propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, comme il a été annoncé, j'ai le privilège aujourd'hui de lancer le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , la loi sur la modernisation du système de justice militaire.
Je me permets d'abord de saluer et de remercier les milliers de témoins, de représentants et de survivants qui ont présenté, avec générosité et courage, leur avis et leur expérience sur des questions importantes dont nous sommes saisis avec le projet de loi.
Je tiens aussi à souligner l'important travail de la juge Arbour et du juge Fish. Je les remercie des conseils qu'ils ont donnés, lesquels ont été très utiles pour ces travaux.
Je profite également de l'occasion pour remercier les membres dévoués des Forces armées canadiennes, du ministère de la Défense nationale, du ministère de la Justice et de mon équipe pour leur travail inlassable sur cet important projet de loi.
Tous les jours, au Canada et partout dans le monde, des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et des membres des Forces armées canadiennes se rendent au travail pour servir leur pays et leurs concitoyens. Étant donné que les règles internationales qui assurent notre sécurité sont de plus en plus menacées, leur tâche est cruciale, et leur capacité à relever les défis mondiaux devient encore plus importante.
Pour accomplir leur travail efficacement, les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et les membres des Forces armées canadiennes doivent se sentir protégés, respectés et habilités à servir. Autrement dit, changer la culture du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes n'est pas seulement la bonne chose à faire; c'est aussi essentiel à l'état de préparation et à l'efficacité opérationnelle de notre institution.
Dès le moment de ma nomination en tant que ministre de la Défense nationale du Canada, j'ai essayé de faire comprendre très clairement que ma responsabilité la plus importante est de veiller à ce que les membres des Forces armées canadiennes puissent travailler dans un environnement qui favorise et permet leur excellence. Les membres doivent disposer d'un environnement de travail où ils se sentent en sécurité et épaulés dans l'accomplissement de leur mission essentielle, qui est de protéger notre pays et sa population. Ainsi, personne à la Défense nationale ni dans les Forces armées canadiennes ne doit être victime de harcèlement, de mauvais comportements ou de discrimination.
Il faut également veiller à ce que tous les membres aient accès à la justice. Après tout, le citoyen doit toujours être au cœur de tout ce que nous faisons. Nos militaires protègent les Canadiens chez eux, ils défendent notre souveraineté et ils interviennent en cas de catastrophe naturelle pour veiller à la sécurité des Canadiens. Ils défendent le flanc oriental de l'OTAN. Ils forment les Ukrainiens en leur transmettant les compétences dont ils ont besoin pour se battre et pour gagner. Ils travaillent avec nos partenaires pour préserver la liberté et l'ouverture de la région indopacifique.
Il est de notre responsabilité de protéger et d'appuyer les militaires et les civils de notre pays. Pour ce faire, nous devons moderniser notre système de justice militaire afin de rétablir la confiance à son égard. C'est précisément ce que propose le projet de loi . Il prévoit une série de modifications à la Loi sur la défense nationale afin de renforcer la confiance de tous nos concitoyens dans le système de justice militaire.
J'aimerais vous faire part de certains des principaux changements proposés dans le projet de loi. Après des mois de travail, des centaines d'entrevues et l'examen de milliers de documents, Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême, a présenté au gouvernement 48 recommandations pour faire des Forces armées canadiennes une organisation plus inclusive dont chaque membre est protégé et respecté, et a les moyens de servir. Nous devons mettre en œuvre toutes ces recommandations et nous le ferons.
En décembre 2022, ma prédécesseure, qui est maintenant , a donné instruction à la Défense nationale de donner suite à l'ensemble des 48 recommandations de la juge Arbour et a publié un plan détaillé contenant les mesures que nous prendrons pour donner suite à chacune d'elle. Depuis, nous avons réalisé des progrès très importants et tangibles. À ce jour, une vingtaine de ces recommandations ont été mises en œuvre, et nous sommes en bonne voie pour donner suite à l'ensemble des 48 recommandations d'ici la fin de l'année prochaine.
La recommandation no 5 est la seule recommandation de la juge Arbour qui nécessite une mise en œuvre par voie législative. Le projet de loi qui nous occupe propose de donner suite à la recommandation no 5 en retirant de la compétence des Forces armées canadiennes les infractions sexuelles visées par le Code criminel commises au Canada.
Le projet de loi donnerait au système de justice civile la compétence exclusive en ce qui concerne ces infractions. La juge Arbour a formulé cette recommandation pour une raison très claire. Elle a indiqué que la compétence concurrente sur ces infractions, qui relève à la fois du système de justice militaire et du système de justice civile, « a eu l'effet contraire de celui escompté. Ce changement n'a pas augmenté la discipline, l'efficacité ou le moral, et n'a pas généré la confiance dont le système de justice militaire a besoin [...] Au contraire, ce partage de compétences a plutôt contribué à une érosion de la confiance du public et des membres des FAC. » Mme Arbour a ensuite souligné l'urgence de mettre fin à la compétence concurrente, d'apporter de la clarté et de la certitude à tous les acteurs du système de justice et d'assurer l'équité et la justice aux survivants.
Aux termes de la mesure législative proposée, les Forces armées canadiennes n'auraient plus le pouvoir d'enquêter sur les infractions sexuelles commises au Canada et d'intenter des poursuites à cet égard. Cette compétence relèverait exclusivement des autorités civiles.
Le projet de loi donne également suite à huit des recommandations formulées par l'ancien juge Fish, de la Cour suprême, dans le cadre d'un examen indépendant. Il propose de modifier le processus important qui permet aux principales autorités en matière de justice militaire d'éliminer toute influence réelle ou perçue de la chaîne de commandement. Il propose également d'élargir les critères d'admissibilité des juges militaires pour inclure les militaires du rang afin que nous puissions contribuer à diversifier le bassin de candidats potentiels, et il propose d'élargir la catégorie de personnes qui peuvent déposer une plainte pour ingérence auprès de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
En plus de donner suite aux recommandations des juges Arbour et Fish, le projet de loi prévoit des mesures supplémentaires pour assurer l'intégrité de notre système de justice militaire et veiller à ce qu'il soit digne de confiance. Il propose de retirer les juges militaires du système d'audiences sommaires et de fournir un soutien supplémentaire aux survivants en élargissant l'accès aux agents de liaison de la victime aux particuliers agissant pour le compte de la victime en vertu de la Déclaration des droits des victimes.
Les modifications proposées sont exhaustives, comme il se doit, et elles tiennent compte des commentaires et des besoins des personnes qui ont été directement touchées par l'inconduite sexuelle. Le groupe du chef, Conduite professionnelle et culture, a rencontré plus de 16 000 membres du personnel de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, ainsi que des intervenants externes, afin de les écouter et de tirer des leçons de leur expérience.
Nous avons également consulté des employés actuels et anciens du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, y compris ceux qui sont touchés par des écarts de conduite de nature sexuelle, du harcèlement de nature sexuelle et des crimes de nature sexuelle; les groupes de défense des victimes et les intervenants du système de justice militaire. Au cours de ces consultations, nous avons beaucoup entendu parler de la nécessité d'une réforme concrète et durable de la justice militaire afin de maintenir la confiance dans le système, et nous avons entendu un soutien clair à l'idée de retirer de la compétence des Forces armées canadiennes les infractions sexuelles visées par le Code criminel commises au Canada.
Nous avons très bien entendu la voix de nos concitoyens. Nous avons écouté et nous avons agi. Nous savons maintenant qu'il reste encore beaucoup de travail à faire, mais nous faisons des progrès concrets et mesurables. Nous croyons que le projet de loi constitue une étape importante du cheminement visant une réforme institutionnelle durable. J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi crucial.
J'aimerais également parler de certaines autres mesures que nous prenons pour mieux soutenir nos concitoyens et leur assurer l'équité procédurale et l'accès à la justice qu'ils méritent.
Depuis décembre 2021, 100 % de toutes les nouvelles accusations d'infraction d'ordre sexuel au Code criminel ont été portées devant les tribunaux du système de justice civile. Aucun tribunal du système de justice militaire ne statue sur de nouvelles accusations d'infraction d'ordre sexuel au Code criminel. En juin 2022, le projet de loi est entré en vigueur. Il a établi la Déclaration des droits des victimes et la nomination d'agents de liaison auprès des victimes afin de mieux les aider à comprendre et à faire valoir leurs droits.
Nous avons élaboré une note d'information publiée en ligne à l'échelle de l'armée sur les droits des victimes et le processus d'audiences sommaires afin de promouvoir la sensibilisation aux changements apportés au système de justice militaire, de sorte que les victimes, les témoins et les intervenants du système de justice militaire sachent exactement quoi faire quand un incident d'inconduite se produit. Dans le budget de 2022, nous avons prévu plus de 100 millions de dollars sur 6 ans pour soutenir la modernisation du système de justice militaire et d'autres efforts de changement de culture.
Nous faisons également des progrès dans la mise en œuvre des recommandations formulées par la juge Arbour et le juge Fish. Les membres des Forces armées canadiennes peuvent désormais porter plainte pour harcèlement sexuel ou discrimination fondée sur le sexe directement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Cette mesure est parfaitement conforme aux recommandations nos 7 et 9 de la juge Arbour.
Nous avons répondu à la recommandation no 11 de la juge Arbour en abolissant les règles relatives à l'obligation de signaler. Nous avons répondu à la recommandation no 14 en acceptant de rembourser les frais juridiques admissibles des victimes d'inconduite sexuelle. Nous mettons également en œuvre la recommandation no 20 du rapport de la juge Arbour.
Dans « Notre Nord, fort et libre », nous avons annoncé la création d'une période probatoire afin d'accélérer l'enrôlement des candidats et, au besoin, le renvoi rapide de ceux qui n'adhèrent pas à nos exigences en matière de conduite. Nous avons aussi renforcé le processus de promotion des hauts dirigeants afin de mieux évaluer leur personnalité, leur talent et leur compétence.
En réponse à la recommandation no 29, j'ai également créé la Commission d'examen des collèges militaires canadiens. Cette commission se concentre sur l'examen de la qualité de l'éducation, de la socialisation et de l'instruction militaire obtenues dans nos collèges, et j'ai été suffisamment clair sur le fait que leur culture doit changer radicalement. Nous avons mis en service une base de données en ligne afin de rendre nos recherches et politiques sur la conduite et la culture plus transparentes et accessibles, ce qui respecte la recommandation no 45 de la juge Arbour.
Tout en mettant en œuvre ces réformes importantes, nous sommes déterminés à respecter les normes les plus strictes en matière d'ouverture et de reddition de comptes. C'est précisément pourquoi nous avons nommé Mme Jocelyne Therrien au poste de contrôleuse externe. Son rôle est essentiel. Elle supervisera la mise en œuvre de toutes les recommandations de la juge Arbour et présentera régulièrement des rapports d'étape aux Canadiens.
En fait, Mme Therrien a publié son troisième rapport biennal plus tôt cette année, en mai. Il souligne les progrès que nous avons réalisés afin d'opérer les changements qui rétabliront la confiance envers les Forces armées canadiennes comme milieu de travail professionnel et inclusif. De plus, elle a indiqué qu'il reste encore beaucoup à faire et que nous devons agir plus rapidement. Je tiens à dire combien je suis reconnaissant pour le travail et l'évaluation honnête de Mme Therrien tandis que nous continuons de bâtir une institution respectueuse et inclusive.
Afin de soutenir ces efforts, nous avons également élaboré un plan de mise en œuvre exhaustif visant à établir l'ordre de priorité et à ordonner notre travail dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes afin de donner suite aux recommandations des juges Arbour et Fish, du comité consultatif du ministre, du rapport sur la lutte contre le racisme et du Comité consultatif national sur les excuses, qui a été mis sur pied pour formuler des recommandations afin que le Canada présente des excuses historiques aux descendants du 2 e Bataillon de construction.
Nous continuerons de travailler sur tous les fronts, car cela est essentiel au bien-être des membres des forces et à l'efficacité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, nous sommes déterminés à instaurer une culture en milieu de travail où chaque membre de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes se sent protégé, épaulé, respecté et habilité à servir. Notre engagement à cultiver une meilleure culture militaire se reflète dans notre nouvelle politique de défense, intitulée « Notre Nord, fort et libre ». L'éthos des Forces armées canadiennes, « Digne de servir », le montre clairement.
Dans ces documents, nous énonçons très clairement qu'on ne doit pas laisser les manquements à la conduite, le harcèlement, la discrimination et la violence, sous quelque forme que ce soit, apparaître ou perdurer au sein de notre institution parce qu'ils causent un préjudice grave à nos gens. Ils minent fondamentalement notre mandat, notre mission et notre efficacité, et ils érodent la confiance que les Canadiens nous accordent.
Par conséquent, nous travaillons fort pour créer une culture militaire plus moderne et inclusive où des Canadiens de tous les horizons peuvent servir leur pays. Ce travail est dirigé par le chef, Conduite professionnelle et culture, aussi appelé CCPC. Ce poste a été créé en 2021. Le CCPC est la seule autorité en matière de conduite professionnelle et de culture à la Défense nationale. À l'origine, ce poste était occupé par la générale Jennie Carignan. Bien sûr, le lieutenant-général Prévost a maintenant pris le relais, puisque la générale Carignan est notre nouvelle cheffe d'état-major de la défense.
Il a mené des consultations auprès de 16 000 membres du personnel du ministère de la Défense nationale, membres des Forces canadiennes et intervenants externes, et ces consultations ont grandement éclairé notre travail. Elles nous ont permis de mieux comprendre les expériences vécues par notre personnel. Elles nous ont permis d'effectuer notre travail en matière de culture du changement en nous fondant sur le savoir, la compréhension, le soutien et la compassion. Le changement de culture nécessite un effort systémique, soutenu et continu. Ce n'est pas seulement ce qu'il convient de faire, c'est ce qu'il est judicieux de faire. C'est essentiel pour notre efficacité opérationnelle.
Nous continuerons d'écouter le personnel de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes et de tirer un enseignement de ce que ces gens nous disent. Nous continuerons de travailler avec des intervenants externes et avec des partenaires pour créer un milieu de travail plus sûr et inclusif. Je crois que nous faisons des progrès tangibles, mais il reste toujours beaucoup de travail à faire.
Parallèlement, alors que nous modernisons notre système de justice militaire et que nous changeons notre culture, nous devons aussi veiller à ce que les personnes ayant survécu à des agressions et à des inconduites sexuelles obtiennent toujours le soutien, les soins, le respect, la compassion et les ressources dont elles ont besoin. Pour ce faire, nous misons en grande partie sur le Centre de soutien et de ressources sur l'inconduite sexuelle, une entité indépendante de la chaîne de commandement.
Le Centre de soutien et de ressources sur l'inconduite sexuelle fournit des conseils d'experts, des orientations et des recommandations aux forces armées et à la Défense nationale sur toutes les questions liées à l'inconduite sexuelle. Cela comprend une ligne d'aide, accessible jour et nuit de manière confidentielle, qui offre à nos employés du soutien et des renseignements sur les options offertes, des conseils sur la façon de soutenir autrui, ainsi que des renvois vers des programmes de soins et de services. Il administre également le Programme de coordination de l'intervention et du soutien afin de fournir aux personnes qui ont été victimes d'inconduite sexuelle au sein du ministère de la Défense nationale ou des Forces armées canadiennes un conseiller civil spécialisé qui peut les aider à accéder aux services de santé, à se préparer aux entrevues avec la police, et bien plus encore.
Le Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle offre également un programme de subventions pour financer des programmes communautaires afin d’élargir la gamme de services de soutien qui seront offerts à la communauté élargie de la défense. Il offre des programmes de soutien par les pairs et des partenariats avec Anciens Combattants Canada.
Il nous reste du travail à faire pour soutenir les personnes touchées par une inconduite. Voilà pourquoi, l'an dernier, nous avons lancé le Programme d’assistance juridique indépendante, qui remboursera les frais juridiques encourus au 1er avril 2019 ou après à la suite d'une inconduite sexuelle dans l'environnement du ministère de la Défense nationale ou des Forces armées canadiennes. Nous mettons ainsi en œuvre la recommandation 14 de la juge Arbour. Le programme vise également à faciliter un accès direct à de l’information, à des conseils et à une représentation juridiques.
La portée du travail que j'ai décrit aujourd'hui est très vaste, mais nous devons faire plus et c'est ce que nous ferons. L'adoption du projet de loi constitue une étape déterminante en ce sens. Ce faisant, nous accorderons au système judiciaire civil la compétence exclusive en matière d'infractions sexuelles inscrites au Code criminel du Canada, exactement comme l'a recommandé Mme Arbour.
Nous devons offrir clarté et certitude aux victimes et aux survivants, et nous devons construire un système de justice militaire plus moderne qui puisse conserver la confiance des personnes qu'il sert. Je pense qu'en faisant cela, nous améliorerons l'efficacité opérationnelle des forces armées. Cela nous aidera à attirer et à retenir encore plus de Canadiens talentueux de partout au pays. Cela leur montrera qu'en tant que membres des forces armées, ils ont accès à un système judiciaire équitable et moderne et à des ressources fiables s'ils subissent un préjudice.
Surtout, c'est ce qu'il convient de faire pour notre peuple, notre armée et notre pays. Je pense que le projet de loi nous aidera à rétablir la confiance qui a pu être perdue. Il nous permettra d'assurer la sécurité de nos concitoyens et de mieux les soutenir, et il nous aidera à donner aux Forces armées canadiennes la culture, les effectifs, les institutions, le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour protéger le pays, aujourd'hui et dans les décennies à venir.
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Monsieur le Président, c'est toujours un honneur de prendre la parole à la Chambre au nom des femmes et des hommes courageux qui servent dans les Forces armées canadiennes. Les conservateurs sont fiers des soldats, des marins et des pilotes canadiens, et nous tenons à apporter notre appui à tous ceux qui portent l'uniforme au service du Canada.
Les conservateurs croient que l'inconduite sexuelle, la discrimination, le racisme et toute autre forme de harcèlement doivent être éradiqués des Forces armées canadiennes, car chaque militaire mérite de travailler dans un milieu sûr et respectueux. Faire le travail dangereux qu'ils sont appelés à faire est déjà assez difficile. Nous savons qu'ils bravent d'incroyables dangers lorsqu'ils s'agit de résoudre des conflits dans le monde entier ou d'intervenir à la suite de catastrophes naturelles ici même, au Canada.
Il y a neuf ans, le gouvernement conservateur précédent a accepté toutes les recommandations du rapport Deschamps dans le but d'éradiquer le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes. Ce rapport, au sujet duquel j'ai déjà posé une question au ministre, est resté sur le bureau de l'ancien chef d'état-major de la défense, Jonathan Vance, et sur celui de l'ancien ministre de la Défense nationale, qui est maintenant et voisin de banquette de l'actuel . Il est resté sur leur bureau à ramasser la poussière. Aujourd'hui, neuf ans plus tard, les libéraux proposent enfin des modifications législatives au système de justice militaire.
À voir le laxisme des politiques en matière de criminalité que les libéraux ont mises en place dans notre Code criminel et notre système de justice pénale, dans les tribunaux civils d'un bout à l'autre du pays, je dirais qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils instaurent les politiques nécessaires pour mettre fin aux agressions sexuelles et à l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes. Après neuf longues années et deux rapports additionnels de la part de deux autres anciens juges de cours supérieures, les victimes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées n'ont toujours pas de réponse, et leur dossier n'est pas traité correctement.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les conservateurs appuient le projet de loi . Nous voulons le renvoyer au comité. Nous savons qu'il doit faire l'objet d'une étude minutieuse. Nous savons qu'il faut entendre des témoins, aussi bien des experts que des universitaires, qui connaissent bien la Loi sur la défense nationale et le système de justice militaire, mais il faut également entendre des victimes. Nous devons entendre des personnes qui servent dans les Forces armées canadiennes et d'autres intervenants, y compris le milieu juridique, les gouvernements provinciaux et les tribunaux municipaux, qui seront tenus de s'occuper des enquêtes, de la collecte de preuves et des poursuites dans un système judiciaire qui est déjà débordé à cause du laxisme des politiques en matière de criminalité que le gouvernement libéral a mises en place.
Des questions demeurent en suspens à savoir si le système judiciaire civil aura la capacité de traiter les dossiers des Forces armées canadiennes. Le plus gros problème, qu'à cause de cette approche laxiste, qui permet aux gens d'être libérés sous caution, il craque de partout. Les récidivistes n'arrêtent pas d'être relâchés et de récidiver. C'est pourquoi les conservateurs préconisent toujours la prison, et non la mise en liberté sous caution. Cette solution permet non seulement de retirer les délinquants dangereux et les récidivistes de la société, ce qui laisse la population plus en sécurité, mais aussi de dégager davantage de ressources dans le système judiciaire pour traiter des problèmes comme l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes.
Les conservateurs s'interrogent sur la logique du projet de loi . Il propose de retirer aux autorités militaires les enquêtes et les poursuites pour inconduite sexuelle survenue dans les Forces armées canadiennes quand l'infraction a été commise au Canada. Elles seraient transférées au système civil, que ce soit aux services de police municipaux ou provinciaux, voire, à certains endroits, au service de police fédéral, la GRC. Les compétences de la police militaire et des procureurs au criminel du Cabinet du juge-avocat général s'atrophieraient et se détérioreraient.
Selon le projet de loi , chaque fois que nos troupes seront déployées à l'extérieur du Canada, les enquêteurs et les procureurs principaux continueront à être issus de leurs rangs, au même titre que les accusés, comme c'est le cas dans le système de justice militaire, qui compte à la fois des procureurs et des défendants pour assurer l'équilibre de la justice entre les accusés et les demandeurs. Cependant, s'ils ne sont pas à la hauteur pour intenter des poursuites et enquêter sur les cas d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes quand les faits ont lieu ici, au Canada, comment saura-t-on si on peut se fier à eux pour les cas à l'extérieur du Canada? Pour ma part, je leur fais confiance, mais je me demande si le est un peu préoccupé à la perspective que le manque de pratique atrophie les compétences et des procureurs, et des enquêteurs dans la police militaire. C'est comme faire de l'exercice: la constance est de rigueur.
Autre inquiétude: les nouvelles nominations par le gouverneur en conseil. À l'heure actuelle, le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet, le , le bureau du premier ministre, nomme le chef d'état-major de la défense, le sous-ministre, l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes ainsi que le juge-avocat général. Toutes ces nominations sont faites par décret et tous ces postes relèvent du . On prévoirait maintenant d'autres nominations par décret: celle du directeur des poursuites militaires, du directeur du service d'avocats de la défense, et du grand prévôt général.
Ce serait un plus sur le plan de l'indépendance, mais des questions se posent concernant la durée de ces mandats. Il n'y a pas de cohérence par rapport aux autres nominations par le gouverneur en conseil, à la fois dans le système civil, au sein de l'appareil d'État et avec d'autres nominations au gouvernement, et avec les personnes nommées en vertu de la Loi sur la défense nationale. On ne précise pas non plus la manière dont les titulaires seraient reconduits dans leurs fonctions. On s'est même demandé si le fait d'avoir ces trois nouvelles nominations par le gouverneur en conseil, qui relèvent actuellement du juge-avocat général, ne rendrait pas cette fonction superflue et si les éventuelles directives ministérielles ne risqueraient pas de porter atteinte à son autorité.
De plus, nous craignons fortement que cela mène à une hausse de l’ingérence politique, ce dont nous avons déjà été témoins sous le gouvernement libéral. Notre crainte vient du fait que le projet de loi donnerait au ministre de la Défense nationale non seulement le pouvoir d’exercer un contrôle sur un plus grand nombre de personnes au sein des Forces armées canadiennes, mais aussi le pouvoir d’établir des lignes directrices concernant les poursuites, ce qui ouvrirait la porte à de l'ingérence politique.
Il suffit de regarder certains des cas pour lesquels le gouvernement a exercé des pressions politiques parce qu’il souhaitait qu’ils soient traités dans le système judiciaire civil. On peut voir, par exemple, ce qui s’est passé dans le cas du vice-amiral Mark Norman. Bien sûr, dans ce cas, les accusations ont toutes été suspendues, et le gouvernement du Canada a versé un règlement au vice-amiral pour sa chasse aux sorcières.
Un autre cas a été celui de l’ancien chef d’état-major de la défense, Jonathan Vance. Dans cette affaire, il n’a pas été accusé d’inconduite sexuelle, mais plutôt d’entrave à la justice.
Le prochain cas dont je veux parler est celui de l'amiral Art McDonald. Encore une fois, il s'agissait d'une nomination politique faite par le gouvernement libéral, et il était chef d'état-major de la Défense. On a appris par la suite qu'il avait eu des écarts de conduite par le passé. Quand est venu le temps d'intenter des poursuites, toutes ces accusations ont été abandonnées par le bureau des poursuites militaires.
Le major-général Dany Fortin a été acquitté par le système judiciaire du Québec. Les libéraux exercent des pressions sur la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pour qu'on renvoie ces causes au civil, alors cette personne a pu s'en tirer à bon compte. Tout ce qu'on fait, c'est détruire la réputation de ces gens, et les victimes n'obtiennent pas justice.
En ce qui concerne le lieutenant-général Trevor Cadieu, les procédures ont été suspendues par le ministère de la Justice de l'Ontario.
Le vice-amiral Haydn Edmundson a été déclaré non coupable par le système de justice de l'Ontario. Une décision a été rendue plus tôt cette semaine dans cette affaire. On a appris que tous les témoignages d'un témoin ont été rejetés parce qu'ils avaient été compromis par un journaliste de CBC.
Le dernier cas que j'ai ici est celui du lieutenant-général Steven Whelan. Encore une fois, les accusations ont été retirées par les procureurs militaires, et le lieutenant-général Steven Whelan a déposé une déclaration. Quand on examine tous ces cas, on constate que les pressions politiques exercées sur les responsables de la défense nationale par le et le pour que ces affaires soient renvoyées au système judiciaire civil ne permettent pas automatiquement aux victimes d'obtenir justice. On s'expose plutôt à un risque en raison de la hausse des propos diffamatoires à l'égard de gens qui ont servi notre pays pendant de longues années de dur labeur en tant que chefs militaires.
Nous savons que le général Jonathan Vance a déjà été chef d'état-major de la défense. Lorsque nous avons étudié la question au comité de la défense nationale, le président libéral a ajourné les travaux du comité pendant trois mois et refusé de nous laisser entendre des témoins, des experts et des victimes au sujet du camouflage qui s'est produit lorsque les victimes ont dénoncé Jonathan Vance. Les médias ont révélé que l'ancien ministre de la Défense nationale, le , s'était donné beaucoup de mal pour bloquer l'enquête, pour fermer les yeux. Le y a participé. Malheureusement, seul le comité de la condition féminine a pu présenter un rapport à cet égard. Les conservateurs ont déclaré, en réponse à ce rapport, qu'il était « devenu très clair que le ministre [de la Défense] n’a pas su faire preuve de leadership dans le dossier de l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes ».
Bien entendu, au lieu de terminer le rapport et d'aller au fond des choses, on a préféré déclencher des élections, proroger le Parlement et laisser mourir le rapport. Les libéraux ont eu de nombreuses occasions d'agir avant 2024. Ils disposaient de nombreux rapports sur lesquels s'appuyer. J'ai mentionné le rapport Deschamps paru en 2015. En 2018, le vérificateur général a publié un rapport sur les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes, puis il a mis à jour ce rapport, le rapport de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle, en 2021. Il y a eu le rapport du juge Fish, un rapport très exhaustif qui contenait des centaines de recommandations. Il y a aussi eu le rapport produit en 2021 par le comité de la condition féminine du Parlement, intitulé « Éliminer l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes ». Quel a été le résultat? Indécision, tergiversations, retards et report jusqu'en 2024.
Pendant ce temps, les cas d'inconduite sexuelle, de harcèlement sexuel et de violence sexuelle se sont intensifiés. Comme je l'ai déjà dit, nous essayons d'éliminer toute inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes dans les bases et ici au Canada. Depuis 2015, au cours des neuf longues années de gouvernement libéral, le nombre total d'agressions sexuelles dans les trois catégories a augmenté de 74,83 %. Pour ce qui est de la violence sexuelle au Canada, et cela concerne tous les Canadiens, les cas de violence sexuelle contre des enfants ont augmenté de 118,85 %. Les cas de séquestration ou d’enlèvement ont augmenté de 10,6 %. Les communications indécentes et harcelantes ont augmenté de 86,41 %. La distribution non consensuelle d'images intimes a augmenté de 801 %. Enfin, les cas de traite de personnes ont augmenté de 83,7 %.
Il s'agit là d'augmentations énormes, et le traitement de ces crimes représente la majeure partie du travail des intervenants de notre système de justice civile, qu'il s'agisse des avocats de la défense, des procureurs ou des employés des services de police municipaux, provinciaux ou fédéraux. Maintenant, ils devront aussi composer avec l'augmentation des cas d'inconduite sexuelle que nous observons au sein de la Défense nationale.
En effet, au cours des cinq dernières années, le nombre de signalements d'inconduite sexuelle est passé de 256 à 443. Il s'agit d'une augmentation de 73 % sous la gouverne du gouvernement libéral, qui a fermé les yeux sur ce problème et n'a pas agi comme il se doit.
Cependant, je ne crois pas qu'on devrait s'en étonner, car le gouvernement libéral a laissé tomber les Forces armées canadiennes. Il a laissé tomber nos femmes et nos hommes courageux, qui représentent ce que le Canada a de mieux à offrir. Leur entraînement compte parmi les plus difficiles. Ils subissent un examen médical et un examen de santé avant de pouvoir porter l'uniforme, et le gouvernement actuel a laissé les Forces armées canadiennes dans un état de délabrement total pendant neuf longues années.
Nos navires de guerre sont rouillés, nos avions de chasse sont déglingués, l'armée s'est fait couper les vivres et nous manquons tellement de soldats, de marins et de personnel navigant que toutes nos troupes sont épuisées. Des escadrons aériens entiers ont été fermés parce que nous n'avons pas assez de personnel, qu'il s'agisse de pilotes ou de personnel d'entretien, pour faire voler nos avions de chasse. Nos sous-marins sont pratiquement toujours en cale sèche. Si l'on se fie aux réponses données à toutes les questions inscrites au Feuilleton, c'est tout juste si nos quatre sous-marins prennent la mer 100 jours par an. C'est gênant. Comment pouvons-nous maintenir des compétences si nous n'avons pas la possibilité de nous entraîner et de nous exercer aux côtés de nos alliés et de protéger nos côtes contre d'autres sous-marins?
Lorsque les libéraux ont annoncé leur politique de défense — Protection, Sécurité, Engagement —, en 2017, j’ai dit que c’était un ramassis de promesses creuses. À la lumière de leur bilan, c'est toujours le cas. La mise à jour de la politique de défense a été menée avec un an de retard et, encore une fois, elle ne prévoit pas d'investissements importants dans les Forces armées canadiennes. En fait, après avoir présenté leur mise à jour de la politique de défense, les libéraux ont réduit le budget de 1 milliard de dollars, ce qui a une incidence sur l'état de préparation opérationnelle des Forces armées canadiennes. Plus de 10 milliards de dollars n'ont pas été dépensés ni investis dans les Forces armées canadiennes. Cela signifie que la livraison de l'équipement indispensable se fera plus tard. Or, nos troupes en ont assez de fonctionner avec de l'équipement désuet.
Nos soldats ne se sentent ni en sécurité ni respectés. Ils ne se sentent pas honorés par le gouvernement. Voilà pourquoi il manque actuellement 16 000 soldats dans les forces de réserve et les forces régulières. Comme si ce chiffre n'était pas déjà assez choquant, ces lacunes font en sorte que nous manquons aussi de gens, des femmes et des hommes, pour pourvoir les postes de gestionnaires intermédiaires. Je parle des caporaux, des caporaux-chefs, des sergents et des sergents-majors qui vont sur le terrain et qui forment les militaires.
À l'heure actuelle, nous avons plus de 10 000 militaires qui ne sont pas suffisamment formés et qui ne peuvent pas être déployés. Nous n'osons pas les envoyer en mission parce qu'ils ne possèdent pas toutes les compétences nécessaires pour faire le travail que nous voulons leur confier. Ce nombre provient du gouvernement lui-même. Nos forces armées ont été tellement affaiblies que seulement 58 % d'entre elles sont prêtes à être déployées. Comme je l'ai dit, c'est fort embarrassant.
Une chose qui a vraiment miné nos troupes, c'est le fait qu'elles ont été abandonnées à leur sort, tant au Canada qu'à l'étranger. Nous connaissons une pénurie de logements: il manque 6 700 logements. Le gouvernement n'a prévu que 8 millions de dollars pour construire des logements au cours des cinq prochaines années. L'année dernière, il n'a construit que 20 logements pour les membres des Forces armées canadiennes et, l'année précédente, il n'en a construit que 18. Trente-huit nouveaux logements ne combleront pas le manque actuel de 6 700 logements et c'est pour cette raison qu'un si grand nombre de nos soldats sont sans logement. Ils vivent dans des tentes, ils dorment chez des connaissances et vivent parfois dans des situations précaires.
Je terminerai en disant ceci: le prochain gouvernement conservateur rebâtira les Forces armées canadiennes en réduisant la bureaucratie et les dépenses inutiles pour des consultants inutiles. Il y a des gens dans les Forces armées canadiennes et au sein du ministère de la Défense nationale qui peuvent faire ce travail. Nous réduirons cette queue et investirons dans les dents de nos forces armées. Nous prendrons l'argent des contribuables qui est versé à des dictatures et des despotes étrangers et nous le réinvestirons dans les Forces armées canadiennes. Nous dépenserons plus pour les Forces armées canadiennes que les libéraux ne l'ont jamais espéré. Nous renforcerons les Forces armées canadiennes et veillerons à ce qu'elles disposent de l'équipement dont elles ont besoin. Nous rétablirons l'honneur et l'intégrité de nos héros militaires afin que les Canadiens puissent être fiers d'eux. Nous mettrons fin à la culture woke des libéraux, à cette expérience qu’ils mènent; au lieu de cela, nous appuierons les combattants des Forces armées canadiennes afin qu’ils puissent fièrement servir notre pays, le défendre et combattre aux côtés de nos alliés lorsqu’ils sont appelés à le faire.
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Monsieur le Président, je vais moi aussi mettre fin au suspense en annonçant que le Bloc québécois a l'intention de voter en faveur du principe du projet de loi en deuxième lecture dans le but de pouvoir l'envoyer au comité.
Toutefois, je vais quand même réitérer quelques-uns des commentaires que j'ai faits quant à la chronologie qui a mené à l'adoption du projet de loi et à la pertinence d'en débattre maintenant.
Comme cela a été mentionné, la question des inconduites sexuelles dans les forces armées a été mise en lumière de façon assez éclatante une première fois en mars 2015 par l'honorable juge Deschamps. C'est contemporain à une série d'autres événements qui se sont produits et sur lesquels je reviendrai un peu plus tard. Par la suite, le juge Fish a également fait des recommandations en avril 2021. La juge Arbour a aussi rendu un rapport sur le sujet en juin 2022. Lorsqu'on l'a mandatée pour qu'elle se penche sur la question d'une réforme potentielle au sein des forces armées pour mettre fin à certains enjeux liés aux inconduites, elle a répondu que cela avait déjà été fait et étudié. Pourtant, à peu près rien n'avait été mis en place pour permettre de faire les changements recommandés par ses prédécesseurs.
Par la suite, c'est seulement en mars 2024 qu'on a fini par déposer le projet de loi en première lecture. C'est seulement maintenant que nous en débattons en deuxième lecture. On sait que ce n'est pas parce qu'il manque de travail au Comité permanent de la défense nationale présentement. Il y a plusieurs choses sur lesquelles nous planchons déjà. Je m'inquiète un peu de l'espèce d'embourbement qu'il risque d'y avoir avec d'autres dossiers qui ne sont pas moins importants que celui-ci.
Je ne cherche pas à minimiser l'ampleur de quoi que ce soit, mais nous avons plusieurs dossiers à traiter. L'étude article par article d'un projet de loi qui vise à produire un éventuel rapport est généralement placée en priorité. J'ai peur que nous nous embourbions parce qu'il y a, entre autres, la question de l'approvisionnement qui est encore problématique au sein des forces armées. À peu près à toutes les semaines, il y a un problème qui fait surface dans l'actualité, que ce soit relativement aux sacs de couchage ou aux livrables de véhicules blindés légers. C'est un problème récurrent. Nous risquons d'en entendre parler encore.
Il y a la question des dépenses militaires. Malgré l'annonce de nouvelles sommes qui a été faite avec la mise à jour de la politique de défense, il y a encore des compressions qui avaient été annoncées en septembre passé qui sont en vigueur. Cela fait qu'il y a un manque de ressources à plusieurs endroits. On n'atteint toujours pas la cible de 2 %, qui était un plancher et qui est maintenant un plafond, et qu'on s'est engagé à atteindre au sommet au pays de Galles en 2014. On a encore des problèmes de capacité en ce qui a trait aux opérations internationales. Il y a des problèmes de recrutement, de rétention, de logement. Il y a aussi des problèmes pour les francophones qui sont dans les forces, qui ne réussissent pas nécessairement à obtenir des services dans leur langue maternelle.
Nous risquons de parler de la question de l'évacuation de l'Afghanistan à l'été 2021, à savoir l'évacuation de Kaboul. Dans le cadre de cette évacuation, l'actuel , le député de Vancouver‑Sud, aurait donné des directives visant à prioriser des membres de la communauté afghane sikhe au détriment de Canadiens et d'interprètes qui avaient aidé le Canada. Ce ne sont pas les premières frasques de ce ministre. J'y reviendrai potentiellement plus tard, parce que c'est aussi sous son égide que des frasques ont été commises concernant celui qui était alors le chef d'état-major des forces armées, Jonathan Vance. Ce dossier a probablement été le plus médiatisé à propos des inconduites sexuelles et des problèmes de distanciation qu'il y a entre la chaîne de commandement et la justice militaire. C'était une espèce de cas d'étude pour tant d'autres dossiers dont on n'a pas nécessairement parlé de façon médiatique, mais qui gangrènent malgré tout encore les forces.
Ainsi, il y a tout ce travail qui aurait pu être fait, mais qui va peut-être être tassé parce que nous allons travailler sur le projet de loi , qui aurait pu être présenté beaucoup plus tôt. De surcroît, nous n'aurons peut-être pas l'occasion de terminer l'étude. En effet, ceux qui ont le moindrement suivi l'actualité depuis quelques jours savent que nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête et que des élections pourraient être déclenchées. Cela pourrait mettre à mal le projet de loi, qui est pourtant tellement attendu, entre autres par les victimes d'inconduites sexuelles dans les forces.
J'ai beaucoup d'empathie pour ces victimes, mais j'ai peur que nous n'arrivions pas à mener à bien l'étude, malgré toute la volonté que nous pourrions avoir et même si ça va pour le mieux dans le meilleur des mondes au comité. Le projet de loi ne se rendra peut-être pas à l'étape de la troisième lecture, de l'adoption par le Sénat et de la sanction royale. Or, nous nous entendons tous, à tout le moins, sur le principe de ce projet de loi.
Je tiens à souligner un autre élément. Il y a plusieurs victimes qui ont été consultées par la juge Arbour dans le cadre d'une étude beaucoup plus large sur la réforme de l'ambiance qu'il y a dans les forces armées, si je peux m'exprimer ainsi. Ces victimes ne semblent cependant pas avoir été contactées pour l'étude précise du projet de loi , pour le détail fin du projet de loi. Comme je l'ai mentionné à l'occasion d'une question à mon collègue un peu plus tôt, ce peut être difficile pour des victimes de venir témoigner en public. Je me permets donc de lancer un appel pendant que j'y suis: s'il y a des victimes qui souhaitent prendre contact avec des membres du Comité pour leur faire des recommandations ou des suggestions ou pour leur soumettre des questions à poser, c'est potentiellement une bonne idée de le faire. Pour ma part, je m'engage à traiter ça de façon absolument confidentielle si ça devait arriver, ne serait-ce que pour avoir la position de gens qui ont malheureusement vécu les affres de la trop grande proximité entre la justice militaire et ceux qui sont visés par des accusations.
Revenons au projet de loi, qui apporte plusieurs modifications. En fait, on vise principalement des modifications touchant aux inconduites sexuelles. Les militaires ont d'autres griefs également, mais on ne les retrouve malheureusement pas dans ce projet de loi, et je le comprends parce que cela aurait donné un projet de loi mammouth. Il aurait été à peu près impossible de tout gérer d'un coup. J'aurais aimé qu'on ait déjà réglé ce dossier pour pouvoir passer à d'autres choses, mais bon. Encore une fois, on revient à la question de la chronologie et de la bonne utilisation du calendrier parlementaire par le gouvernement. Nous pourrions faire des journées complètes à parler de ça. Je vais m'abstenir cette fois-ci.
Sur la question des inconduites, la principale modification apportée par le projet de loi est celle qui ne pouvait être faite que de façon législative. Elle vise à donner suite à la recommandation no 5 du rapport de la juge Arbour, qui propose de retirer complètement de la compétence des Forces armées canadiennes en matière d'enquêtes et de poursuites concernant les infractions sexuelles visées par le Code criminel et commises au Canada. Auparavant, les seules infractions qui ne pouvaient pas être jugées par les forces armées elles-mêmes étaient: le meurtre, l'homicide involontaire coupable et les dossiers liés à des enlèvements ou à la traite de personnes. On ajoute maintenant à cela des infractions qui ne pourront plus être traitées à même les forces armées, comme le contact sexuel, l'incitation à des contacts sexuels, l'exploitation sexuelle, l'inceste, la bestialité, le voyeurisme et la publication de pornographie juvénile.
Ce sont donc toutes des infractions de nature sexuelle. Elles ne pourront plus être jugées à l'interne. C'est une modification majeure qui était largement attendue et qui, je pense, aurait pu être mise en place un peu plus tôt. Il s'agit de la plus grande recommandation qui ressortait du rapport de la juge Arbour, et c'est, comme je le disais, la seule qui nécessitait une loi pour qu'elle puisse être mise en œuvre. Il y a des choses qui ne changeront pas, par contre, et je pense que c'est une bonne affaire. Les militaires pourront continuer à recueillir des éléments de preuve en attente de l'arrivée des autorités civiles advenant qu'il y ait commission d'un acte répréhensible.
Parmi les autres recommandations adoptées, il y a celles qui émanent du rapport du juge Fish. Le juge Fish recommandait une procédure de nomination des trois principales autorités judiciaires ou militaires afin qu'elles soient changées pour le grand prévôt des Forces canadiennes, le directeur des poursuites militaires et le directeur du service d'avocats de la défense, et ce, afin que le processus devienne politique et civil plutôt que relevant de la chaîne de commandement militaire. C'est le gouvernement qui sélectionnerait ces personnes au lieu de la chefferie militaire. Elles seraient donc à l'abri de toute forme de chantage. En guise de rappel, on peut penser au cas du chef d'état-major Jonathan Vance, qui avait eu des relations sexuelles avec une personne subordonnée et qui s'était par la suite vanté d'avoir le plein contrôle sur les enquêtes militaires, faisant que la victime ne pourrait pas porter plainte. Son successeur, à l'époque, Art McDonald, avait aussi quitté son poste quelques semaines à la suite d'allégations de nature sexuelle. Voilà donc une des recommandations du rapport du juge Fish qui est mise en œuvre par le projet de loi C‑66.
Il y en a également huit autres qui sont mises en œuvre par le projet de loi. Je vais me permettre d'en parler succinctement. Ce sont les recommandations 2, 7, 8, 10, 13, 14, 15 et 16.
La recommandation 2 vise à modifier la Loi sur la défense nationale pour que ce soit le gouverneur en conseil qui nomme les juges militaires, qui pourront être des officiers ou des militaires du rang qui sont des avocats inscrits au barreau de leur province et qui ont 10 ans et plus d'expérience en tant qu'avocat et en tant que militaire. Cette mesure vise l'exclusion des juges militaires du système d'audience sommaire. On peut le comprendre quand il s'agit d'audiences sommaires qui visent par exemple des manquements qui sont davantage d'ordre militaire, d'ordre disciplinaire de façon générale. Je pense à des infractions comme une absence sans permission, une décharge négligente d'une arme à feu, le port inadéquat de la tenue militaire ou un mauvais entretien de l'équipement. Ces infractions militaires pouvaient avant être jugées par les juges militaires. Dans le contexte où ces juges militaires seront maintenant nommés par le gouvernement, ils ne pourront plus trancher des questions qui relèvent d'une audience sommaire.
Je comprends le raisonnement derrière ça, mais je pense que ce sera intéressant quand même d'entendre des gens en comité pour savoir si cette exclusion est pertinente ou pas. Le problème qui découle de ça, c'est que les procès lors de ces audiences sommaires seront toujours entendus par des commandants d'unité. Ce sera donc toujours un supérieur qui jugera un de ses subordonnés, ce qui donne lieu généralement à une justice plutôt expéditive où on est coupable jusqu'à preuve du contraire plutôt que l'inverse. Il y a donc peut-être quelque chose à travailler dans cette recommandation.
La recommandation 7 du rapport du juge Fish va aussi être mise en œuvre. Elle préconise que le directeur des poursuites militaires et le directeur du service d'avocats de la défense soient nommés, également sur la recommandation du ministre de la Défense nationale, pour des mandats d'une durée maximale de sept ans.
La recommandation 8, qui va aussi être mise en œuvre, fait que le juge-avocat général ne pourra plus établir des lignes directrices ou donner des instructions pour une poursuite en particulier. C'est un pouvoir qui va être donné au ministre de la Défense nationale.
La recommandation 10 vise à modifier la Loi sur la défense nationale afin d'assurer un meilleur respect de l'indépendance des procureurs militaires, des avocats de la défense militaire et d'autres acteurs dans le système de justice militaire. Elle définira aussi l'indépendance du grand prévôt, qui est le chef de la police militaire, du directeur des poursuites militaires et du directeur des services d'avocats de la défense.
Les recommandations 13 et 14 visent à ce que la nomination du grand prévôt soit faite par le gouvernement plutôt que par le militaire. Encore une fois, on sort un peu la question des nominations de la chaîne de commandement militaire afin que ce soit davantage un processus civil. On essaie vraiment de créer des rôles plus hermétiques afin d'éviter qu'on soit toujours dans une espèce de chasse gardée, dans un boy's club où on est capable d'avoir le contrôle sur les décisions de justice qui sont rendues.
Finalement, il y a la recommandation 16, dont j'ai parlé, qui va permettre à n'importe quel militaire de porter plainte pour ingérence devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire du Canada. Avant, ce n'était que la victime qui pouvait le faire. Une personne tierce pourra donc porter plainte contre un militaire ou un supérieur si elle croit que cette personne s'est ingérée dans le processus de justice. Cela a pour but d'élargir le nombre de gens qui pourront porter plainte, qui comprend la victime, pour différentes infractions.
Parmi les autres recommandations adoptées, il y a aussi celle qui préconise que les militaires du rang puissent dorénavant devenir des juges militaires. Autrefois, c'était réservé davantage à de plus hauts gradés, mais ça ne reflétait pas nécessairement la réalité actuelle. En effet, plusieurs militaires du rang, soit ceux dont le grade va de soldat à adjudant-chef, ont parfois un meilleur bagage scolaire que certains officiers. Dans certains cas, ils ont un bagage scolaire plus adéquat pour remplir ce rôle.
Maintenant, le rôle de juge militaire pourra être ouvert à un bassin beaucoup plus large qui va respecter davantage la réalité actuelle des forces armées, ce qui n’est pas malvenu dans le contexte. On aura un bassin beaucoup plus large aussi pour faire une sélection parmi de potentiels candidats pour ce rôle.
Par ailleurs, dans les modifications un peu moins substantielles prévues dans le projet de loi , il y a celle qui crée le poste d’agent de liaison de la victime. On permet donc d’avoir un représentant pour la victime, une espèce d’aide dans le cadre d’un processus de plainte. On ajoute également la possibilité qu'un représentant de la victime puisse être porte-parole pour la victime auprès de cet agent de liaison. Donc, il y a quand même des recommandations intéressantes qui sont faites.
Finalement, on harmonise la Loi sur la défense nationale avec le Code criminel concernant les renseignements sur les délinquants sexuels et sur les interdictions de publication. Il y avait une espèce d’omerta pour le grand public sur ce qui pouvait se passer au sein des forces. Le projet de loi C‑66 va permettre de mettre à jour cet élément.
Comme je le disais, tout cela arrive dans le contexte d’un dossier malheureusement connu depuis fort longtemps, c’est-à-dire la question des inconduites sexuelles. On se rappellera que la juge Deschamps avait été mandatée pour produire un rapport, qu’elle a remis en mars 2015. C’est à ce moment qu’on avait également nommé le chef d’état-major Jonathan Vance, même s’il y avait déjà des allégations qui planaient au-dessus de sa tête. M. Vance a continué de commettre des frasques un peu à l’abri de toute récrimination, notamment parce que le député de , l’actuel ministre de la Protection civile, avait plus ou moins fermé les yeux sur les plaintes qui avaient été entendues et sur ce qui entourait la nomination de Jonathan Vance. Cela a probablement donné l’impression aux victimes que rien n’allait changer et qu’à partir du moment où on était un subordonné d’une personne qui commettait une infraction, jamais justice ne serait rendue. Malheureusement, cela a été le cas pendant de longues années. On peut espérer que le projet de loi C‑66 aura une incidence positive et redonnera un peu confiance aux victimes dans la capacité de rendre justice lorsque des infractions sont commises.
J’espère surtout que ce qui va changer, c’est cette impression que, peu importe ce qu’on fait dans les forces armées, on est protégé par le Boys' Club. Espérons qu’à partir du moment où cette dynamique sera changée, on aura moins de problèmes de recrutement et de rétention. Ça devient une espèce de chaîne un peu pernicieuse. On a une mauvaise réputation dans les forces, ce qui a un effet d’entraînement sur le recrutement et la rétention. On se retrouve avec un plus petit bassin dans les forces et malheureusement sans jeunes recrues qui arrivent avec une vision nouvelle et avec peut-être une capacité beaucoup plus affirmée de dénoncer et de vouloir que la justice soit rendue. On dit que le poisson pourrit par la tête. Il faut attendre souvent que la tête soit partie avant que les choses changent. On ne peut pas juste espérer que les choses changent au fur et à mesure où des jeunes arriveront avec des valeurs différentes. Il faut qu’on accélère le processus.
Le projet de loi C‑66 est un pas dans la bonne direction en ce sens. J’ose espérer qu’on pourra faire avancer le projet de loi rapidement en comité. J’en doute un peu; cependant, s’il y a du sable dans l’engrenage, cela ne viendra pas des députés du Bloc québécois.