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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 juin 2024

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi au Comité du mercredi 29 mai 2024 et à la motion que celui‑ci a adoptée le lundi 27 mai 2024, nous reprenons l'étude du projet de loi C‑70, Loi concernant la lutte contre l'ingérence étrangère.
    Avant de commencer, j'invite les membres du Comité ainsi que les participants qui assistent à la réunion en personne à prendre connaissance des cartes sur la table qui indiquent les mesures à prendre pour éviter les incidents acoustiques.
    Prenez note également que des mesures ont été adoptées pour protéger la santé et la sécurité de l'ensemble des participants, et notamment celles des interprètes. Veuillez utiliser seulement les oreillettes noires dûment approuvées. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Assurez-vous que votre oreillette se trouve toujours à bonne distance d'un microphone. Lorsqu'elle est inutilisée, déposez l'oreillette, face vers le bas, sur l'étiquette prévue à cette fin sur la table. Merci de votre coopération.
    La réunion d'aujourd'hui va se dérouler en mode hybride.
    À cet égard, j'ai quelques consignes à donner aux députés et aux témoins. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence.
    Pour ce qui concerne plus précisément le projet de loi C-70 et tel qu'il est indiqué dans la note de service transmise le 31 mai, je rappelle aux députés qu'ils doivent soumettre les amendements au greffier du Comité au plus tard à 16 heures le vendredi 7 juin 2024. Il est important de souligner que l'échéance de 16 heures a été établie par un ordre adopté par la Chambre le 30 mai dernier et qu'elle est ferme. Par conséquent, le Comité n'examinera aucun amendement soumis au greffier après cette échéance ou proposé ici durant l'étude article par article du projet de loi.
    Je vais maintenant vous présenter notre premier groupe de témoins.
    Nous accueillons M. Charles Burton, agrégé supérieur de l'organisme Sinopsis, ainsi que M. Michael Kempa, professeur agrégé de criminologie à l'Université d'Ottawa.
    Bienvenue, messieurs, et merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    J'invite M. Burton à nous présenter sa déclaration liminaire. Vous avez cinq minutes.
    Je suis spécialiste de la politique intérieure et étrangère de la Chine. J'ai fait mes études en Chine et j'ai travaillé au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, ainsi qu'au service diplomatique canadien, et j'ai aussi été professeur. J'ai publié plusieurs articles et rapports sur les activités d'influence de la Chine au Canada.
    Je vais me concentrer aujourd'hui sur la partie 4 du projet de loi C-70, qui porte sur la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère, et notamment sur les répercussions des activités des agents du ministère chinois de la Sécurité de l'État qui ciblent des politiciens, des fonctionnaires et d'autres personnes qui peuvent influencer l'orientation des relations du Canada avec le régime de la République populaire de Chine.
    Dans son rapport publié plus tôt ce mois‑ci, la juge Hogue souligne que son mandat consiste à enquêter sur d’éventuels cas d’ingérence étrangère relativement à « la prise de décisions exécutives par le Cabinet et ses ministres en relation avec leurs ministères respectifs, y compris l’ingérence étrangère indirecte dans les décisions ministérielles lorsque celles‑ci se fondent sur des informations provenant d’un palier inférieur du gouvernement et sont clandestinement influencées par un État étranger — ou ses mandataires, agents, etc.— ».
    Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi le mandat de la juge Hogue a été restreint aux informations provenant d'un palier inférieur du gouvernement et qui sont clandestinement influencées par un État étranger. Lors de la réunion précédente du Comité, M. Genuis a évoqué la possibilité qu'un futur procureur général du Canada soit en conflit d'intérêts s'il a profité de l'ingérence étrangère dans sa circonscription. Selon ma compréhension de la stratégie chinoise du Front uni dans le monde, le ministère de la Sécurité de l'État cible très tôt les politiciens appelés à occuper un poste influent comme celui de procureur général du Canada.
    Par suite de la fuite d'un rapport de décembre 2021 du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, nous avons appris que le ministère chinois de la Sécurité de l'État recourt à un code de trois couleurs pour classer ses tactiques d'ingérence politique visant à exercer une influence sur les fonctionnaires canadiens quand ils sont au pays ou quand ils se rendent en Chine. Le bleu désigne les cyberattaques complexes des ordinateurs, téléphones intelligents et chambres d'hôtel des cibles, éventuellement pour les faire chanter. La couleur or désigne les tactiques de corruption. Le jaune est utilisé pour ce que le SCRS appelle les pots de miel, des tactiques de séduction sexuelle déployées par la Chine pour compromettre une cible.
    Le projet de loi C‑70 et les autres lois en vigueur offrent des mesures très efficaces contre ces tactiques inquiétantes, mais c'est clair que le régime chinois utilise ici et ailleurs des stratagèmes plus complexes que nous aurons plus de difficulté à contrer.
    Prenons l'exemple de Bob Hawke, un ancien premier ministre de l'Australie. Il raconte dans sa biographie que peu de temps après sa retraite de la vie politique, il s'est rendu à Pékin et y a rencontré le dirigeant chinois Jiang Zemin, qui lui a dit que la Chine n'oublie jamais ses amis. Il a ajouté que la Chine le considérait comme un de ses meilleurs amis. Dans les années qui ont suivi, M. Hawke a occupé plusieurs postes de directeur et de consultant liés à la Chine qui l'ont propulsé vers une remarquable réussite financière.
    Au Canada, nous avons divers exemples de ministres, d'anciens ambassadeurs en Chine et de personnes qui ont occupé des postes importants au sein du ministère des Affaires étrangères et qui, après avoir quitté le gouvernement, ont bénéficié de possibilités très lucratives liées à ce pays. Les possibilités de carrière liées au gouvernement dans les cabinets d'avocats, les entreprises et d'autres secteurs qui ont des liens avec des réseaux commerciaux associés au Parti communiste chinois ne sont pas ouvertes, il va de soi, à ceux qui sont considérés comme ayant été hostiles à la Chine quand ils étaient titulaires d'une charge publique. Comme nous le savons pertinemment, le régime chinois tient des dossiers très étoffés sur nous tous et il connaît ses amis.
    Une question troublante se pose concernant les fonctionnaires canadiens. Sachant que la Chine opère tout en finesse en promettant de manière implicite des avantages futurs aux décideurs après leur retraite, une tactique d'influence impossible à détecter par le projet de loi C‑70, est‑il possible de penser qu'ils pourraient hésiter à donner suite rapidement à une évaluation du renseignement qui commande que le gouvernement canadien agisse de manière contraire aux intérêts chinois? Est‑ce qu'au contraire ces décideurs vont avoir tendance à laisser ce travail à d'autres pour ne pas indisposer l'ambassade chinoise?
(1550)
    Je vais conclure rapidement en rappelant que les fonctionnaires ne peuvent pas exploiter des renseignements classifiés dans leur propre intérêt et ne pourront pas divulguer un secret qui leur a été confié dans l'exercice de leurs fonctions jusqu'à la fin de leurs jours. Dans le même esprit, serait‑il envisageable d'interdire aux fonctionnaires de recevoir un quelconque avantage de la part d'une entité étrangère jusqu'à la fin de leurs jours?
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous.
    Nous allons maintenant entendre M. Kempa, pour une déclaration liminaire de cinq minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Kempa.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de votre invitation.
    Je vais commencer par une remarque d'ordre général. Le projet de loi à l'étude est très volumineux, il touche un très grand nombre de lois qui régissent la sécurité nationale du Canada, il est très complexe et il est bienvenu. Les amendements, si j'ai bien compris, doivent être apportés rapidement. Il semble y avoir une volonté de promulguer certaines mesures avant les élections qui pourraient avoir lieu en 2025. Certaines réformes plus simples pourraient assurément être mises en œuvre dans ce délai. Celles dont je vais parler seront plus complexes et vont soulever plus d'inquiétude et, de ce fait, il pourrait s'avérer plus difficile de mettre ces recommandations en œuvre à temps en vue d'éventuelles élections.
    Les modifications proposées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et au cadre législatif de la sécurité nationale, ainsi que la création d'un registre pour la transparence en matière d'influence étrangère représentent les trois principaux volets de la réforme. Mes observations porteront essentiellement sur la Loi sur le SCRS parce que c'est un de mes principaux domaines d'expertise, mais je vais néanmoins soulever quelques points concernant les deux autres composantes de la réforme.
    La réforme proposée à la Loi sur le SCRS m'apparaît très judicieuse en ce qu'elle lui permettra de recueillir des renseignements étrangers qui ont été sauvegardés sur un support électronique à l'extérieur du territoire canadien. C'est une très bonne idée d'élargir la capacité d'obtenir de l'information d'un tiers, notamment de la part d'entreprises de télécommunications, et de simplifier le processus. Tout cela sera rendu possible grâce à des processus de demande simplifiés de mandats moins invasifs, et c'est aussi une bonne idée. Selon ce que je comprends du projet de loi, c'est un bon équilibre puisqu'il protège les libertés civiles et évite donc les dérapages qui pourraient découler d'un processus accéléré de délivrance des mandats.
    Il est vraiment urgent d'habiliter le SCRS à communiquer des informations sur les menaces à d'autres ordres de gouvernement que le fédéral, y compris aux autorités de gouvernance autochtones, aux établissements du secteur privé et aux milieux universitaires. Fort heureusement, il est très facile d'inscrire ce pouvoir dans la loi et de lui donner effet rapidement pour que le SCRS puisse conseiller d'autres organismes si des élections sont déclenchées en 2025. Cela dit, la mise en application sur le terrain sera un peu plus ardue.
    Je mentionne très brièvement que le SCRS et ses nouveaux partenaires devront réfléchir à la manière la plus efficace de communiquer ces nouvelles informations et aux seuils à mettre en place pour la communication d'informations à un groupe plus diversifié de partenaires. Cette réflexion sera essentielle non seulement parce que la réticence à divulguer des renseignements est très bien ancrée dans la culture du SCRS, mais aussi parce qu'au début, bon nombre de ces partenaires n'auront pas la compétence voulue pour soupeser la valeur de divers types de renseignements et prendre les mesures nécessaires à leur égard.
    Ces enjeux pourront sans doute faire l'objet d'une réglementation établie par les ministères responsables de la sécurité publique ou des affaires étrangères, de concert avec l'organisme de surveillance du SCRS, qui pourra le guider durant l'élaboration de ces protocoles. C'est particulièrement encourageant, étant donné que ce projet de loi est à juste titre… Même s'il est volumineux, il ne traite pas certaines questions thématiques plus larges touchant au mandat du SCRS et à sa relation avec d'autres organismes comme la Gendarmerie royale canadienne, la GRC, dont le rôle en matière de sécurité nationale est aussi en plein changement et qui fera assurément l'objet d'une réforme importante dans un horizon de cinq ans.
    L'examen obligatoire de la Loi sur le SCRS tous les cinq ans est aussi important que bienvenu. Cette exigence m'amène à me demander s'il y a un risque que certaines dispositions qui seront adoptées compromettent des réformes plus larges qui pourraient être envisagées d'ici à cinq ans. Heureusement, il ne semble pas y avoir beaucoup d'éléments qui pourraient faire obstacle à l'émergence de questions plus larges, mais il y en a quelques-uns. Avant de conclure mon allocution de cinq minutes, je vais évoquer brièvement quelques éléments à l'égard desquels nous ne voulons pas avoir les mains liées plus tard.
    Je vous invite à concevoir les réformes à la Loi sur le SCRS comme faisant partie d'un triptyque législatif, comme ce fut le cas dans les années 1980, quand les lois sur le SCRS, sur les mesures d'urgence et sur la GRC ont été créées et assorties de renvois les unes aux autres. Par exemple, le projet de loi à l'étude ne propose aucune réforme du mandat global du SCRS ou du lien entre les normes très bien connues de l'article 2 de la Loi, qui déterminent si le SCRS intervient ou non, et les normes d'application de la Loi sur les mesures d'urgence.
(1555)
    Il est probablement sage de ne pas toucher à la partie du projet de loi sur les normes de l'article 2 étant donné que la deuxième série d'enjeux va certainement être traitée dans de futurs arrêts de la Cour d'appel fédérale portant sur l'incidence exacte des normes de l'article 2 sur l'application de la Loi sur les mesures d'urgence. Les nouvelles leçons qui émaneront de l'enquête de la Commission Hogue vont s'ajouter aux réflexions issues de la Commission Rouleau concernant la Loi sur les mesures d'urgence, ainsi qu'à celles des travaux en cours du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignements sur l'avenir de la GRC, entre autres. À ce stade‑ci, le mieux serait sans doute de laisser la porte ouverte.
    Toutefois…
    Pouvez-vous conclure rapidement?
    Bien sûr.
    Au moment de l'examen de la Loi sur le SCRS, il sera essentiel notamment de déterminer si les menaces envers la sécurité du Canada doivent inclure la violence découlant des perturbations économiques.
    Je voudrais parler très brièvement de deux sujets de préoccupation qui pourraient nous lier les mains dans les années à venir. Le premier est l'intégration dans les infractions d'ingérence inscrites au Code criminel de toutes les infractions autres que le terrorisme qui sont commises à la solde d'une entité étrangère. Un des écueils est que des infractions très mineures — les infractions sommaires, par exemple — qui sont commises à la solde d'une entité étrangère deviennent passibles d'amendes aussi lourdes que celles qui sont associées à des actes criminels graves.
    Enfin, en ce qui concerne le registre pour la transparence, l'approche agnostique du Canada en matière de pays n'est peut-être pas celle qui convient le mieux parce qu'elle risque d'attirer l'attention sur un très grand nombre de pays alors que l'organisme responsable ne sera peut-être pas en mesure de gérer autant d'informations. Je comprends la volonté de ne pas inscrire de pays sur une liste noire permanente, mais la solution serait peut-être d'instaurer une réglementation autorisant des ministres à produire périodiquement, de concert avec le SCRS et son organisme de surveillance, une liste de pays préoccupants qui pourrait changer au fil du temps.
    Merci.
    Merci à vous.
    Nous allons entamer la période des questions avec M. Caputo.
    Monsieur Caputo, la parole est à vous. Vous disposez de six minutes.
    Merci, messieurs Kempa et Burton.
    Monsieur Kempa, si vous avez manqué de temps pour aborder un sujet que vous jugez capital, vous pouvez le faire maintenant.
    Merci, mais je crois avoir tout dit. Si c'est nécessaire, je pourrai donner des précisions durant la période des questions.
    Tout à fait.
    J'aurai quelques questions pour vous, mais je vais commencer par M. Burton.
    Vous avez parlé plus particulièrement des relations avec la Chine. Toutefois, je suis préoccupé, comme nous devrions tous l'être, par tous les genres de relations qui peuvent impliquer une ingérence étrangère. Vous avez mentionné un système de code de couleurs et vous avez affirmé que le projet de loi va être un outil efficace de lutte contre ce type d'ingérence.
    Est‑ce que j'ai bien compris?
(1600)
    Tout à fait.
    Bien.
    Pouvez-vous nous expliquer comment et pourquoi le projet de loi va être un outil efficace?
    Je crois que le plus important est qu'il va permettre au SCRS d'informer des gens de tout problème potentiel lié à un conflit d'intérêts qui implique des gens importants et influents dans le processus décisionnel. Je crois que c'est une très bonne chose.
    M. Genuis n'est pas ici. Il est partout en même temps, mais en ce moment, il n'est pas ici. Je suis certain qu'il va se joindre à nous à un moment donné.
     Je voudrais reprendre votre exemple du procureur général. Je présume que dans ce cas, une entité étrangère pourrait avoir un dossier quelconque sur un procureur général, ou quelque chose du genre. Considérant ce que vous venez de dire, quelle sera l'incidence positive du projet de loi C-70 sur la communication d'informations ou la capacité de donner une alerte?
    Je crois que les gens qui doivent être alertés sont ceux qui sont susceptibles d'être pris pour cibles.
    Je peux donner l'exemple d'un jeune ami qui a été candidat aux élections en Saskatchewan. J'ai eu l'impression qu'il a été approché par des agents de l'État chinois, des mandataires du Département du Front uni du travail, qui lui offraient des choses et l'encensaient de manière excessive. Je lui ai dit que c'est toujours de cette façon qu'ils fonctionnent au début. Ils le voient comme un jeune homme prometteur qui pourrait siéger au Parlement un jour, et ils essaient de nourrir de bonnes relations avec lui et, éventuellement, qu'il développe un sentiment d'obligation. Je lui ai recommandé la prudence. En fait, il va faire un compte rendu de ce qui s'est passé au SCRS.
    Le problème, à mon avis, est que les gens ne sont pas vraiment conscients d'être la cible des stratagèmes très raffinés des très nombreux agents de la Chine à l'oeuvre dans notre pays .
    C'est un point très intéressant. Les gens ne s'en rendent même pas compte.
    La question est celle de savoir pourquoi on n'offre pas de formation sur ce sujet. Les parlementaires et les représentants élus devraient être au courant, c'est évident, mais quand on vous écoute, on comprend que c'est beaucoup plus insidieux, et même subreptice. Les gens ne s'en rendent pas compte quand cela se produit.
    Est‑ce que c'est exact?
    Oui. J'ai discuté avec quelqu'un qui a joué un rôle pivot dans la rédaction de la loi australienne sur la transparence en matière d'influence étrangère. Selon, il est fort possible que le texte de la loi comporte des lacunes et que le gouvernement australien n'ait pas affecté suffisamment de ressources pour permettre aux organismes de renseignement de sécurité de faire appliquer la loi. Malgré tout, l'édiction de la loi a suffi pour susciter une prise de conscience. Je crois que beaucoup de ceux qui seraient enclins à une certaine indulgence à l'égard de la Chine en prévision de futurs avantages réaliseront que cette attitude pourrait leur nuire et en faire des complices du régime chinois, y compris de l'ensemble des activités d'espionnage, des activités subversives à l'étranger et des actes génocidaires qui font sa marque.
    À mon avis, en parler peut aider à conscientiser les gens au fait qu'ils ne doivent jamais céder aux tentatives d'inféodation du régime chinois parce qu'il est hostile à nos intérêts et qu'il nous livre déjà, selon la description du général Eyre, une guerre hybride.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t‑il, monsieur le président?
    Vous avez encore une minute et demie.
    D'accord.
    Monsieur Kempa, vous avez parlé de l'approche agnostique en matière de pays qui teinte le projet de loi C‑70. À première vue, je suis assez d'accord.
    Une des raisons, j'imagine, pour lesquelles il faut réfléchir à cela est que le monde change et que les gouvernements successifs auront des mandats différents. Existe-t‑il une raison impérative de ne pas appliquer la même norme — la plus élevée possible — pour ce qui concerne la transparence et le registre des agents étrangers?
    L'unique raison, je pense, est liée à la capacité.
    Si un bureau du registraire est établi et chargé de tenir une base de données et de recueillir de l'information sur les activités de tous ceux qui cherchent à influer de manière légitime sur les politiques du Canada, les résultats et ce genre de choses, il va se retrouver avec une quantité astronomique d'informations. J'ai un collègue d'expérience, Wesley Wark, qui explique que le risque est de créer un théâtre de sécurité, ou presque, dans lequel le bureau responsable n'arriverait pas à surveiller les agents qui viennent de partout dans le monde.
    En permettant à l'organisme de travailler à partir de listes à jour et évolutives, fondées sur des preuves indiquant que certaines régions sont à surveiller, on optimiserait sa capacité.
(1605)
    C'est quelque chose qui pourrait se faire par l'entremise d'une réglementation, c'est clair.
    Effectivement.
    D'accord.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Merci à vous deux.
    Je donne la parole à Mme Damoff, pour six minutes.
    C'est un véritable plaisir d'être de retour pour quelque temps au comité de la sécurité publique.
    Je remercie les deux témoins d'être ici et de contribuer à l'étude d'une mesure législative de la plus haute importance.
    Monsieur Burton, je tiens à vous remercier tout particulièrement de nous faire bénéficier de votre expertise. Je pense que sur la question de la Chine, nous aurions énormément de mal à trouver quelqu'un de plus compétent que vous au Canada.
    Vous avez mentionné votre travail touchant à l'Australie, mais j'aimerais vous demander de comparer le projet de loi C‑70 à d'autres instruments qui ont été adoptés par nos partenaires du Groupe des cinq pour lutter contre l'ingérence étrangère.
    Il y a une chose que je tiens à dire au sujet de l'approche agnostique en matière de pays. J'ai été invité par le Congrès américain à parler de la relation entre le Canada et la Chine, et j'ai mentionné que le projet de loi était envisagé. Les membres du Congrès ne se sont pas montrés très emballés par l'idée de la transparence en matière d'influence étrangère parce qu'ils sont eux aussi des étrangers au Canada. J'ai été un peu surpris.
    Selon moi, la grande différence par rapport à la Foreign Agents Registration Act des États-Unis a trait au niveau de ressources, à la mise en oeuvre et à l'efficacité. L'Australie a tardé à exiger des comptes à qui que ce soit. Je crois qu'elle vient de le faire pour la première fois alors que la loi est en vigueur depuis 2019. Quand elle est entrée en vigueur, Andrew Robb, qui a été ministre du Commerce et des Investissements, avait été chargé de conclure un accord de libre-échange entre la Chine et l'Australie. Nous n'avons pas vraiment été impressionnés par cet accord quand nous avons commencé à envisager un accord de libre-échange avec la Chine. Il a négocié un contrat de location de 99 ans pour le port de Darwin. Nous avons appris par la suite qu'Andrew Robb avait reçu près de 800 000 $ par année de la part d'un milliardaire chinois associé à la Conférence consultative politique du peuple chinois, le principal organisme du Département du Front uni du travail. Il a démissionné de ses fonctions consultatives juste avant l'entrée en vigueur du projet de loi. Nous avons vu d'autres Australiens agir de la même façon.
    Il se peut que des personnes fassent de même au Canada parce qu'elles préféreront ne pas être associées à la Chine. Je crois que M. Robb a laissé entendre qu'il a démissionné en raison des pressions politiques. Il n'existe aucune preuve qu'il a fait quoi que ce soit d'illégal ou de répréhensible.
    Je crois vraiment que l'enthousiasme avec lequel nous allons mettre la mesure législative en oeuvre va avoir un impact plus déterminant que la mesure elle-même. Par là, j'entends notre volonté de fournir les ressources nécessaires, y compris au commissaire chargé de l'ingérence étrangère, la nature de la réglementation qui sera appliquée, et j'imagine que la personne que le gouvernement nommera pour occuper ce poste par la voie d'un décret fera aussi une différence. C'est une chose d'édicter des lois, mais c'en est une autre de s'assurer qu'elles sont efficaces.
    Monsieur Kempa, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Le point que j'ajouterais relativement à la capacité de mise en œuvre concerne, comme j'en ai déjà parlé, l'importance absolue d'inclure dans le Code criminel des clarifications quant aux enjeux d'ingérence étrangère, ou de créer des infractions criminelles d'ingérence étrangère liées, par exemple, à la protection de l'infrastructure essentielle. Il faut aussi actualiser les définitions des infractions de sabotage et d'autres infractions. La question qui se posera ensuite sera simple. Si le SCRS et d'autres organismes sont habilités à recueillir des informations ou du renseignement pouvant guider une enquête criminelle, il faudra s'assurer que la GRC ou un autre service fédéral de maintien de l'ordre aura la capacité réelle de mener l'enquête qui permettra de rassembler les éléments de preuve nécessaires pour engager des poursuites criminelles.
    Il s'agit d'un premier pas nécessaire, mais pour le moment, la mise en œuvre serait assez difficile étant donné que la GRC n'a manifestement pas cette capacité.
    Merci.
    Je crois qu'il me reste deux ou trois minutes.
    M. Burton a parlé des ressources et de la réglementation. En fait, vous avez tous les deux parlé de ressources. La promulgation d'une loi est une chose, mais dans quelle mesure est‑il essentiel que le gouvernement investisse des ressources qui garantiront que la loi que nous allons adopter… Je crois que tous les partis se sont mis d'accord pour accélérer l'adoption du projet de loi. Nous reconnaissons que c'est une priorité. À quel point est‑il important de s'assurer que des ressources suffisantes seront consacrées à cette loi?
(1610)
    De toute évidence, les organismes de sécurité et la GRC doivent en faire une priorité, mais c'est très difficile sur le plan politique. Si quelqu'un est redevable de quoi que ce soit à l'État chinois, peu importe que ce soit en raison d'un acte commis en Chine ou parce qu'elle détient de l'information à son égard, c'est clair que cette personne ne va pas être ravie à l'idée que cela se sache.
    Quant aux organismes d'enquête — je pense que M. Kempa en sait davantage que moi à ce sujet —, voudront-ils intervenir dans un dossier qui sera controversé et s'exposer aux réactions de gens importants au gouvernement qui pourraient avoir besoin d'être guidés pour savoir s'ils travaillent ou non dans l'intérêt du Canada, ou s'ils se sont au contraire compromis dans l'intérêt d'un État étranger hostile? Ce ne sera pas chose facile et je pense que le commissaire aura un rôle très important à jouer.
    J'ai aussi des réserves quant au fait que la nomination se fera par décret et qu'il est prévu dans le projet de loi que le gouvernement pourra révoquer le commissaire en tout temps. Je ne connais pas suffisamment les mécanismes de l'appareil gouvernemental, mais je préférerais que le titulaire de ce poste jouisse d'un degré très élevé d'indépendance.
    Merci.
    Je crois que je n'ai plus de temps. Est‑ce qu'il me reste six secondes?
    Monsieur Kempa, souhaitez-vous ajouter quelque chose rapidement?
    Je souscris totalement au commentaire sur l'importance de l'indépendance accordée à cette fonction. On pourrait presque envisager une structure de gouvernance tripartite pour cet organisme, à l'image de celle vers laquelle se dirige tranquillement la GRC avec la création d'un conseil de gestion. Officiellement, on ne peut pas parler d'un organisme de surveillance, mais, éventuellement, il pourrait y avoir un mécanisme de surveillance civile de la GRC. Un modèle de ce genre pourrait convenir pour soustraire cette fonction à l'influence gouvernementale.
    Merci.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à M. Villemure pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Burton, vous avez parlé des gens qui sont recrutés, possiblement à leur insu. Pour certains, c'est au cours de leur carrière, et pour d'autres, c'est même après celle-ci. Certains ont employé l'expression « idiots utiles ».
    Est-il important, selon vous, que l'on établisse des balises pour l'après-mandat des titulaires de charge publique en leur interdisant, par exemple, toute activité auprès d'un pays étranger? Croyez-vous que cette mesure pourrait être utile et applicable?

[Traduction]

    J'ai moi-même formulé cette recommandation. Si une personne a travaillé au gouvernement, elle ne devrait pas avoir le droit d'accepter de l'argent d'une puissance étrangère après avoir pris sa retraite et intégré le secteur privé. Beaucoup de gens quittent Affaires mondiales dans la cinquantaine. Ils ont l'impression de ne pas avoir été rétribués suffisamment et ils veulent faire beaucoup d'argent. Certains des amis que j'avais durant mes années au service diplomatique ont quitté le gouvernement et travaillent dans des associations liées à la Chine.
    Le problème est que si le gouvernement chinois estime qu'une personne n'était pas sympathique à sa cause alors qu'elle occupait une charge publique, elle devient une indésirable pour nombre de cabinets d'avocats, d'entreprises et de conseils d'administration canadiens qui ne voudront pas l'engager par crainte de se mettre à dos les Chinois. Comme nous le savons, c'est quelque chose qu'ils n'hésitent pas à faire. Jenny Kwan, notamment, nous a expliqué qu'elle ne peut pas participer à des événements courants dans sa circonscription parce qu'elle n'est manifestement pas appréciée des Chinois, qui ne veulent pas de sa présence. Il faut donc voir la réalité en face: il est très difficile pour certaines personnes de ne pas faire preuve d'indulgence à l'égard de la Chine en public parce qu'elles pensent à leur avenir après leur retraite.
    Je ne dis pas que c'est quelque chose de planifié. Je pense plutôt que les gens, de manière inconsciente, pensent que c'est mieux de ne pas indisposer la Chine. Ce n'est pas comme si l'ambassadeur de Chine se présente au ministre canadien des Affaires étrangères et lui suggère de fermer les yeux sur les activités des agents du ministère de la Sécurité de l'État en sol canadien s'il veut bénéficier des largesses des Chinois une fois qu'il aura quitté ses fonctions. Ce n'est pas ce qui se passe. Les Chinois agissent de manière beaucoup plus subtile pour faire savoir aux intéressés qu'ils savent ce qui se passe. Il y a beaucoup trop d'exemples pour que ce soit pure coïncidence. Des personnes qui se sont montrées indulgentes à l'égard de la Chine, ou favorables à ses desseins — je pense à celles qui ont milité pour la libération immédiate de Meng Whanzhou, entre autres — font des affaires très lucratives en Chine après avoir quitté la fonction publique, même si elles n'avaient aucune expérience du domaine auparavant.
(1615)

[Français]

     Vous avez mentionné l'indépendance du commissaire. Or, le projet de loi laisse entendre que le commissaire est indépendant, qu'il peut réaliser les enquêtes selon son bon vouloir. Cependant, il doit rendre des comptes à Sécurité publique Canada et ne dispose pas d'un groupe de travail, comme l'a mentionné M. Kempa.
     Croyez-vous que l'indépendance du commissaire telle qu'elle est formulée actuellement dans le projet de loi est suffisante ou qu'on doit aller encore un peu plus loin pour assurer la transparence ainsi que la confiance du public?

[Traduction]

    Je souhaiterais qu'il ait plus d'indépendance. J'ai des réserves concernant la similarité évoquée avec le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Il n'est pas aisé pour une personne qui doit rendre des comptes au gouvernement de mener une enquête sur quelqu'un qui dans les faits est son patron.
    Toutefois, comme je l'ai dit… Je l'avoue, je ne sais pas vraiment quel mécanisme ou quelles possibilités pourraient permettre d'accroître son indépendance, mais je souhaiterais que le commissaire soit assez indépendant et que la disposition prévoyant sa révocation soit assortie d'un processus transparent et ouvert. C'est essentiel pour lui permettre d'aborder des sujets sensibles sans craindre une révocation et de mettre au jour des informations que le public canadien est en droit de connaître.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Kempa, j'aimerais vous poser la même question, celle qui porte sur l'indépendance du commissaire.

[Traduction]

    C'est tout à fait évident que pour quiconque est nommé à titre amovible par le ministre, il est loin d'être simple de diriger un organisme important de maintien de l'ordre ou de sécurité. Le problème ne vient pas d'un manque d'intégrité ou d'aptitude personnelle du commissaire de tenir tête au ministre. Le problème est simplement qu'il aura tendance, au fil du temps, à gérer en gardant un oeil vers le haut, comme on dit, pour anticiper les volontés et les désirs du ministre, qui parfois sont contraires à l'intérêt de l'organisme.
    La GRC est le meilleur exemple que nous ayons du fait que ce modèle est inadéquat. À défaut d'une structure tripartite, il pourrait y avoir au moins un mécanisme très transparent et très clair d'échange de l'information. En cas de révocation du commissaire pour des motifs discutables, le public en serait informé et serait probablement indigné par cette décision aberrante.

[Français]

    Selon le projet de loi, la nomination du commissaire doit être précédée de la consultation de certaines personnes. On avise les parties en question, mais on n'a pas besoin de leur accord formel pour nommer le commissaire. On ne fait que les informer d'une nomination.
    Estimez-vous que c'est suffisant?

[Traduction]

    Je préférerais que le processus soit plus rigoureux que celui qui est prévu. Je ne suis pas certain, mais, mis à part une structure tripartite comprenant un conseil consultatif — comme c'est le cas pour la nomination des chefs ou des commissaires des organismes policiers, sauf la GRC —, qui exige plus qu'un processus de nomination par un ministre de ce genre…

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Nous passons à M. McAllister, ou plutôt à M. MacGregor. Je suis désolé. Je devrais pourtant le savoir, depuis le temps…
    Vous avez six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les deux d'être ici et de nous guider dans cette étude d'un projet de loi d'une grande importance.
    Monsieur Kempa, je vais commencer avec vous.
    L'article 34 du projet de loi, qui énonce les nouvelles règles de communication du SCRS, présente clairement les conditions qui doivent être remplies, mais j'ai des questions sur la manière dont le Service va prendre des décisions concernant la communication de renseignements. Plus important encore, comment l'entité ou la personne destinataire devra-t-elle traiter les renseignements qui lui seront transmis? J'imagine qu'il y a aussi des questions concernant les attentes par rapport à ce que cette personne sera censée faire. Je sais qu'il existe des mesures de protection liées aux renseignements personnels, mais qu'est‑ce qu'un organisme sera censé faire après que le Service l'aura informé des doutes soulevés par un de ses employés?
    Que pouvez-vous nous dire à ce sujet pour guider nos travaux? Cet article devrait‑il être amendé ou, comme vous l'avez évoqué, vaudrait‑il mieux donner des précisions quant aux pouvoirs de réglementation?
    Je ne crois pas qu'il serait possible de donner une liste plus précise des exigences exactes que doit suivre le SCRS pour communiquer chaque type de renseignement, classé par degré de fiabilité, à chacun des organismes civils publics ou privés qui existent. Je crois qu'il faudra le faire par voie réglementaire, et donner des orientations au SCRS plutôt que de lui imposer une liste contraignante.
    Selon la nature des renseignements, une entité comme une université ou une société pourrait probablement affecter un employé ou un bureau à leur réception. En contrepartie de sa collaboration avec le SCRS, l'organisme pourrait être tenu de soumettre un plan de gestion de l'information afin de devenir un partenaire officiel.
(1620)
    Je commencerai par dire que c'est une bonne idée de permettre la communication de ces informations. Par contre, cela soulève d'autres questions. Il est primordial que ce soit fait correctement. Les résultats de la communication devront être utiles et l'incidence réelle devra être positive. Il faut absolument éviter d'ajouter d'autres complications par mégarde.
    Plus loin dans le projet de loi, des modifications assez importantes sont proposées à la Loi sur la protection de l'information, à l'article 53 plus exactement, qui tient à peu près sur cinq pages. L'article 24 de l'actuelle Loi sur la protection de l'information dispose qu'il « ne peut être engagé de poursuites pour infraction à la présente loi sans le consentement du procureur général ». Toutefois, l'article 53 du projet de loi à l'étude comporte une disposition intitulée « Ingérence dans les affaires politiques pour une entité étrangère ». Puisque le procureur général est une personne qui a été élue à la Chambre des communes et qui a par la suite été nommée au Cabinet, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec cette disposition qui exige le consentement du procureur général.
    Ne serait‑il pas plus approprié d'exiger le consentement du titulaire d'un poste plus permanent au sein de la fonction publique, qui n'est pas élu et qui ne sera pas influencé par les événements politiques. Avez-vous une opinion à ce sujet?
    Dans ce cas précis, c'est la pratique courante de s'en remettre au procureur général, mais je comprends vos réserves. Si un certain degré de transparence ou de responsabilité est prévu et que, par conséquent, il existe une forme de recours si jamais une décision aberrante est prise, il serait peut-être préférable de confier ce rôle à un professionnel de la fonction publique, par exemple.
    Merci de cette réponse.
    Monsieur Burton, mes questions suivantes seront pour vous étant donné que, comme vous l'avez précisé, une grande partie de vos observations ont porté sur la partie 4 du projet de loi. Durant notre première réunion, j'ai posé des questions concernant la définition du terme « arrangement ». Selon cette définition, l'arrangement peut être établi « sous l'autorité d'un commettant étranger ou en association avec lui ». Ce sont deux choses très différentes. Quand une personne agit « sous l'autorité » d'une autre, il existe un rapport hiérarchique évident, et probablement un lien d'emploi. Dans ce cas, une personne donne des ordres à quelqu'un qui les exécute, tandis qu'une formule comme « en association avec un commettant étranger » prête beaucoup plus à interprétation.
    Les universités font souvent le lien entre le monde de la politique et celui de l'éducation, mais elles échangent aussi des connaissances avec des entités étrangères. Existe-t‑il un risque que les universités ne soient pas réceptives à l'obligation d'enregistrer toute l'information qui circule librement entre les pays? Anticipez-vous des risques dont le Comité devrait se préoccuper?
    C'est très inquiétant. Bien évidemment, les universités ont pour mission de créer et de diffuser des connaissances. Leur mission n'est pas de protéger la sécurité nationale de notre pays, et elles sont mondialisées. Au nom de la liberté universitaire, il est difficile pour nous d'interdire telle ou telle chose aux universités. En revanche, on ne peut pas ignorer le fait troublant que des scientifiques d'origine chinoise qui sont venus au Canada ont bien entendu de larges réseaux en Chine. Seront-ils incapables d'obtenir des subventions de recherche en raison de ces doutes?
    Je ne vois pas comment nous pourrons résoudre cette équation sans procéder tout d'abord à un examen très attentif des liens entre les universités et l'État. Je crois que nos partenaires du Groupe des cinq nous perçoivent comme un maillon faible pour ce qui concerne la protection des technologies à double usage et la recherche sensible. Le fiasco du laboratoire de Winnipeg n'a pas aidé à ce que nos partenaires se sentent en confiance d'échanger de l'information avec nous.
    C'est quelque chose qui m'inquiète, et je suis d'accord avec vous. J'ai examiné ce passage et je ne comprends pas vraiment ce que ces mots signifient.
(1625)
    Merci, monsieur MacGregor.
    Nous allons entamer le deuxième tour de questions. Monsieur Shipley, à vous l'honneur. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    J'aimerais adresser mes premières questions à M. Kempa.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que le projet de loi C‑70 offrait une bonne plateforme, ou une bonne base de départ. J'ai essayé de noter rapidement ce que vous avez dit à ce sujet. Vous avez affirmé que la capacité d'enquête de la GRC est nettement insuffisante et qu'il faut la renforcer, sans quoi le projet de loi ne pourra pas être vraiment efficace. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que vous entendez par là. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet, si vous le voulez bien.
    Volontiers. Je pense que ce que j'ai voulu dire, c'est que l'obligation de procéder à un examen de la loi tous les cinq ans va nous permettre de tirer profit de certaines leçons concernant la manière dont chaque organisme s'en sera tiré dans la pratique. Le mandat de certains organismes est appelé à changer considérablement et nous allons pouvoir évaluer dans quelle mesure ils auront pu appliquer ou mettre en oeuvre les dispositions qui sont proposées.
    Dans les années 1980, la Loi sur les mesures d'urgence, la Loi sur la GRC et la Loi sur le SCRS ont été rédigées en quelques années et chacune comporte des renvois aux deux autres. Il est clair que le SCRS a été créé pour assumer les responsabilités liées à la sécurité nationale et au renseignement qui incombaient auparavant à la GRC.
    Compte tenu du débat autour de la capacité de la GRC de remplir son mandat en matière de police fédérale, dont font partie les enquêtes touchant la sécurité nationale, ce serait formidable de permettre au SCRS de communiquer plus efficacement des informations ou des renseignements de sécurité à la GRC. Toutefois, si la GRC n'est pas en mesure de les exploiter, ce sera très difficile. Le débat se poursuit sur l'avenir de la GRC. Va‑t-elle maintenir les services de police contractuels et, le cas échéant, dans quelle mesure? Va‑t-elle être scindée en deux organismes, dont un sera responsable surtout des services de police fédérale? Nous n'avons pas les réponses maintenant, et nous ne les aurons pas non plus dans un an.
    Ce qui est proposé maintenant et la manière dont la GRC va s'acquitter de ses nouvelles responsabilités eu égard aux informations transmises par le SCRS pourraient servir de base à la réflexion autour de la Loi sur la GRC dans cinq ans ou à l'examen de la Loi sur le SCRS, dans cinq ans également. Ce qui adviendra de la GRC, mais aussi de l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres partenaires pourrait éventuellement être pris en compte. Ce qui est proposé va servir de base d'apprentissage sur ce qui fonctionne bien ou moins bien en vue de l'examen qui sera réalisé dans cinq ans.
    Merci. J'espère qu'une grande partie fonctionnera bien, et non l'inverse.
    Monsieur Burton, j'avais plusieurs questions précises sur le projet de loi C‑70, mais vous avez dit plusieurs choses qui vont me chicoter longtemps si je ne vous demande par des clarifications maintenant.
    Vous avez parlé de certains de vos collègues qui ont quitté leur poste et sont allés travailler pour d'autres entités. Vous avez mentionné expressément la Chine. Pouvez-vous me donner des exemples? Qu'entendez-vous par là au juste?
    Certains organismes ont pour mission de promouvoir des intérêts pour stimuler les échanges entre le Canada et la Chine. C'est le cas notamment du Conseil commercial Canada-Chine, de la Fondation Asie Pacifique et de l'Institut de la Chine de l'Université de l'Alberta. Tous ces organismes sont subventionnés, par des sources chinoises pour certains. L'Institut de la Chine a de fait reçu un financement de soutien de 10 ans d'un milliardaire chinois qui est vice-président de la Conférence consultative politique du peuple chinois. L'Université de l'Alberta refuse de divulguer la valeur de ce financement ou les modalités de l'entente, mais il y a fort à parier qu'elle sera résiliée si jamais l'Institut de la Chine publie un rapport favorable à ce projet de loi.
    Les rapports et les interactions complexes entre certains membres du gouvernement et ces organismes m'inquiètent. Je pense entre autres au sénateur Woo, qui a été associé à la Fondation Asie Pacifique pendant une assez longue période et qui continue d'appuyer ses objectifs au Canada. Je pourrais aussi nommer au moins trois ambassadeurs qui ont maintenant des activités commerciales en Chine. Je pense pouvoir parler sans faire trop de tort de la très haute estime accordée par la Chine à John McCallum puisque les Chinois l'ont dit textuellement. Je crois même qu'ils l'ont qualifié de « fils de la Chine ». Les liens que d'autres personnes entretiennent avec la Chine me dérangent tout autant. Des ministres sont impliqués dans des dossiers liés à la Chine et je me demande comment ils agissaient quand ils étaient titulaires d'une charge publique.
    Comme la fonction de commissaire n'existe pas encore, tout cela n'est que spéculations. Je ne condamne personne. Si quelqu'un a commis des actes illicites, notre GRC s'en occuperait. Tout ce que je peux dire, c'est que la Chine semble avoir énormément d'influence dans notre pays et que c'est ce qui a motivé l'établissement d'une commission. Il faut éradiquer le problème.
    Ce projet de loi jouera un rôle très important pour mettre notre sécurité et notre souveraineté à l'abri des menaces étrangères.
(1630)
    Merci, monsieur Shipley.
    Monsieur MacDonald, c'est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Burton, j'aimerais revenir sur la transparence, un thème que vous avez abordé dans votre allocution et qui peut concerner autant les gouvernements étrangers que les particuliers. Y a‑t‑il des lacunes ou des façons de renforcer l'exigence de transparence dans le projet de loi C‑70, ou pensez-vous que la version actuelle est adéquate?
    Manifestement, parmi ceux qui prétendent être des organismes civils, un bon nombre relève du Département du travail du Front uni du Parti communiste chinois, comme nous l'avons appris par suite de la fuite de certains documents du SCRS. Nous savons que certains dirigeants, une centaine environ, ont été approuvés par l'ambassade chinoise. On peut penser que ces organismes ont pour mandat, du moins en partie, de servir les desseins de la Chine. Leur adresse est souvent la même que celle des soi-disant postes de police chinois qui nous inquiètent et par l'entremise desquels le gouvernement chinois mène à distance des activités qui impliquent probablement une forme d'influence ou d'espionnage.
    Je pense que la transparence doit être accrue dans ce domaine. Le commissaire pourra fournir ce genre d'information pour que les gens puissent savoir s'ils sont associés à un organisme qui, en plus de sa mission sociale, sert les intérêts d'un État étranger ou signe des pétitions dans les journaux pour appuyer la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, réclamer la libération immédiate de Meng Wanzhou ou une autre cause que le gouvernement chinois considère comme juste alors que la plupart des Canadiens estiment qu'elle est contraire aux intérêts du Canada.
    Cela dit, je crois au droit de faire des choix politiques et que si un citoyen canadien choisit de soutenir les intérêts de la Chine au Canada, c'est son droit.
    La vraie question est celle de savoir si ces organismes reçoivent du financement ou du soutien d'une puissance étrangère. Les publications sur le Web durant les campagnes électorales… Il est tout à fait légitime pour un gouvernement de diffuser des vidéos de politiciens qui tiennent des propos qu'ils regrettent ensuite ou qui agissent de manière embarrassante. Toutefois, si ces vidéos sont financées et soutenues par une puissance étrangère, ce n'est pas le même niveau de participation à notre processus démocratique.
    Je crois qu'avec l'intelligence artificielle, c'est quelque chose que nous voyons très fréquemment maintenant.
    Effectivement.
    Vous avez aussi parlé brièvement des personnes concernées par cela. Si quelqu'un est compromis à son insu, quelle devrait être la procédure? Quelle procédure administrative ou d'enquête devrait s'appliquer? Autrement dit, comment ces personnes sont-elles prévenues du risque de se retrouver dans une situation compromettante en raison de leur lieu de travail ou pour toute autre raison? Quelle est la procédure actuelle?
    Comment procède‑t‑on au Royaume-Uni pour empêcher que des personnes soient compromises de la sorte, très probablement sans même savoir qu'elles sont sous l'influence d'acteurs étatiques étrangers?
    Le Royaume-Uni a mis au jour les activités de financement de candidats politiques d'un tel individu et a diffusé un avertissement à tous les députés. Des membres du personnel de bureaux parlementaires ont aussi été soupçonnés d'être soumis à l'influence de la Chine. Des actions en justice ont été engagées dans ces affaires.
    Nous avons vu dans certains documents du SCRS qu'il estime que des employés de notre Parlement et certains parlementaires seraient sous l'influence d'une puissance étrangère. Il se peut que ces personnes ne saisissent pas tout à fait de quoi il retourne.
    Quand il y aura une procédure établie et un commissaire en place, il pourra certainement ériger des limites claires quant à la collaboration avec une puissance étrangère hostile. Le commissaire pourra également faire savoir aux patrons des personnes impliquées qu'elles sont susceptibles de divulguer de l'information qu'ils aimeraient mieux ne jamais fournir à une puissance étrangère.
(1635)
    Combien me reste‑t‑il de temps, monsieur le président? Il me reste 16 secondes.
    J'aimerais revenir rapidement à M. Kempa pour parler du mandat actuel du SCRS comparativement à celui qu'il aura et devrait avoir après l'adoption du projet de loi.
    Très brièvement, pouvez-vous nous dire si cela concerne seulement les ressources ou la collaboration étroite avec la GRC?
    Essentiellement, son rôle passera de celui d'une entité au service du gouvernement à celui d'une agence de renseignement qui communiquera de l'information à divers partenaires. C'est un rôle qui sera foncièrement différent. La capacité sera certes un enjeu, mais c'est aussi un rôle qui exigera un changement de la culture organisationnelle.
    N'est‑ce pas ce qui se passe actuellement?
    Oui, tout à fait. En quelque sorte, le projet de loi va dans la même direction que celle qui a été annoncée publiquement par le SCRS, qui veut s'engager…
    Merci, monsieur MacDonald.
    Est‑ce que je dois m'arrêter ici? Je suis désolé.
    Vous pouvez conclure très rapidement.
    Je préfère attendre une autre question pour aller plus loin sur ce point.
    Nous sommes ici pour entendre vos réponses, pas nos questions.

[Français]

     Monsieur Villemure, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Puisque je n'ai que deux minutes et demie, je vais vous poser la même question aux deux témoins et leur demander de donner de courtes réponses.
    Monsieur Burton, dans sa forme actuelle, le registre aurait-il pu éviter ce qui s'est produit au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg?

[Traduction]

    Si un registre avait révélé que des responsables de ce laboratoire semblaient agir sous l'influence de la Chine, ce serait déjà bien. Nous ne comprenons vraiment pas qui a pu autoriser des chercheurs et des étudiants membres de l'Armée populaire de libération à travailler dans ce laboratoire. Je ne veux pas entrer dans des considérations politiques mais, à ce jour, personne n'a eu à rendre de comptes concernant ce qui s'est passé.
    Je ne comprends pas non plus comment deux scientifiques — qui, selon le ministre, font toujours l'objet d'une enquête de la GRC — ont pu quitter le pays pour se rendre en Chine et continuer de travailler dans des secteurs sensibles sous de nouveaux noms.

[Français]

     Ça aussi, c'est intéressant.

[Traduction]

    Je ne vois absolument pas comment cette situation a été possible, et les répercussions sur notre réputation auprès des autres pays m'inquiètent énormément. Bien évidemment, je suis tout aussi inquiet par rapport aux dommages d'un transfert de technologies à l'État chinois parce que nous n'avons aucune assurance qu'elles sont utilisées à des fins louables de santé publique.

[Français]

     Qu'en pensez-vous, monsieur Kempa?

[Traduction]

    Je vais seulement ajouter que le principal intérêt d'un bureau du registraire — qui fournit, pour l'essentiel, une cartographie des organismes ou des réseaux qui exercent une influence légitime — est qu'il offrira au SCRS, aux services policiers et à d'autres organismes d'enquête un point de départ pour mettre au jour certains réseaux plus occultes qui pourraient se trouver derrière ceux qui sont cartographiés. Très souvent, c'est le point de départ d'une enquête ou d'une opération de collecte de renseignements parce qu'ils savent un peu mieux qui interroger en premier pour rassembler de l'information.

[Français]

     Croyez-vous que les scientifiques auraient été inscrits au registre?

[Traduction]

    Non, pas pour leurs objectifs clandestins, mais ce que je dis, c'est que peut-être un autre organisme, comme un bureau d'université ou autre qui aurait été lié de quelque façon que ce soit à l'échange de données de laboratoire entre le Canada et la Chine, aurait été un organisme auquel le SCRS, ou un service de police, aurait pu poser des questions pour démarrer une enquête plus tôt.

[Français]

     D'accord.
    Plus tôt, vous avez mentionné qu'il faudrait réviser la loi tous les cinq ans. La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs ont de telles obligations, mais elles n'ont pas été révisées depuis 1983 ou 1984.
    Comment peut-on s'assurer que cette révision serait bel et bien faite?
(1640)

[Traduction]

    Encore une fois, je ne pense pas que cela puisse être précisé dans une loi. Je pense simplement que c'est pour la définition de protocoles en commençant par prendre note de pratiques exemplaires que nous pouvons officialiser dans les manuels de travail de ces organisations au fil du temps.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Kempa.
    Merci, messieurs.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. McGregor.
    Je dirai pour ma défense que j'ai travaillé pour un type qui s'appelait McAllister.
    Vous disposez de deux minutes et demie. Je vous en prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Peut-être qu'un jour, j'aurai pour pseudonyme Gregor McAllister, ce qui sèmerait une confusion générale.
    Monsieur Kempa, il m'a semblé, en parcourant le projet de loi, que tout semblait couler de source et avoir un sens pour ce qui est du titre et de l'objectif visé. Cependant, la section qui me paraît placée à un drôle d'endroit est celle des modifications au Code criminel. Je parle plus particulièrement des articles 60 et 61. Il y a une mise à jour de l'article du Code criminel intitulé « Sabotage ». Je constate que le gouvernement a rédigé le projet de loi de manière à y insérer deux articles qui précisent qu'il ne s'agit pas d'une infraction si l'acte est commis en prenant part « à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d’un désaccord ».
    Vous avez examiné ces modifications au Code criminel et je me demande ce que vous en pensez. Êtes-vous convaincu que ce soient de bonnes dispositions?
    Évidemment, la principale préoccupation est que ces pouvoirs puissent être utilisés pour contrôler des manifestations intérieures légitimes ou pour intenter des poursuites contre des manifestants. Il est question, au fond, de perturbations visant des infrastructures essentielles. Je penserai que la disposition selon laquelle la protestation doit être nettement motivée ou influencée ou causée par une ingérence étrangère constitue le mécanisme de soupape de sécurité. Je suis d'avis que le libellé pourrait peut-être être renforcé — en précisant que l'action contre des infrastructures essentielles doit être motivée par le fait d'être au service d'une entité étrangère.
    Je vous remercie.
    Très rapidement, vous avez entendu ce qui me préoccupe dans la définition du terme « arrangement » à la partie 4 du projet de loi sur la nouvelle Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère. À propos du terme « association », que pensez-vous de l'emploi de « en association »? Est‑il tout à fait clair pour vous ou pensez-vous que le Comité doit travailler dessus?
    C'est un terme sur lequel je pense qu'il faut travailler. Il est très général et la plupart des critiques en matière de libertés civiles se concentrent justement sur cette terminologie.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Nous passons à M. Kurek pour cinq minutes. Vous avez la parole.
    Je vous remercie, et je remercie les témoins. Je leur sais gré de leurs observations.
    Je commencerai par M. Burton, puis je passerai à M. Kempa.
    Vous avez parlé de la tension qui doit exister parce que le fait que quelqu'un ait des opinions n'est pas nécessairement le problème, mais que cela le devient en cas d'influence d'un État étranger dans ce processus. Comment pouvons-nous résoudre la quadrature du cercle, si je puis dire, afin d'être certains de pouvoir disposer d'un cadre qui nous permette de protéger notre infrastructure démocratique, notre infrastructure de recherche, etc., tout en protégeant les droits et libertés des Canadiens. Il y a là une tension, et nous devons veiller à bien faire les choses. Qu'en pensez-vous et que proposeriez-vous en particulier en ce qui concerne la forme que cela devrait prendre dans le projet de loi, étant donné, surtout, le délai très serré pour proposer des amendements?
    Je commencerai par M. Burton.
    Je pense assurément qu'il est important que les citoyens canadiens servent les objectifs du Canada et n'aient pas de loyauté résiduelle envers un pays dont eux-mêmes ou leurs ancêtres sont originaires.
    J'estime qu'il nous incombe de faire preuve de beaucoup plus de transparence sur ces questions.
    Dans l'affaire du laboratoire de Winnipeg, je suppose que le problème était que la professeure Qiu bénéficiait de prestations chinoises dans le cadre du Programme des mille talents et d'autres arrangements conclus avec l'Institut de virologie de Wuhan, ce dont elle ne parlait pas ouvertement.
    Pour ce qui est de l'affaire Kenny Chiu, par exemple, je pense que le principal problème était que nous n'arrivions pas à savoir d'où venait l'information diffusée sur WeChat et sur d'autres sites Web chinois. S'agissait‑il de préférences politiques intérieures ou de quelque chose venant de Pékin? Nous n'avons pas pu faire la lumière sur les sources. Toute l'information était publiée sous des noms de plume et sur des sites Web que nous ne pouvions associer à aucune institution existante, ce qui est bien sûr suspect en soi. Or, je pense que nous devons en connaître la provenance.
    Par ailleurs, nous n'en avons pas parlé, mais le projet de loi ne vise pas à empêcher les gens de bénéficier d'avantages de la part d'un État étranger, mais à les obliger à faire preuve de transparence à ce sujet. Ce serait un choix des Canadiens. Je reçois des fonds de différents gouvernements étrangers qui ont fait appel à mes services de conseil. Je suis ravi de le rendre public, si on me le demande.
(1645)
    Je m'en réjouis.
    Monsieur Kempa, vous avez la parole. Soyez bref.
    Je parlerai rapidement de l'accent mis constamment sur le terme « clandestin » dans le projet de loi, de sorte qu'il ne s'agit pas du tout de la question de l'influence. Un citoyen canadien est démocratiquement autorisé à promouvoir ouvertement les intérêts d'un autre État. Le hic, c'est la clandestinité et l'important, c'est la divulgation de tout intérêt.
    Il y a une comparaison avec la Loi sur l'éthique. Mes concitoyens me parlent souvent, et ils sont agacés. Je siège aussi au comité de l'éthique et il a eu à examiner cette question. Cet élément de transparence est essentiel pour s'assurer que les Canadiens en sont informés. S'ils en sont informés, ils peuvent prendre des décisions en conséquence.
    Quel devrait être le mécanisme de transparence? Devrait‑il y avoir des bulletins ou suffit‑il de figurer sur une liste? Suffit‑il de s'assurer qu'il y a une coordination entre les différentes autorités chargées de l'application de la loi? Quel est le bon degré de transparence? Faut‑il en faire plus ou est‑ce que ce que propose le projet de loi va assez loin?
    J'ai une dernière petite question, s'il me reste du temps.
    Je pense que le projet de loi est bon. Comme je l'ai déjà dit, selon moi, c'est la réglementation qui sera fondamentale. Beaucoup de choses encore ne sont pas bien expliquées, y compris, comme vous l'avez dit, comment nous définissons ces termes et si nous devons ou pas avoir des termes qui sont très clairs dans ces choses.
    J'estime, pour ma part, en ce qui concerne le fait de recevoir des avantages de l'étranger, qu'aucune confidentialité ne devrait être autorisée et qu'il faut se montrer totalement transparent au sujet des conflits d'intérêts créés par des fonds étrangers. À mon avis, si les gens ont le sentiment que cela porte atteinte à leur vie privée, la solution est simple: n'acceptez pas de fonds étrangers et vous n'aurez pas à en parler.
    Excellente idée.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Kempa?
    Un rapport annuel du bureau du registraire, qui serait repris par les médias et autres, serait très utile.
    Je comprends.
    Monsieur Burton...
    Je vous remercie, monsieur Kurek.
    Mon temps de parole est‑il écoulé? D'accord.
    Nous passons à Mme Dzerowicz pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les deux de vos excellentes contributions jusqu'à présent.
    Je ne siège pas à ce comité habituellement et je me sens très privilégiée d'y être accueillie.
    Je suis notamment présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN. Je me trouve souvent à l'étranger avec des parlementaires d'autres pays de l'OTAN. Nous parlons souvent de l'ingérence étrangère, de la cybersécurité et de la désinformation. Nous nous demandons, entre autres, si nos services nationaux de sécurité et de renseignement peuvent se montrer transparents au sujet des attaques qui surviennent et qu'ils arrêtent. Par exemple, à propos de la désinformation, c'est souvent une façon de faire savoir à la population qu'il s'est passé quelque chose qui a été arrêté.
    Je commencerai par vous, monsieur Kempa, puis je passerai à M. Burton, s'il souhaite ajouter quelque chose. Pensez-vous que le cadre voulu soit en place pour permettre au Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, de se montrer transparent avec les Canadiens?
    À l'heure actuelle et avec ce projet de loi, le SCRS peut rendre compte en toute transparence, en somme, des succès remportés dans la lutte contre les campagnes de désinformation. La seule chose que je dirai, c'est qu'évidemment, il ne révélera pas de détails qui permettraient à d'autres entités de savoir ce dont il est capable ou comment il a réussi, car ces entités changeraient alors simplement de tactique et ainsi de suite.
    Toutefois, il n'y a aucune raison que le SCRS ne puisse pas le faire en termes généraux dans le cadre de la culture qui prend forme au sein de l'organisme pour ce qui est d'informer le public et de produire des rapports.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Burton?
    Oui, je l'ai déjà mentionné au Parlement. En comparaison de l'Australie, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, nos services de sécurité se montraient beaucoup moins ouverts sur ce qui se passait, et ce assez récemment encore,. M. Vigneault a déclaré à l'ancienne commission que le SCRS avait pour but d'avoir des secrets. Je le comprends, mais je pense qu'une sorte de culte du secret va peut-être trop loin. Si d'autres pays sont capables de se montrer plus ouverts et de fournir plus d'information sur l'ingérence étrangère et les activités d'influence dans leurs demandes introductives d'instance dans des actions en justice et ainsi de suite, le Canada pourrait commencer à faire de même.
    Je cède la parole à M. Kempa à ce sujet, mais il semble y avoir un problème de culture au sein de nos services de sécurité. Ils se montrent beaucoup plus réticents que d'autres pays à informer les Canadiens et le Parlement de ce qu'ils font.
(1650)
    Eh bien, il me semble qu'il y a d'excellents témoignages aujourd'hui sur la nécessité d'un changement de culture, pas seulement à cause du projet de loi C‑70, mais aussi à cause du monde dans lequel nous vivons et des menaces qui planent sur nous.
    Monsieur Kempa, dans plusieurs articles récents, vous parlez du grave problème que représente l'ingérence étrangère, en particulier dans les nominations locales. Bien entendu, un gouvernement minoritaire est actuellement en place. De nombreuses nominations sont en cours et continueront de l'être.
     Selon vous, dans quelle mesure le projet de loi C‑70 protégera‑t‑il la légitimité des nominations à venir en vue des prochaines élections?
    Le projet de loi aide directement, en ceci que le SCRS sera en mesure de communiquer des renseignements, évidemment, à tous les partis politiques plus rapidement, et aussi de travailler en partenariat, par exemple, avec Élections Canada. Bien sûr, Élections Canada ne réglemente pas la plupart des détails des procédures de nomination, mais en tout cas, il réglemente, par exemple, le financement des nominations. Ce sera certainement un grand pas en avant.
    L'autre problème en ce qui concerne la perméabilité des nominations non réglementées et l'ingérence étrangère est lié à la Loi électorale du Canada et au fait que les partis suivent des règles privées pour les nominations, sauf en matière de financement. Ce projet de loi marque un pas dans la bonne direction à cet égard.
    Je vous remercie.
    Ma dernière question est pour M. Burton.
    Dans ma propre circonscription, des concitoyens sont venus me trouver à mon bureau pour me dire qu'ils sont persuadés d'être surveillés par le gouvernement chinois. Je peux seulement leur dire d'aller voir la police locale. Il semble qu'il existe quelque part une division qui les aide.
    Voici donc ma question. C'est peut-être prévu par les protocoles et les règlements, mais existe‑t‑il un cadre suffisant, notamment en ce qui concerne le commissaire, pour agir lorsqu'un citoyen se sent surveillé? Y a‑t‑il un service auquel il peut s'adresser pour qu'on l'aide?
    Oui, il me semble que les parlementaires en ont aussi parlé à l'Alliance interparlementaire sur la Chine, l'IPAC.
    J'ai reçu du SCRS des renseignements officieux à ce sujet. Je n'étais pas au courant. Pour une raison quelconque, cela ne semble pas être dans ses habitudes. Cependant, il m'a contacté à ce sujet et je lui en suis reconnaissant. Je ne sais pas ce qu'il en est. Je ne pense pas être en mesure de défier de jeunes pirates informatiques compétents de Shanghai qui cherchent à intercepter mes courriels et mes conversations téléphoniques, mais je fais de mon mieux pour crypter mes données et pour me montrer plus prudent.
    Je ne vois pas pourquoi le SCRS ne peut pas vous dire s'ils soupçonnent ce type d'activités. Il ne m'a pas dit de qui il s'agissait ou pourquoi on cherchait à me pirater. Il m'a seulement dit quand cela a commencé. J'ai pris cette information en compte et fait de mon mieux pour me renseigner sur les moyens d'être plus prudent dans mes cybercommunications.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Dzerowicz.
    Je vous remercie, messieurs, de votre témoignage aujourd'hui. Il est fort utile. Il nous aidera beaucoup à avancer dans ce projet de loi.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes et accueillir le prochain groupe de témoins.
    Je vous remercie.
(1650)

(1700)
    La séance reprend.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins de la deuxième heure.
    Nous accueillons Sherap Therchin, directeur général du Comité Canada Tibet; Mehmet Tohti, directeur exécutif du Projet de défense des droits des Ouïghours; et Balpreet Singh, conseiller juridique de l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, qui est des nôtres par vidéoconférence.
    J'invite à présent M. Therchin à présenter ses observations préliminaires. Vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je suis très reconnaissant de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui au sujet de la question importante de la lutte contre l'ingérence étrangère. Je souhaite remercier toutes les personnes grâce à qui cette question est prise au sérieux. Je les remercie aussi du processus détaillé mis en place pour définir des mesures de lutte contre ce fléau.
     Mes observations porteront essentiellement sur la partie 1 du projet de loi C‑70 et je ferai référence à l'examen du projet de loi par Sarah Teich et Hannah Taylor. Elles trouvent nombre des modifications proposées encourageantes, mais elles attirent l'attention sur une limite, qui est que le projet de loi C‑70 ne propose d'ajouter de définition du terme « répression transnationale » à aucune des lois qu'il vise à modifier ou à faire adopter.
    Or, il est essentiel de définir ce qu'est la répression transnationale pour reconnaître et contrer les méthodes mêmes utilisées par des États étrangers pour réduire la dissidence au silence dans les communautés de la diaspora. Cette répression peut prendre différentes formes, dont le harcèlement, la surveillance, les menaces, la coercition et la violence physique. Les États autoritaires, comme la République populaire de Chine, recourent couramment à ces méthodes pour bâillonner la dissidence et l'opposition par delà leurs frontières.
    La répression transnationale à laquelle se livre la RPC est un phénomène bien connu dont plusieurs groupes sont victimes, dont la diaspora tibétaine. Le Parti communiste chinois, le PCC, emploie différentes méthodes pour contenir et réprimer le militantisme et l'identité tibétaine dans le monde entier.
    Je vais décrire quelques-unes des principales méthodes employées.
    La surveillance et l'intimidation en font partie. Le PCC recueille des données personnelles sur les Tibétains exilés au moyen de cyberattaques et de logiciels espions, et en interrogeant des membres de leur famille au Tibet. Ces données sont utilisées pour intimider et faire plier les Tibétains à l'étranger, souvent par des menaces directes ou en faisant du mal à leur famille restée au pays.
    Ensuite, il y a la coercition par procuration. Souvent, les autorités chinoises menacent les proches des Tibétains exilés restés au Tibet ou leur font du mal afin d'exercer un contrôle sur la diaspora. Cette méthode permet de réduire au silence les militants exilés ou de les contraindre à se conformer aux exigences du PCC, par crainte de représailles contre leurs proches.
    Puis il y a l'infiltration et la désinformation. Le PCC infiltre les communautés et les organisations de la diaspora tibétaine, en utilisant des espions et des personnes cooptées pour semer la méfiance, répandre de fausses informations et saper les réseaux de solidarité. Ces activités nuisent gravement à la capacité de la communauté de s'organiser et de défendre les droits des Tibétains.
    Enfin, il y a la coercition économique et sociale. Les exilés tibétains subissent souvent des pressions économiques et sociales de la part du PCC, notamment des chantages et des tentatives de sabotage de leurs moyens de subsistance. Ces tactiques visent à déstabiliser la diaspora et à réduire sa capacité de soutenir la cause tibétaine.
    Il est nécessaire d'inscrire une définition claire dans le projet de loi C‑70. En inscrivant dans le projet de loi C‑70 une définition de la répression transnationale, le Canada pourra lutter plus efficacement contre l'ingérence étrangère. Cette définition fournira une base juridique pour repérer et poursuivre les activités de répression transnationale et, ainsi, protéger les communautés de la diaspora contre le harcèlement et la coercition auxquels se livrent des États étrangers.
     Sur ce, je formulerai quelques recommandations au sujet du projet de loi C‑70.
    La première recommandation est de définir le terme « répression transnationale ». Incluez dans le texte une définition complète de la répression transnationale comprenant toutes les formes de coercition et de contrôle extraterritoriaux utilisées par des États étrangers contre les communautés de la diaspora.
    La deuxième recommandation est de renforcer les mécanismes de surveillance et de poursuite. Renforcez les dispositions de la Loi sur le SCRS et du Code criminel afin de permettre une surveillance rigoureuse et des poursuites contre les activités de répression transnationale, en veillant à ce que leurs auteurs répondent de leurs actes.
    La troisième recommandation est de soutenir les victimes et les communautés. Mettez en place des mécanismes, y compris des fonds spécialisés, pour soutenir et protéger les communautés de la diaspora, et fournir des ressources et une assistance aux personnes visées par la répression transnationale.
    Enfin, la quatrième recommandation concerne la coopération internationale. Encouragez la collaboration internationale pour lutter contre la répression transnationale, en travaillant avec des alliés pour élaborer des réponses coordonnées et faire part de pratiques exemplaires.
(1705)
     En conclusion, il est essentiel pour contrer les manœuvres de la RPC contre la diaspora tibétaines et d'autres communautés concernées de définir dans le projet de loi C‑70 ce que l'on entend par répression transnationale. En reconnaissant et en contrant ces activités, le Canada peut mieux protéger les droits et libertés de tous ses résidents et garantir un environnement sûr et favorable aux personnes qui fuient l'oppression d'un régime autoritaire.
    Je vous remercie.
(1710)
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Tohti, qui dispose de cinq minutes pour présenter ses observations préliminaires.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je tiens à vous remercier de me donner cette occasion de parler aujourd'hui de la question essentielle et pressante au sujet de laquelle nous militons depuis des décennies pratiquement. Je veux parler de la lutte contre l'ingérence étrangère. En tant que fervent défenseur du peuple ouïghour et de la lutte contre le génocide commis actuellement par le Parti communiste chinois, je peux dire que l'ingérence étrangère à laquelle se livre l'État chinois a un impact considérable sur ma vie personnelle, ici, au Canada.
    Les mesures répressives et novatrices utilisées par la Chine pour réduire les dissidents au silence visent à entraver mon militantisme et à m'intimider pour que je renonce à parler de la destruction de ma famille, de mes amis et de ma communauté. J'ai reçu à de nombreuses reprises des appels téléphoniques menaçants de la police de l'État et des messages où l'on me disait les choses les plus folles sur mes proches. Je suis Canadien et le gouvernement chinois cherche constamment à restreindre mon droit à la liberté d'expression et de réunion.
    Le projet de loi C‑70 est une réponse encourageante du gouvernement canadien à la répression transnationale que subit ma communauté. Le projet de loi C‑70 marque un progrès important dans la lutte contre l'ingérence étrangère et dans la protection des citoyens canadiens contre la répression transnationale. Nous parlons de répression transnationale parce que, sur le plan personnel, nous ne subissons pas d'ingérence. Nous subissons la répression par la prise en otage de membres de notre famille simplement parce que nous nous exprimons au Canada. C'est pour cette raison que les Tibétains et les Ouïghours parlent de « répression transnationale ».
    En tant que défenseur des droits de la personne, je suis convaincu que l'application plus large et la couverture de certains actes de répression transnationale contre les militants des droits de la personne prévues par les modifications proposées dans le projet de loi C‑70 permettront de mieux protéger le plein exercice, sans entrave, de nos droits démocratiques au Canada. Les modifications proposées dans le projet de loi C‑70 renforceront la capacité commune des Canadiens de contrer efficacement les menaces à la sécurité du Canada et de protéger les communautés de la diaspora au Canada et à l'étranger.
    L'élargissement de la communication de renseignements à toute personne, et pas seulement à un titulaire de charge publique, si elle est jugée essentielle dans l'intérêt public, permettra d'améliorer la transparence de l'administration. En renforçant la capacité du SCRS de remplir ses fonctions importantes, on renforce aussi la confiance des Canadiens dans l'organisme et dans sa capacité de détecter des menaces d'agents étrangers, y compris chinois, ainsi que de les prévenir et de les contrer.
     Naturellement, l'accent mis sur la coopération internationale dans le projet de loi C‑70 sous-tend une méthode essentielle et puissante pour contrer l'influence mondiale de régimes autoritaires tels que celui de la Chine.
     Je me réjouis qu'il soit proposé de créer un registre pour la transparence en matière d'influence étrangère qui renforcera l'efficacité de la protection des communautés vulnérables de la diaspora et de nommer un commissaire à la transparence en matière d'influence étrangère. Cependant, je suis un peu préoccupé par le fait que le projet de loi C‑70 ne propose pas d'ajouter dans le Code criminel des infractions particulières relatives à l'ingérence étrangère, pas plus qu'il ne propose de criminaliser l'espionnage, le harcèlement en ligne ou la violence numérique dont sont victimes les réfugiés. En outre, vu les modifications limitées apportées au Code criminel, les victimes de l'ingérence étrangère manquent de moyens pour demander réparation des conséquences de l'oppression transnationale.
    Il est essentiel que, dans tous les aspects du projet de loi C‑70, le gouvernement aille au‑delà de l'ingérence à laquelle se livrent des militants par rapport à certains processus politiques et gouvernementaux. Le rayon d'action du gouvernement chinois s'étend bien au‑delà des tentatives d'ingérence directe dans les institutions canadiennes. Mon expérience de l'oppression transnationale n'est pas liée au processus politique ou gouvernemental, mais elle constitue une atteinte à mes droits démocratiques, ce qui justifie une protection, tout comme la défense de l'intégrité de notre processus démocratique.
    Il est essentiel que la lutte contre l'ingérence étrangère soit centrée sur les victimes. L'oppression transnationale et l'ingérence auxquelles se livre la Chine au Canada constituent une menace importante contre les communautés ouïghoures et contre les valeurs canadiennes que sont la liberté et la démocratie. En présentant le projet de loi C‑70, le Canada se prononce fermement contre ces tactiques d'oppression. Il est impératif que nous restions vigilants, que nous soyons solidaires des personnes touchées et que nous prenions des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau.
    Je vous remercie.
(1715)
    vide
    Je vous remercie, monsieur.
    J'invite maintenant M. Singh à présenter ses observations préliminaires. Il dispose pour cela de cinq minutes.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Bonjour. Je m'appelle Balpreet Singh. Je suis conseiller juridique de l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, également appelée WSO Canada.
    La première semaine de juin est un moment particulièrement sombre pour les sikhs, car nous nous souvenons du génocide sikh de 1984 et de l'attaque brutale du gouvernement indien contre le complexe Darbar Sahib et environ 70 autres gurdwaras à travers le Pendjab. Je mentionne les actes horribles commis en juin 1984 pour rappeler aux membres du Comité le prix que les membres de la communauté sikhe ont payé à cause de la violence orchestrée par l'État, de l'ingérence étrangère et de la surveillance, simplement pour avoir pratiqué leur foi.
    Depuis 40 ans, l'Inde n'a de cesse d'intimider les sikhs du Canada et d'étouffer leur action en faveur du Khalistan, État souverain gouverné selon les principes et les valeurs sikhs. Cette ingérence se traduit par des campagnes de désinformation, des refus de visa, l'intimidation de membres de la famille et, comme nous le savons maintenant, même par des assassinats. Parler du Khalistan ou en faire la promotion est protégé par la liberté d'expression et d'expression politique. Les tentatives pour attirer l'attention sur l'ingérence actuelle de l'Inde ciblant les sikhs ne donnent rien, dans une large mesure, car l'Inde qualifie constamment le militantisme sikh d'extrémisme et pire encore.
    La communauté sikhe se trouve actuellement à un moment charnière de son histoire. En juin 2023, Bhai Hardeep Singh Nijjar a été assassiné, alors qu'il quittait le gurdwara Guru Nanak de Surrey, dont il était le président. La communauté, dont notre propre organisation, WSO Canada, a compris qu'il s'agissait d'un assassinat commandité par l'État indien, ce qui a été confirmé par la suite lorsqu'il est apparu que l'Inde comptait faire tuer des militants sikhs ici, au Canada, et dans le monde entier.
    Ce week-end, j'ai rencontré deux sikhs chargés de donner l'alerte. Ils n'ont reçu aucune information sur la source de la menace à laquelle ils font face, ni aucun moyen de se protéger. En bref, ils se sentent livrés à eux-mêmes et pour ainsi dire abandonnés.
    L'ingérence étrangère a des conséquences mortelles pour les sikhs du Canada. Nous estimons qu'il faut faire plus pour contrer l'ingérence étrangère. À cet égard, le projet de loi C‑70 va dans le bon sens.
    Je tiens à souligner que le SCRS peut maintenant communiquer des renseignements relatifs à la sécurité à toute personne ou entité, s'il le juge utile. Il s'agit là d'une mesure positive. Toutefois, nous nous demandons si les agents consulaires étrangers au Canada peuvent également être considérés comme une entité. Par ailleurs, l'Inde fournit régulièrement des renseignements erronés et trompeurs sur les militants sikhs au Canada. Ces renseignements devraient être vérifiés afin d'en éviter une plus grande diffusion à l'avenir.
    Nous savons que le cadre de coopération de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent entre le Canada et l'Inde est toujours actif. Nous sommes très préoccupés par l'échange de renseignements entre le Canada et l'Inde. Il convient d'être vigilant, afin que les nouveaux pouvoirs créés par ce projet de loi soient utilisés pour lutter contre l'ingérence étrangère et ne se retournent pas contre les communautés du Canada. L'Inde prétend à tort que le militantisme khalistanais au Canada est dirigé par des acteurs étatiques étrangers. De telles accusations pourraient-elles déclencher l'application des dispositions de ce projet de loi?
    La disposition relative au sabotage qui est ajoutée au Code criminel érige en infraction le fait de gêner « l'accès à une infrastructure essentielle [...] dans l'intention » — et c'est ce que prévoit l'alinéa b) — « de porter atteinte à la sécurité ou à la sûreté des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada ». Les sikhs manifestent souvent devant les consulats indiens et devant l'ambassade ici, à Ottawa. Le personnel de l'ambassade indienne comprend un attaché militaire, naval et aérien. L'année dernière, les médias indiens ont rapporté de façon erronée que l'ambassade indienne à Ottawa avait été la cible de « deux grenades » lancées par un manifestant sikh — histoire rapportée aujourd'hui par le Journal de Montréal. La National Investigation Agency, la NIA, de l'Inde a également porté plainte contre un sikh basé à Montréal sur la base de ces accusations. Cette nouvelle disposition du Code criminel risque‑t‑elle d'être utilisée pour étouffer des protestations sikhes?
     Dans le peu de temps qui me reste, j'attirerai l'attention sur la référence aux relations internationales qui est faite dans le projet de loi C‑70.
    Nous craignons que ce libellé et cette disposition n'aillent à l'encontre de l'objet général du projet de loi. Les juges ont le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre le dossier public après un procès s'ils concluent que cela « porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales ». De plus, le paragraphe 82.31(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet au ministre d'intervenir s'il estime que des questions pourraient nuire aux relations internationales.
    Si l'ingérence étrangère contre les sikhs est passée sous silence depuis 40 ans, c'est parce que les gouvernements canadiens successifs ont souhaité accroître les relations commerciales avec l'Inde. Cela s'est fait aux dépens de la communauté sikhe. Un article de Sam Cooper paru dans The Bureau a révélé que « le SCRS planifiait une intervention majeure en 2017 » pour démanteler « les réseaux de renseignement indiens à Vancouver qui surveillaient et ciblaient la communauté sikhe ». Selon cet article, le gouvernement a empêché cette intervention en invoquant les répercussions potentielles sur les relations entre le Canada et l'Inde.
    Il ne fait aucun doute que le Canada a besoin de nouveaux outils pour lutter contre l'ingérence étrangère. Toutefois, notre organisation et la communauté sikhe craignent que la disposition relative aux relations internationales ne serve d'excuse pour ignorer l'ingérence actuelle de l'Inde dont sont victimes les sikhs du Canada et ne crée même des moyens de persécution des militants sikhs canadiens.
(1720)
    Mon temps de parole est terminé.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Je vous remercie, monsieur, de vos observations.
    Nous commencerons les questions par M. Genuis. Vous avez la parole.
    Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis très heureux de la présence de ces trois témoins devant le Comité. Tous trois représentent des groupes avec qui j'ai eu la chance de travailler pratiquement depuis que je suis député.
    Je tiens à vous remercier tous les trois de la façon dont vous informez sans relâche les législateurs et à vous remercier aussi de votre travail sur beaucoup de questions importantes.
    Comme vous le savez tous, les conservateurs soulignent qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi. Le gouvernement libéral fait tout son possible depuis neuf ans pour retarder l'adoption de mesures contre l'ingérence étrangère. Nous craignons, à le voir tergiverser, qu'il veuille éviter l'entrée en vigueur de ce projet de loi à temps pour les prochaines élections, et c'est pourquoi nous insistons pour qu'il fixe un calendrier à cet égard.
    Cette question est pour vous trois. J'aimerais que vous y répondiez brièvement, si possible. Je souhaite des commentaires de chacun de vous sur les dispositions du projet de loi relatives à la communication de renseignements.
    Si le SCRS est au courant d'une menace contre une personne, il y a évidemment de nombreux avantages à ce qu'il puisse décider de l'en informer directement. On peut craindre d'éventuelles décisions politiques, si un contrôle politique est exigé et que cela conduise à éviter de transmettre l'information.
    Que pensez-vous des dispositions relatives à la communication de renseignements? Sont-elles suffisantes? Faut‑il les renforcer?
    Je vous demanderai à tous trois de bien vouloir répondre brièvement.
    Ces dispositions sont importantes. La communication est pour l'instant à sens unique. Au moins, nous aurons maintenant une chance d'entendre parler du SCRS. Il est arrivé plusieurs fois que des menaces pèsent sur nous, directement, et que personne ne nous en avertisse. Nous pourrions être agressés par des gens qui nous suivent en voiture. Dans ce cas, si nous étions prévenus et si nous étions poursuivis par une voiture dans notre vie quotidienne, nous pourrions au moins prendre des précautions personnelles ou des mesures supplémentaires pour nous protéger.
    J'ajouterai qu'en fonction du degré de gravité des renseignements dont dispose le SCRS au sujet du citoyen, si les renseignements sont suffisamment sérieux et si cela peut contribuer à lui éviter tout danger, ils devraient, selon moi, lui être communiqués.
     J'ajouterai simplement que cela pourrait être à double tranchant. En tant que communauté, nous avons certainement besoin d'en savoir plus lorsque des menaces pèsent sur des membres de notre communauté. À l'heure actuelle, comme je l'ai dit, les personnes qui sont chargées de nous alerter sont dans le brouillard le plus complet. Elles n'ont aucune idée de qui les menace et du niveau de cette menace.
    En revanche, nous savons aussi que le cadre de coopération entre l'Inde et le Canada offre une voie de communication de renseignements dans les deux sens. Ces renseignements, potentiellement faux, qui viennent souvent de l'Inde, vont-ils être diffusés plus largement si le projet de loi est adopté? Ensuite, les diplomates étrangers ou d'autres entités ici, au Canada, sont-ils considérés comme des entités à qui le SCRS peut communiquer ces renseignements?
    Je vous remercie.
    J'ai une deuxième question. Comment les acteurs malveillants essaieront-ils de contourner cette loi et que pourrions-nous faire pour les en empêcher? Je me suis dit qu'ils pourraient essayer de s'ingérer en exerçant des pressions subtiles et en recourant à la discrimination ou à des menaces implicites plutôt qu'à de menaces directes.
    Selon vous, comment réagiront probablement les acteurs malveillants et comment pouvons-nous couper court à ces manœuvre potentielles?
    Je vous demanderai à tous, cette fois encore, de répondre brièvement.
(1725)
    Je voudrais revenir sur la nécessité de définir la répression transnationale. Si ce terme n'est pas clairement défini dans le projet de loi, cela permettra, selon moi, à des États autoritaires comme la Chine de contourner la loi et d'obliger les communautés de la diaspora, y compris les Tibétains, à faire ce qu'ils veulent.
    Dans le cas précis des Tibétains, depuis quelques années, certains demandent un visa pour se rendre au Tibet, visa qui est généralement considéré comme très difficile à obtenir. Si vous avez participé, par exemple, à la journée commémorative du soulèvement national tibétain, qui a lieu tous les ans le 10 mars, ou si vous participez régulièrement à la célébration de l'anniversaire de Sa Sainteté le Dalaï‑Lama, il est très probable que vous n'obtiendrez pas de visa. Si vous réussissez à en obtenir un et à vous rendre au Tibet, à votre retour au Canada, on vous demandera de recueillir des renseignements ou de ne plus participer aux événements auxquels vous aviez l'habitude de participer.
    Il s'agit d'avoir une définition claire. Ce n'est qu'un exemple.
    D'accord.
    Nous disposons probablement d'une vingtaine de secondes pour vous deux pour cette question.
    Les acteurs malveillants trouveront toujours des moyens et essaieront toujours d'exploiter ce processus, mais le plus important, c'est ce que nous faisons pour nous protéger et nous préparer. Cela renforcera au moins ce processus et nous donnera les outils nécessaires pour lutter contre les personnes qui ignorent ce processus ou qui essaient de l'utiliser à leur avantage.
    Monsieur Singh.
    En bref, je peux vous dire que l'Inde utilise des agents basés à l'étranger ou au Canada. Il y a généralement plusieurs échelons. Concrètement, il est souvent difficile de savoir d'où viennent les ordres. Est‑ce que j'ai une solution à proposer? Non, je n'en ai pas, mais vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a plusieurs échelons. Souvent, on a l'impression qu'il y a une personne basée au Canada et qu'il y a plusieurs échelons au‑dessus d'elle et, finalement, on peut remonter jusqu'à l'Inde, mais ce n'est pas simple.
    Je vous remercie, monsieur Genuis.
    Nous passons à M. Gaheer pour six minutes. Je vous en prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
     Mes questions sont, dans une large mesure, pour M. Balpreet Singh. En tant que sikh, que Canadien, je comprends en grande partie vos observations préliminaires. Je pense que cela a été un moment fort pour la communauté quand le premier ministre a pris la parole au Parlement l'an dernier pour dénoncer l'assassinat de Hardeep Singh Nijjar. Je sais que pour vous, pour moi et pour d'autres membres de la communauté sikhe, ce moment a vraiment confirmé ce que les sikhs savaient et ressentaient déjà. Bien des craintes profondément ancrées se sont concrétisées.
    Par ailleurs, je trouve très curieux que M. Genuis se préoccupe de cette question, car je me souviens du moment où, le lendemain, le chef du parti a fait volte-face et déclaré qu'il avait besoin de plus d'information pour se prononcer sur cette question et qu'il ne soutenait pas la communauté sikhe. Le jour où la Chambre a débattu de cet assassinat, les conservateurs ne se sont pas présentés.
    Il est donc très curieux qu'à présent...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. D'une part, il est non parlementaire de parler de la présence ou de l'absence de députés et, d'autre part, j'étais présent pendant tout le débat et...
    Veuillez m'excuser, monsieur Genuis.
    D'accord. J'invoque le Règlement.
    Monsieur Genuis, vous avez la parole pour votre rappel au Règlement.
    M. Gaheer se trompe complètement au sujet de mon soutien à la communauté sikhe. Il devrait demander au témoin si je soutiens la communauté sikhe parce que j'ai beaucoup plus pris la défense de la communauté sikhe que lui ne l'a jamais fait.
    Je demande qu'il retire ses propos sur la présence ou l'absence de députés à la Chambre.
    Le président: Monsieur Genuis...
    M. Garnett Genuis: Il se trompe lourdement. J'étais là.
    Monsieur Genuis...
    Attendez, si je comprends bien, vous dites que vous défendez plus la communauté sikhe que moi qui suis sikh?
    Le président: Monsieur Gaheer...
    M. Iqwinder Gaheer: Vous plaisantez, j'espère.
    Évitons de nous couper la parole.
    Vérifiez les interventions à la Chambre.
    Monsieur Gaheer, reprenez vos questions.
    M. Garnett Genuis: Demandez à M. Singh.
    Le président: Monsieur Genuis, je vous en prie.
    Monsieur Singh, dans vos observations préliminaires, vous avez parlé de la communication de renseignements relatifs à la sécurité que prévoit le projet de loi. D'après mon examen du projet de loi et de la législation, le projet de loi, pour autant que je sache, n'ouvre pas de nouvelles possibilités de communiquer des renseignements de sécurité à des entités étrangères. Il concerne principalement des entités canadiennes, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux ou de particuliers au Canada. Toute communication de renseignements qui a lieu s'inscrit dans des cadres déjà établis.
    Vous en avez mentionné un, à savoir l'accord de coopération. Je pense qu'il y en a aussi un avec l'Inde. Il me semble que ce projet de loi n'ouvre pas de nouvelles voies pour ce type de communication de renseignements. Encore une fois, nous allons demander au SCRS, de même qu'au ministre, de comparaître devant le Comité. Je serai heureux de lui faire part de ces préoccupations, ainsi qu'au SCRS.
    En ce qui concerne la communication de renseignements, elle se fait entre organismes gouvernementaux. Des témoins ont déclaré que le SCRS se montre parfois réticent à communiquer des renseignements. Ce projet de loi permettra la communication de plus de renseignements. Les différents organismes gouvernementaux peuvent détenir différents éléments et ce n'est qu'en les réunissant que l'on obtient un tableau complet et que l'on peut atteindre la barre qui permet de passer à l'étape suivante.
    Je tiens à dire qu'après avoir entendu les témoignages et les témoins, et après des conversations que j'ai eues, il me semble que nous sommes généralement destinataires nets de renseignements. C'est, à mon avis, une bonne chose dans le cadre international.
    Ce projet de loi prévoit notamment un examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le SCRS afin de vérifier que le mandat et les pouvoirs du SCRS correspondent aux menaces auxquelles il fait face. Votre organisation est-elle favorable à cet examen?
(1730)
    Oui, elle l'est. Je parlerai de deux des points que vous avez soulevés.
    Premièrement, nous savons que cette voie de communication est ouverte entre le Canada et l'Inde. Or, il est notoire que l'Inde a un lourd passif en matière de droits de la personne. Nous sommes témoins de la répression transnationale à laquelle elle se livre, y compris d'assassinats sur le sol canadien. Je comprends que nous puissions dire que nous recevons plus de données que nous n'en communiquons, mais l'existence de cette voie de communication signifie que nous ne pouvons pas en contrôler l'utilisation future. Je veux dire qu'il y aura d'autres gouvernements. D'autres personnes vous remplaceront et en remplaceront d'autres. Cette voie de communication ouverte est problématique. C'est mon premier commentaire.
    L'examen quinquennal est tout à fait essentiel. Il y a tellement de choses que nous essayons pour la première fois, comme le registre, que nous avons besoin de temps pour voir si elles fonctionnent. Vous avez donc raison, il nous faut un examen pour voir si nous pouvons améliorer des choses ou en changer, si nécessaire. Oui, nous y sommes pleinement favorables.
    Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il? J'ai deux minutes. D'accord, c'est parfait.
    Encore une fois, d'après les témoignages que j'ai entendus, lorsque l'on examine l'accord de coopération, on s'aperçoit qu'en grande partie, en fait... La communication de renseignements concerne majoritairement l'immigration. Il s'agit de vérifications de sécurité. Ce n'est pas nécessairement le type de renseignements qui inquiète la communauté sikhe. Je pense qu'elle est principalement utilisée dans le domaine de l'immigration. Il est évident que beaucoup d'Indiens souhaitent émigrer et qu'ils sont nombreux à venir au Canada, de sorte que ce dispositif de sécurité est utilisé pour vérifier les antécédents.
     J'ai aussi une question au sujet de l'ingérence étrangère dont est victime la communauté sikhe depuis quelques années, voire quelques décennies. Y a‑t‑il un changement à cet égard, peut-être, sous l'actuel gouvernement indien?
    Là encore, pour revenir à votre première observation sur la communication de renseignements, le cadre de communication des renseignements lui-même nomme un certain nombre de groupes dits extrémistes. Il nomme deux groupes sikhs qui, à ma connaissance, n'existent plus. Je n'ai vu aucune action de leur part. Cependant, quand ce cadre a été présenté dans les médias indiens en 2018, il a été présenté comme un accord-cadre de coopération en matière de renseignement destiné à réprimer le prétendu extrémisme sikh au Canada. C'est ainsi qu'il a été présenté en Inde, et je pense que c'est ainsi que les Indiens comptent l'utiliser.
    Cela dit, je suis heureux, si ce que vous me dites est exact, que ce ne soit pas la façon dont il est utilisé. Cependant, une fois de plus, le simple fait d'avoir cette voie de communication ouverte et la terminologie du cadre sont problématiques.
    En ce qui concerne la répression transnationale, dans le passé, sous les gouvernements du Congrès, les messages étaient très semblables pour ce qui est d'alléguer un prétendu extrémisme, ce qui, dans une large mesure...
    Très bien. Je vous remercie.
    Je tiens à dire, monsieur Singh, que lorsque le ministre et le SCRS comparaîtront devant le Comité, je leur poserai des questions sur la coopération en matière de communication de renseignements.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Gaheer.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à M. Villemure pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités, soit MM. Tohti, Therchin et Singh.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Tohti; je m'adresserai à M. Therchin par la suite.
    Vous avez soutenu activement la création d'un registre des agents d’influence étrangers. Ce que propose le gouvernement dans le projet de loi C‑70 répond-il à vos attentes?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, le texte va dans le bon sens et c'est un premier pas. Nous essayons d'obtenir des mesures législatives dans ce domaine parce que la Chine se montre très active, non seulement au Canada, mais aussi dans de nombreux pays alliés. C'est pourquoi certains pays ont déjà pris des mesures, mais au Canada, cela a pris du temps.
    Au moins, nous avons cette possibilité. Plusieurs amendements sont nécessaires. Quand nous avons quelque chose, nous pouvons l'améliorer. Nous considérons la question de ce point de vue parce que nos communautés... Un des membres de notre communauté, Huseyin Celil, première victime de la répression transnationale, a passé 17 ans dans les geôles chinoises. C'est pour cette raison qu'un projet de loi a été déposé et nous préférons travailler sur ce projet et arriver, par nos propositions et recommandations, à l'améliorer par la suite. Nous devons, au minimum, adopter ce projet de loi dès que possible.
(1735)

[Français]

    Si vous aviez une suggestion à faire pour améliorer le registre, quelle serait-elle?

[Traduction]

    Nous devrions aller plus loin que l'Australie, le Royaume‑Uni et les États‑Unis, car leurs systèmes sont tout à fait dépassés. Au moins, nous travaillons maintenant sur ce projet de loi. C'est pourquoi nous pouvons étudier les dispositions législatives de ces autres pays, afin de l'améliorer et le renforcer en tirant parti de leur expérience.

[Français]

     Merci.
     Monsieur Therchin, pourriez-vous répondre à la même question, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Je partage l'avis de mon collègue et ami, Mehmet Tohti. Je pense que le calendrier est déterminant. Nous devons adopter ce projet de loi et le mettre en œuvre avant les prochaines élections.
    Nous faisons partie d'une coalition qui travaille activement sur le projet de loi établissant le registre des agents d'influence étrangers, coalition qui comprend une militante canadienne et hongkongaise, Gloria Fung, qui témoignera, je pense, dans quelques jours devant ce même comité.
    Je m'en remettrai à mon collègue, Mehmet Tohti, et dans les prochains jours, à Gloria Fung.

[Français]

    Si vous aviez une suggestion à faire pour améliorer le registre, quelle serait-elle?

[Traduction]

    Là encore, avec les collègues de Hong Kong qui mènent cette discussion, un des points soulevés était la définition des agents dans la Loi établissant le registre des agents d'influence étrangers. Ce terme doit être clairement défini, si possible.

[Français]

     Monsieur Singh, pouvez-vous répondre à la même question?

[Traduction]

    Je vais revenir au premier point que j'ai soulevé, c'est‑à‑dire le fait que les relations internationales peuvent jouer un rôle. Nous devons examiner cet élément.
    Je sais qu'en Angleterre, il existe un système à deux vitesses et qu'il est possible de choisir des pays qui préoccupent plus ou moins. Je ne suis pas d'accord avec cette approche.
    Je propose également... La nomination du commissaire à la transparence par le Conseil des ministres peut poser un problème. Nous devons, à mon sens, faire en sorte que le commissaire soit le plus indépendant possible.

[Français]

    Monsieur Singh, j'ai l'impression que vous ne croyez pas que l'indépendance du commissaire est assurée à un niveau qui vous satisfait, compte tenu de la formulation proposée dans le projet de loi C-70.

[Traduction]

    Il me semble qu'il vaudrait mieux que le choix ne soit pas laissé au bon vouloir du Conseil des ministres, en effet.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Tohti, je vous pose la même question. L'indépendance du commissaire vous interpelle-t-elle?

[Traduction]

    Le commissaire doit être indépendant, un point c'est tout, et son mandat doit être conforme à nos normes démocratiques et à notre obligation de rendre des comptes. Il s'agit d'une question de sécurité nationale pour le Canada et les générations futures sont concernées.
    C'est pourquoi nous devrions tenir ce commissaire à l'écart des querelles politiques et veiller à ce qu'il soit impartial. C'est pourquoi c'est important.

[Français]

    Cette impartialité serait-elle semblable à celle du vérificateur général?

[Traduction]

    Je ne sais pas jusqu'où nous pouvons aller, toutefois, mais l'impartialité du commissaire est essentielle.

[Français]

    C'est donc un élément essentiel, une exigence.
    Monsieur Therchin, je vous pose la même question sur l'indépendance du commissaire.

[Traduction]

     Je pense que tout le monde s'entend pour dire que le commissaire doit être indépendant. Je crois que toute cette discussion sur l'ingérence étrangère comprend de nombreuses consultations avec les différentes parties et acteurs concernés. L'idée de faire en sorte que le commissaire demeure indépendant est très importante pour tout le monde, y compris pour des témoins comme nous.

[Français]

     Je crois que les partis ont tous convenu que cette situation est d'intérêt public et qu'il faut absolument agir.
    Monsieur Tohti, avez-vous une suggestion à faire pour ce qui est de la partie sur le partage des renseignements?
(1740)

[Traduction]

    La première fois que les médias ont rapporté que des véhicules inconnus me poursuivaient ou me suivaient, c'était en 2007, et 17 années se sont écoulées depuis. L'année dernière, à la même époque, un fonctionnaire, qui se trouvait être présent à la même réunion que moi, m'a appelé après mon départ pour me dire que deux voitures me suivaient et que ma sécurité était directement menacée.
    C'est essentiel, car nous nous attaquons à la Chine. Nous parlons de la Chine, qui fait partie des régimes les plus brutaux et à la pire réputation du monde. Le gouvernement chinois déploie des tonnes de moyens pour nous attaquer et nous réduire au silence. Par conséquent, s'il y a des renseignements essentiels qui concernent notre sécurité et celle des membres de notre famille ici ou là‑bas, nous devons le savoir et être alertés. C'est essentiel.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. MacGregor pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui, alors que nous nous plongeons dans le projet de loi C‑70.
    Je commencerai par M. Therchin et M. Tohti.
    J'ai pris des notes pendant que vous présentiez vos observations préliminaires, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'une définition du terme « oppression transnationale ». J'essaie de savoir où l'insérer au mieux quand nous en viendrons à l'étape de l'examen des modifications. Ce projet de loi modifie plusieurs lois existantes et en crée une nouvelle aussi. Toutefois, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'il propose des modifications importantes à la Loi sur la protection de l'information. De nouvelles dispositions visent à lutter contre l'intimidation, les menaces ou la violence commises au service d'une entité étrangère. Des modifications concernent la commission d'un acte criminel sur l'ordre d'une entité étrangère, le fait d'omettre que l'on travaille pour une entité étrangère, ou l'ingérence dans le processus politique au nom d'une entité étrangère. Beaucoup de ces infractions — en fait, toutes — sont lourdement punies.
    Si vous souhaitez soumettre un mémoire au Comité, tant mieux. Nous pourrons le recevoir plus tard. Cependant, ai‑je laissé passer quelque chose dans les points dont j'ai traité dont vous souhaitez parler? Qu'avons-nous oublié? J'ai l'impression que nous avons couvert une grande partie de ce que vous avez dit dans vos observations préliminaires. Je tiens à m'assurer que nous n'oublions rien.
    Je commencerai par vous, monsieur.
    Je pense que le projet de loi couvre beaucoup de choses. En tant que militant des droits de la personne, je le trouve très encourageant, et je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires. Par ailleurs, les rapports analytiques présentés hier, je crois, par Sarah Teich et Hannah Taylor mentionnent que nombre des modifications proposées aux lois sont très encourageantes.
    Cela dit, l'analyse du rapport souligne, comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, l'absence de définition du terme « répression transnationale ». Il me semble que, comme vous l'avez dit, les entités étrangères ont en commun la répression transnationale et l'ingérence étrangère. Cependant — du moins d'après ce que semble laisser entendre une partie de la documentation disponible —, les groupes visés par l'ingérence étrangère et par la répression transnationale sont différents. Dans les cas d'ingérence étrangère, le groupe cible semble se situer davantage dans une structure étatique, alors que dans les cas de répression transnationale, ce sont les communautés de la diaspora, comme celles des Ouïghours et des Tibétains, qui sont visées.
    C'était la raison. Autrement, nous trouvons le projet de loi très encourageant.
    Monsieur Tohti, aimeriez-vous...?
    Oui.
     Il est vraiment important que la définition soit claire. Le Sénat américain a présenté le projet de loi S‑831, portant sur la répression transnationale. Ce projet de loi définit clairement ce qu'est la répression transnationale.
     Il définit les infractions avec des noms et des numéros. La plupart de ces définitions ont fait l'objet de modifications corrélatives. Quand on ajoute un élément, les projets de loi qui s'y rattachent doivent être mis à jour en conséquence. C'est pourquoi nous devons, dans le cadre de cet important projet de loi qu'est le projet de loi C‑70, définir clairement ce qu'est la répression transnationale.
(1745)
    Merci.
     J'ai remarqué que vous étiez un peu déçu que le terme ne soit pas employé dans le Code criminel. Cependant, considérant que la Loi sur la protection de l'information est ainsi modifiée et que des peines importantes sont prévues — dont certaines vont jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité —, il y aurait peut-être un volet du projet de loi où le Comité pourrait envisager d'insérer la définition. Nous en avons pris note et je vous remercie de votre témoignage.
     Je voulais garder ma dernière question pour l'Organisation mondiale des Sikhs.
     Monsieur Singh, dans vos commentaires sur les modifications apportées au Code criminel, vous avez fait référence à la définition de « sabotage », ainsi rédigée:
[…] porter atteinte à la sécurité ou à la sûreté des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada;
    Plus loin dans le projet de loi, un article dit ceci:
Il est entendu que nul ne commet l'infraction prévue […] alors qu'il prend part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d'un désaccord, mais n'a pas l'intention de provoquer l'une des situations mentionnées [à ces] alinéas.
    Est‑ce que cela vous satisfait, ou devrions-nous prévoir de meilleurs garde-fous que ceux déjà prévus au projet de loi?
    Je vous ai donné l'exemple de la manifestation qui a eu lieu à Ottawa en mars 2023. Tout le monde convenait qu'il s'agissait d'une manifestation pacifique, mais quand il y a des accusations de lancer de grenades, quel en sera l'effet sur les personnes qui souhaitent aller manifester?
     En fait, est‑ce qu'on laisserait aux gouvernements étrangers la possibilité d'user de menaces ou d'utiliser tous les moyens à l'égard de ces communautés dissidentes, en espérant de pouvoir coincer ces gouvernements quelque part? D'un autre côté, même si on a la certitude d'être exonéré en bout de course, il faut quand même suivre ce long processus, et on va tout simplement décider que ça n'en vaut pas la peine.
     C'est ainsi que je perçois beaucoup d'éléments de ce projet de loi: des armes à double tranchant si elles sont dans les mains de gouvernements étrangers. Par exemple, les Sikhs sont un peuple apatride. Nous possédons des réseaux un peu partout dans le monde. Maintenant, quand l'Inde nous accuse de prôner l'avènement du Khalistan, d'être dirigés par des entités étrangères, est‑ce que cela va nous causer des problèmes ici? J'espère que non, mais qui nous le garantit? C'est là où je m'interroge.
     Le projet de loi vise à contrer l'oppression transnationale et l'ingérence étrangère, mais aura‑t‑il l'effet d'un éteignoir sur les communautés comme la mienne, qui défendent des causes que des gouvernements étrangers méprisent et seraient prêts à combattre à tout prix?
    Merci, monsieur MacGregor.
     Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour, un tour abrégé qui prendra fin avec M. MacGregor.
     Nous commencerons avec M. Genuis, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais répondre rapidement aux questions de M. Gaheer...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Les libéraux veulent féliciter le premier ministre pour...
    J'invoque le Règlement.
    Il y a un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, le député d'en face qui intervient en ce moment, M. Genuis, a affirmé plus tôt qu'il a fait davantage pour la communauté sikhe que moi...
    C'est un débat...
    ... en Chambre.
     Nous voulions simplement faire une recherche rapide. Ce député n'a pas parlé du tout. Quand nous avons eu un débat d'urgence sur le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, ce député n'est pas intervenu, et il prétend qu'il en a fait davantage.
    Je vais répondre au rappel au Règlement.
    C'est un débat. Je ne veux pas commencer un débat.
     Nous voulons entendre nos témoins pour savoir ce qu'ils ont à nous dire. Je vous recommande d'en discuter ailleurs qu'ici.
     Je vous demande de revenir à vos questions pour nos témoins.
    L'Organisation mondiale des Sikhs, qui est représentée ici, a en fait classé les députés selon leur nombre d'interventions sur les questions sikhes. Je renvoie le député à ces classements, et au rang que j'y occupe, s'il veut savoir à quelle fréquence j'interviens au sujet des questions sikhes en Chambre.
    Alors pourquoi n'avez-vous pas parlé de Hardeep? Pourquoi n'avez-vous pas parlé de M. Nijjar?
    Puis‑je parler, monsieur le président? Pouvez-vous ramener le député à l'ordre?
     Les libéraux veulent saluer la déclaration publique en Chambre du premier ministre, même si le gouvernement libéral n'a rien fait de concret pour combattre l'ingérence étrangère.
     À la suite de l'assassinat de M. Nijjar, j'ai déposé au Feuilleton la question no 2488, concernant l'échange d'informations entre le Canada et l'Inde. En réponse à cette question, le gouvernement a confirmé que l'accord d'échange d'informations signé par le gouvernement Trudeau est toujours en vigueur et que l'échange se poursuit.
     Je demandais également, dans la même question, si l'on avait communiqué au gouvernement indien des informations concernant spécifiquement M. Nijjar, avant ou après son assassinat. Dans ma question, je demandais « y a‑t‑il eu échange d'informations à un moment quelconque entre les organismes canadiens et indiens chargés de l'application des lois ou de la sécurité à propos de Hardeep Singh Nijjar? »
     Le gouvernement a refusé de répondre à la question. Il a catégoriquement refusé de dire si des renseignements avaient été communiqués au gouvernement indien sur M. Nijjar. On peut penser que si la réponse avait été non, le gouvernement aurait simplement répondu non.
     Monsieur Singh, je souhaite vous amener dans cette conversation. D'après vous, n'est‑il pas illogique que le premier ministre et M. Gaheer fassent des déclarations en Chambre tout en refusant de dire si le gouvernement libéral a communiqué des informations sur M. Nijjar?
(1750)
    Je peux vous dire que la communauté a grandement apprécié la déclaration faite par le premier ministre en septembre, qui allait plus loin que ce que tout autre premier ministre a fait.
     Sommes-nous entièrement satisfaits dans cette affaire? Comme je l'ai dit dans mes déclarations en 2017, selon l'article The Bureau, si on n'a pas démantelé ce réseau basé à Vancouver qui ciblait les Sikhs, c'est pour ne pas nuire aux relations entre le Canada et l'Inde, et cette situation constitue pour nous un irritant depuis 40 ans, mais il faut rendre à César ce qui revient à César: la déclaration du premier ministre a vraiment marqué un tournant pour notre communauté ici.
     En ce qui concerne le partage d'informations, je reconnais avec vous que toute la communauté veut le savoir: est‑ce que des renseignements ont été partagés au sujet de M. Nijjar? Nous savons que le nom de M. Nijjar figurait sur des listes que l'Inde avait communiquées au Canada à quelques reprises, sur la foi de renseignements — de soi-disant renseignements — absolument risibles. Est‑ce que des informations ont été fournies en retour? J'espère certainement que non, mais ce serait formidable de pouvoir le découvrir.
    Oui, je comprends ce que vous dites. Je pense qu'au minimum, le gouvernement devrait répondre aux questions des parlementaires. Encore une fois, si la réponse était non, il aurait simplement pu répondre non. Nous avons soumis la question 2488 au Feuilleton, et aucune question de ce genre n'a été soumise par des députés du gouvernement. J'aimerais qu'ils en fassent davantage pour défendre les intérêts des différentes communautés qu'ils prétendent représenter.
     J'aurais une question à poser à nos deux autres témoins. M. Therchin a soulevé la question des limites imposées aux voyages, de la crainte de voyager et de la possible utilisation des visas comme mécanisme d'ingérence étrangère. Il y a également la question des personnes extradées de pays tiers. C'est le cas de Huseyin Celil. Considérant la manière dont le gouvernement chinois cherche à exercer sa domination et son influence dans le monde entier, et pas seulement sur son propre territoire, l'extradition de pays tiers peut représenter un réel problème, notamment par l'usage abusif des notices rouges.
    Comment pouvons-nous contrer ces craintes entretenues par les gens, à savoir que s'ils s'expriment sur certaines questions, ils seront très limités dans leur capacité à voyager, non seulement en Chine mais aussi dans d'autres pays?
    Vous avez soulevé un point vraiment important et crucial. Je vis au Canada depuis 1998. Jusqu'à présent, je peux voyager dans les démocraties occidentales. Cependant, je ne peux pas me rendre dans les pays en « stan » d'Asie centrale, par exemple. La Turquie m'impose une interdiction de séjour depuis 2004, tout comme plusieurs autres pays, dont la Malaisie, l'Indonésie, le Pakistan et l'Égypte. J'aimerais simplement aller en Arabie saoudite. En tant que musulman, j'aimerais accomplir mon hajj, le devoir. Je ne peux pas y aller en raison des relations étroites que l'Arabie saoudite a forgées avec la Chine. L'Arabie saoudite réagit invariablement aux demandes chinoises. Pour moi, c'est une grande limite qui m'est imposée.
    Allez‑y, monsieur Therchin.
    Je pense qu'un des mécanismes qui existent pour traiter ce problème est le principe de réciprocité, même s'il ne relève peut-être pas de notre comité. Je pense que ce serait là un mécanisme important. J'ai eu l'occasion d'en parler l'année dernière au Comité des affaires étrangères. Les États‑Unis ont adopté un projet de loi sur la réciprocité d'accès au Tibet. Tout fonctionnaire ou représentant des médias chinois peut visiter n'importe quelle partie des États‑Unis, mais le même accès devrait être offert aux fonctionnaires, représentants des médias, journalistes, membres du Congrès et sénateurs américains. Je pense que le problème serait résolu si le Canada adoptait une loi similaire sur le principe de réciprocité, qui pourrait être élargie aux citoyens ordinaires.
    Merci, monsieur Genuis.
     Nous passons maintenant à Mme Zahid.
     Madame Zahid, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci également à tous les témoins de leur présence pour cet enjeu très important.
     Je suis heureuse de pouvoir examiner un projet de loi sur un enjeu important pour lequel le gouvernement Harper n'a pratiquement rien fait en plus d'une décennie au pouvoir.
     Ma première question s'adresse à M. Tohti.
     Monsieur Tohti, merci de votre présence. Merci de votre incessant plaidoyer en faveur du peuple ouïghour. Je sais que cela n'a pas été sans vous causer des préjudices personnels.
     L'année dernière, vous avez relaté au comité de l'éthique les menaces que vous aviez reçues en juillet 2020 avant d'aller témoigner devant un autre comité parlementaire. Pourriez-vous nous en parler, et des autres façons dont le gouvernement chinois tente d'intimider et de faire taire les personnes qui, comme vous, défendent les droits fondamentaux du peuple ouïghour?
(1755)
    Merci.
     Oui, comme je l'ai dit, je vis au Canada depuis 1998. Je n'ai aucun contact avec les membres de ma famille. Je n'ai pas eu l'occasion de visiter ma mère et les autres membres de ma fratrie. Eux-mêmes ne peuvent me rendre visite au Canada parce que le gouvernement chinois a bloqué leurs demandes de passeport. Depuis plus de 33 ans, c'est l'isolement total; je vis seul ici au Canada avec ma propre famille.
     Comme je l'ai dit, la répression chinoise ne s'est pas arrêtée aux frontières de la Chine. Partout où nous menons un travail de revendication, au Canada ou ailleurs, le long bras des autorités chinoises nous traque sans répit. Quelques heures à peine avant de témoigner devant le comité sur la politique génocidaire de la Chine, j'ai reçu un horrible message au sujet de ma mère. Puis, seulement deux semaines avant le vote parlementaire sur le projet de loi M‑62 concernant la réinstallation de 10 000 réfugiés ouïghours, j'ai reçu un appel direct de la police d'État chinoise, qui a mis mon oncle à l'autre bout du fil et m'a menacé en disant que plusieurs membres de ma famille étaient déjà morts, et que si je continuais j'en subirais les conséquences. C'était ce genre de menaces de mort.
     L'année dernière encore, avant de me rendre à une conférence, deux automobiles m'ont suivi. Nous avons eu la vie sauve grâce à un avertissement des fonctionnaires canadiens d'Affaires mondiales, qui nous a amené à modifier notre itinéraire. Ces menaces imminentes planent sur nous quotidiennement, et à cet égard, le projet de loi ne constitue qu'un outil pour combattre ces acteurs étrangers.
    Merci d'avoir partagé votre expérience.
     Dans une récente entrevue au Hill Times, vous avez indiqué que l'aspect le plus important du projet de loi est qu'il définit clairement l'ingérence étrangère dans le Code criminel.
     Pourriez-vous nous dire pourquoi cette modification du Code criminel est si importante?
    Elle est importante parce qu'elle permet de nommer le concept, dans notre législation ou dans notre projet de loi. Il y a une sanction et des conséquences en cas d'ingérence étrangère. C'est pourquoi c'est important.
     À défaut de définir l'ingérence étrangère, à défaut de la criminaliser, à défaut d'imposer certaines sanctions pour certaines infractions, nous sommes impuissants. Par exemple, nos lois devraient contenir certaines dispositions sur l'intimidation ou le harcèlement, mais il n'y a pas de définition claire, surtout lorsqu'il s'agit d'ingérence étrangère. Nos forces de l'ordre sont impuissantes. Parce qu'elle contient une définition claire et qu'elle criminalise l'infraction, cette loi donne au moins à nos forces de l'ordre un outil pour agir.
    Merci.
     À quel point importe‑t‑il d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, pour en garantir une pleine mise en oeuvre avant les élections l'an prochain?
    C'est extrêmement important, et il faudrait l'adopter immédiatement parce que l'importance du projet de loi a déjà abondamment été discutée, et nous pouvons déjà compter sur l'expérience, la grande expérience, de nos pays voisins et alliés. C'est pour cette raison qu'il s'agissait d'une échappatoire au Canada, une échappatoire que nous tentons de combler.
     Il importe que tous les partis politiques mettent de côté leurs divergences, concentrent leurs efforts sur ce projet de loi, l'adoptent sans tarder et tentent de le bonifier ultérieurement, car nous aurons l'occasion de le réviser tous les cinq ans.
    Merci.
    Merci, madame Zahid.
    Je vous remercie.

[Français]

     Monsieur Villemure, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Tohti, vous avez parlé, plus tôt, de l'indépendance du commissaire. Quand on regarde l'ensemble du projet de loi, outre cette indépendance, qu'est-ce qui vous permettrait de faire confiance au processus? Qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous soyez rassuré?
(1800)

[Traduction]

    La clé réside dans la mise en oeuvre. Le projet de loi est important. Par exemple, nous avons signé l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique, ou ACEUM. Dans le projet de loi sur l'ACEUM, il y a une disposition qui interdit l'entrée en Amérique du Nord des produits issus du travail forcé.
     Les États-Unis ont appliqué cette partie de l'accord, mais pas le Canada. C'est la raison pour laquelle nous n'interceptons ni ne saisissons aucune cargaison de produits résultant du travail forcé. Pendant ce temps, les États-Unis en confisquent des milliers.
     La mise en oeuvre est la clé. Comment pouvons-nous mettre en oeuvre la loi? Nous devons allouer des ressources pour renforcer l'application de la loi et l'organisation responsable. Par ressources, j'entends ressources humaines, ressources de renseignement et autres ressources, quels que soient les besoins. Si nous ne dotons pas notre organisation ou notre entité d'une meilleure capacité de mettre en oeuvre la loi, encore une fois, ce projet de loi demeurera sans effet.

[Français]

     Alors que les Américains poursuivent les gens pour les délits que vous avez mentionnés, ici, on est encore en train de tenter d'établir une loi.
    Le projet de loi C‑70 est-il suffisant? Y manque-t-il quelque chose?

[Traduction]

    Notre organisation a prôné l'adoption de la loi américaine contre la répression transnationale. C'est la norme par excellence en matière de projets de loi, mais nous n'avons pas cette norme par excellence, alors peu importe ce que nous avons, même s'il s'agit d'un mécanisme plus faible, c'est mieux que rien.
     Nous aurons au moins la possibilité, tous les cinq ans, d'examiner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et ainsi de modifier et d'améliorer la loi. C'est pourquoi je suis optimiste et, pour de nombreux Canadiens, y compris nos parlementaires, l'ingérence étrangère et la répression transnationale sont des termes assez nouveaux.

[Français]

    Tous les outils que vous pourrez nous fournir pour que nous atteignions les règles d'or seront les bienvenus.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Villemure.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. MacGregor pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais demander aux trois témoins de répondre. Le principal objectif de ce projet de loi est, bien entendu, d'assurer la transparence et de faire prendre conscience au public du degré auquel certains processus, ici au pays, sont l'objet d'une influence étrangère.
     Une chose que d'autres témoins ont soulignée, c'est qu'il s'agit d'un enjeu sans référence nationale, car ce serait également une bonne chose que le public canadien soit conscient de la façon dont nos alliés nous influencent, ce qui est bien sûr le cas. Nous entretenons d'étroits liens d'amitié avec de nombreux pays, mais personne n'ignore, particulièrement pour les États-Unis, qu'ils ont parfois tenté d'influencer l'adoption de certaines politiques au Canada. C'est un fait historique. D'autres projets de loi ont abordé ce problème en établissant une annexe ou une liste qui serait influencée par les rapports du SCRS ou du Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, mais à laquelle le gouverneur en conseil pourrait toujours ajouter des pays.
     Je demande à chacun d'entre vous, quelle est votre préférence? Êtes-vous satisfait du fait que ce processus soit sans référence nationale, ou aimeriez-vous qu'il cible davantage certains pays? J'aimerais vous entendre très rapidement tous les trois, s'il vous plaît.
    Il faudrait davantage cibler certains pays, parce que certains ont une mission et ont une capacité particulière, avec les ressources nécessaires pour se concentrer sur le Canada à seule fin de maximiser leurs intérêts économiques, diplomatiques ou autres. C'est pour cette raison que nous devons davantage cibler certains pays.
    Monsieur Therchin, qu'en pensez-vous?
    Je serais d'accord avec M. Tohti. À mon avis, la capacité d'ingérence dont dispose la Chine mérite qu'on accorde une attention particulière à ce pays. C'est pourquoi je placerais certainement la Chine au centre de nos préoccupations en matière d'ingérence étrangère, simplement en raison de sa capacité.
    Monsieur Singh, à vous la parole.
    J'ai un point de vue différent. Je pense que l'approche doit être sans référence nationale, car qui va décider des pays à cibler? Nous avons déjà vu par exemple, dans l'enquête sur l'ingérence étrangère, que les pays cités étaient la Chine, la Russie et l'Iran, et au cours des débats, nous avons découvert que l'Inde est en fait, et de loin, le deuxième pays pour l'ingérence au Canada, et malgré cela nous n'en avons pas tenu compte afin d'approfondir nos relations avec ce pays. Nous ne pouvons pas aborder ainsi le problème de l'ingérence étrangère. Comme je l'ai dit, notre communauté subit depuis 40 ans une incessante ingérence étrangère parce que le Canada ne souhaite pas gâcher ses relations avec l'Inde. Ce ne doit pas être le gouvernement qui établit ces listes; le processus doit être exempt de référence nationale.
(1805)
    Merci, monsieur MacGregor.
     Cela met fin à la participation de ce groupe de témoins. Avant de suspendre la séance pour accueillir le prochain groupe, je vous rappelle que le greffier a distribué le vendredi 31 mai une proposition de budget pour le projet de loi C‑70 au montant de 53 250 $. Plaît‑il au Comité d'adopter ce budget?
     Des députés: D'accord.
     Le président: C'est fait. Merci.
     Je remercie tous nos témoins de leur présence aujourd'hui. Vos interventions ont été extrêmement utiles.
     Sur ce, nous allons suspendre la séance et accueillir le prochain groupe de témoins. Merci à tous.
(1805)

(1810)
    Je déclare la séance ouverte.
     Bienvenue à nos témoins pour la troisième heure — même si nous avons quelque peu dépassé notre temps. Nous accueillons, à titre personnel, M. Michel Juneau-Katsuya, ancien chef du bureau Asie-Pacifique du Service canadien du renseignement de sécurité; M. Aaron Shull, directeur général et avocat général du Centre for International Governance Innovation; et M. Tim McSorley, coordonnateur national du Groupe pour la surveillance internationale des libertés civiles.
     Monsieur MacGregor, vous invoquez le Règlement?
    Très rapidement, je sais que la sonnerie se fera bientôt entendre. Je me demande simplement si le Comité accepterait unanimement de poursuivre les discussions pendant une partie de la sonnerie, pour que nous puissions entendre le maximum de témoignages.
    J'ai eu une discussion à ce sujet. Je croyais que vous y aviez participé. Nous avons convenu de poursuivre jusqu'à au moins...
    Un député: Oui, d'accord.
     Le président: J'invite maintenant M. Juneau-Katsuya à faire une déclaration liminaire de cinq minutes maximum.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de leur faire part de mes réflexions et de mes recommandations au sujet du projet de loi C‑70.
    D'entrée de jeu, je vous fais part des prémisses qui ont guidé mon analyse.
    Une démocratie forte et en santé se doit d'être protégée par trois concepts fondamentaux: la transparence, la reddition de comptes et l'indépendance, libre de toute interférence, des personnes à charge.

[Traduction]

    Le débat sur la menace d'ingérence étrangère fait rage depuis près de deux ans. Ce qui est apparu, c'est l'ampleur des dysfonctionnements, des intrigues et des jeux de contrôle qui opèrent dans le domaine de l'ingérence étrangère. Oui, le Canada a été ciblé par des puissances étrangères, mais leur travail a été encouragé par des acteurs occupant hier et aujourd'hui des postes clés au gouvernement canadien, qui ont facilité la situation et en ont même profité à des fins personnelles et partisanes. À ce sujet, j'attire votre attention sur un récent rapport du comité parlementaire de la sécurité nationale, qui encore une fois reproche sévèrement à certains élus d'avoir sciemment et volontairement collaboré avec des États étrangers; d'où la nécessité de rappeler les trois concepts fondamentaux étayant la protection de notre système démocratique: la transparence, la reddition de comptes et l'indépendance, libre de toute ingérence des personnes à charge.
     Le projet de loi C‑70 nous donne l'occasion de corriger ces erreurs et ces manipulations afin de viser un idéal kantien pour notre système.
(1815)

[Français]

     Je n'ai eu que 48 heures pour préparer ma présentation formelle, alors je vais rapidement mentionner quelques observations essentielles. Mes préoccupations sont principalement en lien avec l'exécution des réformes proposées.
    Premièrement, je salue les propositions d'élargir les communications du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, avec d'autres organisations que le bureau du premier ministre.
    Cela dit, pour parler d'un vrai programme de sécurité nationale, il faut inclure les provinces et amener les premiers ministres provinciaux à se doter de conseillers en matière de sécurité nationale. Ils sont déjà la cible d'agents étrangers et ils en sont totalement inconscients.

[Traduction]

    Je salue les efforts visant à définir clairement les gestes criminels posés par des agents qui agissent au profit de puissances étrangères. Cependant, leur application concrète me préoccupe, car pour réussir à contenir le problème, la GRC et le SCRS devront collaborer. Malheureusement, l'histoire nous apprend que depuis sa création, le SCRS, en application et par souci des instructions qui lui ont été données dès sa création — et j'étais présent à ce moment —, ne témoigne jamais devant un tribunal ou le fait le moins possible, ce qui a mené à une obstruction intentionnelle des enquêtes de la GRC. Cela s'est produit dans les dossiers d'Air India, d'Ahmed Ressam, d'Adil Charkaoui et de Jeffrey Deslisle, pour ne citer que les affaires connues du public. Il est donc normal de craindre que le système reproduise les mêmes mécanismes déficients.
     À l'appui de cette appréhension, le directeur du SCRS, M. Daniel Vigneault, lors de sa comparution devant la commission d'enquête sur l'ingérence étrangère, a déclaré qu'il avait à deux reprises, à la suite d'une rencontre avec le premier ministre, modifié les rapports pour accommoder ce dernier. Cela démontre clairement que notre sécurité nationale ne jouit pas de l'indépendance nécessaire et souhaitée.

[Français]

     Dans cet ordre d'idées, je rappellerai aux membres du Comité que les premiers ministres, de M. Mulroney à M. Trudeau, ont tous été avisés du problème de l'ingérence étrangère et ont tous choisi de l'ignorer pour des gains personnels ou politiques. Ce problème systémique ne date pas d'hier. Encore une fois, il s'agit d'un problème de contrôle du renseignement et de responsabilité.
    Pour le temps qu'il me reste, je vais poursuivre avec mon analyse du registre. Le principal but du registre est de garder l'intégrité du système en maintenant tout le monde dans la transparence et la responsabilité.

[Traduction]

    Tout d'abord, je constate une non-concordance entre la partie 1 et la partie 4 du projet de loi. Quand on regarde les nouveaux pouvoirs accordés au SCRS — et même à la GRC, d'un certain angle —, ils ne semblent pas permettre de maintenir les efforts qui seront éventuellement déployés par le nouveau commissariat.
     Deuxièmement, le nouveau poste de commissaire doit être indépendant et relever de la Chambre des communes, non du ministre. Comme c'est actuellement le cas du vérificateur général, il devrait relever directement des Communes. Le faire relever du ministre ne fera que reproduire ou perpétuer le problème existant.
    L'indépendance du commissariat doit être également de nature financière. Notre démocratie doit être protégée de...
    Désolé, monsieur, je vais vous demander de conclure.
    Conclure? Oui, d'accord.
    Vous pouvez prendre 30 secondes pour conclure.
    Parfait.

[Français]

    Il faudrait aussi que le bureau du commissaire ait le pouvoir d'enquêter. Au moment où on se parle, il ne s'agit que de faire des rapports au ministre, et ce n'est pas suffisant.
     Je salue l'inclusion des organisations d'éducation dans le projet de loi. Par exemple, encore aujourd'hui, une organisation comme le groupe Alpha, qui prêche une interprétation révisée et déformée de l'histoire chinoise, a réussi à obtenir des changements dans les programmes d’études. Cette organisation a été créée par le Département du travail sur le front uni et est toujours sous son contrôle, tout comme les instituts Confucius.
    Je termine là pour l'instant et j'espère répondre à vos questions le plus rapidement possible.
(1820)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
     Nous passons maintenant à M. Shull pour un exposé liminaire de cinq minutes maximum.
    Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de me donner l'occasion de parler aujourd'hui de cet important projet de loi. C'est un plaisir d'être ici.
     En effet, je commencerai par prononcer des mots que vous n'entendez probablement pas très souvent: merci beaucoup. Ce fut un réel plaisir de voir ce projet de loi cheminer à ce rythme et grâce à votre travail.
     Notre organisme est indépendant et non partisan, alors quand je dis cela, je le pense sincèrement. Je sais à quel point vous travaillez fort. Nous sommes présents ici ce soir, et tant de personnes travaillent à ce dossier, alors merci beaucoup.
     C'est dans cet esprit que je présenterai trois arguments.
     Premièrement, les activités couvertes par le projet de loi sur la transparence et la reddition de comptes en matière d'ingérence étrangère devraient s'étendre aux municipalités, et nous devons clarifier ce qu'on entend par titulaire d'une charge publique.
     Deuxièmement, le registre et le commissariat devraient être mis en place avant les prochaines élections fédérales.
     Troisièmement, la loi devrait s'insérer dans une stratégie de sécurité nationale plus globale.
     Maintenant, je vais expliciter mes propos.
     Dans un premier temps, il faut étendre ces obligations aux municipalités, et clarifier les définitions. Aujourd'hui, au Canada, le préambule d'un projet de loi est un outil important pour examiner son interprétation. Je ne veux pas vous endormir en parlant des outils de cette interprétation, mais je vous dirai simplement que le préambule contient un énoncé introductif qui établit les principes directeurs, les valeurs et les objectifs de la loi.
     Voici un extrait du préambule de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère:
Attendu: […] que leurs tentatives [des États étrangers ou des puissances étrangères et leurs intermédiaires] visant à influencer de façon non transparente les processus politiques et gouvernementaux de tous les ordres de gouvernement au Canada ont des effets systémiques à travers le pays et mettent en danger la démocratie, la souveraineté et les valeurs fondamentales canadiennes;
    Je m'arrête ici pour m'attarder sur l'expression « tous les ordres de gouvernement » et sur son impact.
     Il faut maintenant voir comment elle s'applique. La loi s'applique:
a) aux processus politiques ou gouvernementaux fédéraux;
b) aux processus politiques ou gouvernementaux provinciaux ou territoriaux;
    Et, essentiellement, elle s'applique aux processus gouvernementaux des groupes et gouvernements autochtones.
     Nous devons maintenant regarder les définitions. On y trouve une définition de « titulaire d'une charge publique », mais elle diffère de la définition donnée dans la Loi sur la protection de l'information.
     La définition contenue dans le projet de loi ne couvre pas les municipalités, et le même projet de loi définit de deux manières différentes ce qu'est un titulaire de charge publique, alors il faut probablement y regarder de plus près.
     Par opposition, voici ce que dit le projet de loi pour la Loi sur la protection de l'information:
Commet un acte criminel quiconque, sur l'ordre d'une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse […] en vue d'influencer [un processus politique ou gouvernemental, la gouvernance scolaire, ou l'exercice d'un devoir en lien avec un tel processus ou une telle gouvernance ou l'exercice d'un droit démocratique au Canada.]
    Le projet de loi définit ensuite d'une autre façon ce qu'est un titulaire d'une charge publique, et on se retrouve maintenant, dans le même projet de loi, avec deux textes législatifs qui tentent d'accomplir le même objectif tout en définissant différemment ce qu'est un titulaire de charge publique.
     Je me demande pourquoi on n'aurait pas d'obligations concomitantes pour l'enregistrement. Il s'agit des deux faces d'une même médaille.
     À mes yeux, la Loi sur la protection de l'information donne les outils juridiques nécessaires pour poursuivre et punir les opérations secrètes d'instances étrangères, tandis que la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère — j'ignore si c'est son nom, mais je l'appellerai ainsi — complète le processus en créant un régime de transparence préventive visant à dénoncer et à dissuader de telles activités grâce à la divulgation obligatoire et à une surveillance publique.
     Il s'agit d'une double approche: dissuasion et, espérons‑le, transparence préventive à long terme.
     Dans un deuxième temps, le registre doit être mis en place avant les prochaines élections fédérales. Il faut encore une fois revenir à l'objet de la loi, comme nous l'avons fait au début: « ont des effets systémiques à travers le pays et mettent en danger la démocratie, la souveraineté et les valeurs fondamentales canadiennes ». Ce n'est pas « pourraient avoir » des effets systémiques; le projet de loi dit « ont des effets systémiques ». C'est une déclaration de fait.
     Si vous souhaitez atteindre cet objectif, comment pouvez-vous ne pas mettre en place le registre avant les prochaines élections fédérales? Ce serait comme attendre au mardi pour apporter un gâteau d'anniversaire prévu pour une fête ayant eu lieu le samedi après-midi. Vous aurez manqué le bateau.
     J'ai regardé les fonctionnaires témoigner. S'il est trop difficile de le faire tout d'un coup, optez pour le gouvernement fédéral, l'élection fédérale. Passez ensuite séparément aux provinces et aux municipalités. Cependant, vous devez apporter le gâteau d'anniversaire à la fête.
     Dans un troisième temps, le projet de loi devrait s'inscrire dans une architecture plus globale de sécurité nationale. Selon la mise à jour de la politique de défense, nous élaborerons une stratégie de sécurité nationale tous les quatre ans. La politique de défense sera actualisée aux quatre ans. Votre comité a étudié le projet de loi C‑26, sur lequel j'ai eu le plaisir de témoigner. La Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications fera l'objet d'une mise à jour, d'une révision, en 2022. La Loi sur le SCRS est actuellement soumise à un cycle d'examen quinquennal. Le projet de loi C‑34, concernant la Loi sur Investissement Canada...
     Tout cela se met en place. Je pense qu'il s'agit ici d'examiner toutes les mesures législatives et toutes les différentes stratégies — sur les minéraux critiques, la propriété intellectuelle, l'innovation, la recherche, la sécurité économique. Examinez-les systématiquement, car des États adversaires le font systématiquement, croyez-moi, et nous avons besoin d'une approche stratégique.
(1825)
    Comme je l'ai dit au début, j'ai déjà eu le privilège de m'entretenir avec certains d'entre vous. Je sais à quel point votre comité travaille fort, et je sais que vous pouvez le faire, mais je souhaite simplement vous encourager à réfléchir de manière stratégique et à ne pas vous contenter de procéder à la pièce, une loi à la fois.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur.
     Nous passons maintenant à M. McSorley, pour cinq minutes.
     Monsieur le président, merci de m'avoir invité à parler aujourd'hui du projet de loi C‑70.
     Je fais partie du Groupe pour la surveillance internationale des libertés civiles, une coalition canadienne de 46 organisations de la société civile qui œuvre à la défense des libertés civiles et des droits de la personne dans le contexte de la sécurité nationale et des activités antiterroristes.
     Le projet de loi C‑70 a été présenté comme une mesure législative visant à contrer la menace d'ingérence étrangère. Nous reconnaissons l'importance de s'attaquer à ce problème, en particulier comme nous l'avons entendu dans les cas où des gouvernements menacent des individus ou leurs proches afin de réprimer leur capacité à exercer leurs droits fondamentaux ou à participer à des processus démocratiques. Cependant, les changements proposés par cette loi vont beaucoup plus loin.
     S'il est adopté, ce projet de loi aurait de vastes répercussions sur les systèmes de sécurité nationale, de renseignement et de justice pénale du Canada. À ce titre, il aurait également des impacts importants sur la vie et les droits fondamentaux des Canadiens. Par exemple, le fait de fournir au SCRS de nouvelles formes de mandats, de lui accorder un pouvoir d'intervention extraterritorial pour les activités de renseignement à l'étranger et de l'autoriser à communiquer des informations à toute personne ou entité pour en renforcer la résilience pourrait conduire à une surveillance accrue, à un effritement de la vie privée et à du profilage racial, religieux et politique.
     Bien que nécessaires, les nouvelles et graves infractions créées pour les actions menées secrètement à la demande d'entités étrangères, y compris de gouvernements étrangers et d'organisations terroristes, sont passibles d'emprisonnement à perpétuité. Cela pourrait porter atteinte à la liberté d'expression et d'association et soulever des enjeux de proportionnalité dans la détermination des peines.
     Le projet de loi transformerait également la façon dont les tribunaux fédéraux traitent les informations sensibles qui peuvent être cachées aux appelants ou aux personnes qui demandent une révision judiciaire, ce qui compromettrait la procédure judiciaire régulière par l'utilisation de preuves secrètes.
     Un projet de loi d'une telle envergure nécessite une étude approfondie. Nous sommes très reconnaissants du travail accompli par les membres du Comité et nous sommes conscients du temps et des efforts consacrés à ces audiences qui, comme on l'a souligné, se prolongent tard aujourd'hui et tout au long de la semaine.
     Cependant, nous demeurons profondément préoccupés par la précipitation avec laquelle ce projet de loi est envisagé. Présenté il y a à peine un mois, concurremment à une enquête sur l'ingérence étrangère, il aura été étudié en comité en l'espace d'une semaine, soit encore plus rapidement que l'étude précipitée de 2001 sur la première loi antiterroriste, dont l'examen en comité aura duré un mois.
     Nous sommes reconnaissants de l'invitation d'aujourd'hui; cependant, nous n'avons appris notre comparution que vendredi après-midi. Des collègues d'autres organisations qui auraient demandé de comparaître ou qui auraient soumis des mémoires écrits ont déclaré qu'ils ne seraient pas en mesure de le faire à si court préavis, et encore moins d'élaborer des amendements précis qu'ils pourraient proposer à temps pour l'échéance de vendredi.
     Précipiter le processus parlementaire dans une atmosphère de suspicion et d'appels ardents à protéger la sécurité nationale peut se solder par des conséquences négatives graves et durables. Une étude accélérée risque également de nous faire passer à côté des moyens d'améliorer le projet de loi pour mieux répondre aux enjeux d'ingérence étrangère. Nous vous exhortons donc à travailler avec vos collègues des Communes pour prolonger l'étude de ce projet de loi très conséquent.
     Outre le processus d'étude, nous avons quelques préoccupations particulières.
     Premièrement, les modifications apportées au régime applicable aux ensembles de données du SCRS n'ont qu'un lien ténu avec l'ingérence étrangère. Bon nombre de ces modifications se rapportent aux importants problèmes signalés par l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement dans un rapport cinglant sur le régime. La nécessité et les conséquences potentielles de ces changements demeurent incertaines et auraient dû être abordées lors de la révision de la Loi sur la sécurité nationale en 2019. Nous recommandons de supprimer ces modifications jusqu'à la tenue d'une telle révision. Je serais heureux d'en parler davantage durant la discussion.
     Nous nous inquiétons également des pouvoirs de communication d'informations prévus à l'article 19 de la Loi sur le SCRS. Même si nous comprenons l'objectif consistant à permettre le partage des informations appropriées, des journalistes et l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ont soulevé de sérieuses questions sur la manière dont le SCRS a par le passé géré la communication d'informations sensibles. Le projet de loi C‑70 confère également au SCRS d'importants nouveaux pouvoirs concernant la prise d'ordonnances de communication et la délivrance de mandats. Ces modifications surviennent après que les tribunaux eurent pendant des années reproché au SCRS de les avoir induits en erreur dans ses demandes de mandat. Les exigences relatives aux mandats sont là pour protéger nos droits. Il ne faudrait pas les affaiblir, et surtout pas tant que ne seront pas résolus les problèmes de manquement du SCRS au devoir de franchise envers les tribunaux.
     Le projet de loi C‑70 modifie également la Loi sur la protection de l'information, en assimilant à un acte criminel la perpétration de toute infraction criminelle, y compris des transgressions relativement mineures, si ces actes sont commis au profit d'une entité étrangère. Ces infractions, ainsi que d'autres infractions nouvelles ou modifiées, seraient passibles soit de l'emprisonnement à perpétuité, soit de peines consécutives pouvant équivaloir à l'emprisonnement à perpétuité, des dispositions qui sont normalement réservées aux pires formes de crimes et qui soulèvent des enjeux de proportionnalité des peines.
     Enfin, nous sommes également préoccupés par les nouvelles infractions de sabotage et par le projet de registre de l'influence étrangère.
     Je terminerai en commentant les changements apportés à la Loi sur la preuve au Canada. Notre coalition s'oppose fondamentalement à un élargissement de l'utilisation de preuves secrètes dans les tribunaux canadiens sous prétexte de sécurité nationale, de défense nationale et d'affaires internationales. L'introduction d'un système standardisé de rétention d'informations aux individus qui contestent les décisions gouvernementales ayant des impacts importants sur leur vie normalisera ce processus et facilitera vraisemblablement un plus grand recours à l'utilisation d'informations secrètes dans notre système judiciaire.
(1830)
    Merci. Il me fera plaisir d'en discuter plus avant et de répondre à vos questions.
    Merci. C'est juste à temps.
     Comme vous pouvez le voir, la sonnerie se fait entendre. Vous pouvez le voir, mais pas l'entendre. Cela signifie qu'il y aura un vote dans environ 25 minutes.
     Nous avons le consentement unanime pour poursuivre. Je propose de poursuivre avec quatre périodes de questions de quatre minutes chacune.
     Êtes-vous d'accord?
     Des députés: D'accord.
     Le président: Nous allons commencer par M. Shipley.
     Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Monsieur le président, à notre avis, quatre minutes, cela ne va pas.
    Oui.

[Traduction]

    Nous ne sommes pas d'accord pour quatre minutes.

[Français]

    En voulez-vous plus ou moins?
    Nous en voulons davantage, parce que nous n'en avons pas beaucoup, au total.

[Traduction]

    Je proposais que chaque parti dispose de quatre minutes, après quoi la séance serait levée et nous passerions au vote.
    Je comprends, mais globalement, monsieur le président, en tant que deuxième partie, nous n'avons pas beaucoup de temps. Nous perdons en fait deux minutes, puisque nous passons à l'autre tour à deux heures et demie.
    Nous n'aurions pas de deuxième tour à moins d'attendre et de revenir après le vote pour faire un deuxième tour.
     Voulez-vous revenir après le vote et faire un deuxième tour?
    Je n'y vois pas d'inconvénient.
    Je suppose que je demande au Comité ce qu'il doit faire ici.
     Commençons par...
    Monsieur le président, je pense que nous avons suffisamment de temps pour six minutes par parti. C'est tout juste, mais nous sommes dans le même bâtiment.
    Sommes-nous tous d'accord pour six minutes?
    Des députés: D'accord.
     Le président: Bien, c'est ce que nous allons faire.
     Monsieur Shipley, allez‑y pour six minutes.
    Je vous remercie.

[Français]

    J'invoque le Règlement.
    Serait-il possible d'inviter les témoins à une date ultérieure? Le problème est que nous avons peu de temps à leur consacrer maintenant.

[Traduction]

    Désolé, vous...
    Serait‑il possible d'inviter à nouveau les témoins, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps à leur consacrer maintenant?
    Nous pouvons demander...
    Je sais, mais on ne peut pas entrer vraiment dans le travail...
    Nous manquons de temps.
     Voyons ce que nous pouvons faire hors ligne.
     Nous demanderons certainement aux témoins de soumettre des mémoires supplémentaires s'ils pensent pouvoir nous donner d'autres renseignements. Nous le ferions avec plaisir. Cependant, pour l'instant, nous courrons contre la montre.
    Bien.
    Monsieur Shipley, allez‑y, s'il vous plaît.
     Je sais que nous sommes incroyablement à court de temps. Nous ne pouvons pas avoir six minutes chacun. Il reste 24 minutes. En fait, c'est 23 minutes.
     Que faisons-nous maintenant?
    Nous n'avons pas de consentement unanime pour poursuivre. Soit nous levons la séance, soit nous la suspendons et nous revenons après le vote.
     Que veut le Comité?
    Pouvons-nous revenir aux quatre ou cinq minutes initiales?
    Il faut le consentement unanime pour cela.
    Je sais. C'est ce que je demande. Vous pourriez peut-être le demander.
    Avons-nous le consentement unanime pour passer à quatre minutes?
    C'est ce que nous avions prévu à l'origine.
    Non.
     Dans ce cas, je propose que nous suspendions la séance et que nous revenions après le vote.
    J'invoque le Règlement.
     Si nous devons suspendre la séance et revenir après le vote, ne pouvons-nous pas simplement procéder aux premiers tours de table, puis poursuivre et lever la séance par la suite? Plutôt que de revenir une demi-heure plus tard, nous pourrions faire 15 minutes maintenant et 15 minutes après.
    Cela me convient.
     Nous continuerons avec six minutes jusqu'à ce que nous soyons près de l'heure, puis nous suspendrons la séance et reviendrons après le vote.
     Monsieur Shipley, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Nous nous sommes un peu écartés du sujet.
     Je remercie les témoins de leur présence.
    Ma première question s'adresse à M. Juneau-Katsuya.
     Vous avez été très catégorique, monsieur, dans votre déclaration liminaire, sur le fait que le commissaire doit être indépendant et qu'il doit relever de la Chambre des communes.
     Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, nous expliquer pourquoi vous êtes si ferme à ce sujet et comment cela fonctionnerait?
(1835)
     Il a été prouvé au cours de l'enquête qu'au moment même où nous parlons, le directeur du SCRS a dû retourner deux fois à son bureau pour modifier un rapport que le SCRS avait soumis au premier ministre. La capacité de manipuler, de contrôler et de limiter l'information, la diffusion de renseignements sensibles au sein des parties concernées a été présente depuis le début, dès le départ, dès la création du SCRS. Nous avons même des preuves que le SCRS a fait obstruction à des enquêtes de la GRC, et j'ai cité quatre cas où le SCRS a volontairement empêché la GRC d'obtenir certains renseignements qui l'aideraient dans la poursuite de certaines personnes.
     De ce point de vue, il est évident que, malheureusement, le système a été conçu pour manipuler, pour contrôler. Ce n'est que lorsqu'un ou plusieurs dénonciateurs ont le courage de montrer les preuves publiquement dans les médias que nous abordons enfin une question qui est cruciale pour notre constitution et qui représente une grave menace. De notre point de vue, et du mien, il est évident que le SCRS est trop influencé par le bureau du premier ministre ou son personnel, ou sensible à leur influence. Il est également difficile pour la GRC d'être neutre et d'enquêter correctement.
     De mon point de vue, en toute équité pour toutes les parties, le commissaire devrait rendre compte directement à la Chambre des communes, tout comme le fait la vérificatrice générale, et donc être en mesure de publier adéquatement les renseignements pour protéger notre système.
    Je vous remercie de votre réponse.
     Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur, ainsi qu'à M. Shull, parce que dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que les provinces devaient absolument participer à ce processus, ce que j'ai trouvé intéressant. M. Shull a mentionné en particulier que les municipalités devaient participer. J'ai trouvé assez intéressant que vous ayez tous deux choisi des ordres de gouvernement différents. Peut-être pourriez-vous chacun expliquer comment ils devraient participer et pourquoi vous estimez qu'il s'agit d'une question d'ordre plutôt provincial ou plutôt municipal.
    Je partage le même point de vue en ce qui concerne les municipalités aussi. Nous avons vu l'ingérence étrangère à tous les niveaux. Dès qu'ils sont au pouvoir, les politiciens à tous les niveaux ont été sollicités par des États étrangers cherchant à les manipuler et à les contrôler.
     Pour terminer, je dirai que les gouvernements provinciaux investissent, collectivement, des milliards de dollars chaque année dans la recherche et le développement, dans les universités et tout le reste. De nombreux agents étrangers volent la propriété intellectuelle et aucune protection n'est mise en place ou entreprise par la province parce qu'il n'y a pas de conseillers, des conseillers en sécurité nationale, auprès du premier ministre de chaque province. Lorsqu'on a offert à tous les premiers ministres provinciaux de recevoir une séance d'information spéciale du SCRS en juin dernier, seul le premier ministre de la Colombie-Britannique a accepté l'invitation. Tous les autres ont refusé. Lorsque l'on entreprend l'examen de ce sujet, celui‑ci est reçu avec une certaine naïveté qui frise la stupidité.
    Je vous remercie.
    Monsieur Shull, pourriez-vous...
    Oui, et en ce qui concerne les municipalités, je dirai que c'est un sport national, pas seulement un sport fédéral. Cependant, ma remarque portait davantage sur l'application de la loi elle-même. La loi exclut les municipalités, ce que je ne saurais pas expliquer. Je pense que c'est là que la démocratie touche le plus les gens. Si l'école de votre enfant est piratée, si votre hôpital est victime d'une panne, si votre eau ou votre électricité est coupée, tout le monde le saura. C'est dans les municipalités que la démocratie touche le plus les gens, qu'elle est le plus proche d'eux, et elles ne figurent pas dans ce projet de loi.
     Je vous remercie de cela.
     Sans vouloir mettre M. McSorley sur la sellette entre vous deux... M. McSorley a certainement estimé que nous devions prendre notre temps, et je conviens que nous devons faire ce qu'il faut, mais le temps est un facteur crucial en ce qui concerne ce projet de loi. Peut-être pourriez-vous tous deux parler de l'urgence de le faire adopter. Quel est le risque si nous ne mettons pas en place ces mécanismes d'ici les prochaines élections?
     Cette question s'adresse à vous deux, si vous le voulez.
     Je suis désolé, monsieur McSorley.
    Certainement. Il y a longtemps que cela aurait dû être fait.
     Comme je l'ai dit, j'ai été chef du bureau Asie-Pacifique et j'ai servi le SCRS pendant plus de 21 ans. Je suis dans le jeu depuis plus de 40 ans et j'ai été témoin — de M. Mulroney à M. Trudeau — du fait que tout le monde était corrompu, que tout le monde était en quelque sorte influencé par des agents d'influence au sein de leur cercle intérieur, alors il est plus que temps. Malheureusement, nous en payons également le prix fort, car nos alliés étrangers nous considèrent désormais comme une bande de dirigeants de bande dessinée, parce que nous ne prenons pas les bonnes mesures. Il est très urgent que nous ayons une loi — ou un projet de loi — qui définisse ce qu'est l'ingérence étrangère et quelles peuvent être les sanctions pour que les enquêteurs, la GRC ou d'autres services policiers, puissent faire leur travail.
(1840)
    Je dirais simplement que, lorsque je lis dans un projet de loi des expressions comme « effets systémiques », « mettre en danger la démocratie », « souveraineté » et « valeurs canadiennes », je commence à prêter attention, et c'est là l'essentiel. Certes, le projet de loi n'est pas parfait. Et certes, nous agissons rapidement, mais c'est mieux que rien. Je dirais que si vous disposez d'un mécanisme d'examen du projet de loi, adoptez ce dernier, laissez-lui un peu de temps pour mûrir, puis apportez des changements par la suite.
    Merci, monsieur Shipley.
     Nous passons à M. Bittle.
     Il nous reste 17 minutes avant le vote. Voulez-vous disposer de vos six minutes maintenant ou attendre?
    Je vais prendre les six minutes maintenant. Je pense que c'est ce dont nous avions convenu.
    Absolument, allez‑y.
    Commençons et ne perdons pas plus de notre temps avec les témoins.
     Je vous remercie tous d'être venus.
     Monsieur Shull, selon certains fonctionnaires, le projet de loi couvrirait les municipalités parce qu'elles ne sont pas des entités indépendantes; elles relèvent de la province. Acceptez-vous cette explication ou avez-vous encore des préoccupations?
    Je comprends tout à fait ce qu'ils disent. En droit, les municipalités relèvent de la province. Le pire résultat, cependant, serait d'attraper quelqu'un à agir ainsi, et de voir l'affaire rejetée par le tribunal. Et pourquoi? Ajoutez simplement quelques formulations pour veiller à ce que toutes les éventualités soient explicitement couvertes.
    C'est juste. Je vous remercie de cela.
     Monsieur Juneau-Katsuya, en ce qui concerne les conseillers des premiers ministres, est‑ce quelque chose qui peut être couvert par la loi?
    Ils sont couverts par le leadership du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral est responsable de la sécurité nationale, et ce, à juste titre. Il devrait encourager les premiers ministres à nommer des conseillers en sécurité nationale qui seront tenus au courant.
     L'un des grands problèmes de notre système est que le SCRS a été empêché pendant trop longtemps de partager des renseignements avec de nombreuses personnes. Nous devons pouvoir partager l'information, car la seule véritable défense que nous ayons contre l'ingérence étrangère est la sensibilisation, la sensibilisation sous toutes ses formes. Si nous n'avertissons pas les gens, si nous ne développons pas certains réflexes pour mieux agir, nous perdrons le contrôle.
     Nos alliés fournissent-ils ce genre de conseils aux différents ordres de gouvernement?
    Oui, par exemple, le MI6 et le MI5 organisent chaque année une conférence nationale à l'intention des chefs d'entreprise à qui exposer la dernière évaluation des menaces que ces agences ont perçues au cours de leur travail, et ils partagent également un mécanisme de défense. En Angleterre, il existe même un ministère spécial auquel les entreprises peuvent s'adresser pour recevoir de la formation et de l'aide afin de mieux se protéger.
     Le gouvernement doit comprendre que 86 % de notre infrastructure nationale appartient au secteur privé et est exploitée par celui‑ci, et qu'il faut donc coopérer avec lui. Pour les provinces, c'est la même chose. Comme j'ai essayé de le souligner, des milliards de dollars sont investis chaque année dans la recherche nationale, et nous les perdons parce que nous n'avons pas conscience de ce qui se passe.
    Pour en revenir à ma question initiale, est‑ce quelque chose que nous pouvons légiférer, ou s'agit‑il simplement d'une différence culturelle et d'une orientation que le gouvernement britannique a choisie? Est‑ce quelque chose que nous pouvons intégrer dans ce projet de loi particulier?
    Si nous légiférons, je soupçonne que les provinces se rebifferont en prétendant que c'est du ressort territorial en quelque sorte.
     Il est certain que la culture de sécurité nationale qui doit être développée doit encourager l'intendance et le leadership. Et c'est un autre élément aussi: nous n'avons pas de culture de sécurité nationale. Quand je parle de cela, je ne parle pas d'une police d'État; je parle de l'acquisition de réflexes collectifs en tant que société afin de comprendre que nous devons faire les choses différemment.
     Lorsque nous parlons des différents ordres de gouvernement — municipal, provincial et fédéral —, il y a des responsables actuels de certaines des plus grandes villes du Canada qui ont été des agents d'influence du gouvernement chinois lorsqu'ils étaient à d'autres ordres de gouvernement. L'objectif principal de la politique est de transcender tous les niveaux politiques.
(1845)
    Merci beaucoup.
     Je reviens à M. Shull.
     Comment les dispositions du projet de loi C‑70 se comparent-elles aux projets de loi adoptés dans d'autres pays du Groupe des cinq pour contrer l'ingérence et l'influence étrangères?
    Je propose de vous soumettre un mémoire sur ce sujet particulier. Mon collègue Wesley Wark en est le gourou, et il a écrit un document sur le sujet pour le centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, donc plutôt que de dire cela de mémoire, je vous le soumettrai par écrit. Il a procédé à une évaluation complète des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie, ainsi qu'à un examen des lois canadiennes.
    Merci beaucoup.
     Pouvez-vous nous parler des nouvelles dispositions sur l'échange d'information qui figurent dans le projet de loi?
    Je les approuve complètement. Il faut être réaliste; comme l'ont dit mes collègues autour de la table, le secteur privé constitue un facteur de menace important, et nous n'avons pas été en mesure d'échanger de l'information avec les provinces et les municipalités. Si des acteurs étatiques hostiles font ce que des acteurs étatiques hostiles vont faire, il faut être en mesure de partager ces renseignements, et cela permet de remédier en grande partie à cette lacune.
    Je crois qu'il ne me reste qu'une trentaine de secondes, je vais donc renoncer au reste de mon temps. Je vous remercie de votre attention.
    Merci, monsieur Bittle.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Shipley, allez‑y pour un rappel au Règlement.
    Il y a eu quelques conversations à cet effet, et je crois que vous pourriez obtenir un consentement unanime pour que nous votions tous à distance et poursuivions simplement nos travaux maintenant.
    Je crois savoir qu'il a été question au sein des membres du Comité de la possibilité que nous continuions à travailler durant le vote et ne fassions qu'une très brève pause pour voter par la magie de nos téléphones. Pour les non-initiés, nous devons faire une chose bizarre; ce n'est pas de la magie, c'est la merveille de la technologie.
     Nous poursuivrons avec M. Villemure, si vous le souhaitez, pendant six minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Juneau‑Katsuya, que pensez-vous de l'idée que le registre puisse exiger une double inscription, c'est-à-dire celle de l'agent étranger lui-même et celle de la personne qui fait l'objet de l'influence?
    C'est absolument nécessaire.
    Le Registre des lobbyistes est un registre qui est déjà en place, et on voit toutes sortes de manipulations et de stratagèmes qui se font en cachette à l'heure actuelle. Pour que l'on puisse avoir la certitude qu'il y a transparence et reddition de comptes, non seulement l'agent étranger doit-il rapporter dans les 14 jours sa rencontre et le contenu de la conversation, mais la personne qui a reçu la visite doit aussi le faire. De cette manière, on s'assure que tout le monde reste honnête. S'il y a un décalage entre les rapports des deux individus, on pourra faire une enquête beaucoup plus poussée.
     D'accord, merci beaucoup.
    Monsieur Shull, je vous pose la même question. Que pensez-vous d'une double inscription au registre?

[Traduction]

    Je pense que le registre, tel qu'il est structuré, est assez bon. Il comble une lacune. Mais ce n'est pas une fin en soi. C'est un outil parmi d'autres, et je pense que la façon dont il est rédigé à l'heure actuelle est satisfaisante.
     Vous soulevez de bonnes questions autour de cette table au sujet de l'indépendance, de la place du commissaire et de tout cela, mais dans sa structure actuelle, je pense que le registre fait un assez bon travail pour remédier au mal qu'il est censé attraper.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Juneau‑Katsuya, selon vous, si le registre proposé avait été en place à l'époque, cela aurait-il permis d'éviter la situation qui est survenue au laboratoire de Winnipeg?
     C'est une bonne question.
    Je ne peux pas dire, en ce moment, si cela aurait pu être évité. Les vérifications doivent certainement être beaucoup plus poussées. Des politiques et des mécanismes de contrôle en place n'ont pas été respectés, et c'est l'élément principal du manquement qui a eu lieu. Dans ce cas, ce n'étaient pas des agents étrangers, mais des gens qui sont devenus citoyens canadiens pendant une certaine période. On peut donc dire que c'était le cas en théorie.
    Cela dit, à partir du moment où ils ont collaboré avec une agence étrangère, qui est d'ailleurs liée directement à l'Armée populaire de libération, effectivement, ils auraient dû déclarer ce contact, sous peine d'être reconnus fautifs.
    Que fait-on si des scientifiques, quelque part, volent de la propriété intellectuelle? On ne peut pas penser qu'ils vont s'inscrire en tant que voleurs de propriété intellectuelle. Il faudra donc renforcer certains contrôles.
(1850)
     Oui, effectivement, et c'est là qu'on doit développer une nouvelle culture de la sécurité nationale, comme je le mentionnais il y a un instant. Je crois que le projet de loi C‑70 est un pas dans la bonne direction pour commencer à définir le cadre opérationnel des enquêteurs, qui seront capables de déterminer s'il y a des dangers.
    D'ailleurs, je tire mon chapeau au gouvernement pour avoir inclus les établissements scolaires. C'est une très bonne chose, puisque c'est là que le plus grand vol de propriété intellectuelle s'exécute depuis des décennies.
     Si je comprends bien, c'est bien d'avoir une structure, mais il faut également instaurer une culture de la sécurité nationale.
    Tout à fait. Pour implanter cette culture, cela prend du leadership, et celui-ci doit venir du gouvernement fédéral, qui va autoriser et favoriser des campagnes de sensibilisation, des partenariats avec le secteur privé et les provinces, justement pour rehausser la conscience collective du Canada.
     Merci beaucoup, monsieur Juneau-Katsuya.
    Monsieur Shull, je vais me tourner vers vous.
    Plus tôt, vous avez parlé d'inclure les municipalités. Toutefois, ne pourrions-nous pas songer à inclure également les universités et les sociétés d'État, par exemple? C'est parce que, dans la partie I de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, on autorise le SCRS à transmettre de l'information aux universités. Or la partie 4 du projet de loi C‑70, qui porte sur le registre, reste muette quant aux universités et aux sociétés d'État.

[Traduction]

    Il y a une chose importante à dire au sujet des universités. Par exemple, lors du débat sur Huawei et la 5G, j'ai présenté une demande d'accès à l'information et j'ai extrait le dossier intitulé « Compute Canada ». Il n'y a aucune raison que vous sachiez de quoi il s'agit.
     Compute Canada a été établi en tant que processeur de calcul intensif pour un grand nombre de nos universités les plus actives en matière de recherche. Devinez qui a construit l'arrière-plan? C'est Huawei.
     Cela rejoint ce que je disais à propos de mon approche plus large de la sécurité nationale en tant que cadre stratégique. Il ne s'agit pas seulement d'investissements ici. Il ne s'agit pas seulement de minerais là‑bas. Et il ne s'agit pas seulement de registres étrangers ici. Il s'agit de tout cela. Il nous incombe, parce que des acteurs étatiques hostiles se comportent de manière stratégique, d'avoir une réponse stratégique.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Shull.
    Comme M. Bittle l'a si gentiment fait, je vais céder mon temps de parole à mon collègue.

[Traduction]

    Nous disposons de cinq minutes et 27 secondes.
     Souhaitez-vous que nous fassions une pause pour le moment, ou voulez-vous commencer à poser vos questions?
    Je vais continuer jusqu'au moment de voter. Merci, monsieur le président.
    Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Shull, j'aimerais commencer par vous.
     Je suis heureux que vous ayez évoqué la cohérence entre la Loi sur la protection de l'information, ou LPI, et la nouvelle Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère. Lorsque j'ai interrogé des fonctionnaires du ministère de la Justice la semaine dernière, ils m'ont dit, pour les paraphraser, que les définitions de la LPI s'inscrivent dans le contexte de la LPI, et qu'il y a une raison à cette différence.
     Cela peut prêter à confusion, car la définition de « titulaire d'une charge publique », en particulier dans la partie 4, renvoie à d'autres lois plus complètes.
     Je suppose que vous soutenez devant ce comité que, par souci d'harmonie, la LPI et cette loi devraient avoir exactement la même liste.
    Elles s'attaquent au même mal.
     Je sais exactement ce que vous dites. Elle renvoie à la Loi sur le lobbying, mais si l'on consulte cette disposition de la Loi sur le lobbying, on constate qu'elle énumère des choses auxquelles la Loi sur le lobbying ne s'applique pas. Il s'agit d'une double négation et d'une définition tortueuse. Dites simplement ce que vous voulez dire.
    Je vous remercie de cet éclaircissement.
     Monsieur McSorley, j'aimerais poursuivre avec vous.
     Vous avez exposé les multiples préoccupations que vous causent certaines des dispositions de cette loi. J'aimerais me concentrer sur les règles concernant la divulgation par le SCRS telles qu'elles se présentent dans cette loi.
     Je crois comprendre le raisonnement sous-jacent. Nous voulons faciliter la notification par le Service des personnes qui pourraient se trouver dans une situation préoccupante, mais à part quelques exceptions qui régissent la manière dont le SCRS peut divulguer ces renseignements, c'est vraiment le Service qui décide, et je ne vois pas très bien ce que le destinataire des renseignements pourrait en faire.
     Avez-vous des suggestions sur ce que ce comité devrait faire concernant cette section particulière? Y a‑t‑il d'autres garanties régissant la façon dont le SCRS communique ces renseignements, que vous aimeriez voir dans ce texte?
    Certainement.
     Il y a deux domaines clés: d'une part les renseignements personnels qui peuvent être communiqués avec l'autorisation du ministre, et d'autre part, les renseignements qui ne contiennent pas de renseignements personnels, mais qui peuvent être communiqués de façon plus générale pour renforcer la résilience.
     En ce qui concerne les renseignements que le ministre peut partager, y compris les renseignements personnels, le fait qu'ils sont ouverts à toute personne ou entité nous préoccupe. Nous sommes très inquiets par l'échange de renseignements à l'échelle internationale et par les effets que cela peut avoir sur les droits des voyageurs canadiens ou de ceux qui sont à l'étranger. Nous pensons donc qu'il devrait y avoir davantage de protections quant à la façon dont les autorisations ministérielles peuvent être partagées.
    Il est important de noter toutefois que ce genre de divulgation doit être signalé à l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l'OSSNR, exigence qui est une protection très importante. Malheureusement, les nouvelles dispositions concernant la communication des renseignements afin de renforcer la résilience aux menaces ne prévoient pas une telle protection. Nous pensons donc que l'une des choses à envisager serait d'exiger la déclaration et la transparence lorsque le SCRS communique cette information aux fins de résilience. En effet, comme je l'ai mentionné, il y a eu des situations, signalées par l'OSSNR et d'autres entités, où l'information a été utilisée en tant que suivi. Par exemple, même lorsque c'est dans le cadre de ses mesures de réduction des menaces que le SCRS partage des renseignements, l'OSSNR a constaté qu'il n'assume pas la responsabilité des violations de la Charte qui pourraient en découler.
     Nous pensons qu'une reddition de comptes et une transparence accrues, ne serait‑ce qu'à l'endroit de l'OSSNR, pourraient contribuer à garantir un suivi ainsi que le moyen de veiller à ce que ces renseignements ne soient pas utilisés pour violer la Charte. Cela pourrait également contribuer à garantir la véracité et l'exactitude des renseignements partagés, car, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, c'est aussi parfois un problème pour ce qui est des renseignements que le SCRS partage. Si ces renseignements sont communiqués à une université, comment celle‑ci pourrait-elle savoir s'ils sont exacts en l'absence d'un suivi de la part d'un autre organisme?
(1855)
    Oui, merci, car j'ai lu le rapport de l'OSSNR sur le régime d'ensembles de données du SCRS, et il était assez cinglant. Je suis préoccupé par le fait que s'ils ont dépassé les mesures de protection législatives qui existent aujourd'hui, je me méfie un peu en tant que législateur de leur en donner encore plus. Je comprends le raisonnement, mais je ne veux pas être ici dans cinq ans à lire un autre rapport cinglant de l'OSSNR parce qu'ils ont à nouveau dépassé les mesures de protection législatives. Je comprends donc votre point de vue sur cet aspect.
     Très rapidement, j'ai entendu plusieurs témoins parler du problème que pose la définition d'« arrangement » et de l'exercice « sous l'autorité d'un commettant étranger ou en association avec lui » dans la partie 4 de cette loi. Avez-vous des préoccupations à ce sujet? Pensez-vous qu'il faille en renforcer la formulation?
    Je pense qu'il faut éclaircir ce point, ce qui permettrait d'améliorer l'efficacité d'un tel régime, afin qu'il ne soit pas trop large et qu'il n'englobe pas toutes sortes de choses qui n'ont peut-être pas été envisagées.
     Par exemple, une de nos préoccupations concerne la définition d'une « entité économique étrangère » ou d'une « entité étrangère », et la question de savoir si cette définition pourrait englober, par exemple, les radiodiffuseurs publics d'autres pays qui appartiennent essentiellement à un gouvernement étranger et sont contrôlés par celui‑ci. En outre, cela pourrait‑il signifier que les journalistes qui travaillent en collaboration avec eux, ou les Canadiens qui sont présentés en tant qu'experts et s'expriment sur des questions politiques importantes pourraient alors être contraints de s'inscrire? Nous craignons que cela ait un effet dissuasif sur le journalisme, et il y a d'autres questions concernant la liberté académique et d'autres aspects également.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute pour voter.
    Ne pouvons-nous pas continuer? Nous disposons de 10 minutes pour que nous votions tous. Ou si vous avez besoin de...
     Je suis heureux de continuer. Nous pouvons voter en cours de route?
     C'est tellement inhabituel que nous ayons un tel accord tout le temps.
     Commençons donc notre deuxième tour de table. Nous entendrons M. Caputo pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais me concentrer sur un aspect qui a en fait été soulevé par un autre témoin. C'est une question que j'ai déjà posée: l'indépendance du commissaire du registre. Désolé, je n'ai pas le nom officiel, mais vous savez de quoi je parle.
     À ce stade, il devrait y avoir eu, si j'ai bien compris, consultation de la Chambre des communes et du Sénat sur la nomination de cette personne, mais le commissaire serait nommé par décret. Existe‑t‑il un moyen de renforcer l'indépendance de cette personne? Le commissaire semble‑t‑il suffisamment indépendant d'après ce genre de processus de nomination?
    Il y a un certain nombre de commissaires qui relèvent directement du Parlement, notamment le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, et il y a aussi le commissaire au lobbying.
     J'ai écouté les témoins précédents et si je pouvais comprendre la raison derrière tout cela — encore une fois, je ne suis qu'un simple citoyen, alors prenez‑le pour ce qu'il vaut — c'est qu'ils se trouvent au sein du ministère pour avoir accès aux documents, parce qu'en fin de compte, une fois que l'on commence à émettre des avis de conformité, d'où viendront ces renseignements? Ils proviendront de sources de renseignement, et je pense donc que l'idée est de les regrouper, ce qui pourrait les rapprocher du ministère, mais je comprends tout à fait votre point de vue sur l'indépendance.
(1900)
    Nous nous concentrons beaucoup sur l'aspect positif de l'obligation d'inscription et de la déclaration volontaire dans les 14 jours, etc.
     Que se passe‑t‑il lorsqu'il y a des délinquants, des personnes qui ne veulent pas faire de déclaration ou qui essaient de cacher les réunions qu'elles ont eues avec des personnes au pouvoir ou avec des élus? C'est dans ces cas que nous devons disposer de capacités d'enquête.
     Quelqu'un dira que cela sera confié à la GRC. Comme j'ai essayé de le démontrer un peu plus tôt, la GRC et le SCRS ne coopèrent pas très bien à l'heure actuelle. Ils n'ont pas été capables de résister à l'influence du Cabinet du premier ministre, en particulier.
     Ce genre d'interférence qui vient de l'intérieur est au détriment de la qualité de notre démocratie.
    Pouvez-vous nous en dire plus? De quelle interférence du Cabinet du premier ministre parlez-vous?
    Lorsque le SCRS signale que l'un des candidats a été grandement compromis, que des autobus d'étudiants étrangers ont été amenés, et qu'il dit qu'il n'est pas sûr que les renseignements sont vraiment bons, qu'il n'en tient pas compte et qu'il continue, il y a quelque part un manque de responsabilité et de respect pour le professionnalisme de cette institution que nous avons créée et qui est là pour protéger notre pays.
     C'est la même chose lorsque certaines enquêtes qui devraient être lancées ne le sont pas parce qu'elles risquent de mettre le Cabinet du premier ministre dans l'embarras ou quelque chose du genre. La séparation recherchée au départ entre le judiciaire, le juridique et l'exécutif n'existe plus aujourd'hui. Elle fait défaut depuis longtemps.
     Nous devons, en ce moment crucial, tenter de recréer cette séparation en établissant un élément d'indépendance autant que possible, tant sur le plan financier que sur le plan de l'autorité.
    J'ai été frappé par votre idée d'indépendance et vous en avez donné un très bon exemple.
     Je crois que l'un des arguments contre une personne vraiment indépendante, comme le commissaire aux conflits d'intérêts, qui ne fait pas partie du gouvernement, est que le commissaire devra avoir accès à des renseignements ministériels à portée de main.
     Est‑ce un argument pour ne pas avoir le même degré d'indépendance? Est‑ce logique?
     Nous pouvons légiférer pour faire en sorte que cette personne ait accès à tous les renseignements nécessaires à l'enquête. C'est une condition sine qua non de la réussite de son enquête et une mesure dissuasive que nous voulons imposer aux agents étrangers.
     Soyez assurés que l'ingérence étrangère ne prendra pas fin avec l'adoption du projet de loi C‑70. Elle se poursuivra. Elle est en place depuis longtemps. Nous avons tergiversé pendant si longtemps qu'ils ont réussi à s'intégrer dans tous les ordres de gouvernement. Cela continuera.
     Mon problème est l'exécution. Donnons-nous des outils aux forces de l'ordre pour qu'elles soient capables de bien travailler?
     C'est d'autant plus vrai que nous disposons maintenant de preuves et de témoignages qui nous indiquent que l'influence de l'échelon supérieur a été exercée à de nombreuses reprises.
    Merci, monsieur Caputo.
     Nous passons maintenant à Mme O'Connell, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leur présence.
     Monsieur Juneau-Katsuya, j'aimerais revenir sur cette question, compte tenu de votre expérience.
     En ce qui concerne la question de l'indépendance, je pense qu'il serait injuste de dire que le fait de travailler dans certains de ces domaines élimine tout de suite l'indépendance. Transformer des renseignements en preuves est un défi en soi. À quel moment s'arrête‑t‑on pour dire: « Voici des renseignements pertinents, évaluons la situation »? Puis, de nouveaux renseignements arrivent et l'évaluation doit être modifiée.
    Cela ne compromet‑il pas également la capacité du Canada à élaborer une bonne politique ou celle du SCRS à fournir des conseils s'il y a un point limite pour les renseignements, au lieu de permettre un examen des éléments d'information pour former une image plus large?
(1905)
    Je ne veux pas manquer de respect, mais nous n'agissons pas selon de l'information. Nous agissons selon le renseignement, et nous produisons le renseignement. Nous ne recueillons pas du renseignement. Le renseignement est issu d'une information et d'un processus d'analyse qui permettent d'assembler le renseignement. À partir du renseignement, nous adoptons une ligne de conduite. Nous le transformons en renseignement exploitable.
     L'indépendance dont nous parlons actuellement est nécessaire parce que, malheureusement — et j'insiste non seulement sur les années actuelles, mais aussi sur les 30 dernières années —, nous avons vu des agents d'influence capables de détourner littéralement le processus et d'empêcher le gouvernement ou d'autres ministères de prendre les mesures qui s'imposent. Il n'est pas nécessaire de disposer d'une armée. Il suffit d'avoir la bonne personne au bon endroit. C'est un ministre, c'est un directeur général et c'est un sous-ministre qui dira: « Non, ce n'est pas vraiment bon. »
     J'ai rapporté en 1998 une ingérence étrangère. Nous avions des preuves à l'époque. On m'a ordonné de détruire mes documents et mes renseignements parce que cela mettrait le gouvernement dans l'embarras à ce moment‑là. Je faisais mon travail. Ils préféraient tuer le messager plutôt que de s'attaquer à ce qui menaçait notre sécurité nationale.
     C'est là le problème. C'est pourquoi nous devons être en mesure d'avoir, tout comme la vérificatrice générale... C'est l'exemple que je préfère utiliser. La vérificatrice générale parle parfois de questions difficiles, sensibles et embarrassantes, mais il faut en parler. Ce n'est qu'ainsi que nous aurons une démocratie saine et solide: en ayant cette transparence et cet élément de reddition de comptes que je mentionnais tout à l'heure.
    Parfait. Merci beaucoup.
     Monsieur Shull, je voulais passer à vous.
     En fait, vous avez tous deux mentionné les questions relatives à l'inclusion d'autres ordres de gouvernement et je vous suis reconnaissant d'avoir lu l'introduction du projet de loi, car l'intention est très claire: faire en sorte que la Loi sur le SCRS, qui à l'heure actuelle ne permet pas du tout l'échange de renseignements et qui est très restrictive, soit ouverte.
     Je suis curieuse de connaître votre avis sur la définition de « titulaire d'une charge publique » et de l'harmoniser, car il ne s'agit pas seulement des autorités municipales et provinciales. Il pourrait s'agir de dirigeants autochtones qui détiennent des infrastructures critiques, par exemple. Y a‑t‑il une autre loi ou d'autres pays qui, selon vous, auraient une définition plus large?
    Oui.
     Je vous remercie, monsieur le président, c'est une excellente question.
     Elle figure dans ce projet de loi. Elle figure en fait dans la Loi sur la sécurité de l'information. Tout ce que je ferais, c'est prendre la définition de la Loi sur la sécurité de l'information et l'insérer dans ce projet de loi. Vous aurez alors une cohérence entre vos projets de loi. C'est tout ce que je ferais.
     J'ajouterais également la mention explicite des municipalités. La remarque de la députée est pertinente. On pourrait probablement faire valoir que les municipalités relèvent des provinces, mais si je devais défendre quelqu'un sur ce point, c'est cet aspect que je viserais en premier. Il y a lieu de l'éviter à ce stade.
    Merci.
    Pour donner suite à cela, j'ai certainement fait partie de l'administration municipale, alors je comprends, en pensant à l'époque et en sachant ce que je sais aujourd'hui, mais le défi — et j'aimerais entendre vos réflexions à ce sujet —, c'est l'hypothèse que tous les renseignements seront alors simplement partagés. Une partie du défi consiste à faire en sorte que les renseignements sont partagés et que les différents ordres de gouvernement les reçoivent, mais d'une manière qui ne compromet pas les renseignements.
     Comment trouver cet équilibre pour veiller à ce que, qu'il s'agisse d'universités ou d'entreprises privées qui sont ciblées... Comment nous assurer que nous pouvons créer un projet de loi qui est large, mais qui ne crée pas l'attente que tout le monde recevra une séance d'information sur la sécurité nationale et que, par conséquent, cette information n'est plus protégée?
    C'est une autre bonne question, monsieur le président.
     Nous parlons de deux choses.
     La première est l'obligation de s'inscrire. À l'échelle municipale, si une personne essaie d'influencer un fonctionnaire municipal au nom d'un commettant étranger, elle a l'obligation de s'inscrire, c'est tout. La raison en est la transparence. Si la personne ne le fait pas, c'est un peu comme Al Capone. Ils n'ont pas arrêté Al Capone pour meurtre. Ils l'ont arrêté pour fraude fiscale, n'est‑ce pas? C'est simplement un outil supplémentaire dans la boîte à outils. C'est le premier point.
     Deuxièmement, en ce qui concerne le partage de renseignements classifiés ou secrets, je vais laisser cela aux experts. On n'apprend pas à la faculté de droit comment partager des renseignements très secrets, alors je n'ai même pas voulu me risquer à formuler une hypothèse.
(1910)
    Merci.
    Merci, madame O'Connell.
    Monsieur Juneau-Katsuya, allez‑y.
    Permettez-moi d'ajouter que l'un des défis — et c'est un excellent défi dont vous parlez — concerne la culture. Le Canada a été très prude en ce qui concerne la dissimulation et le partage de renseignements, pendant de nombreuses décennies. Nous devons être un peu plus mûrs, un peu plus adultes, en ce qui concerne le partage des renseignements. Ce qui est partagé n'est pas toujours à notre détriment. Au contraire, cela renforce notre sécurité nationale.

[Français]

     Monsieur Villemure, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je n'ai que deux minutes et demie, alors je vais procéder rapidement.
    Je vais poser la même question à M. Juneau‑Katsuya et à M. Shull.
     Après leur mandat, des fonctionnaires du gouvernement, des élus ou des ministres ont collaboré avec la Chine. Devrions-nous avoir un genre de moratoire de trois ans, de cinq ans, où l'on ne pourrait pas faire des affaires avec, par exemple, la Chine, puisque cela pourrait causer des problèmes?
     Absolument.
     Si on s'inspire de ce qui se fait dans le domaine privé, lorsque des personnes vont travailler pour certaines compagnies, elles sont tenues de garder une certaine distance, un certain silence. Parfois, elles n'ont même pas le droit de travailler dans certains domaines pendant une certaine période pour contrer le risque de devenir un compétiteur ou de partager des informations de nature trop délicate.
    Dans ce cas-ci, il s'agit de la sécurité nationale. Dans l'un des derniers gouvernements, non pas le gouvernement actuel, mais l'un des précédents, cinq membres du Cabinet sont allés directement travailler pour des compagnies chinoises dès qu'ils ont quitté leurs fonctions. C'est une aberration. C'est une aberration absolue de permettre que des membres du Cabinet, qui ont eu le droit et le privilège d'avoir accès aux plus hauts secrets de l'État, puissent aller travailler pour ces compagnies et en profiter personnellement en partageant des informations de nature secrète.
     Monsieur Shull, pouvez-vous répondre aussi à cette question?

[Traduction]

    Je suppose que les ministres prennent leur serment au sérieux. J'ai confiance et je respecte le fait que les personnes qui aspirent à cette fonction et les membres autour de cette table qui prêtent serment vont le respecter. Je pense qu'une période de réflexion n'est pas une mauvaise idée. Je ne comprends pas pourquoi nous n'en voudrions pas. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi, je m'en tiendrai donc là, mais instinctivement, cela me semble être une bonne idée.

[Français]

     Cela ne semble pas inusité.
     Monsieur Shull, on se réfère souvent au registre australien, mais on omet de mentionner que des études ont été faites à ce sujet, et qu'elles étaient plutôt critiques.
    Qu'a-t-on appris de ces études et, compte tenu de l'expérience australienne, que devrait-on éviter de faire?

[Traduction]

    Je dirais qu'il faut deux ou trois choses. La première est la clarté absolue. Les gens doivent savoir ce qu'on attend d'eux. Ils doivent savoir ce qu'ils doivent faire. En cas de manquement, il faut intervenir rapidement et fermement. D'emblée, le pire résultat possible est que nous travaillions, que nous nous asseyions autour de cette table, que nous mettions en place cette chose et qu'elle ne fasse pas ce qu'elle est censée faire. C'est ce qu'il faut éviter. C'est pourquoi je suis heureux que nous ayons cette conversation. Je dirais qu'il faut bien faire les choses, mais adoptez‑le avant les prochaines élections, quoi que vous fassiez.

[Français]

    Monsieur Juneau‑Katsuya, je vous pose la même question.
    Effectivement, c'est un sujet très important.
    À titre d'information, depuis que l'Australie a adopté sa loi en 2017, aucune poursuite officielle n'a été faite. Comme M. Shull l'a mentionné, et je suis tout à fait d'accord avec lui, il y a un manque de clarté, un manque de définition claire et précise qui permet aux forces de l'ordre d'enquêter adéquatement et, ultimement, d'amener le tout devant la justice. Cela nécessite aussi des procureurs qui auront la colonne vertébrale nécessaire pour aller de l'avant.
    Merci beaucoup.
     Merci, monsieur Villemure.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. MacGregor pour deux minutes et demie.
     Allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur McSorley, en lisant cette loi, j'ai constaté qu'il y a bien sûr beaucoup d'harmonie entre les différentes lois fédérales qui sont modifiées dans un but précis. Toutefois, la section qui ressort un peu est celle des modifications apportées au Code criminel, plus précisément aux pages 35 et 36 du projet de loi. Les articles 60 et 61 modifient la définition du sabotage dans le Code criminel. Lors d'un tour de table précédent, nous avons entendu le témoignage de la World Sikh Organization, qui nous a dit qu'il y avait ici mention de la sécurité des forces navales, des forces de l'armée et des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada. Il pourrait s'agir des attachés militaires d'une ambassade.
     Ils ont déclaré que dans des exemples précédents, le gouvernement indien avait lancé des accusations fallacieuses concernant des manifestations autour de leurs missions diplomatiques, etc., et ils craignent que cela puisse être utilisé pour cibler injustement certains groupes. Je leur ai demandé s'ils étaient d'accord, parce qu'il y a une clause de précision selon laquelle nul ne commet d'infraction s'il prend part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d'un désaccord, mais n'a pas l'intention de causer de tort.
     Avez-vous des idées à partager avec le Comité sur ces amendements précis au Code criminel et sur ce que nous devrions examiner?
(1915)
    Par l'intermédiaire du président, je vous remercie beaucoup pour cette question.
     Nous sommes préoccupés par les amendements relatifs au sabotage... S'il est bon de voir qu'une exception est envisagée, nous craignons qu'elle n'aille pas assez loin. Nous savons que lorsque des personnes s'engagent dans des actes de dissidence, elles sont souvent accusées d'aller trop loin. Nous craignons que la formulation actuelle ait un effet dissuasif, surtout avec les précisions sur ce que l'on entend par l'intention de causer du tort.
     Prenons l'exemple d'une manifestation qui traverse une voie ferrée ou qui emprunte une route utilisée par les services d'urgence. L'intention est de protester. Or, cela peut conduire à entraver la conduite de ces services. Les personnes n'ont peut-être pas l'intention de causer de tort, mais elles savent que cela peut arriver. Elles savent, comme tout le monde, qu'une ambulance peut devoir passer et qu'un train peut devoir passer.
    La question de savoir où sera tracée la limite de ce qui est considéré comme une intention nous préoccupe. De toute évidence, cette notion est bien définie par la jurisprudence, mais nous craignons toujours qu'elle ait un effet dissuasif et que des personnes n'exercent pas leur droit démocratique de protester et leur droit à la liberté d'expression et d'association.
    Merci.
    Merci, monsieur MacGregor.
     Voilà qui conclut notre deuxième tour de table.
     M. Kurek est préoccupé.
    Je dois me rendre à une autre réunion de comité qui commence dans un instant.
    Je crois que nous avons terminé.
     Merci à tous de vos témoignages.
     M. Caputo veut que nous parlions de l'horaire.
    Messieurs les témoins, n'hésitez pas à partir si vous le souhaitez.
    Pouvez-vous lever la séance si ce n'est qu'une conversation? Car, si quelqu'un doit partir...
     Levons la séance, car je dois me rendre à [inaudible].
    La séance est levée.
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