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Monsieur le Président, je propose que le 11
e rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, présenté le vendredi 17 février 2023, soit agréé.
Je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de m'adresser à la Chambre aujourd'hui à propos d'une question de politique étrangère urgente.
Après avoir joui de l'indépendance politique et de l'autonomie gouvernementale de ses propres institutions démocratiques durant plus de trois décennies, un peuple vient de voir son territoire envahi par une autre puissance qui a déclaré sans équivoque son intention de mettre fin à l'autonomie gouvernementale de ce peuple et d'en incorporer de force le territoire au sien.
L'agresseur présente cette attaque comme étant une opération militaire plutôt qu'une invasion et décrit les forces de défense de cette région constituées de manière indépendante comme étant une entité terroriste. Ce double discours dissimule à peine le désir éhonté de cette force envahissante d'imposer à nouveau les normes d'agression du XIXe siècle et de remplacer la diplomatie et la primauté du droit international par la violence et la loi du pouvoir.
On pourrait croire que je suis en train de décrire l'invasion illégale de l'Ukraine par le régime de Poutine, mais ce n'est pas le cas. Au moins, dans le cas de l'Ukraine, le droit fondamental du peuple à l'autodétermination et l'illégitimité fondamentale des efforts déployés pour changer de force le statu quo étaient largement acceptés. L'invasion brutale exécutée par la Russie a provoqué, et pour cause, une importante réponse internationale, et est largement considérée comme étant une attaque fondamentale contre la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit.
Toutefois, aujourd'hui, je ne parle pas de l'Ukraine. Je parle plutôt de l'assaut brutal des forces azerbaïdjanaises sur le territoire autonome de l'Artsakh, également connu sous le nom de Haut-Karabakh. La triste réalité est que, bien que l'agression de l'État azerbaïdjanais présente de nombreux points communs avec l'agression russe, de nombreux Canadiens ignorent probablement tout de ce conflit. Il faut que cela change.
Si Neville Chamberlain pouvait qualifier la question de la Tchécoslovaquie de « querelle dans un pays lointain, entre des gens dont nous ne savons rien », son ignorance ne rendait pas la Tchécoslovaquie moins importante.
Il existe des différences entre l'agression azerbaïdjanaise et l'agression russe, mais aussi des similitudes. Je propose cette motion d’adoption aujourd'hui en espérant que notre discussion mettra en évidence le manque relatif d’intérêt que cette importante question suscite. Si je soulève cette question, c'est avant tout parce que je me préoccupe des personnes directement concernées. C’est aussi parce que le principe de la résolution pacifique des conflits et du respect des droits de la personne fondamentaux doit s’appliquer à tous les cas, et pas seulement aux cas les plus médiatisés. Lorsque les députés auront entendu l'histoire de ces 120 000 personnes, j'espère qu'ils seront en mesure d'envisager d'autres mesures pour réagir à cette situation.
Voici donc le contexte: après l'éclatement de l'Union soviétique, l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont entrés en guerre à propos d'une zone contestée. Selon les frontières internes de l'ère soviétique, cette région faisait auparavant partie de l'Azerbaïdjan, mais sa population était en grande majorité d'origine arménienne et chrétienne et elle jouissait d'une autonomie officielle pendant la période soviétique. Après la première guerre du Haut-Karabakh, ce territoire est devenu de facto indépendant et a mis en place ses propres institutions. Toutefois, il a maintenu des relations étroites avec l'Arménie, mais il était toujours revendiqué par l'Azerbaïdjan et une grande partie de la communauté internationale le considérait toujours comme constituant techniquement un territoire azerbaïdjanais.
En fait, c'est l’Arménie qui a gagné cette guerre. En plus d'établir l'indépendance de facto de l'Artsakh, elle a créé une zone tampon qui assure une liaison sûre entre l'Artsakh et le territoire arménien. Cette zone tampon a protégé l’Artsakh contre un blocus, mais elle a également donné lieu au déplacement de nombreux Azéris ethniques, une situation qui doit être résolue.
Il est important de signaler que des populations des deux côtés ont été déplacées en grand nombre pendant la première guerre du Haut-Karabakh, et que les Azéris ont été beaucoup plus touchés à cet égard. En outre, diverses atrocités ont été commises, qui ne peuvent être excusées.
Le conflit du Haut-Karabakh a donné lieu à des affrontements sporadiques et à de nombreux débats et négociations entre la fin de la première guerre du Haut-Karabakh, en 1994, et le début de la seconde en 2020. Le différend portant sur le territoire central du Haut-Karabakh découle d’une certaine tension entre deux principes établis du droit international, soit l’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination.
Selon le principe de l’intégrité territoriale, invoqué par la partie azerbaïdjanaise, le territoire existant d’un État ne devrait jamais être entravé et les États doivent avoir le droit de défendre leur territoire existant. Ce principe est important pour prévenir les conflits, car il établit qu’un État ne peut pas intervenir militairement sur le territoire d’un autre État en dehors de circonstances très rares et très particulières. Ce principe est reconnu dans la Charte des Nations Unies.
Une interprétation extrême du principe de l’intégrité territoriale, faite indépendamment des autres principes du droit international, pourrait évidemment prôner que les frontières devraient être immuables et que les frontières historiques établies sans égard aux préférences des gens qui y vivent devraient néanmoins être maintenues, malgré tout. Une application aussi extrême de ce principe justifierait, en fait, le maintien de toutes les formes de colonialisme et de domination qui ont réussi à survivre jusqu’à l’adoption de ce principe.
En droit international, heureusement, nous n’appliquons pas ce principe de l’intégrité territoriale indépendamment d’autres concepts importants, comme la convention sur le génocide, qui établit la responsabilité d’agir et de protéger les personnes à risque de génocide, et le principe du droit à l’autodétermination des peuples en général. Je vais revenir sur la question du génocide, mais je veux d’abord parler de la question du droit à l’autodétermination.
L’autodétermination est l’idée fondamentale selon laquelle tous les êtres humains, porteurs d’une dignité humaine inhérente et immuable, ont le droit de jouer un rôle dans la direction de la communauté politique à laquelle ils appartiennent. Aucun peuple ne devrait être contraint, contre son gré, de faire partie d’une communauté politique; son appartenance à une communauté politique doit plutôt être le résultat d’un choix collectif. Dans le cas qui nous occupe, les défenseurs du Haut-Karabakh préconisent simplement que la population de cette région doit pouvoir déterminer collectivement son propre avenir et décider si elle souhaite faire partie de l’Azerbaïdjan. Ils devraient pouvoir prendre cette décision par l’entremise de leurs représentants élus, à l’abri de toute violence, intimidation ou coercition.
Le principe du droit à l’autodétermination ne signifie pas qu’une communauté en particulier peut ou doit réclamer son indépendance ou son association avec un autre pays uniquement pour des raisons d’affinités ethniques ou religieuses. On peut tout à fait concevoir qu’un peuple choisisse de faire partie d’un État multi-ethnique et multilingue ou qu’au contraire, il choisisse d’obtenir son indépendance d’un État avec lequel il partage pourtant la même langue, la même religion ou les mêmes caractéristiques ethniques. Le concept d’autodétermination ne signifie pas qu’un peuple doit tracer ses frontières d’une certaine façon ou en fonction de certains facteurs. Il signifie simplement que c’est le peuple concerné qui doit faire le choix de son avenir. Dans le cas de l’Artsakh, cela signifie que l’avenir de cette région doit être décidé par le peuple qui y vit et non par les dirigeants de l’Azerbaïdjan ou de la Russie, ou même par les dirigeants de l’Arménie ou les autres.
Au cours des trois dernières décennies, le peuple ethniquement arménien de l’Artsakh, ou Haut-Karabakh, a défendu son droit à l’autodétermination contre l’Azerbaïdjan, qui prétendait que cette région devrait être incorporée à l’Azerbaïdjan, conformément aux frontières définies à l’époque soviétique. C’est cette tension entre l’intégrité territoriale et l’autodétermination qui est à la source du conflit, même si d’autres facteurs entrent en jeu, qui nécessitent la négociation et le dialogue.
Il est indéniable que les Azerbaïdjanais qui ont été déplacés pendant la première guerre du Haut-Karabakh ont eux aussi le droit à l’autodétermination, même si c’est une question sujette à controverse étant donné que les frontières ont changé depuis 2020. De plus, l’Artsakh a ses propres institutions indépendantes et autonomes depuis trois décennies, et la question qu’on peut légitimement se poser est la suivante: à partir de quel moment un territoire non reconnu a-t-il le droit de revendiquer son intégrité territoriale?
L’Artzakh est une entité autonome depuis à peu près aussi longtemps que de nombreux pays de l’Europe de l’Est. Mais en 2020, il y a eu la deuxième guerre du Haut-Karabakh, et cette fois, elle a été gagnée de façon décisive par l’Azerbaïdjan. Dans l’accord de cessez-le-feu qui a mis un terme à la guerre, la zone-tampon qui avait été récupérée lors de la première guerre du Haut-Karabakh a été rendue à l’Azerbaïdjan, de sorte que l’Artsakh s’est retrouvé certes toujours debout, mais encore plus isolé et encore plus vulnérable sur le plan stratégique.
Comme je pense l’avoir expliqué, il y a beaucoup d’aspects de ce conflit qui sont d’une complexité légitime, mais il y en a qui ne le sont pas. L’Azerbaïdjan s’est vu reprocher, à juste titre, d’avoir commencé la deuxième guerre du Haut-Karabakh. Même si le conflit était un irritant permanent, on pouvait légitimement espérer qu’un accord négocié serait conclu, dans le but de sécuriser la position de tous les peuples concernés. Au lieu de s’orienter dans cette voie, l’Azerbaïdjan a décidé de se lancer dans une autre guerre. Depuis 2020, il est clair que les autorités azerbaïdjanaises sont prêtes à recourir à la violence pour renverser le statu quo et poursuivre leurs propres objectifs.
À ce stade, il ne s’agit plus principalement de comparer l’autodétermination à l’intégrité territoriale, mais de savoir si la violence est censée être le moyen de régler les différends dans les relations interétatiques. Je pense que nous devrions tous répondre clairement non à cette question. Nous devrions affirmer que, quelle que soit la complexité réelle de la situation, la violence ne devrait pas être la voie suivie ni le moyen d’obtenir un règlement.
En raison de la décision du gouvernement libéral de reprendre les exportations d’armes vers la Turquie, les armes fabriquées au Canada ont joué un rôle important dans la victoire de l’Azerbaïdjan dans la deuxième guerre du Haut‑Karabakh, et ce facteur a pu jouer un rôle dans le calcul de l’Azerbaïdjan d’avoir recours à la force en premier lieu. Les Canadiens devraient être profondément attristés par le fait que la décision du gouvernement de vendre des armes à la Turquie a nui à la paix et à la sécurité internationales, et je reviendrai sur ce point plus tard, si le temps le permet.
Le règlement territorial qui a mis fin à la deuxième guerre du Haut‑Karabakh n’a laissé qu’une route étroite pour relier l’Artsakh à l’Arménie, à savoir le corridor de Latchine. Les forces de maintien de la paix russes étaient censées garantir la paix sur cette route, qui devait permettre l’accès des biens essentiels à l’Artzakh.
Sans égard aux circonstances qui ont conduit à la deuxième guerre du Haut‑Karabakh, il aurait dû y avoir, à ce stade, un fondement pour les efforts destinés à trouver un règlement à long terme permettant le retour des Azéris sur leur territoire récemment rattaché et reconnaissant le droit à l’autodétermination du peuple du Haut‑Karabakh sur le territoire qui lui reste. Toutefois, les progrès réalisés au cours de la deuxième guerre du Haut‑Karabakh n’ont hélas pas suffi au gouvernement azerbaïdjanais, qui a continué à insister sur son droit d’intégrer par la force tout peuple, peu importe sa résistance, tombant dans les paramètres requis pour qu’un argument fondé sur l’intégrité territoriale puisse être soutenu.
Par ailleurs, je crois qu’un bon moyen d’appréhender la question initiale de l’autodétermination par rapport à l’intégrité territoriale est de faire une analogie avec la relation d’un couple marié. En général, dans la plupart des cas, on peut espérer que l’intégrité d’un mariage sera préservée. C’est une bonne chose qu’un couple puisse rester uni. Il est probable que les seuils à partir desquels selon les personnes, on juge que d’autres facteurs peuvent l’emporter sur l’importance de l’intégrité du mariage varient, mais toutes choses étant égales par ailleurs, il est bon que la famille demeure unie. D’autre part, si l’on considère généralement qu’il est souhaitable qu’un couple demeure uni, on ne pense pas pour autant que les gens devraient être contraints à rester ensemble même s’ils sont victimes de violence et de mauvais traitements. Le fait que deux personnes ont une longue histoire commune ne signifie évidemment pas que l’un des partenaires devrait pouvoir forcer l’autre à rester contre sa volonté.
En géopolitique, lorsque j'entends des arguments en faveur du droit d'une région ou d'un peuple à en dominer un autre uniquement en fonction de frontières ou de relations historiques, cela me fait penser aux délires d'un agresseur qui demande à continuer à avoir accès à ses victimes. Des siècles de domination russe de l'Ukraine ne créent pas un droit pour la Russie de continuer à dominer l'Ukraine aujourd'hui. L'Ukraine peut choisir sa propre voie. Le même principe devrait s'appliquer à l'Artsakh. La domination passée ne justifie pas la domination future lorsque la relation n'est manifestement pas volontaire ni consensuelle. En ce qui concerne les mouvements indépendantistes ou séparatistes potentiels, même s'il n'est généralement pas souhaitable de briser des États existants, les États devraient se préserver et préserver leur intégrité par la persuasion et la poursuite consensuelle d'un effort commun, et non par la violence dirigée contre les gens qui préfèrent et défendent une voie différente.
Après la seconde guerre du Haut‑Karabakh, plutôt que d'accepter l'accord de cessez-le-feu, le régime de Bakou a organisé un blocus du corridor de Latchine, ce qui a interrompu l'acheminement de biens essentiels vers l'Artsakh et a causé de grandes difficultés à la population locale. Les objectifs du blocus sont devenus très clairs depuis lors. Après le début du blocus en décembre dernier, le comité des affaires étrangères du Canada a décidé de tenir des audiences d'urgence sur la situation. Voici ce dont nous a longuement parlé Robert Avetisyan, représentant de l'Artsakh à Washington. Il a dit:
Le 12 décembre dernier, un groupe d'Azerbaïdjanais a bloqué la seule route reliant l'Artsakh à l'Arménie et au reste du monde. Depuis 45 jours, la situation d'environ 120 000 personnes se détériore. Des enfants et des patients adultes se trouvent dans un état critique et souffrent dans les hôpitaux, en raison d'un manque de fournitures et de traitements à l'extérieur de la république. Certaines personnes sont mortes.
Les épiceries et les marchés sont presque vides. La Croix-Rouge et les gardiens de la paix ne fournissent qu'une fraction des produits et médicaments requis. La pénurie alimentaire a entraîné la fermeture des écoles et d'autres établissements d'enseignement dans la région. Pour ajouter à la souffrance, le régime d'Aliyev a coupé l'approvisionnement en gaz naturel et a empêché ou saboté la réparation de lignes électriques à haute tension, qui produisent une grande partie de l'électricité.
Cette crise humanitaire n'est pas causée par une récession, une pandémie mondiale ou une catastrophe naturelle, mais bien par une catastrophe politique. Aliyev veut décider de la vie et de la mort des gens. Nous sommes face à une catastrophe politique puisque, au XXIe siècle, nous sommes témoins d'une cruauté médiévale de la part d'un régime répressif contre des gens dont le seul crime est de vouloir vivre dans la liberté, la démocratie et la dignité.
Dès janvier, d'autres témoignages déchirants n'ont pas incité la communauté internationale — ou même le gouvernement canadien — à prendre des mesures plus énergiques. Toutefois, à la lumière de ce témoignage, le comité a convenu à l'unanimité d'adopter la motion suivante:
Que le Comité rapporte à la Chambre qu’il demande aux autorités de l’Azerbaïdjan, conformément aux obligations qui lui incombent en tant que partie prenante à la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et dans la foulée de l’appel lancé par le gouvernement du Canada le 14 décembre 2022, de rouvrir le corridor de Latchine et de garantir la liberté de mouvement afin d’éviter toute détérioration de la situation humanitaire.
Le Comité a adopté cette motion, car il était conscient d'assister à une violation grave et injustifiée des droits fondamentaux du peuple de la région du Haut-Karabakh et de l'accord dont l'Azerbaïdjan était lui-même signataire. Quelle que soit la lecture que l'on fait de l'évolution du conflit, le blocus du corridor viole éhontément le droit international et l'accord de cessez-le-feu. Les dirigeants azerbaïdjanais n'ont manifesté aucun intérêt à prendre leur engagement au sérieux. De son côté, la Russie a fait preuve d'un manque de volonté ou d'une incapacité à remplir ses obligations de maintien de la paix au titre de l'accord.
Quoi qu’on pense de la nature et de l’exercice de l’autodétermination, le blocus est une violation manifeste des droits fondamentaux de la personne. Quant à la façon de classer cette violation, il est important de nous référer à la convention sur le génocide qu'a ratifié le Canada. Cette convention souligne la responsabilité des États parties d’agir pour prévenir et réprimer le génocide. Dans la convention, « génocide » s'entend « de l’un quelconque des actes ci‑après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », et parmi les actes possibles, la convention inclut « la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».
Le blocus du corridor de Latchine a créé des conditions qui ont empêché la poursuite d’une vie normale en Artsakh, provoquant un exode croissant de la population vivant dans cette région. Le fait que cette situation se rapproche des critères de la convention sur le génocide explique pourquoi différents experts ont sonné l’alarme à propos du risque de génocide dans ce contexte. Quelles que soient leurs prétentions, les États n’ont jamais le droit d’utiliser le génocide pour parvenir à leurs fins, et les autres États ont la responsabilité morale et juridique de réagir lorsqu’ils le font. La Chambre devrait savoir que ce n'est pas la première fois que les Arméniens sont victimes d’un génocide, génocide que le gouvernement turc continue de nier à ce jour. En fait, Hitler s’est servi de l’ignorance relative du monde pour justifier ses propres préparatifs en vue de l’Holocauste.
En établissant le blocus, les autorités azerbaïdjanaises ont cherché et réussi à exercer des pressions sur le peuple de l’Artsakh, et l'invasion à grande échelle du Haut-Karabakh la semaine dernière, environ neuf mois après le début du blocus, a été le point culminant de leurs plans. La semaine dernière, les dirigeants de l’Azerbaïdjan ont déclaré qu’ils ne toléreraient plus l’existence des institutions indépendantes de l’Artsakh sur son territoire et ont lancé des attaques coordonnées contre des installations civiles et de sécurité. Il s’agissait essentiellement de l’invasion finale. Sans aucune aide internationale, l’Artsakh a rapidement été contrainte de capituler et d’entamer le processus de négociation de sa prétendue réintégration dans l’Azerbaïdjan.
Il semble donc que le rideau tombe pour l’Artsakh et que les Arméniens de souche qui habitent ce territoire depuis longtemps ne soient plus en mesure de choisir leurs propres dirigeants. Ils seront à la merci de leurs envahisseurs, à moins que la communauté internationale n’intervienne enfin. En attendant, nous continuons d’entendre parler de graves violations des droits de la personne qui risquent de provoquer un nouvel exode de ces Arméniens de leurs terres ancestrales.
Qu’a fait la communauté internationale face à ces événements? Comment a-t-elle réagi à cette attaque contre le principe que les gens devraient pouvoir choisir comment ils sont gouvernés, que les conflits politiques devraient être résolus pacifiquement et que la famine et l’épuration ethnique ne sont jamais des outils acceptables pour forcer une population à se soumettre? Où était le gouvernement libéral? Il a d’abord condamné le blocus, mais il est demeuré passablement silencieux depuis, et sa déclaration de la semaine dernière sur l’invasion était certainement beaucoup moins ferme que celle de nos alliés. Cette invasion a eu lieu pendant les travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies. Où était le monde?
Sans perdre de vue les droits de la personne, il est important de souligner les répercussions stratégiques de ce qui s’est passé. L’Arménie a toujours été une alliée et une partenaire de la Russie, ce qui illustre la réalité fondamentalement difficile du voisinage de l’Arménie, qui est enclavée et entourée par la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Iran, entre autres. Toutefois, l’Arménie a pris récemment une série de mesures positives pour s’aligner plutôt sur la communauté mondiale des pays libres. Cette évolution est naturelle, du point de vue des valeurs. Contrairement à ses voisins, l’Arménie est une démocratie libre. L’Arménie a apporté une aide humanitaire à l’Ukraine. La première dame d’Arménie s’est récemment rendue en Ukraine et l’Arménie a souligné qu’elle n’était pas l’alliée de la Russie dans la guerre contre l’Ukraine. De manière inquiétante, la Russie a déclaré qu’elle prenait note de la position de l’Arménie à cet égard. Juste avant l’invasion finale de l’Artsakh, les États‑Unis et l’Arménie ont organisé des exercices militaires conjoints.
Que se passe-t-il? L’Arménie semble se rapprocher du camp des nations occidentales. En réponse, la Russie semble avoir approuvé ou autorisé l’action agressive de l’Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut‑Karabakh. Toutefois, bien que cette invasion ait pu être influencée par le rapprochement de l’Arménie avec le camp occidental, nous, les occidentaux, avons totalement échoué à afficher notre réciprocité, ce qui envoie un très mauvais message à tous les alliés éventuels, à savoir que même s’ils souhaitent opérer un virage stratégique pour passer de la sphère d’influence russe à la communauté des pays libres, il se peut que nous ne les soutenions pas derrière. C’est un message mauvais et dangereux.
L’approbation de cette motion d’adoption à ce stade-ci est, à certains égards, tardive, car la motion se concentre sur le blocus. L’invasion a désormais pris le pas sur ces questions, mais il est essentiel que la Chambre s’exprime à ce sujet. Tant de choses sont en jeu: les droits fondamentaux des habitants de cette région, l’importance d’empêcher un nouveau génocide arménien et la nécessité de montrer à tous les pays que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir les peuples libres qui cherchent à exercer leur autodétermination et à se dégager de l’influence russe.
J’espère que cette motion recevra le soutien de la Chambre et que nous ferons davantage pour défendre la liberté et la justice contre la violence et l’agression, et pour établir un ordre international pacifique fondé sur des règles.
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Madame la Présidente, normalement, je dirais que c’est un plaisir de pouvoir prendre la parole pour aborder une question particulière à la Chambre. Je voudrais diviser mon discours en deux parties liées à la question qui nous occupe.
Tout d'abord, j'aimerais expliquer brièvement pourquoi nous débattons de cette question. Je dirai tout simplement que toutes les questions sont en fin de compte importantes, en particulier dans l'esprit de nombreuses personnes. Nous disposons d'un temps limité pour débattre des questions à la Chambre des communes, que ce soit des sujets proposés par l'opposition ou par le gouvernement, et nous devons essayer de les placer dans un certain ordre de priorité. Or, la guerre et les événements à l’étranger ont toujours occupé une place importante dans les débats de la Chambre.
Les députés se souviendront que lundi dernier, par exemple, nous avons débattu de la question très sérieuse de l'ingérence étrangère. J'aurais pensé que la plupart des députés de cette Chambre acceptaient d’en parler, mais ce n'était pas le cas des conservateurs, parce qu’une seule personne, je crois, s’est exprimée sur le sujet. Ensuite, les conservateurs sont restés muets. Ils n’ont pas pris position, et nous parlions pourtant de l'ingérence étrangère.
Je peux assurer les députés d'en face que le niveau d'intérêt pour cette question est en fait assez élevé, mais le Parti conservateur, à l'exception de son tout premier orateur, est resté absolument silencieux. Je soupçonne que c'est parce que ses députés voulaient voir de quel côté le vent soufflait le plus fort pour savoir ce qu'ils pouvaient ou devaient dire. Or, nous parlions d'une question internationale importante.
Les affaires étrangères font souvent l’objet de débats exploratoires et de débats d'urgence. Ce sont des occasions non seulement pour les députés de l'opposition, mais aussi pour ceux du gouvernement, de prendre la parole et d'exprimer leurs préoccupations en faisant état de ce que leurs concitoyens disent sur la question débattue, et ils peuvent parler de manière très détaillée. C'est l'un des avantages des règles dont nous disposons pour traiter des questions de cette nature.
Les gens doivent connaître le contexte dans lequel ces rapports s’inscrivent. Par exemple, le député de , qui n'a pas participé au débat sur l'ingérence internationale lundi dernier et qui aime souvent parler de ses préoccupations concernant ce qui se passe dans le monde, a présenté une motion d'adoption. Je voudrais que nous replacions cette question dans le contexte de la date à laquelle le rapport a été déposé, c'est-à-dire le 17 février dernier. Permettez-moi de lire l'intégralité du rapport. Je peux assurer les députés que ce ne sera pas long, mais pour ne pas faire d'erreur, je vais mettre mes lunettes.
Le rapport, déposé le 17 février, dit ceci:
Que le Comité rapporte à la Chambre qu’il demande aux autorités de l’Azerbaïdjan, conformément aux obligations qui lui incombent en tant que partie prenante à la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et dans la foulée de l’appel lancé par le gouvernement du Canada le 14 décembre 2022, de rouvrir le corridor de Latchine et de garantir la liberté de mouvement afin d’éviter toute détérioration de la situation humanitaire et que, conformément à l'article 109 du Règlement, le gouvernement dépose une réponse compréhensive au rapport.
Ce paragraphe a été présenté à la Chambre le 17 février. Les députés savent-ils qu'il y a eu une réponse officielle à ce rapport? Le député a-t-il fait référence à cette réponse? L'a-t-il citée? Je ne suis pas convaincu que le député sache que le rapport a fait l'objet d'une réponse du gouvernement le 14 juin dernier. Le cas échéant, il aurait pu la lire.
Le comité permanent s'est-il réuni afin de discuter de la réponse au rapport et indiquer s'il souhaitait poursuivre le débat sur la question? Je ne sais pas. Je ne siège pas au comité des affaires étrangères et je n'ai posé la question à aucun de ses membres. Toutefois, compte tenu du bilan du député de , je dirais que ce n'est probablement pas le cas.
Pourquoi en est-il question aujourd’hui? J’étais censé être le premier à prendre la parole aujourd’hui. Les députés savent-ils quel était le sujet? Nous devions débattre le projet de loi , qui est un signal d’alarme pour le Parti conservateur du Canada. Les gens souffrent. Les taux d’intérêt, l’inflation, ce que font les géants de l’épicerie et la crise du logement sont les enjeux importants auxquels les Canadiens font face aujourd’hui. Cela n’enlève rien à l’importance de la question décrite dans le rapport d’un paragraphe que le comité permanent a présenté il y a des mois. Après tout, le gouvernement y a répondu officiellement.
Toutes les questions sont importantes. La raison d’être de cette motion n’est pas de dire que nous voulons tenir un débat sur cette question ici, à la Chambre des communes, mais plutôt qu’on s’en sert pour empêcher le débat qui devait avoir lieu sur l’économie canadienne et les difficultés que connaissent les Canadiens. Les députés du Parti conservateur veulent jouer à des jeux et faire de l’obstruction. Ils devraient avoir honte de ce genre de comportement à titre d’opposition officielle.
Il existe des mécanismes, comme les journées de l’opposition. Les conservateurs pourraient choisir d'utiliser l'une des journées de l'opposition dont ils disposent pour débattre de questions importantes. Par exemple, ils pourraient étoffer le paragraphe fourni par le comité permanent. Ils pourraient exprimer d’autres préoccupations. Ils pourraient faire une comparaison, comme l’a fait le député de , avec ce qui se passe en Ukraine aujourd’hui.
Comme l’a dit un de mes collègues, les conservateurs font passer la politique avant les gens. C’est honteux. Si le député ou le Parti conservateur, parce que je crois que cela est inscrit au programme, ne voulait pas utiliser l’une de ses journées de l’opposition et insistait pour tenir ce débat dans une tribune qui permettrait aux gens de vraiment s’intéresser à la question, pourquoi ne demanderaient-ils pas au gouvernement d’adopter l’approche du débat exploratoire? À ma connaissance, et je fais partie de l’équipe des leaders à la Chambre, cela n’a pas été fait.
Aucun député ne présente plus de pétitions que le député d’en face. Combien de pétitions a-t-il déposées concernant ce lien avec l’aide humanitaire, à savoir le corridor de Latchine? J’y reviendrai dans un instant. Dans quelle mesure cela s’est-il produit? Mieux encore, j’ai du mal à me rappeler quand le député a demandé la tenue d’un débat d’urgence sur cette question. La raison pour laquelle on ne se souvient pas d’une date, c’est qu’il n’en a pas fait la demande.
L'unique raison pour laquelle cette motion d'adoption nous a été proposée aujourd'hui est que le Parti conservateur se laisse encore guider par les deux mêmes principes. D'abord, il se livre à des attaques ad hominem à la moindre occasion afin de salir l'image du , quitte à propager de fausses informations. Les conservateurs sont doués pour ce petit jeu. Ensuite, ils cherchent à frustrer la Chambre et à entraver ses travaux. Le débat d'aujourd'hui en est un bon exemple.
Le député de en particulier, de même que les autres députés conservateurs, devrait comprendre que les gens auxquels ils font du mal...
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Madame la Présidente, si le député avait vraiment écouté, il aurait entendu les observations que j'ai faites sur la motion et la raison pour laquelle elle nous a été présentée.
J'ai lu la motion, et ce ne sera pas très difficile pour les gens, lorsqu'ils l'auront lue, de s'en faire une meilleure idée et de la comprendre. Au lieu de lire le discours du député de , ils n'auront qu'à aller chercher « corridor de Latchine » sur Google. N'oublions pas que c'est l'objet de la motion. On peut y lire:
Que le Comité rapporte à la Chambre qu’il demande aux autorités de l’Azerbaïdjan, conformément aux obligations qui lui incombent en tant que partie prenante à la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et dans la foulée de l’appel lancé par le gouvernement du Canada le 14 décembre 2022, de rouvrir le corridor de Latchine […]
C'est important parce qu'on parle d'enjeux comme la liberté et l'aide humanitaire.
Si les gens qui suivent le débat souhaitent approfondir le sujet, Wikipédia propose un beau graphique. Je l’ai consulté pendant l’intervention du député. Bien qu’il ne soit pas très complet et qu’il ne rende pas nécessairement justice à la question, il vaut le coup d’œil. Le corridor de Latchine est une route de montagne qui relie l’Arménie et la République d’Artsakh. Seule route entre ces deux pays, il est considéré comme un corridor humanitaire ou un lien vital. En tant que lien vital, il joue un rôle absolument essentiel dans la situation sur le terrain.
Les Canadiens ont toujours dit que l’aide humanitaire est importante. Les interventions du gouvernement du Canada sont toujours attendues. Parlant d’aide étrangère, je pense qu’il est essentiel de faire la différence entre les auteurs, ou les personnes à l’origine des problèmes, et les personnes qui doivent vivre avec les conséquences de ce que d’autres personnes leur font subir, et ce, dans des circonstances parfois horribles, y compris la famine et toutes les formes de mauvais traitements.
Des conflits font rage dans le monde entier, et le Canada est une nation très diversifiée. Souvent, lorsque des événements surviennent à l’autre bout du monde, des intérêts du Canada sont en jeu. Nous constatons souvent que des membres de cette communauté vivent ici et que le Canada est leur patrie. Cependant, une partie de l’identité canadienne signifie que ces personnes ne viennent pas au Canada en oubliant leur pays d’origine. Rien ne les empêche d’être des Canadiens travailleurs et fiers de l’être, tout en conservant des liens forts, souvent affectifs, avec leur pays d’origine. Lorsque les gens parlent de leur vécu avec leurs collègues ou dans le milieu dans lequel ils vivent au Canada, cela se répercute sur l’ensemble de la population.
Quand on voit le nombre de conflits en cours dans le monde, on commence à comprendre pourquoi les Canadiens sont très sensibles à l’importance de l’aide humanitaire, qu’elle soit destinée à des individus ou à des organisations. Pour un pays de la taille du Canada, qui compte un peu moins de 40 millions d’habitants, notre contribution à l’aide humanitaire est considérable. Nous contribuons beaucoup lorsque la liberté et la primauté du droit sont en jeu, parce qu’il s’agit de valeurs canadiennes importantes. Nous le constatons régulièrement.
J’ai fait référence au fait que le rapport que le député de a présenté a été déposé en février. J’ai demandé s’il comprenait qu’il y avait eu une réponse à ce rapport, car il ne l’a pas citée. J’ai la lettre de réponse qui a été fournie et j’aimerais la présenter pour que le député, en particulier, et le Parti conservateur comprennent la réponse.
Les députés doivent garder à l’esprit que cette réponse a été donnée en juin; j’ai donc fait une recherche dans le hansard. Le député de , qui, je le sais, aura l’occasion de me poser une question, a-t-il donné suite à ce rapport? A-t-il écrit à la pour lui faire part de son opinion à ce sujet? A-t-il donné une rétroaction sur le rapport qui a été déposé? Je n’en sais rien. J’attendrai que le député intervienne, lorsque viendra le moment des questions et des observations, pour répondre éventuellement à la question. Quelle a été sa réponse officielle? N’en a-t-il pas fait de cas? Je l’attends avec impatience.
Puisque je n'ai que deux minutes à ma disposition, pourrais-je avoir le consentement unanime de la Chambre pour déposer la réponse du 14 juin, au cas où le député ne l'aurait pas déjà?
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Madame la Présidente, je ne saurais dire à quel point je suis pour le moins surpris que nous abordions cette question aujourd'hui, non pas que je considère qu'elle n'est pas importante, au contraire. Mon bureau et le bureau de mon collègue de ont eu des discussions préalables à la première réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour que nous soulevions de nouveau la question de la situation dans le Haut‑Karabakh compte tenu des événements des derniers jours et des dernières semaines. Il y avait donc une entente.
Hier, lors de la toute première rencontre du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, j'ai effectivement soulevé le fait que nous voulions revenir sur cette question puisque nous avons une étude qui est pour ainsi dire ouverte sur le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et que les derniers événements nous obligent à nous pencher de nouveau sur la question. Nous avions donc des échanges avec nos collègues conservateurs à ce sujet.
Soudainement, ce matin, sans même que quiconque nous en avertisse, les conservateurs présentent cette motion visant l'adoption du 11e rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Ce n'est pas que je ne considère pas que ce rapport doit être adopté et qu'il s'agit d'une question importante. C'est une question de la plus haute urgence, et je vais y revenir dans quelques instants.
Il y a cependant eu un manque de collaboration de la part de nos collègues conservateurs, un manque de consultation et de communication, alors que nos bureaux étaient en contact depuis plusieurs semaines au sujet du conflit dans le Haut‑Karabakh. Par conséquent, je ne peux que conclure qu'il s'agit d'une mesure dilatoire qui n'a rien à voir avec le fond de la question. C'est une mesure de guérilla parlementaire pour empêcher le gouvernement de faire adopter son projet de loi sur l'inflation.
En même temps, je suis obligé de dire que je suis en désaccord avec le du Parti libéral quand il dit que la question de l'inflation est plus importante dans l'arithmétique ou dans le classement des questions importantes. Je sais que nos concitoyens et nos concitoyennes vivent avec les conséquences au quotidien de l'inflation et de la pénurie de logements et qu'il est de la plus haute importance pour nous de nous pencher sur le sujet. D'ailleurs, dans le cadre de l'étude du projet de loi , nous devions discuter de cela.
Cependant, actuellement, il y a des gens qui perdent la vie dans le Haut‑Karabakh, et ce, dans la plus grande indifférence de la communauté internationale ou presque. Il n'y a qu'un certain nombre de pays, dont la France, au premier chef, qui semble réellement se préoccuper de ce qui se passe dans ce territoire.
L'Azerbaïdjan prétend que le Haut‑Karabakh fait partie de son territoire. Le droit international semble confirmer cette prétention de l'Azerbaïdjan. Or, s'il est vrai que la population du Haut‑Karabakh fait partie de l'Azerbaïdjan, comment peut-on tolérer, en vertu du principe de l'obligation et de la responsabilité de protéger, un concept qui a été adopté par les Nations unies à l'instigation du Canada, qu'un gouvernement affame littéralement et agresse militairement une population de son territoire? C'est pourtant ce qui se passe.
Pendant plusieurs mois, après le conflit de 2020, le gouvernement a prétendu vouloir adopter une position équilibrée en affirmant ne pas savoir ce qui se passait vraiment sur le terrain. Il disait ne pas trop savoir qui était l'agresseur et qui était dans le tort.
Pourtant, depuis, les faits ne cessent de pointer vers l'Azerbaïdjan.
Il y a eu une déclaration du bout des lèvres de la part d'Affaires mondiales Canada, que nous avons d'ailleurs reprise dans le rapport, et qui demandait simplement à l'Azerbaïdjan de respecter son engagement conclu dans le cadre de l'accord de paix auquel il en est arrivé avec l'Arménie après le conflit de 2020 sous les auspices de la Russie. Cette déclaration demandait à l'Azerbaïdjan de respecter son engagement à garder le corridor de Latchine ouvert et lui demandait de respecter les termes du cessez-le-feu.
À part cette déclaration du bout des lèvres, pas grand-chose n'a été fait de la part du gouvernement canadien. Il y a évidemment eu l'envoi d'un rapporteur spécial, qui était nul autre que Stéphane Dion, l'ambassadeur plénipotentiaire du Canada, qui sert à toutes les sauces et à toutes les missions. On l'a envoyé en Arménie pour soutenir la démocratie arménienne. De son rapport ont été tirées un certain nombre de recommandations, dont celle d'ouvrir une ambassade à Erevan, un engagement du premier ministre qui datait de plusieurs années et qu'on met enfin en œuvre. Comment peut-on accepter que l'Azerbaïdjan, à plusieurs reprises, ait non seulement violé l'accord de cessez-le-feu conclu avec l'Arménie en 2020, mais ait carrément pénétré le territoire souverain de l'Arménie?
À la Chambre, depuis février 2022, nous sommes tout à fait solidaires du fait qu'il faille dénoncer l'agression illégale et injustifiée de la Russie contre l'Ukraine. Plusieurs États dans le monde regardent aller le Canada et ses prétentions à défendre le droit international, les droits de la personne et l'État de droit, puis s'interrogent sur le fait qu'on semble avoir une application différenciée selon la situation. La Palestine vit sous occupation depuis 1967 dans l'indifférence quasi généralisée. L'Arménie a subi une agression militaire de la part de l'Azerbaïdjan dans l'indifférence à peu près généralisée. Le gouvernement canadien se fait fort, et nous sommes tout à fait d'accord avec lui, de défendre l'Ukraine contre l'agression russe. Alors, pourquoi a-t-on deux poids, deux mesures? Pourquoi ne pas être aussi catégorique à l'égard de l'agression de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie que nous l'avons été et que nous sommes toujours concernant l'agression russe contre l'Ukraine?
Violant une nouvelle fois les accords de paix, l'Azerbaïdjan a entrepris, le 19 septembre dernier, une offensive contre le territoire du Haut‑Karabakh. Les gens fuient par centaines, craignant la répression; en effet, il nous provient des rapports pour le moins inquiétants concernant l'attitude des troupes azéries contre la population civile. Il y a des cas d'exécution sommaire et de discrimination à l'égard des populations arméniennes. Les gens qui vivent dans le Haut‑Karabakh subissent depuis des mois l'effet du blocus, ce blocus que l'Azerbaïdjan a d'abord tenté de nier pour ne pas être accusé d'avoir violé les termes de l'accord de cessez-le-feu conclu avec l'Arménie en 2020.
L'Azerbaïdjan est un État plutôt autoritaire qui ne tolère que très rarement les manifestations. Pourtant, il a toléré pendant des mois une manifestation de soi-disant environnementalistes qui ont bloqué le corridor de Latchine sous prétexte de vouloir empêcher des développements miniers dans le Haut‑Karabakh. En vérité, l'Azerbaïdjan craignait d'abord et avant tout que des ressources minières passent du Haut‑Karabakh vers l'Arménie. Or, sous prétexte d'empêcher des développements miniers pour des motifs soi-disant environnementaux, ces militants ont été tolérés dans le corridor de Latchine pendant des mois.
Dès janvier 2023, j'ai saisi le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de cette situation dramatique. Dans la foulée de ce blocage du corridor de Latchine, nous avons entrepris une étude sur cette situation particulière à la demande du Bloc québécois. Cette étude a finalement conduit à ce rapport, qui est très bref. Comme je le disais, il reprend essentiellement les termes de la déclaration canadienne. Je sentais que les libéraux voulaient mettre la pédale douce et qu'ils n'avaient pas trop envie d'adopter un rapport. Je leur ai dit que c'était la déclaration d'Affaires mondiales Canada mot pour mot, et qu'ils ne pouvaient donc pas être contre cela.
De fil en aiguille, ils ont fini par accepter. Cependant, j'ai l'impression que, en raison du lobby azéri auprès de certains députés libéraux, on n'osait pas trop prendre position, un peu comme le gouvernement. Le rapport dit:
Que le Comité rapporte à la Chambre qu’il demande aux autorités de l’Azerbaïdjan, conformément aux obligations qui lui incombent en tant que partie prenante à la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et dans la foulée de l’appel lancé par le gouvernement du Canada le 14 décembre 2022, de rouvrir le corridor de Latchine et de garantir la liberté de mouvement afin d’éviter toute détérioration de la situation humanitaire et que, conformément à l'article 109 du Règlement, le gouvernement dépose une réponse compréhensive au rapport.
La réponse est venue. Le 14 juin dernier, la nous a envoyé une réponse de deux pages qui est intéressante, mais qui contient beaucoup des propos lénifiants qu'on sert depuis des mois au sujet de la situation dans le Haut‑Karabakh. On nous a dit qu'on était attentif, qu'on suivait la situation au jour le jour, qu'on demandait à l'Azerbaïdjan d'ouvrir le corridor, et ainsi de suite. Pendant ce temps, l'Azerbaïdjan, violant les termes de l'accord de cessez-le-feu, a à maintes reprises repris les hostilités, notamment contre l'Arménie, et ce, comme je le disais, dans l'indifférence quasi généralisée.
À un moment donné, l'Azerbaïdjan a vu que le jupon dépassait relativement au blocage du corridor par des soi-disant militants environnementalistes. Il n'est pas permis de manifester en Azerbaïdjan, sauf dans le corridor de Latchine. C'est quand même curieux. Le gouvernement de l'Azerbaïdjan a bien vu que personne n'achetait cela. Alors, il a carrément décidé d'installer un barrage militaire, et ce, sous les yeux des soi-disant gardiens de la paix que sont les Russes. L'accord de cessez-le-feu a été conclu entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie en 2020 sous les auspices de la Russie, qui devait garantir le maintien du cessez-le-feu en ayant des troupes sur place. Allons savoir pourquoi, l'attention de la Russie semble être portée ailleurs, si bien que les gardiens de la paix russes ont plus ou moins joué leur rôle. Je dirais plus « moins » que « plus ». Ils n'ont pas joué leur rôle du tout.
Si cela se trouve, ils ont même été instrumentalisés par l'Azerbaïdjan pour mener à bien les opérations d'agression, non seulement contre le Haut‑Karabakh, mais contre l'Arménie même. Ce même agresseur russe qu'on dénonce dans la guerre en Ukraine se fait complice de l'Azerbaïdjan pour une agression contre un autre État indépendant, la seule démocratie de la région du Caucase dont nous nous sommes engagés à défendre la démocratie, et nous ne réagissons pas, nous laissons faire.
Nous avons des paroles lénifiantes qui disent que nous suivons de très près la situation, que nous sommes attentifs à ce qui se passe, que nous demandons à l'Azerbaïdjan de rouvrir le corridor. On en est plus à rouvrir le corridor de Latchine. Le territoire du Haut-Karabakh a été militairement occupé par l'Azerbaïdjan. Sa population qui est affamée et privée de tout matériel médical de base depuis des mois est maintenant sous l'occupation militaire de l'Azerbaïdjan, qui commet des exactions contre la population civile, et ce, dans l'indifférence quasi généralisée.
Je ne saurais dire à quel point je suis déçu de l'attitude du gouvernement libéral dans ce conflit. Pendant des mois, il a laissé entendre qu'on ne savait pas trop qui était l'agresseur dans cette histoire. Cela prend quoi au gouvernement libéral pour comprendre que l'agresseur est l'Azerbaïdjan, que le fait que le Haut‑Karabakh ferait partie du territoire de l'Azerbaïdjan en vertu du droit international ne peut justifier une agression militaire contre une population civile innocente et ne peut justifier qu'un État affame littéralement sa population? Dans un autre contexte, on appellerait cela un génocide. C'est très grave.
Je ne veux surtout pas minimiser l'importance du débat que nous avons présentement sur l'adoption du rapport no 11 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Toutefois, je suis obligé de m'interroger encore une fois sur l'opportunité de discuter de cela maintenant. Je sais nos collègues conservateurs réellement et intimement préoccupés par la situation parce que, comme je l'évoquais plus tôt, nous avons eu des discussions. Nos bureaux ont eu des discussions quant au fait que nous voulions de nouveau soulever cette question au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Or, comme nos bureaux étaient en contact, pourquoi ce matin nous arrive-t-on par surprise avec cette motion d'adoption du rapport? Pourquoi ne pas nous avoir consultés? Pourquoi ne nous avoir même pas informés?
Ce matin, je sortais d'un autre comité quand on m'a dit que je devais prendre la parole. Quelle est cette façon de procéder sur une question aussi importante qui devrait faire qu'on travaille tous ensemble.
Ce que nous constatons, c'est que c'est malheureusement une manœuvre politique de la part de nos amis conservateurs pour faire dérailler, pour retarder le débat sur le projet de loi portant sur l'inflation. Or, je reviens à ce que disait le . Non pas que ce soit une question plus importante que celle qui a cours présentement dans le Haut‑Karabakh, parce que des gens meurent présentement dans le Haut‑Karabakh, mais nos concitoyens et nos concitoyennes dans chacune de nos circonscriptions sont aux prises avec le problème de l'inflation. Nos concitoyennes et nos concitoyens dans chacune de nos circonscriptions sont aux prises avec le problème de pénurie de logements.
Nos collègues conservateurs se lèvent jour après jour à la Chambre en disant que l'inflation qui a cours présentement est inadmissible, or, ils nous arrivent aujourd'hui avec cette mesure dilatoire. Quelqu'un les aurait traités de sépulcres blanchis.
On a vu hier à quel point nos collègues peuvent être hypocrites, et j'emploie le mot à bon escient. Lorsqu'on a proposé d'enlever du compte rendu des débats de vendredi, de même que les extraits vidéo s'y rattachant, les passages où l'ex-combattant de la Waffen-SS était dans nos tribunes, ils ont refusé. Que mes chers collègues conservateurs fassent preuve d'un peu d'honnêteté. Si la question du Haut‑Karabakh les intéresse comme ils le prétendent, qu'ils ne procèdent pas de la façon dont ils ont procédé ce matin.
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Madame la Présidente, le débat dans lequel nous nous engageons aujourd’hui est très important. La situation est très grave dans la région. Je suis heureuse de participer à ce débat, mais je tiens d’abord à dire, comme l’ont fait de nombreux autres députés avant moi, que ce n’est pas la bonne façon d’aborder ce problème.
J’ai été informée de la tenue de ce débat il y a une heure seulement. Ce court délai ne donne pas aux députés le temps de préparer leur intervention sur une question aussi importante et vitale. Vu l'importance de cette question, le député de et moi avons adressé une lettre à la la semaine dernière pour réclamer la mise en place de mesures accrues dans ce dossier.
Je tiens à ce qu’il soit extrêmement clair que la crise humanitaire en cours, le risque auquel sont exposés les Arméniens et l’exode de dizaines de milliers d’Arméniens qui tentent de protéger leur vie et leur sécurité exigent l’attention du Canada et une réponse du gouvernement. Cependant, la tenue d’un débat comme celui-ci en réponse à la motion présentée par le député de n’est pas la bonne façon de procéder.
Je signale également que ce député n’a rien dit au sujet de l’ingérence étrangère de l’Inde. Le député de n’a fait aucun commentaire concernant la possibilité qu’un citoyen canadien ait été assassiné en sol canadien. C’est ce même député qui, dans son allocution, a parlé de la vente d’armes par le Canada à la Turquie, mais à aucun moment il n’a mentionné que le Canada continue de vendre des armes à l’Arabie saoudite. À aucun moment il n’a parlé de l’adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes. Il est malhonnête de sa part de choisir le moment qui lui convient pour aborder certains sujets. En toute honnêteté, c’est presque criminel de politiser une situation aussi grave que celle qui se déroule au Haut-Karabakh.
Nous sommes très inquiets de ce qui s’y passe. Le NPD a d'ailleurs demandé au gouvernement d’imposer des sanctions aux Azerbaïdjanais qui sont responsables de cette crise humanitaire. Nous avons demandé au gouvernement de sanctionner les responsables de cette escalade de la terreur dans la région, après l’assassinat, la semaine dernière, de plus de 200 civils. Des dizaines de milliers de personnes ont fui la région, après des mois de conflit dans le corridor de Latchine. Les défis auxquels est confrontée cette région sont immenses, et l’intervention du Canada dans cette région doit être conséquente.
Nous savons qu’aujourd’hui, à Bruxelles, des pourparlers de paix sont en cours. Le Canada a également un rôle à jouer dans ce domaine. Nous n'avons pas beaucoup d'influence dans cette région. Il faut en être conscients. Cependant, je dirais que nous avons la possibilité de faire entendre notre voix. Nous avons la possibilité d’agir avec nos alliés. L’une des choses que nous pouvons faire, c’est d’imposer des sanctions à ceux qui sont responsables de cette violence.
J’ai souvent pris la parole dans cette enceinte pour critiquer le gouvernement à propos de notre régime de sanctions. Je ne pense pas que notre régime soit aussi solide qu’il pourrait l’être. Certes, nous savons inscrire des personnes sur la liste des sanctions, mais nous ne savons pas nécessairement appliquer les sanctions en conséquence. Je crois que c’est une occasion où le Canada pourrait intervenir. C’est l’une des occasions où nous pourrions améliorer notre régime de sanctions et la manière dont nous traitons les acteurs malveillants.
Le Canada défend depuis fort longtemps les droits de la personne sur la scène internationale, la justice, les droits d’autrui, et bien que ce rôle ait diminué au cours la dernière décennie — ces 10 à 15 dernières années —, nous pouvons nous réapproprier ce rôle. Nous pouvons assumer cette responsabilité. Nous avons un nouvel ambassadeur en Arménie. Je sais que ce sera un travail très difficile pour lui. Il a témoigné devant le comité des affaires étrangères, et je suis convaincue qu’il est bien renseigné et capable de contribuer à ce travail important.
En ce moment, alors que l’on assiste à un nettoyage ethnique, que le peuple arménien souffre, que des gens sont forcés de quitter leur foyer parce que leur sécurité est menacée, le Canada a maintenant une occasion d'intervenir et de faire ce qu'il peut.
Le NPD a demandé des sanctions et une aide au développement. Nous devrions nous engager à aider les Arméniens contraints de fuir.
Nous devrions nous engager à accroître notre aide publique au développement. Dans le dernier budget, le gouvernement actuel a réduit cette aide de 15 %. Il ne joue pas le rôle que nous attendons de lui sur la scène internationale.
Bien entendu, nous aimerions que le Canada joue un rôle plus important dans le monde. Je l’ai dit à maintes reprises. J’ai dit à maintes reprises que dans ce monde multipolaire, dans ce monde en pleine mutation, il est primordial de se faire entendre et d’être présent. L’obsession du gouvernement pour le commerce, à l’exclusion de la diplomatie, du maintien de la paix et du développement, a donné à notre politique étrangère une tournure très dangereuse.
Le gouvernement nous a dit et répété que nous avions une politique étrangère féministe, mais ce n’est pas ce que je vois dans les mesures qu’il prend.
Si nous avions une politique étrangère féministe, il nous faudrait investir dans le développement et examiner où nous vendons des armes et nos relations avec d’autres pays. Cela nous obligerait à reconnaître l’impact d’événements tels que la crise humanitaire qui se déroule actuellement dans le corridor de Latchine, dans la région du Haut‑Karabakh. Il nous faudrait reconnaître que ce sont les femmes et les filles qui portent le fardeau de ces événements horribles. Ce sont elles qui souffriront le plus dans ces situations.
À titre de députée d’un pays qui prétend avoir une politique étrangère féministe, une politique que personne n’a jamais vue, mais dont on nous a parlé, je me dois de soulever la question. Nous devons examiner comment cette politique étrangère féministe oriente les mesures que nous prenons et les rapports que nous entretenons avec les Azerbaïdjanais qui commettent un nettoyage ethnique contre le peuple arménien.
Pour ma part, je pense que nous pouvons prendre des mesures. Le Canada peut en faire davantage. Je pense qu’il est essentiel que nous prenions ces mesures.
Sachant que des pourparlers diplomatiques se déroulent aujourd’hui à Bruxelles, j’invite également le gouvernement à utiliser toutes les filières dont nous disposons pour encourager les Azerbaïdjanais à faire preuve de bonne foi, et les autres pays de l’Union européenne, les États‑Unis et nos alliés à participer à ces pourparlers en proposant des mesures utiles et concrètes susceptibles de mettre un terme à la violence contre les civils.
Le dialogue est la seule issue à ce problème très complexe. C’est la seule solution. Toute violence contre des civils n’aboutira jamais à une issue pacifique pour le peuple azerbaïdjanais ou le peuple arménien. Il faut dialoguer. Il faut mobiliser la communauté internationale.
Franchement, il faut reconnaître que ce que le gouvernement azerbaïdjanais fait est mal. Il s’agit d’un nettoyage ethnique. C’est contraire à la loi. C’est contraire au droit international. C’est immoral, c’est mal, et il faut le dénoncer comme tel dès maintenant. Notre et notre gouvernement devraient soulever la question.
Je conclurai en disant une fois de plus que le Canada doit en faire davantage. Nous devons intervenir et nous faire entendre d’une voix plus forte sur la scène internationale. Comme je l’ai dit, les réductions de notre aide publique au développement, la diminution du soutien aux organismes de développement international qui travaillent dans le monde entier et les modifications de notre cadre législatif, qui font qu’il est beaucoup plus difficile pour les organismes canadiens de fournir une aide humanitaire et une aide au développement vitales dans le monde, nous mènent dans la mauvaise direction. Notre politique étrangère ne va pas dans la bonne direction. Nous devrions investir dans les gens. Nous devrions investir dans les experts de notre communauté qui s’occupent d’aide au développement. Nous devrions nous engager à faire tout en notre pouvoir dans cette situation et ailleurs dans le monde.
Je suis profondément inquiète pour le peuple arménien et pour les dizaines de milliers de personnes qui fuient la violence. Je demande, aussi fermement que possible, au gouvernement du Canada d’en faire plus pour soulager leurs souffrances.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la .
Je voudrais tout d’abord m’adresser aux nombreux Canadiens d’origine arménienne qui vivent dans ma circonscription, Vancouver Granville, et leur faire part de ma profonde inquiétude face à ce qui s’est passé ces derniers jours dans le Haut‑Karabakh et à la catastrophe humanitaire qui risque de s’ensuivre. Je veux qu’ils sachent que le Canada, moi même et tous les membres de cette assemblée continuerons à travailler sans relâche pour qu’un règlement négocié, la paix et la sécurité leur soient apportés. Il est important que nous nous assurions que tous les Canadiens et les députés en cette enceinte parlent d’une seule voix pour garantir que le gouvernement azerbaïdjanais s’abstienne d’activités et d’actions qui mettent en danger la vie, la sécurité et le bien-être de la population civile. Il est essentiel de montrer la valeur humaine de la gentillesse, en particulier de la compassion humanitaire, en autorisant l’accès, y compris par le corridor de Latchine. Cela devrait se faire immédiatement.
Nous vivons actuellement dans un monde où l’action militaire et la violence deviennent la manière dont nous cherchons à résoudre les problèmes. C’est inacceptable. Le Canada a toujours prôné et doit toujours prôner des solutions politiques négociées, et cette situation ne fait pas exception. Nous devons nous assurer que nous agissons d’abord dans l’intérêt de la population civile. Dans ce cas, il est absolument essentiel que le gouvernement azerbaïdjanais comprenne l’importance d’autoriser l’accès humanitaire, de veiller à ce que le travail humanitaire ne soit pas empêché, de protéger les civils et de mettre fin à l’exode forcé des Arméniens afin qu’ils puissent vivre dans la paix et la sécurité.
L’escalade militaire ne rend service à personne. Elle ne sert à rien et n’a aucune utilité. Tout ce qu’elle fait, c’est provoquer de nouveaux troubles dans le monde, qui en connaît déjà d’énormes. Il s’agit là d’une nouvelle situation mondiale profondément troublante à laquelle nous devons faire face.
Pas plus tard qu'hier, le Canada a annoncé la nomination d’un nouvel ambassadeur en Arménie. Il s’agit là d’un solide engagement envers la région, les personnes sur le terrain et, en particulier, la communauté arménienne du Canada. Cela signifie que nous avons l’intention d’œuvrer fermement pour la paix dans la région et que nous suivons l’évolution de la situation dans le corridor de Latchine, non seulement d’ici, mais avec une équipe sur place également qui s’efforcera de faire en sorte qu’une solution diplomatique demeure possible.
En tant que pays, nous avons exprimé, dans des déclarations publiques, dans les médias sociaux et partout où nous le pouvons, à quel point il est important d’avoir des activités qui renforcent la confiance dans le processus de paix et qui permettent à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan de travailler à une solution pacifique et globale. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde où les règlements pacifiques sont remplacés par la violence ou dans lequel un gouvernement peut agresser des populations civiles impunément. C’est inacceptable et le potentiel de génocide, de violence et de dommages massifs aux civils ne peut être sous estimé ou ignoré. Il est très important pour nous de nous déclarer fermement en faveur de la paix et de nous assurer que les Arméniens du Canada l’entendent et le comprennent sans équivoque: non seulement nous sommes préoccupés par ce qui se passe, mais nous savons également que nous devons déployer des efforts sans relâche pour trouver une solution politique négociée à ce qui se passe au Haut-Karabakh. Nous devons nous assurer que le corridor de Latchine reste ouvert, qu’il n’est pas menacé de fermeture, que le travail humanitaire peut continuer et que les civils peuvent continuer ou du moins recommencer à vivre dans une paix relative.
Les situations de ce type, même si elles peuvent sembler éloignées pour beaucoup d’entre nous, ont des répercussions profondes sur les communautés de la diaspora arménienne, notamment celle du Canada. Il est vraiment important que nous comprenions à quel point il faut maintenir un dialogue constant avec cette communauté au Canada. Les Arméniens du Canada doivent savoir que la Chambre et les députés de tous les partis comprennent la gravité des conséquences de ce qui se passe sur le terrain, les répercussions sur leurs familles et éventuellement sur leur communauté ici. Nous devons aborder les dialogues non seulement avec beaucoup de compassion et de compréhension, mais aussi avec la volonté et le désir de continuer à jouer un rôle actif dans la région et de poursuivre notre engagement.
Ce que nous entendons aujourd’hui et la magie, parfois, de questions telles que celle-ci, c’est qu’elles nous permettent de nous unir pour dire que nous devons, en tant que pays, maintienne le cap. Je me suis vraiment réjoui de voir notre ministre et notre ambassadeur dire à quel point il est important que cet engagement ait lieu et se poursuive de manière réfléchie, afin que nous puissions continuer à faire avancer les règlements négociés, la recherche de la paix et des solutions permanentes à long terme.
Il est inacceptable que, tous les mois ou toutes les années, une flambée comme celle-ci puisse provoquer une profonde angoisse sur le plan humanitaire, des troubles civils et des difficultés pour les civils. Les conflits mondiaux, qu’ils soient petits ou grands, exigent que nous consacrions notre temps, nos efforts et notre énergie à la recherche de la paix.
Le cessez-le-feu de 2020 appelle l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie à remplir les obligations qui leur incombent en vertu de ce règlement. Ces obligations ne doivent être prises à la légère par personne. Elles ne doivent pas être considérées comme des recommandations. Ce sont des exigences.
C’est l’occasion pour le Canada, en particulier maintenant qu’un nouvel ambassadeur sera sur le terrain, de rappeler aux gens l’importance de cette question et de s’engager activement, comme nous le faisons.
La notion de dialogue, qui consiste à s’assurer que nous soutenons le travail actuel de l’Union européenne, est importante. Il est important que la Chambre envoie un message clair disant que tous les Canadiens croient que la solution est un règlement négocié et que nous sommes prêts à soutenir ceux qui font le dur travail de rétablissement de la paix.
L’idée du travail humanitaire, de l’aide humanitaire et de l’approche humanitaire est d’une importance cruciale dans nos relations avec les autres gouvernements et dans la manière dont ces derniers doivent réfléchir à leur comportement.
Je l’ai dit à maintes reprises à la Chambre et à l’extérieur: il n’y a rien de bon à ce que des gouvernements attaquent des populations civiles. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point. Dans le cas qui nous intéresse ici, une population ethnique est attaquée périodiquement sans raison et parfois sous prétexte de lutter contre le terrorisme ou d’éliminer des éléments criminels. Or, ces arguments sont fallacieux.
Nous connaissons la réalité et savons ce qui se passe sur le terrain. Nous le voyons tous et nous le comprenons tous. La communauté arménienne et la communauté azerbaïdjanaise du Canada nous le disent. Ils sont profondément préoccupés par l’escalade du conflit dans leur pays et leur région, et ils souhaitent pouvoir vivre dans la paix et la sécurité.
J’ai entendu des Arméniens qui vivent dans ma circonscription et des Azerbaïdjanais qui vivent dans ma collectivité dire sans équivoque qu’ils souhaitent la paix. Ils souhaitent que leur région soit pacifique et que les relations amicales se maintiennent ici, au Canada. Ils disent combien il est important que cela soit communiqué à cette partie du monde, combien il est important que les gens sur le terrain en Arménie et en Azerbaïdjan voient que ces communautés devraient et doivent pouvoir vivre en paix en tant que voisins.
Il y aurait beaucoup à gagner si l’Azerbaïdjan agissait de manière à favoriser la paix et à établir la paix dans l’ensemble de la région, pour les peuples qui y vivent. Ces peuples ne recherchent qu’une chose: vivre en paix, en sécurité et pouvoir planifier l’avenir de leurs familles.
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Monsieur le Président, j'aimerais remercier mes collègues d'avoir soulevé cette question importante, qui a une incidence profonde sur la sécurité dans le Caucase, notamment des Arméniens de la région du Haut-Karabakh.
Nous avons entendu les préoccupations de la communauté arménienne, qui compte des membres dans tout le pays et certainement aussi dans ma circonscription, Ahuntsic-Cartierville. Mon cœur et mes pensées les accompagnent.
[Français]
Bien entendu, mon cœur et mes pensées sont avec les membres de la communauté arménienne, que ce soit à Ahuntsic-Cartierville ou partout au pays, alors que la situation en Arménie, dans le Haut‑Karabakh et dans le Caucase est extrêmement difficile.
[Traduction]
Nous suivons la situation de très près et nous continuons à demander à l’Azerbaïdjan de cesser les hostilités. Le corridor de Latchine doit être rouvert. Les fournitures et l’aide humanitaires doivent pouvoir circuler librement, et les civils doivent être protégés.
Nous demandons à toutes les parties concernées par le cessez‑le‑feu de 2020 à remplir leurs obligations. J’ai soulevé cette question ce matin même lors de la réunion de l’OSCE, et la semaine dernière dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies. J’ai également soulevé la question avec la présidence de l’OSCE, la Macédoine du Nord, lorsque j’étais là-bas. Je l’ai aussi abordée avec le président du Conseil de l’Union européenne, Charles Michel, lorsque j’étais en Slovénie il y a trois semaines, lors de la conférence de Bled, ainsi qu’avec le secrétaire d’État Blinken la semaine dernière.
C’est une question qui me tient à cœur et qui est très importante pour le gouvernement. J’ai pris contact avec les gouvernements de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie et, plus tard dans la journée, je m’entretiendrai avec mon homologue arménien. Le Canada est prêt à continuer de soutenir les mesures visant à stabiliser la situation actuelle ainsi que les négociations en vue d’un traité de paix global par la promotion de mesures de confiance en fonction des principes de non-recours à la force, d’intégrité territoriale et d’autodétermination.
Nous soutenons fermement une solution politique globale et négociée. L’Union européenne joue un rôle important dans la promotion de la paix, et le Canada est fier de soutenir son travail. Nous allons envoyer des experts canadiens qui rejoindront la mission de l’Union européenne pour soutenir la paix et la sécurité dans la région, et nous renforçons également notre présence dans la région, comme nous l’avons annoncé l’été dernier. Ceci concorde avec les recommandations faites par Stéphane Dion, l’envoyé spécial du sur cette question. Hier encore, nous avons annoncé la nomination d’un nouvel ambassadeur en Arménie, Andrew Turner. M. Turner est un diplomate chevronné qui a acquis, au cours de sa carrière, une connaissance approfondie de la région et des réalités du peuple arménien. Je me réjouis de travailler avec lui pour soutenir la démocratie arménienne et le peuple arménien.
[Français]
En 2021 et en 2022, Stéphane Dion, l'envoyé spécial du premier ministre auprès de l'Union européenne et de l'Europe, a mené une mission dans le but d'explorer les options qui permettraient au Canada de mieux soutenir la démocratie arménienne. Son rapport, publié en avril 2022, comprenait 11 recommandations, dont une voulant que le Canada continue d'appuyer le Parlement et la société civile de l'Arménie. Depuis, le Canada s'est engagé à mettre en place à Erevan une ambassade dont l'ouverture est maintenant prévue pour la fin de cette année, au plus tard. Justement, hier, nous avons annoncé le nom de notre premier ambassadeur en Arménie, Andrew Turner.
Au nom du gouvernement du Canada, j'aimerais remercier les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour leur diligence et leur dévouement dans la réalisation de leurs travaux. Je prends également note du rapport qui a été déposé au printemps dernier concernant la situation en lien avec le corridor de Latchine. J'aimerais également faire référence à la réponse liée à ce rapport du Comité que mon équipe et moi avons publiée en juin dernier.
C'est avec plaisir que je répondrai à toutes les questions de mes collègues à la Chambre, puisque le dossier de l'Arménie et du Haut‑Karabakh est un sujet que je suis de très près.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Ce qui se passe aujourd’hui dans le Caucase est très préoccupant. Un peu plus d’un siècle après un génocide horrible, le génocide arménien de 1915‑1916, le monde n’a toujours pas tiré de leçons du passé. Un peu plus d’un siècle plus tard, nous assistons à une crise humanitaire majeure dans le Haut‑Karabakh, dans l’Ouest de l’Azerbaïdjan. Des dizaines de milliers de civils, voire plus de 120 000, meurent lentement de faim dans ce corridor en raison du blocus.
L’ancien procureur en chef de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, a récemment rédigé un rapport dans lequel il a déclaré qu’il y avait un génocide en cours contre 120 000 Arméniens qui vivent dans le Haut‑Karabakh. Cela devrait sonner l’alarme pour nous tous ici au Canada, puisque le Canada est signataire de la Convention sur le génocide de 1948. Beaucoup de gens pensent qu’un génocide est un massacre physique et actif de civils innocents, mais la convention sur le génocide de 1948 renferme une définition bien plus large de ce qui constitue un génocide. Cela peut vouloir dire enlever les enfants d’un groupe en particulier, ou encore détruire les moyens de subsistance d’un groupe en particulier, soit en partie, soit en totalité. Il ne s’agit pas nécessairement d’un massacre.
En bloquant le corridor de Latchine, le gouvernement de l’Azerbaïdjan met en danger la vie de quelque 120 000 civils du Haut‑Karabakh. Ce faisant, il met en place tous les éléments pouvant entraîner une famine, un tueur silencieux. La famine, à bien des égards, comme l’a écrit M. Ocampo, est l’arme invisible du génocide. Sans que l’on assiste à un changement spectaculaire immédiat, ce groupe d’Arméniens sera détruit dans quelques semaines. Cela a été écrit il y a plusieurs semaines et cela devrait nous préoccuper grandement.
La Cour internationale de justice a ordonné à l’Azerbaïdjan de lever le blocus. Au lieu de cela, l’Azerbaïdjan a établi un point de contrôle sur la route et a commencé à bloquer même l’aide humanitaire fournie par le Comité international de la Croix‑Rouge. La BBC a rapporté que des gens s’évanouissaient dans les files d’attente pour obtenir du pain. D’autres témoins ont dit que des gens meurent à petit feu. Cependant, à cause des événements mondiaux, cette crise humanitaire dans le Caucase a reçu peu d’attention.
Le débat sur la motion d’adoption d’aujourd’hui vise à attirer l’attention du monde sur le fait que cette crise humanitaire est en cours et doit cesser. Nous demandons au gouvernement de l’Azerbaïdjan de rouvrir immédiatement le corridor, non seulement pour l’aide humanitaire, mais aussi pour la libre circulation des personnes et des marchandises. Nous exhortons les deux parties à ce conflit, les représentants du gouvernement de Bakou et les représentants de la ville de Stepanakert, à se réunir immédiatement pour conclure une entente sur le transport qui permettrait la réouverture du corridor et des autres voies d’approvisionnement afin de veiller à ce que les aliments, les médicaments et d’autres biens puissent être acheminés dans la région et ainsi éviter que 120 000 personnes ne meurent lentement de faim.
J’aimerais conclure en adressant un message aux deux communautés impliquées dans ce long conflit. Il n’y a pas si longtemps, la politique canadienne a été la proie de la violence sectaire. C’était au XIXe siècle, quand divers groupes de notre société se sont mis à prôner des intérêts sectaires et à recourir à la violence pour faire avancer leurs idées politiques.
Il n’y a pas si longtemps, au milieu du XIXe siècle, les protestants et les catholiques étaient constamment à couteaux tirés, refusaient de coopérer sur quoi que ce soit et préféraient recourir à la violence pour faire avancer leur cause, exerçant de la discrimination et d’autres pratiques non démocratiques pour défendre leurs intérêts politiques et parvenir à leurs fins. Fort heureusement, grâce au travail, au dialogue et aux réformes constitutionnelles de plusieurs décennies, nous avons réussi à laisser derrière nous cette terrible époque.
Il en est de même de la fracture linguistique qui existait jadis dans notre pays, entre les anglophones et les francophones, et que nous avons finalement réussi à effacer grâce à des réformes constitutionnelles et à des textes législatifs qui sont encore en vigueur, même si la situation n’est pas toujours parfaite, à en juger par les débats linguistiques qui perdurent, ici et au niveau provincial.
Il n’en reste pas moins que nous avons magnifiquement réussi à instaurer un certain niveau de paix et de cohésion sociale en surmontant les antagonismes sectaires et linguistiques et en faisant du Canada un pays où les gens peuvent vivre confortablement et résoudre leurs différends, non pas à la pointe de l’épée, mais par le dialogue démocratique. J’espère qu’il en sera de même pour les Arméniens qui vivent en Azerbaïdjan et pour les Azerbaïdjanais qui vivent dans cette région.
Nous exhortons le gouvernement du Canada à se montrer plus ferme, sur la scène internationale, pour que l’Azerbaïdjan lève le blocus et permette la libre circulation des marchandises, des personnes et de l’aide humanitaire. Nous exhortons le gouvernement à demander plus fermement aux deux parties au conflit, soit les représentants de la ville de Stepanakert et les représentants du gouvernement de Bakou, de négocier pour trouver un accord permettant la libre circulation des marchandises, des personnes et de l’aide humanitaire. Le temps presse, car même si ce conflit dure depuis un certain temps, la situation est devenue plus urgente depuis que l’Azerbaïdjan a mis fin à son invasion de l’Arménie il y a quelques années. J’espère que malgré les conflits qui font rage en Ukraine et ailleurs, le reste du monde ne fermera pas les yeux sur un drame qui se déroule exactement 107 ans après un autre génocide, dans cette même région.
Pour toutes ces raisons, je demande au gouvernement du Canada d'utiliser ses ressources diplomatiques et d'user de son influence ici et à l'étranger pour envoyer un message clair au gouvernement de l'Azerbaïdjan, à savoir que le blocus du corridor de Latchine est tout à fait inacceptable et que, subrepticement, sous le couvert de la famine, il donne lieu à un nettoyage ethnique.
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Monsieur le Président, c’est avec grand sérieux que je prends la parole à la Chambre aujourd’hui à propos du conflit en cours alors que les Azéris s'en prennent aux Arméniens qui résident dans la région du Haut‑Karabakh. Nous recevons chaque jour des informations sur les graves atrocités commises par les Azéris. Il y a des gens qui meurent de faim. Il y a des gens qui ont perdu la vie. Il y a des gens qui ont désespérément besoin de médicaments et qui n’en reçoivent pas. Il y a des gens qui sont séparés de leurs proches à cause du conflit.
Certes, ce conflit est loin d’être récent, mais son intensité a nettement augmenté récemment. C’est donc dans ce contexte d’intensification de la crise que mes collègues et moi-même prenons la parole aujourd’hui pour plaider, au nom du peuple arménien, en faveur du rétablissement de la paix dans la région. Nous sommes convaincus que le Canada, dans son rôle de gardien de la paix, a un rôle important à jouer sur le plan diplomatique, et c’est donc à cette fin que nous nous prenons la parole dans cette enceinte aujourd'hui.
Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans la région du Haut‑Karabakh est ancien. Deux guerres majeures y ont été menées au cours des trois dernières décennies seulement, ce qui signifie que la situation est complexe et qu'elle comporte de nombreuses facettes. Cependant, en fin de compte, ce dont il faut tenir compte, c’est du fait que des personnes innocentes qui vivent dans la région sont mises en danger et qu’on les empêche d’accéder aux ressources leur permettant de satisfaire leurs besoins vitaux, et c’est ce qui doit peser lourdement sur la conscience de chacun des députés.
J’ai eu l’occasion de me rendre en Arménie en 2017 et de voir de mes propres yeux certains effets du conflit passé et actuel. Bien sûr, en 2017, la situation était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Je n’imaginerais jamais me rendre dans cette région maintenant, mais lorsque j’y suis allée en 2017, il est certain qu’il y avait une présence militaire, à la fois du côté arménien et du côté azerbaïdjanais, et que j’ai pu littéralement marcher sur cette ligne de front et voir la démarcation, la topographie et la géographie et où tout cela se situe.
Surtout, j’ai eu non seulement l’occasion de le voir, mais aussi de rencontrer des habitants de la région et de les entendre parler de la volonté de préserver leur langue, leur mode de vie et leur culture, et leur désir d’être respectés à cet égard. J’ai entendu les histoires de personnes qui ont vécu une atrocité après l’autre et qui sont des partisans de la paix. Malheureusement, l’autre partie, l’Azerbaïdjan, ne veut pas la leur accorder, de sorte que les habitants de la région du Haut-Karabakh vivent à jamais dans ce climat d’instabilité, d’agitation et de peur.
Pendant mon séjour, j’ai eu l’occasion d’entrer dans plusieurs maisons. Il ne s’agissait pas de maisons habitées, mais de maisons qui avaient été abandonnées. Elles avaient été évacuées parce qu’elles se trouvaient sur le front où des combats avaient eu lieu. Je me souviens en particulier d’être entrée dans une maison et d’y avoir vu des photos accrochées au mur. Deux photos ont attiré mon attention, ainsi que quelques dessins d’enfants, des coloriages. Il était évident qu’une famille avait vécu là. Il y avait des lits avec de vieux matelas et encore quelques assiettes et d’autres objets dans la cuisine. Sinon, la maison était essentiellement vide. En m’y promenant, je suis entrée dans une pièce où il y avait une tache de sang sur le sol et des éclaboussures de sang sur le mur, qui était taché. J’ai demandé à mon guide ce qui s’était passé et il m’a expliqué que la famille qui vivait dans cette maison avait été attaquée. Il s’agissait de civils innocents, mais qui résidaient malheureusement dans une région que l’Azerbaïdjan tenait à contrôler.
En conséquence, il y a eu des pertes de vie. En conséquence, une maison a été transformée en ruine. En conséquence, les membres de cette famille qui ont survécu à l’attaque, malgré les pertes de vie, ont été déplacés et réinstallés dans une autre région de l’Arménie où ils seraient plus en sécurité.
Il est inacceptable que ces personnes vivent de tels bouleversements, dans un tel climat de peur et dans de telles conditions. Il est tout aussi inacceptable que le Canada reste les bras croisés et muet dans cette situation. Nous ne pouvons pas rester silencieux. Si nous ne disons rien, je crains que nous ne soyons alors du côté de l’ennemi.
Il est important que nous nous exprimions au nom des personnes qui sont innocentes et qui veulent simplement vivre une bonne vie, préserver leur langue, leur culture et leur mode de vie, et être respectées et honorées dans leur patrie historique. Ce droit leur est actuellement dérobé.
Un accord de paix a été conclu. En fait, il y a eu un accord de paix, mais il a été annulé, puis un autre accord de paix a été conclu et annulé lui aussi. Telle est l’histoire de la région. Ce qu’il y a de si grave dans la situation actuelle, c’est que l’Azerbaïdjan se rend dans cette région et attaque des civils innocents. L’Azerbaïdjan a bloqué l’accès à des produits de première nécessité tels que la nourriture et les médicaments et a empêché la libre circulation des gens.
C’est important parce que les habitants de la région ne prennent pas les armes pour faire la guerre. Au contraire, ils essaient simplement d’exister et de mener une vie paisible. Ils veulent que leurs enfants aillent à l’école. Ils veulent posséder des entreprises et être en mesure de payer leurs factures. Ils veulent pouvoir faire des semences et des récoltes. Ce sont des gens ordinaires qui cherchent à vivre leur vie, mais en raison des perturbations dans la région et des attaques venant de l’Azerbaïdjan, ils sont mis en danger.
Une fois de plus, je dis à la Chambre que, bien sûr, le Canada pourrait simplement rester les bras croisés, laisser les choses aller, laisser le nombre de morts augmenter et permettre que ces personnes ne puissent plus profiter de la vie, ou la Chambre pourrait faire une déclaration pour défendre ces personnes et plaider pour que leur liberté leur soit rendue et que leur patrie soit respectée.
Bien sûr, je recommande que nous agissions de manière très diplomatique, mais diplomatie et inaction sont deux choses différentes. Ce ne sont pas des synonymes. Je dirais qu’à l’heure actuelle, le Canada se contente d’exister dans l’inaction, mais nous avons l’occasion de changer de cap. Si nous ne faisons rien, je crains que nous ne revivions les événements d’il y a 107 ans, lorsque le peuple arménien a été victime d’un génocide.
Des experts nous avertissent déjà que nous sommes engagés dans cette voie. Nous nous dirigeons vers l’anéantissement d’un groupe de personnes, la définition même d’un génocide. Sur la base de ces preuves, sur la base du témoignage de ces experts qui recueillent des renseignements sur le terrain et nous les transmettent à la Chambre des communes, j’implore les députés d’agir maintenant. Nous ne devrions pas permettre que les pertes en vies humaines soient telles que nous en venions à être contraints d’agir. Nous devrions plutôt agir par amour, respect et honneur profonds, par désir de paix et pour faire honneur à notre réputation de pays connu pour ses activités de maintien et de rétablissement de la paix.
J’implore les députés de s’entendre pour prendre des mesures et d’engager des conversations diplomatiques sur les mesures à prendre pour établir la paix. Je demande à la Chambre d’aller jusqu’à envisager des sanctions, car nous devons agir. Des vies innocentes sont en danger et le Canada ne peut pas le tolérer.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Je parlerai de cette motion d’adoption sur la situation au Haut-Karabakh. Certaines personnes qui nous écoutent en ce moment ou qui ont suivi le débat voudront peut-être savoir où se trouve cet endroit. C’est au nord de l’Iran. Il s’agit d’une région située au nord de l’Iran, au sud de la Russie et entre la mer Noire et la mer Caspienne. Je ne sais pas si cela vous aide, mais il s’agit d’une région enclavée peuplée d’Arméniens qui vivent dans cette région depuis des centaines d’années. Il s’agit d’une enclave semi-autonome au sein de l’Azerbaïdjan, la république voisine de l’Arménie. Une grande partie de cette région a été formée politiquement à l’époque de l’URSS, l’Union des républiques socialistes soviétiques. La région a une longue histoire non seulement de personnes qui y vivent, mais aussi de tensions et, espérons-le, de solutions.
Récemment, des milliers d’Arméniens ont fui le Haut-Karabakh pour se réfugier en Arménie en raison des hostilités et des pressions exercées par l’armée azerbaïdjanaise dans la région. Il y a eu des bombardements. La dégradation des forces onusiennes de maintien de la paix a provoqué une réelle instabilité.
Les dirigeants concernés ont accepté un accord de cessez-le-feu qui prévoyait la dissolution de leurs forces armées. Les Arméniens avaient soutenu cette région afin que la population puisse se battre pour se protéger. La population du Haut-Karabakh a accepté de rendre les armes face à l’armée azerbaïdjanaise, qui dispose d’une supériorité militaire dans la région. Cela signifie essentiellement que les Arméniens du Haut-Karabakh sont une cible facile. Ils sont sans défense. Ils sont dans une situation terrible. Voilà pourquoi nous avons présenté cette motion pour débat. C’est important.
J’ai entendu différents intervenants des autres partis suggérer de discuter de ceci ou de cela, car il y a de nombreuses questions importantes à débattre. Nous pouvons aborder de nombreux sujets à la Chambre. En ce moment, nous avons l’occasion de nous concentrer sur une situation très grave qui se produit dans le monde et à laquelle de nombreux Canadiens sont liés. Ils sont peut-être originaires de la région et sont très inquiets.
Il y a aussi beaucoup de problèmes géopolitiques. L’Iran soutient l’Arménie. La Russie est présente, ainsi qu’un certain nombre d’autres nations. Comme la situation risque vraiment de se dégrader et de devenir explosive, il est important que nous ayons cette discussion et que le Canada propose des solutions, pas nécessairement à long terme, mais pour désamorcer le conflit.
Il y a une crise humanitaire et un afflux de réfugiés. Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh ne date pas d'hier et il a été marqué par deux guerres importantes au cours des trois dernières décennies. L’Azerbaïdjan a repris le contrôle d’une partie importante de cette région en 2020 après un conflit armé. Un accord a été conclu pour que le Haut-Karabakh cède le contrôle d’un grand nombre de villages autour de la ville principale. Il s’agissait d’un accord entre les Russes, les Azerbaïdjanais et les Arméniens, incluant l'intervention de forces de maintien de la paix.
Cet accord n’a pas été respecté, ce qui entraîne de graves problèmes. Le nombre de personnes déplacées augmente et les efforts déployés pour fournir une aide humanitaire et des abris sont sérieusement entravés. Cette situation met en lumière les défis auxquels sont confrontés les réfugiés et les personnes déplacées, non seulement dans cette région, mais aussi ailleurs dans le monde. Nous l’avons également constaté en Ukraine, où l’invasion russe a fait de nombreux déplacés et réfugiés. La situation est terrible.
Le Canada étant l’une des nations les plus multiethniques et multiculturelles de la planète, tous ces drames ont des répercussions chez nous.
Le récent conflit a fait des victimes et l’on s’inquiète du bien être de la population arménienne. L’exode met en évidence le besoin d’aide humanitaire et de protection; nous avons bien vu des photos des milliers de personnes fuyant cette région et de toutes les voitures à la queue leu leu.
Le Comité international de la Croix-Rouge a réussi à négocier un consensus humanitaire pour apporter une aide essentielle à la région du Haut-Karabakh le 18 septembre. Malheureusement, les gens et les nations disent une chose mais en font une autre, ce qui est préoccupant pour la mise en œuvre de l’accord.
À l’heure actuelle, la situation est désastreuse. Les produits de première nécessité ne sont pas acheminés. Les produits de base tels que la nourriture, les produits d’hygiène et les produits médicaux sont rationnés. En fait, la région est en état de siège. Qu’est-ce qu’un siège? Si l’on remonte dans l’histoire, on parle de siège lorsqu’on empêche une région, un château ou une zone de subvenir à ses besoins.
La région du Haut-Karabakh est maintenant soumise à une guerre de siège, qui vise essentiellement à l’amener à se rendre. L’objectif est de faire en sorte que les habitants quittent la région ancestrale où ils vivent depuis des siècles pour la laisser à l’Azerbaïdjan. C’est très préoccupant.
Cette région est très montagneuse. Comme je l’ai mentionné précédemment, c’est une région enclavée. Il n’y a qu’une seule route principale, le corridor de Latchine. Depuis un an environ, il est très difficile d’y acheminer de l’aide humanitaire et des fournitures médicales. Comme l’a mentionné le député conservateur de , environ un tiers de la population souffre de malnutrition et risque de mourir de faim. Il y a même eu des cas de famine dans cette région. Il est impératif d’ouvrir ce corridor pour laisser passer les denrées alimentaires et les fournitures médicales afin que les gens puissent subvenir librement à leurs besoins. S’il est bon d’envisager d’autres routes, le corridor de Latchine est pour l’instant la seule voie viable pour acheminer l’aide.
Il y a des tensions militaires entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Nous sommes sur le point d’assister à une intervention militaire susceptible de faire plusieurs milliers de morts. Il n’y a pas si longtemps, la population arménienne, dont la majorité vivait dans cette région du monde, a subi un terrible génocide. Plus d’un million d’Arméniens ont été tués ou contraints d’entreprendre des marches de la mort dans toute la région. Ils sont morts d’épuisement ou de malnutrition. Nous parlons d’un passé récent.
Notre inquiétude ne se fonde sur rien d’hypothétique. Nous craignons qu’un autre génocide ne se produise dans cette région. Nous ne voulons pas voir se reproduire un tel événement. Nous demandons au gouvernement fédéral de faire pression et de collaborer avec d’autres pays pour faire ouvrir ce corridor, et de ne pas se contenter d’être un partenaire silencieux. C’est bien de faire les déclarations qui s’imposent, mais nous appelons le gouvernement à s’engager pour que ce corridor soit ouvert, pour qu’il y ait un règlement qui permette à la population du Haut-Karabakh d’exercer son droit à l’autodétermination.