:
Madame la Présidente, avant de continuer, j'aimerais souligner que je vais partager mon temps de parole avec mon estimée et extraordinaire collègue de l'équipe de feu à propos d'ArriveCAN et de GC Strategies, ma collègue de .
Le rapport de la vérificatrice générale a fait état des manquements qu'il y a eu dans le processus d'octroi et de suivi des contrats de GC Strategies. Nous demandons une étape de plus avec ce rapport, soit de vérifier si les contribuables en ont eu pour leur argent. Je vais faire un petit rappel de quelques éléments concernant GC Strategies, mais qui concernent aussi tout ce qui entoure ArriveCAN. Ce rappel est important parce qu'il va nous permettre de mieux comprendre pourquoi ce rapport est rappelé et de mieux comprendre la demande qui est faite dans ce rapport.
Depuis quelques années, le gouvernement du Canada a augmenté le nombre de contrats offerts à des consultants. Que ce soit pour du service-conseil, pour de la coordination ou pour de la sous-traitance, entre autres, le nombre de contrats et les montants totaux de ces contrats ont, selon certaines expressions, explosé ou, disons, augmenté fortement.
ArriveCAN a été l'un de ces contrats. Les premiers soubresauts d'ArriveCAN ont eu lieu entre 2015 et 2017. Lorsque la pandémie est arrivée, on a mis la machine en marche rapide pour pouvoir soulager les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada dans la gestion de nos frontières et des voyageurs lorsque les frontières rouvriraient. Le problème, c'est que, au lieu de vérifier à l'interne s'il y avait des gens spécialisés dans la programmation, on a eu recours à des ressources externes. Peut-être qu'on n'avait pas les ressources à l'interne. Cela me surprendrait parce qu'on dépense quand même des sommes assez importantes dans les services de cybersécurité, dans la mise à jour de l'infonuage et dans les infrastructures de télécommunication et les infrastructures Web depuis quelques années.
Toutefois, supposons qu'il n'y avait personne et qu'on devait trouver des ressources à l'externe. Apparemment que, non seulement on n'avait pas d'employés spécialisés en programmation d'applications Web, que ce soit Android, iOS ou les pages Web, mais, en plus, on n'avait aucun employé qui était capable de regarder sur LinkedIn et d'autres réseaux de recherche de spécialistes pour trouver ces spécialistes. Il est là, le bât qui blesse.
Au-delà du fait que des millions de dollars ont été donnés à une compagnie, ce sont les lacunes que nous devons déceler. C'est le processus d'embauche et de suivi des employés. C'est le fait de s'assurer d'avoir la bonne personne à la bonne place et que les compétences sont reconnues, même si la personne n'est pas forcément à la place où elle devrait être selon ses compétences. Par exemple, il est fort possible qu'un agent affecté à l'assurance-emploi ait des compétences en programmation, mais qu'on ne l'ait pas engagé pour ça. Il est fort possible qu'un autre agent affecté à l'assurance‑emploi ait des compétences en archivistique. Ça se peut, mais on ne l'a pas engagé pour ça. Si on ne regarde pas les compétences de ces gens au départ, quand on en a besoin, on est aux abonnés absents. On va donc embaucher un consultant qui va, en fin de compte, regarder sur LinkedIn, recevoir 10 à 30 % du montant total du contrat pour aller chercher des gens assis à gauche, à droite. Est-ce que nous en avons vraiment pour notre argent lorsque cela se produit?
Avec ArriveCAN, il y a eu des problèmes. Mes collègues diront peut-être que, sur le nombre de téléchargements et d'utilisations, la quantité de problèmes est minime. En pourcentage, certes, c'est vrai. Cependant, est-ce qu'on peut aller parler aux 10 000 personnes qui ont été enfermées dans un hôtel ou à la maison pendant deux semaines et qui ont subi une perte de salaire parce que la patente, la bébelle a fait une faute, et que l'être humain derrière la bébelle n'a pas vérifié si c'était la machine qui avait un problème ou si c'était la personne qui avait fait une fausse déclaration?
Rappelons que derrière chaque application, il peut y avoir des erreurs. Je nous vois aller avec l'intelligence artificielle actuellement. N'oublions pas que, même si l'intelligence artificielle peut apprendre par elle-même, elle est programmée par un être humain et les êtres humains sont faillibles. Ça a été la même chose avec ArriveCAN.
Il y a aussi le fait que cette application a été imposée à des employés de l'Agence des services frontaliers du Canada qui n'étaient pas bien formés et que cela s'est ajouté à leurs autres tâches. Cela a créé des problèmes à la frontière, qui est une responsabilité fédérale.
Mon collègue, tout à l'heure, parlait de l'opposition officielle qui est contre tout ce qui est en lien avec un programme humain, c'est-à-dire l'assurance-médicaments, l'assurance dentaire, et ainsi de suite. On peut être contre la manière dont ces programmes ont été déployés, c'est-à-dire en ne respectant pas les compétences du Québec et des provinces canadiennes, tout en étant d'accord sur le principe de l'assurance. Cependant, si on gaspillait moins d'argent en consultant les gens et en reconnaissant leurs compétences, les provinces qui acceptent ces intrusions dans leurs champs de compétence auraient peut-être plus d'argent.
La consultation, notamment au sujet d'ArriveCAN et d'autres contrats, comme en ce moment avec GC Strategies, amène d'autres problèmes et soulève d'autres questions. J'en ai parlé brièvement tantôt dans ma question. L'enjeu, c'est la responsabilité. Qui est responsable? Est-ce qu'on consacre assez d'argent à la formation des fonctionnaires et des gestionnaires? À un moment donné, un gestionnaire doit gérer. S'il ne gère pas, est-ce que c'est une des raisons pour lesquelles on se ramasse avec des situations où l'argent semble sortir par les fenêtres, comme si on croyait que l'argent poussait dans les arbres? Cet argent ne pousse pas dans les arbres, il vient directement des poches des contribuables qui l'ont gagné à la sueur de leur front.
Je reviens à la question de demander à la vérificatrice générale de faire une analyse complète de la situation. Elle est responsable. Elle va dans le sens de la transparence. Elle va dans le sens de la responsabilité. Elle ne cherche pas à mettre le doigt sur qui a fait une faute. Elle agit pour s'assurer que les processus vont être appliqués adéquatement et que l'argent des contribuables sera géré avec responsabilité. La responsabilité, ça ne veut pas dire qu'on va perdre son emploi si on fait une erreur. La responsabilité, c'est d'être capable de reconnaître qu'on a fait une erreur et de présenter comment on va améliorer la situation pour dorénavant être responsable.
C'est ce que le 13e rapport demande.
:
Madame la Présidente, je remercie mon honorable et extraordinaire collègue de . C'est toujours difficile de prendre la parole après elle, avec ses vastes connaissances dans le domaine. J'en profite aussi pour féliciter Louis‑Philippe Sauvé, en ce beau matin de victoire. Je remercie les gens 8 884 fois d'avoir fait confiance à Louis‑Philippe et au Bloc québécois. Nous serons là pour eux; ils n'ont pas à s'inquiéter.
Il y a quelques mois, le bureau de la vérificatrice générale a publié un rapport sur la gestion de l'application ArriveCAN. Pour reprendre les mots de la vérificatrice générale, c'est la pire gestion qu'elle a vue de toute sa carrière. L'application ArriveCAN, qui devait coûter 80 000 $, a finalement coûté 60 millions de dollars aux contribuables. Dans ce même rapport de la vérificatrice générale, on a appris qu'une entreprise de deux personnes a empoché 19,1 millions de dollars pour le projet d'ArriveCAN. Cette entreprise, c'est GC Strategies. Ce que nous avons découvert, c'est que le dossier d'ArriveCAN est seulement la pointe de l'iceberg. Le contrôleur général, à la suite de plusieurs questions posées à la fois au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires et au Comité permanent des comptes publics, où je siège, a révélé que GC Strategies et son ancêtre Coredal ont obtenu des contrats totalisant tout près de 108 millions de dollars depuis 2011. Des recherches manuelles permettent de trouver qu'il y a probablement eu d'autres contrats. C'est donc au minimum 108 millions de dollars qu'une entreprise de deux Èpersonnes ne livrant aucun service a empochés au cours des dernières années.
D'autre part, on a appris dans le rapport de la vérificatrice générale sur ArriveCAN, de même que dans plusieurs témoignages, qu'il y a eu des dégustations de whisky, des soupers, des tournois de golf, des dizaines d'événements auxquels des fonctionnaires ont participé. M. Kristian Firth s'est tenu ici, à la barre de la Chambre des communes. Nous l'avons convoqué. Je lui ai demandé combien de cadeaux en nature ou en espèce il avait offerts à des fonctionnaires. Sur un ton empreint d'arrogance, il m'a répondu qu'il n'en avait offert aucun. Je l'ai alors confronté: les dégustations de whisky ne comptent-elles pas? Les soupers ne comptent-ils pas? Les tournois de golf ne comptent-ils pas? Ce que M. Firth a répondu, c'est: oui, il y a eu certaines choses.
C'est ce que nous avons obtenu de la part de Kristian Firth. Nous n'avons jamais obtenu de réponse claire de sa part. Pire encore, nous n'avons jamais obtenu de la part du gouvernement un quelconque aveu au sujet d'un réel problème dans le système d'approvisionnement. Nous l'attendons toujours. Cet aveu aurait dû être fait au moment où le rapport sur ArriveCAN a été publié. Une décision de réformer le système d'approvisionnement aurait dû être prise. Pour en revenir à Kristian Firth, le témoin a refusé de répondre à plusieurs questions. J'en ai donné un exemple. Il a compromis le travail des parlementaires en n'envoyant pas les documents demandés dans les délais. Il aurait même menti en comité. Il a notamment refusé de transmettre la liste des fonctionnaires avec qui il travaillait, liste qui vient finalement d'être transmise mais qui est incomplète.
Il est clair que si on en est arrivé là, c'est qu'il y a d'énormes problèmes en matière d'approvisionnement. Cela fait au moins 15 ans que le gouvernement fonctionne de cette façon. C'est tellement difficile de faire affaire avec le gouvernement, de passer des contrats avec le gouvernement, que des entreprises — on parle de GC Strategies, mais on sait qu'il y en a d'autres — se dotent d'une espèce de cellule qui signe le contrat, mais qui délègue ensuite le travail. Dans certains cas, ce n'est même pas l'entreprise, ce n'est même pas GC Strategies qui trouve l'expertise, c'est le gouvernement lui-même.
Prenons le cas de KPMG, qui avait été considérée comme une entreprise pouvant offrir des services dont le gouvernement avait besoin. Or, KPMG s'est fait appeler par un fonctionnaire du gouvernement qui lui a dit qu'on n'allait pas signer le contrat directement avec elle, même si on le pouvait. On allait passer par GC Strategies. GC Strategies s'est donc retrouvée à empocher une commission pour absolument rien.
On a ici affaire à une entreprise qui a profité d'un système brisé et qui a poussé ça à l'extrême. GC Strategies a reçu son plus grand nombre de contrats de la part de l'Agence des services frontaliers du Canada pour l'application ArriveCAN. Plusieurs lui ont été octroyés sans appel d'offres. D'autres ont été obtenus grâce à un appel d'offres truqué. On en a maintenant la preuve. Un appel d'offres a été truqué pour que GC Strategies soit la seule compagnie en mesure de le gagner. Dans le cas de KPMG, GC Strategies a reçu 84 000 $ en n'ayant offert absolument aucun service dans le cadre du contrat entre le gouvernement et KPMG. Pourquoi le fonctionnaire a-t-il fait cela? Pourquoi le système permet-il cela?
La motion soumise à notre étude demande à la vérificatrice générale de mener une vérification de la performance, sur une base prioritaire, de tous les paiements versés à GC Strategies et à Coredal, y compris tous les contrats avec les ministères, les agences et les sociétés d'État. On le sait, il est parfois difficile d'entrer voir ce qui se passe dans ces agences et ces sociétés d'État.
Elles se disent autonomes, même si elles reçoivent l’argent des contribuables. Il est donc difficile d’obtenir des informations de leur part, mais c’est pour cela que cette motion les inclut. Elles doivent aussi rendre des comptes.
Dans ce cas-ci, nous aimerions savoir combien d’autres cas il y a eu. L’application ArriveCAN, c’est la pointe de l’iceberg. Nous savons qu’il y a eu, par exemple, le contrat de KPMG, dont je viens de parler, mais combien y a-t-il eu d’autres cas comme ça? À combien d'autres reprises le gouvernement a-t-il trouvé une entreprise qui pouvait fournir un service, des consultants ou des gens en mesure de vraiment fournir le produit dont le gouvernement avait besoin, pour finalement passer par GC Strategies? C’est du vol.
Quand on ne fournit aucun service et qu’on reçoit de l’argent pour absolument rien, ça s’appelle du vol. C’est du vol de l’argent de nos contribuables, des gens qui payent les impôts. Les libéraux semblent parfois oublier cela.
Kristian Firth a justifié son taux horaire de 2 600 $ l’heure par le fait qu’il n'occupe pas un emploi de neuf à cinq. M. Firth affirme avoir présenté plus de 1 500 factures mensuellement. Il affirme que le montant a augmenté de manière soudaine dans le cas d’ArriveCAN. Le contrat dont nous parlons est passé de 2,35 à 13,9 millions de dollars, encore une fois pour aucun service.
Selon le témoin, durant toute l’histoire des contrats fédéraux avec GC Strategies, la marge brute de l’ensemble des 65 contrats qui ont été signés avec le gouvernement fédéral est d’environ 21 %. J’ai donné quelques exemples. GC Strategies n'était qu'une coquille vide qui permettait au gouvernement de faire un contrat. On ne sait pas pourquoi le gouvernement avait recours à GC Strategies, mais cette dernière empochait en moyenne 21 % d’un contrat. Les deux propriétaires de GC Strategies, Kristian Firth et Darren Anthony, se sont connus lorsqu’ils travaillaient pour Veritaaq Technology House. Ils y ont travaillé jusqu’en 2010. Le témoin travaillait donc dans cette entreprise lorsque les dirigeants ont plaidé coupables de trucage d’appel d’offres en 2009. Le juge avait d’ailleurs donné l’ordre de fournir un cours à tous les employés, dont M. Firth et M. Anthony, sur le trucage d’offres. Pourtant, on sait maintenant qu’un trucage d’offres a été fait avec l’Agence des services frontaliers du Canada pour empocher des millions de dollars d'ArriveCAN.
Quand on revient à la motion, on comprend, avec tout ce que je viens de mentionner, qu’il y a urgence de connaître l’ampleur des dommages causés par GC Strategies au gouvernement. GC Strategies a obtenu au moins 108 millions de dollars. Quelle part de cette somme pouvons-nous potentiellement ravoir? Dans le cas de GC Strategies, il y a évidemment eu abus de confiance. Il y a évidemment eu du vol. C'est le terme fort que j'ai employé.
Cependant, la chose suivante est claire. Si nous demandons, dans le rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires dont nous discutons aujourd’hui, à la vérificatrice générale du Canada d'étudier la question et de faire une évaluation de performance pour avoir une idée un peu plus claire, nous ne sommes évidemment pas en train de donner un ordre à la vérificatrice générale, loin de là. On ne peut pas faire des requêtes répétées comme on le fait tout le temps et comme un certain parti s’amuse à le faire en bombardant le bureau de la vérificatrice générale du Canada de demande d’études alors que l'agenda est aussi chargé.
J’apporte donc un peu de nuance, parce que, comme la vérificatrice générale du Canada le rappelle très bien, elle n’a pas de fonds supplémentaires pour toutes les études supplémentaires qu’on lui demande de faire. Néanmoins, et c’est le point le plus important de mon discours, le rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a été adopté à l’unanimité parce qu’il incarne le sentiment de nos concitoyens, des contribuables qui se sont sentis floués dans cette histoire. Il incarne le sentiment de colère, on doit le dire, des citoyens qui nous parlent à la maison, quand nous sommes sur le terrain, de l’histoire d’ArriveCAN et de GC Strategies. Personne ne comprend comment c’est possible. On a été floué par un système d’approvisionnement qu’il faut réformer en profondeur. C’est ce qu’il faut faire.
J’aimerais vraiment que le gouvernement prenne réellement ses responsabilités, comme l’a dit ma collègue de , et qu’il prenne acte du fait que GC Strategies est l’exemple parfait du fait qu’il y a un réel problème dans le système d’approvisionnement de l’État fédéral.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la vérification de gestion effectuée par la vérificatrice générale du Canada. Je trouve assez ironique que ce soient les conservateurs qui aient soulevé cette question. En effet, c'est ce même parti qui a attaqué le Bureau du vérificateur général et qui a cherché à lui couper les vivres sous le régime Harper. J'étais présent lors des débats à ce sujet.
Les conservateurs ont agi non seulement à huis clos, mais aussi dans cette enceinte. Nous pouvons regarder les vidéos. Nous pouvons vérifier tout ce qui s'est produit dans le passé. Ils ont cherché à couper les vivres au Bureau du vérificateur général, et ils l'ont fait aux dépens du Parlement. Cela s'est produit sous le règne de Stephen Harper.
Aujourd'hui, les conservateurs demandent à la vérificatrice générale de faire plus de travail et d'enquêter davantage, après l'avoir ouvertement attaquée. En outre, ils ont coupé dans le budget, réduisant ainsi le financement du Bureau du vérificateur général. Aujourd'hui, les conservateurs se tournent vers la vérificatrice générale pour demander son aide, mais je m'interroge sur leurs intentions cachées pour le futur. S'ils parvenaient un jour à revenir au pouvoir, les conservateurs réduiraient-ils encore davantage le financement du Bureau du vérificateur général?
C'est un peu curieux comme sujet de motion. Cela se fait vraiment au détriment d'autres mesures de reddition de comptes qui avaient cours, car les conservateurs ont autrefois coupé les vivres au Bureau du vérificateur général, et les libéraux n'ont jamais vraiment rétabli son financement. C'était une attaque contre cet organisme indépendant pour avoir surveillé le Parlement sur de nombreuses autres questions d'importance.
Aujourd'hui, les conservateurs demandent à la vérificatrice générale d'entreprendre d'autres audits qui serviront leurs visées politiques, et leurs visées politiques concernent leur attaque contre ArriveCAN. Je vais parler de ce dont ils n'ont pas parlé dans cette motion et de ce qu'ils ont demandé par rapport aux résultats que l'on peut obtenir pour les Canadiens. J'ai quelques précisions à donner à ce sujet.
Dans la motion et dans les notes d'allocution des conservateurs, on ne les entendra jamais remettre en question ou soulever des doutes concernant la protection de la vie privée, l'utilisation des ressources et les répercussions sur les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada. Ils appellent cela ArnaqueCAN. Ils ont leurs petits slogans qu'ils sèment aux quatre vents, mais ils ne disent pas grand-chose sur certains aspects pourtant pertinents.
Lorsque nous nous penchons sur GC Strategies et sur ce que l'entreprise a fait de l'argent qu'elle a reçu, une discussion tout à fait légitime s'impose. Comment a-t-elle pu obtenir autant d'argent? Comment se fait-il qu'elle ait eu aussi peu de comptes à rendre? Comment tout cela a-t-il pu se produire? Parallèlement, il n'y a aucune discussion sur les raisons qui nous ont poussés à même sous-traiter une prestation aussi importante que celle que nous recherchions au départ.
Le régime Harper a fait des compressions de personnel parmi les fonctionnaires et les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il a fait des compressions de personnel parmi les agents de première ligne et les agents d'autres types de systèmes mis en place pour lutter contre la contrebande d'armes à feu, la contrebande de drogues, et ainsi de suite. Des compressions de plus de 100 millions de dollars ont été effectuées dans nos services frontaliers sous le régime Harper. C'est l'une des premières choses qu'il a faites.
Plus tard au Parlement, les libéraux reviennent au pouvoir et accordent un contrat de sous-traitance, puisqu'il s'agit d'une façon pratique de procéder à la création d'une application qui touche à la protection des renseignements personnels et à la gestion des frontières, ce qui est important. Je viens d'une région frontalière, qui se trouve à la frontière la plus fréquentée d'Amérique du Nord, où nous avons besoin que le commerce fonctionne efficacement.
Pendant la pandémie de COVID, des gens ont bloqué le pont Ambassador. Les conservateurs sont essentiellement restés les bras croisés et ont nié toutes les conséquences que cela a entraînées pour l'industrie automobile. Ils ont nié les conséquences pour l'industrie de la fabrication d'outils et de matrices et l'industrie de la fabrication de moules. Ils ont nié les conséquences pour les personnes qui étaient incapables de se rendre à leur travail. Ils ont nié les conséquences pour les enfants qui n'allaient pas à l'école. Ils ont nié les conséquences pour les personnes, y compris les enfants, qui ne pouvaient pas se rendre à leurs rendez-vous médicaux, y compris des traitements contre le cancer. Ils sont restés les bras croisés face à ce blocage illégal, à tel point que nous avons dû installer des barrières en béton tout le long du chemin Huron Church.
Pourquoi est-ce important et pertinent dans ce cas-ci? Les conservateurs ont participé aux contrats de sous-traitance accordés à GC Strategies et à d'autres entreprises pour développer une application qui nous aurait aidés à composer avec la COVID‑19. Le problème, c'est que l'application est à l'origine d'un barrage et d'un mécontentement. Maintenant, les conservateurs continuent d'être mécontents, mais ils se concentrent uniquement sur GC Strategies, une entreprise qu'ils auraient probablement embauchée, ou une autre entreprise de stratégie, parce qu'ils aiment l'impartition.
Les conservateurs adorent le fait qu'ils ont éliminé et coupé le financement de nos capacités internes en matière de création d'applications et de processus liés au passage frontalier. C'était l'objectif d'ArriveCAN. C'était une tentative pour composer avec la COVID‑19, les complications à la frontière et ainsi de suite. Les conservateurs refusent de parler de la façon dont leurs actions ont fini par compromettre la vie privée des gens, des inefficacités qui en ont résulté pour l'industrie et des autres problèmes économiques qu'il y a eu.
La présente motion porte sur les priorités de GC Strategies, le paiement des contrats et tout ce qui s'est produit. Il est important de noter que les libéraux et les conservateurs ont des avis différents sur la manière dont nous pouvons traiter ce genre de contrats et de renseignements à l'avenir. Si nous avions conçu cette application à l'interne, si la fonction publique avait eu la capacité de le faire, nous aurions eu davantage de contrôle.
N'oublions pas que nous avons des leçons à tirer de cette situation, des leçons tirées du passé avec le système Phénix, lorsque nous avons encore une fois externalisé la conception d'applications qui auraient pu être conçues à l'interne par des fonctionnaires, même en ce qui concerne les paiements. Le gouvernement a enclenché tout ce processus même s'il savait que cela allait causer un paquet de problèmes, et cela a débouché sur un scandale qui nous a coûté des milliards de dollars. Cette situation a causé bien de l'angoisse chez des fonctionnaires et d'autres employés qui voulaient simplement recevoir leur chèque de paie. C'est triste, parce que tout cela aurait pu être évité.
L'un des éléments que je souhaite aborder, et qui est au coeur de cette question et d'autres, c'est que nous pouvons parler de GC Strategies, mais je ne suis pas convaincu — qu'il s'agisse des libéraux d'aujourd'hui et de leurs amis au sein du groupe GC Strategies, ou des conservateurs d'hier et peut-être de demain et de leurs amis qui obtiennent ce genre de contrats — que nous ayons vraiment appris quelque chose qui changera de manière systémique ce qui se passe actuellement. C'est ce dont nous avons vraiment besoin, car autrement, nous passerons une autre journée à la Chambre des communes à débattre à propos d'une autre stratégie, d'un autre scandale ou d'un autre type de problème lié à une pratique que nous n'avons pas améliorée d'un point de vue fonctionnel.
L'une des choses dont je veux parler est la responsabilité du gouvernement en matière d'information et de passation de marchés, qui pourrait être différente, et qui est différente dans d'autres pays industrialisés. Nous ne nous en occupons même pas. Je parle du droit d'auteur de la Couronne.
Le droit d'auteur de la Couronne ne fonctionne pas de la même façon au Canada qu'à tout autre endroit. Le droit d'auteur de la Couronne est la mise à la disposition du public de documents, d'études et de renseignements produits à l'interne. Tant les libéraux que les conservateurs se sont opposés à la réforme du droit d'auteur de la Couronne, qui date du début des années 1900. Notre loi est en vigueur depuis 1926 et est différente de celle des États‑Unis, du Royaume‑Uni et de tous les autres pays. Pourquoi cette question est-elle importante? Parce que, s'ils étaient produits à l'interne, s'ils étaient produits par les fonctionnaires et s'ils étaient produits par les contribuables, les documents de reddition de compte, les études et les renseignements qu'on cherche à obtenir seraient du domaine public. C'est ce que croient les néo-démocrates.
Dans le meilleur des cas, la production de ces renseignements est très utile pour les entreprises, pour les milieux universitaires, pour l'économie et pour la reddition de comptes. La Chambre des communes n'aurait pas à être saisie de cette question si l'information était déjà disponible. D'ailleurs, les États‑Unis procèdent ainsi depuis les années 1800. Malheureusement, le système en place au Canada fait en sorte que le gouvernement fédéral peut protéger les renseignements qu'il juge de nature sensible, alors les gens ne peuvent pas savoir quand le parti au pouvoir, peu importe s'il s'agit des libéraux ou des conservateurs, confie ce genre d'études à la fonction publique. Pourquoi? Parce qu'une partie des études demandées par les conservateurs et les libéraux au fil des ans étaient en réalité des sondages, la recherche d'opinions et la collecte d'autres types de données pour orienter leurs principes, entre autres. Ces travaux auraient dû être financés par les partis politiques, mais la facture a été refilée aux contribuables.
Si les contribuables veulent savoir pourquoi ils n'ont pas accès aux fruits de toutes ces études qu'ils ont payées de leur poche, je leur dirais que c'est à cause des jeux de pouvoir dans cette enceinte. Cela doit cesser. Toutes les études faites aux frais des contribuables, y compris celles de GC Strategies, doivent automatiquement être rendues publiques.
Alors que nous parlons aujourd'hui d'obtenir les documents et les contrats qui ont été soumis à un comité, et qu'il incombe maintenant à la vérificatrice générale de s'occuper de ces questions, tout cela serait facilement accessible. Combien coûtent aux contribuables les activités des comités parlementaires, les discussions à la Chambre, le fait d'obliger le Bureau du vérificateur général à faire quelque chose alors que son budget a été réduit par le passé, puis le fait d'essayer de ramener un document dans notre système pour parler de reddition de comptes et pour nous plaindre? Les conservateurs parleront d'ArnaqueCAN, que les libéraux essaieront de défendre, et ainsi de suite, mais la solution est juste sous nos yeux.
Si nous avions fait cela avec le droit d'auteur interne et le droit d'auteur de la Couronne, que tous les autres pays industrialisés traitent différemment du Canada, il n'y aurait même pas eu de raison de se chamailler. Les documents auraient été automatiquement disponibles. Pourquoi est-il acceptable — et je n'arrive pas à croire que la motion n'en parle même pas — de permettre qu'une série d'entreprises, en l'occurrence GC Strategies, qui semble être établie dans le sous-sol de quelqu'un, puisse obtenir des millions et des millions de dollars au gré de la fantaisie de différentes personnes, avec le moins de reddition de comptes possible, sans que cette information ne soit communiquée à la population canadienne?
Comme je viens d'une région frontalière, j'aurais aimé — tout comme, sans doute, notre chambre de commerce et d'autres pour toute application semblable à ArriveCAN digne de ce nom — obtenir les données et les informations qu'ils ont utilisées pour créer l'application, qui s'est avérée inutile et largement inadéquate. Cela dit, à bien des égards, ce soit presque secondaire. Nous l'avons couramment constaté à la frontière. Cependant, pourquoi faut-il se battre ainsi, alors que la solution est depuis toujours à notre portée? C'est parce que le contrôle de l'information publique et le contrôle des fonctionnaires se poursuivent.
Le public est brimé dans ses droits, car il ne peut pas obtenir librement et facilement des informations qui auraient dû être disponibles d'emblée, auprès de GC Strategies. C'est parce que c'est plus payant de continuer à taper sur ce clou actuellement. Les conservateurs ne parlent pas de reddition de comptes dans la motion à l'étude parce qu'ils espèrent finir de l'autre côté de l'allée et pouvoir eux aussi puiser à même les deniers publics pour faire comme bon leur semble. Plus tard, il appartiendra à l'opposition ou à d'autres de dénoncer la situation.
Au fil des ans, j'en ai été témoin à de nombreuses reprises, particulièrement sous le gouvernement Harper. Tant de questions sur des problèmes de reddition de comptes sont restées sans réponse. Hélas, je pense à la situation à l'époque où mon siège se trouvait de ce côté-là, à quelques places de l'actuel . Les libéraux ont soutenu Stephen Harper lors des votes de confiance sans lui arracher la moindre concession. À plus de 100 reprises, les libéraux ont appuyé les conservateurs et ils n'ont absolument rien obtenu pour les Canadiens.
C'est important parce que cette motion — que nous appuierons parce qu'elle représente une amélioration — ne changerait rien au problème fondamental: la sous-traitance de cette responsabilité, sans parler de la nécessité de faire en sorte que les entreprises, le public et d'autres aient accès à l'information sans que nous ayons à nous battre pour l'obtenir à la Chambre des communes.
Je sais que les conservateurs ne veulent pas l'entendre, et c'est correct. Je peux dire aux députés que ce n'est pas la norme dans d'autres démocraties. En fait, les États‑Unis ont réglé une partie du problème en n'externalisant pas une partie du matériel et des études, entre autres, et en mettant en place un système d'échange de renseignements. Cela remonte à 1895. Je sais que ce n'est pas ce que les conservateurs désirent entendre, mais leurs prédécesseurs, à bien des égards, étaient de mon avis. Au Canada, il y a eu des tentatives en 1981 et en 1993, notamment, pour apporter certains changements de ce genre, mais les années 1980 semblent bien loin. Les gens oublient que les conservateurs d'aujourd'hui, ce sont les progressistes-conservateurs d'autrefois, qui ont été absorbés par l'Alliance canadienne.
Une voix: Bravo!
M. Brian Masse: Madame la Présidente, je viens d'entendre « bravo ». Quand on regarde derrière le voile, c'est exactement ce qu'on voit.
Je me souviens de cette époque. Je me souviens de Peter MacKay et de David Orchard. Je me souviens de toutes les ententes qui ont été conclues en coulisse pendant qu'Erin O'Toole et d'autres tournaient les talons. Les conservateurs veulent que tout le monde oublie ces choses. C'est donc intéressant de constater que, lorsque j'en parle, on me crie « bravo ». Les conservateurs aiment entendre parler de cette époque, car les choses n'ont pas changé depuis. Une prise de contrôle a eu lieu, et c'est pourquoi ils ont laissé tomber le mot « progressiste », je suppose. Je ne le sais pas. Quoi qu'il en soit, c'est intéressant.
C'est important, car la motion omet de dire qu'une responsabilité a tout de même été confiée à la vérificatrice générale. Il serait intéressant de voir ce que les conservateurs auraient écrit. Ils auraient pu mentionner qu'ils annuleraient les compressions budgétaires qu'ils ont imposées au Bureau du vérificateur général. Cela aurait été utile. Il aurait été très bien qu'ils affectent spécialement à ce dossier l'argent que le gouvernement Harper a enlevé au Bureau du vérificateur général, avec l'appui de l'actuel , qui était membre du Cabinet à l'époque où le gouvernement Harper a décidé de s'en prendre au Bureau du vérificateur général et de réduire son financement. Ils auraient pu le faire, et cela aurait été très utile, car nous savons que, à bien des égards, les agissements des libéraux surchargent la vérificatrice générale.
En terminant, je veux mettre l'accent sur ce qui suit. Si nous voulons une solution concrète et responsable, nous devons veiller à ce que notre fonction publique soit suffisamment financée et qu'elle puisse faire la recherche. Nous devons veiller à ce que cette recherche soit ensuite accessible au public, aux entreprises, aux employeurs et ainsi de suite afin qu'elle entraîne de bons résultats pour notre économie en ce qui a trait au renouvellement et à la réforme du droit d'auteur de la Couronne. Or nous n'en sommes pas là. Nous sommes plutôt confrontés à un problème systématique de sous-traitance, de manque de contrôle et de dépenses considérables, toujours dans l'intérêt du gouvernement, qu'il soit libéral ou conservateur. Peu importe qu'ils soient de couleur bleue, rouge ou autre, les gouvernements trouveront un moyen de transférer ces fonds publics à leurs amis. C'est devenu comme une habitude. Il est temps de rompre cette habitude et de servir l'intérêt des contribuables afin qu'ils ne soient pas impliqués dans ce gâchis ou tout autre gâchis à l'avenir.