recettes d'exportations se sont élevées respectivement à 117,5 millions et 2,7 milliards de dollars.
Si le secteur primaire, y compris l'agriculture, la production énergétique, les mines, la foresterie et les pêches, est indispensable à l'économie canadienne, il est encore plus crucial pour le développement économique du Canada rural lui-même. Les Canadiens qui y vivent ne s'en étonneront guère, étant donné que l'activité liée aux ressources naturelles est largement concentrée dans les régions rurales et que les industries primaires y constituent souvent la seule source importante d'emplois. Cette réalité, comme nous y avons déjà fait allusion, est beaucoup moins bien connue des Canadiens des villes.
Tableau 2
- 1 Les pourcentages entre parenthèses indiquent la proportion par rapport aux totaux canadiens.
2 Comprend la pêche et le piégeage.
3 En 1991.
Source : Agriculture Canada; Pêches et Océans Canada; Ressources naturelles Canada; et Statistique Canada.
En 1991, le principal employeur a été, dans le Canada rural, le secteur des services, suivi par les ventes, la fabrication, l'agriculture, les transports et les communications, la construction, le gouvernement, la foresterie, les mines et le pétrole. Dans les campagnes, les industries primaires comptaient pour 13 p. 100 des emplois, les nombres les plus élevés étant observés dans les régions rurales non adjacentes à des centres urbains (16 p. 100). Dans les régions rurales éloignées, l'agriculture comptait pour 9 p. 100 du total des emplois, contre 2 p. 100 pour les mines et le pétrole, 1 p. 100 pour la foresterie et 1 p. 100 également pour les pêches et le piégeage (voir le tableau 3).
Tableau 3
Source : Division de l'agriculture, Statistique Canada; Recensement de la population de 1991
Si, en apparence, la contribution des industries primaires à l'emploi en milieu rural peut paraître limitée, il convient de noter que, sans le secteur primaire, qui est à la base de l'économie rurale, les services connexes n'auraient plus de raison d'être. Au Canada, les régions rurales et éloignées sont, en fait, les seules où les modifications observées dans le secteur des emplois primaires ont un impact tangible et direct sur la situation globale de l'emploi.
Les petites villes et les municipalités rurales ont tendance à être vulnérables du point de vue économique, en raison de leur emplacement et de leur forte dépendance à l'égard d'une seule source d'emplois. [. . .] En dépit de leur évidente vulnérabilité, les petites villes et les municipalités rurales sont extrêmement importantes pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, c'est dans ce secteur que se trouvent les ressources naturelles du Canada. Deuxièmement, l'exploitation des ressources naturelles est un des principaux fondements de la richesse nationale. Troisièmement, les petites villes et les municipalités rurales ont d'importantes fonctions à caractère gouvernemental à remplir. Quatrièmement, elles ont un important rôle à jouer pour ce qui est de permettre aux Canadiens de jouir d'un style de vie différent de celui des grandes agglomérations urbaines. Et cinquièmement, elles se sont taillé une place particulière dans le patrimoine social et culturel du Canada.
De fait, plus de 500 collectivités à prédominance rurale dépendent aujourd'hui, uniquement ou dans une large mesure, de l'exploitation des ressources minières (150), forestières (340) et énergétiques. Un nombre beaucoup plus grand d'entre elles dépendent au moins en partie des ressources naturelles - plus de 1 200 pour la seule foresterie - ou sont inexorablement liées à la situation économique des secteurs de l'agriculture et des pêches.
Dans les régions éloignées du pays, où l'activité liée aux ressources naturelles constitue souvent la seule possibilité de travailler et de gagner sa vie, la dépendance est encore plus prononcée. Dans l'arrière-pays nordique, par exemple, les industries minière, pétrolière et forestière demeurent d'importants employeurs, en plus de stimuler considérablement l'activité économique. En 1991, les secteurs des mines et du pétrole comptaient pour 21 p. 100 des emplois dans le nord des Prairies et, dans l'arrière-pays nordique de la région de l'Atlantique, du Québec et de l'Ontario, pour 7 à 14 p. 100.
Dans les réserves des Premières nations, les secteurs liés aux ressources naturelles constituent également un important facteur d'activité économique. En déployant des efforts concertés pour intégrer ces collectivités à tous les aspects de la gestion des ressources naturelles, on pourrait accroître considérablement cette contribution au développement rural. En 1991, environ 10 p. 100 des travailleurs autochtones canadiens oeuvraient dans les secteurs liés aux ressources naturelles. Par industrie, la participation à la population active se répartissait comme suit : 2 200 dans le secteur forestier, 1 500 dans le secteur de la chasse, de la pêche et du piégeage, 1 250 dans le secteur de l'agriculture et 500 dans le secteur minier. Il convient de noter que les données concernant la contribution du secteur de la chasse, de la pêche et du piégeage à l'économie officielle sont sous-évaluées. La récolte de ces ressources issues de la terre représente, dans de nombreuses collectivités éloignées, une activité économique et culturelle extrêmement importante.
PRINCIPAUX DÉFIS LIÉS AU DÉVELOPPEMENT
À la lumière des témoignages entendus par le Comité, nous avons cerné sept défis précis liés au développement auxquels toute politique rurale doit s'attaquer, défis qui s'ajoutent à l'obligation de faire la promotion du Canada rural auprès du gouvernement, du pays et du Canada rural lui-même. Voici les défis en question :
- améliorer l'accès à l'éducation et accroître l'efficacité de la formation;
- améliorer l'infrastructure;
- améliorer l'exploitation des ressources naturelles;
- accroître la valeur ajoutée des ressources naturelles;
- soutenir proactivement le tourisme rural;
- stimuler le secteur de la petite entreprise dans le Canada rural;
- créer des structures adaptées au développement rural.
A. Le développement rural tient d'abord et avant tout aux gens
Pour pouvoir se prévaloir des possibilités d'emploi, la population doit bien connaître les nouvelles technologies utilisées dans l'entreprise et dans l'industrie et pouvoir s'en servir. Le secteur privé est prêt à faire sa part pour offrir une formation pertinente et à jour. [. . .] Il est essentiel que les organismes gouvernementaux coopèrent avec nous au développement de notre système d'enseignement afin de rendre notre main-d'oeuvre plus efficace.
Les nombreuses possibilités qui existent dans la région requièrent une main-d'oeuvre qualifiée ou des gestionnaires expérimentés capables de surmonter les difficultés de logistique et les autres obstacles au développement. Par rapport au problème de l'éducation, les autres obstacles au développement demeurent secondaires. Il faut avant tout relever les niveaux d'instruction et de formation.
De fait, le développement rural tient d'abord et avant tout aux gens. Au sein des industries primaires, il est généralement admis que la compétitivité future dépendra, en dernière analyse, de la qualité et de la formation des employés. Des taux de scolarité peu élevés de même que des taux de chômage élevés et un faible taux de participation à la population active comptent parmi les principaux facteurs qui expliquent que, dans le Canada rural, les niveaux de revenu soient inférieurs à la moyenne nationale.
Nos travailleurs sont bien payés. Nous n'engageons personne qui n'a pas une formation en technologie, au moins du niveau du collège communautaire.
Ici, trois problèmes se posent : l'obligation du système d'éducation de produire une main-d'oeuvre compétente sur le plan technique; l'obligation d'assurer une formation en cours d'emploi adéquate de manière à ce que les employés demeurent au fait des percées technologiques qui caractérisent ces industries; et, enfin, l'obligation de doter de nouvelles compétences les personnes dont l'emploi a disparu.
Tant qu'un grand nombre de Canadiens ruraux n'ont pas encore des compétences suffisantes en lecture, écriture et calcul, le développement rural ne peut se faire. Les stratégies liées aux ressources humaines doivent veiller à ce que les investissements des gouvernements dans l'éducation produisent les compétences en sciences et en mathématiques pouvant servir de base à la formation technique d'éventuels travailleurs des industries liées aux ressources humaines. Il ne fait aucun doute qu'une éducation de grande qualité ouvre des possibilités d'emploi.
Pour les gouvernements, doter les jeunes des Premières nations d'une éducation de premier ordre a représenté un défi particulièrement frustrant. Dans de trop nombreux cas, il a été difficile d'empêcher les élèves de décrocher avant d'avoir obtenu leur diplôme de douzième année, même si, à cet égard, les tendances récentes sont plus favorables. Comme on a affaire à une population jeune et en pleine croissance, on doit cependant faire bien plus pour préparer les intéressés à occuper un plus grand nombre d'emplois, particulièrement dans les industries liées aux ressources naturelles.
L'éducation et la formation devraient répondre aux vrais besoins. L'industrie et les entreprises devraient décider des questions à étudier et concevoir des modules de formation intensive. Le système d'éducation devrait lui aussi établir un programme fondé sur les méthodes et les besoins de l'industrie et de l'entreprise. L'éducation doit être axée sur l'industrie.
Une fois dotés des compétences scolaires de base, les travailleurs ruraux doivent bénéficier d'un accès adéquat à la formation en cours d'emploi. Il convient de noter que l'une des lacunes observées dans le secteur de la formation tient au fait que, par le passé, on n'a pas attaché toute la valeur voulue aux compétences techniques et aux métiers. Si, dans les pays européens, une telle valorisation est relativement répandue, il n'existe toujours pas, au Canada, de «culture des métiers». Très tôt, les jeunes doivent comprendre l'importance que revêtent de telles compétences pour les industries liées aux ressources naturelles, par exemple, qui misent beaucoup sur la technologie.
Dans le cadre des audiences régionales du Comité, on a fait part de la nécessité de façonner les programmes de formation en fonction des ressources naturelles comptant au nombre des points forts des régions. On nous a dit qu'il fallait réviser les programmes de formation gouvernementaux actuels en fonction des besoins de l'industrie. Ce n'est qu'en appariant de la sorte la formation et l'emploi qu'on évitera de cantonner les résidants des régions rurales dans des activités qui pourraient bientôt disparaître.
Dans une large mesure, toutefois, la responsabilité de la formation continue incombe au secteur privé. Si le système d'éducation peut doter les jeunes de compétences en lecture, en écriture et en calcul, la responsabilité de la formation en cours d'emploi, en raison de la nature dynamique de l'évolution technologique, repose carrément sur les épaules des sociétés elles-mêmes. Le meilleur moyen d'assurer une telle formation spécifique consiste à établir des partenariats entre des entreprises du secteur privé et les collectivités locales. Le Comité a été particulièrement impressionné par les efforts de partenariat déployés par Syncrude Canada à Fort McMurray, en Alberta : on y voit un modèle qui pourrait s'appliquer à d'autres entreprises d'exploitation des ressources. On définit ci-dessous les initiatives de partenariat prises par la société.
Le modèle de partenariat éducationnel élaboré par Syncrude à Fort McMurray, Alberta.
En raison de l'importance que nous accordons à la formation professionnelle, nous consacrons chaque année entre 5 à 7 p. 100 de notre masse salariale à l'éducation et à la formation. Notre technique elle-même évolue, elle modifie la nature des emplois et la configuration de nos installations. C'est là aussi une caractéristique très importante de notre entreprise.
Nous avons développé au fil des années un certain nombre de partenariats en matière d'éducation. Le plus récent et le plus significatif d'entre eux s'intitule Carrières - Les prochaines générations. C'est un programme qui a été mis sur pied par l'intermédiaire de la Chambre d'exploitation des ressources de l'Alberta. Nous nous efforçons ici de créer des postes et d'éveiller l'intérêt pour la formation technique et les métiers spécialisés dans notre province, surtout compte tenu du fait qu'il y a de nombreux projets de mise en valeur des ressources qui sont en cours au Canada, notamment en Alberta. Il y aura une pénurie de gens de métier dans un proche avenir et nous jugeons important de favoriser la formation dans ce secteur, surtout lorsqu'on connaît la situation difficile des jeunes et le risque de montée du chômage si l'on ne fait rien dans le domaine de l'éducation. Nous avons en quelque sorte un programme en trois étapes. On commence en 7e année avec des simulations d'emploi et des partenariats qui nous mettent en contact avec les écoles secondaires locales. Le but est d'intéresser les élèves à la formation spécialisée, à la technologie et aux sciences. On passe ensuite au niveau des écoles secondaires au programme d'apprentissage agréé que nous avons élaboré en collaboration avec le ministère de l'Éducation de l'Alberta. Ce programme s'adresse aux élèves de 10e à 12e années qui s'intéressent aux métiers spécialisés, et ces derniers acquièrent effectivement une expérience professionnelle dans nos locaux, de sorte qu'ils possèdent, à la sortie de l'école secondaire, l'équivalent d'une première année d'apprentissage dans un métier spécialisé.
Nous poursuivons ensuite l'opération au niveau du Collège Keyano avec le programme d'apprentissage coopératif dans les métiers spécialisés, qui est lui encore tout à fait original. C'est un programme qui vient d'être mis au point et qui donne aux élèves de l'école secondaire un emploi dans les entreprises locales après leur sortie de l'école sans qu'ils soient astreints à faire un métier en particulier qui leur assure un emploi au bout du compte. Ces élèves sont en mesure de travailler pendant les trois années qui suivent puis, au bout du compte, ils obtiennent leur certificat de spécialisation dès leur sortie de l'école secondaire. Voici donc les trois volets importants de la promotion des métiers spécialisés. Nous avons aussi un certain nombre d'autres partenariats avec le Collège Keyano. Le Centre de formation industrielle du Collège Keyano a été ouvert ces dernières années et c'est là que se trouve notre centre de formation de l'entreprise Syncrude.
L'accès à l'éducation postsecondaire pose également un problème à nombre de ruraux : la distance qui les sépare des établissements d'enseignement est souvent un obstacle insurmontable. Le Canada rural ne peut se permettre de laisser l'exode des cerveaux se poursuivre. Heureusement, toutefois, l'avènement de la technologie a ouvert, dans ce secteur, de nouveaux débouchés prometteurs. Le gouvernement fédéral peut certainement faciliter l'accès aux nouvelles technologies qui peuvent aujourd'hui rapprocher les connaissances et les compétences des résidants des campagnes eux-mêmes. De concert avec ses contreparties provinciales, le gouvernement devrait, croyons-nous, déployer des efforts dans le domaine de l'éducation postsecondaire pour faire en sorte que les universités et les collèges régionaux du Canada exploitent les nouvelles technologies pour mettre sur pied des programmes éducatifs à distance destinés tout particulièrement aux étudiants vivant en milieu rural.
Le gouvernement doit créer un climat. Il y a plusieurs choses qui créent la prospérité dans une région. Le rôle du gouvernement est de favoriser les occasions, par exemple au niveau de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de structures qui doivent être établies ou préservées en région pour s'assurer que les gens y demeurent.
La clé du développement rural global consiste à doter les Canadiens ruraux des débouchés et des outils nécessaires pour assurer leur propre subsistance et celle de leurs enfants. En contrepartie, on doit définir les compétences professionnelles nécessaires à la viabilité de l'économie rurale et mettre sur pied des initiatives visant à assurer un perfectionnement adéquat. Comme on nous l'a répété à de nombreuses reprises, le gouvernement fédéral devrait, en partenariat avec les provinces et les industries primaires, jouer un rôle important dans l'éducation et la formation.
Nous recommandons que :
3. Le gouvernement fédéral devrait réorienter ses programmes de formation de la main-d'oeuvre dans les régions rurales de façon à répondre plus efficacement aux besoins des industries et à tirer parti des atouts du Canada rural pour ce qui est des ressources naturelles. Un tel réalignement devrait être à l'ordre du jour des négociations menées avec les provinces qui souhaitent assumer la responsabilité de la formation.
4. On devrait encourager les industries primaires à former des partenariats avec les établissements de formation régionaux, les groupes défavorisés sur le plan socio-économique et les organismes spécialisés dans le développement économique local pour la prestation de cours de formation et de perfectionnement professionnel appropriés.
5. Le gouvernement fédéral devrait conclure des partenariats avec les gouvernements provinciaux, les entreprises de même que les universités et les collèges régionaux afin de mettre au point des cours de formation à distance faisant appel à la haute technologie qui soient adaptés aux besoins des étudiants des régions rurales et éloignées.
B. Importance de l'infrastructure
Le déclin des infrastructures est un grave problème lorsqu'il s'agit d'attirer des activités de développement économique en région rurale. Nos routes, qui se détériorent, et nos écoles et services de soins de santé, qui sont en train d'être consolidés, bien que relevant de la province, se ressentent néanmoins des coupures fédérales. Sans ces services, il sera difficile d'attirer des employés en région rurale et de les garder. La qualité de vie est liée au développement économique. Les auteurs des politiques gouvernementales doivent reconnaître la nécessité de dépenser plus par tête d'habitant en région rurale et doivent évaluer l'incidence des politiques pour les exploitations agricoles, sur les plans humain et économique.
Au tout début de notre étude, il nous est apparu évident que l'infrastructure matérielle, c'est-à-dire les télécommunications, l'énergie et les transports, constituent un important pivot du développement du Canada rural. La réalité, hélas, c'est qu'on est privé d'une infrastructure saine et que l'accès aux services gouvernementaux de base est inférieure, comparativement à celui qu'on retrouve dans les régions urbaines.
L'infrastructure rurale pose de nombreux problèmes. Les compressions des dépenses ont entraîné le resserrement des budgets d'entretien. Les établissements d'enseignement et de santé font cruellement défaut, de sorte qu'il est difficile d'attirer des gens vers le Canada rural. Au cours des dernières années, les établissements financiers ont fermé des succursales rurales, ce qui a eu une incidence sur la disponibilité des capitaux privés à l'échelon local.
En raison de l'insuffisance de l'infrastructure, il devient beaucoup plus difficile de stimuler les économies régionales, même s'il convient de noter que l'infrastructure n'est qu'une des quelques conditions préalables à la croissance et au développement économiques. Parmi les autres conditions du genre, citons l'éducation élémentaire, la formation en cours d'emploi et l'existence de politiques gouvernementales appropriées.
Nous croyons fermement que les possibilités de développement économique, au sein de l'économie rurale, ne devraient pas être limitées par une insuffisance de l'infrastructure, quelle qu'elle soit. Même si nous savons que l'infrastructure ne peut à elle seule répondre aux problèmes à long terme du Canada rural, elle demeure, au chapitre du développement, une condition préalable nécessaire et importante. Il s'agit également d'un aspect que les gouvernements, agissant au nom de la société en général, ont traditionnellement contribué à financer comme il se doit. Il n'est que justice que les Canadiens ruraux bénéficient d'un accès à l'infrastructure comparable à celui dont jouissent les résidants des villes.
Nous recommandons que :
6. Pour combler les lacunes de l'infrastructure, depuis toujours négligée, dans le Canada rural, il faudrait y injecter au moins 50 % des fonds consacrés à un éventuel programme fédéral d'infrastructures.
1. Amélioration de l'accès à l'autoroute de l'information
Dans le débat en cours sur la politique gouvernementale à adopter relativement à l'autoroute de l'information, il faut accorder une considération primordiale à la question de l'accès. L'accès de base à l'autoroute devrait être aussi universel et adéquat pour les Canadiens que l'accès actuel au téléphone et à la télévision.
«Dans certaines communautés rurales du Canada, lorsqu'on parle de l'avènement de l'informatique et de l'installation de modems dans les exploitations agricoles et dans les petites entreprises, on risque d'être tourné en ridicule, puisque les membres de ces collectivités utilisent encore des lignes partagées sur lesquelles il est impossible de brancher un télécopieur; sans parler, tant s'en faut, de l'installation de centres téléphoniques permettant d'utiliser des modems ou que sais-je pour communiquer avec le reste du monde.»
Même si un accès égal à l'autoroute de l'information est souhaitable, des services téléphoniques inadéquats ont, dans de nombreuses régions, limité un tel accès. Aujourd'hui, nombre de résidants des zones rurales ne bénéficient pas de services comparables aux habitants des plus grandes agglomérations, servis qu'ils sont par un matériel de communication désuet. De trop nombreux clients des campagnes n'ont toujours accès qu'à des lignes partagées et demeurent incapables d'utiliser des télécopieurs et des modems. Avant que l'industrie des télécommunications ne soit en mesure d'assurer des services aux régions périphériques, on devra d'abord doter les abonnés de lignes numériques individuelles. Certaines provinces ont jugé bon d'exiger l'accès à de tels services téléphoniques dans l'ensemble des régions relevant d'elles. D'autres, toutefois, ont laissé leurs ruraux tout à fait en marge des percées technologiques d'aujourd'hui.
Pour financer ce programme de modernisation accélérée, Bell a également demandé au CRTC d'approuver un nouveau plan tarifaire pour les services locaux destinés aux clients résidentiels des collectivités de petite et de moyenne taille. Avec le nouveau système, Bell pourra recouvrer une portion plus importante des coûts du service de base à ces clients qui, aujourd'hui, paient moins d'un tiers ou de la moitié des coûts véritables des services dont ils disposent. Cela permettrait également de facturer les services téléphoniques de façon plus équitable, c'est-à-dire que les clients jouiraient d'un niveau de service comparable à celui des grands centres et paieraient un tarif comparable également.
Grâce à l'ensemble des progrès technologiques, l'emplacement géographique ne devrait plus faire obstacle à l'inforoute et à tous ses avantages. Un réseau téléphonique moderne peut rendre tout cela possible pour les Canadiens des régions rurales.
Nous sommes encouragés par les efforts enfin déployés par Bell Canada et d'autres sociétés de télécommunication pour remplacer l'équipement désuet par du matériel à la fine pointe de la technologie, de sorte que la plupart, sinon la totalité, de leurs clients en milieu rural ont aujourd'hui accès à Internet. Dans un avenir pas si lointain, de nouvelles technologies telles que le satellite et le «sans fil», devraient favoriser la prestation de services aux personnes vivant dans des régions isolées. Nous pensons toutefois que les coûts de la mise à niveau du matériel devraient être non pas supportés exclusivement par les clients des régions rurales, mais répartis plus équitablement dans l'ensemble du réseau.
En outre, l'accès à Internet, tel qu'il existe aujourd'hui, peut se révéler onéreux. Dans les régions rurales, l'accès à Internet s'accompagne généralement de frais d'interurbains élevés, tandis que, pour les résidants des villes, les coûts sont très faibles. Cet écart peut être imputé en partie à la déréglementation qui, pour les Canadiens des campagnes, s'est traduite par des services réduits offerts à des prix plus élevés. On nous a également affirmé que, dans les campagnes, les nouvelles technologies tendent à connaître des ratés plus fréquents qu'en milieu urbain. Il est urgent que les ruraux obtiennent, à un prix abordable, des services de télécommunication de base fiables.
Du côté du secteur commercial, maintenant, les percées réalisées dans le domaine de l'électronique donnent aux entreprises, particulièrement celles qui assurent des services commerciaux, de nouvelles possibilités de s'établir dans le Canada rural. En reliant les collectivités rurales au monde extérieur par le truchement d'Internet, par exemple, on espère augmenter le nombre d'entreprises du secteur des services qui choisissent de s'y établir. Une fois de plus, nous sommes ici très préoccupés par le fait que Bell Canada ait demandé au CRTC la permission d'augmenter considérablement les tarifs applicables aux lignes d'affaires dans toutes les régions du Québec et de l'Ontario, tout en réduisant le prix des lignes multiples à Montréal et à Toronto. Dans de nombreuses régions, le tarif mensuel pour une ligne d'affaires unique augmenterait de 35 à 56 $, une hausse de 60 p. 100. Comme la plupart des petites entreprises comptent plus d'une ligne d'affaires - une pour le télécopieur et l'autre pour l'accès à Internet -, la proposition de Bell représente une augmentation marquée des coûts associés à l'exploitation locale d'une entreprise.
La technologie change énormément. Nous avons maintenant une ouverture sur le monde. Peu importe où on se trouve au monde, si on est raccordé à l'autoroute de l'information, on est au coeur du monde. Je vous donnerai un exemple pour illustrer mon propos. Dans le coin de Rouyn, dans une petite municipalité de 200 habitants, dans le sous-sol d'une de ces maisons, il y a un serveur sur l'autoroute de l'information qui contient toutes les annonces des restaurants de Paris. Il y a donc une entreprise à Paris qui recueille les menus des restaurants de la ville de Paris. Les restaurants payent un certain montant d'argent pour être sur ce serveur, et le serveur se trouve dans une petite municipalité de 200 habitants, à 40 kilomètres au sud de Rouyn. Le serveur est dans le sous-sol de la maison, et les gens qui voyagent sur l'autoroute de l'information ne le savent pas du tout. Avec l'autoroute de l'information, on est maintenant au coeur du monde si on est raccordé. Donc, l'économie va changer. On a eu, depuis une centaine d'années, une économie qui était basée sur le papier; parce qu'on s'échangeait du papier, on avait besoin de mettre les gens les uns à côté des autres.
Pour être concurrentielles, les entreprises établies en milieu rural ont besoin des nouvelles technologies. En créant un site Web, par exemple, elles peuvent, en se prévalant de cet accès, se doter d'un outil commercial puissant. Les entreprises spécialisées dans les logiciels peuvent exporter par voie électronique, et celles du secteur touristique peuvent attirer des visiteurs beaucoup plus facilement. De plus, les entreprises peuvent utiliser Internet pour décrire leurs services et leurs produits de même que pour accéder à des marchés lointains. Internet peut permettre à des travailleurs de participer à une entreprise collective à partir d'emplacements situés en milieu rural.
Toute mesure que les gouvernements peuvent prendre pour réduire l'obligation qu'ont les entreprises de s'établir à proximité des marchés urbains se révélera utile. Ainsi, il serait extrêmement avantageux d'améliorer les télécommunications avec les industries primaires vitales du Canada, notamment l'industrie touristique. Les ruraux doivent également avoir accès à des renseignements concernant les occasions d'affaires et les débouchés. De plus, les jeunes des milieux ruraux pourront, grâce à l'accès dont ils bénéficieront, communiquer avec des personnes de l'extérieur de la collectivité, sans avoir à quitter la région, ce qui atténuera le sentiment d'isolement qu'ils éprouvent souvent aujourd'hui.
Dans les communautés rurales, des initiatives comme le Programme d'aide communautaire (PAC) d'Industrie Canada mettent des partenariats progressistes au service du développement économique et la technologie au service de l'ouverture des marchés. La technologie peut aider les grandes régions géographiques et leur faire réaliser des économies substantielles. Il faudrait encourager ces initiatives et même les élargir.
Le Programme d'accès communautaire (PAC) d'Industrie Canada, qui fait partie de la Stratégie pour l'autoroute de l'information du gouvernement fédéral, a permis de faciliter et d'accélérer l'accès - des plus nécessaires - des collectivités rurales du Canada à Internet. Il s'agit d'un programme à frais partagés qui a) finance jusqu'à 50 p. 100 des coûts de l'établissement, dans le Canada rural, de sites d'accès public à Internet et b) fournit des programmes de formation nécessaires à l'utilisation de tels sites. L'objectif principal du programme consiste à stimuler la croissance et l'emploi, de manière surtout à ce que les jeunes puissent demeurer dans leur région.
Par le truchement du programme, des collectivités rurales sont raccordées au réseau plus rapidement qu'elles ne l'auraient été autrement, et le coût de l'accès est réduit. Pour accélérer le progrès, on établit une masse critique dans la collectivité en question, de manière à ce que l'accès à Internet devienne une entreprise viable pour les fournisseurs de services privés. On demande aux collectivités rurales elles-mêmes de fournir les points d'accès, habituellement dans des écoles et des centres communautaires. Dans certaines régions, on a conclu des ententes avec des compagnies de téléphone pour doter les collectivités visées par le PAC d'un accès gratuit pendant les premières années d'activité du programme.
En janvier 1997, plus de 700 collectivités rurales avaient eu accès à des fonds de ce programme. À ce moment-là, l'objectif général était de raccorder 1 500 villages d'ici 1998, tandis que, dans un premier temps, on n'avait prévu que 1 000 raccordements. Le Comité est heureux de constater que le budget fédéral de 1997 prévoit, pour le PAC, un financement annuel supplémentaire de 10 millions de dollars qui seront déboursés sur une période de trois ans. Grâce à ces nouveaux fonds, presque toutes les collectivités de 400 à 50 000 habitants pourront, si elles le désirent, être raccordées à l'inforoute d'ici l'an 2000.
Nous recommandons que :
7. Pour réaliser l'objectif de donner aux résidants des régions rurales un accès adéquat à l'inforoute, le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que les systèmes de communication du Canada rural suivent l'évolution de la technologie. Le coût de la mise à niveau de l'infrastructure de télécommunication rurale devrait être assumé par tous les abonnés, urbains et ruraux.
2. Répondre aux besoins énergétiques du Canada rural
Même si la plupart des résidants des zones rurales du Canada ont aujourd'hui accès à un réseau électrique et, dans de nombreux cas, au gaz naturel, la réalité demeure, dans un certain nombre de régions du pays, toute différente. Dans ces régions, les besoins énergétiques des résidants n'ont pas été satisfaits comme il se doit. Le fait que, dans certains cas, on n'ait pas accès au gaz naturel l'illustre parfaitement.
Le coût élevé de l'énergie dans les régions éloignées non desservies par un réseau constitue un autre obstacle au développement économique. Les tarifs de l'électricité en vigueur à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, sont par exemple quatre fois plus élevés qu'à Calgary. Le phénomène s'explique par les frais de transport élevés associés à l'acheminement du diesel dans les collectivités nordiques de même qu'au petit nombre de personnes appelées à assumer les coûts de l'infrastructure nécessaire à la production d'énergie. Ainsi donc, les carences énergétiques régionales continuent de freiner l'exploitation de tout le potentiel de certaines ressources naturelles dans les régions rurales et éloignées. À cet égard, il n'y a pas d'exemple plus probant que le gigantesque gisement de minerai de Voisey's Bay, au Labrador. Faute d'un accès à une source locale d'énergie suffisante, le minerai ne peut être traité localement.
Dans les régions ne bénéficiant pas de sources relativement peu coûteuses d'énergie, il est essentiel qu'on explore et qu'on mette sur pied des solutions de rechange, par exemple de petites centrales hydroélectriques et le recours à d'autres formes d'énergie renouvelable. Aujourd'hui, on peut par exemple générer de petites quantités d'électricité à proximité du lieu d'utilisation, à un coût correspondant environ à celui de l'énergie acheminée en grande quantité au moyen de longues lignes de transmission. Lorsque les technologies de stockage deviendront compétitives, les petits utilisateurs seront en mesure d'opter pour des solutions de rechange au service offert par les réseaux. L'établissement privé de petites centrales hydroélectriques pourrait jouer un rôle très important dans le développement rural, dans la mesure où on améliore le traitement fiscal réservé à de telles installations.
Pour assurer la réussite du développement économique d'une région, les coûts et la disponibilité de l'énergie constituent des facteurs importants. Le gouvernement fédéral peut faciliter la diversification des sources d'énergie en offrant des incitatifs fiscaux aux entreprises intéressées à produire de l'énergie renouvelable dans les régions rurales et éloignées. Au chapitre des efforts de recherche et de développement consacrés à ces nouvelles applications énergétiques prometteuses, il y a de plus nettement place à amélioration.
Nous recommandons que :
8. Le gouvernement fédéral devrait a) accorder des incitatifs fiscaux aux exploitants de ressources d'énergie renouvelables dans les régions éloignées et b) soutenir l'aménagement de petites centrales électriques rurales par des incitatifs fiscaux, un appui plus important de la R-D et un apport financier par le truchement d'un nouveau programme d'infrastructure rurale.
3. Corriger les lacunes dans les transports
Par le passé, le financement fédéral du réseau routier du nord au Manitoba a contribué énormément à ouvrir l'accès routier aux localités isolées ainsi qu'à la réfection du réseau autoroutier. Le renouvellement de la participation fédérale au développement et à l'amélioration du système routier de la région peut favoriser notre avenir économique.
À maintes reprises, on a porté à notre attention les déficiences de l'infrastructure des transports, particulièrement les routes. On nous a informés que l'infrastructure routière en place est souvent de piètre qualité et que, dans des régions éloignées, on est confrontés à une absence totale de routes. On nous a dit que le transport ferroviaire et aérien est souvent inadéquat et que, dans les campagnes, les coûts du transport aérien sont prohibitifs. En raison de l'insuffisance des fonds consacrés à des services tels que le dragage, l'entretien des voies navigables intérieures se détériore.
Historiquement, les initiatives stratégiques du gouvernement dans le domaine des transports ont été défavorables au maintien de l'infrastructure rurale des transports. En raison de la distance et de l'éloignement géographique du Canada rural, la nécessité d'établir et d'entretenir une infrastructure des transports est plus grande, tout comme les coûts qui y sont associés. En outre, la diversité des produits en vrac issus des industries primaires exige des réseaux de transport diversifiés.
Ainsi, le Comité estime que la politique du gouvernement fédéral, qui se départit de ses intérêts dans le secteur des transports et renonce au contrôle qu'il exerçait, doit s'appliquer différemment dans le Canada rural. Ainsi, le gouvernement devrait :
- reconnaître que les régions rurales, en raison de taux de circulation réduits, sont moins attrayants aux yeux des personnes intéressées à investir dans l'infrastructure des transports et songer à accorder des indemnisations pouvant prendre la forme d'incitatifs fiscaux ou de subventions;
- continuer d'assurer une infrastructure ferroviaire et aérienne essentielle dans les régions éloignées où n'investiront pas des intérêts privés;
- reconnaître que, dans de nombreuses économies rurales plus petites, il n'est pas possible de recouvrer les coûts;
- reconnaître que le nombre limité de modes de transport existant dans de nombreuses collectivités (p. ex. une route unique) exigera qu'on investisse davantage dans l'entretien.
En ce qui concerne le transport aérien, le gouvernement fédéral a mis en oeuvre sa politique nationale des aéroports. Ainsi, la plupart des collectivités rurales ont dû assumer les coûts directs de l'entretien des aéroports ou renoncer à eux. Le gouvernement a également entrepris un ambitieux programme de cession des aéroports, réparti sur six ans, afin de céder la propriété, l'administration et le contrôle de ses installations à des intérêts locaux, notamment les Premières nations.
La surcapacité actuelle et le processus de rationalisation de l'infrastructure ferroviaire, aérienne et maritime qui en résulte contrastent vivement avec l'augmentation rapide de l'utilisation de l'infrastructure routière et de la nation. Les routes constituent sans contredit le principal mode de transport de passagers et de marchandises au Canada : en effet, elles comptent pour 90 p. 100 du commerce interprovincial et pour 75 p. 100 du commerce entre le pays et notre voisin du Sud.
Il va sans dire que l'engagement des deniers publics dans la construction routière rehausse la compétitivité du Canada sur le plan international, en rendant ces marchés plus accessibles, en particulier dans la zone commerciale si importante qu'est l'Amérique du Nord. [. . .] La politique fédérale en matière de transport justifie clairement l'attitude du gouvernement fédéral en faveur de l'investissement dans le réseau routier national, sans oublier les avantages ainsi créés sous forme d'emplois directs et de croissance économique.
Les Canadiens ruraux, les particuliers comme les entreprises primaires, tiennent à assurer la viabilité du réseau routier canadien, qui revêt une importance critique, puisqu'il constitue un élément de plus en plus essentiel au développement rural. Nous sommes d'accord avec le point de vue de Transports Canada exprimé devant le Comité, selon lequel le gouvernement fédéral offrira plus activement son soutien financier pour créer un réseau routier de qualité. Toutefois, nous constatons qu'il n'a pu s'entendre avec les provinces sur une politique nationale des routes.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'au lieu de fournir l'infrastructure ou les services scolaires qu'on aimerait avoir idéalement, on pourrait offrir un crédit d'impôt ou un allégement fiscal quelconque qui tiendrait compte du coût élevé de la vie dans les régions rurales et du fait qu'elles sont moins accessibles.
On a également fait état devant le Comité de l'importance de la contribution des gouvernements à l'aménagement de routes et d'autres infrastructures nécessaires à l'extraction et à l'exploitation des ressources naturelles. De telles infrastructures ont un impact considérable sur le développement économique régional dans la mesure où elles ouvrent de nouvelles régions à des activités telles que l'exploitation forestière, le tourisme, la chasse et la pêche. Dans les régions éloignées, ce sont souvent les entreprises elles-mêmes qui investissent dans les routes, les lignes de transport d'énergie et même les centres médicaux communautaires nécessaires au développement. Lorsque le secteur privé se charge du rôle traditionnel du gouvernement en fournissant l'infrastructure nécessaire, l'industrie est d'avis qu'il serait tout à fait approprié d'offrir des allégements fiscaux correspondant aux dépenses directes consacrées aux infrastructures. Nous partageons ce point de vue.
Enfin, un certain nombre de groupes comparaissant devant le Comité se sont dits préoccupés par l'application du principe du recouvrement des coûts liés aux infrastructures dans certains secteurs relevant de la compétence fédérale, les services des brise-glace et de la Garde côtière ayant été mentionnés à quelques reprises. L'un des principaux problèmes touchés a trait à l'impact du recouvrement des coûts sur les collectivités monoindustrielles. À notre avis, les gouvernements devraient se garder de laisser le recouvrement des coûts mettre en péril la viabilité financière de ces sources uniques d'activité économique vitale dans le Canada rural.
Nous recommandons que :
9. Le gouvernement fédéral devrait conclure de nouveaux accords à frais partagés avec les provinces pour la mise en oeuvre d'un programme national de réfection du réseau autoroutier au bénéfice des régions rurales.
10. Le gouvernement fédéral devrait consentir un appui fiscal à durée limitée aux entreprises qui souhaitent exploiter des lignes ferroviaires de transport sur courtes distances, agir comme transporteurs aériens régionaux ou comme propriétaires des aéroports en milieu rural, gérer et entretenir des quais et des ports en milieu rural et construire des routes.
11. Le gouvernement fédéral devrait revoir sa méthode de recouvrement des coûts des services fournis au Canada rural afin d'éviter d'imposer un fardeau financier indu aux industries installées dans des collectivités rurales ou éloignées.
C. Stimuler l'activité dans le secteur des ressources naturelles
Comme les ressources naturelles sont le moteur de l'économie rurale, comment assurer la viabilité de la base de ressources pour les générations futures tout en stimulant l'activité déployée actuellement dans le secteur des ressources naturelles?1. Soutenir la base de ressources
Les Canadiens croient fermement à la nécessité de soutenir le mieux possible notre base de ressources, dans le respect de l'environnement. En fait, on ne pourra assurer la compétitivité à long terme des industries primaires que si les ressources sont administrées de façon viable. Dans l'est du Canada, les événements récents entourant la pêche à la morue témoignent éloquemment de l'absence d'une politique gouvernementale-industrielle-internationale adéquate à cet égard. Ces problèmes ne doivent pas se répéter dans d'autres industries.
[. . .] À la veille du XXIe siècle, le Labrador se retrouve avec l'une des réserves les plus riches du monde en nickel, à Voisey's Bay. Il est essentiel que les habitants du Labrador, tous ceux qui vivent et travaillent ici, profitent au maximum de l'exploitation de cette réserve. Nous ne pouvons plus accepter que nos localités se passent du nécessaire en infrastructures ni que nos habitants restent sans emplois pendant que les gens de l'extérieur réalisent d'immenses bénéfices. Cette époque est révolue. Nous avons déjà connu ce scénario; maintenant nous voulons notre juste part des profits de nos ressources.
Les entreprises d'exploitation des ressources naturelles ne devraient pas subventionner les collectivités où elles se trouvent, mais elles ont tout de même l'obligation de faire profiter la population locale de leurs richesses qu'il s'agisse d'emplois, de contrats et de profits; une attitude qui pourra leur profiter autant qu'aux citoyens.
Les gouvernements ont sans nul doute un rôle critique à jouer dans l'établissement de politiques pertinentes concernant l'exploitation des ressources. En même temps, nous sommes d'avis que les entreprises qui dépendent de l'exploitation des ressources ont l'obligation sociale de conclure des partenariats à long terme avec les collectivités, les régions et les personnes touchées par leur activité industrielle. Le réinvestissement dans l'administration à long terme des ressources, la formation ou même l'infrastructure communautaire d'une partie des profits tirés de l'exploitation des ressources constitue de fait un objectif valable. Une fois de plus, le partenariat conclu par Syncrude constitue un excellent modèle pour les exploitants de ressources du Canada rural.
Outre la nécessité de soutenir la base de ressources au moyen de techniques de récolte appropriées, un certain nombre d'autres questions plus précises liées à la gestion des ressources ont été portées à notre attention. Par exemple, on nous a dit que des investissements suffisants dans l'industrie de la sylviculture pourraient se traduire par des niveaux de production forestière de deux à trois fois supérieurs. Au moyen de la génétique, on peut notamment améliorer de façon considérable la qualité des jeunes plants et des arbres, y compris leur vitesse de croissance. Il n'est plus nécessaire d'attendre de 10 à15 ans pour obtenir, dans nos plantations, une nouvelle génération d'arbres améliorés grâce à la génétique. L'octroi d'allégements fiscaux sélectifs, conformément à la demande formulée par les propriétaires de terres à bois, pourrait également se traduire par une activité forestière plus viable.
On a également fait valoir que le développement et la commercialisation des produits de l'industrie gazière et pétrolière étaient limités par la capacité insuffisante des pipelines. Pour réinvestir ces profits dans l'exploration et l'expansion technologique, l'industrie doit accroître ses marchés d'exportation. Pour ce faire, on devra aménager de nouveaux pipelines vers les États-Unis.
Au Canada, le secteur de l'aquaculture connaît une croissance rapide, la demande de poisson et de fruits de mer augmentant de façon régulière, tandis que l'industrie de la pêche au poisson sauvage est en déclin. La conchyliculture et la pisciculture emploient plus de 5 200 personnes, surtout dans le Canada rural. On pense aussi que la conchyliculture donne aux Premières nations une occasion unique d'établir des entreprises viables dans les collectivités côtières rurales, particulièrement en Colombie-Britannique. Malheureusement, on est loin d'exploiter tout le potentiel de l'aquaculture au Canada, en raison d'un certain nombre de contraintes au développement. Le fardeau réglementaire imposé par le gouvernement et l'incertitude qu'il crée constituent les principaux facteurs qui limitent la croissance de l'aquaculture. Le secteur est également victime de l'insuffisance de l'infrastructure et des immobilisations nécessaires pour soutenir l'expansion et la croissance.
Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait établir des programmes de recherche ou des projets pilotes similaires à ceux en préparation ou déjà exécutés dans d'autres pays producteurs de charbon, comme l'Australie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon. Ces pays sont en train de nous dépasser. Nous avons mis au point par le passé des technologies pour l'industrie houillère que nous étions les premiers à posséder.
Quatrièmement, on a porté à l'attention des membres du Comité le fait que les trois paliers de gouvernement ne s'intéressent pas suffisamment au contexte mondial et national dans lequel évolue l'industrie de l'extraction de la houille. Or, la houille est un produit important pour les économies régionales de l'Est et de l'Ouest.
Soit dit en passant, nous avons mis au point un produit, le prêt agricole familial, qui assure la sécurité des revenus des parents et protège leurs actifs. Il permet au fils, à la fille ou à un autre parent d'acquérir l'exploitation avec une mise de fonds très faible et très peu de garanties. Lorsque nous avons présenté ce produit à notre partenaire américain, il l'a trouvé si intéressant qu'il l'a immédiatement adapté à sa propre clientèle agricole aux États-Unis.
On nous a fait part d'une dernière préoccupation liée à la nécessité de résoudre le problème du transfert entre générations des exploitations agricoles familiales. La Société du crédit agricole, société financière fédérale venant en aide au secteur de l'agriculture, a déjà introduit un type particulier de prêt agricole familial pour s'attaquer à ce problème. Nous sommes d'avis qu'un tel produit devrait être élargi et faire l'objet d'une publicité considérablement plus grande.
Nous recommandons que :
12. Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les entreprises d'exploitation des ressources naturelles, les gouvernements provinciaux, les collectivités locales et d'autres intervenants, devrait veiller à ce que les ressources soient exploitées de façon viable pour le bénéfice à long terme des collectivités visées.
13. La Société du crédit agricole devrait étendre et faire connaître son nouveau prêt agricole familial, conçu pour faciliter la transmission d'une génération à l'autre des exploitations agricoles familiales.
2. Améliorer le climat des investissements
Nous croyons au développement durable et responsable. Ce que nous ne pouvons accepter, c'est la foule de règlements non coordonnés, qui se chevauchent et qui nuisent à la qualité de l'examen environnemental. Ces règlements donnent lieu à un gaspillage de l'argent des investisseurs et des contribuables et ajoutent aux incertitudes de ceux qui souhaitent mettre à exécution un projet d'exploitation minière. [. . .] Nous avons besoin non pas d'autorités et de zones de responsabilités nouvelles, mais plutôt d'un mode de fonctionnement qui assurera la participation de tous les intervenants : le promoteur du projet, tous les organismes fédéraux et territoriaux ainsi que l'ensemble des intervenants intéressés.
L'harmonisation de la réglementation devrait demeurer une très grande priorité pour le gouvernement. Un système de réglementation efficace, efficient et stable réduira les chevauchements inutiles qui sont source de longs retards et qui augmentent les coûts des projets de pipeline pour lesquels une approbation est requise.
À l'heure actuelle, le principal facteur qui limite la croissance de notre secteur est la lourdeur de la réglementation gouvernementale et l'incertitude que créent les divers niveaux de gouvernement. L'aquiculture relève d'un ensemble complexe de champs de responsabilités et de compétences qui se chevauchent.
Les préoccupations soulevées dans la partie précédente ne recensent pas tous les obstacles structurels que les gouvernements imposent à l'exploitation des ressources naturelles. Pour faire en sorte que le secteur des ressources naturelles demeure sain, ces derniers doivent s'attaquer à un certain nombre d'autres problèmes, notamment :
- une structure fiscale appropriée encourageant l'investissement;
- un régime réglementaire qui assure le maintien de normes environnementales, tout en répondant aux besoins de l'industrie;
- un mécanisme d'approbation rapide lorsqu'on a besoin de permis (p. ex. les gazoducs);
- un mécanisme rapide de règlement des problèmes liés à l'utilisation du territoire;
- des investissements accrus dans le secteur de la R-D;
- l'élimination, au moyen d'efforts concertés avec les provinces, des obstacles interprovinciaux au commerce;
- une amélioration de l'accès aux marchés étrangers grâce à la négociation d'accords commerciaux pertinents, secteur qui relève d'abord et avant tout de la compétence fédérale.
La prise de décisions dans le secteur de l'environnement a soulevé un certain nombre de critiques précises :
- le régime de réglementation environnemental actuel est trop restrictif pour les investisseurs éventuels - pour éviter de tuer dans l'oeuf les nouvelles occasions d'affaires, on devrait alléger considérablement la réglementation et lui assurer une plus grande stabilité;
- les régimes fédéraux-provinciaux d'évaluation environnementale des nouveaux projets d'investissement se chevauchent et continuent d'entraîner des retards et de l'incertitude pour les investisseurs éventuels;
- la réglementation environnementale n'a toujours pas été rationalisée ni harmonisée et, pour l'essentiel, elle n'est pas appliquée de façon uniforme et certaine; les chevauchements et les dédoublements demeurent un irritant;
- on n'a pas consacré une attention suffisante au règlement de problèmes importants concernant l'accès au territoire, par exemple les revendications territoriales et la délimitation d'espaces réservés à l'aménagement de parcs; les revendications territoriales et l'accès au territoire retardent la mise en branle de nouveaux projets d'extraction de ressources.
Améliorer le régime fiscal peut se traduire par un déluge d'investissements prévus, comme le montre la réaction positive de l'industrie des sables bitumineux aux modifications apportées au régime fiscal. En réduisant les charges sociales et l'impôt sur les sociétés, on pourrait également améliorer la situation actuelle des industries primaires, où les emplois par unité d'investissement se font de plus en plus rares.
Nous recommandons que :
14. Le gouvernement fédéral devrait immédiatement simplifier sa réglementation pour aider les industries primaires à investir davantage dans le Canada rural, et supprimer ainsi les entraves au développement rural que contient actuellement cette réglementation.
15. Le gouvernement fédéral devrait accorder une plus grande priorité au règlement équitable des revendications territoriales actuelles.
16. Le régime fiscal fédéral applicable aux industries primaires devrait être périodiquement revu pour améliorer les conditions d'investissement au pays. La mise en oeuvre des recommandations à incidence financière contenues dans le rapport du National Task Force on Oil Sands Strategies constitue une priorité urgente.
3. Renforcer la R-D
Bien que le régime fiscal intérieur visant la R-D soit relativement concurrentiel dans le contexte international, il n'en demeure pas moins que le Canada, par rapport aux autres pays industrialisés, accuse du retard à ce chapitre. Parmi les nations du G7, le pays, qui ne consacre que 1,6 p. 100 de son PIB à la R-D, soit moins que la moyenne de l'OCDE, établie à 2,2 p. 100, vient à l'avant-dernier rang. Fait peut-être plus significatif, le Canada consacre à la R-D dans le secteur primaire - seulement 0,3 p. 100 du PIB est alloué à l'industrie forestière - moins de la moitié des sommes qu'il affecte à la recherche scientifique, par exemple la R-D dans le secteur pharmaceutique.
Dans les secteurs des ressources naturelles, qui constituent des sources de force économique, rehausser l'activité liée à la R-D devrait constituer une priorité urgente. Pour relever les défis liés à l'exploitation des ressources et à la protection de l'environnement, on dépend de plus en plus des percées technologiques; par conséquent, on doit créer un climat propice à la réalisation de ces percées.
Pour être véritablement efficace, la R-D dans les secteurs des ressources naturelles peut difficilement s'effectuer en milieu urbain. Dans le cadre de bon nombre des audiences publiques organisées par le Comité, des témoins ont souligné l'importance que revêt le fait de soutenir et d'établir, au Canada rural, des centres d'excellence et d'innovation en R-D. Ces derniers devraient être aménagés en fonction des atouts particuliers des régions rurales. On devrait encourager et accélérer la conclusion de partenariats avec les établissements d'enseignement et de recherche ruraux de même qu'avec l'industrie.
Nous recommandons que :
17. Le gouvernement fédéral devrait, tout en faisant une promotion plus efficace des programmes de R-D existants, établir de nouveaux partenariats avec les industries primaires pour mettre au point de meilleures méthodes d'exploitation des ressources. La recherche devrait généralement se faire dans les régions rurales et ses résultats devraient être communiqués aux entreprises actives de ces industries.
D. Importance de la valeur ajoutée
Le mot clé, encore une fois, c'est la valeur ajoutée. Aussi longtemps que nos ressources naturelles seront vendues à l'extérieur de la région ou à l'extérieur de notre pays sans valeur ajoutée, les communautés rurales vont continuer de perdre leur base économique.
De temps à autre, on assiste à l'émergence d'une école de pensée selon laquelle le Canada serait mieux servi si son économie renonçait à sa dépendance à l'égard des ressources naturelles pour se tourner vers l'information et la haute technologie. Une telle approche devient plus populaire pendant les replis cycliques, au cours desquels nos industries primaires normalement des plus dynamiques tendent à l'être moins.
Par ailleurs, il se trouve des représentants de l'industrie pour soutenir que la puissance comparative du Canada repose toujours sur l'extraction des matières premières, par exemple les minerais, et sur d'autres formes d'exploitation des ressources. Comme nous comptons parmi les producteurs les plus efficients de ressources au monde, nous devrions nous concentrer sur ces efforts et ne pas contempler d'activités économiques de substitution. La réussite traditionnelle des sociétés canadiennes dans le marché mondial des produits de base milite en faveur du point de vue selon lequel nous devrions nous spécialiser dans ce que nous faisons le mieux.
Le Comité croit que, comme c'est souvent le cas, la vérité se situe quelque part entre ces deux points de vue. Aux quatre coins du pays, on nous a affirmé que le fait d'augmenter la valeur ajoutée de nos produits primaires revêt en fait une grande importance. Dans les régions rurales, la transformation à forte valeur ajoutée peut constituer un important facteur de création d'emplois. Les Canadiens qui vivent en milieu rural nous ont dit que, dans toute la mesure du possible, les ressources naturelles devraient être transformées localement, avant que le produit ne quitte une collectivité ou une région donnée.
On peut augmenter la valeur ajoutée sans que les industries primaires se tournent nécessairement vers une stratégie d'intégration plus poussée dans la production en aval, même si le renforcement de l'assise manufacturière rurale ne serait pas sans avantages. Dans le secteur de l'activité manufacturière axée sur les ressources, ce sont les régions urbaines qui se taillent la part du lion, sauf dans l'industrie du bois. Même si on ne parvient pas à diversifier l'économie des régions dépendantes de la production primaire, on peut augmenter la valeur ajoutée de façon considérable en modifiant la gamme de produits de manière à procurer au consommateur une plus grande satisfaction et à améliorer les avantages économiques généraux. Par exemple, l'industrie forestière a été contrainte par la concurrence accrue de générer des produits plus raffinés, comme les papiers de spécialité.
Si les résidants ruraux veulent tirer profit de ces débouchés, il faut faire le nécessaire pour leur offrir l'instruction et la formation qui leur permettront de comprendre parfaitement le concept et la portée de la valeur ajoutée.
Dans le Canada rural, le défi consiste à assurer l'expansion continue de ses industries primaires de classe mondiale et à y ajouter de nouvelles activités économiques susceptibles de donner de bons résultats en milieu rural. Devant le Comité, on a toutefois soulevé quelques obstacles qui, au Canada rural, s'opposent à une telle réorientation. Premièrement, il arrive souvent que la formation et l'éducation des ruraux ne soit pas à la hauteur des normes auxquelles il faut répondre pour tirer pleinement profit des possibilités qui s'offrent au chapitre de la valeur ajoutée. Pour que l'économie rurale se prévale des possibilités en question, ces lacunes doivent être corrigées.
En ce moment, l'industrie essaie de plus en plus d'aller vers des produits à valeur ajoutée. C'est précisément dans ces secteurs de valeur ajoutée que nos concurrents à travers le monde continuent d'ériger des barrières tarifaires et non tarifaires. Je vous donne l'exemple d'un produit de base comme la pâte ou le papier journal. Il n'y a pas de tarif sur la pâte pour ceux qui veulent fabriquer leur propre papier en utilisant la pâte du Canada. Par contre, quand ces mêmes gens fabriquent, souvent avec notre pâte, des papiers fins ou des papiers enduits, des boîtes, des cartons, puisqu'ils ne veulent pas que nos produits soient en concurrence avec les leurs, ils imposent sur ces produits des tarifs assez exorbitants. Il n'est pas rare de voir sur certains papiers fins ou papiers de spécialité des tarifs de l'ordre de 40, 50 et 60 p. 100.
Deuxièmement, on a affirmé qu'il était extrêmement important qu'on continue de réduire tous les obstacles commerciaux internationaux, particulièrement dans le secteur des produits à valeur ajoutée. Les pays concurrents du Canada dans le secteur des ressources naturelles continuent d'imposer des obstacles tarifaires et non tarifaires, au commerce de nos exportations de produits à valeur ajoutée. Ce protectionnisme nuit assurément à la capacité du Canada de diversifier ses exportations traditionnelles.
Troisièmement, les obstacles commerciaux interprovinciaux freinent la progression de la valeur ajoutée de la production rurale. Nous sommes extrêmement déçus de constater qu'il semble impossible de parvenir à la libéralisation du commerce intérieur, tandis qu'on est parvenu à signer des accords internationaux avec nos partenaires commerciaux mondiaux (p. ex. l'ALENA). On doit accélérer les efforts déployés pour supprimer les obstacles au commerce des produits à valeur ajoutée.
Dans ce domaine, quelques autres obstacles ont été évoqués. On a ainsi affirmé que les particuliers et les sociétés désireuses de tirer profit des possibilités offertes par la valeur ajoutée ne disposent souvent pas de ressources financières suffisantes, c'est-à-dire de capitaux propres et empruntés. Par exemple, il arrive souvent que les agriculteurs aient besoin d'aide pour définir les possibilités d'investissement et de soutien financier pour en assurer la concrétisation.
Un autre obstacle fréquemment mentionné a trait à la R-D et à l'innovation insuffisantes dans les entreprises à valeur ajoutée qui promettent. On a aussi fait remarquer qu'il arrive souvent que le transfert de technologies vers le marché soit inadéquat. Ces obstacles doivent être supprimés dès que possible.
On nous a dit que le gouvernement fédéral ne dispose pas de programmes visant expressément l'augmentation de la valeur ajoutée dans les régions rurales. Sa contribution a été indirecte dans la mesure où ses activités dans le domaine de la R-D ont entraîné une transformation plus poussée des produits dans le Canada rural. Nous sommes toutefois d'avis que, pour répondre aux besoins du marché, on doit davantage mettre l'accent sur la transformation des ressources du Canada rural en produits plus raffinés.
Nous recommandons que :
18. Le gouvernement devrait a) établir des partenariats avec les industries primaires pour examiner les possibilités de mener des activités à valeur ajoutée et b) établir des politiques efficaces pour encourager les entreprises d'exploitation des ressources à fabriquer des produits spécialisés à valeur ajoutée là où les conditions du marché s'y prêtent.
19. Pour développer le commerce intérieur et extérieur pour ce qui est des produits à valeur ajoutée, le gouvernement fédéral devrait a) redoubler d'efforts pour accélérer l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires internationales au commerce de ces produits et b) en collaboration avec les provinces, accélérer le processus d'abolition des barrières commerciales interprovinciales. Si des progrès marqués au chapitre de la libéralisation du commerce intérieur ne sont pas réalisés d'ici la fin de 1997, le gouvernement devrait envisager d'agir unilatéralement.
20. Des organismes fédéraux, comme la Société du crédit agricole, la Banque de développement du Canada et ses organismes de développement régional, de même que les fonctionnaires responsables du Fonds de développement de la technologie d'Industrie Canada, devraient accorder une plus grande priorité au soutien des activités à valeur ajoutée dans le Canada rural.
E. Soutenir le tourisme
Comme secteur, notre défi consiste, à l'approche du tournant du siècle, non seulement à maintenir les taux de fréquentation actuels, mais aussi à les accroître en accaparant une part plus grande du marché mondial du tourisme. À cet égard, nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral pour faire connaître la région de Muskoka. Nous serions ainsi en mesure d'accroître les activités commerciales dans la région et de raffermir son assise économique.
C'est donc dire que, pour l'industrie touristique régionale, l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler le secteur des ressources naturelles est d'une importance cruciale. Voilà, monsieur le président, toute l'importance des ressources naturelles pour l'industrie touristique régionale. Elle ne vient pas seulement, par exemple, de l'arbre, mais aussi de sa transformation et de l'histoire de sa transformation. Notre discours ne va donc pas à l'encontre du développement et de l'exploitation des ressources naturelles de la région. Nous croyons plutôt qu'il vient compléter le développement et l'exploitation de ces ressources.
Quelques statistiques montrent bien l'importance que revêt le secteur touristique pour l'ensemble de l'économie canadienne. En 1995, les dépenses touristiques au Canada ont totalisé 41,8 milliards de dollars, soit une hausse de 7,1 p. 100 par rapport à l'année précédente. En 1995, la croissance touristique a, de fait, été supérieure à celle de l'économie dans son ensemble.
Le tourisme, industrie à forte concentration de main-d'oeuvre, continue de faire la preuve de sa capacité de créer des emplois à un rythme plus rapide que l'économie dans son ensemble. Par exemple, le nombre d'emplois directs imputables à l'industrie en 1995 était en hausse de 2 p. 100 par rapport à 1994, pour s'établir à un total de presque un demi-million d'années-personnes. Pendant la même période, le taux de croissance de l'emploi dans l'ensemble de l'économie a été beaucoup plus faible. Le nombre total de Canadiens qui travaillent dans l'industrie touristique et dans les industries connexes s'établit à environ 1,3 million de personnes.
Le tourisme, qui compte parmi les principales industries du pays, donne aux régions rurales la possibilité de diversifier leur économie au moyen d'investissements en immobilisations relativement limités. Pour y attirer les visiteurs, on doit toutefois faire bien davantage.
Dans le Canada rural, l'économie touristique représente une économie distincte de celle qu'on retrouve le plus fréquemment en milieu urbain. S'il bénéficie des avantages associés à la beauté et aux ressources naturelles, le Canada rural fait face à un certain nombre d'obstacles qui inhibent l'établissement d'une forte économie touristique. Parmi ces obstacles, citons :
- l'absence d'une infrastructure des transports suffisante, si bien qu'il est difficile de se rendre dans bon nombre de régions rurales;
- le fait que le marché potentiel des établissements qui doivent être bâtis génère souvent des liquidités insuffisantes pour rembourser la dette qu'il faut contracter pour aménager l'infrastructure nécessaire;
- la taille et la diversité relativement limitées des exploitants touristiques ruraux, facteurs combinés qui leur permettent difficilement d'agir en coopération les uns avec les autres ou en partenariat avec des organismes tels que la Commission canadienne du tourisme (décrite ci-dessous);
- la nature cyclique du tourisme rural et l'absence d'un marché conséquent, ce qui dissuade de nombreux investisseurs privés de s'intéresser au tourisme rural.
Je reçois les bulletins de la Commission canadienne du tourisme, et on en discute avec d'autres collègues d'autres régions. Pour être à la table de la CCT, il faut beaucoup de dollars, et ce n'est pas à la portée de toutes les bourses.
Si la création de la CCT a généralement été bien accueillie par les témoins du secteur touristique, une plainte a été formulée à de nombreuses reprises. Que ce soit dans les Territoires du Nord-Ouest, dans la région de Muskoka, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue ou dans la région de l'Atlantique, on nous a dit que les petits exploitants touristiques - la norme dans le Canada rural - ont été pour l'essentiel incapables d'accéder aux services ou aux initiatives de partenariat de la Commission. Le phénomène s'explique d'abord et avant tout par le fait que les plus petits exploitants, en raison de leurs capacités financières limitées, ne peuvent s'associer aux programmes coopératifs de commercialisation mis de l'avant par l'organisme. Les efforts de la CCT, du moins tels que les perçoivent les exploitants ruraux, sont orientés vers les grands exploitants, qu'on retrouve habituellement dans les villes ou à proximité d'elles.
La CCT a déclaré aux membres du Comité qu'elle avait bel et bien pour mandat d'élaborer un programme national de commercialisation, mais pas de réserver des fonds distincts pour les régions rurales. Nous croyons que c'est un tort et que la Commission doit reconnaître qu'il est urgent de soutenir le tourisme dans les régions rurales du Canada en ciblant ces dernières de façon plus explicite. Selon des témoins, l'organisme doit également mieux faire connaître ses activités à l'échelon local.
Si l'on encourageait les banques et les établissements comme la Banque de développement ou si on les aidait à reconnaître les tendances, les réalités et le potentiel des entreprises de ce secteur d'activité, cela serait très bénéfique pour la région de Muskoka.
On nous a également dit que toutes les régions rurales n'ont pas le bonheur de compter sur des attractions touristiques aménagées ou naturelles. Il nous est également apparu évident que de nombreux exploitants touristiques, comme d'autres propriétaires de petites entreprises, éprouvent de la difficulté à accéder à du capital de risque ou à du capital emprunté.
Pour régler les problèmes d'accès aux capitaux auxquels sont confrontés les exploitants touristiques, quelques partenaires devront concerter leurs efforts. Les banques à charte devront accepter d'évaluer les projets moins en fonction de considérations tangibles telles que les garanties et plus en fonction d'atouts, tels que la fiabilité du promoteur, le soutien communautaire dont il bénéficie et ses aptitudes en gestion. De plus, les problèmes que le secteur touristique a connus par le passé ne devraient pas porter préjudice aux décisions concernant des projets futurs.
Les organismes gouvernementaux qui accordent des prêts, par exemple la Banque de développement du Canada et les Sociétés d'aide au développement des collectivités, doivent continuer de soutenir le secteur touristique. On doit éviter, comme on a aujourd'hui tendance à le faire, d'utiliser ces programmes uniquement pour soutenir les projets d'exportation ou de haute technologie. Les organismes concernés doivent réévaluer le soutien qu'ils accordent au secteur touristique et reconnaître que, toutes choses étant égales, l'investissement dans le tourisme est tout aussi prometteur pour le Canada rural que l'investissement dans les entreprises de haute technologie du Canada urbain. À cet égard, l'injection, par le gouvernement fédéral, de 50 millions de dollars dans les capitaux propres de la Banque de développement aux fins du développement de l'infrastructure touristique privée, annoncée dans le budget fédéral de 1997, est une bonne nouvelle.
Les organismes chargés du développement économique régional doivent également continuer d'appuyer le tourisme rural. Ces derniers devraient notamment créer des programmes pour favoriser l'aménagement d'infrastructures, faciliter l'accès au capital de risque et au capital emprunté et, enfin, mettre de l'avant des initiatives de mise en valeur des régions et de formation des employés.
Enfin, on doit s'attaquer au problème de l'insuffisance du capital de risque auquel ont accès les exploitants touristiques. Pour soutenir les exploitants touristiques ruraux, le gouvernement fédéral devrait s'associer à des initiatives telles que les fonds de travailleurs, en ciblant les incitatifs fiscaux existants.
Nous recommandons que :
21. La Commission canadienne du tourisme devrait soutenir plus activement l'industrie touristique en milieu rural a) en réservant aux exploitants d'entreprise touristique une part précise des fonds destinés aux partenariats de commercialisation; b) en donnant plus d'information sur les possibilités de promotion du tourisme à l'administration et aux organismes de développement locaux et c) en veillant à ce que les établissements financiers soient bien au fait des nouvelles occasions d'affaires dans le secteur du tourisme, un secteur en pleine croissance.
22. L'expansion de l'infrastructure touristique devrait faire partie intégrante d'un futur programme national d'infrastructure.
23. Les organismes fédéraux chargés du développement régional devraient réserver une partie déterminée de leurs ressources financières à la création d'attractions touristiques en milieu rural. Des programmes régionaux de commercialisation du tourisme devraient être élaborés en collaboration avec l'industrie touristique.
F. Créer de petites entreprises et stimuler l'esprit d'entreprise
Aujourd'hui, il est généralement admis que c'est le secteur de la petite entreprise qui est le moteur de la création d'emplois. Au cours des dernières années, les PME ont généralement été responsables de plus de 80 p. 100 de la création nette d'emplois. Le phénomène s'observe aussi bien au Canada rural qu'en milieu urbain. Pour déployer avec succès les ressources humaines, nous devons créer un climat commercial favorable, éliminer la pénurie de capitaux à laquelle font face les petites entreprises du Canada rural et y stimuler la formation dans les domaines de la gestion et de l'esprit d'entreprise. Si on y parvient, on devrait pouvoir augmenter le nombre d'emplois créés.1. Créer un climat propice aux petites entreprises
La meilleure chose que le gouvernement fédéral puisse faire pour le développement des petites entreprises est de continuer à assurer des taux d'intérêts stables, l'accès au crédit et le démantèlement graduel des barrières au mouvement interprovincial des biens et de la main-d'oeuvre et faciliter le transfert entre générations des entreprises familiales. De telles politiques, jointes à un allégement de la fiscalité pesant sur les petites entreprises, notamment celles ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur à200 000 $, encourageraient la création d'emplois dans les petites villes de notre pays.
Un certain nombre de témoins ont souligné qu'il fallait, au Canada, améliorer le climat des investissements pour les petites entreprises. Ils se sont fermement prononcés en faveur d'une amélioration du régime réglementaire et d'une prestation plus efficiente des services gouvernementaux. La plupart des témoins ont approuvé les efforts budgétaires déployés par le gouvernement jusqu'ici et plaidé en faveur de la poursuite des politiques visant à réduire la dette et les déficits du gouvernement, ce qui pourra donner lieu à une baisse des impôts sur les sociétés. À ce propos, on a affirmé que les charges sociales (p. ex. les cotisations à l'assurance-emploi de même qu'au RPC et à la RRQ, les cotisations imposées par les commissions provinciales des accidents du travail et les impôts sur la santé prélevés dans certaines provinces) constituent les facteurs qui nuisent le plus à l'emploi.
Dans une section antérieure du rapport, nous avons déjà recommandé que les gouvernements mettent tout en oeuvre pour réduire et, dans certains cas, rationaliser leurs interventions réglementaires. L'efficience de la réglementation a également été au coeur de travaux précédents du Comité. Nous souhaitons vivement que, à ce propos, des mesures soient prises sans délai.
De la même façon, on abordera la question de l'inefficience de l'exécution des programmes et de la prestation des services gouvernementaux dans la partie portant sur la réforme structurelle. Dans leurs régions, les Canadiens ruraux ont droit à un gouvernement plus accessible ayant rationalisé ses activités.
Sur le front fiscal, le gouvernement a réalisé des progrès notables au chapitre de l'amélioration de sa situation budgétaire. Le déficit décroît rapidement, et on s'attend à ce que le ratio dette-publique-PIB diminue bientôt. Dès qu'il aura amélioré davantage sa situation financière, nous pensons que le gouvernement devrait envisager d'alléger le fardeau fiscal des petites entreprises, particulièrement celui qui est imputable aux charges sociales. Au cours des dernières années, nous tenons à le souligner, ces dernières ont augmenté de façon régulière.
Nous recommandons que :
24. Dès qu'il aura amélioré davantage sa situation financière, le gouvernement fédéral devrait envisager a) de réduire les charges sociales des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 200 000 $; b) de hausser à 300 000 $ le seuil sous lequel les entreprises admissibles ont droit à une réduction de l'impôt sur les sociétés.
2. Veiller à ce que les petites entreprises bénéficient d'un accès adéquat aux capitaux
De nombreux témoins ont affirmé que l'insuffisance du capital de risque et du capital emprunté privés constituait un important obstacle à l'expansion des petites entreprises. L'accès aux capitaux pose toujours un problème particulier aux entreprises rurales.
Dans le Canada rural, les capitaux proviennent de diverses sources, notamment les banques, les coopératives de crédit, les caisses populaires et les organismes gouvernementaux. En date du 30 juin 1996, les prêts autorisés accordés par les sept principales banques à charte à des clients dans les secteurs de l'agriculture, de l'exploitation forestière, de la foresterie, des mines et du pétrole s'élevaient à plus de 52 milliards de dollars, soit quelque 12 p. 100 des prêts consentis par ces banques. Pour obtenir une idée plus claire des prêts consentis par les banques dans le Canada rural, on devrait ajouter à ce total les prêts alloués à d'autres activités commerciales. Selon l'Association des banquiers canadiens, jusqu'au tiers des 8 000 succursales bancaires que compte le Canada se trouvent en milieu rural.
Les coopératives de crédit et les caisses populaires assurent des services financiers complets à au moins 35 p. 100 de la population du pays. Ces dernières, particulièrement actives dans le Canada rural, sont souvent le seul établissement financier que compte la collectivité et le seul qui ait à coeur d'y demeurer pour assurer des services à ses membres. En fait, on nous a dit que, dans plus de 900 collectivités du Canada, les caisses populaires et les coopératives de crédit constituent la seule source de services financiers. En Saskatchewan et au Manitoba, les coopératives de crédit et les caisses populaires constituent les plus importants prêteurs agricoles non gouvernementaux. En Ontario, elles ont conclu des partenariats financiers avec les sociétés d'aide au développement des collectivités.
Des crédits proviennent aussi d'organismes fédéraux comme la Société du crédit agricole (SCA) et la Banque de développement du Canada (BDC). La SCA détient actuellement un portefeuille de prêts de plus de 4,4 milliards de dollars, ce qui représente environ 14 p. 100 de l'endettement agricole total au Canada. En 1995-1996, la Société a autorisé de nouveaux prêts agricoles traditionnels d'une valeur de un milliard de dollars. Le Comité se réjouit que le gouvernement fédéral ait jugé bon, dans le budget de 1997, de fournir à la Société 50 millions de dollars en capitaux supplémentaires. La SCA, qui est le plus important prêteur à terme agricole au pays, est clairement orientée vers les besoins financiers des exploitations agricoles plus petites. Elle joue généralement un rôle complémentaire aux banques, même si le fait qu'elle tende à concurrencer le secteur privé pour les prêts à faible risque de manière à pouvoir interfinancer les prêts plus risqués soulève certaines inquiétudes chez les membres du Comité. Pour la Société, une stratégie plus appropriée consisterait, croyons-nous, à s'adapter aux risques plus élevés en jouant sur les prix, c'est-à-dire en augmentant les primes applicables aux prêts risqués.
Pour sa part, la BDC accorde des fonds pour soutenir les entreprises canadiennes d'avenir, tournées vers les exportations et fondées sur la connaissance. Dans le domaine des prêts, ses activités ont pour but de compléter celles du secteur privé. En 1995-1996, la banque a autorisé des prêts d'une valeur de plus de 400 millions de dollars à des entreprises rurales, ce qui représente 43 p. 100 de ses prêts totaux. Aucun de ces prêts ou presque n'était destiné à la clientèle agricole traditionnelle.
Par le truchement des quatre sociétés de développement régional de la Banque (Agence de promotion économique du Canada atlantique, Bureau fédéral de développement régional (Québec), Initiative fédérale du développement économique du nord de l'Ontario et Diversification de l'économie de l'Ouest), les PME ont accès à du capital de risque et à d'autres fonds d'investissement. Habituellement, ces fonds proviennent de l'organisme régional en question, des banques à charte et des établissements financiers d'État du gouvernement fédéral (dans la région de l'Atlantique, on doit ajouter les gouvernements provinciaux à la liste). En revanche, on a, dans la plupart des cas, renoncé à l'octroi de prêts directs à des sociétés particulières.
Ce que nous disent tout particulièrement les micro-entrepreneurs dans les petites localités, c'est qu'ils sont exclus des programmes d'aide à l'entreprise actuels. Bien que ces programmes soient conçus à l'intention de ce que l'on appelle les petites et moyennes entreprises, le contexte dans lequel celles-ci opèrent est très différent de celui des micro-entreprises dans les petites localités. Ces entrepreneurs réclament une aide minime, des fonds minimes, des conseils techniques, des conseils personnels sur la façon d'équilibrer leurs responsabilités familiale et professionnelles, des moyens d'évaluer facilement leurs marchés et les moyens d'obtenir des conseils sur l'utilisation appropriée de la technologie et le partage des coûts de celle-ci.
Un certain nombre de témoins se sont dits préoccupés par le problème de l'accès aux capitaux qui pourrait résulter de la fermeture projetée de succursales bancaires en région. Cette tendance, si elle se confirme, serait conforme à la volonté des banques de concentrer leurs activités dans ce qu'elles considèrent comme le marché du crédit le plus rentable, à savoir celui du Canada urbain.
Malgré tout, d'autres témoins, notamment un certain nombre de spécialistes des questions rurales, y voient un problème d'investissement plutôt qu'un problème financier. Comme quelques-uns l'ont fait valoir, les banques à charte canadiennes font essentiellement sortir les économies rurales des économies locales (directement ou par le truchement d'intermédiaires), l'investissement dans le Canada rural étant insuffisant. On nous a dit que les banques n'étaient pas particulièrement intéressées à assurer des services au Canada rural, dans lequel elles voient un marché de crédit petit et risqué. On a toutefois porté à notre attention le fait qu'un plus grand nombre de demandes de prêts seraient approuvées si les promoteurs avaient davantage d'avoirs propres dans les entreprises projetées et que des plans d'affaires adéquats étaient soumis aux établissements financiers.
Nous croyons que le gouvernement fédéral et les banques à charte canadiennes doivent conclure avec le Canada rural un partenariat à beaucoup plus long terme. Les établissements financiers privés doivent veiller à ce qu'un pourcentage approprié des capitaux émanant des investisseurs et des épargnants ruraux soit prêté au Canada rural. Pour leur part, les organismes financiers du gouvernement fédéral doivent se concentrer de façon beaucoup plus dynamique sur le développement rural, à l'exception de la Société du crédit agricole qui le fait déjà. Les organismes de prêt d'État devraient accélérer les efforts qu'ils déploient pour former des alliances avec des établissements privés.
Nous recommandons que :
25. On devrait encourager les banques à charte canadiennes à établir un mécanisme grâce auquel les dépôts et les profits venant des collectivités rurales y sont réinvestis sous forme de prêts plus importants.
26. Pour stimuler la petite entreprise au Canada rural, le gouvernement fédéral devrait a) réserver une partie de l'actif de la Banque de développement du Canada à l'octroi de prêts aux Canadiens vivant en milieu rural et b) demander à ses organismes de développement régional d'accorder une plus grande priorité au développement économique des régions rurales situées sur leur territoire.
3. Stimuler l'investissement communautaire
Le gouvernement fédéral a activement tenté d'aider les collectivités, les spécialistes du développement économique et les PME des collectivités en question à avoir accès à du capital de risque ainsi qu'à d'autres sources de participation au capital. Aujourd'hui, cet effort passe d'abord et avant tout par deux programmes d'Industrie Canada visant expressément le développement communautaire.
Depuis des années, le Programme de développement des collectivités est, pour les collectivités rurales, la principale initiative fédérale. Il s'agit d'un programme local d'entraide conçu pour aider les petites collectivités à stimuler le développement communautaire. Il vise pour une large part les collectivités rurales éprouvant de graves problèmes de chômage chronique en raison de leur incapacité de générer de l'activité économique et de diversifier leur économie locale. De façon générale, il comporte deux volets précis. Premièrement, le programme est conçu pour soutenir les activités d'une structure de développement local connue sous le nom de Société d'aide au développement des collectivités (SADC). En contrepartie, la SADC accorde une aide financière et technique aux petites entreprises rurales en plus de leur fournir des conseils quant aux possibilités de développement local. On accorde des prêts à des entreprises locales répondant à certains critères.
Deuxièmement, la Société prend des mesures précises pour stimuler le développement économique communautaire en appuyant ou en créant des occasions d'affaires dans les collectivités. Dans le budget de 1995, le gouvernement fédéral a confié la responsabilité du programme à Industrie Canada et à ses sociétés de développement régional.
Il ne fait aucun doute qu'Industrie Canada devrait demeurer le principal soutien des groupes locaux préoccupés par le développement des collectivités. Cela dit, les organismes communautaires devraient probablement se donner la peine de tenter de recouvrer certains de leurs coûts auprès du secteur privé. Les sommes ainsi récupérées devraient toutefois être réinvesties dans la collectivité, sous forme de nouveaux investissements. Réduire l'importance du soutien accordé par le gouvernement fédéral à chacune des SADC serait une erreur.
Le Plan d'investissement communautaire du Canada (PICC) est l'autre initiative du ministère de l'Industrie dans ce secteur. Le plan a pour but de renforcer les efforts communautaires visant à attirer et à promouvoir les investissements. Dans le cadre du programme, on fournit à des collectivités ou à des entrepreneurs des renseignements stratégiques afin de les aider à accéder aux sources de capitaux qui existent déjà dans une région donnée. Le gouvernement a accepté de partager les frais de la mise en oeuvre de quelque 20 projets pilotes novateurs.
Les membres du Comité sont préoccupés par le fait qu'aucun des projets pilotes initiaux ne vise une collectivité de moins de 25 000 habitants. Il est urgent d'accroître la taille du programme pour qu'il s'applique à des collectivités rurales plus petites. Au Canada rural, nous devons mettre en place une structure qui nous permettra d'identifier les particuliers ou les groupes qui disposent de capitaux et faire en sorte que ces sommes soient mises à la disposition des entreprises et des collectivités qui en ont besoin. À ce titre, le programme doit être réévalué et modifié de manière à mieux s'appliquer aux petites collectivités rurales. Pour y parvenir, le gouvernement fédéral devra conclure un partenariat plus vaste avec les établissements financiers du pays.
Nous recommandons que :
27. Industrie Canada devrait s'engager à assurer un financement de base durable aux sociétés d'aide au développement des collectivités. Les recettes de ces sociétés devraient être réinvesties dans les collectivités et non utilisées pour réduire le niveau actuel de contribution du gouvernement fédéral.
28. Après une évaluation des projets pilotes d'investissement collectif communautaire, le gouvernement fédéral devrait s'associer avec des banques à charte pour offrir un programme élargi répondant précisément aux besoins des collectivités rurales.
4. Renforcer la formation à l'esprit d'entreprise au Canada rural
Selon nous, le développement économique des régions rurales du pays passe par le développement de l'entreprenariat et par la recherche et le développement de nouveaux produits. C'est pourquoi nous sommes disposés à travailler d'arrache-pied avec les divers intervenants gouvernementaux afin de trouver les solutions les mieux adaptées au développement de notre région.
Notre étude démontre que trop d'entrepreneurs se font refuser du financement pour l'expansion de leur entreprise ou un nouveau projet à cause d'un plan d'affaires déficient ou encore inexistant. L'étude recommande donc que l'on trouve des moyens pour sensibiliser les entrepreneurs à l'importance d'une gestion bien planifiée.
À de nombreuses reprises, les membres du Comité ont entendu dire que le gouvernement fédéral devait accroître le soutien qu'il accorde aux petites entreprises par le truchement de programmes favorisant l'amélioration des pratiques de gestion. Pour que les Canadiens vivant en milieu rural investissent suffisamment dans leur propre région, nous croyons que la pénurie de formation à l'esprit d'entreprise qu'on y observe doit être réduite de façon marquée, sinon éliminée. Comme on l'a fait valoir précédemment, les compétences associées à l'élaboration de plans d'affaires font souvent cruellement défaut. D'autres lacunes ont trait à l'insuffisance fréquente des connaissances et des compétences dont les petites entreprises ont besoin pour accéder aux marchés d'exportation. Si la grande majorité des petites entreprises demeure petite, c'est faute de savoir comment s'agrandir dans les marchés intérieurs et étrangers. Sur ces fronts, des mesures doivent être prises de toute urgence.
L'historique des petites entreprises révèle un taux d'échec élevé dans la période relativement brève qui suit le démarrage. Il serait fort utile que les nouveaux entrepreneurs ruraux sollicitent les conseils de «parrains» issus du monde des affaires, qui ont déjà fait la preuve de leur capacité d'exploiter de nouvelles occasions d'affaires. Ces propriétaires d'entreprise chevronnés pourraient orienter le nouvel arrivant dans le monde des affaires et l'aider à éviter nombre de difficultés initiales auxquelles plusieurs petites entreprises tendent à se confronter. Les membres du Comité apprécient les efforts que fait la Banque de développement du Canada dans le domaine du counselling et de l'encadrement des gestionnaires et souhaite qu'un nombre encore plus grand d'entrepreneurs du Canada rural puissent bénéficier d'un tel service.
Il y a quelques années, des personnes très clairvoyantes ont constaté la nécessité de créer un outil qui inciterait les gens à se lancer en affaires. Elles ont constitué un projet qui a été mis en oeuvre pour la première fois sous le titre «Posséder mon entreprise», ce titre étant devenu en anglais «Owning my own business». C'était une série télévisée en 13 épisodes, qui débouchait sur la production d'un plan d'entreprise. Cette émission, qui a fait aussi l'objet d'un cours télévisé comportant des activités en salle de classe, a remporté un grand succès. [. . .] Nous avons bénéficié de l'appui technique et financier des ministères et organismes fédéraux pour ces projets.
Il convient également de noter qu'Industrie Canada s'affaire à la mise au point de son programme d'acquisition de compétences en facilitation de l'investissement, cours d'auto-apprentissage visant à faciliter les investissements. Le cours, qui sera offert dès le printemps 1997 sur le site Web de Strategis, devrait fournir aux collectivités et aux entrepreneurs locaux des renseignements et des conseils utiles quant au meilleur moyen d'accéder au capital de risque nécessaire à la croissance de leurs opérations particulières.
Nous recommandons que :
29. Le gouvernement fédéral devrait répondre aux besoins en formation des entrepreneurs ruraux a) en étendant les services d'encadrement des petites entreprises de la Banque de développement du Canada aux régions rurales et b) en encourageant les banques à charte canadiennes à incorporer de tels services dans leurs activités en milieu rural.
5. Doter le Canada rural d'une part plus grande des services aux entreprises
Par ailleurs, ces entreprises axées sur les ressources naturelles font souvent très peu d'efforts, voire aucun, pour offrir des services aux collectivités dont elles tirent les ressources naturelles ou en acheter. En l'absence de mesures affirmatives prises par les paliers supérieurs de gouvernement qui obligeraient une certaine forme de réinvestissement dans ces collectivités, il est peu probable que ces entreprises apporteront quelque contribution de leur propre chef. En fait, ce qui est ironique, c'est qu'un grand nombre de ces entreprises paient des sommes très élevées au chapitre du terrain, des immeubles, des impôts et du travail dans les villes où elles se trouvent.
Dans leurs activités quotidiennes, les industries primaires et les autres requièrent un certain nombre de services importants. Habituellement, il s'agit, pour n'en citer que quelques-uns, de services de publicité, de services juridiques, de services de comptabilité et de tenue de livres, de services offerts par les agences de placement, de services de soutien et de programmation informatiques, de services d'élaboration de logiciels ainsi que de travaux scientifiques et techniques. Quelle que soit la région du pays où l'on se trouve, les services aux entreprises sont le secteur où l'économie canadienne connaît la croissance la plus vigoureuse.
Le problème, c'est que le Canada rural, qui participe bel et bien à la croissance du marché des services aux entreprises, tente de croître à partir d'une assise réduite. Historiquement, les entreprises qui assurent des services commerciaux se situent dans des centres urbains : le siège social des entreprises qui constituent leurs principaux clients y est en effet établi. Même si, dans le Canada rural, de tels services pourraient encore s'imposer comme une industrie de croissance, grâce notamment à l'avènement des nouvelles technologies, on doit se rappeler que les percées réalisées dans le domaine de la technologie de l'information constituent souvent une arme à deux tranchants. Ce que nous voulons dire, c'est que les services peuvent tout aussi bien passer des régions urbaines aux régions rurales et éloignées qu'effectuer le trajet inverse. C'est ce qui semble se produire lorsque les services de production établis dans des régions rurales se tournent vers des grandes sociétés citadines pour obtenir, notamment, des services juridiques, des services de comptabilité et de publicité, et d'autres services. Nous sommes d'avis que cette tendance doit être modifiée.
Nous recommandons que :
30. Le gouvernement fédéral devrait encourager les industries primaires à se procurer le plus possible sur place les biens et les services dont elles ont besoin, y compris les services commerciaux.
G. Concevoir des structures de développement appropriées
Dans le Canada rural, il est de plus en plus difficile de concevoir des structures de développement appropriées. Dans une large mesure, cette tendance a été exacerbée par trois phénomènes récents : les réalités rurales que constituent la stagnation de la population, le déclin des organismes de bénévoles, la participation insuffisante des jeunes au développement rural et les déficiences de la planification communautaire; les mesures fédérales qui nuisent aux Canadiens vivant en milieu rural; et, enfin, la prestation inadéquate des services gouvernementaux en général. On se penchera plus en détail sur chacun de ces phénomènes.1. Composer avec les réalités organisationnelles rurales
Je constate que dans le monde d'aujourd'hui, il est très difficile de préserver la détermination des bénévoles à faire le travail nécessaire. J'ai remarqué récemment que les gouvernements avaient de plus en plus tendance à confier la responsabilité de la gestion de certains programmes à des organismes à but non lucratif, en leur donnant, mais pas toujours, l'argent nécessaire pour les exécuter. D'après cette expérience, je pense qu'il faut être prudent, car les mentalités ont tendance à s'ancrer rapidement. Je ne suis pas certaine que tous ces organismes soient bien financés et qu'ils aient les structures nécessaires pour gérer ces programmes.
Pour que la revitalisation du Canada rural se réalise, on doit pouvoir miser sur une vie et une organisation communautaires dynamiques. Malheureusement, un tel dynamisme fait souvent défaut. La stagnation de la population nuit à l'établissement de mécanismes et de services de soutien. Les jeunes des campagnes ne participent pas au développement rural comme ils le devraient. Le nombre d'organismes de bénévoles actifs dans le Canada rural est en chute libre. Ceux qui demeurent éprouvent de la difficulté à obtenir des fonds en raison de la réduction des paiements de transfert. Or, le bénévolat et les organismes de bénévoles constituent souvent la pierre angulaire des collectivités rurales. Ces groupes ont, par le passé, joué un rôle utile, et on doit revitaliser leur contribution.
L'absence de structures, de visions stratégiques et de plans d'affaires communautaires adéquats constituent d'autres obstacles au développement. Injecter des fonds par le truchement du PICC est un bon point de départ, mais, comme nous l'avons déjà mentionné, le programme devrait être adapté aux besoins en développement des petites collectivités. Les citoyens doivent se familiariser avec l'élaboration de plans d'affaires stratégiques pour leur collectivité. On doit réaliser des progrès dans tous ces secteurs.
Nous recommandons que :
31. Le gouvernement fédéral devrait soutenir les organismes bénévoles en bonifiant les incitatifs fiscaux applicables aux contributions et en accordant un crédit d'impôt limité aux bénévoles.
32. Un soutien personnel et financier adéquat devrait être assuré, par l'intermédiaire du Programme fédéral de développement des collectivités, pour que la planification du développement au niveau local et régional soit la meilleure possible.
2. Réformer les mesures fédérales qui nuisent au Canada rural
D'où l'une de nos principales critiques à l'égard de la politique rurale actuelle. En effet, nous appliquons souvent des solutions urbaines à des problèmes ruraux, ce qui cause des difficultés. De plus, nous n'accordons pas suffisamment d'attention au caractère distinct des régions rurales et des petites villes du Canada, ce qui nous a amenés à énoncer diverses hypothèses sur lesquelles nous avons fondé nos décisions au cours des dernières années. Pour nous, monde rural signifie population, et les gens vivent dans des collectivités rurales.
Pour mieux comprendre les enjeux ruraux de manière à contribuer à l'atténuation des effets de telles décisions stratégiques, il serait extrêmement utile qu'un plus grand nombre de mécanismes de recherche soient établis. On pourrait par exemple établir un institut national chargé de la politique rurale, unité de coordination relativement peu coûteuse qui entretiendrait des liens avec d'autres importants groupes de recherche et de réflexion de même qu'avec des unités régionales de recherche constituées à l'intérieur des universités et des collèges régionaux. Nous sommes d'avis que l'institut proposé devrait bénéficier d'un financement des secteurs privé et public.
Nous recommandons que :
33. Le gouvernement fédéral devrait amorcer la réinstallation graduelle, en milieu rural, des bureaux responsables des activités d'exploitation des ressources naturelles.
34. Le gouvernement fédéral, en collaboration avec d'autres paliers de gouvernement, et des intervenants du monde des affaires et du milieu rural, devrait soutenir activement la création d'un institut national chargé des questions rurales. Ce dernier aurait comme mandat de diffuser des données et de l'information sur les meilleures pratiques en matière de développement et de formuler des avis stratégiques à l'intention du ministre des Affaires rurales, fonction dont on propose la création à la recommandation 37.
3. Améliorer les programmes du gouvernement dans le Canada rural
Nous avons besoin de plus de publicité et de centres et de programmes ruraux d'aide aux entreprises - d'un centre à guichet unique en quelque sorte. Le développement économique régional est devenu une grosse affaire. Il existe des centaines d'organismes, de comités de planification et de coordonnateurs. C'est ridicule!
Les collectivités rurales ont besoin d'un point de contact unique pour obtenir des informations de tous genres, qu'il s'agisse de développement économique ou d'offres d'emploi. La bureaucratie locale s'en trouverait allégée, et les rapports entre l'État et les gens seraient beaucoup plus directs.
Une plainte fréquemment formulée à l'occasion de nos audiences tient au fait que l'exécution des programmes et la prestation des services gouvernementaux doit être radicalement améliorée. À maintes reprises, les résidants des régions rurales nous ont dit qu'ils tiennent à ce que les programmes municipaux, provinciaux et fédéraux soient regroupés sous un même toit. Ils aimeraient que les ministères fédéraux et provinciaux chargés du développement rural coopèrent de façon plus efficace et éliminent les dédoublements de services gouvernementaux qui existent aujourd'hui. Nous sommes de tout coeur d'accord avec eux. On doit rationaliser les programmes et faciliter l'accès des habitants des zones rurales au gouvernement. La formule du «guichet unique» serait souhaitable. Les Canadiens qui entrent dans les bureaux régionaux du gouvernement fédéral, par exemple ceux des sociétés d'aide au développement des collectivités et des centres de services aux entreprises du Canada, devraient à tout le moins pouvoir compter sur un nombre minimum de services.
Bien des témoins nous ont dit qu'ils étaient favorables, au niveau fédéral, à une approche interministérielle mieux ciblée de même qu'à la nomination d'un ministre des Affaires rurales. À l'heure actuelle, quelque 17 organismes et ministères fédéraux sont mêlés à divers aspects des collectivités rurales et de leur développement, que ce soit dans le domaine des ressources naturelles ou de la prestation de services directs à la population. Aujourd'hui, les enjeux ruraux sont traités par un petit Secrétariat rural faisant partie du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Doté d'un budget limité, ce dernier est d'abord et avant tout chargé des questions liées à l'agriculture et à l'agroalimentaire. Pourtant, l'agriculture n'est qu'un aspect d'une société rurale diversifiée. Certes, on a formé un Comité interministériel sur les collectivités rurales et éloignées du Canada afin de créer une tribune pour le développement rural, mais il s'agit d'un organisme uniquement consultatif, sans pouvoir officiel sur les politiques.
Un ministre fédéral devrait se voir confier toute la responsabilité de la participation du gouvernement fédéral au développement économique rural. À l'heure actuelle, il y a double emploi, chevauchement et confusion aux yeux du public, et la bureaucratie est trop lourde. Cette bureaucratie et cette confusion peuvent décourager les petites entreprises de se renseigner sur les possibilités de développement qu'elles entrevoient.
On doit accorder une plus grande priorité aux enjeux ruraux. Nous pensons que la création d'un poste de ministre principal, désigné comme responsable des Affaires rurales, imprimerait une direction politique à un secteur aujourd'hui négligé. Ce faisant, on donnerait aux régions une voie utile relativement à la prise de décisions sur la scène nationale, ce qui favoriserait leurs perspectives de développement économique. En se dotant d'un centre de coordination des enjeux ruraux, le gouvernement fédéral serait en mesure de collaborer de façon plus efficiente et efficace avec d'autres paliers de gouvernement relativement à la mise au point des stratégies nécessaires de développement rural. Un ministre des Affaires rurales pourrait aussi servir de filtre stratégique utile capable de détecter les impacts négatifs sur les régions des décisions budgétaires et des initiatives stratégiques, ce qui constituerait un avantage supplémentaire.
Nous recommandons que :
35. L'approche du guichet unique devrait être retenue pour la prestation de services fédéraux aux résidants des régions rurales et ces services devraient être offerts soit par des moyens électroniques ou soit par des bureaux régionaux, lorsque le nombre le justifie.
36. On devrait confier à un nouveau ministre des Affaires rurales la responsabilité de la coordination des activités des ministères fédéraux qui s'occupent de développement rural. Le ministre devrait être appuyé par un effectif adéquat englobant le Secrétariat rural qui relève actuellement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
37. Afin de coordonner les politiques des divers paliers de gouvernement, on devrait tenir une réunion annuelle des ministres fédéraux et provinciaux chargés du développement rural.