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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 128 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Il est 16 h 32.
    Bienvenue à la 128e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
    Je rappelle à tous les députés les consignes suivantes. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés par l'entremise de la présidence.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 25 septembre 2024, le Comité poursuit son étude sur la violence et les féminicides fondés sur le sexe.
    Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins...

[Français]

     Je suis désolée de vous interrompre, madame la présidente. J'invoque le Règlement.
    Je ne sais pas si c'est la même chose pour Mme Larouche, mais il semble y avoir un problème lié au son.

[Traduction]

    Pour ceux qui sont en ligne, nous sommes en train de régler quelque chose.
    Nous poursuivons.
    J'étais sur le point de suggérer qu'avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais donner un avertissement. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et au féminicide, et cela peut déclencher des réactions chez les personnes qui nous regardent et auraient vécu de telles expériences. Si vous vous sentez angoissé ou avez besoin d'aide à un moment ou à un autre, veuillez en informer la greffière.
    Je m'adresse à tous les témoins et tous les députés: il est important de reconnaître qu'il s'agit de discussions difficiles. Essayons de faire preuve de compassion, autant que possible.
    Aujourd'hui, nous accueillons Julie S. Lalonde, directrice exécutive de l'Association canadienne contre le harcèlement criminel.
    Bienvenue.
    Nous accueillons des représentantes du Réseau des CAVAC: Jackie Huet, directrice générale de la région de l'Estrie; et Karine Gagnon, coordonnatrice au soutien organisationnel et au développement. Elles se joignent à nous par vidéoconférence.
     Nous accueillons Lenore Lukasik-Foss, directrice du Bureau d'intervention et de prévention de la violence sexuelle et du Bureau de l'équité et de l'inclusion de l'Université McMaster.
     Stuart Betts, chef de police du Peterborough Police Service, se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires d'une durée maximale de cinq minutes. Pour que la réunion se déroule le plus rondement et le plus efficacement possible, je lèverai discrètement et poliment mes cartons pour indiquer aux témoins et aux députés qu'il leur reste une minute ou 30 secondes.
    J'aimerais maintenant inviter Mme Lalonde à commencer.
    Vous avez la parole pour une déclaration liminaire d'une durée maximale de cinq minutes.

[Français]

    Je m'appelle Julie S. Lalonde, et, depuis 22 ans, je travaille à mettre fin à la violence basée sur le genre.
    Pendant ma carrière, j'ai formé au-delà de 50 000 Canadiens et Canadiennes sur leur rôle comme témoins pour aider à prévenir la violence. J'ai créé des campagnes de sensibilisation, j'ai élaboré des politiques et j'ai eu d'innombrables conversations difficiles sur la réalité de la violence exercée par des hommes envers les femmes au Canada. J'ai aussi vécu cela.
(1635)

[Traduction]

    À 18 ans, je me suis retrouvée dans une relation malsaine. Après deux ans et deux tentatives, j'ai fait ce qu'on disait aux femmes de faire: je suis partie. Malheureusement pour moi et pour d'innombrables autres femmes partout au Canada, cela n'a pas mis fin à la violence, mais en a déclenché une nouvelle forme. J'ai donc été harcelée par mon ancien petit ami violent pendant une décennie. La terreur n'a pris fin qu'avec sa mort soudaine, quelques semaines après mon 30e anniversaire.
    Quelques semaines plus tard, je devais prendre la parole lors de la marche annuelle « La rue, la nuit, femmes sans peur » qui se déroulait à Pembroke. Je travaillais dans la collectivité depuis quelques années, effectuant des recherches sur les expériences des survivantes d'agressions sexuelles en milieu rural, qui sont si souvent oubliées par les décideurs politiques qui vivent dans les grandes villes comme Ottawa et Toronto. Cette marche me semblait être le cadre idéal pour raconter mon histoire publiquement pour la première fois.
    Or, le 22 septembre 2015, plutôt que de me tenir au coin d'une rue avec un mégaphone pour briser le silence, j'étais barricadée à l'intérieur du centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle avec mes collègues parce qu'un homme en colère et animé d'un esprit de vengeance se livrait à sa folie meurtrière. Ce jour‑là, Carol Culleton, Anastasia Kuzyk et Nathalie Warmerdam ont été tuées par un homme qui avait déjà été incarcéré pour avoir commis des actes de violence contre des femmes. Nous n'avons évidemment pas pu descendre dans les rues pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, car nos vies étaient en danger.
    On a beaucoup parlé des meurtres de Carol, Anastasia et Nathalie. L'enquête du coroner de 2022 sur le triple féminicide s'est conclue par 86 recommandations. J'encourage les membres du Comité à lire ce rapport, ainsi que le rapport de la Commission des pertes massives et les rapports annuels de l'Observatoire canadien du féminicide. Il existe déjà tant de recherches et d'analyses importantes pour nous aider à mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Nous ne manquons pas de recommandations.
    Aux fins des travaux d'aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur une recommandation qui porte sur le harcèlement criminel. Le harcèlement est un signe avant-coureur du féminicide. Si vous êtes harcelée, votre vie est en danger. Ce n'est pas une question d'opinion, c'est un fait bien établi par tous les outils d'évaluation des risques en place.
    Pourquoi les refuges pour femmes existent-ils? Ils existent parce que les femmes qui fuient la violence conjugale ont besoin d'un endroit sûr où se poser. Pourquoi les adresses des refuges pour femmes restent-elles confidentielles? Elles le sont parce que ces femmes sont harcelées.
    Nous savons que le harcèlement criminel est un énorme signal d'alarme, mais au Canada, nous n'avons pas les conversations publiques nécessaires pour faire ressortir sa gravité. La plupart des gens ne savent même pas ce qu'est le harcèlement et ignorent à quel point il est répandu et dangereux. Par conséquent, ils n'offrent pas leur aide et n'interpellent pas leurs amis et leurs proches qui adoptent ce comportement, et les victimes elles-mêmes sont rarement conscientes du danger qui les guette.
    C'est notre réalité actuelle, mais elle ne doit pas forcément être notre réalité à l'avenir. J'implore ce comité d'écouter les experts et de mettre en œuvre les changements nécessaires pour mettre fin à cette épidémie.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Lalonde.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Mme Gagnon et Mme Huet.

[Français]

    Mesdames, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, je suis Karine Gagnon, coordonnatrice au soutien organisationnel et au développement pour le Réseau des Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, ou CAVAC. Je suis accompagnée de ma collègue Jackie Huet, directrice générale du CAVAC de la région de l'Estrie. Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui.
    La mission du Réseau des CAVAC est de rassembler tous les CAVAC de la province de Québec et de promouvoir les besoins des personnes victimes d'infractions criminelles, de leurs proches et des témoins de tels événements. Notre mission consiste aussi à rechercher les meilleures pratiques d'intervention en victimologie et à les mettre en commun, à en favoriser l'harmonisation, à les faire connaître et à faire valoir l'expertise des CAVAC en la matière, ainsi qu'à soutenir le déploiement des services.
    Notre réseau regroupe donc les 17 CAVAC de la province, dont la mission est d'offrir des services à toute personne victime d'une infraction criminelle, peu importe son sexe, son âge, son identité de genre et le moment où l'événement s'est produit. Ces services, gratuits et confidentiels, sont offerts à tous, que la personne ait dénoncé ou non aux autorités ce qu'elle a vécu.
    Aujourd'hui, nous souhaitons vous parler de certains services et de certaines équipes particulières qui sont mis en place dans notre réseau pour soutenir les personnes victimes de violences basées sur le genre, soit de violence sexuelle et de violence conjugale.
    En matière de violence sexuelle, nous agissons particulièrement sur le plan de l'exploitation sexuelle. Nous disposons d'une équipe d'intervention spécialisée en exploitation sexuelle, qui regroupe cinq personnes intervenantes réparties dans cinq régions du Québec où le phénomène est plus fréquent qu'ailleurs, soit en Outaouais, à Laval, en Montérégie, à Montréal et dans la région de Québec. Cette équipe d'intervention travaille de façon très active et proactive auprès des victimes de ce type de violence. Elle travaille également en étroite collaboration avec les services de police qui se consacrent à la lutte contre le proxénétisme, entre autres choses. Les équipes situées dans ces cinq régions travaillent aussi en collaboration avec chacun des 17 CAVAC, qui comptent des agents de liaison et d'intervention en matière de violence sexuelle.
    Ces ressources ont été mises en place au sein des CAVAC dans la foulée du mouvement #MeToo pour qu'il y ait au moins un intervenant affecté à ce type de victimes qui soit notamment en mesure de prendre le relais auprès des victimes dans les cinq régions visées. Ces personnes n'habiteraient pas dans ces régions, mais elles souhaiteraient retourner dans leur région de résidence initiale.
    Par conséquent, il se fait vraiment un travail de concertation et un travail de proximité afin d'aider les victimes à sortir de ce milieu et de les soutenir sur le plan des conséquences de leur vécu.
    Je vais passer la parole à ma collègue Mme Huet, qui va vous parler en particulier du tribunal spécialisé, du rôle de nos intervenants sociojudiciaires de liaison ainsi que des cellules d'intervention rapide dans les situations comportant un haut risque dans la province.
(1640)
    Je m'appelle Jackie Huet. Je suis criminologue et directrice générale du CAVAC de l'Estrie, où je travaille depuis sept ans. Avant d'occuper ce poste, j'ai été agente d'intervention directement auprès des victimes.
    Nous voulons vous parler aujourd'hui des plus récents progrès réalisés sur le plan de nos services. En 2022, en créant le tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, le ministère de la Justice du Québec nous a accordé un nouveau rôle, soit celui d'intervenant sociojudiciaire de liaison, ou ISL. Ce faisant, on tentait d'instaurer une nouvelle approche, une approche sécuritaire, en partenariat avec le procureur de la Couronne. Cette approche était axée notamment sur les personnes victimes qu'on n'arrivait pas à joindre, notamment celles qui sont toujours sous le contrôle du conjoint ou lorsqu'il y a des demandes de retrait des accusations.
    Cette approche a vraiment été adaptée aux besoins de ces personnes, notamment celles avec qui il est difficile de communiquer. De plus, tous les CAVAC ont constaté que des cellules d'intervention rapide en matière de violence conjugale étaient déployées sous diverses formes dans pratiquement toutes les régions. Ces cellules permettent de regrouper en quelques heures, ou en une journée ou deux, plusieurs organismes autour d'une table pour intervenir et discuter de cas qui peuvent comporter un risque, comme les situations où il y a un risque d'homicide dans un contexte conjugal. On pourrait aussi pousser plus loin l'idée des cellules d'intervention rapide, auxquelles les CAVAC participent.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'invite maintenant Mme Lukasik-Foss à prendre la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, honorables députés, membres du personnel et invités. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à ce comité sur la question de la violence et des féminicides à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre au Canada.
    Je comparais aujourd'hui au nom du Bureau d'intervention et de prévention de la violence sexuelle de l'Université McMaster. J'ai plus de 30 ans d'expérience dans la lutte contre toutes les formes de violence fondée sur le sexe au sein de ma collectivité et ailleurs.
    Avant de continuer, j'aimerais vous dire qu'il y a 10 ans presque jour pour jour, le 21 octobre 2014, j'ai comparu devant un autre comité parlementaire pour discuter de la violence fondée sur le sexe dans le contexte des homicides. À l'époque, nous ne parlions pas de « féminicides ». Je suis profondément attristée et choquée de constater que, 10 ans plus tard, à bien des égards, la situation s'est empirée pour les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre au Canada, et ce, malgré les améliorations législatives et un financement accru.
    Je sais que ce comité est conscient que nous sommes confrontés à une épidémie de violence fondée sur le sexe au Canada. Comme l'affirme Mme Holly Johnson, chercheuse et experte de l'Université d'Ottawa:
La violence fondée sur le sexe est peut-être la forme de violation des droits de la personne la plus répandue et la plus tolérée par la société. Elle reflète et renforce les inégalités entre les hommes et les femmes et nuit à la santé, la dignité, la sécurité et l'autonomie des victimes.
    Nous savons également que la violence fondée sur le sexe est systémique et qu'elle touche de manière disproportionnée certains groupes de femmes, de filles et de personnes de diverses identités de genre au Canada. Par exemple, les femmes autochtones sont près de sept fois plus souvent victimes de meurtres que les femmes non autochtones. Je tiens également à souligner que la violence fondée sur le sexe est un grave problème sur les campus des collèges et des universités du Canada, une situation qui n'a fait que s'aggraver dans le contexte postpandémique. Les femmes âgées de 15 à 24 ans sont cinq fois plus susceptibles que les femmes de plus de 25 ans d'être agressées physiquement ou sexuellement par un partenaire non intime.
    Je sais que je n'ai pas besoin de convaincre ce comité de la gravité de ce problème. Je sais que de nombreux intervenants vous ont déjà transmis des statistiques sur la prévalence de la violence fondée sur le sexe, y compris sur le féminicide, et pas seulement dans le cadre de cette étude. Nous disposons également de nombreux rapports et recommandations canadiens, et nous avons entendu des milliers, voire des centaines de milliers de survivantes au fil des ans. En 2019, l'Enquête nationale sur les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et transgenres autochtones disparues et assassinées a dévoilé 231 appels à la justice. En 2022, l'enquête menée dans le comté de Renfrew a débouché sur 86 recommandations. En 2023, la Commission des pertes massives a publié 130 recommandations, dont 17 portent plus précisément sur la violence fondée sur le sexe. Sept provinces disposent de comités d'examen des décès liés à la violence conjugale. L'Ontario a créé le premier comité d'examen des décès liés à la violence conjugale en 2003. Depuis, il a examiné plus de 500 décès et formulé de nombreuses recommandations. Nous avons constaté maintes fois que les décès dus à la violence conjugale pourraient être évités. Enfin, nous disposons d'un plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe et de plusieurs plans provinciaux.
    Vous vous demandez peut-être où je veux en venir. Nous avons à portée de main les preuves et les meilleures pratiques pour agir. Nous savons ce qu'il faut faire. Comme l'a dit ma collègue, les recommandations ne manquent pas, alors qu'est‑ce qui nous empêche d'aller de l'avant?
    Je peux vous dire que cette situation est décourageante, après 30 années consacrées à ces efforts, alors que je travaille avec des survivantes qui ont besoin que les choses changent maintenant, et qui sont terrifiées et craignent pour leur vie. Cela dit, je ne perds pas espoir et je n'arrêterai pas d'œuvrer pour le changement. Je crois que le Canada peut jouer un rôle de premier plan pour mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe, y compris le féminicide.
    Comment y parvenir? Outre la mise en œuvre intégrale des cinq piliers de notre plan d'action national, je pense que nous avons besoin d'une coordination et d'une reddition de comptes accrues.
    Je souhaite vous faire part d'une approche prometteuse susceptible de favoriser un changement concret et durable et de nous aider à faire avancer les choses. La semaine dernière, le Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes a publié un rapport rédigé par Mme Amanda Dale. Ce rapport s'intitule Ce qu'il faut faire: mettre en place un mécanisme de responsabilisation en matière de violence fondée sur le genre au Canada. Cet excellent rapport trace la voie à suivre pour la création d'un poste de commissaire indépendant à la violence fondée sur le sexe. Ce rôle serait semblable à celui d'un ombud.
(1645)
    Ce commissaire assurerait un contrôle accru de la conformité du Canada aux obligations internationales en matière de violence fondée sur le sexe. Il travaillerait également de concert avec un ombud national des droits des Autochtones et des droits de la personne, ce qui est d'ailleurs l'appel à la justice 1.7. Un rapport sur cette question vient d'être publié, le 2 octobre. Il est donc tout à fait pertinent et opportun. En créant un poste de commissaire indépendant, le Canada peut se joindre à l'Angleterre, au Pays de Galles, à la Finlande et à l'Australie en tant que chef de file dans la lutte contre toutes les formes de violence et de féminicide fondés sur le sexe.
    Je vous remercie.
(1650)
    Merci beaucoup.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à notre dernier témoin aujourd'hui, M. Betts.
    Je devrais dire, chef Betts.
    Ce n'est pas grave. Merci.
    Je m'appelle Stuart Betts et je suis le chef du service de police de la ville de Peterborough, située à seulement 75 minutes au nord-est de Toronto. À Peterborough, nous ne sommes pas à l'abri des genres de crimes qui sont commis dans les grands centres urbains.
    Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui au sujet de la violence fondée sur le sexe, et plus particulièrement du féminicide.
    Je tiens à préciser que je ne me considère pas comme un spécialiste de la violence entre partenaires intimes ni comme un spécialiste en matière de féminicide, mais, en ma qualité de chef de police, je suis très conscient de l'importance de cette question et des conséquences dévastatrices de ce type de crimes.
    J'ai été le chef de police adjoint à London, en Ontario. Je travaillais avec la Commission des services policiers de cette ville lorsqu'en 2022, elle a présenté un mémoire au premier ministre lui demandant d'inclure le féminicide dans le Code criminel du Canada.
    Avant la réunion d'aujourd'hui, j'ai rencontré et consulté les coordonnateurs des services aux victimes de violence entre partenaires intimes, qui sont des spécialistes dans ce domaine.
    J'ai également obtenu une déclaration de Nathalie Leclerc. Sa mère, Lise Fredette, a été victime d'un féminicide — si le féminicide avait été une infraction au Code criminel à l'époque — le 12 novembre 2014. Lise Fredette avait 74 ans lorsqu'elle a été assassinée à Peterborough par son ex‑conjoint, qui a été reconnu coupable de meurtre au premier degré et condamné à la prison à vie trois ans plus tard.
    Mme Leclerc m'a autorisé à lire ce qui suit:
Ma mère avait une volonté de fer, travaillait fort et était reconnue pour son franc-parler. Elle était entièrement dévouée à sa famille, en particulier à ses petits-enfants. Sa vieillesse bien entamée, elle était fière de son indépendance.
Mes plus beaux souvenirs sont les conversations téléphoniques que nous avions le soir.
Ces conversations formaient un maillon précieux de notre relation. Elles étaient remplies de bienveillance, de solidarité et de rires.
Ma mère m'avait confié que son ex‑conjoint avait du mal à tourner la page.
En tant que fille, je réfléchis souvent aux signes que j'ai pu manquer.
Pendant leur relation, son ex‑conjoint affichait de nombreux comportements subtils qui, avec le recul, étaient des signes évidents d'un contrôle coercitif.
Ma mère m'a parlé des lettres et des pâtisseries qu'il lui laissait sur le pas de sa porte et m'a même dit l'avoir vu l'observer avec des jumelles.
Malgré l'intervention de la police, cette situation s'est poursuivie pendant un certain temps avant sa mort.
Je réfléchis souvent à ce qu'aurait pu être sa vie si elle avait eu la chance de la vivre pleinement.
Aujourd'hui, elle aurait 84 ans et serait sûrement à la retraite, s'amuserait avec son arrière-petit-enfant qui vient de naître, et passerait du temps avec sa famille.
    Je dois malheureusement vous annoncer que le corps de Lise Fredette n'a jamais été retrouvé.
    Il est pratiquement impossible d'obtenir des données précises, fiables et comparables sur les appels d'urgence pour violence entre partenaires intimes. La violence entre partenaires intimes n'est pas, en soi, une infraction criminelle; ce sont les comportements commis par les gens à l'encontre de leurs partenaires ou ex‑conjointes qui constituent une infraction. Par conséquent, la violence entre partenaires intimes n'est pas prise en compte dans le cadre de l'enquête sur le Programme de déclaration uniforme des crimes déclarés par la police.
    En tant que coprésident sortant du Comité des informations et des statistiques policières de l'Association canadienne des chefs de police, je peux dire que nous avons tenté de recueillir des données relatives à la violence entre partenaires intimes, plus récemment pendant la pandémie, mais qu'à ce jour, il n'existe aucune méthodologie standard reconnue pour classer ce type d'appel d'urgence. Je vous dis cela parce que dans le contexte du féminicide, surtout en lien avec la violence entre partenaires intimes, il est difficile de fournir des données précises.
    Cela nous amène bien sûr à la question qui nous occupe: le féminicide devrait‑il être inclus dans le Code criminel du Canada? Il s'agit d'une question difficile, car elle nous demande à nous, la police, de tenir compte de motifs sous-jacents lorsque des femmes sont tuées simplement parce qu'elles sont des femmes.
    J'ai beaucoup réfléchi à cette question. Je pense que ces crimes doivent être inclus dans le Code criminel. La question est de savoir comment. Certains soutiendront qu'ils pourraient et devraient être inclus dans les critères existants relatifs aux crimes haineux. Il y a peut-être un bon argument pour justifier cela. On pourrait en tenir compte lors de la détermination de la peine en tant que circonstance aggravante. Cependant, en tant que chef de police, je sais qu'il y a encore beaucoup de confusion au sein de la collectivité au sujet des crimes haineux; ce qu'ils sont, ce qu'ils ne sont pas, et la façon avec laquelle la police et les tribunaux s'y attaquent.
    Cette confusion fait en sorte que l'on minimise souvent l'ampleur de ces crimes. Surtout, elle mine la confiance dans le système judiciaire. Bien franchement, en raison d'une telle confusion, les collectivités qui sont touchées directement, et indirectement, se sentent abandonnées et dévalorisées par ceux vers qui elles se tournent en quête de sécurité et de justice.
    Par conséquent, si un message clair et sans équivoque doit être envoyé concernant le meurtre horrible d'une femme commis simplement parce qu'elle est une femme, et pour aucune autre raison, il va de soi que l'inclusion d'une infraction distincte de féminicide au Code criminel serait l'approche la plus logique pour la majorité des gens.
(1655)
    Je dirais simplement, quelle que soit l'approche adoptée, qu'il faut plus que des mesures symboliques pour lutter contre de tels crimes. Si c'est une question que nous prenons vraiment au sérieux et qui est suffisamment importante pour créer un comité, alors il faut lui consacrer les ressources et les aides nécessaires pour que cela ait vraiment un sens.
    Je vous remercie.
    Merci, et merci à vous tous de vos déclarations préliminaires.
    Je tiens également à souligner que M. Carolo n'a pas pu être présent aujourd'hui pour témoigner et que nous prendrons des dispositions pour qu'il participe à une autre réunion.
    Encore une fois, je remercie tous les témoins de leurs déclarations préliminaires.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions.
    Je cède la parole à Mme Ferreri pendant six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup à tous nos témoins pour le travail que vous faites en première ligne et pour nous avoir parlé d'histoires aussi incroyables, mais qui doivent être racontées. Si nous n'en parlons pas, rien ne pourra être fait.
    Lorsqu'on parle de féminicides, on parle de violence entre partenaires intimes, et 94 municipalités de l'Ontario ont déclaré que la violence entre partenaires intimes était une épidémie.
    Monsieur Betts, j'ai eu le privilège d'accompagner certains de vos agents dans des patrouilles, et le nombre d'appels concernant de la violence familiale est consternant. Avez-vous des statistiques sur le nombre d'appels que vous recevez, et avez-vous constaté un changement à cet égard depuis que vous êtes en poste?
    Je vous remercie.
    Par votre entremise, madame la présidente, j'ai les statistiques pour l'année 2023 et, bien sûr, pour la présente année jusqu'à aujourd'hui.
    Je peux vous dire que jusqu'à maintenant, cette année, nous avons reçu 1 132 appels liés à de la violence familiale ou à de la violence entre partenaires intimes. Si je trouve que c'est significatif, c'est parce que nous sommes une collectivité de 100 000 habitants et, comme on le sait, les taux de criminalité sont calculés par 100 000 habitants. C'est donc une population et une collectivité qui peut très bien servir de mesure.
    L'an dernier, il y en a eu 1 457. Nous avons au sein de notre collectivité une université et un collège. Lorsque je dis que nous ne sommes pas à l'abri des types d'infractions qui se produisent dans les grands centres urbains, je dirais que c'est en grande partie en raison de notre population de base, mais aussi des étudiants qui viennent s'y ajouter. Nous avons entendu dire ici aujourd'hui que les étudiants ne sont pas à l'abri de ce type de violence non plus.
    Sur les 1 132 cas jusqu'à maintenant cette année, 238 ont donné lieu à des accusations.
    Ce n'est pas simple. Cela ne veut pas dire que les autres cas n'étaient pas de la violence entre partenaires intimes, mais ils tombent sous la catégorie de ce qu'on appelle les « cas de violence familiale ». Dans une collectivité, comme la plupart des collectivités desservies par la police, cela comprend diverses formes de violence familiale, qui peuvent ne pas mener à ce qui corresponde pour nous à des accusations obligatoires liées à la violence conjugale. Il peut s'agir des membres d'une fratrie, ou d'un parent avec un enfant. Cependant, 238 accusations de violence entre partenaires intimes ont été portées à la suite de ces appels.
    J'espère que cela répond à votre question.
    Merci. Oui, c'est très bien.
    On entend souvent dire notamment que les victimes survivantes appellent la police et que, parfois, elles ne se sentent pas soutenues ou entendues ou que les policiers mettent trop de temps à se rendre sur place. Je pense qu'il est très important de souligner que les agents de police ont maintenant été chargés de jouer le rôle de travailleur social en plus de celui de policier, et que cela a évidemment aussi des répercussions en première ligne.
    À mon avis, la meilleure façon de lutter contre la violence entre partenaires intimes est de légiférer. Il faut veiller à ce que les criminels comprennent qu'il y a des conséquences à leurs actes. Les auteurs de harcèlement, comme l'a dit Mme Lalonde, savent qu'ils peuvent s'en tirer, ce qui est tout simplement horrible. Je pense que c'est la pièce la plus importante du casse-tête.
    Monsieur Betts, qu'en pensez-vous? Je ne connais personne d'autre que les agents de police qui se chargent vraiment d'attraper les délinquants, mais si vous les attrapez et qu'ils se présentent ensuite devant le tribunal... J'ai assisté à des audiences de mise en liberté sous caution, et on les libère tout simplement. Mme Alexander nous a dit que son agresseur l'avait frappée presque à mort, et qu'il avait été libéré le lendemain en échange d'une caution de 500 $.
    Où se trouve la faille? Les policiers portent des accusations contre des gens qui ont un comportement criminel, mais la pièce suivante du casse-tête, c'est qu'ils sont détenus et ensuite libérés sous caution.
(1700)
    Merci.
    Madame la présidente, par votre entremise, c'est une situation qui nous inquiète. Bien sûr, vous savez que les chefs de police partout au pays et ici en Ontario réclament une réforme de la mise en liberté sous caution. On se retrouve dans une situation de porte tournante ou de capture et remise en liberté dans laquelle nous nous efforçons constamment de protéger les victimes.
    Nous mobilisons les services aux victimes du mieux que nous le pouvons, et nous offrons, comme tous les services de police, des services de planification de la sécurité pour ces victimes. Malheureusement, elles sont laissées à elles-mêmes. Lorsque l'agresseur ou l'accusé est libéré, il n'y a personne pour les protéger quand il vient sonner à leur porte.
    Je sais qu'on utilise dernièrement des bracelets émetteurs qui sont portés à la cheville. C'est très bien, mais il faut bien sûr que les piles fonctionnent. Je peux vous dire que la police deviendra également la police des piles. Lorsque ces piles commencent à faiblir ou sont à plat, qui est appelé à aller s'assurer que quelqu'un les remplace? C'est la police. Cela nous amène à interagir encore avec l'accusé, mais cela montre aussi malheureusement la fragilité du système lorsqu'il est libéré, même avec un dispositif de suivi.
    Merci.
    Je sais qu'il ne me reste que 30 secondes.
    J'ai deux questions. Répondez rapidement par oui ou par non.
    Évidemment, ma première question est la suivante: aimeriez-vous que le projet de loi C-75 soit abandonné?
    J'aimerais certainement qu'il soit modifié, oui.
    Ma deuxième question porte sur ceci: l'une des choses les plus choquantes que j'ai vues lorsque je suis allée à votre bureau, ce sont les statistiques sur les enfants exposés à la violence familiale et à la violence entre partenaires intimes. C'est l'image qu'ils ont d'une relation.
    Je ne sais pas si vous avez des statistiques à ce sujet, et je sais que nous manquons de temps. Pourriez-vous les faire parvenir au Comité?
    Les enfants qui sont exposés à cela sont probablement l'une des choses les plus troublantes que je puisse dire au sujet de cette étude.
    Merci.
    Madame la présidente, par votre entremise, je suis tout à fait d'accord. Cela perpétue le cycle de la violence et le traumatisme générationnel qui se transmet du parent à l'enfant.
    Merci, madame Ferreri.
    Madame Sonia Sidhu, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous et de nous faire part de leurs connaissances aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Lalonde.
    Tout d'abord, je vous remercie de vos efforts et de la sensibilisation que vous faites auprès de la population.
    En 2014, une enquête sociale générale sur la sécurité au Canada a révélé que près d'une victime de harcèlement criminel sur cinq avait également été victime de violence physique.
    Quels types de stratégies de prévention sont nécessaires pour éviter que le harcèlement criminel ne dégénère en féminicide? Vous avez dit qu'une intervention précoce et le constat de ce comportement peuvent prévenir l'escalade vers le féminicide. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
    Merci.
    Ce qu'il faut comprendre au sujet du harcèlement criminel, c'est que nous sommes là où nous étions au sujet de la violence sexuelle il y a 30 ans. Nous n'avons même pas une compréhension de base de ce à quoi cela ressemble au Canada. Lorsque j'utilise le terme « harcèlement criminel », les Canadiens me regardent et me disent: « quoi? » Ils ne savent même pas que c'est le terme juridique pour ce phénomène. Il n'y a pas de connaissances générales de base sur ce qu'est le harcèlement criminel, à quoi cela ressemble, en quoi cela constitue un problème et sur ce que nous pouvons faire pour y remédier.
    En janvier, j'ai créé l'Association canadienne contre le harcèlement criminel, parce que nous n'avons jamais eu une seule organisation au Canada qui se consacre au harcèlement criminel, pas une seule. Nous avons des refuges, c'est formidable. Nous avons des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, c'est fantastique. Cependant, si vous êtes victime de harcèlement criminel, vous n'avez nulle part où aller. Les gens vont sur Google pour savoir s'il s'agit d'un crime et à qui ils peuvent en parler.
    Nous en sommes à la première étape, qui consiste à utiliser toutes les ressources à notre disposition pour sensibiliser les gens sur les formes que ce harcèlement prend quand il se fait en personne, et bien sûr aussi, sur le phénomène envahissant du harcèlement en ligne.
    Je vous remercie d'avoir soulevé la question du harcèlement en ligne. Je sais que nous devons en faire beaucoup plus à cet égard.
    Compte tenu de l'augmentation des agressions sexuelles, en particulier des infractions de niveau 2, selon vous, quel système de soutien particulier devrait être mis en place en priorité pour aider les survivantes tout au long du processus judiciaire? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Madame Lukasik-Foss, vous pouvez également nous donner votre point de vue.
(1705)
    J'aimerais que les victimes de harcèlement criminel aient accès à des conseils juridiques gratuits.
    En Ontario, nous avons eu un projet pilote dans le cadre duquel une survivante d'agression sexuelle pouvait obtenir quelques heures de conseils juridiques gratuits. J'aimerais qu'il en soit de même pour le harcèlement criminel, car il y a une certaine nuance. Il y a des comportements qui sont odieux, mais qui, malheureusement, ne dépassent pas le seuil pour être considérés comme illégaux. On peut poursuivre quelqu'un pour harcèlement au civil, même si cela n'atteint pas le seuil... Cependant, la plupart des gens ne le savent pas.
    Je pense qu'un programme dans le cadre duquel les victimes recevraient quelques heures de conseils juridiques gratuits serait un premier pas extraordinaire. C'est une solution facile et elle ferait une énorme différence.
    Je vais céder la parole à Mme Lukasik-Foss.
    Je suis d'accord avec Mme Lalonde. Ce programme juridique a été très utile. Il y a eu beaucoup de participation.
    En ce qui concerne le soutien, je pense qu'il s'agit simplement d'avoir conscience que la plupart des victimes de violence sexuelle, ou de toute forme de violence fondée sur le sexe, la grande majorité — de 90 à 95 % — ne font pas de signalement par les voies officielles du système pénal ou à d'autres autorités. Il faut donc veiller à ce qu'elles obtiennent du soutien par d'autres moyens, qu'elles aient accès à des conseillers, des conseillers en traumatologie, du soutien par les pairs et à une variété d'autres options.
    Par exemple, on sait que les jeunes, au collège ou à l'université, sont plus susceptibles de se parler entre eux. Nous devons vraiment accroître notre travail d'intervention auprès des témoins et enseigner aux gens ce qu'il faut faire lors d'une dénonciation, comment soutenir une amie, etc.
    Il y a tant de choses que nous pouvons faire en matière de prévention et d'intervention auprès des témoins, et aussi pour veiller à ce que des mesures de soutien soient en place afin que lorsque les survivantes se manifestent, elles puissent obtenir des conseils et de l'aide. À l'heure actuelle, dans notre centre local d'aide aux victimes d'agression sexuelle à Hamilton, il y a une liste d'attente de six mois. Une survivante qui est terrifiée et qui fait ce premier appel se voit répondre qu'elle doit attendre six mois pour parler à quelqu'un.
    Entretemps, je sais que le personnel fait de son mieux pour leur offrir du soutien, mais ces personnes ont besoin d'un accès aux services. C'est une difficulté.
    Lors de notre dernière réunion, nous avons reçu des témoins de Peel. Je viens de Brampton. Shelina Jeshani, directrice du Safe Centre of Peel, nous a parlé de l'importance d'intégrer les services afin que la victime puisse facilement obtenir l'aide dont elle a besoin.
    Vous avez parlé de santé mentale, de services juridiques. Comment une femme peut-elle obtenir ces services sous un même toit? Le Safe Centre of Peel fait un travail extraordinaire. Il y a 16 bureaux dans ce centre. On y offre des services intégrés, en particulier pour les femmes racisées, dans une perspective intersectionnelle.
    Que faut‑il faire de ce point de vue?
    Je pense que c'est essentiel. Il faut s'assurer que les services répondent aux besoins de toutes les survivantes. Il faut avoir cette perspective intersectionnelle pour les survivantes qui sont racisées, autochtones, de diverses identités de genre, non binaires, etc. Il faut s'assurer, quand on regarde autour de soi, que tout le monde peut avoir accès aux services, et si des personnes ne viennent pas, il faut comprendre pourquoi.
    Je pense que l'autre élément clé, c'est que ce ne sont pas toutes les collectivités qui ont ce genre de guichet unique. Je pense qu'il y a encore beaucoup à faire à ce sujet. Je sais que, par exemple, dans le cadre du service que nous offrons à l'université, c'est notre rôle d'établir ces liens. Lorsqu'une personne se présente, elle ne frappe jamais à la mauvaise porte. Nous faisons le lien; idéalement, la personne qui s'occupe de son dossier pourra l'aiguiller vers les bonnes ressources pour qu'elle reçoive tout le soutien nécessaire. Lorsqu'une personne a subi ce genre de violence et de traumatisme, il n'est pas acceptable qu'elle doive appeler à tel ou tel endroit ou naviguer dans le labyrinthe du système pour obtenir de l'aide.
    Je pense qu'il est important que nous ayons des services bien financés qui répondent directement aux besoins de toutes les victimes afin qu'elles sentent qu'elles peuvent demander de l'aide sans avoir à courir à gauche et à droite.
    C'est excellent. Merci.
    Merci, madame Sidhu.
    Madame Larouche, c'est maintenant à votre tour.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous et de contribuer ainsi à l'étude en cours au Comité. Nous nous penchons sur une situation qui se produit de plus en plus souvent et que l'on qualifie d'épidémie. Je parle des féminicides. Cette étude est donc extrêmement importante.
    Mes premières questions s'adresseront à Mmes Gagnon et Huet.
    Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé notamment du travail de concertation que vous accomplissez.
    Comment la criminalisation du contrôle coercitif pourrait-elle vous être utile? Comment cela pourrait-il faciliter le processus d'intervention auprès de femmes qui pourraient être victimes de ce type de contrôle, de cette violence?
    Quelles seraient vos recommandations au gouvernement fédéral?
(1710)
    Je peux commencer à répondre à la question, puis Mme Gagnon pourra compléter mes remarques, si elle le souhaite.
    Effectivement, c'est au Code criminel que l'on pourrait apporter des modifications. On met encore beaucoup trop de poids sur les épaules des victimes. Depuis quelques années, au Québec, on travaille beaucoup sur l'accompagnement des victimes pour essayer de les protéger. On a beaucoup avancé, mais il y a encore beaucoup trop de poids sur leurs épaules, notamment en ce qui concerne la dénonciation. On a déjà vu de belles choses se faire au sujet du contrôle coercitif, mais ce qu'on semble dire, c'est que les acteurs judiciaires doivent être mieux formés.
    Le seul fait d'intégrer le contrôle coercitif dans le Code criminel ne va pas tout régler, car ce serait très difficile à appliquer pour les policiers et les procureurs. Toutefois, il pourrait être pertinent de former les acteurs judiciaires sur ce phénomène afin qu'ils sachent que c'est quelque chose de concret et que cela peut être criminalisé, selon ce qu'on voit ailleurs, tout en apportant des nuances.
    D'ailleurs, au Québec, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a produit un rapport très intéressant sur le sujet.
    J'aimerais ajouter des commentaires.
    Effectivement, nous avons été interpellées lors des consultations sur la criminalisation du contrôle coercitif. Nous avons même transmis une lettre pour appuyer les recommandations du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, au Québec.
    La criminalisation du contrôle coercitif ne règle pas tout, mais cela donne un outil supplémentaire aux autorités afin qu'elles tiennent compte du contexte vécu et non seulement des événements isolés, comme les voies de fait, les voies de fait graves et le harcèlement. Le contexte sous-jacent à la violence conjugale est moins visible, mais j'oserais dire qu'il est plus dommageable que ce qui est visible.
    Pour appliquer cela, comme ma collègue l'a dit, il faut que les policiers et les procureurs soient bien formés. D'ailleurs, au Québec, la question du contrôle coercitif a déjà été ajoutée aux directives des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. C'est donc déjà un élément qu'ils doivent prendre en compte quand ils analysent un dossier avant de décider de porter des accusations ou non.
    C'est certainement un levier supplémentaire pour que des accusations puissent être portées, mais au-delà de cela, la criminalisation du contrôle coercitif envoie aussi un message qui aide les personnes qui le vivent à le reconnaître. La société, les policiers et les procureurs doivent bien sûr le reconnaître, mais les personnes qui le vivent doivent aussi en être conscientes.
    La criminalisation permet de révéler ces éléments au grand jour. Cela peut aider les victimes à réaliser que, ce qu'elles vivent, c'est vraiment de la violence conjugale et que leur partenaire ne fait pas seulement qu'exercer un contrôle. Le fait d'inclure cet élément dans le Code criminel a aussi cet effet-là.
    C'est donc un élément qu'il faudrait retenir et considérer dans notre rapport sur les féminicides.
    Si je me souviens bien de toute la liste des intervenants, le Réseau des CAVAC a contribué au rapport intitulé « Rebâtir la confiance ». Ce rapport a été produit par l'Assemblée nationale, et la criminalisation du contrôle coercitif fait partie des recommandations qui y sont formulées. Toutefois, sachant que cela ne relève pas de l'Assemblée nationale du Québec, des députés du Québec demandent au fédéral d'agir là-dessus.
    Nous étudions actuellement le projet de loi C‑332, qui ouvre la voie à la criminalisation du contrôle coercitif. Pourquoi est-il important de l'adopter?
(1715)
    C'est important pour les raisons que j'ai mentionnées. Effectivement, c'est le fédéral qui a le pouvoir d'inclure cette infraction dans le Code criminel.
    Comme je le mentionnais, au Québec, cet élément fait déjà partie des directives de nos procureurs. Il est pris en compte dans l'analyse des dossiers, mais il ne peut pas être admis en preuve ni être utilisé comme chef d'accusation. Il est donc important de le criminaliser afin que l'on puisse porter des accusations précises à cet égard, partout au Canada.

[Traduction]

    Très bien.
    Je donne maintenant la parole à Mme Kwan. Vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
    J'aimerais revenir sur la question des différences entre les régions rurales et urbaines, qui a été abordée dans les exposés.
    Quand on regarde les statistiques, en 2021, le taux d'homicides liés au genre au Canada était deux fois et demie plus élevé dans les régions rurales que dans les régions urbaines. La Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta sont les provinces les plus touchées par les cas de femmes et de filles assassinées en raison de leur sexe. Plus on creuse la question, plus les statistiques deviennent brutales.
    J'aimerais que vous nous parliez de ce qui doit être fait pour tenir compte des différences entre les collectivités rurales et urbaines, que vous nous donniez des conseils à ce sujet. Que doit faire le gouvernement fédéral pour soutenir, en particulier, les femmes et les filles dans les collectivités rurales et éloignées qui font face à des attaques horribles?
    Je travaille à Ottawa, mais je viens d'une petite ville du Nord de l'Ontario. Je fais non seulement des recherches à ce sujet, mais j'ai aussi vécu cette situation.
    Oui, moins de 16 % des Canadiens vivent dans des collectivités rurales, éloignées ou nordiques, et pourtant, c'est là où se produit environ la moitié, voire plus de la moitié, des féminicides au pays.
    L'isolement est un problème pour toutes les victimes de violence entre partenaires intimes. Cependant, lorsqu'on vit sur une route de campagne et qu'on est à 40 minutes du détachement local de la Police provinciale de l'Ontario — comme cela a été le cas pour Nathalie Warmerdam, qui a été tuée à Wilno —, la confidentialité est un problème. Quand tout le monde connaît tout le monde, une victime peut-elle faire confiance aux services offerts aux victimes lorsque les gens qui y travaillent jouent au hockey avec son mari violent?
    Il y a aussi l'accès aux armes à feu. Dans ma famille, quand j'étais jeune, nous avions tous des armes à feu. Je suis la seule personne de ma famille qui ne chasse pas. Je suis végétalienne. J'ai grandi dans une maison où il y avait des armes à feu. Je n'en ai jamais eu peur, parce que j'ai grandi dans ce contexte. Cependant, si je vivais dans un foyer où il y a de la violence et que je savais qu'il y a une carabine de calibre 22 au sous-sol, cela m'inquiéterait si je décidais de partir.
    De plus, il y a le transport. Toutes les voies ferrées à destination du Nord de l'Ontario ont été démantelées. Greyhound a quitté le pays. Les vols sont même très peu nombreux. Si vous vivez dans une collectivité rurale, il n'y a pas de transport en commun. Vous devez avoir une voiture et de l'essence, et vous devez pouvoir y avoir accès par vous-même pour partir. Où irez-vous ensuite?
    Enfin, le mode de financement des services constitue également un problème au pays. Le financement est attribué en fonction du nombre d'habitants sans tenir compte du fait qu'il est plus coûteux de servir les clients dans le comté de Renfrew qu'à Toronto. Il peut sembler s'agir d'un enjeu provincial, mais nous avons besoin d'une conversation au niveau fédéral sur la façon de répartir le financement. Quand on ne tient compte que de la densité de la population, on oublie le fait qu'il est plus dangereux et plus coûteux de vivre dans une petite ville au Canada.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais également en parler. Je viens de la Colombie‑Britannique, et nous avons des collectivités nordiques et la Route des pleurs, bien sûr. Vous avez parlé du transport. Beaucoup de femmes et de filles autochtones n'y ont pas accès. Par conséquent, nous voyons apparaître certains de ces chiffres dévastateurs.
    Au cœur de la question des transports, recommanderiez-vous que le gouvernement mette en place une stratégie nationale des transports pour les collectivités rurales et éloignées afin que les femmes et les filles victimes de violence puissent y accéder en toute sécurité?
    Je vais peut-être répondre.
    J'adore cette idée, mais je pense que c'est une réalité difficile. Lorsque nous parlons de violence et de risque fondés sur le sexe, en particulier dans les collectivités rurales et éloignées, nous devons penser à des choses comme un réseau de transport et une infrastructure. Je sais qu'il ne s'agit pas d'un financement rapide et facile, mais ce genre de solution est nécessaire pour lutter efficacement contre la violence fondée sur le sexe et en réduire la fréquence. Il faut des solutions comme le logement, l'infrastructure de déplacement et les services de garde d'enfants. Tous ces enjeux coincent les femmes, principalement, parce qu'il est beaucoup plus difficile pour elles de partir que de rester dans une situation qu'elles connaissent.
    Je sais que c'est toujours ardu, parce que la solution ne semble pas être une sinécure. Cependant, il est essentiel de réfléchir à la situation dans son ensemble pour vraiment changer les choses.
(1720)
    Je vous remercie.
    Je comprends que les solutions sont parfois difficiles et coûteuses. Cependant, la vie des femmes et des familles est précieuse. Si nous n'investissons pas, ne prenons pas ces mesures et n'élaborons pas un plan pour les exécuter, rien ne sera jamais fait. Puis, nous en reparlerons 30 ans plus tard. Ce n'est pas acceptable.
    Je pense qu'on vient de me faire signe. Est‑ce qu'il me reste une minute?
    D'accord. Je vais poser une question très rapide, et peut-être y revenir au prochain tour. J'aimerais parler un peu des services adaptés à la culture.
    À l'époque, lorsque j'étais conseillère juridique pour les collectivités, j'ai rencontré des femmes victimes de violence qui n'avaient nulle part où aller parce que les services auxquels elles essayaient d'accéder n'étaient pas adaptés à leur culture ou n'avaient pas la capacité linguistique nécessaire pour répondre à leurs besoins.
    Je me demande si vous pourriez nous faire part de vos connaissances et de votre expertise sur cet aspect. Puisqu'il me reste 30 secondes, nous devrons peut-être y revenir.
    D'accord, je peux dire que c'est un point extrêmement important. Vous devez vous assurer que vos services sont accessibles à tous. Par exemple, je sais que dans notre collectivité — je viens de Hamilton —, nos refuges pour femmes et notre centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle ont accès à l'interprétation dans plus de 250 langues. C'est un élément. C'est minime, mais important, parce que nous voulons être en mesure de communiquer avec la personne. Nous devons veiller à ce qu'il y ait une optique et des compétences culturelles dans ces lieux pour éviter les suppositions et répondre aux besoins uniques des survivants qui franchissent le pas de la porte. Il n'y a pas de solution universelle.
    Encore une fois, pour faire écho aux propos de Mme Lalonde, je dirai que ces services pourraient être plus coûteux. Lorsque nous examinons les chiffres et le prix par personne, ces services visant à répondre aux besoins uniques et diversifiés des survivants partout au Canada sont essentiels, mais ils peuvent coûter plus cher.
    C'est excellent. Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Vien.

[Français]

    Madame Vien, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Nous les accueillons avec beaucoup de plaisir.
    Madame Lalonde, vous avez dit dans vos observations préliminaires avoir formé 50 000 Canadiens.
    Je dirais même que j'en ai formé davantage.
    Ça fait beaucoup de monde.
    Madame Lalonde, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la formation que vous avez conçue et dispensée à ces gens? Quels étaient les objectifs que vous poursuiviez ou que vous poursuivez, si vous le faites encore?
     Oui, je fais encore de la formation au quotidien.
    J'enseigne aux témoins et aux gens des communautés qu'ils peuvent jouer un rôle dans la création de communautés de soutien. La plupart du temps, je travaille avec des personnes de 12 ans et plus, mais j'offre aussi un programme dans le cadre duquel je travaille avec des enfants qui ont de 3 à 10 ans.
    Nous parlons du rôle que des témoins peuvent jouer dans leur entourage, de ce qu'ils peuvent faire quand ils observent de la violence, du harcèlement ou de la haine. Nous leur proposons ensuite des moyens d'y réagir.
    Je suis une personne très optimiste. Par contre, ce que j'observe tous les jours, c'est que la majeure partie des gens veulent faire la bonne chose sans trop savoir comment s'y prendre.
    Par exemple, que peut-on faire si on voit que sa voisine est maltraitée par son petit ami? On ne veut ni empirer la situation, ni mettre en danger sa voisine, ni se mettre soi-même en danger. Nous proposons alors un continuum d'interventions, des choses que l'on peut faire. Il peut s'agir de moyens directs ou indirects, selon les circonstances.
    Nous parlons de différentes méthodes, comme celle des 5D. Le but est d'aider les gens à se rendre compte qu'ils ont du pouvoir et qu'ils peuvent faire quelque chose. Il faut leur fournir des outils.
    C'est vraiment ça, mon rôle. Je forme des gens.
    C'est bien.
    Comment cela fonctionne-t-il? Placez-vous des affiches dans certains endroits? Faites-vous de la publicité? Les gens vont-ils vers vous?
(1725)
    Comme je fais ce travail depuis longtemps, j'agis souvent en tant que porte-parole, et les gens demandent mes services.
    Le problème, c'est justement que les gens ne savent pas que la formation existe. C'est réellement ça qui manque.
     Cela me fait un peu penser à des sentinelles. Dans nos milieux ruraux, il y a de plus en plus de services communautaires qui se développent. Des sentinelles vont frapper à la porte de personnes âgées, par exemple, pour s'enquérir de leur état et pour savoir si tout va bien.
    Madame Gagnon, Mme Ferreri a parlé tantôt du projet de loi C‑75, qui a été adopté. Il permet à des hommes violents, des agresseurs, d'obtenir une libération conditionnelle, par exemple. On se rend compte que cela se produit souvent. M. Betts en a aussi parlé plus tôt. D'ailleurs, il souhaiterait qu'une modification soit apportée à cet égard.
    De votre côté, observez-vous de tels cas au quotidien? Arrive-t-il que, quand des femmes viennent vous raconter leur histoire, vous vous rendiez compte qu'elles sont effectivement victimes d'hommes qui, normalement, devraient être en prison, ou encore qu'ils présentent des antécédents de comportement violent?
    C'est effectivement quelque chose que nous constatons au quotidien.
    Il arrive que des accusations aient déjà été portées. Par la suite, soit le contrevenant a été remis en liberté sous promesse de comparaître à la suite d'une enquête policière, soit il a été détenu et il a été remis en liberté après une enquête de mise en liberté sous caution.
     Après leur remise en liberté, arrive-t-il que les hommes commettent de nouveau un acte de violence à l'encontre des femmes que vous aidez?
     Oui, cela arrive. Il y a fréquemment des gens qui ne respectent pas les conditions de remise en liberté qui leur sont imposées, malheureusement. Ce n'est pas quelque chose d'anecdotique ni de ponctuel.
    Puis-je présumer que, à l'instar de M. Betts, vous souhaiteriez que la législation fasse l'objet d'une révision à cet égard?
    Oui, ce pourrait être une possibilité. Cela dit, il faut considérer un autre élément. Vous allez peut-être trouver étrange que j'en fasse mention, puisque notre mission est de travailler auprès des victimes, et non auprès des auteurs d'actes de violence.
    Lorsque la police intervient, il s'agit d'un moment pendant lequel l'auteur de l'acte de violence est déstabilisé. Quelque chose d'inhabituel se passe dans sa vie. Il s'agit d'un bon moment pour l'orienter vers des ressources d'aide. Il est très important de le faire, puisqu'on ne pourra pas envoyer tous les auteurs d'actes de violence en prison. Cela n'arrivera pas, malheureusement, parce qu'il y en a trop. De plus, les critères suivant lesquels on devrait garder une personne en détention ne sont pas toujours remplis.
    Il faut donc que le service de police profite de l'intervention pour orienter les auteurs d'actes de violence vers des services d'aide. Il faut que ce soit fait rapidement, et il faut assurer un suivi très serré auprès de ces personnes.
     Merci beaucoup.
    Mon temps de parole est terminé.

[Traduction]

    Lisa... Madame Hepfner, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Vous pouvez m'appeler Lisa. Je n'y vois aucun problème.
    Je remercie infiniment tous les témoins d'être ici.
    Madame Lukasik-Foss, nous nous connaissons depuis des décennies. Je pense que vous avez toujours été ma référence en matière de violence fondée sur le sexe. Vous avez pris les rênes de Hamilton dans ce domaine depuis fort longtemps. J'ai l'impression que moi aussi. J'ai couvert beaucoup de procès criminels. Je pense sans cesse à Holly Hamilton. J'ai vu sa voiture être remorquée avec son corps à l'intérieur. Je songe à Tania Cowell. Je pense à tout ce que j'ai vu et entendu au cours de ces procès, ce qui me brise le cœur encore aujourd'hui.
    Mmes Lalonde et Lukasik-Foss, vous avez toutes les deux parlé de la formation destinée aux gens qui sont témoins. Même avec toute mon expérience et avec ce que j'ai vécu personnellement, j'ai vu des incidents de violence conjugale dans les rues, et j'ai hésité à intervenir ou à faire quoi que ce soit parce que je craignais d'aggraver la situation pour la femme.
    Que conseillez‑vous? Comment les témoins peuvent-ils soutenir d'autres femmes?
    Je vous remercie beaucoup de vos bons mots, madame Hepfner.
    Je pense qu'il y a bon nombre de choses que nous pouvons faire. Le plus important, c'est d'aider les gens à apprendre ce qu'ils peuvent faire. Comme Mme Lalonde l'a mentionné, la méthode des 5D peut être employée lors de l'intervention des témoins. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui de donner une formation là‑dessus, mais il existe d'excellentes ressources et de la documentation sur la façon d'intervenir sans aggraver la situation. Vous avez raison de dire que nous ne voulons pas rendre les choses plus dangereuses pour la femme.
    Je pense qu'il y a eu des campagnes de prévention prometteuses. Par exemple, la campagne Voisins, amis et familles visait à intervenir et à enseigner ces compétences aux membres de la collectivité. Je sais que sur le campus de l'Université McMaster, nous travaillons fort pour que les étudiants puissent essayer de comprendre comment ils peuvent réagir dans ces situations sans se faire blesser. Nous ne voulons pas que nos interventions causent plus de tort à qui que ce soit.
    C'est peut-être un peu ennuyeux, mais tout passe par l'éducation. Il faut que ces services et ces programmes soient offerts aux gens afin qu'ils puissent apprendre et savoir que c'est notre problème à tous. Ce n'est pas une affaire de femmes, mais bien un dossier qui nous touche tous. Je pense qu'il faut vraiment, vraiment que nous mettions tous la main à la pâte pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Nous pouvons changer les choses grâce à nos interventions.
(1730)
    Madame Lalonde, en ce qui concerne le harcèlement, le Comité vient de terminer son étude sur le contrôle coercitif. Notre gouvernement envisage de légiférer contre le contrôle coercitif. Envisagez-vous le harcèlement criminel comme une forme de comportement coercitif? Ce volet serait‑il couvert par cette législation?
    Il ne le serait pas entièrement, non. Nous aimerions que des changements soient apportés au Code criminel en ce qui a trait au harcèlement criminel, mais ce ne serait pas nécessairement dans le projet de loi sur le contrôle coercitif.
    Madame Lukasik-Foss, dans toutes vos années d'expérience, avez-vous constaté un changement à l'égard du nombre de signalements et du nombre de femmes qui sont plus susceptibles de dénoncer? Avez-vous constaté un changement dans la sensibilisation à la violence fondée sur le sexe?
    Vous avez dit que les lois se sont améliorées, mais que la situation s'est aggravée. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui, tout à fait. Je peux le confirmer à la lumière des chiffres, mais aussi de mon expérience auprès des survivantes.
    Nous savons qu'il y a des vagues d'information et de sensibilisation. Je peux parler du mouvement #MoiAussi. Les choses ont radicalement changé après celui‑ci, alors que beaucoup plus de victimes de violence sexuelle, en particulier, se sont manifestées. Nous pouvions commencer à aborder des choses dont nous ne parlions pas en tant que communauté et culture. Il y a des vagues de changement.
    Je sais que la violence familiale est beaucoup plus souvent signalée à la police et que les gens se manifestent, mais nous savons aussi que la grande majorité des victimes n'en parlent toujours pas ou ne le racontent à personne. Nous savons que c'est l'un des crimes qui est en hausse. Même si d'autres crimes violents sont en baisse, les féminicides grimpent. C'est une tendance inquiétante.
    Je ne sais pas si nous avons assez de temps, madame Lalonde.
    Je vous suis depuis de nombreuses années sur les médias sociaux, et je vous remercie de tout votre travail.
    Vous avez également été la cible d'énormément de haine et d'attaques sur les médias sociaux. Pouvez-vous nous parler de l'incidence réelle de ces propos?
    Je serai très brève.
    Je ne peux pas parler en public sans avoir des services de sécurité, même si je ne suis qu'une simple dame du Canada. Je suis une femme blanche munie d'un passeport canadien qui reçoit énormément de menaces de mort pour avoir essayé de parler de la violence faite aux femmes dans un contexte canadien. Vous pouvez imaginer pourquoi des gens qui n'ont pas les mêmes privilèges que moi ne parlent pas.
    C'est l'une des choses les plus difficiles à mesurer: le musellement collectif des gens. Ils voient quelqu'un comme moi être menacé et se disent: « Je ne voudrais jamais être à sa place. Je ne suis pas aussi protégée que cette femme, et elle est traitée de cette façon. » Nous devons reconnaître que cette violence a une incidence énorme sur notre capacité à parler de ces questions.
    Lorsque mes collègues de la Campagne du ruban blanc prennent la parole, par exemple, et que leurs propos sont un peu plus audacieux que les miens, ils se font dire: « Merci beaucoup d'avoir pris la parole. C'est formidable que les hommes en parlent. » Ensuite, je dirai quelque chose de tellement banal par rapport à ce qu'ils ont fait, et je dois être escortée jusqu'à ma voiture.
    Je suis une personne extrêmement privilégiée, et nous devons réfléchir à ceux qui ne peuvent pas être à ma place parce qu'ils ne sont pas suffisamment en sécurité pour s'exprimer. C'est un problème qui devrait tous vous préoccuper.
    Les menaces ne sont pas que virtuelles. Vous êtes physiquement...
    Oui, des gens m'ont menacée en plein visage lors d'événements et...
    Je vous remercie.
    Les choses dérapent très rapidement.
    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Larouche. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie, madame Lalonde, du travail de sensibilisation que vous faites. La réponse que vous avez donnée à la question sur la violence est intéressante.
    Je vais revenir au problème soulevé par Mme Hepfner concernant la violence en ligne. Je vais m'adresser à vous, mesdames Gagnon et Huet, au sujet de ce que vous observez dans les CAVAC.
    On cherche des moyens de contrer les féminicides. Or, à la fin de votre dernière intervention, vous avez abordé la question de la prévention. Comment peut-on se donner des outils pour sensibiliser les gens ou faire de la prévention quant à la haine en ligne, de façon à pouvoir dire, à un certain moment, que les propos misogynes vont trop loin?
    Quelles sont les répercussions des propos tenus par ces gens en ligne, comme certains incels et influenceurs, qui alimentent la misogynie? Au bout du compte, cela n'amène-t-il pas certains hommes à adopter des comportements de plus en plus violents, pouvant même aller jusqu'au féminicide?
(1735)
    En fait, la prévention et la sensibilisation ne font pas partie de la mission des CAVAC, qui consiste à intervenir, malheureusement, une fois que le mal est fait. Toutefois, nous sommes en mesure de constater que, effectivement, l'utilisation des réseaux sociaux et les discours haineux qu'on y propage contribuent certainement à la violence envers les femmes.
    Cela dit, c'est aussi une manifestation de quelque chose qui existe et qui est présent au grand jour sur ces réseaux. D'où la nécessité de faire de la prévention et de la sensibilisation. Il faut déconstruire ce qui fait en sorte que ces comportements se perpétuent.
    Les déséquilibres dans les relations hommes-femmes partent évidemment de très loin. J'oserais quand même dire qu'on évolue lentement, mais sûrement.
    Cela dit, à notre avis, le contrôle de ce genre de discours en ligne pourrait certainement contribuer à diminuer la violence. En fait, on enverrait aussi un message clair selon lequel ce genre de discours et cette façon de considérer les femmes ne sont pas tolérés dans la société.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Madame Kwan, c'est à votre tour pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais céder mes deux minutes et demie à Mmes Huet et Gagnon.
    Compte tenu de votre expérience du programme des Centre d'aide aux victimes d'actes criminels, ou CAVAC, quelles sont, selon vous, les principales recommandations ou leçons que le gouvernement fédéral peut en tirer? Si vous pouviez formuler des recommandations à ce sujet pour le Comité, je vous en serais très reconnaissante.

[Français]

     La question s'adresse-t-elle à moi?

[Traduction]

    Oui, ma question s'adresse à vous deux.

[Français]

     Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris la question.

[Traduction]

    Je vous pose simplement la question suivante: selon vous, quelles seraient les principales leçons que nous pourrions tirer de votre expérience dans la mise en œuvre du programme au Québec et la création du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels?

[Français]

    Il faudrait enlever la pression qui s'exerce sur les victimes. Je reviens à ce que ma collègue Mme Gagnon a dit. Il faudrait essayer de voir ce qui peut être fait en ce qui concerne les auteurs d'actes de violence. Il faudrait aussi donner plus de pouvoir aux acteurs judiciaires pour ce qui est d'arrêter les auteurs d'actes de violence.
    La question du contrôle coercitif pourrait être comprise dans le Code criminel, mais il faudrait aussi agir sur le plan de la mise en liberté sous condition. Il faudrait donner plus de pouvoir aux acteurs judiciaires pour qu'ils puissent intervenir dans certaines situations. La responsabilité repose encore trop sur les épaules de la victime. En effet, celle-ci doit dénoncer, expliquer, trouver et donner toute l'information aux autorités.
    C'est ce que mon expérience me porte à croire.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Mon temps est‑il écoulé?
    Il vous reste 30 secondes.
    Eh bien, je peux peut-être m'adresser aux témoins ici.
    Je vous pose la même question: quelle est, selon vous, la principale recommandation?
    Je ne peux pas parler du contexte québécois, mais si vous voulez une réponse plus générale, nous devons modifier la loi sur le harcèlement criminel au Canada. Nous avons des recommandations visant à modifier la loi. Plus précisément, le critère selon lequel vous devez prouver que vous craignez pour votre sécurité est trop subjectif. Il ne fonctionne pas, et repose sur des stéréotypes sexistes de la façon dont les femmes manifestent la peur. Il faut que cela change, et c'est possible. C'est ce que je recommande.
(1740)
    Merci beaucoup.
    Et maintenant, madame Roberts, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais commencer par Mmes Lalonde et Lukasik-Foss, si je peux m'adresser à vous. Je vous remercie.
    Vous avez parlé tout à l'heure de 86 recommandations. Je vais y revenir dans une minute et aborder quelques points, puis j'aimerais poser une question au chef de police.
    J'ai rencontré un groupe communautaire de la région de York appelé le CCSYR. L'une des choses qu'ils font, c'est d'inviter des personnes d'autres pays à un groupe qui fait toutes sortes d'activités. Ils tricotent. Ils font du yoga. Certaines de ces femmes viennent, et au début, leur mari doit les accompagner parce qu'ils doivent les surveiller. Lorsqu'ils constatent que c'est seulement du tricot ou autre chose, ils les quittent et disent que c'est un endroit sûr pour elles. Ce n'est qu'à ce moment que ces femmes ont l'occasion de parler de la violence avec des conseillers, parce qu'elles ne se rendent pas compte des lois que nous avons au pays. Beaucoup d'aînées qui s'y rendent vivent encore de la violence.
    Vous avez toutes les deux dit plus tôt qu'il y avait 86 recommandations. Madame Lukasik-Foss, vous avez dit que vous avez comparu devant le Comité il y a 10 ans. Qu'est‑ce qui a changé?
    C'est une grande question, et je n'ai pas beaucoup de temps.
    J'aimerais revenir sur vos propos. Ce que vous avez dit au sujet du groupe dont vous venez de parler m'a vraiment frappée. Lorsque je travaillais au centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de Hamilton, nous avions un cercle de couture. Nous en organisions 6 à 12 à la fois parce que c'était un lieu plus sûr pour les femmes. Les cercles étaient offerts dans 10 langues différentes et étaient propres à la langue. Je me souviens avoir pensé que ce serait difficile à justifier auprès de nos bailleurs de fonds, mais je savais que c'était ce que nous devions faire pour attirer les femmes.
    Je suis ravie que vous... Je tenais à le dire parce que je pense que nous devons sortir des sentiers battus.
    La raison pour laquelle je soulève cette question, c'est que nous avons eu des réunions sur le contrôle coercitif, et l'une des témoins a fait une déclaration qui m'a choquée.
    Son mari avait essayé à plusieurs reprises de la battre et de l'empoisonner. Lorsqu'elle l'a fait arrêter, son père lui a dit — ce sont ses mots, pas les miens — d'aller le faire libérer par la police, parce qu'elle faisait honte à la famille. Lorsqu'elle a dit que son mari la tuerait, son père a répondu qu'il préférait qu'elle finisse dans une housse mortuaire plutôt que de faire honte à la famille — il y a donc un problème de culture que nous devons aborder.
    Chef Betts, pensez-vous que les pratiques d'arrestation et de remise en liberté sont périlleuses pour les femmes? En Ontario, sur 444 municipalités, 94 ont signalé une augmentation de ces cas. C'est un peu plus de 300 000 femmes. Ce sont 300 000 femmes. Pensez-vous que les pratiques d'arrestation et de remise en liberté n'aident pas à assurer la protection des femmes?
    Je vais répondre par l'affirmative. Je pense que cette pratique ne protège pas les Canadiens dans de nombreuses situations. Pour les besoins de cette conversation, il est vrai qu'elle entraîne souvent un sentiment accru de risque et de danger.
    Comme nous venons de l'entendre, un accusé qui est envoyé en prison sera libéré sous caution ou autrement. En plus de la situation déjà tendue, l'homme est maintenant en colère. Il est maintenant humilié. Il peut ressentir une perte de pouvoir et de contrôle. Nous constatons soudainement que la victime et la personne qui a porté plainte courent un risque accru. Nous sommes coincés à essayer d'aider à gérer les programmes de sécurité. La police offre des programmes de sécurité et fournit des téléphones d'urgence, mais ce n'est pas suffisant.
    La réponse est donc oui.
    Je vous remercie.
    Madame Lalonde, je reviens à vous.
    Pensez-vous que si votre agresseur avait été laissé en prison, où on aurait probablement pu lui donner une aide psychologique, même si je ne sais pas si cela lui aurait été utile, vous auriez été mieux protégée au lieu qu'il soit libéré?
    Il n'a même pas été arrêté, soit dit en passant.
    Nous pouvons certainement parler des conditions de mise en liberté sous caution, mais parlons du seuil que nous utilisons en réalité. Il avait 19 ans. Il n'avait jamais défié la loi auparavant, alors la police a dit qu'il ne représentait pas une menace. Ils ont reconnu que ce que j'ai vécu était du harcèlement, mais ils ne pensaient pas qu'il était menaçant.
    Je ne peux même pas vous parler de la mise en liberté sous caution, parce que nous n'arrêtons même pas les gens, et procédons encore moins à leur réadaptation...
(1745)
    Diriez-vous que l'une de vos recommandations pour assurer la sécurité de toutes les femmes et pour que vous vous sentiez protégées serait peut-être de permettre...
    Comme le chef de police vient de le dire, lorsque les femmes dénoncent, les hommes sont plus en colère et vont exercer des représailles sur la femme. L'une de vos recommandations serait-elle de les évaluer et de les garder en prison un peu plus longtemps, jusqu'à ce que vous puissiez trouver un endroit sûr?
    Oui, mais je veux aussi qu'on s'attarde à ce qu'il advient de ces hommes lorsqu'ils sont incarcérés.
    En réalité, les gens ne meurent pas en prison dans ce pays; ils en sortent. Que faisons-nous pour vraiment réadapter les agresseurs? C'est ce dont j'aimerais qu'on discute.
    Je vous remercie, madame Roberts.
    La parole est maintenant à Mme Lambropoulos. Vous avez cinq minutes, je vous prie.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous nos témoins d'être ici pour discuter avec nous.
    Madame Lukasik-Foss, j'aimerais revenir un peu sur la question de Mme Roberts. Vous n'avez pas vraiment répondu à la deuxième partie de sa question, et c'est là où je voulais en venir. Vous avez mentionné qu'il y a eu une augmentation au cours des 10 dernières années. Non seulement il y a eu une augmentation, mais alors que nous avons vu d'autres crimes diminuer, les féminicides ont augmenté.
    Je me demande quels facteurs pourraient contribuer à cette situation, selon vous.
    Je n'ai pas eu l'occasion de répondre, alors je vous remercie de revenir là‑dessus.
    Nous savons que les facteurs qui contribuent à maintenir les femmes dans des relations dangereuses, de maltraitance et de violence se sont aggravés. Il s'agit notamment de l'abordabilité du logement, de l'accès à des emplois stables, de l'accès à des services de garde d'enfants, même s'il y a eu quelques améliorations à cet égard dans les collectivités, du transport et simplement des difficultés dans la vie. Nous savons que, surtout depuis la pandémie, la situation est très difficile dans les collectivités. Nous savons qu'un nombre accru de femmes restent dans des relations où elles sont victimes de violence, parce que les solutions de rechange semblent extrêmement difficiles et angoissantes, ou bien il n'y a pas de solutions de rechange.
    Lorsque je travaillais au refuge et que nous devions refuser des femmes et des enfants, nous étions dévastés. C'est maintenant monnaie courante. Nous savons que des centaines de femmes sont refusées chaque jour dans des refuges, alors je pense qu'elles ne veulent pas quitter ce genre de relations. C'est la raison pour laquelle la situation s'est aggravée. Je pense que les choses sont très difficiles pour tout le monde en ce moment, et cela aura une incidence sur les survivantes.
    Merci beaucoup.
    À ce sujet, quelle serait votre principale recommandation?
    Il est difficile pour moi de formuler une recommandation principale, car il y a tellement de problèmes.
    Il faut mettre en œuvre les cinq piliers du plan d'action national. Je sais que ce n'est pas une recommandation excitante, car elle coûte cher et elle n'est pas facile à appliquer.
    Il y a aussi la création d'un poste de commissaire à la violence fondée sur le sexe. C'est un rôle très important, car il favorisera la reddition de comptes. Parfois, on ne veut pas d'une entité supplémentaire, mais je pense que nous avons les réponses aux problèmes. Allons de l'avant. C'est ce qu'il faut faire à mon avis.
    Dans 30 ans... Je sais que ces problèmes ne se régleront probablement pas de mon vivant, mais je veux avoir de l'espoir pour mes enfants.
    Merci beaucoup.
    Madame Lalonde, vous avez dit que vous voudriez que des changements soient apportés au Code criminel en ce qui concerne le harcèlement criminel. Je me demande quels seraient ces changements précisément. Vous avez parlé un peu d'éducation et de la nécessité de veiller à ce que les gens connaissent leurs droits, mais que changeriez-vous dans le Code criminel?
    Merci.
    En fait, j'ai pris en note une des recommandations émanant de l'enquête du coroner sur les féminicides, parce que c'est exactement cela que je souhaite. Voici ce que le coroner et moi-même recommandons:
Procéder à une analyse de l'application de l'article 264 du Code criminel en vue d'évaluer si les facteurs existants tiennent adéquatement compte des répercussions sur les survivantes. Envisager la suppression de l'exigence subjective selon laquelle l'acte doit amener la victime à craindre pour sa sécurité.
    En résumé, pour prouver qu'il y a du harcèlement criminel, je dois prouver qu'il n'est pas désiré, qu'il se répète et que cela me fait craindre pour ma sécurité. Ce qui ne tient pas la route, c'est craindre pour sa sécurité, parce que, dans de nombreux cas, des femmes ont été perçues comme étant en colère contre leur agresseur, et cela a été utilisé pour dire: « Eh bien, si vous étiez en colère, vous n'aviez pas peur. » Cela traduit parfaitement l'idée subjective qu'on a de la façon dont une femme exprime sa peur: soit elle tremble, soit elle pleure. Si vous ne faites pas cela, si vous vous défendez — ce que nous disons aux femmes de faire —, cela pourrait en fait se retourner contre vous dans le contexte de l'application du Code criminel.
    Ce que nous voulons, c'est remplacer le passage « craindre pour sa sécurité » par « nuire à sa capacité de vaquer à ses occupations quotidiennes », ce qui est mesurable. Si la victime a dû changer son quart de travail, déménager ou changer ses serrures, bref, prendre certaines mesures, il est beaucoup plus difficile pour un juge de faire valoir qu'elle ne semblait pas vraiment effrayée, car elle a dû faire plusieurs changements dans sa vie.
    C'est une solution très simple qui sauvera littéralement des vies. C'est une modification facile à apporter.
(1750)
    Merci beaucoup. Je vous remercie toutes les deux pour vos réponses.
    Il vous reste 40 secondes.
    Ma question s'adresse au policier. Vous avez dit que les féminicides devraient figurer dans le Code criminel, que ce devrait être un crime. Vous avez dit que ce serait considéré comme un crime haineux. Lorsque nous parlons de crimes haineux, nous parlons de haine envers une communauté ou un groupe de personnes, j'imagine. C'est ainsi que je comprends les crimes haineux. Je ne sais pas s'il y a une définition précise — il y en a probablement une —, mais je ne l'ai pas sous la main.
    Cependant, en ce qui concerne la plupart des victimes dont nous parlons aujourd'hui, l'acte en question est motivé par l'incapacité d'exercer un contrôle sur la personne une fois qu'elle a quitté la relation. Y a‑t‑il des nuances à apporter? Est‑ce que cela fait partie des crimes haineux?
    Malheureusement, nous avons déjà dépassé le temps imparti d'environ 30 secondes. Étant donné que nous avons déjà un peu dépassé le temps prévu, vous pourriez peut-être essayer de répondre à cette question lors d'une réponse à une autre question. Je vais m'en tenir à une minute et 30 secondes la prochaine fois.
    Nous commençons notre troisième tour.
    Madame Ferreri, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Nous venons d'entendre des témoignages très percutants et des recommandations très solides de la part de tous nos témoins sur la violence entre partenaires intimes. C'est une discussion très importante. Il n'est pas rare de lire dans les médias qu'une femme a été agressée. C'est devenu la norme, malheureusement.
    Madame Lalonde, j'apprécie vraiment vos recommandations visant à modifier le Code criminel en ce qui concerne le harcèlement criminel. Le fait que votre agresseur n'ait jamais été arrêté est assez choquant à entendre. Merci de nous avoir fait part de cette histoire.
    Madame Lukasik-Foss, de l'Université McMaster, existe‑t‑il des données sur le lien entre l'augmentation du coût de la vie et l'augmentation de la violence conjugale ou de la violence entre partenaires intimes?
    C'est une excellente question.
    Je n'ai pas d'études sous la main, mais nous savons que la violence entre partenaires intimes touche toutes les classes socioéconomiques. Des gens de toutes les couches de la société sont victimes de violence familiale.
    Cependant, nous savons aussi que la situation peut empirer pour les personnes qui n'ont pas beaucoup de ressources financières ou des problèmes de logement. Nous savons que si une personne violente perd son emploi ou qu'elle est confrontée à d'autres facteurs de stress, cela peut accroître la violence qui existe déjà. Par exemple, pendant la pandémie de COVID, les refuges pour victimes de violence familiale ont reçu plus d'appels et ils ont entendu davantage de témoignages de victimes.
    Lorsque les choses empirent, nous savons que la violence augmente. Je n'ai pas d'études sous les yeux, mais je sais que c'est le cas.
    S'il y a des données que vous voulez nous transmettre, nous serions ravis de les avoir. Je pense que ce serait très utile pour la discussion.
    Vous avez abordé un point qui, à mon avis, est très important pour aller au cœur des politiques. Nous examinons les politiques du gouvernement fédéral. Nous avons surtout besoin d'une politique qui énonce ce que nous allons faire. Il y a toutes sortes d'aspects différents, comme la culture, mais si nous ne changeons pas la loi, rien ne se passera. Nous constatons qu'il n'y a pas suffisamment de logements, que le nombre de clients atteint des niveaux records dans les banques alimentaires et que la criminalité augmente de façon exponentielle après neuf ans au pouvoir du gouvernement...
    Madame Lalonde, vous avez dit que vous avez présenté ces recommandations. Vous avez assisté sans doute au triple féminicide le plus horrible de l'histoire du Canada. Lorsqu'on lit sur cet homme, on se rend compte que le mot « monstre » n'est pas correct. On pense à un psychopathe. C'est pourquoi j'aimerais beaucoup entendre le témoignage d'un psychologue sur cet aspect.
    Pourquoi vos recommandations n'ont-elles jamais été mises en œuvre?
    Je dirais que le gouvernement fédéral a mieux réagi à notre enquête sur les féminicides que le gouvernement provincial. Les gens autour de cette table se sont montrés plus ouverts à ces recommandations que le premier ministre de ma province. Honnêtement, il y a lieu de se réjouir.
    Cependant, c'est un problème, en effet. Cet homme a commis des actes de violence conjugale pour la première fois en 1985, l'année de ma naissance. Trente ans plus tard, il a tué trois femmes. Personne dans la collectivité n'a été surpris. La police elle-même savait qu'il représentait un risque pour la collectivité.
    Je veux parler de quelque chose, parce que moi aussi, je me disais: « Quel monstre! » Je tiens à saluer Malcolm, le fils d'une des femmes assassinées. Il a participé à l'enquête, et il a été très clair en disant: « C'était le fils de quelqu'un. C'était un être humain. On lui a permis d'agir ainsi. » Nous pouvons certes discuter de l'état psychologique des personnes qui commettent ces crimes, mais il reste que c'était un être humain qui était clairement sur la mauvaise voie. Pendant 30 ans, personne n'a corrigé son comportement. Cela me fait peur.
(1755)
    Vous êtes une personne incroyable.
    Merci.
    Vous avez abordé un point qui devient beaucoup plus vaste lorsque nous l'examinons attentivement. Beaucoup de gens qui suivent notre étude m'écrivent, parce qu'elle touche tellement de personnes. Ils disent: « Les hommes sont aussi des victimes. » D'accord, parlons‑en de façon honnête. Si nous enseignons aux femmes à se défendre, mais que nous n'apprenons pas aux garçons à adopter de bons comportements, nous avons un grave problème.
    Je vais terminer par le chef Betts.
    Les dernières questions que je vous ai posées portaient sur les enfants qui sont témoins de ces situations. D'après ce que vous voyez en tant que policier, chef Betts, pouvez-vous nous donner un exemple de l'escalade de la violence entre partenaires intimes et de la façon dont elle aboutit souvent, malheureusement, à un meurtre?
    Madame la présidente, par votre entremise, je crois savoir que nous avons constaté une escalade de la violence cette année, du moins dans ma collectivité, pour ce qui est de la violence entre partenaires intimes. Par exemple, jusqu'à présent cette année, il y a eu trois tentatives de meurtre dans de tels cas, alors qu'il n'y en a eu aucune l'an dernier. Nous avons enregistré 11 cas de violence entre partenaires intimes où des armes à feu ont été utilisées. Il y en a eu quatre l'an dernier. Nous observons un cycle de la violence qui n'a pas changé. Nous avons constaté une augmentation importante des agressions armées causant des lésions corporelles par rapport à l'année dernière.
    Je pense que vous parlez du cycle de la violence dont nous avons discuté au premier tour. Comment intervenir? Comment y mettre fin? C'est une chose d'apporter maintenant des changements au Code criminel concernant les infractions, la mise en liberté sous caution et la détermination de la peine, mais si nous ne nous attaquons pas à la prévention auprès des personnes qui commettent ces crimes ou qui pourraient être susceptibles de le faire, peu importe ce que nous mettons en place à cette fin, nous n'allons pas briser ce cycle de la violence. Malheureusement, si nous n'agissons pas tôt, je pense que nous en connaissons les conséquences.
    Merci, chef.
    Merci, madame Ferreri.
    Nous passons maintenant à M. Serré. Vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous. Ils nous ont donné beaucoup de pistes de réflexion.
    Madame Lalonde, je vous remercie de vos interventions. Je sais aussi que vous venez d'une région rurale de Sudbury.
    J'aimerais vous poser des questions sur les services offerts aux victimes. Lors de la dernière réunion, nous avons reçu Mmes Walker et Alexander, et elles nous en ont parlé. On a mentionné qu'il y avait de l'intimidation et un manque de ressources. On a aussi dit que les procureurs ne travaillaient pas vraiment pour les victimes.
    Tantôt, vous avez dit qu'il y avait toujours une certaine confusion quant aux rôles respectifs du fédéral et des provinces. Vous avez évoqué certains aspects liés aux affirmations de M. Ford. De plus, beaucoup de témoins ne veulent pas parler du rôle des provinces. Je le comprends tout à fait, puisque ce n'est pas aux victimes de dire quel palier de gouvernement est responsable.
    Cela dit, j'aimerais avoir votre analyse quant aux services offerts aux victimes par les cours et les procureurs. J'aimerais aussi avoir vos observations quant aux rôles que jouent le fédéral et les provinces.
    Quelles seraient les recommandations que vous souhaiteriez transmettre au Comité?
    Quand on parle d'éducation, il ne s'agit pas seulement de ce qui peut se faire dans des écoles. Le fédéral peut intervenir de diverses façons. Il peut lancer des campagnes publicitaires ou des programmes de sensibilisation. D'ailleurs, il l'a fait pendant la pandémie de COVID‑19, par exemple. Quand on a dit que le fait de partager des photos intimes sans obtenir au préalable le consentement de la personne était un crime, le gouvernement fédéral a fait de la sensibilisation à ce sujet.
    On pense souvent que ce sont les provinces qui doivent s'occuper du problème. On pense alors à l'éducation d'une façon très limitée au lieu de penser à des campagnes de sensibilisation de manière plus large. Je pense que le gouvernement fédéral a assurément un rôle à jouer de ce côté.
(1800)
    La sensibilisation du public, des hommes et des garçons, c'est une chose. Cependant, il faut aussi penser à la formation des juges, des procureurs et des policiers. On parle alors du système, et il semble y avoir d'importants problèmes de ce côté.
    Je suis entièrement d'accord sur cela.
    Qu'en est-il alors des efforts de sensibilisation ou de formation à cet égard?
    On n'en parle pas assez. Je suis complètement d'accord sur le fait qu'il faut plus de formation dans le milieu de la justice, c'est-à-dire pour les procureurs et pour les policiers, par exemple.
    Le gouvernement devrait imposer une formation obligatoire. On ne devrait pas pouvoir travailler dans des services de police si on ne sait pas reconnaître en quoi consiste la violence conjugale. On ne devrait pas être procureur si on ne sait pas ce qu'est le traumatisme subi par les victimes et si on ne connaît pas les répercussions de ce traumatisme sur le témoignage d'une victime.
    Ce sont des choses que je considère comme évidentes, mais il y a un manque de sensibilisation à cet égard. C'est le rôle du gouvernement de changer cela.
    Nous avons entendu les témoignages de plusieurs victimes d'actes de violence. Selon l'opposition, la seule solution est de mettre les auteurs d'actes de violence en prison. Or, vous avez parlé de la surpopulation dans les prisons et des conditions horribles qui y ont cours, du manque de formation et du fait que, lorsque les individus sortent de prison, leur comportement est pire que celui qu'ils avaient avant d'y être entrés.
    Je peux comprendre que les victimes et un certain parti politique puissent dire que, la solution, c'est de les mettre en prison. Pourtant, ce n'est pas toujours aussi simple.
    Tantôt, le chef de police a parlé d'une situation de « catch and release ». Selon lui, le processus de mise en place de mesures de soutien n'est pas simple.
    Comment peut-on s'attaquer à ce problème?
    Il faut savoir que les prisons sont genrées. Prenons l'exemple d'un homme qui a commis des actes de violence envers une femme et qui a été envoyé en prison. Il vit alors avec d'autres hommes. On jugera éventuellement qu'il a un bon comportement, puisqu'il n'a aucune occasion de violer ou de maltraiter des femmes.
    Il y a certainement une raison pour laquelle les prisons sont genrées. Cependant, il est insensé de croire que l'emprisonnement va faire en sorte de changer le comportement des hommes sexistes et qui violentent leur femme ou leur conjointe.
    En effet, le milieu carcéral ne permet pas de connaître le comportement des hommes envers les femmes. Par conséquent, le système ne va pas aider ces hommes, car il n'y a aucun programme de sensibilisation en place au sujet de la violence faite aux femmes. Au bout du compte, on remet en liberté des individus dont le comportement en prison a été jugé satisfaisant. C'est inévitable, puisqu'il n'y avait aucune femme dans son environnement immédiat et qu'il ne se comportait pas comme il le ferait habituellement dans un autre contexte.
     Merci.

[Traduction]

    C'est excellent. Merci.

[Français]

    Madame la présidente, cela va trop vite.
    Cinq minutes se sont écoulées. Je suis désolée.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame Larouche, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Français]

    Encore une fois, je remercie les témoins de leurs témoignages, qui sont extrêmement enrichissants.
    Madame Gagnon, madame Huet, j'aimerais parler des pistes de solution que vous pourriez proposer. En ce qui concerne la sensibilisation, le ministère de la Justice du Québec a récemment fait une campagne qui s'est fait remarquer sur la sextorsion par texto. On a souligné ce bon coup en matière de sensibilisation. On sait que les campagnes publicitaires sociétales sont importantes. On en a parlé. Vous avez aussi parlé de la haine en ligne et de la criminalisation du contrôle coercitif.
    J'aimerais savoir quelles pourraient être les autres solutions. Au Québec, il y a actuellement un projet pilote concernant les bracelets électroniques. Leur utilisation faisait partie des recommandations du rapport « Rebâtir la confiance ». Il y a aussi un projet pilote de tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Vous avez aussi parlé des cellules d'intervention rapide.
    Pouvez-vous nous faire part de vos observations et de vos suggestions par rapport à ces sujets, que ce soit les cellules d'intervention rapide ou les autres projets pilotes qui sont en cours au Québec?
    D'abord, on remarque que la concertation fonctionne. La semaine passée, j'en ai vu un exemple flagrant dans une situation où le fait d'avoir levé le secret professionnel et d'avoir communiqué avec des acteurs du système judiciaire a permis aux acteurs qui avaient du pouvoir d'intervenir.
    Il y a aussi l'appréciation du risque, qui fait partie du rôle des intervenants sociojudiciaires de liaison, dont je vous ai parlé tantôt. Le fait d'avoir formé les personnes intervenantes des CAVAC pour qu'elles puissent faire une véritable appréciation du risque auprès des victimes a beaucoup amélioré les choses. Cela a permis d'adopter une approche sécuritaire auprès des victimes, une approche que les procureurs de la Couronne peuvent ensuite appliquer.
    Ma collègue Mme Gagnon pourrait peut-être ajouter des éléments de réponse.
(1805)
    Les intervenants faisant partie de cellules d'intervention rapide peuvent agir dans les situations comportant un risque élevé. On dit souvent que chacun des intervenants qui travaillent auprès d'une personne victime n'a qu'une partie de son histoire. Il est donc important d'avoir des façons structurées de collaborer pour mettre ensemble tous ces morceaux de l'histoire et tisser rapidement un filet de sécurité efficace.
    À notre avis, ce modèle devrait être étendu à tout le pays. Il permet la levée de la confidentialité à laquelle les organisations comme la nôtre se heurtent souvent. D'ailleurs, ma collègue vient de faire allusion au fait que, dans des situations comportant un risque élevé, il est approprié de lever le secret professionnel afin d'obtenir des éléments d'information pertinents.
    Ces cellules d'intervention rapide se composent de policiers, de représentants de la Direction de la protection de la jeunesse, d'agents de probation, d'intervenants des centres d'aide aux victimes d'actes criminels et d'autres services d'aide aux personnes victimes, et des représentants de maisons d'hébergement. Ce sont des gens qui ont le pouvoir nécessaire pour agir rapidement afin d'assurer la sécurité des personnes victimes.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Kwan, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais consacrer ces deux minutes et demie aux questions de prévention et de réhabilitation. Nous en avons parlé un peu. Je me demande si vous pouvez nous faire part d'autres mesures de prévention et de réhabilitation précises que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour s'attaquer au problème.
    Cette question s'adresse à nos deux témoins qui sont dans la salle aujourd'hui.
    Je vais commencer.
    Je vais me concentrer sur la réhabilitation, parce que j'ai l'impression que, jusqu'à présent, j'ai beaucoup entendu parler du système de justice pénale — l'incarcération et les questions de mise en liberté sous caution — alors que nous savons que la grande majorité des survivantes n'ont pas accès à ce système. Même dans le cas des féminicides, nous constatons qu'il n'y a peut-être pas toujours eu d'intervention policière avant le décès, alors je pense qu'il est essentiel que nous adoptions une approche différente et que nous travaillions réellement avec les personnes qui risquent de devenir violentes, en reconnaissant qu'il y a diverses formes de violence. Nous savons que si quelqu'un s'engage dans une voie, cette voie sera très difficile, et nous devons intervenir à cet égard. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
    Nous avons tendance à penser principalement que les hommes qui font cela sont des monstres ou qu'ils font partie d'une catégorie à part, mais tout le monde dans cette salle connaît peut-être quelqu'un qui se livre à ce genre de comportement abusif ou coercitif, si l'on se fie aux statistiques. Il peut s'agir d'un ami, d'un membre de notre famille ou d'un voisin. Nous devons trouver des moyens d'établir de nouvelles normes sociales qui rendent ces comportements tout à fait inacceptables, donner aux gens des outils pour dénoncer des amis, des membres de la famille et des voisins afin de nous attaquer à ce problème, et envisager la justice transformatrice et la justice réparatrice.
    La plupart des gens, et c'est certes le cas dans le milieu universitaire et chez les étudiants avec lesquels je travaille, ne veulent pas faire intervenir le système de justice pénale. Ils sont à la recherche d'autres solutions. J'aimerais beaucoup qu'un solide programme soit élaboré dans ce domaine. Je sais qu'il y a des nuances, mais nous pouvons y arriver.
    J'ajouterais simplement que ce n'est pas bien vu de financer des programmes destinés aux agresseurs et aux délinquants sexuels. Cela rend les gens mal à l'aise: « Pourquoi retirer de l'argent à une cause pour le donner à un agresseur d'enfants? » C'est parce que cela nous protégera, et je pense que nous devons avoir le courage d'avoir la conversation difficile, mais importante, sur les raisons pour lesquelles nous devons investir dans la réhabilitation.
    Pour être franche, je dois dire que les batteurs de femmes font bonne figure en prison parce qu'il n'y a pas de femmes à battre. Ils ne sont pas vraiment réhabilités. On leur dit: « Regardez, vous avez été formidables. Votre comportement a été fantastique, alors nous vous libérons plus tôt. » On ne reconnaît pas qu'il ne s'agit pas seulement d'un animal qui a été violent sur un coup de tête. Il s'agissait clairement d'un comportement motivé par la misogynie. À l'heure actuelle, cette façon de penser n'est pas intégrée dans notre système correctionnel. Ce serait merveilleux si c'était le cas.
    Pour revenir à ce que disait Mme Lukasik-Foss, pendant le mouvement #MoiAussi ces dernières années, nous avons fait un travail énorme pour expliquer qui peut être une victime, mais un piètre travail pour expliquer qui peut être un agresseur. J'aimerais qu'il y ait de véritables et honnêtes conversations à ce sujet.
(1810)
    Merci.
    Merci beaucoup. Je tiens simplement à vous dire à quel point je vous apprécie toutes les deux.
    Merci.

[Français]

    Madame Vien, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à dire que le Parti conservateur est une formation politique qui croit en la réhabilitation. Cependant, nous avons un peu de difficulté à accepter que des abonnés du crime demeurent en liberté, chez eux, en attendant le prononcé de leur peine.
    Nous pensons aussi qu'il faut mener une réflexion et une discussion sur les jeunes garçons, sur la façon dont ils sont élevés, sur ce qu'on leur dit et sur le type de préjugés culturels qu'ils entretiennent.
    Cela dit, je tenais à dire que la réhabilitation est très importante pour la formation politique à laquelle j'appartiens.
    Au Québec, il y a un anniversaire très triste qui s'en vient, comme vous le savez, mesdames. Selon mes calculs, nous allons souligner le 35e anniversaire de la tuerie de l'École polytechnique, où de jeunes étudiantes en génie ayant de grandes capacités ont été tuées uniquement parce qu'elles étaient des femmes. J'avais leur âge, à cette époque, soit en 1989. C'est toujours un peu troublant d'approcher de cette date du 6 décembre.
    Madame Lalonde, vous avez dit qu'il fallait entreprendre une campagne de sensibilisation.
    De votre côté, madame Gagnon, pensez-vous que cela va donner quelque chose? Je comprends que ce n'est pas le seul moyen, mais la sensibilisation est-elle utile?
    Les campagnes de sensibilisation sont certainement des outils supplémentaires pour sensibiliser les gens au contrôle coercitif, à la fois les auteurs et les victimes. Comme on le disait plus tôt, les victimes ne réalisent pas nécessairement ce qu'elles vivent.
    Il faudrait aussi penser à une campagne visant à sensibiliser les gens qui sont témoins de ces situations afin de les inciter à agir. Cela a été abordé par Mme Lalonde, d'ailleurs, lorsqu'elle parlait des formations qu'elle offre. Nous pensons que la réaction des témoins peut être un élément clé pour soutenir les victimes.
    Il est important non seulement d'outiller les gens, mais aussi de mener des campagnes de publicité pour les inciter à agir correctement.
    Je ne vais pas parler pour le Comité, mais je pense que je vous connais assez pour savoir que vous seriez d'accord avec nous pour dire qu'il faudrait justement donner des outils aux membres de la famille. Il arrive souvent qu'ils voient des choses et qu'ils soient au courant de ce qui se passe.
     Oui, c'est très difficile, effectivement, pour les membres de la famille.
    Ils entendent des choses, et ils n'osent pas trop intervenir.
    On ne veut pas brusquer la personne, on ne veut pas perdre le lien de confiance. C'est très important de ne pas perdre ce lien.
    C'est certainement quelque chose qu'il faudrait explorer.
     Je suis certaine que le temps passe trop vite.
    Mme Ferreri a aussi parlé tantôt des enfants et de la violence. Ce qui arrive souvent, c'est que la femme part avec ses enfants pour se rendre dans un refuge.
    Madame Gagnon, ça prend combien de temps, si on y arrive un jour, à réparer, à reconstruire une femme, si je peux le dire ainsi?
    Il n'y a pas de réponse unique à cette question. Cela dépend vraiment du parcours de chaque personne. La réponse peut notamment varier en fonction des facteurs de risque et des capacités que chaque personne a déjà en elle pour se protéger.
    Certaines victimes vont se rétablir, alors que d'autres vont garder des séquelles toute leur vie. Il y a aussi des personnes qui vont vivre une croissance post-traumatique super intéressante et qui vont même ressortir grandies de leur expérience, même si cela peut avoir l'air bizarre de le dire ainsi. Il n'y a donc pas de réponse unique.
    J'aimerais juste souligner un point.
    Nous avons parlé tout à l'heure des enfants qui sont témoins et victimes de violence. Or, les enfants ne sont pas des témoins. Ce sont des victimes à part entière de la violence qui est vécue. Ils ne sont pas justes témoins de la violence. Même s'ils ne subissent pas directement les gestes de violence, ils vivent dans un climat de violence et ils en sont directement victimes.
     Madame Gagnon, j'avais l'impression tantôt que vous marchiez un peu sur la pointe des pieds au sujet d'un possible changement de comportement des auteurs d'actes de violence. Je vais vous donner l'occasion d'y revenir.
    Je n'ai pas les mots exacts, mais vous avez dit que, lorsque la police entre dans la vie des auteurs d'actes de violence, il peut y avoir un petit changement d'attitude. Ce que nous remarquons, ce que la police nous dit et ce que nous constatons d'après les statistiques, c'est qu'il arrive souvent que l'acte en question soit plus qu'une offense, plus qu'un geste posé par une personne violente.
    Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que, lorsque la police arrive dans le décor, cela a souvent pour effet de ralentir les ardeurs des auteurs d'actes de violence.
    Pouvez-vous nous parler de cela?
(1815)
     Je ne dis pas que cela ralentit les ardeurs. Je dis que c'est un moment où l'auteur de l'acte de violence peut être déstabilisé, que ce sont des circonstances particulières et que cela peut être une bonne occasion à saisir pour l'orienter vers des ressources d'aide. Si ma mémoire est bonne, il y a un processus à cet égard au Service de police de l'agglomération de Longueuil, au Québec.
    Oui, c'est exactement là.
    Il y a des ressources dans les services de police pour accompagner les personnes victimes. Nous sommes présents dans les services de police, et les services de police ont aussi des ressources consacrées aux personnes qui sont victimes de violence.
    Cependant, il faut aussi saisir cette occasion pour orienter les auteurs d'actes de violence vers des ressources. Comme il a été mentionné tantôt, la solution ultime n'est pas de les mettre en prison.
     L'expérience dont vous parliez, madame Gagnon, à Longueuil, c'était aussi à propos du trafic des personnes.
    Malheureusement, le temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    Madame Hepfner, vous avez les cinq dernières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma prochaine question s'adresse au chef Betts. Il me faudra peut-être une minute pour y arriver, cependant.
    Au début, vous avez dit que vous n'aimiez pas le projet de loi C‑75 et que vous aimeriez qu'il soit modifié. Nous savons que le projet de loi C‑75 renverse le fardeau de la preuve afin que l'accusé doive prouver au juge de paix, dans la plupart des cas, qu'il devrait être libéré sous caution. Il force également les juges de paix à considérer la violence entre partenaires intimes comme un facteur aggravant dans l'établissement des conditions de mise en liberté sous caution.
    Je me demande ce que vous changeriez dans cette mesure législative. Ce qui vous préoccupe vraiment, en fait, est‑ce la façon dont les juges de paix interprètent une loi existante? Par exemple, nous avons entendu dire au Comité que beaucoup de juges de paix ne veulent pas envoyer un accusé en prison parce que les prisons provinciales sont surpeuplées. C'est là que va un détenu libéré sous caution: dans une prison provinciale.
    La Fédération de la police nationale a récemment publié une série de recommandations à l'intention des provinces, notamment accroître la collecte et l'échange de données sur la violence entre partenaires intimes et la mise en liberté sous caution afin de mieux informer les personnes qui prennent les décisions en matière de mise en liberté sous caution. La Fédération recommande aussi de créer des systèmes de surveillance de l'application des conditions de la mise en liberté sous caution et d'établir des qualifications de base auxquelles doivent répondre les juges de paix avant leur nomination. Nous savons qu'à l'heure actuelle, il n'est pas nécessaire qu'ils possèdent une expérience juridique pour servir en tant que juges de paix.
    Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez. Que changeriez-vous précisément dans le projet de loi C‑75? Est‑ce que c'est la façon dont il est mis en œuvre dans le système juridique qui vous pose problème?
    Je vous remercie.
    Madame la présidente, par votre entremise, j'aimerais dire que de nombreux points ont été soulevés. Je vais tenter de tous les aborder.
    Tout d'abord, en ce qui concerne le projet de loi C‑75, je pense que c'est l'application qui pose problème. Nous savons que la remise en liberté suit le principe de l'échelle et que la forme de détention la moins onéreuse consiste à tenir l'individu responsable de son comportement pendant qu'il attend son procès, et des individus sont remis en liberté sur ce fondement. Souvent, cela n'aide pas les victimes dans notre communauté parce que la forme de détention la moins onéreuse, selon la nature de l'infraction, est insuffisante pour protéger notre communauté une fois que l'individu a été libéré.
    Juste pour réitérer et souligner ce que vous avez dit, c'est l'application de la loi qui pose problème, et non la loi elle-même.
    Je suis désolé. C'est aussi la loi elle-même, car c'est la façon dont elle est actuellement appliquée, mais c'est aussi la loi elle-même. En effet, elle ne nous permet pas de passer à l'échelon supérieur, qui est peut-être plus approprié pour le crime qui a été commis. C'est ce que nous faisions auparavant.
    Nous venons essentiellement d'inverser la situation, car nous laissons maintenant sortir de prison des individus que nous n'aurions pas laissé sortir auparavant. Y a‑t‑il eu surcorrection? Oui, cela a probablement entraîné une surcorrection et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que j'aimerais que des modifications soient apportées au texte législatif.
    Je crois que l'Association des chefs de police de l'Ontario, l'Association canadienne des chefs de police et de nombreuses associations de services de police ont approuvé cela. On ne dit pas que les gens ne devraient pas être libérés, mais simplement que cette loi doit être modifiée, afin de faciliter son application.
    Je pense que nous sommes tous d'accord sur le partage des données. Le partage des données relatives à la violence entre partenaires intimes est insuffisant entre les territoires de compétence, et même au sein de nos propres provinces et au‑delà des frontières. En effet, si un individu n'a pas été inculpé, la probabilité que son nom soit inscrit dans une base de données accessible à un autre service de police est pratiquement nulle, de sorte que ces individus peuvent se déplacer d'une province à l'autre et, comme nous l'avons entendu, cela pose un risque particulier pour les personnes qui vivent dans les régions rurales, car il y a un manque de ressources dans ces régions.
    Quelle était l'autre question?
(1820)
    Elle concernait les qualifications minimales pour les juges de paix.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'on devrait établir des qualifications minimales pour les juges de paix. Nous observons souvent que les policiers essaient de fournir des renseignements élémentaires aux juges de paix.
    Un peu plus tôt, j'ai parlé des crimes haineux. Il existe une définition de ces crimes dans le Code criminel. Nous avons donc une définition des crimes haineux, et si nous devons l'expliquer à un juge de paix, nous perdons notre élan et souvent, nous n'avons même pas l'occasion de le faire. Il y a de nombreuses nuances en jeu dans ce cas‑ci.
    Je vous remercie, monsieur Betts. Je vous suis très reconnaissante de vos réponses enrichissantes.
    Est‑ce que Mme Lalonde ou Mme Lukasik-Foss souhaite intervenir au sujet du système de cautionnement ou d'un autre enjeu? Je sais que M. Betts est un expert dans ce domaine et si vous préférez ne pas intervenir, je comprends tout à fait.
    En fait, le temps imparti est écoulé, et c'est ce qui met fin à la discussion avec ce groupe de témoins.
    Toutefois, j'aimerais recommander — et je vous encourage à le faire — à tous les témoins à qui l'on a posé des questions auxquelles ils n'ont pas eu le temps de répondre de nous faire parvenir ces renseignements. Les membres du Comité seraient certainement très heureux de les recevoir.
    Au nom du Comité, j'aimerais remercier tous les témoins, qu'ils soient en ligne ou dans la salle, des témoignages enrichissants que nous avons entendus aujourd'hui. Je vous en remercie à nouveau.
    Avant de lever la séance, j'aimerais aborder quelques points d'ordre administratif avec les membres du Comité. Il est actuellement 18 h 25, et nous disposons donc de quelques minutes. Cela concerne notre prochaine étude.
    Entretemps, les témoins qui sont dans la salle sont invités à rester pour les cinq dernières minutes et à assister à quelques travaux d'ordre administratif où ils peuvent partir s'ils le souhaitent. Je vous remercie encore une fois.
    Chers collègues, pour notre prochaine étude, soit l'étude sur la violence à l'égard de la communauté 2ELGBTQI, nous devons soumettre des listes de témoins à notre greffière d'ici le jeudi 7 novembre. Sommes-nous d'accord pour envoyer nos suggestions de témoins à la greffière d'ici le jeudi 7 novembre?
    Je parle de l'étude sur la violence.
    Veuillez inscrire la date sur votre calendrier. Comme je ne vois personne manifester son désaccord, je confirme que le jeudi 7 novembre est la date limite pour suggérer des témoins dans le cadre de notre prochaine étude, soit l'étude sur la violence à l'égard de la communauté 2ELGBTQI.
    En ce qui concerne le communiqué de presse, le Comité est‑il d'accord pour que la greffière et les analystes du Comité, en consultation avec la présidente, préparent un communiqué de presse qui sera publié sur le site Web du Comité au début de l'étude et lors de la présentation du rapport à la Chambre?
    Je vois qu'il y a consensus.
    Si les membres du Comité souhaitent voir une ébauche du communiqué avant sa publication, je serai heureuse de présenter une telle ébauche. Dans le cas contraire, je peux simplement aller de l'avant.
    D'accord. Je vois que vous êtes d'accord. Je vous remercie. Je vais donc procéder de cette façon.
    Ensuite, en ce qui concerne la date limite pour les mémoires soumis par le public, nous avons fait preuve d'indulgence à l'égard des mémoires au cours des deux derniers mois, mais nous devons être cohérents pour notre greffière et nos analystes. Nous voulons obtenir les renseignements dont nous avons besoin, mais nous devons aussi veiller à ce que les mémoires ne dépassent pas deux pages ou 1 000 mots. La date limite choisie serait le lundi 2 décembre, à 16 heures. Je m'en tiendrai fermement à cette échéance qui, je le répète, est le lundi 2 décembre, à 16 heures. Nous avons accordé une certaine marge de manœuvre jusqu'ici, mais nous ferons preuve de fermeté au sujet de cette date, car nous devons poursuivre nos travaux.
    Enfin, en ce qui concerne les soutiens en matière de santé mentale pour les témoins, tout le monde est‑il d'accord pour que nous offrions à nouveau ces soutiens aux témoins dans le cadre de l'étude à venir?
    Une députée: Oui, certainement.
    La présidente: D'accord. Des dispositions seront prises en ce sens.
    Deux témoins qui n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui en raison de problèmes techniques se joindront à nous lundi prochain, lors de notre prochaine réunion. Nous aurons donc un groupe de témoins complet. Nous mettrons ces renseignements à jour, afin que vous sachiez qui seront les témoins présents.
    S'il n'y a pas d'autres interventions, le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
    Une députée: D'accord.
    La présidente: La séance est levée.
    À quelle étude faites-vous référence?
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