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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi au Comité du mercredi 29 mai 2024 et à la motion que celui‑ci a adoptée le lundi 27 mai 2024, nous reprenons l'étude du projet de loi , Loi concernant la lutte contre l'ingérence étrangère.
Avant de commencer, j'invite les membres du Comité ainsi que les participants qui assistent à la réunion en personne à prendre connaissance des cartes sur la table qui indiquent les mesures à prendre pour éviter les incidents acoustiques.
Prenez note également que des mesures ont été adoptées pour protéger la santé et la sécurité de l'ensemble des participants, et notamment celles des interprètes. Veuillez utiliser seulement les oreillettes noires dûment approuvées. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Assurez-vous que votre oreillette se trouve toujours à bonne distance d'un microphone. Lorsqu'elle est inutilisée, déposez l'oreillette, face vers le bas, sur l'étiquette prévue à cette fin sur la table. Merci de votre coopération.
La réunion d'aujourd'hui va se dérouler en mode hybride.
À cet égard, j'ai quelques consignes à donner aux députés et aux témoins. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence.
Pour ce qui concerne plus précisément le projet de loi et tel qu'il est indiqué dans la note de service transmise le 31 mai, je rappelle aux députés qu'ils doivent soumettre les amendements au greffier du Comité au plus tard à 16 heures le vendredi 7 juin 2024. Il est important de souligner que l'échéance de 16 heures a été établie par un ordre adopté par la Chambre le 30 mai dernier et qu'elle est ferme. Par conséquent, le Comité n'examinera aucun amendement soumis au greffier après cette échéance ou proposé ici durant l'étude article par article du projet de loi.
Je vais maintenant vous présenter notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons M. Charles Burton, agrégé supérieur de l'organisme Sinopsis, ainsi que M. Michael Kempa, professeur agrégé de criminologie à l'Université d'Ottawa.
Bienvenue, messieurs, et merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
J'invite M. Burton à nous présenter sa déclaration liminaire. Vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je suis spécialiste de la politique intérieure et étrangère de la Chine. J'ai fait mes études en Chine et j'ai travaillé au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, ainsi qu'au service diplomatique canadien, et j'ai aussi été professeur. J'ai publié plusieurs articles et rapports sur les activités d'influence de la Chine au Canada.
Je vais me concentrer aujourd'hui sur la partie 4 du projet de loi , qui porte sur la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère, et notamment sur les répercussions des activités des agents du ministère chinois de la Sécurité de l'État qui ciblent des politiciens, des fonctionnaires et d'autres personnes qui peuvent influencer l'orientation des relations du Canada avec le régime de la République populaire de Chine.
Dans son rapport publié plus tôt ce mois‑ci, la juge Hogue souligne que son mandat consiste à enquêter sur d’éventuels cas d’ingérence étrangère relativement à « la prise de décisions exécutives par le Cabinet et ses ministres en relation avec leurs ministères respectifs, y compris l’ingérence étrangère indirecte dans les décisions ministérielles lorsque celles‑ci se fondent sur des informations provenant d’un palier inférieur du gouvernement et sont clandestinement influencées par un État étranger — ou ses mandataires, agents, etc.— ».
Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi le mandat de la juge Hogue a été restreint aux informations provenant d'un palier inférieur du gouvernement et qui sont clandestinement influencées par un État étranger. Lors de la réunion précédente du Comité, M. Genuis a évoqué la possibilité qu'un futur procureur général du Canada soit en conflit d'intérêts s'il a profité de l'ingérence étrangère dans sa circonscription. Selon ma compréhension de la stratégie chinoise du Front uni dans le monde, le ministère de la Sécurité de l'État cible très tôt les politiciens appelés à occuper un poste influent comme celui de procureur général du Canada.
Par suite de la fuite d'un rapport de décembre 2021 du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, nous avons appris que le ministère chinois de la Sécurité de l'État recourt à un code de trois couleurs pour classer ses tactiques d'ingérence politique visant à exercer une influence sur les fonctionnaires canadiens quand ils sont au pays ou quand ils se rendent en Chine. Le bleu désigne les cyberattaques complexes des ordinateurs, téléphones intelligents et chambres d'hôtel des cibles, éventuellement pour les faire chanter. La couleur or désigne les tactiques de corruption. Le jaune est utilisé pour ce que le SCRS appelle les pots de miel, des tactiques de séduction sexuelle déployées par la Chine pour compromettre une cible.
Le projet de loi et les autres lois en vigueur offrent des mesures très efficaces contre ces tactiques inquiétantes, mais c'est clair que le régime chinois utilise ici et ailleurs des stratagèmes plus complexes que nous aurons plus de difficulté à contrer.
Prenons l'exemple de Bob Hawke, un ancien premier ministre de l'Australie. Il raconte dans sa biographie que peu de temps après sa retraite de la vie politique, il s'est rendu à Pékin et y a rencontré le dirigeant chinois Jiang Zemin, qui lui a dit que la Chine n'oublie jamais ses amis. Il a ajouté que la Chine le considérait comme un de ses meilleurs amis. Dans les années qui ont suivi, M. Hawke a occupé plusieurs postes de directeur et de consultant liés à la Chine qui l'ont propulsé vers une remarquable réussite financière.
Au Canada, nous avons divers exemples de ministres, d'anciens ambassadeurs en Chine et de personnes qui ont occupé des postes importants au sein du ministère des Affaires étrangères et qui, après avoir quitté le gouvernement, ont bénéficié de possibilités très lucratives liées à ce pays. Les possibilités de carrière liées au gouvernement dans les cabinets d'avocats, les entreprises et d'autres secteurs qui ont des liens avec des réseaux commerciaux associés au Parti communiste chinois ne sont pas ouvertes, il va de soi, à ceux qui sont considérés comme ayant été hostiles à la Chine quand ils étaient titulaires d'une charge publique. Comme nous le savons pertinemment, le régime chinois tient des dossiers très étoffés sur nous tous et il connaît ses amis.
Une question troublante se pose concernant les fonctionnaires canadiens. Sachant que la Chine opère tout en finesse en promettant de manière implicite des avantages futurs aux décideurs après leur retraite, une tactique d'influence impossible à détecter par le projet de loi , est‑il possible de penser qu'ils pourraient hésiter à donner suite rapidement à une évaluation du renseignement qui commande que le gouvernement canadien agisse de manière contraire aux intérêts chinois? Est‑ce qu'au contraire ces décideurs vont avoir tendance à laisser ce travail à d'autres pour ne pas indisposer l'ambassade chinoise?
Je vais conclure rapidement en rappelant que les fonctionnaires ne peuvent pas exploiter des renseignements classifiés dans leur propre intérêt et ne pourront pas divulguer un secret qui leur a été confié dans l'exercice de leurs fonctions jusqu'à la fin de leurs jours. Dans le même esprit, serait‑il envisageable d'interdire aux fonctionnaires de recevoir un quelconque avantage de la part d'une entité étrangère jusqu'à la fin de leurs jours?
Merci, monsieur le président.
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Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de votre invitation.
Je vais commencer par une remarque d'ordre général. Le projet de loi à l'étude est très volumineux, il touche un très grand nombre de lois qui régissent la sécurité nationale du Canada, il est très complexe et il est bienvenu. Les amendements, si j'ai bien compris, doivent être apportés rapidement. Il semble y avoir une volonté de promulguer certaines mesures avant les élections qui pourraient avoir lieu en 2025. Certaines réformes plus simples pourraient assurément être mises en œuvre dans ce délai. Celles dont je vais parler seront plus complexes et vont soulever plus d'inquiétude et, de ce fait, il pourrait s'avérer plus difficile de mettre ces recommandations en œuvre à temps en vue d'éventuelles élections.
Les modifications proposées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et au cadre législatif de la sécurité nationale, ainsi que la création d'un registre pour la transparence en matière d'influence étrangère représentent les trois principaux volets de la réforme. Mes observations porteront essentiellement sur la Loi sur le SCRS parce que c'est un de mes principaux domaines d'expertise, mais je vais néanmoins soulever quelques points concernant les deux autres composantes de la réforme.
La réforme proposée à la Loi sur le SCRS m'apparaît très judicieuse en ce qu'elle lui permettra de recueillir des renseignements étrangers qui ont été sauvegardés sur un support électronique à l'extérieur du territoire canadien. C'est une très bonne idée d'élargir la capacité d'obtenir de l'information d'un tiers, notamment de la part d'entreprises de télécommunications, et de simplifier le processus. Tout cela sera rendu possible grâce à des processus de demande simplifiés de mandats moins invasifs, et c'est aussi une bonne idée. Selon ce que je comprends du projet de loi, c'est un bon équilibre puisqu'il protège les libertés civiles et évite donc les dérapages qui pourraient découler d'un processus accéléré de délivrance des mandats.
Il est vraiment urgent d'habiliter le SCRS à communiquer des informations sur les menaces à d'autres ordres de gouvernement que le fédéral, y compris aux autorités de gouvernance autochtones, aux établissements du secteur privé et aux milieux universitaires. Fort heureusement, il est très facile d'inscrire ce pouvoir dans la loi et de lui donner effet rapidement pour que le SCRS puisse conseiller d'autres organismes si des élections sont déclenchées en 2025. Cela dit, la mise en application sur le terrain sera un peu plus ardue.
Je mentionne très brièvement que le SCRS et ses nouveaux partenaires devront réfléchir à la manière la plus efficace de communiquer ces nouvelles informations et aux seuils à mettre en place pour la communication d'informations à un groupe plus diversifié de partenaires. Cette réflexion sera essentielle non seulement parce que la réticence à divulguer des renseignements est très bien ancrée dans la culture du SCRS, mais aussi parce qu'au début, bon nombre de ces partenaires n'auront pas la compétence voulue pour soupeser la valeur de divers types de renseignements et prendre les mesures nécessaires à leur égard.
Ces enjeux pourront sans doute faire l'objet d'une réglementation établie par les ministères responsables de la sécurité publique ou des affaires étrangères, de concert avec l'organisme de surveillance du SCRS, qui pourra le guider durant l'élaboration de ces protocoles. C'est particulièrement encourageant, étant donné que ce projet de loi est à juste titre… Même s'il est volumineux, il ne traite pas certaines questions thématiques plus larges touchant au mandat du SCRS et à sa relation avec d'autres organismes comme la Gendarmerie royale canadienne, la GRC, dont le rôle en matière de sécurité nationale est aussi en plein changement et qui fera assurément l'objet d'une réforme importante dans un horizon de cinq ans.
L'examen obligatoire de la Loi sur le SCRS tous les cinq ans est aussi important que bienvenu. Cette exigence m'amène à me demander s'il y a un risque que certaines dispositions qui seront adoptées compromettent des réformes plus larges qui pourraient être envisagées d'ici à cinq ans. Heureusement, il ne semble pas y avoir beaucoup d'éléments qui pourraient faire obstacle à l'émergence de questions plus larges, mais il y en a quelques-uns. Avant de conclure mon allocution de cinq minutes, je vais évoquer brièvement quelques éléments à l'égard desquels nous ne voulons pas avoir les mains liées plus tard.
Je vous invite à concevoir les réformes à la Loi sur le SCRS comme faisant partie d'un triptyque législatif, comme ce fut le cas dans les années 1980, quand les lois sur le SCRS, sur les mesures d'urgence et sur la GRC ont été créées et assorties de renvois les unes aux autres. Par exemple, le projet de loi à l'étude ne propose aucune réforme du mandat global du SCRS ou du lien entre les normes très bien connues de l'article 2 de la Loi, qui déterminent si le SCRS intervient ou non, et les normes d'application de la Loi sur les mesures d'urgence.
Il est probablement sage de ne pas toucher à la partie du projet de loi sur les normes de l'article 2 étant donné que la deuxième série d'enjeux va certainement être traitée dans de futurs arrêts de la Cour d'appel fédérale portant sur l'incidence exacte des normes de l'article 2 sur l'application de la Loi sur les mesures d'urgence. Les nouvelles leçons qui émaneront de l'enquête de la Commission Hogue vont s'ajouter aux réflexions issues de la Commission Rouleau concernant la Loi sur les mesures d'urgence, ainsi qu'à celles des travaux en cours du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignements sur l'avenir de la GRC, entre autres. À ce stade‑ci, le mieux serait sans doute de laisser la porte ouverte.
Toutefois…
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Il y a une chose que je tiens à dire au sujet de l'approche agnostique en matière de pays. J'ai été invité par le Congrès américain à parler de la relation entre le Canada et la Chine, et j'ai mentionné que le projet de loi était envisagé. Les membres du Congrès ne se sont pas montrés très emballés par l'idée de la transparence en matière d'influence étrangère parce qu'ils sont eux aussi des étrangers au Canada. J'ai été un peu surpris.
Selon moi, la grande différence par rapport à la Foreign Agents Registration Act des États-Unis a trait au niveau de ressources, à la mise en oeuvre et à l'efficacité. L'Australie a tardé à exiger des comptes à qui que ce soit. Je crois qu'elle vient de le faire pour la première fois alors que la loi est en vigueur depuis 2019. Quand elle est entrée en vigueur, Andrew Robb, qui a été ministre du Commerce et des Investissements, avait été chargé de conclure un accord de libre-échange entre la Chine et l'Australie. Nous n'avons pas vraiment été impressionnés par cet accord quand nous avons commencé à envisager un accord de libre-échange avec la Chine. Il a négocié un contrat de location de 99 ans pour le port de Darwin. Nous avons appris par la suite qu'Andrew Robb avait reçu près de 800 000 $ par année de la part d'un milliardaire chinois associé à la Conférence consultative politique du peuple chinois, le principal organisme du Département du Front uni du travail. Il a démissionné de ses fonctions consultatives juste avant l'entrée en vigueur du projet de loi. Nous avons vu d'autres Australiens agir de la même façon.
Il se peut que des personnes fassent de même au Canada parce qu'elles préféreront ne pas être associées à la Chine. Je crois que M. Robb a laissé entendre qu'il a démissionné en raison des pressions politiques. Il n'existe aucune preuve qu'il a fait quoi que ce soit d'illégal ou de répréhensible.
Je crois vraiment que l'enthousiasme avec lequel nous allons mettre la mesure législative en oeuvre va avoir un impact plus déterminant que la mesure elle-même. Par là, j'entends notre volonté de fournir les ressources nécessaires, y compris au commissaire chargé de l'ingérence étrangère, la nature de la réglementation qui sera appliquée, et j'imagine que la personne que le gouvernement nommera pour occuper ce poste par la voie d'un décret fera aussi une différence. C'est une chose d'édicter des lois, mais c'en est une autre de s'assurer qu'elles sont efficaces.
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Volontiers. Je pense que ce que j'ai voulu dire, c'est que l'obligation de procéder à un examen de la loi tous les cinq ans va nous permettre de tirer profit de certaines leçons concernant la manière dont chaque organisme s'en sera tiré dans la pratique. Le mandat de certains organismes est appelé à changer considérablement et nous allons pouvoir évaluer dans quelle mesure ils auront pu appliquer ou mettre en oeuvre les dispositions qui sont proposées.
Dans les années 1980, la Loi sur les mesures d'urgence, la Loi sur la GRC et la Loi sur le SCRS ont été rédigées en quelques années et chacune comporte des renvois aux deux autres. Il est clair que le SCRS a été créé pour assumer les responsabilités liées à la sécurité nationale et au renseignement qui incombaient auparavant à la GRC.
Compte tenu du débat autour de la capacité de la GRC de remplir son mandat en matière de police fédérale, dont font partie les enquêtes touchant la sécurité nationale, ce serait formidable de permettre au SCRS de communiquer plus efficacement des informations ou des renseignements de sécurité à la GRC. Toutefois, si la GRC n'est pas en mesure de les exploiter, ce sera très difficile. Le débat se poursuit sur l'avenir de la GRC. Va‑t-elle maintenir les services de police contractuels et, le cas échéant, dans quelle mesure? Va‑t-elle être scindée en deux organismes, dont un sera responsable surtout des services de police fédérale? Nous n'avons pas les réponses maintenant, et nous ne les aurons pas non plus dans un an.
Ce qui est proposé maintenant et la manière dont la GRC va s'acquitter de ses nouvelles responsabilités eu égard aux informations transmises par le SCRS pourraient servir de base à la réflexion autour de la Loi sur la GRC dans cinq ans ou à l'examen de la Loi sur le SCRS, dans cinq ans également. Ce qui adviendra de la GRC, mais aussi de l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres partenaires pourrait éventuellement être pris en compte. Ce qui est proposé va servir de base d'apprentissage sur ce qui fonctionne bien ou moins bien en vue de l'examen qui sera réalisé dans cinq ans.
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Je pense assurément qu'il est important que les citoyens canadiens servent les objectifs du Canada et n'aient pas de loyauté résiduelle envers un pays dont eux-mêmes ou leurs ancêtres sont originaires.
J'estime qu'il nous incombe de faire preuve de beaucoup plus de transparence sur ces questions.
Dans l'affaire du laboratoire de Winnipeg, je suppose que le problème était que la professeure Qiu bénéficiait de prestations chinoises dans le cadre du Programme des mille talents et d'autres arrangements conclus avec l'Institut de virologie de Wuhan, ce dont elle ne parlait pas ouvertement.
Pour ce qui est de l'affaire Kenny Chiu, par exemple, je pense que le principal problème était que nous n'arrivions pas à savoir d'où venait l'information diffusée sur WeChat et sur d'autres sites Web chinois. S'agissait‑il de préférences politiques intérieures ou de quelque chose venant de Pékin? Nous n'avons pas pu faire la lumière sur les sources. Toute l'information était publiée sous des noms de plume et sur des sites Web que nous ne pouvions associer à aucune institution existante, ce qui est bien sûr suspect en soi. Or, je pense que nous devons en connaître la provenance.
Par ailleurs, nous n'en avons pas parlé, mais le projet de loi ne vise pas à empêcher les gens de bénéficier d'avantages de la part d'un État étranger, mais à les obliger à faire preuve de transparence à ce sujet. Ce serait un choix des Canadiens. Je reçois des fonds de différents gouvernements étrangers qui ont fait appel à mes services de conseil. Je suis ravi de le rendre public, si on me le demande.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous les deux de vos excellentes contributions jusqu'à présent.
Je ne siège pas à ce comité habituellement et je me sens très privilégiée d'y être accueillie.
Je suis notamment présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN. Je me trouve souvent à l'étranger avec des parlementaires d'autres pays de l'OTAN. Nous parlons souvent de l'ingérence étrangère, de la cybersécurité et de la désinformation. Nous nous demandons, entre autres, si nos services nationaux de sécurité et de renseignement peuvent se montrer transparents au sujet des attaques qui surviennent et qu'ils arrêtent. Par exemple, à propos de la désinformation, c'est souvent une façon de faire savoir à la population qu'il s'est passé quelque chose qui a été arrêté.
Je commencerai par vous, monsieur Kempa, puis je passerai à M. Burton, s'il souhaite ajouter quelque chose. Pensez-vous que le cadre voulu soit en place pour permettre au Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, de se montrer transparent avec les Canadiens?
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Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis très reconnaissant de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui au sujet de la question importante de la lutte contre l'ingérence étrangère. Je souhaite remercier toutes les personnes grâce à qui cette question est prise au sérieux. Je les remercie aussi du processus détaillé mis en place pour définir des mesures de lutte contre ce fléau.
Mes observations porteront essentiellement sur la partie 1 du projet de loi et je ferai référence à l'examen du projet de loi par Sarah Teich et Hannah Taylor. Elles trouvent nombre des modifications proposées encourageantes, mais elles attirent l'attention sur une limite, qui est que le projet de loi ne propose d'ajouter de définition du terme « répression transnationale » à aucune des lois qu'il vise à modifier ou à faire adopter.
Or, il est essentiel de définir ce qu'est la répression transnationale pour reconnaître et contrer les méthodes mêmes utilisées par des États étrangers pour réduire la dissidence au silence dans les communautés de la diaspora. Cette répression peut prendre différentes formes, dont le harcèlement, la surveillance, les menaces, la coercition et la violence physique. Les États autoritaires, comme la République populaire de Chine, recourent couramment à ces méthodes pour bâillonner la dissidence et l'opposition par delà leurs frontières.
La répression transnationale à laquelle se livre la RPC est un phénomène bien connu dont plusieurs groupes sont victimes, dont la diaspora tibétaine. Le Parti communiste chinois, le PCC, emploie différentes méthodes pour contenir et réprimer le militantisme et l'identité tibétaine dans le monde entier.
Je vais décrire quelques-unes des principales méthodes employées.
La surveillance et l'intimidation en font partie. Le PCC recueille des données personnelles sur les Tibétains exilés au moyen de cyberattaques et de logiciels espions, et en interrogeant des membres de leur famille au Tibet. Ces données sont utilisées pour intimider et faire plier les Tibétains à l'étranger, souvent par des menaces directes ou en faisant du mal à leur famille restée au pays.
Ensuite, il y a la coercition par procuration. Souvent, les autorités chinoises menacent les proches des Tibétains exilés restés au Tibet ou leur font du mal afin d'exercer un contrôle sur la diaspora. Cette méthode permet de réduire au silence les militants exilés ou de les contraindre à se conformer aux exigences du PCC, par crainte de représailles contre leurs proches.
Puis il y a l'infiltration et la désinformation. Le PCC infiltre les communautés et les organisations de la diaspora tibétaine, en utilisant des espions et des personnes cooptées pour semer la méfiance, répandre de fausses informations et saper les réseaux de solidarité. Ces activités nuisent gravement à la capacité de la communauté de s'organiser et de défendre les droits des Tibétains.
Enfin, il y a la coercition économique et sociale. Les exilés tibétains subissent souvent des pressions économiques et sociales de la part du PCC, notamment des chantages et des tentatives de sabotage de leurs moyens de subsistance. Ces tactiques visent à déstabiliser la diaspora et à réduire sa capacité de soutenir la cause tibétaine.
Il est nécessaire d'inscrire une définition claire dans le projet de loi . En inscrivant dans le projet de loi une définition de la répression transnationale, le Canada pourra lutter plus efficacement contre l'ingérence étrangère. Cette définition fournira une base juridique pour repérer et poursuivre les activités de répression transnationale et, ainsi, protéger les communautés de la diaspora contre le harcèlement et la coercition auxquels se livrent des États étrangers.
Sur ce, je formulerai quelques recommandations au sujet du projet de loi .
La première recommandation est de définir le terme « répression transnationale ». Incluez dans le texte une définition complète de la répression transnationale comprenant toutes les formes de coercition et de contrôle extraterritoriaux utilisées par des États étrangers contre les communautés de la diaspora.
La deuxième recommandation est de renforcer les mécanismes de surveillance et de poursuite. Renforcez les dispositions de la Loi sur le SCRS et du Code criminel afin de permettre une surveillance rigoureuse et des poursuites contre les activités de répression transnationale, en veillant à ce que leurs auteurs répondent de leurs actes.
La troisième recommandation est de soutenir les victimes et les communautés. Mettez en place des mécanismes, y compris des fonds spécialisés, pour soutenir et protéger les communautés de la diaspora, et fournir des ressources et une assistance aux personnes visées par la répression transnationale.
Enfin, la quatrième recommandation concerne la coopération internationale. Encouragez la collaboration internationale pour lutter contre la répression transnationale, en travaillant avec des alliés pour élaborer des réponses coordonnées et faire part de pratiques exemplaires.
En conclusion, il est essentiel pour contrer les manœuvres de la RPC contre la diaspora tibétaines et d'autres communautés concernées de définir dans le projet de loi ce que l'on entend par répression transnationale. En reconnaissant et en contrant ces activités, le Canada peut mieux protéger les droits et libertés de tous ses résidents et garantir un environnement sûr et favorable aux personnes qui fuient l'oppression d'un régime autoritaire.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je tiens à vous remercier de me donner cette occasion de parler aujourd'hui de la question essentielle et pressante au sujet de laquelle nous militons depuis des décennies pratiquement. Je veux parler de la lutte contre l'ingérence étrangère. En tant que fervent défenseur du peuple ouïghour et de la lutte contre le génocide commis actuellement par le Parti communiste chinois, je peux dire que l'ingérence étrangère à laquelle se livre l'État chinois a un impact considérable sur ma vie personnelle, ici, au Canada.
Les mesures répressives et novatrices utilisées par la Chine pour réduire les dissidents au silence visent à entraver mon militantisme et à m'intimider pour que je renonce à parler de la destruction de ma famille, de mes amis et de ma communauté. J'ai reçu à de nombreuses reprises des appels téléphoniques menaçants de la police de l'État et des messages où l'on me disait les choses les plus folles sur mes proches. Je suis Canadien et le gouvernement chinois cherche constamment à restreindre mon droit à la liberté d'expression et de réunion.
Le projet de loi est une réponse encourageante du gouvernement canadien à la répression transnationale que subit ma communauté. Le projet de loi C‑70 marque un progrès important dans la lutte contre l'ingérence étrangère et dans la protection des citoyens canadiens contre la répression transnationale. Nous parlons de répression transnationale parce que, sur le plan personnel, nous ne subissons pas d'ingérence. Nous subissons la répression par la prise en otage de membres de notre famille simplement parce que nous nous exprimons au Canada. C'est pour cette raison que les Tibétains et les Ouïghours parlent de « répression transnationale ».
En tant que défenseur des droits de la personne, je suis convaincu que l'application plus large et la couverture de certains actes de répression transnationale contre les militants des droits de la personne prévues par les modifications proposées dans le projet de loi permettront de mieux protéger le plein exercice, sans entrave, de nos droits démocratiques au Canada. Les modifications proposées dans le projet de loi C‑70 renforceront la capacité commune des Canadiens de contrer efficacement les menaces à la sécurité du Canada et de protéger les communautés de la diaspora au Canada et à l'étranger.
L'élargissement de la communication de renseignements à toute personne, et pas seulement à un titulaire de charge publique, si elle est jugée essentielle dans l'intérêt public, permettra d'améliorer la transparence de l'administration. En renforçant la capacité du SCRS de remplir ses fonctions importantes, on renforce aussi la confiance des Canadiens dans l'organisme et dans sa capacité de détecter des menaces d'agents étrangers, y compris chinois, ainsi que de les prévenir et de les contrer.
Naturellement, l'accent mis sur la coopération internationale dans le projet de loi sous-tend une méthode essentielle et puissante pour contrer l'influence mondiale de régimes autoritaires tels que celui de la Chine.
Je me réjouis qu'il soit proposé de créer un registre pour la transparence en matière d'influence étrangère qui renforcera l'efficacité de la protection des communautés vulnérables de la diaspora et de nommer un commissaire à la transparence en matière d'influence étrangère. Cependant, je suis un peu préoccupé par le fait que le projet de loi ne propose pas d'ajouter dans le Code criminel des infractions particulières relatives à l'ingérence étrangère, pas plus qu'il ne propose de criminaliser l'espionnage, le harcèlement en ligne ou la violence numérique dont sont victimes les réfugiés. En outre, vu les modifications limitées apportées au Code criminel, les victimes de l'ingérence étrangère manquent de moyens pour demander réparation des conséquences de l'oppression transnationale.
Il est essentiel que, dans tous les aspects du projet de loi , le gouvernement aille au‑delà de l'ingérence à laquelle se livrent des militants par rapport à certains processus politiques et gouvernementaux. Le rayon d'action du gouvernement chinois s'étend bien au‑delà des tentatives d'ingérence directe dans les institutions canadiennes. Mon expérience de l'oppression transnationale n'est pas liée au processus politique ou gouvernemental, mais elle constitue une atteinte à mes droits démocratiques, ce qui justifie une protection, tout comme la défense de l'intégrité de notre processus démocratique.
Il est essentiel que la lutte contre l'ingérence étrangère soit centrée sur les victimes. L'oppression transnationale et l'ingérence auxquelles se livre la Chine au Canada constituent une menace importante contre les communautés ouïghoures et contre les valeurs canadiennes que sont la liberté et la démocratie. En présentant le projet de loi , le Canada se prononce fermement contre ces tactiques d'oppression. Il est impératif que nous restions vigilants, que nous soyons solidaires des personnes touchées et que nous prenions des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau.
Je vous remercie.
vide
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Bonjour. Je m'appelle Balpreet Singh. Je suis conseiller juridique de l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, également appelée WSO Canada.
La première semaine de juin est un moment particulièrement sombre pour les sikhs, car nous nous souvenons du génocide sikh de 1984 et de l'attaque brutale du gouvernement indien contre le complexe Darbar Sahib et environ 70 autres gurdwaras à travers le Pendjab. Je mentionne les actes horribles commis en juin 1984 pour rappeler aux membres du Comité le prix que les membres de la communauté sikhe ont payé à cause de la violence orchestrée par l'État, de l'ingérence étrangère et de la surveillance, simplement pour avoir pratiqué leur foi.
Depuis 40 ans, l'Inde n'a de cesse d'intimider les sikhs du Canada et d'étouffer leur action en faveur du Khalistan, État souverain gouverné selon les principes et les valeurs sikhs. Cette ingérence se traduit par des campagnes de désinformation, des refus de visa, l'intimidation de membres de la famille et, comme nous le savons maintenant, même par des assassinats. Parler du Khalistan ou en faire la promotion est protégé par la liberté d'expression et d'expression politique. Les tentatives pour attirer l'attention sur l'ingérence actuelle de l'Inde ciblant les sikhs ne donnent rien, dans une large mesure, car l'Inde qualifie constamment le militantisme sikh d'extrémisme et pire encore.
La communauté sikhe se trouve actuellement à un moment charnière de son histoire. En juin 2023, Bhai Hardeep Singh Nijjar a été assassiné, alors qu'il quittait le gurdwara Guru Nanak de Surrey, dont il était le président. La communauté, dont notre propre organisation, WSO Canada, a compris qu'il s'agissait d'un assassinat commandité par l'État indien, ce qui a été confirmé par la suite lorsqu'il est apparu que l'Inde comptait faire tuer des militants sikhs ici, au Canada, et dans le monde entier.
Ce week-end, j'ai rencontré deux sikhs chargés de donner l'alerte. Ils n'ont reçu aucune information sur la source de la menace à laquelle ils font face, ni aucun moyen de se protéger. En bref, ils se sentent livrés à eux-mêmes et pour ainsi dire abandonnés.
L'ingérence étrangère a des conséquences mortelles pour les sikhs du Canada. Nous estimons qu'il faut faire plus pour contrer l'ingérence étrangère. À cet égard, le projet de loi va dans le bon sens.
Je tiens à souligner que le SCRS peut maintenant communiquer des renseignements relatifs à la sécurité à toute personne ou entité, s'il le juge utile. Il s'agit là d'une mesure positive. Toutefois, nous nous demandons si les agents consulaires étrangers au Canada peuvent également être considérés comme une entité. Par ailleurs, l'Inde fournit régulièrement des renseignements erronés et trompeurs sur les militants sikhs au Canada. Ces renseignements devraient être vérifiés afin d'en éviter une plus grande diffusion à l'avenir.
Nous savons que le cadre de coopération de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent entre le Canada et l'Inde est toujours actif. Nous sommes très préoccupés par l'échange de renseignements entre le Canada et l'Inde. Il convient d'être vigilant, afin que les nouveaux pouvoirs créés par ce projet de loi soient utilisés pour lutter contre l'ingérence étrangère et ne se retournent pas contre les communautés du Canada. L'Inde prétend à tort que le militantisme khalistanais au Canada est dirigé par des acteurs étatiques étrangers. De telles accusations pourraient-elles déclencher l'application des dispositions de ce projet de loi?
La disposition relative au sabotage qui est ajoutée au Code criminel érige en infraction le fait de gêner « l'accès à une infrastructure essentielle [...] dans l'intention » — et c'est ce que prévoit l'alinéa b) — « de porter atteinte à la sécurité ou à la sûreté des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada ». Les sikhs manifestent souvent devant les consulats indiens et devant l'ambassade ici, à Ottawa. Le personnel de l'ambassade indienne comprend un attaché militaire, naval et aérien. L'année dernière, les médias indiens ont rapporté de façon erronée que l'ambassade indienne à Ottawa avait été la cible de « deux grenades » lancées par un manifestant sikh — histoire rapportée aujourd'hui par le Journal de Montréal. La National Investigation Agency, la NIA, de l'Inde a également porté plainte contre un sikh basé à Montréal sur la base de ces accusations. Cette nouvelle disposition du Code criminel risque‑t‑elle d'être utilisée pour étouffer des protestations sikhes?
Dans le peu de temps qui me reste, j'attirerai l'attention sur la référence aux relations internationales qui est faite dans le projet de loi .
Nous craignons que ce libellé et cette disposition n'aillent à l'encontre de l'objet général du projet de loi. Les juges ont le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre le dossier public après un procès s'ils concluent que cela « porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales ». De plus, le paragraphe 82.31(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet au ministre d'intervenir s'il estime que des questions pourraient nuire aux relations internationales.
Si l'ingérence étrangère contre les sikhs est passée sous silence depuis 40 ans, c'est parce que les gouvernements canadiens successifs ont souhaité accroître les relations commerciales avec l'Inde. Cela s'est fait aux dépens de la communauté sikhe. Un article de Sam Cooper paru dans The Bureau a révélé que « le SCRS planifiait une intervention majeure en 2017 » pour démanteler « les réseaux de renseignement indiens à Vancouver qui surveillaient et ciblaient la communauté sikhe ». Selon cet article, le gouvernement a empêché cette intervention en invoquant les répercussions potentielles sur les relations entre le Canada et l'Inde.
Il ne fait aucun doute que le Canada a besoin de nouveaux outils pour lutter contre l'ingérence étrangère. Toutefois, notre organisation et la communauté sikhe craignent que la disposition relative aux relations internationales ne serve d'excuse pour ignorer l'ingérence actuelle de l'Inde dont sont victimes les sikhs du Canada et ne crée même des moyens de persécution des militants sikhs canadiens.
Mon temps de parole est terminé.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis très heureux de la présence de ces trois témoins devant le Comité. Tous trois représentent des groupes avec qui j'ai eu la chance de travailler pratiquement depuis que je suis député.
Je tiens à vous remercier tous les trois de la façon dont vous informez sans relâche les législateurs et à vous remercier aussi de votre travail sur beaucoup de questions importantes.
Comme vous le savez tous, les conservateurs soulignent qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi. Le gouvernement libéral fait tout son possible depuis neuf ans pour retarder l'adoption de mesures contre l'ingérence étrangère. Nous craignons, à le voir tergiverser, qu'il veuille éviter l'entrée en vigueur de ce projet de loi à temps pour les prochaines élections, et c'est pourquoi nous insistons pour qu'il fixe un calendrier à cet égard.
Cette question est pour vous trois. J'aimerais que vous y répondiez brièvement, si possible. Je souhaite des commentaires de chacun de vous sur les dispositions du projet de loi relatives à la communication de renseignements.
Si le SCRS est au courant d'une menace contre une personne, il y a évidemment de nombreux avantages à ce qu'il puisse décider de l'en informer directement. On peut craindre d'éventuelles décisions politiques, si un contrôle politique est exigé et que cela conduise à éviter de transmettre l'information.
Que pensez-vous des dispositions relatives à la communication de renseignements? Sont-elles suffisantes? Faut‑il les renforcer?
Je vous demanderai à tous trois de bien vouloir répondre brièvement.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Mes questions sont, dans une large mesure, pour M. Balpreet Singh. En tant que sikh, que Canadien, je comprends en grande partie vos observations préliminaires. Je pense que cela a été un moment fort pour la communauté quand le a pris la parole au Parlement l'an dernier pour dénoncer l'assassinat de Hardeep Singh Nijjar. Je sais que pour vous, pour moi et pour d'autres membres de la communauté sikhe, ce moment a vraiment confirmé ce que les sikhs savaient et ressentaient déjà. Bien des craintes profondément ancrées se sont concrétisées.
Par ailleurs, je trouve très curieux que M. Genuis se préoccupe de cette question, car je me souviens du moment où, le lendemain, le chef du parti a fait volte-face et déclaré qu'il avait besoin de plus d'information pour se prononcer sur cette question et qu'il ne soutenait pas la communauté sikhe. Le jour où la Chambre a débattu de cet assassinat, les conservateurs ne se sont pas présentés.
Il est donc très curieux qu'à présent...
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Monsieur Singh, dans vos observations préliminaires, vous avez parlé de la communication de renseignements relatifs à la sécurité que prévoit le projet de loi. D'après mon examen du projet de loi et de la législation, le projet de loi, pour autant que je sache, n'ouvre pas de nouvelles possibilités de communiquer des renseignements de sécurité à des entités étrangères. Il concerne principalement des entités canadiennes, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux ou de particuliers au Canada. Toute communication de renseignements qui a lieu s'inscrit dans des cadres déjà établis.
Vous en avez mentionné un, à savoir l'accord de coopération. Je pense qu'il y en a aussi un avec l'Inde. Il me semble que ce projet de loi n'ouvre pas de nouvelles voies pour ce type de communication de renseignements. Encore une fois, nous allons demander au SCRS, de même qu'au , de comparaître devant le Comité. Je serai heureux de lui faire part de ces préoccupations, ainsi qu'au SCRS.
En ce qui concerne la communication de renseignements, elle se fait entre organismes gouvernementaux. Des témoins ont déclaré que le SCRS se montre parfois réticent à communiquer des renseignements. Ce projet de loi permettra la communication de plus de renseignements. Les différents organismes gouvernementaux peuvent détenir différents éléments et ce n'est qu'en les réunissant que l'on obtient un tableau complet et que l'on peut atteindre la barre qui permet de passer à l'étape suivante.
Je tiens à dire qu'après avoir entendu les témoignages et les témoins, et après des conversations que j'ai eues, il me semble que nous sommes généralement destinataires nets de renseignements. C'est, à mon avis, une bonne chose dans le cadre international.
Ce projet de loi prévoit notamment un examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le SCRS afin de vérifier que le mandat et les pouvoirs du SCRS correspondent aux menaces auxquelles il fait face. Votre organisation est-elle favorable à cet examen?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui, alors que nous nous plongeons dans le projet de loi .
Je commencerai par M. Therchin et M. Tohti.
J'ai pris des notes pendant que vous présentiez vos observations préliminaires, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'une définition du terme « oppression transnationale ». J'essaie de savoir où l'insérer au mieux quand nous en viendrons à l'étape de l'examen des modifications. Ce projet de loi modifie plusieurs lois existantes et en crée une nouvelle aussi. Toutefois, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'il propose des modifications importantes à la Loi sur la protection de l'information. De nouvelles dispositions visent à lutter contre l'intimidation, les menaces ou la violence commises au service d'une entité étrangère. Des modifications concernent la commission d'un acte criminel sur l'ordre d'une entité étrangère, le fait d'omettre que l'on travaille pour une entité étrangère, ou l'ingérence dans le processus politique au nom d'une entité étrangère. Beaucoup de ces infractions — en fait, toutes — sont lourdement punies.
Si vous souhaitez soumettre un mémoire au Comité, tant mieux. Nous pourrons le recevoir plus tard. Cependant, ai‑je laissé passer quelque chose dans les points dont j'ai traité dont vous souhaitez parler? Qu'avons-nous oublié? J'ai l'impression que nous avons couvert une grande partie de ce que vous avez dit dans vos observations préliminaires. Je tiens à m'assurer que nous n'oublions rien.
Je commencerai par vous, monsieur.
J'ai remarqué que vous étiez un peu déçu que le terme ne soit pas employé dans le Code criminel. Cependant, considérant que la Loi sur la protection de l'information est ainsi modifiée et que des peines importantes sont prévues — dont certaines vont jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité —, il y aurait peut-être un volet du projet de loi où le Comité pourrait envisager d'insérer la définition. Nous en avons pris note et je vous remercie de votre témoignage.
Je voulais garder ma dernière question pour l'Organisation mondiale des Sikhs.
Monsieur Singh, dans vos commentaires sur les modifications apportées au Code criminel, vous avez fait référence à la définition de « sabotage », ainsi rédigée:
[…] porter atteinte à la sécurité ou à la sûreté des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada;
Plus loin dans le projet de loi, un article dit ceci:
Il est entendu que nul ne commet l'infraction prévue […] alors qu'il prend part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d'un désaccord, mais n'a pas l'intention de provoquer l'une des situations mentionnées [à ces] alinéas.
Est‑ce que cela vous satisfait, ou devrions-nous prévoir de meilleurs garde-fous que ceux déjà prévus au projet de loi?
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Je vous ai donné l'exemple de la manifestation qui a eu lieu à Ottawa en mars 2023. Tout le monde convenait qu'il s'agissait d'une manifestation pacifique, mais quand il y a des accusations de lancer de grenades, quel en sera l'effet sur les personnes qui souhaitent aller manifester?
En fait, est‑ce qu'on laisserait aux gouvernements étrangers la possibilité d'user de menaces ou d'utiliser tous les moyens à l'égard de ces communautés dissidentes, en espérant de pouvoir coincer ces gouvernements quelque part? D'un autre côté, même si on a la certitude d'être exonéré en bout de course, il faut quand même suivre ce long processus, et on va tout simplement décider que ça n'en vaut pas la peine.
C'est ainsi que je perçois beaucoup d'éléments de ce projet de loi: des armes à double tranchant si elles sont dans les mains de gouvernements étrangers. Par exemple, les Sikhs sont un peuple apatride. Nous possédons des réseaux un peu partout dans le monde. Maintenant, quand l'Inde nous accuse de prôner l'avènement du Khalistan, d'être dirigés par des entités étrangères, est‑ce que cela va nous causer des problèmes ici? J'espère que non, mais qui nous le garantit? C'est là où je m'interroge.
Le projet de loi vise à contrer l'oppression transnationale et l'ingérence étrangère, mais aura‑t‑il l'effet d'un éteignoir sur les communautés comme la mienne, qui défendent des causes que des gouvernements étrangers méprisent et seraient prêts à combattre à tout prix?
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Puis‑je parler, monsieur le président? Pouvez-vous ramener le député à l'ordre?
Les libéraux veulent saluer la déclaration publique en Chambre du , même si le gouvernement libéral n'a rien fait de concret pour combattre l'ingérence étrangère.
À la suite de l'assassinat de M. Nijjar, j'ai déposé au Feuilleton la question no 2488, concernant l'échange d'informations entre le Canada et l'Inde. En réponse à cette question, le gouvernement a confirmé que l'accord d'échange d'informations signé par le gouvernement Trudeau est toujours en vigueur et que l'échange se poursuit.
Je demandais également, dans la même question, si l'on avait communiqué au gouvernement indien des informations concernant spécifiquement M. Nijjar, avant ou après son assassinat. Dans ma question, je demandais « y a‑t‑il eu échange d'informations à un moment quelconque entre les organismes canadiens et indiens chargés de l'application des lois ou de la sécurité à propos de Hardeep Singh Nijjar? »
Le gouvernement a refusé de répondre à la question. Il a catégoriquement refusé de dire si des renseignements avaient été communiqués au gouvernement indien sur M. Nijjar. On peut penser que si la réponse avait été non, le gouvernement aurait simplement répondu non.
Monsieur Singh, je souhaite vous amener dans cette conversation. D'après vous, n'est‑il pas illogique que le et M. Gaheer fassent des déclarations en Chambre tout en refusant de dire si le gouvernement libéral a communiqué des informations sur M. Nijjar?
Oui, comme je l'ai dit, je vis au Canada depuis 1998. Je n'ai aucun contact avec les membres de ma famille. Je n'ai pas eu l'occasion de visiter ma mère et les autres membres de ma fratrie. Eux-mêmes ne peuvent me rendre visite au Canada parce que le gouvernement chinois a bloqué leurs demandes de passeport. Depuis plus de 33 ans, c'est l'isolement total; je vis seul ici au Canada avec ma propre famille.
Comme je l'ai dit, la répression chinoise ne s'est pas arrêtée aux frontières de la Chine. Partout où nous menons un travail de revendication, au Canada ou ailleurs, le long bras des autorités chinoises nous traque sans répit. Quelques heures à peine avant de témoigner devant le comité sur la politique génocidaire de la Chine, j'ai reçu un horrible message au sujet de ma mère. Puis, seulement deux semaines avant le vote parlementaire sur le projet de loi M‑62 concernant la réinstallation de 10 000 réfugiés ouïghours, j'ai reçu un appel direct de la police d'État chinoise, qui a mis mon oncle à l'autre bout du fil et m'a menacé en disant que plusieurs membres de ma famille étaient déjà morts, et que si je continuais j'en subirais les conséquences. C'était ce genre de menaces de mort.
L'année dernière encore, avant de me rendre à une conférence, deux automobiles m'ont suivi. Nous avons eu la vie sauve grâce à un avertissement des fonctionnaires canadiens d'Affaires mondiales, qui nous a amené à modifier notre itinéraire. Ces menaces imminentes planent sur nous quotidiennement, et à cet égard, le projet de loi ne constitue qu'un outil pour combattre ces acteurs étrangers.
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Merci, monsieur le président.
Je vais demander aux trois témoins de répondre. Le principal objectif de ce projet de loi est, bien entendu, d'assurer la transparence et de faire prendre conscience au public du degré auquel certains processus, ici au pays, sont l'objet d'une influence étrangère.
Une chose que d'autres témoins ont soulignée, c'est qu'il s'agit d'un enjeu sans référence nationale, car ce serait également une bonne chose que le public canadien soit conscient de la façon dont nos alliés nous influencent, ce qui est bien sûr le cas. Nous entretenons d'étroits liens d'amitié avec de nombreux pays, mais personne n'ignore, particulièrement pour les États-Unis, qu'ils ont parfois tenté d'influencer l'adoption de certaines politiques au Canada. C'est un fait historique. D'autres projets de loi ont abordé ce problème en établissant une annexe ou une liste qui serait influencée par les rapports du SCRS ou du Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, mais à laquelle le gouverneur en conseil pourrait toujours ajouter des pays.
Je demande à chacun d'entre vous, quelle est votre préférence? Êtes-vous satisfait du fait que ce processus soit sans référence nationale, ou aimeriez-vous qu'il cible davantage certains pays? J'aimerais vous entendre très rapidement tous les trois, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de leur faire part de mes réflexions et de mes recommandations au sujet du projet de loi .
D'entrée de jeu, je vous fais part des prémisses qui ont guidé mon analyse.
Une démocratie forte et en santé se doit d'être protégée par trois concepts fondamentaux: la transparence, la reddition de comptes et l'indépendance, libre de toute interférence, des personnes à charge.
[Traduction]
Le débat sur la menace d'ingérence étrangère fait rage depuis près de deux ans. Ce qui est apparu, c'est l'ampleur des dysfonctionnements, des intrigues et des jeux de contrôle qui opèrent dans le domaine de l'ingérence étrangère. Oui, le Canada a été ciblé par des puissances étrangères, mais leur travail a été encouragé par des acteurs occupant hier et aujourd'hui des postes clés au gouvernement canadien, qui ont facilité la situation et en ont même profité à des fins personnelles et partisanes. À ce sujet, j'attire votre attention sur un récent rapport du comité parlementaire de la sécurité nationale, qui encore une fois reproche sévèrement à certains élus d'avoir sciemment et volontairement collaboré avec des États étrangers; d'où la nécessité de rappeler les trois concepts fondamentaux étayant la protection de notre système démocratique: la transparence, la reddition de comptes et l'indépendance, libre de toute ingérence des personnes à charge.
Le projet de loi nous donne l'occasion de corriger ces erreurs et ces manipulations afin de viser un idéal kantien pour notre système.
[Français]
Je n'ai eu que 48 heures pour préparer ma présentation formelle, alors je vais rapidement mentionner quelques observations essentielles. Mes préoccupations sont principalement en lien avec l'exécution des réformes proposées.
Premièrement, je salue les propositions d'élargir les communications du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, avec d'autres organisations que le bureau du .
Cela dit, pour parler d'un vrai programme de sécurité nationale, il faut inclure les provinces et amener les premiers ministres provinciaux à se doter de conseillers en matière de sécurité nationale. Ils sont déjà la cible d'agents étrangers et ils en sont totalement inconscients.
[Traduction]
Je salue les efforts visant à définir clairement les gestes criminels posés par des agents qui agissent au profit de puissances étrangères. Cependant, leur application concrète me préoccupe, car pour réussir à contenir le problème, la GRC et le SCRS devront collaborer. Malheureusement, l'histoire nous apprend que depuis sa création, le SCRS, en application et par souci des instructions qui lui ont été données dès sa création — et j'étais présent à ce moment —, ne témoigne jamais devant un tribunal ou le fait le moins possible, ce qui a mené à une obstruction intentionnelle des enquêtes de la GRC. Cela s'est produit dans les dossiers d'Air India, d'Ahmed Ressam, d'Adil Charkaoui et de Jeffrey Deslisle, pour ne citer que les affaires connues du public. Il est donc normal de craindre que le système reproduise les mêmes mécanismes déficients.
À l'appui de cette appréhension, le directeur du SCRS, M. Daniel Vigneault, lors de sa comparution devant la commission d'enquête sur l'ingérence étrangère, a déclaré qu'il avait à deux reprises, à la suite d'une rencontre avec le , modifié les rapports pour accommoder ce dernier. Cela démontre clairement que notre sécurité nationale ne jouit pas de l'indépendance nécessaire et souhaitée.
[Français]
Dans cet ordre d'idées, je rappellerai aux membres du Comité que les premiers ministres, de M. Mulroney à M. Trudeau, ont tous été avisés du problème de l'ingérence étrangère et ont tous choisi de l'ignorer pour des gains personnels ou politiques. Ce problème systémique ne date pas d'hier. Encore une fois, il s'agit d'un problème de contrôle du renseignement et de responsabilité.
Pour le temps qu'il me reste, je vais poursuivre avec mon analyse du registre. Le principal but du registre est de garder l'intégrité du système en maintenant tout le monde dans la transparence et la responsabilité.
[Traduction]
Tout d'abord, je constate une non-concordance entre la partie 1 et la partie 4 du projet de loi. Quand on regarde les nouveaux pouvoirs accordés au SCRS — et même à la GRC, d'un certain angle —, ils ne semblent pas permettre de maintenir les efforts qui seront éventuellement déployés par le nouveau commissariat.
Deuxièmement, le nouveau poste de commissaire doit être indépendant et relever de la Chambre des communes, non du ministre. Comme c'est actuellement le cas du vérificateur général, il devrait relever directement des Communes. Le faire relever du ministre ne fera que reproduire ou perpétuer le problème existant.
L'indépendance du commissariat doit être également de nature financière. Notre démocratie doit être protégée de...
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Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de me donner l'occasion de parler aujourd'hui de cet important projet de loi. C'est un plaisir d'être ici.
En effet, je commencerai par prononcer des mots que vous n'entendez probablement pas très souvent: merci beaucoup. Ce fut un réel plaisir de voir ce projet de loi cheminer à ce rythme et grâce à votre travail.
Notre organisme est indépendant et non partisan, alors quand je dis cela, je le pense sincèrement. Je sais à quel point vous travaillez fort. Nous sommes présents ici ce soir, et tant de personnes travaillent à ce dossier, alors merci beaucoup.
C'est dans cet esprit que je présenterai trois arguments.
Premièrement, les activités couvertes par le projet de loi sur la transparence et la reddition de comptes en matière d'ingérence étrangère devraient s'étendre aux municipalités, et nous devons clarifier ce qu'on entend par titulaire d'une charge publique.
Deuxièmement, le registre et le commissariat devraient être mis en place avant les prochaines élections fédérales.
Troisièmement, la loi devrait s'insérer dans une stratégie de sécurité nationale plus globale.
Maintenant, je vais expliciter mes propos.
Dans un premier temps, il faut étendre ces obligations aux municipalités, et clarifier les définitions. Aujourd'hui, au Canada, le préambule d'un projet de loi est un outil important pour examiner son interprétation. Je ne veux pas vous endormir en parlant des outils de cette interprétation, mais je vous dirai simplement que le préambule contient un énoncé introductif qui établit les principes directeurs, les valeurs et les objectifs de la loi.
Voici un extrait du préambule de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère:
Attendu: […] que leurs tentatives [des États étrangers ou des puissances étrangères et leurs intermédiaires] visant à influencer de façon non transparente les processus politiques et gouvernementaux de tous les ordres de gouvernement au Canada ont des effets systémiques à travers le pays et mettent en danger la démocratie, la souveraineté et les valeurs fondamentales canadiennes;
Je m'arrête ici pour m'attarder sur l'expression « tous les ordres de gouvernement » et sur son impact.
Il faut maintenant voir comment elle s'applique. La loi s'applique:
a) aux processus politiques ou gouvernementaux fédéraux;
b) aux processus politiques ou gouvernementaux provinciaux ou territoriaux;
Et, essentiellement, elle s'applique aux processus gouvernementaux des groupes et gouvernements autochtones.
Nous devons maintenant regarder les définitions. On y trouve une définition de « titulaire d'une charge publique », mais elle diffère de la définition donnée dans la Loi sur la protection de l'information.
La définition contenue dans le projet de loi ne couvre pas les municipalités, et le même projet de loi définit de deux manières différentes ce qu'est un titulaire de charge publique, alors il faut probablement y regarder de plus près.
Par opposition, voici ce que dit le projet de loi pour la Loi sur la protection de l'information:
Commet un acte criminel quiconque, sur l'ordre d'une entité étrangère ou en collaboration avec elle, a une conduite subreptice ou trompeuse […] en vue d'influencer [un processus politique ou gouvernemental, la gouvernance scolaire, ou l'exercice d'un devoir en lien avec un tel processus ou une telle gouvernance ou l'exercice d'un droit démocratique au Canada.]
Le projet de loi définit ensuite d'une autre façon ce qu'est un titulaire d'une charge publique, et on se retrouve maintenant, dans le même projet de loi, avec deux textes législatifs qui tentent d'accomplir le même objectif tout en définissant différemment ce qu'est un titulaire de charge publique.
Je me demande pourquoi on n'aurait pas d'obligations concomitantes pour l'enregistrement. Il s'agit des deux faces d'une même médaille.
À mes yeux, la Loi sur la protection de l'information donne les outils juridiques nécessaires pour poursuivre et punir les opérations secrètes d'instances étrangères, tandis que la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère — j'ignore si c'est son nom, mais je l'appellerai ainsi — complète le processus en créant un régime de transparence préventive visant à dénoncer et à dissuader de telles activités grâce à la divulgation obligatoire et à une surveillance publique.
Il s'agit d'une double approche: dissuasion et, espérons‑le, transparence préventive à long terme.
Dans un deuxième temps, le registre doit être mis en place avant les prochaines élections fédérales. Il faut encore une fois revenir à l'objet de la loi, comme nous l'avons fait au début: « ont des effets systémiques à travers le pays et mettent en danger la démocratie, la souveraineté et les valeurs fondamentales canadiennes ». Ce n'est pas « pourraient avoir » des effets systémiques; le projet de loi dit « ont des effets systémiques ». C'est une déclaration de fait.
Si vous souhaitez atteindre cet objectif, comment pouvez-vous ne pas mettre en place le registre avant les prochaines élections fédérales? Ce serait comme attendre au mardi pour apporter un gâteau d'anniversaire prévu pour une fête ayant eu lieu le samedi après-midi. Vous aurez manqué le bateau.
J'ai regardé les fonctionnaires témoigner. S'il est trop difficile de le faire tout d'un coup, optez pour le gouvernement fédéral, l'élection fédérale. Passez ensuite séparément aux provinces et aux municipalités. Cependant, vous devez apporter le gâteau d'anniversaire à la fête.
Dans un troisième temps, le projet de loi devrait s'inscrire dans une architecture plus globale de sécurité nationale. Selon la mise à jour de la politique de défense, nous élaborerons une stratégie de sécurité nationale tous les quatre ans. La politique de défense sera actualisée aux quatre ans. Votre comité a étudié le projet de loi , sur lequel j'ai eu le plaisir de témoigner. La Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications fera l'objet d'une mise à jour, d'une révision, en 2022. La Loi sur le SCRS est actuellement soumise à un cycle d'examen quinquennal. Le projet de loi , concernant la Loi sur Investissement Canada...
Tout cela se met en place. Je pense qu'il s'agit ici d'examiner toutes les mesures législatives et toutes les différentes stratégies — sur les minéraux critiques, la propriété intellectuelle, l'innovation, la recherche, la sécurité économique. Examinez-les systématiquement, car des États adversaires le font systématiquement, croyez-moi, et nous avons besoin d'une approche stratégique.
Comme je l'ai dit au début, j'ai déjà eu le privilège de m'entretenir avec certains d'entre vous. Je sais à quel point votre comité travaille fort, et je sais que vous pouvez le faire, mais je souhaite simplement vous encourager à réfléchir de manière stratégique et à ne pas vous contenter de procéder à la pièce, une loi à la fois.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Monsieur le président, merci de m'avoir invité à parler aujourd'hui du projet de loi .
Je fais partie du Groupe pour la surveillance internationale des libertés civiles, une coalition canadienne de 46 organisations de la société civile qui œuvre à la défense des libertés civiles et des droits de la personne dans le contexte de la sécurité nationale et des activités antiterroristes.
Le projet de loi a été présenté comme une mesure législative visant à contrer la menace d'ingérence étrangère. Nous reconnaissons l'importance de s'attaquer à ce problème, en particulier comme nous l'avons entendu dans les cas où des gouvernements menacent des individus ou leurs proches afin de réprimer leur capacité à exercer leurs droits fondamentaux ou à participer à des processus démocratiques. Cependant, les changements proposés par cette loi vont beaucoup plus loin.
S'il est adopté, ce projet de loi aurait de vastes répercussions sur les systèmes de sécurité nationale, de renseignement et de justice pénale du Canada. À ce titre, il aurait également des impacts importants sur la vie et les droits fondamentaux des Canadiens. Par exemple, le fait de fournir au SCRS de nouvelles formes de mandats, de lui accorder un pouvoir d'intervention extraterritorial pour les activités de renseignement à l'étranger et de l'autoriser à communiquer des informations à toute personne ou entité pour en renforcer la résilience pourrait conduire à une surveillance accrue, à un effritement de la vie privée et à du profilage racial, religieux et politique.
Bien que nécessaires, les nouvelles et graves infractions créées pour les actions menées secrètement à la demande d'entités étrangères, y compris de gouvernements étrangers et d'organisations terroristes, sont passibles d'emprisonnement à perpétuité. Cela pourrait porter atteinte à la liberté d'expression et d'association et soulever des enjeux de proportionnalité dans la détermination des peines.
Le projet de loi transformerait également la façon dont les tribunaux fédéraux traitent les informations sensibles qui peuvent être cachées aux appelants ou aux personnes qui demandent une révision judiciaire, ce qui compromettrait la procédure judiciaire régulière par l'utilisation de preuves secrètes.
Un projet de loi d'une telle envergure nécessite une étude approfondie. Nous sommes très reconnaissants du travail accompli par les membres du Comité et nous sommes conscients du temps et des efforts consacrés à ces audiences qui, comme on l'a souligné, se prolongent tard aujourd'hui et tout au long de la semaine.
Cependant, nous demeurons profondément préoccupés par la précipitation avec laquelle ce projet de loi est envisagé. Présenté il y a à peine un mois, concurremment à une enquête sur l'ingérence étrangère, il aura été étudié en comité en l'espace d'une semaine, soit encore plus rapidement que l'étude précipitée de 2001 sur la première loi antiterroriste, dont l'examen en comité aura duré un mois.
Nous sommes reconnaissants de l'invitation d'aujourd'hui; cependant, nous n'avons appris notre comparution que vendredi après-midi. Des collègues d'autres organisations qui auraient demandé de comparaître ou qui auraient soumis des mémoires écrits ont déclaré qu'ils ne seraient pas en mesure de le faire à si court préavis, et encore moins d'élaborer des amendements précis qu'ils pourraient proposer à temps pour l'échéance de vendredi.
Précipiter le processus parlementaire dans une atmosphère de suspicion et d'appels ardents à protéger la sécurité nationale peut se solder par des conséquences négatives graves et durables. Une étude accélérée risque également de nous faire passer à côté des moyens d'améliorer le projet de loi pour mieux répondre aux enjeux d'ingérence étrangère. Nous vous exhortons donc à travailler avec vos collègues des Communes pour prolonger l'étude de ce projet de loi très conséquent.
Outre le processus d'étude, nous avons quelques préoccupations particulières.
Premièrement, les modifications apportées au régime applicable aux ensembles de données du SCRS n'ont qu'un lien ténu avec l'ingérence étrangère. Bon nombre de ces modifications se rapportent aux importants problèmes signalés par l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement dans un rapport cinglant sur le régime. La nécessité et les conséquences potentielles de ces changements demeurent incertaines et auraient dû être abordées lors de la révision de la Loi sur la sécurité nationale en 2019. Nous recommandons de supprimer ces modifications jusqu'à la tenue d'une telle révision. Je serais heureux d'en parler davantage durant la discussion.
Nous nous inquiétons également des pouvoirs de communication d'informations prévus à l'article 19 de la Loi sur le SCRS. Même si nous comprenons l'objectif consistant à permettre le partage des informations appropriées, des journalistes et l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ont soulevé de sérieuses questions sur la manière dont le SCRS a par le passé géré la communication d'informations sensibles. Le projet de loi confère également au SCRS d'importants nouveaux pouvoirs concernant la prise d'ordonnances de communication et la délivrance de mandats. Ces modifications surviennent après que les tribunaux eurent pendant des années reproché au SCRS de les avoir induits en erreur dans ses demandes de mandat. Les exigences relatives aux mandats sont là pour protéger nos droits. Il ne faudrait pas les affaiblir, et surtout pas tant que ne seront pas résolus les problèmes de manquement du SCRS au devoir de franchise envers les tribunaux.
Le projet de loi modifie également la Loi sur la protection de l'information, en assimilant à un acte criminel la perpétration de toute infraction criminelle, y compris des transgressions relativement mineures, si ces actes sont commis au profit d'une entité étrangère. Ces infractions, ainsi que d'autres infractions nouvelles ou modifiées, seraient passibles soit de l'emprisonnement à perpétuité, soit de peines consécutives pouvant équivaloir à l'emprisonnement à perpétuité, des dispositions qui sont normalement réservées aux pires formes de crimes et qui soulèvent des enjeux de proportionnalité des peines.
Enfin, nous sommes également préoccupés par les nouvelles infractions de sabotage et par le projet de registre de l'influence étrangère.
Je terminerai en commentant les changements apportés à la Loi sur la preuve au Canada. Notre coalition s'oppose fondamentalement à un élargissement de l'utilisation de preuves secrètes dans les tribunaux canadiens sous prétexte de sécurité nationale, de défense nationale et d'affaires internationales. L'introduction d'un système standardisé de rétention d'informations aux individus qui contestent les décisions gouvernementales ayant des impacts importants sur leur vie normalisera ce processus et facilitera vraisemblablement un plus grand recours à l'utilisation d'informations secrètes dans notre système judiciaire.
Merci. Il me fera plaisir d'en discuter plus avant et de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Shull, j'aimerais commencer par vous.
Je suis heureux que vous ayez évoqué la cohérence entre la Loi sur la protection de l'information, ou LPI, et la nouvelle . Lorsque j'ai interrogé des fonctionnaires du ministère de la Justice la semaine dernière, ils m'ont dit, pour les paraphraser, que les définitions de la LPI s'inscrivent dans le contexte de la LPI, et qu'il y a une raison à cette différence.
Cela peut prêter à confusion, car la définition de « titulaire d'une charge publique », en particulier dans la partie 4, renvoie à d'autres lois plus complètes.
Je suppose que vous soutenez devant ce comité que, par souci d'harmonie, la LPI et cette loi devraient avoir exactement la même liste.
Il y a deux domaines clés: d'une part les renseignements personnels qui peuvent être communiqués avec l'autorisation du ministre, et d'autre part, les renseignements qui ne contiennent pas de renseignements personnels, mais qui peuvent être communiqués de façon plus générale pour renforcer la résilience.
En ce qui concerne les renseignements que le ministre peut partager, y compris les renseignements personnels, le fait qu'ils sont ouverts à toute personne ou entité nous préoccupe. Nous sommes très inquiets par l'échange de renseignements à l'échelle internationale et par les effets que cela peut avoir sur les droits des voyageurs canadiens ou de ceux qui sont à l'étranger. Nous pensons donc qu'il devrait y avoir davantage de protections quant à la façon dont les autorisations ministérielles peuvent être partagées.
Il est important de noter toutefois que ce genre de divulgation doit être signalé à l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l'OSSNR, exigence qui est une protection très importante. Malheureusement, les nouvelles dispositions concernant la communication des renseignements afin de renforcer la résilience aux menaces ne prévoient pas une telle protection. Nous pensons donc que l'une des choses à envisager serait d'exiger la déclaration et la transparence lorsque le SCRS communique cette information aux fins de résilience. En effet, comme je l'ai mentionné, il y a eu des situations, signalées par l'OSSNR et d'autres entités, où l'information a été utilisée en tant que suivi. Par exemple, même lorsque c'est dans le cadre de ses mesures de réduction des menaces que le SCRS partage des renseignements, l'OSSNR a constaté qu'il n'assume pas la responsabilité des violations de la Charte qui pourraient en découler.
Nous pensons qu'une reddition de comptes et une transparence accrues, ne serait‑ce qu'à l'endroit de l'OSSNR, pourraient contribuer à garantir un suivi ainsi que le moyen de veiller à ce que ces renseignements ne soient pas utilisés pour violer la Charte. Cela pourrait également contribuer à garantir la véracité et l'exactitude des renseignements partagés, car, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, c'est aussi parfois un problème pour ce qui est des renseignements que le SCRS partage. Si ces renseignements sont communiqués à une université, comment celle‑ci pourrait-elle savoir s'ils sont exacts en l'absence d'un suivi de la part d'un autre organisme?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur McSorley, en lisant cette loi, j'ai constaté qu'il y a bien sûr beaucoup d'harmonie entre les différentes lois fédérales qui sont modifiées dans un but précis. Toutefois, la section qui ressort un peu est celle des modifications apportées au Code criminel, plus précisément aux pages 35 et 36 du projet de loi. Les articles 60 et 61 modifient la définition du sabotage dans le Code criminel. Lors d'un tour de table précédent, nous avons entendu le témoignage de la World Sikh Organization, qui nous a dit qu'il y avait ici mention de la sécurité des forces navales, des forces de l'armée et des forces aériennes de tout État étranger qui sont légitimement présentes au Canada. Il pourrait s'agir des attachés militaires d'une ambassade.
Ils ont déclaré que dans des exemples précédents, le gouvernement indien avait lancé des accusations fallacieuses concernant des manifestations autour de leurs missions diplomatiques, etc., et ils craignent que cela puisse être utilisé pour cibler injustement certains groupes. Je leur ai demandé s'ils étaient d'accord, parce qu'il y a une clause de précision selon laquelle nul ne commet d'infraction s'il prend part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d'un désaccord, mais n'a pas l'intention de causer de tort.
Avez-vous des idées à partager avec le Comité sur ces amendements précis au Code criminel et sur ce que nous devrions examiner?
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Par l'intermédiaire du président, je vous remercie beaucoup pour cette question.
Nous sommes préoccupés par les amendements relatifs au sabotage... S'il est bon de voir qu'une exception est envisagée, nous craignons qu'elle n'aille pas assez loin. Nous savons que lorsque des personnes s'engagent dans des actes de dissidence, elles sont souvent accusées d'aller trop loin. Nous craignons que la formulation actuelle ait un effet dissuasif, surtout avec les précisions sur ce que l'on entend par l'intention de causer du tort.
Prenons l'exemple d'une manifestation qui traverse une voie ferrée ou qui emprunte une route utilisée par les services d'urgence. L'intention est de protester. Or, cela peut conduire à entraver la conduite de ces services. Les personnes n'ont peut-être pas l'intention de causer de tort, mais elles savent que cela peut arriver. Elles savent, comme tout le monde, qu'une ambulance peut devoir passer et qu'un train peut devoir passer.
La question de savoir où sera tracée la limite de ce qui est considéré comme une intention nous préoccupe. De toute évidence, cette notion est bien définie par la jurisprudence, mais nous craignons toujours qu'elle ait un effet dissuasif et que des personnes n'exercent pas leur droit démocratique de protester et leur droit à la liberté d'expression et d'association.