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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 28 avril 1995

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

    Projet de loi C-43. Motion visant à la troisième lecture 11923

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES SOINS DE SANTÉ

LE CONSEIL CONSULTATIF CANADIEN SUR LA SITUATION DE LA FEMME

LA B.C. TRAPPERS' ASSOCIATION

    M. Hill (Prince George-Peace River) 11931

LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES

L'ÉCOLE DE BALLET QUINTE

LE BICENTENAIRE DU ROYAL NEWFOUNDLAND REGIMENT

LES SOCIÉTÉS SEAGRAM ET POWER CORPORATION

LA TOXICOMANIE DANS LES PRISONS

LA SCHIZOPHRÉNIE

LA SEMAINE DE SENSIBILISATION AUX DROGUES DANS PARKDALE

LES ACCIDENTS DU TRAVAIL

HOMMAGE POSTHUME À L'HON. CHARLES R. GRANGER

LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

LE CODE CRIMINEL

LE CANADIEN NATIONAL

LES SOEURS DE LA CHARITÉ D'OTTAWA

LES ACCIDENTS DE TRAVAIL

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

LES ACCIDENTS DE TRAVAIL

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

QUESTIONS ORALES

LA COMPAGNIE SEAGRAM

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11937
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11937
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11937
    M. Hill (Prince George-Peace River) 11938
    M. Hill (Prince George-Peace River) 11939

SEAGRAM

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LE PRIX DE L'ESSENCE

SEAGRAM

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11941
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11941

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 11941
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 11942

SEAGRAM

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

L'IMMIGRATION

SEAGRAM

LE PRIX DE L'ESSENCE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

LA LOI SUR LES ALLOCATIONS DE RETRAITE DES PARLEMENTAIRES

    Projet de loi C-85. Adoption des motions de présentation et de première lecture 11944

LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU LAIT

    Projet de loi C-86. Adoption des motions de présentation et de première lecture 11944

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 11944

PÉTITIONS

LE PROJET DE LOI C-58

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

L'AIDE AU SUICIDE

LES DÉLINQUANTS SEXUELS RÉCIDIVISTES

LES COUPLES HOMOSEXUELS

L'AIDE AU SUICIDE

LA PROTECTION DES ENFANTS À NAÎTRE

LE PROJET DE LOI C-240

LE BUDGET

L'ORIENTATION SEXUELLE

LA PROTECTION DES ENFANTS À NAÎTRE

LE PROJET DE LOI C-41-L'ORIENTATION SEXUELLE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

    Projet de loi C-43. Reprise de l'étude de la motion 11945
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 11955

11923


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 28 avril 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.) propose que le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui, à l'occasion de la troisième lecture du projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Comme la Chambre le sait, le gouvernement a fait une large place à cette mesure législative dans son programme plus vaste visant à restaurer la confiance dans son intégrité.

Le projet de loi C-43 faisait partie du train de mesures proposées par le premier ministre en juin dernier, pour tenir les promesses que nous avions faites dans le livre rouge. Les honorables députés se souviendront que le jour même où le projet de loi a été lu pour la première fois, le premier ministre a annoncé à la Chambre la nomination du premier conseiller en éthique au Canada. La tâche du conseiller en éthique consiste à administrer un code régissant les conflits d'intérêts révisé et plus complet.

Le premier ministre a également annoncé qu'il voulait avoir quelqu'un qu'il pourrait consulter sur les questions de conflits d'intérêts et d'éthique. Le conseiller en éthique s'occupe donc des questions d'éthique à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Dans le projet de loi C-43, il est proposé de confier d'autres responsabilités au conseiller en éthique. Il serait notamment chargé d'élaborer un code de conduite pour les lobbyistes et se verrait conférer des pouvoirs considérables lui permettant de mener des enquêtes en cas de violation du code. En d'autres termes, ce code servirait à encadrer de l'extérieur les activités des lobbyistes.

Comme le premier ministre l'a déclaré, grâce à la fusion de ces fonctions, le conseiller en éthique, et je cite: «. . .serait mieux en mesure de surveiller la situation, car il disposerait de pouvoirs véritables lui permettant de mener des enquêtes approfondies.»

[Traduction]

Une autre mesure présentée en juin dernier portait sur la politique contractuelle du gouvernement fédéral. Cette politique a été modifiée pour interdire l'utilisation d'honoraires conditionnels pour les activités de lobbying à l'égard de tout marché, subvention ou contribution du gouvernement.

Le premier ministre a dit à la Chambre qu'un code de déontologie visant les députés et les sénateurs serait adopté. Le gouvernement a l'intention de créer sous peu un comité mixte spécial chargé d'entreprendre cet important travail. Comme le leader du gouvernement à la Chambre le signalait récemment, nous serons saisis d'ici quelques jours d'une motion d'établissement d'un comité mixte spécial à cette fin.

Ces démarches s'inscrivent dans le cadre des promesses que le Parti libéral a faites aux Canadiens lors des élections générales de 1993. Nous avons dit aux Canadiens que nous rétablirions la confiance dans le processus décisionnel. De plus, nous avons promis dans le livre rouge qu'un gouvernement libéral confierait un rôle plus important aux députés dans la rédaction des mesures législatives, par l'intermédiaire des comités de la Chambre des communes.

J'ai donc deux fois plus de raisons d'être fier de la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui. Elle remplit notre promesse faite aux Canadiens, non seulement pour ce qui est de son contenu, mais aussi pour ce qui est de la manière dont les amendements à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ont été proposés. Je tiens à féliciter particulièrement le député de Fundy-Royal, pour le leadership dont il a fait preuve en tant que président du sous-comité de l'industrie, qui a examiné ce projet de loi.

La mesure dont nous sommes saisis donne au Canada la législation sur l'enregistrement des lobbyistes la plus exhaustive du monde. Par exemple, la loi fédérale américaine sur le dévoilement des activités de lobbying remonte à 1946 et ne s'applique qu'aux activités des sénateurs et des représentants. Le Congrès a essayé sans succès, l'an dernier, de rajeunir cette loi afin d'y assujettir également l'exécutif et le personnel du Congrès.

(1010)

Ni le Royaume-Uni ni le Parlement européen ne possèdent de loi qui obligent à déclarer l'objet des activités de lobbying. Seule l'Allemagne a établi une liste des représentants d'association qui font du lobbying auprès du gouvernement allemand.


11924

Le projet de loi a été renvoyé au sous-comité avant la deuxième lecture et avant que la Chambre ne vote sur l'approbation de principe du projet de loi. Le député de Fundy-Royal et ses collègues ont donc joué un rôle réel dans le processus d'amendement du projet de loi. Ils ont joui d'une marge de manoeuvre qui, je crois, deviendra la marque de commerce de nombreux comités appelés à examiner des projets de loi au cours des prochaines années.

[Français]

Les membres du comité ont apporté 13 améliorations au total. Je tiens à les féliciter de l'excellent précédent qu'ils ont établi en travaillant sous le nouveau régime. Résultat: un projet de loi grandement amélioré et un rapport du comité qui constitue en soi une première, tout comme le processus parlementaire dont ce rapport est le fruit.

Ce rapport décrit le cheminement qui a abouti aux amendements. Il englobe aussi des rapports minoritaires dans lesquels figurent des opinions dissidentes sur certains points.

[Traduction]

Je suis très heureux d'annoncer que le gouvernement a déposé, ou déposera aujourd'hui, sa réponse globale au rapport du comité intitulé «Rebâtir la confiance». Le gouvernement a été heureux de pouvoir accepter tous les amendements que le comité a proposés, ainsi que ses recommandations. J'en profite pour féliciter le comité et ses membres de l'excellent travail qu'ils ont effectué.

Le comité a apporté des améliorations importantes à toutes les parties du projet de loi: les exigences relatives à la déclaration des activités, le code de déontologie des lobbyistes, les rapports du conseiller en éthique, le système d'enregistrement et son application. Je voudrais maintenant donner à la Chambre quelques exemples de chaque catégorie.

[Français]

En ce qui concerne la première grande catégorie, soit les renseignements divulgués dans les déclarations, le comité a examiné longuement et de près la question des campagnes populaires de lobbying. Elles peuvent comporter l'envoi de lettres ou des appels téléphoniques de la part de nombreux citoyens et citoyennes.

Il arrive que de telles campagnes soient orchestrées par des lobbyistes. En vertu du projet de loi C-43 modifié, les lobbyistes devront indiquer s'ils ont utilisé, ou entendent utiliser, le lobbying populaire pour essayer d'influencer le gouvernement.

[Traduction]

Comme je le disais il y a quelque instants, par suite des modifications que nous avons apportées le printemps dernier aux règles concernant l'achat, les lobbyistes ne peuvent plus exiger des honoraires conditionnels lorsqu'ils font du lobbying pour obtenir des contrats, subventions ou contributions du gouvernement fédéral. Les modifications proposées dans le projet de loi C-43 obligent les lobbyistes-conseils à déclarer s'ils reçoivent des honoraires conditionnels pour tous les autres types de lobbying. D'autre part, les organisations qui font du lobbying auprès du gouvernement devront déclarer la provenance et le montant des sommes reçues d'un gouvernement.

Deux autres amendements proposés par le Parti réformiste ont été apportés au projet de loi à l'étape du rapport. Le premier amendement, présenté par le député d'Elk Island, oblige les clients de lobbyistes-conseils et les entreprises qui reçoivent de l'argent du gouvernement à divulguer cette information. Je me réjouis beaucoup des améliorations que ces amendements apportent au projet de loi.

Le second grand groupe d'amendements apportés par le comité concerne le code de déontologie. Le projet de loi C-43 confère au conseiller en éthique le mandat d'élaborer un code de déontologie à l'intention de ceux qui font affaire avec le gouvernement. En vertu des amendements apportés au projet de loi, un comité de la Chambre examinera le code de déontologie avant qu'il n'entre en vigueur.

De plus, les lobbyistes devront obligatoirement observer le code de déontologie, et le conseiller en éthique non seulement pourra mais devra enquêter au sujet des infractions au code. Il prendra sa décision de façon indépendante et déposera son rapport à la Chambre.

(1015)

Les rapports du conseiller en éthique constituent la troisième grande catégorie des améliorations apportées dans le projet de loi. Dans son rapport d'enquête sur une infraction au code de déontologie, le conseiller en éthique aura le pouvoir de divulguer des renseignements sur les droits et les débours associés à toute activité de lobbying, et non seulement à des contrats de l'État.

Une autre modification prévoit que le rapport d'enquête du conseiller en éthique doit comprendre ses constatations, ses conclusions et ses motifs.

[Français]

Le conseiller en éthique présentera à la Chambre un rapport annuel distinct sur ses activités concernant le lobbying.

[Traduction]

Je voudrais prendre quelques instants pour dissiper une certaine confusion, semble-t-il, qui existe au sujet des rapports du conseiller en éthique. Le conseiller en éthique doit faire rapport sur chaque enquête et présenter également un rapport annuel. Ce rapport doit ensuite être remis au registraire général qui, et je cite le projet de loi: «fait déposer le rapport devant les deux chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de chacune de celles-ci suivant sa réception». Il n'y a absolument aucun pouvoir discrétionnaire quant au dépôt du rapport. Tous les rapports du conseiller en éthique seront présentés dans leur intégralité aux deux chambres du Parlement et ceux qui concernent des enquêtes devront donner des détails sur les constatations, les conclusions et les motifs.

Les améliorations apportées au processus d'enregistrement constituent la quatrième grande catégorie. Le projet de loi C-43 reconnaît l'importance que représentent une communication et un dialogue soutenus entre les Canadiens et leur gouvernement. Les consultations officielles engagées par le gouvernement seront exemptées des activités entraînant la nécessité de s'enregistrer en tant que lobbyiste. Cette exemption répond aux préoccupations de nombreuses associations qui estiment que, si elles


11925

devaient s'enregistrer chaque fois que le gouvernement les consulte, elles passeraient tout leur temps à remplir de la paperasse. Pourtant, le comité était conscient du fait que l'exemption ne devait pas être large au point d'aller à l'encontre de l'objectif même de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

J'ai entendu l'opposition formuler des commentaires assez ridicules sur ce point en particulier. Ce qu'il faut comprendre, c'est que nous devons établir le bon équilibre. La perception de certains députés en face selon laquelle cela signifie qu'un appel téléphonique retourné par un fonctionnaire ne constitue pas du lobbying est ridicule et n'est pas défendable si on examine le libellé du projet de loi. L'exemption s'applique aux consultations que le gouvernement tient fréquemment quand il légifère, afin de recueillir les points de vue des personnes intéressées dans tous les secteurs de la société canadienne. Cette pratique est non seulement normale, mais elle devrait être bien accueillie par les parlementaires, qu'ils soient membres de l'opposition ou du gouvernement.

Selon le rapport, le directeur publie des bulletins d'interprétation pour définir précisément les circonstances. Il se sert également de ces bulletins pour clarifier les questions à mesure qu'elles apparaissent. Il sera donc possible de pallier les situations extrêmes que cite l'opposition et qui pourraient entraîner une application fautive de la loi simplement en recourant à la pratique administrative que représente la publication des bulletins d'interprétation.

Le délai de 30 jours pour les mises à jour a été modifié et les associations disposent maintenant de six mois pour présenter la déclaration. Le fardeau administratif de ces organisations se trouve ainsi allégé, puisque les objectifs qu'elles poursuivent en recourant au lobbyisme changent peu au cours d'une année. De plus, il sera possible de présenter des déclarations sous forme électronique, ce qui accroîtra l'efficacité du processus d'enregistrement tant pour les lobbyistes que pour le directeur.

Enfin, des modifications ont été apportées afin d'améliorer l'exécution de la loi. Le directeur pourra vérifier par sondage les renseignements enregistrés, et le délai pour intenter des poursuites aux termes de la loi est prolongé, passant de six mois à deux ans.

[Français]

Je suis certain que tous les députés sont d'accord avec le premier ministre et moi-même pour dire qu'il faut restaurer la confiance des Canadiens et des Canadiennes dans notre institution.

Cette confiance est essentielle si nous voulons réussir dans nos efforts en vue de réorienter et redéfinir le rôle du gouvernement.

(1020)

[Traduction]

Dans toutes ces questions, ce qui doit avant tout préoccuper les Canadiens et les parlementaires, à mon avis, c'est l'application judicieuse de la règle de droit.

Si nous tenons vraiment à préserver le respect de nos institutions parlementaires, judiciaires ou autres, nous devons faire en sorte que les procédures pertinentes soient transparentes et se prêtent à une application régulière.

Il est très facile de se lever à la Chambre des communes et, puisque l'on jouit de l'immunité parlementaire, d'attaquer l'intégrité d'autres personnes, qu'ils soient parlementaires, fonctionnaires ou autres. Il est impossible de redresser la situation, une fois qu'on a semé le doute ou porté atteinte à la réputation de quelqu'un.

Quand les députés d'opposition abordent les problèmes d'éthique, ils doivent tenir compte des questions de processus et de primauté du droit, car n'importe qui d'entre nous risque n'importe quand de se voir accusé à tort. Se lever à la Chambre, comme nous avons vu des députés le faire ces derniers jours, et porter des accusations dénuées de tout fondement, sur la base non pas de faits mais d'insinuations et de circonstances, c'est contester l'intégrité des personnes intéressées et contester également celle de nos institutions.

Le processus et la primauté du droit sont des éléments qui ont fait du Canada un pays où nous sommes tous heureux de vivre, à l'abri des abus. Voici un dossier dont nous devrions pouvoir débattre sans ambages. Je fais ici directement allusion à celui de la télédiffusion par satellite et du rapport du comité d'experts en la matière, où les discussions à la Chambre devraient sûrement pouvoir porter sur les questions de fond.

Nous voyons depuis quelques jours les députés d'en face essayer d'en faire une affaire d'éthique. Pourquoi? Uniquement par opportunisme politique, en répandant effrontément des calomnies ne reposant sur aucun fait et dénuées de tout fondement. C'est de la politicaillerie à l'ancienne. C'est à cela que se livrent depuis quelques jours à la Chambre le Parti réformiste et le Bloc québécois.

Je veux aborder directement ce dossier, car il illustre bien à quel point le processus est important. Dans le dossier de la télédiffusion à domicile par satellite, le gouvernement a eu affaire à plusieurs parties intéressées qui cherchaient à faire réviser une ordonnance d'exemption émise par le CRTC le 30 août dernier.

Il faut bien comprendre que la décision de réviser une politique a été prise en réponse à des intérêts clairement exprimés, tout à fait indépendants de ceux des parties susceptibles ou non d'en bénéficier. Plusieurs parties ont démontré clairement au gouvernement, et les événements leur ont par la suite donné raison, que l'ordonnance du 30 août avait pour effet de créer un véritable monopole sur ce service au Canada.

Comment le gouvernement devait-il réagir? En moins de quelques jours, nous avons annoncé que la politique pouvait faire l'objet d'une révision. L'ordonnance avait été émise le 30 août, mais dès le 12 septembre, nous avions fait clairement connaître notre intention à cet égard. C'est le gouvernement qui prend les décisions importantes. C'est pour cela que la population élit les gouvernements, pour prendre des décisions de principe. Il incombe au gouvernement d'arrêter les grandes orientations. Nous aurions manqué à nos responsabilités si nous avions refusé d'agir. Nous sommes donc intervenus.


11926

(1025)

Nous avons mis en place un processus transparent. Nous avons nommé, sans sectarisme aucun, trois anciens sous-ministres, des personnes dont nous respecterions les opinions et dont les compétences, l'honnêteté et l'intégrité n'ont jamais été mises en doute. Néanmoins, des députés ont pris la liberté de remettre en cause l'intégrité de ces personnes qui ont accepté de servir le gouvernement et leurs concitoyens. Sans s'appuyer sur des faits ni des données concrètes, ils ont dit que, puisque ces gens avaient été nommés pour faire partie du groupe d'experts, il y avait sûrement quelque chose de louche. Pareille chose ne devrait pas se produire dans une société démocratique. Si cela a pu arriver à ces trois personnes, des accusations semblables peuvent être portées sans preuve aucune contre moi, contre vous, monsieur le Président, et contre les députés d'en face.

Ce groupe a soumis un rapport et personne, de l'autre côté de la Chambre, ne m'a encore présenté de critique de fond sur les recommandations formulées. Au contraire, ACTRA, la Conférence canadienne des arts, l'Association des consommateurs du Canada, le Globe and Mail et le Toronto Star se sont tous prononcés en faveur de l'adoption des recommandations du rapport.

M. Epp: Comment le C-43 règle-t-il le problème?

M. Manley: Le député d'Elk Island est incapable d'attendre son tour et jacasse dans son coin. J'essaie de répondre à ses questions.

Nous avons déposé la directive à la Chambre mercredi, enclenchant ainsi un processus d'examen. À toutes les étapes de cette affaire, nous nous sommes conformés aux principes de la transparence et aux pouvoirs prévus par la loi. La Loi sur la radiodiffusion prévoit clairement le pouvoir d'émettre des directives. Un certain processus se rattache à l'exercice de ce pouvoir. C'est ce que prévoit la loi. Tout est parfaitement transparent.

J'invite les députés d'en face à critiquer le contenu de la directive et du rapport des experts. Ce que l'opposition a préféré faire, c'est de multiplier les insinuations au sujet des personnes en cause.

Le projet de loi à l'étude concerne l'éthique, les lobbyistes et la transparence. Il prévoit des principes qui peuvent guider le gouvernement dans la réalité concrète. Je ne comprends pas qu'on prétende que les gouvernements doivent se fermer à toute influence extérieure.

Certaines des propositions qui ont été soumises au comité et à la Chambre auraient pour conséquence qu'aucun fonctionnaire ou ministre ne s'entretiendrait jamais avec personne en dehors de l'administration publique. Ce serait faire obstacle au dialogue et à la transparence qui doivent exister dans une société libre et démocratique.

Le projet de loi tend à créer l'équilibre désiré. Si nous nous fondons, comme certains députés d'en face l'ont fait je crois, sur la présomption que tous les hauts fonctionnaires, tous les représentants élus et tous les ministres sont probablement malhonnêtes, cette mesure législative se révèle appropriée. Le gouvernement toutefois ne se fonde pas sur cette présomption.

Le gouvernement estime que les dirigeants sont presque tous honnêtes et cherchent à agir dans l'intérêt du pays.

Une chose que les Canadiens n'apprécient pas toujours à sa juste valeur, c'est que de nombreux entrepreneurs qui me décrivent les efforts qu'ils déploient pour pénétrer des marchés étrangers me disent que, dans le monde, les pays comme le Canada qui ont un régime politique et bureautique essentiellement non corrompu se font très rares. Nous devrions être extrêmement reconnaissants de l'honnêteté de notre régime. Le projet de loi devrait nous permettre de veiller à préserver et à protéger l'honnêteté fondamentale de notre régime gouvernemental tout en reconnaissant le fait que, dans une société démocratique, le gouvernement doit être accessible. Les gens doivent pouvoir communiquer avec les représentants du gouvernement pour les consulter.

(1030)

La mesure législative se fonde aussi sur l'hypothèse que le lobbyisme n'est pas toujours répréhensible et que les lobbyistes ne sont pas tous des gens foncièrement mauvais. Certains députés d'en face pensent que le mot lui-même revêt une connotation négative. À en juger d'après certaines interventions faites au cours du débat, il semble que certains députés veuillent éliminer le lobbyisme. Cela n'aurait pas de graves conséquences pour les grandes entreprises qui peuvent toujours trouver d'autres façons de transmettre leur message. Cependant, les petites entreprises, disons de la Saskatchewan, qui n'ont pas facilement accès au gouvernement d'Ottawa ou d'ailleurs ont parfois besoin des conseils et de l'aide de lobbyistes professionnels. Cette fonction est utile. Je le répète, il arrive souvent que les gouvernements aient besoin de consulter les gens.

Un régime ouvert nous permettrait d'établir l'équilibre nécessaire. C'est exactement ce que vise ce projet de loi, un équilibre adéquat. Si nous voulons nous débarrasser à tout jamais des lobbyistes, il est sûr que le projet de loi ne va pas assez loin, parce qu'il n'interdit pas le lobbyisme. La mesure législative veille à ce que les activités des lobbyistes soient assez transparentes pour garantir l'intégrité de notre régime sans toutefois imposer aux dirigeants ou aux bureaucrates des obligations lourdes qui les inciteraient à éviter de parler aux gens de l'extérieur et à rester confinés dans leur tour d'ivoire, ici, à Ottawa.

L'équilibre est une question qu'il nous faut débattre. Avons-nous trop penché d'un côté ou de l'autre? C'est un sujet de discussion légitime. C'est une erreur de préconiser une solution extrême comme l'élimination pure et simple du système. À mon avis, nous arrivons à un juste équilibre dans ce projet de loi.

Je pense que cette mesure vise aussi l'intégrité et l'honnêteté. Le système doit être très clair. Nous devons aspirer à la transparence, et lorsque des questions d'intégrité ou d'éthique se poseront, nous serons en mesure d'y répondre.

J'invite les députés à ne jamais oublier que celui qui accuse aujourd'hui pourrait fort bien se retrouver au banc des accusés


11927

demain. Les députés devraient y penser à deux fois avant de faire des accusations qui ne reposent pas sur des faits, mais plutôt sur des insinuations ou des facteurs circonstanciels et avant de ternir ainsi la réputation de quelqu'un, ce qui est finalement le bien le plus précieux que nous ayons à préserver.

[Français]

Je suis persuadé que les membres de tous les partis représentés à la Chambre des communes réserveront un accueil favorable à la mesure législative que nous avons devant nous et qui s'apprête à franchir l'étape de la troisième lecture.

Le projet de loi C-43 est le fruit des travaux des comités précédents et des témoignages de tous les intéressés. Le projet de loi C-43 accroîtra la transparence du gouvernement.

[Traduction]

Il permettra de renforcer considérablement les pouvoirs du conseiller en éthique. Mais ce qui est peut-être plus important encore, c'est que, grâce à cette mesure, les représentants élus des Canadiens auront davantage leur mot à dire dans la création de lois qui rétabliront la confiance de la population dans leur gouvernement.

J'espère que tous les députés se joindront à moi pour voter en faveur de l'adoption du projet de loi C-43.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, lorsque le gouvernement a fait l'annonce de son désir de procéder à des modifications de la Loi concernant l'enregistrement des lobbyistes, il nous était loisible de penser que le gouvernement était sincère. Il nous était permis d'espérer que ceux qui avaient dénoncé les conservateurs pendant près de dix ans sur leur intrégrité, sur leur façon de faire, sur leur méthode de prendre des décisions, présenteraient à la Chambre un projet de loi qui jetterait un peu de lumière dans l'antichambre du pouvoir occulte de ce Parlement.

(1035)

Pourtant, le 16 juin 1994, lors du dépôt du projet de loi C-43 qui devait modifier la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et d'autres lois en conséquence, nous devions nous raviser. Le gouvernement libéral, ces mêmes députés libéraux qui dénonçaient les pratiques incestueuses du cercle fermé du régime lorsqu'ils étaient dans l'opposition, semblait désormais s'en accommoder, en présentant une législation aussi légère que pleine de voeux pieux.

Il faut croire qu'une fois les deux mains dans l'assiette au beurre, les libéraux ont oublié leurs discours du temps où ils siégeaient sur les banquettes de l'opposition. Nous avons devant nous un projet de loi sans mordant, inodore, incolore et sans saveur, tout le contraire de ce que nous attendions. Pourtant, les institutions démocratiques font actuellement face à une crise de confiance chez la population. Jamais, dans la courte histoire de notre démocratie, les dirigeants publics n'ont été perçus avec autant de cynisme de la part de leurs électeurs. Tous s'entendent sur la nécessité de rétablir un lien de confiance entre les gouvernements et la population.

Lors de la dernière élection fédérale, le Parti libéral du Canada avait contracté l'engagement de réformer les institutions de manière à rendre leur fonctionnement plus transparent. D'ailleurs, le livre rouge du Parti libéral, le fameux livre rouge dont on entend parler si régulièrement, soulignait à la page 90, et je vais vous le citer: «L'intégrité du gouvernement est mise en cause chaque fois que la population a le sentiment que les lobbys déterminent les politiques de l'État, en exerçant une influence démesurée dans les coulisses.»

Malheureusement, une fois au pouvoir, le gouvernement libéral a considérablement dilué ses engagements. Pareille volte-face soulève, dans l'esprit de la population, un questionnement légitime sur le réel désir du gouvernement libéral de légiférer dans la profession des marchands d'influence. Entre les engagements électoraux et la concrétisation législative, force nous est de constater que les lobbyistes ont, sans aucun doute, dicté la version finale du projet de loi C-43 et la palinodie des libéraux qui en résulte.

Je suis d'avis que pour l'intégrité de nos institutions démocratiques, il faut d'abord que cessent les engagements stériles qui leurrent les électeurs. Il faut également que l'administration des affaires de l'État soit plus transparente, de manière surtout à éliminer les zones grises et à assurer à la population que les décisions en matière de politique publique reflètent les intérêts généraux de la population et non ceux de lobbies puissants.

Tous conviennent de la nécessité de mettre fin à la crise de confiance que la population vit par rapport à ses institutions. Malheureusement, après seulement 18 mois de pouvoir, le dossier du gouvernement Chrétien en matière de transparence est déjà chargé. On se rappellera que le 26 septembre 1994, la presse canadienne faisait état de documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information qui démontraient que les lobbyistes avaient multiplié les rencontres dans les mois qui ont précédé la présentation du projet de loi C-43, et que d'autres avaient promis d'intenter des poursuites judiciaires si la nouvelle loi les contraignait à divulguer leurs relations politiques.

Dans ce cas comme dans plusieurs autres, le manque de transparence a empêché la population de connaître l'étendue et la nature des démarches des lobbies relativement au projet de loi C-43, avant que la nouvelle n'éclate dans les médias. Le titre du quotidien La Presse donné à cet article était fort éloquent: «Les lobbyistes ont repoussé avec succès le carcan qu'Ottawa voulait leur imposer». Drôle de situation. Les lobbyistes ont réussi à influencer la loi qui devait limiter leur influence. Devant pareille conclusion, le besoin de transparence n'a jamais été aussi criant.

Vous savez, monsieur le Président, il ne faut pas prendre la population pour des valises. Ils se souviennent très bien des promesses des libéraux et du livre rouge. À cet effet, un témoin que nous avons entendu en comité, M. Duff Conacher, coordonnateur de Démocratie en surveillance est venu rafraîchir la mémoire des libéraux en ces termes. Je sais que les députés d'en face n'aiment pas qu'on leur rappelle certaines choses qu'ils ont dites, surtout lorsqu'ils agissent avec hypocrisie devant un sujet aussi important, mais je vais les inviter à écouter quand même la citation de cette personne, qui a très bien étudié la question et qui suit le gouvernement. «Nous souhaitons vous rappeler ces promesses et cette exigence. Nous espérons que vous allez non seulement saisir l'occasion que vous avez, mais aussi contribuer au respect de ces promesses et de cette exigence à l'occasion de vos délibérations sur le projet de loi C-43.»


11928

(1040)

Il faut aussi se souvenir de tout l'historique législatif. Le comité Cooper et le comité Holtmann vous ont précédés. Tous deux ont proposé des mesures qui allaient plus loin que celles du projet de loi C-43. Maintenant, ces mêmes libéraux vont venir se péter les bretelles en disant qu'on va plus loin que tout le monde!

Cependant, il faut être honnêtes et avouer que le projet de loi C-43 apporte certaines améliorations au régime d'encadrement des lobbyistes. Il est vrai qu'il n'était pas bien difficile d'améliorer l'actuelle loi, puisqu'elle était si permissive que les futés lobbyistes s'en soustrayaient sans aucun problème.

Du côté du gouvernement, les libéraux devraient reconnaître, quant à eux, que les engagements du livre rouge ont été fortement dilués, tellement dilués que le projet de loi C-43, dans sa forme actuelle, n'est pas susceptible de prévenir des événements troublants comme ceux entourant la privatisation de l'aéroport Pearson ou l'affaire Dupuy, ancienne et récente. On ne pourra rien savoir de plus avec ce projet de loi C-43 que ce que nous avons devant nous.

Pire, M. Mitchell Sharp-qui est cet individu? C'est le conseiller principal auprès du premier ministre sur les questions reliées à l'éthique-a avoué devant le comité: «Même si la loi découlant du projet de loi C-43 avait été en vigueur au moment des pourparlers sur la privatisation des terminaux 1 et 2 de l'aréoport Pearson, le public n'aurait rien appris de plus.»

À quoi donc servira le projet de loi C-43? À quoi donc servira la loi découlant de ce projet de loi, si nous ne pouvons même pas savoir quelles sont les irrégularités administratives, si on ne peut même pas savoir quels sont les scandales qui entourent tout cela? Le gouvernement a rédigé le projet de loi C-43 à cause de certains événements, dont l'affaire Pearson. Il rédige un projet de loi dans lequel nous n'aurons aucune information supplémentaire. Que font-ils? Pourquoi font-ils un projet de loi semblable?

Ce que la population est en droit d'obtenir, les législateurs et les députés de cette Chambre ne peuvent le leur donner en raison de l'attitude du gouvernement et précisément en raison de l'attitude du ministre de l'Industrie.

La population a droit de savoir, entre autres choses, qui influence le gouvernement, qui, du gouvernement, se fait influencer, pourquoi on tente de l'influencer et surtout à quel prix. Les libéraux refusent donc à la population, aux contribuables qui paient des taxes et des impôts un droit légitime et démocratique de savoir.

L'opposition officielle a été diligente. On a été aux aguets. L'opposition a rapidement dénoncé la timidité des libéraux dans sa volonté d'encadrer les activités des lobbyistes afin d'obtenir de la transparence dans la gestion des affaires de l'État. Je peux croire que cela offusque les libéraux parce qu'on a été diligents et qu'on a fait notre job d'opposition officielle.

Dans le but de corriger l'orientation de ce projet de loi, j'ai moi-même proposé plus de 24 amendements en comité. Une série d'amendements qui n'étaient motivés que par le souci de la transparence. Le ministère de l'Industrie avait donné mandat à son escouade de réserve libérale de battre tous les amendements de l'opposition officielle. J'utilise le terme «escouade de réserve» parce que les libéraux présents, le mardi 14 mars dernier, ont voté contre mes amendements, sans pour autant être en mesure de dire pourquoi.

L'absurde a atteint son apogée lorsque ces mêmes libéraux n'étaient même pas capables d'expliquer leurs propres propositions d'amendement esthétique. C'est vrai, dans les faits, ce sont les fonctionnaires du ministère qui expliquaient les modifications présentées par les libéraux. Il faut le faire! Je connaissais le bouffon de cette Chambre, je connais les marionnettes ministérielles du premier ministre, mais aujourd'hui, je connais certains pions du ministre de l'Industrie. Il n'y a rien de valorisant là-dedans pour les membres du gouvernement.

Le mardi 25 avril dernier, l'opposition présentait de nouveau, à l'étape du rapport, avec une formulation différente, plus de 30 motions d'amendement visant encore une fois à améliorer le projet de loi. On tentait une autre fois de donner une chance au gouvernement de modifier ce projet de loi pour atteindre l'objectif qu'on s'était donné.

(1045)

Tous les amendements furent, encore une fois, battus par le gouvernement libéral. Au total, dans ce projet de loi, on aura présenté plus de 60 propositions d'amendement; ils ont tous été rejetés. Les 60 amendements ont été systématiquement refusés par le gouvernement. Les libéraux ont donc dit 60 fois non à la transparence. Ils ont dit 60 fois non à l'intégrité gouvernementale. Ils ont dit 60 fois non à l'éclairage des activités des marchands d'influence. À vous qui écoutez de tirer vos propres conclusions.

L'attitude du gouvernement est incompréhensible puisque les amendements présentés par le Bloc québécois n'avaient comme but, en bout de ligne, que de lui permettre de respecter ses propres engagements électoraux. Ceci a d'ailleurs été reformulé en juin dernier par le premier ministre à l'effet que le projet de loi C-43 servirait à donner à l'administration fédérale une transparence sans précédent. Malheureusement, je dois conclure que nous avons été bernés et je ne suis pas le seul à le penser. Autant la presse francophone qu'anglophone le souligne.

M. Gilles Lesage, éditorialiste au journal Le Devoir mentionnait il y a quelques mois ce qui suit, et je vais vous le lire: «Le Bloc québécois estime avec raison que le projet de loi de M. Manley dilue énormément les engagements pris par les libéraux dans leur fameux livre rouge. Maintenant qu'ils sont au pouvoir, ils doivent tout mettre en oeuvre pour respecter ces promesses.


11929

Ainsi que l'opposition le fait valoir, il est urgent de mieux encadrer les actions des lobbyistes pour assurer une plus grande transparence dans les prises de décisions du gouvernement, et pour éviter que les plus fortunés jouissent, par le truchement des marchands d'influence, d'un accès indu aux décideurs.»

Par cet éditorial, M. Lesage soulevait très bien l'enjeu du projet de loi actuellement devant nous. Du dépôt du projet de loi jusqu'à aujourd'hui à la troisième lecture, le gouvernement n'a rien ajouté pour donner plus de mordant à la loi qui en découlera.

Le gouvernement s'est limité à pouponner, à saupoudrer certains amendements esthétiques sur ce projet de loi par du maquillage législatif sans aucune conséquence pour le but recherché.

Le Bloc québécois avait relevé, dès le début, suite à l'étude de ce projet de loi, huit failles majeures pour lesquelles nous avons apporté des solutions législatives. Vous savez, bien souvent, le gouvernement nous dit: Oh, oui, l'opposition officielle, vous critiquez mais vous ne proposez jamais rien. On a proposé 60 amendements, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour modifier, pour améliorer ce projet de loi. L'amélioration était dans un but très précis, au niveau des huit failles de ce projet de loi que nous avions détectées très rapidement.

Les huit failles sont les suivantes: la première, très importante au niveau du conseiller à l'éthique. Je vais vous les énumérer et ensuite je les détaillerai davantage. La première, le conseiller en éthique; la deuxième, les catégories de lobbyistes; la troisième, l'obligation de divulgation en ce qui touche les contrats, les honoraires de lobbyistes, la prise de contact avec les ministres et les hauts fonctionnaires, les liens politiques des lobbyistes, les coalitions, également les honoraires conditionnels. Une autre faille, les déductions fiscales pour les frais de lobbying.

Cette loi ne contient aucune disposition anti-évitement, code régissant la conduite des titulaires de charges publiques; et finalement un beau code de déontologie qui ne sera pratiquement pas appliquable, et je vais y revenir dans mon dernier point.

Il y a donc huit points majeurs dans lesquels le projet de loi ne va pas assez loin, ou il n'en est même pas fait mention dans le projet de loi C-43.

Je pourrais vous en parler pendant des heures de ce projet de loi, et surtout des attentes des contribuables et des inquiétudes de la population, parce que j'ai suivi assidûment les travaux du comité, parce que mon idée n'était pas faite avant d'entendre les préoccupations des électeurs, parce que mon seul but était de répondre aux interrogations du Canada anglais et surtout du peuple du Québec, et non pas de satisfaire et d'exempter la classe privilégiée qui a les moyens de se payer des lobbyistes sur la colline parlementaire.

Je tenterai, dans les limites du temps qui m'est imparti, d'exposer clairement chacune des failles du projet de loi que j'ai relevées. La première faille, comme je l'ai mentionné, porte sur le conseiller en éthique. Lorsqu'on se rappelle les troublantes affaires d'intervention du ministre du Patrimoine auprès du CRTC, lorsqu'on se rappelle de l'affaire Ritter, ce haut fonctionnaire du ministère de la Santé qui, toujours sur la liste de paye du ministère, faisait en même temps du lobby auprès de ses collègues de travail pour vendre les mérites de la somatotrophine bovine.

(1050)

Lorsqu'on pense à l'affaire Pearson, à l'affaire de l'achat d'hélicoptères, l'affaire Augusta, aux récentes et accablantes positions du premier ministre et de son Conseil des ministres pour avantager Power Corporation et par le fait même le gendre du premier ministre, lorsqu'on pense à tout ça, lorsqu'on examine l'attitude du gouvernement face au voyage en catimini du ministre du Patrimoine à Los Angeles avec M. Edgar Bronfman de la compagnie Seagram, il y a de quoi s'interroger, il y a de quoi être inquiets.

Il y a d'autant plus de quoi s'interroger lorsque le premier ministre ne fait même pas appel à son conseiller en éthique ou encore lorsque le premier ministre fait appel à son conseiller et qu'il refuse systématiquement de nous dire, en cette Chambre, les conseils qu'il a reçus du conseiller, lorsqu'il refuse de dire en cette Chambre, aux élus du peuple, les recommandations de son conseiller en éthique.

Toute cette mise en scène déplorable démontre amplement que le conseiller en éthique ne jouit pas de l'indépendance nécessaire pour assumer un rôle aussi important et fondamental que celui de chien de garde de la transparence de l'administration fédérale. Le premier ministre a simplement voulu se doter d'un conseiller supplémentaire. L'écran de fumée ne fait que camoufler la vérité.

La nomination n'est donc qu'un leurre destiné à donner l'impression à la population que le gouvernement bouge et prend des mesures concrètes et réelles pour restaurer l'intégrité des institutions canadiennes. Dans les faits, le conseiller ne mène que des enquêtes secrètes et ne se rapporte qu'au premier ministre. Qu'est-ce que cela nous donne à nous, les élus? Qu'est-ce que cela donne à la population canadienne d'avoir cela? Absolument rien.

Or, pour le Bloc québécois, l'éthique, la transparence et la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et dans la gestion des affaires de l'État ne sont pas des questions qui appartiennent à un parti politique, à un gouvernement ou encore à un premier ministre, mais bien aux institutions démocratiques, à la Chambre des communes et aux représentants légitimes du peuple.

À cet égard, l'un des témoins vedettes du gouvernement, M. Simon Reisman, président de Ranger Oil Limited, est venu corroborer l'approche du Bloc québécois en ces termes-et je vous le cite parce que c'est extrêmement important ce qu'il disait au président du comité qui était un libéral et qui devait faire rapport au ministre: «Si nous voulons adopter un code de déontologie pour réglementer le comportement des lobbyistes, il faut que nous le fassions, dans la mesure du possible, en dehors de considérations d'ordre politique. Je pense qu'une bonne façon de le faire consisterait à faire nommer le conseiller en éthique par le Parlement plutôt que par le gouvernement au pouvoir. Ainsi, on a plus de chance d'avoir un agent plus objectif. S'il est nommé par le Parlement, il doit rendre des comptes au Parlement. C'est du moins ce que nous recommandons.»


11930

Il poursuit en disant: «Il y a aussi une autre raison pour laquelle il devrait, à mon avis, relever du Parlement et être comptable devant le Parlement. Ainsi, nous avons des députés démocratiquement élus qui ont pour tâche de légiférer et d'exercer un droit de regard sur notre législation. Ce sont eux qui sont les mieux placés dans notre régime démocratique pour veiller à prévenir les abus de pouvoir. Le conseiller en éthique sera, sans contredit, un personnage très puissant.» C'est un témoin vedette du gouvernement qui est venu, à leur invitation, leur dire cela en pleine face. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi C-43 qui corresponde aux recommandations de ce témoin.

Personnage très puissant, ce conseiller en éthique au service du gouvernement et servant les fins du gouvernement? Je ne pense pas que ce soit cela que les contribuables souhaitaient obtenir des promesses électorales libérales. Un conseiller en éthique soit, mais avec des pouvoirs d'enquête et dédouané de la tutelle du premier ministre. C'est cela que la population voulait. Évidemment, un conseiller en éthique parfaitement indépendant qui doit rendre des comptes au Parlement doit, par conséquent, tenir des enquêtes publiques et faire rapport à la fois des démarches, des conclusions et des raisons motivant ses conclusions à la Chambre des communes.

(1055)

Également, pour terminer dans cette faille-là que je relève, je suis très préoccupé par l'absence de pouvoir d'exécution confié au conseiller en éthique par le projet de loi C-43. Je crains que le conseiller ne soit qu'un agent de la circulation qui ne pourra pas donner une seule contravention. À entendre les libéraux ces derniers jours et la façon dont ils agissent, ils veulent avoir un système avec des portes closes afin de pouvoir faire le patronage comme ils veulent, sans que personne ne sache véritablement ce qui se passe. Je pense que c'est ce qui arrive présentement dans l'actualité. C'est une drôle de circonstance que le projet de loi C-43 tombe en plein dans ce scandale-là.

La deuxième faille, et elle est également extrêmement importante, démontre le changement de cap des libéraux au niveau des catégories de lobbyistes. En juin 1993, un comité parlementaire avait étudié la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et recommandait, entre autres, que la distinction entre lobbyistes de la première catégorie et de la deuxième catégorie soit éliminée. C'était même la première recommandation du rapport Holtmann. Les membres signataires de ce rapport dont le député de Glengarry-Prescott-Russell, le député de Saint-Boniface, le député de Kingston et les Îles, le député de Broadview-Greenwood, tous dans l'opposition à cette époque, étaient en accord avec le principe de l'élimination des catégories. J'imagine que nous n'allez pas nier cela. Vous n'allez pas nier votre signature apposée au rapport Holtmann. Vous l'avez signé et vous étiez d'accord avec ses recommandations. Aujourd'hui, ces mêmes députés qui sont whip du gouvernement, secrétaire parlementaire du ministre du Revenu, leader adjoint du gouvernement et, même dans le dernier cas, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, font faux bond.

Des voix: Bravo!

M. Bellehumeur: Deux discours: un discours quand on est dans l'opposition et un autre discours quand on est au gouvernement. C'est effrayant.

En effet, ils ont tous voté contre mon amendement qui avait comme but de fondre toutes les catégories de lobbyistes en une seule catégorie. Je m'explique mal le recul des libéraux par rapport à leur propre position et engagement électoral. Ce qui était mauvais il y a deux ans l'est encore aujourd'hui. Des témoins sont venus l'affirmer aux membres du comité qui étudiait le projet de loi C-43. Un lobbyiste, c'est un lobbyiste, qu'il soit de la première, deuxième ou troisième catégorie. C'est pour cela que nous devrions retrouver dans le projet de loi C-43 une seule et même catégorie pour tous les lobbyistes au Canada.

Cette position, sans doute, ne devait pas plaire aux lobbyistes et bailleurs de fonds du Parti libéral. C'est sans doute la seule explication de l'élasticité de la conscience actuelle des membres du gouvernement.

Une autre faille relevée, c'est au niveau de l'obligation de divulgation. Encore là, j'ai tenté de faire modifier le projet de loi pour obliger les lobbyistes à divulguer les vraies affaires, à divulguer les vraies informations pour lesquelles nous pourrions enquêter, pour lesquelles nous pourrions voir ce qui se passe dans ce gouvernement-là.

Le scandale de l'aéroport Pearson de Toronto a amplement démontré le laxisme des règles actuelles de divulgation. On se rappellera que le contrat de privatisation a été signé en pleine campagne électorale fédérale en 1993 et qu'une enquête fut instituée pour faire la lumière sur cette transaction. Le rapport Nixon fut remis au gouvernement le 29 novembre 1993 et faisait état de malversation de la part des lobbyistes, des fonctionnaires et d'adjoints politiques. Cependant, le rapport soulève plusieurs autres questions auxquelles nous n'avons pas obtenu de réponse. Entre autres, qui sont les lobbyistes qui ont manqué d'éthique la plus élémentaire? Quand ces événements se sont-ils produits? En quoi ont-ils agi, soit illégalement, directement ou indirectement? Avec le projet de loi C-43, nous n'aurons quand même pas de réponse à ces questions.

Je vois que mon temps de parole est interrompu par la période de questions.

Le président suppléant (M. Kilger): Oui. L'honorable député de Berthier-Montclam pourra continuer après la période des questions et des affaires courantes ordinaires. À la reprise du débat sur le projet de loi C-43, il aura encore 15 minutes pour compléter ses remarques.

[Traduction]

Comme il est 11 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant à la période réservée aux déclarations de députés, conformément à l'article 31 du Règlement.

11931


11931

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, hier, le Parti réformiste a fait valoir à la Chambre que notre système de soins de santé devrait être partiellement privatisé, permettant ainsi l'imposition de frais d'utilisation.

Pareille proposition remet en question la crédibilité du chef de ce parti qui, au cours de la dernière campagne électorale, a déclaré: «Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que le Parti réformiste n'est pas en faveur de la privatisation du régime de soins de santé ni de l'imposition de franchises ou de frais d'utilisation.»

Les Canadiens sont conscients qu'il faut accroître l'efficacité du régime, mais nous ne pouvons pas abandonner ses cinq principes. Notre défi consiste à mettre en équilibre la responsabilité financière et le maintien du régime d'assurance-maladie public, ainsi qu'à élaborer d'autres méthodes de traitement efficaces tout en contenant la hausse des coûts.

Les frais d'utilisation, comme les zombies, ne doivent pas être ressuscités. Nous ne pouvons pas avoir un régime pour les riches et un autre pour les pauvres. Nous ne pouvons pas laisser le Parti réformiste enfoncer un pieux dans le coeur de notre régime d'assurance-maladie public. Au contraire, il faut travailler ensemble pour le renforcer et non le détruire. Notre régime d'assurance-maladie restera le joyau de nos programmes sociaux reflétant l'âme même de notre pays.

* * *

[Français]

LE CONSEIL CONSULTATIF CANADIEN SUR LA SITUATION DE LA FEMME

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, plusieurs voix respectueuses de la démocratie et du milieu des arts se sont élevées pour protester contre la décision du ministère de l'Immigration concernant la demande de visa de la cinéaste Hafsa Zinaï Koudil.

Cette cinéaste n'avait qu'un but en tête lorsqu'elle a présenté sa demande. Elle voulait dénoncer, à l'aide d'un film, l'attitude des intégristes musulmans sur le port du hijab et l'oppression dont sont victimes les Algériennes.

Or, dans le choeur des protestataires, il manquait une voix importante, celle du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Le Conseil n'aurait sûrement pas manqué de dénoncer publiquement le caractère inéquitable et injustifié de la décision du ministère. Cette voix crédible et écoutée s'est malheureusement tue à cause d'une décision aberrante du ministre des Finances lors de son dernier Budget. Il s'agit là encore d'un exemple de l'insensibilité de ce gouvernement à la cause des femmes.

[Traduction]

LA B.C. TRAPPERS' ASSOCIATION

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, à la fin de la 50e assemblée annuelle de la B.C. Trappers' Association tenue récemment à Prince George, des porte-parole de cette association m'ont fait connaître leurs préoccupations à l'égard du projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

Ils craignent que l'enregistrement de toutes les armes à feu et l'interdiction de certaines d'entre elles, comme le propose le gouvernement, n'imposent un fardeau déraisonnable aux piégeurs, aux chasseurs et aux autres citoyens respectueux des lois.

Ils estiment également que les mesures de contrôle touchant les armes à feu, les munitions et les propriétaires légitimes d'armes à feu, qui sont proposées dans le projet de loi C-68, constituent une attaque contre les libertés traditionnelles qui sont au coeur de notre histoire et de notre culture.

Par conséquent, ils ont demandé à leurs députés provinciaux et fédéraux de lutter en priorité contre ces éléments du projet de loi et contre toute variante qui pourrait être proposée. En tant que député fédéral de la Colombie-Britannique, j'ai bien l'intention de continuer cette lutte.

* * *

LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, des discussions sont actuellement en cours en vue de la reconduction du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Ce traité est entré en vigueur en 1970 pour une période de 25 ans. Les États non dotés d'armes nucléaires qui ont signé le traité, comme le Canada, se sont engagés à ne pas se doter de telles armes. Quant aux pays possédant des armes nucléaires, comme les États-Unis et l'Union soviétique, ils se sont engagés, en vertu de l'article VI, à réduire leur arsenal nucléaire, ce qu'ils n'ont pas fait. Ainsi, les États non dotés d'armes nucléaires ont respecté le traité et n'ont pas mis au point d'armes nucléaires, mais les États possédant de telles armes n'ont pas respecté l'article VI du traité.

En 1970, les États dotés d'armes nucléaires possédaient 8 000 armes de ce genre. En 1990, ils en possédaient 50 000. Ces États et leurs alliés veulent maintenant reconduire le traité indéfiniment sans mécanisme visant à assurer le respect de l'article VI. À cause de cela, plusieurs pays non dotés d'armes nucléaires sont contre la reconduction du traité. Cet important traité est donc compromis.

Je prie instamment le gouvernement et ses alliés de réexaminer leur position et de faire preuve d'une plus grande flexibilité. Le monde ne peut pas tolérer une autre course aux armements nucléaires.

* * *

L'ÉCOLE DE BALLET QUINTE

M. Lyle Vanclief (Prince Edward-Hastings, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre


11932

hommage aux professeurs et aux élèves de l'école de ballet Quinte, située à Belleville.

Au cours des 22 dernières années, l'école de ballet Quinte s'est bâtie une excellente réputation grâce à la qualité de son enseignement et à son professionnalisme. La philosophie de l'école est fondée sur le principe selon lequel tout élève qui désire danser peut recevoir la meilleure formation possible dans ce domaine.

Je veux tout particulièrement rendre hommage au directeur artistique et fondateur de l'école, M. Brian Scott, pour son dévouement, ses efforts infatigables et son excellence artistique.

Cette école, qui est l'une des quatre écoles de danse privées au Canada, ne reçoit aucun financement du gouvernement.

Les élèves de l'école sont formés tant au ballet classique qu'à la danse contemporaine et, une fois diplômés, ils se joignent à des troupes professionnelles, dont le Ballet national du Canada.

Vendredi soir prochain, le 5 mai, les élèves de l'école de danse Quinte présenteront leur quatrième spectacle printanier annuel ici même, à Ottawa, au Centerpoint Theater. J'encourage mes collègues et tous les amateurs de danse à assister à ce spectacle.

* * *

(1105)

LE BICENTENAIRE DU ROYAL NEWFOUNDLAND REGIMENT

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de faire savoir à la Chambre que le Royal Newfoundland Regiment célébrera son 200e anniversaire le 25 avril. C'est le plus ancien régiment d'Amérique du Nord et, aujourd'hui, il forme une unité d'élite de la réserve canadienne.

Le Newfoundland Regiment peut tirer fierté de son service pendant la Guerre de 1812, la Première Guerre mondiale et, plus récemment, dans l'ancienne Yougoslavie. Pendant la Première Guerre mondiale, Terre-Neuve était parmi les composantes du Commonwealth qui ont recruté et envoyé au combat le plus grand nombre de soldats par habitant. Malheureusement, nous avons aussi un nombre très élevé de pertes. À la bataille de Beaumont-Hamel, le Royal Newfoundland Regiment a perdu 91 p. 100 de ses effectifs. Le commandant a cependant loué le courage de ses soldats en disant qu'ils étaient les meilleurs parmi les meilleurs. Cette parole est devenue la devise officieuse du régiment.

Les soldats du Royal Newfoundland Regiment représentent bien la population de Terre-Neuve. Ils sont travailleurs et endurants, mais possèdent un sens de l'humour qui leur permet de traverser les épreuves les plus difficiles.

Je félicite le régiment qui fête un anniversaire extraordinaire.

[Français]

LES SOCIÉTÉS SEAGRAM ET POWER CORPORATION

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, les révélations concernant les liens d'amitié et de favoritisme qu'entretiennent les ministres du gouvernement avec les sociétés Seagram et Power Corporation laissent présager le pire.

Il y a trois semaines, le ministre du Patrimoine était présent lors de l'annonce par le président de Seagram de sa proposition d'achat de MCA. Lundi dernier, pour la première fois de l'histoire, le gouvernement annulait une décision du CRTC afin d'aider une filiale de Power Corporation dirigée par le gendre du premier ministre.

Les relations incestueuses des libéraux avec les milieux d'affaires ressortent de plus en plus. Les ministre de ce gouvernement considèrent que l'État leur appartient et en font profiter leurs petits amis. Autrefois, dans le Haut-Canada, on désignait par le terme «family compact» ce genre de relations incestueuses entre la politique et les affaires. Aujourd'hui, c'est la clique libérale qui mène le Canada et c'est Power Corporation qui en est la maison mère.

* * *

[Traduction]

LA TOXICOMANIE DANS LES PRISONS

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, pendant l'interruption de Pâques, j'ai visité la prison à sécurité maximale d'Edmonton pour mieux comprendre le fonctionnement de cet établissement. J'ai été choqué d'apprendre que la toxicomanie était très répandue chez les détenus. Lorsque j'ai demandé comment cela se pouvait, on m'a dit que les drogues étaient introduites en cachette par les visiteurs.

Ma première réaction a été de penser qu'il fallait mettre fin aux visites dans les prisons à sécurité maximale. Le directeur a reconnu que c'était la solution qu'il préconisait. Si les prisonniers veulent des visites, qu'ils en gagnent le droit par leur bonne conduite. Ils pourraient alors être transférés dans des établissements à sécurité moyenne.

Quelle est la solution du Service correctionnel du Canada? Elle consiste à donner aux détenus de l'eau de javel pour qu'ils puissent nettoyer leurs aiguilles. Pour moi, c'est là de la bêtise à l'état pur. Pourquoi ne pas abolir les droits de visite pour régler le problème?

* * *

LA SCHIZOPHRÉNIE

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, cette semaine, la Société canadienne de schizophrénie a lancé une campagne de sensibilisation à cette maladie très tragique. J'étais heureuse d'accepter l'iris que je porte aujourd'hui comme symbole d'espoir et de foi dans un avenir meilleur pour les personnes atteintes de schizophrénie.


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Un lit d'hôpital sur douze est occupé par un schizophrène. Le coût de cette maladie est estimé à au moins 4 milliards de dollars par an, sans parler du tribut incalculable pour les malades et leur famille. Ce qui est tragique, c'est que la schizophrénie frappe le plus souvent les jeunes à l'adolescence et au début de la vingtaine. C'est la maladie la plus invalidante chez les jeunes.

Hier, le premier ministre s'est vu lui aussi remettre un iris par la Société canadienne de schizophrénie dont il a dit soutenir les efforts. À mon avis, le gouvernement devrait en priorité libérer des fonds pour la recherche, l'éducation et la sensibilisation du public. Le premier ministre a promis qu'il le ferait. J'espère qu'il tiendra sa promesse.

* * *

LA SEMAINE DE SENSIBILISATION AUX DROGUES DANS PARKDALE

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, du 24 au 30 avril, ma circonscription de Parkdale-High Park célèbre la sixième semaine annuelle de sensibilisation aux drogues. L'an dernier, cette manifestation, organisée par le Parkdale Focus Community Project, avait attiré plus de 3 000 participants.

Au cours de la semaine, de nombreuses activités vanteront les mérites d'un mode de vie sain auprès des habitants de Parkdale, jeunes et vieux, nouveaux venus et résidents de longue date. Par exemple, dans leurs écoles, les élèves apprendront qu'il est possible de mener une vie pleine, active et satisfaisante sans consommer ni drogue ni alcool. Les manifestations prévues pour le week-end mettront en vedette des célébrités sportives, des troupes de théâtre, et de la musique antillaise. Il y aura également un récital de piano et, dimanche, la communauté tout entière est conviée à un petit-déjeuner aux crêpes.

Je tiens à féliciter les organisateurs de la semaine de sensibilisation aux drogues 95 ainsi que les participants. Ensemble, ils contribuent à améliorer la vie de leurs concitoyens de Parkdale et la leur.

* * *

(1110)

LES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, en ce jour national de deuil, nous commémorons tous les travailleurs, hommes et femmes, qui ont été tués, estropiés ou blessés au travail.

Au Canada, il se produit en moyenne un accident professionnel indemnisable toutes les 38 secondes. Un travailleur sur 13 est blessé au travail et deux travailleurs sont tués chaque jour. C'est inacceptable. Les pertes de vies humaines et les douleurs sont terribles. Les blessures au travail entraînent dix fois plus de jours de travail perdus que les grèves et les lock-out au Canada. En outre, les accidents du travail coûtent cher. En 1993, les régimes d'indemnisation ont versé un total de 5,2 milliards de dollars en prestations.

Même si, au cours de la dernière décennie, les taux d'accidents, de maladies et de décès causés par le travail ont baissé considérablement au Canada, ils sont encore trop élevés. Nous devons absolument améliorer la santé et la sécurité au travail. Ce serait bénéfique financièrement pour les entreprises, les travailleurs et le gouvernement, et c'est plus que souhaitable sur le plan humain.

Je vous demande donc de vous joindre à moi pour rendre hommage à ceux qui ont payé très cher le privilège de travailler. Nous devons joindre nos efforts pour réduire la douleur et la souffrance des victimes, de leurs familles et de leurs amis.

* * *

LE DÉCÈS DE L'HON. CHARLES R. GRANGER

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un de mes concitoyens de Terre-Neuve et un grand Canadien. L'honorable Charles R. Granger a été inhumé lundi dernier dans sa ville natale, Catalina.

Pendant sa vie active, Charlie, comme ses amis l'appelaient affectueusement, avait été journaliste, syndicaliste, conseiller politique, ministre fédéral et provincial, sous-ministre, homme d'affaires, poète et historien. Il a toujours été un champion de l'industrie de la pêche et il avait travaillé avec acharnement à l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération.

Ses réalisations et ses remarquables qualités personnelles étaient encore amplifiées par sa chaleur, son sens de l'humour, sa vision et sa perspective. Plus que tout, la caractéristique de cet homme était son amour des gens et son comportement modeste.

Il avait été nommé officier de l'Ordre du Canada en janvier de cette année. Il n'y a pas de doute que son mot d'ordre rejoignait la devise de l'Ordre du Canada: il désirait un meilleur pays.

Je suis sûr que tous les députés voudront se joindre à moi pour adresser nos pensées et nos prières à sa femme Betty, à sa famille et à ses très nombreux amis.

* * *

[Français]

LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, telle une vraie calamité, le ministre du Patrimoine canadien frappe encore.

Après avoir trahi les intérêts canadiens dans l'affaire Ginn Publishing, après avoir tenté d'influencer indûment le CRTC par lettre dans une affaire de permis de diffusion, après l'abandon de Radio-Canada aux mains du ministre des Finances, après avoir sacrifié le contenu canadien et les satellites canadiens dans l'affaire Power DirecTv, voici qu'encore une fois, il manque de jugement et se place en apparence de conflit d'intérêts en étant


11934

dans le sillage de la famille Bronfman au moment où la transaction de Seagram sera examinée par Investissement Canada.

Voilà un homme qui semble apprécier la controverse. Il semble même s'y complaire. À la lumière de ces événements, un seul mot vient à l'esprit: incompétence.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le 14 décembre 1993, une de mes électrices, Carol Goldie, a été poignardée à six reprises par son ex-mari qui la harcelait depuis cinq ans. Dix chefs d'accusation ont été portés contre lui, dont celui de tentative de meurtre et de harcèlement criminel, une infraction visée à l'article 264 du Code criminel.

En février dernier, à l'issue d'un long processus de négociation de plaidoyer, l'agresseur a plaidé coupable à un seul chef d'accusation, soit voies de fait simples, et s'est vu infliger simplement une peine des deux ans moins un jour. Toutes les autres inculpations, y compris celles liées à l'utilisation d'une arme, ont été, comme d'habitude, retirées.

Je n'arrive pas à exprimer en termes assez forts mon intense indignation face à cette sentence. C'est une parodie de la justice. Ce verdict qui fait jurisprudence rend inopérante la nouvelle mesure législative sur le harcèlement criminel. Notre système judiciaire ne protège pas les femmes harcelées et intimidées. Certes, les lois existent bel et bien, mais elles ne sont pas appliquées parce que des plaidoyers sont négociés à huis clos. Ce n'est donc pas étonnant que les Canadiens n'ont plus confiance dans notre système judiciaire impuissant. Comme le système judiciaire se contente d'aboyer, les criminels continuent de mordre.

* * *

LE CANADIEN NATIONAL

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais parler de la privatisation du Canadien National, que le ministre des Transports vient tout juste d'annoncer et dont je me réjouis personnellement.

Je tiens à souligner que, depuis plus d'un demi-siècle, les contribuables canadiens ont investi des milliards et des milliards de dollars dans cette compagnie de chemin de fer qui, pour bon nombre de gens, symbolise le nationalisme canadien, parce qu'elle relie notre magnifique pays d'un océan à l'autre. Pour cette raison, je voudrais que le gouvernement oblige les futurs propriétaires de cette compagnie à tenir compte de cette tradition et de ce patrimoine remarquables. Je propose donc qu'il oblige la compagnie qui exploitera ce chemin de fer à utiliser le symbole et le nom qui reflètent le patrimoine canadien et, pour plusde certitude, que le mot «canadien» figure dans l'appellationchoisie.

(1115)

À mon avis, c'est dans l'intérêt de tous les Canadiens et de tous les contribuables.

* * *

[Français]

LES SOEURS DE LA CHARITÉ D'OTTAWA

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, il y a 150 ans, soit le 20 février 1845, soeur Élisabeth Bruyère, membre de la Congrégation des Soeurs grises, arrive à Ottawa. Elle y fonde alors l'ordre des Soeurs de la Charité qui aura pour mission de soigner les malades, d'enseigner aux enfants et de venir en aide aux pauvres immigrants.

Aujourd'hui, les Soeurs de la Charité d'Ottawa sont présentes et pleinement engagées dans plusieurs missions de par le monde, soit à Haïti, au Brésil, au Lesotho, pour n'en nommer que quelques-unes. De plus, cette congrégation est responsable de l'hôpial Saint-Vincent, ainsi que du centre Élisabeth-Bruyère, deux institutions qui ont pour mission le soin aux malades de la région d'Ottawa.

Le 18 février dernier, avec la tenue des cérémonies d'ouverture, les célébrations du 150e anniversaire des Soeurs de la Charité d'Ottawa ont débuté. Tout au long de l'année et jusqu'au début de l'année 1996, plusieurs cérémonies et événements auront pour but de commémorer ce siècle et demi d'existence.

Bravo et merci aux Soeurs de la Charité.

* * *

LES ACCIDENTS DE TRAVAIL

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, en cette journée de triste célébration, je joins ma voix à celle de tous mes collègues pour offrir mes sympathies les plus sincères aux nombreuses familles victimes de la perte d'un être cher alors qu'il accomplissait son travail.

En 1993, 758 décès étaient liés au travail au Canada. Il est difficile de concevoir qu'encore de nos jours, des travailleurs et des travailleuses gagnent leur vie tout en la risquant. Il s'agit pourtant d'une réalité à laquelle sont confrontés des milliers de travailleurs et de travailleuses, particulièrement dans les secteurs de la construction, du transport, des mines et de l'industrie manufacturière, où l'on retrouve encore aujourd'hui plus de 60 p. 100 des décès.

Nous ne saurions nous satisfaire de la baisse récente des accidents de travail au Canada. La sécurité au travail est l'un des plus importants objectifs sociaux de ce siècle et doit continuer à l'être tant que nous devrons compter les morts. À cet égard, je ne peux que presser le gouvernement du Canada d'adopter des pratiques et des politiques s'inspirant de celles en vigueur au Québec en matière de santé et sécurité au travail.

11935

[Traduction]

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, tous les jours, dans tout le pays, des Canadiens pénètrent dans un lieu de travail dangereux.

Les Canadiens se rappellent et pleurent la disparition des 26 mineurs tués tragiquement dans l'explosion de la mine de charbon Westray. Cette catastrophe ne fait que souligner la brutale réalité en ce qui concerne certains types de travail.

C'est aujourd'hui jour de deuil national à la mémoire des travailleurs qui ont été blessés ou qui ont perdu la vie au travail. Les Canadiens doivent tirer la leçon des erreurs passées et prendre les mesures qui s'imposent, et aussi s'assurer que leur santé et leur sécurité seront protégées à l'avenir.

Il faut que le patronat, les syndicats et les gouvernements se préoccupent d'abord et avant tout de la santé et de la sécurité au travail lorsqu'ils prennent des décisions. Un lieu de travail sûr est synonyme d'une main-d'oeuvre productive et d'une économie forte et dynamique. Le Parti réformiste rend hommage à tous ceux qui risquent leur vie pour joindre les deux bouts, que ce soit dans une exploitation agricole, dans une mine, dans une usine ou dans une scierie.

* * *

[Français]

LES ACCIDENTS DE TRAVAIL

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, c'est un honneur d'être ici pour rendre hommage aux travailleurs tués ou blessés dans l'accomplissement de leurs tâches.

En février 1991, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par mon ancien collègue, M. Rod Murphy, était adopté et faisait du 28 avril une journée de compassion officielle pour les personnes tuées ou blessées au travail. Chaque jour ouvrable, quatre Canadiens meurent sur les lieux du travail et toutes les sept secondes de chaque journée ouvrable, quelqu'un se blesse grièvement.

Chaque année, des travailleurs sont victimes de maladies professionnelles qui, bien souvent, ne sont ni déclarées ni visées par une quelconque indemnisation. Les normes de santé et de sécurité ainsi que leur application continuent d'être bafouées par les gouvernements, tant au pays qu'à l'étranger. Nous continuons de travailler sur la scène internationale et nationale avec nos homologues, pour établir des normes mondiales de santé et de sécurité.

Nous avons le droit de défendre tous les travailleurs de la Terre, surtout dans le contexte des accords de libre-échange. Merci de m'avoir accordé votre attention et de m'avoir permis de prendre la parole en cette occasion solennelle.

(1120)

[Traduction]

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, comme d'autres l'ont fait remarquer, c'est aujourd'hui jour de deuil national à la mémoire des travailleurs blessés, estropiés ou tués au travail.

Face à cette tragédie et par solidarité avec ces travailleurs, leur famille et leurs amis, je vous demande, ainsi qu'à nos collègues, de vous joindre à moi pour observer un moment de silence à la Chambre.

[Note de l'éditeur: La Chambre observe un moment de silence.]

_____________________________________________


11935

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA COMPAGNIE SEAGRAM

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il y a deux semaines, le ministre du Patrimoine effectuait un voyage discret à Los Angeles, où il y a rencontré M. Edgar Bronfman, propriétaire de Seagram, au moment même de l'annonce de l'achat du géant des communications MCA par Seagram. Or, les médias faisaient état, depuis plusieurs semaines, de l'éventualité de cette transaction qui impliquait plusieurs intérêts canadiens touchant l'industrie du livre, du cinéma, du disque et de la distribution.

Dans ce contexte, comment le premier ministre suppléant peut-il expliquer que le ministre du Patrimoine se soit placé dans une situation de conflit d'intérêts, alors qu'il se trouvait par hasard dans l'antichambre de M. Bronfman au moment même où celui-ci annonçait cette transaction, et compte tenu que cette transaction devra recevoir l'approbation d'Investissement Canada?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député montre qu'il ne comprend pas le fonctionnement du processus d'examen d'Investissement Canada.

Je voudrais tout d'abord signaler au député qu'Investissement Canada se trouve au ministère de l'Industrie. Deuxièmement, un fonctionnaire, le président suppléant d'Investissement Canada, se prononcera sur une question préliminaire, à savoir si Seagram est une entreprise canadienne. Dans l'affirmative, Investissement Canada n'aura pas à faire d'examen.

Cela montre que l'hypothèse émise par le député est fausse. L'examen est fondé sur une demande faite par l'acheteur, en l'occurrence Seagram, et non par la société acquise.

Il n'y a pas de conflit d'intérêts réel ou apparent dans la visite que le ministre du Patrimoine canadien a faite aux producteurs à Los Angeles.


11936

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il est bien connu sur la colline parlementaire que personne n'y comprend quelque chose, sauf le ministre de l'Industrie qui comprend tout. Seulement, tout le monde au Canada et au Québec comprend qu'il y avait un ministre de ce gouvernement dans l'antichambre de M. Bronfman, au moment même où se concluait la plus importante transaction dans le milieu des médias. Tout le monde comprend cela. Il n'y en a qu'un qui ne comprend pas: le ministre de l'Industrie.

J'aimerais demander au premier ministre suppléant comment il peut nier que le ministre du Patrimoine se soit placé dans une situation de conflit d'intérêts, alors que, par hasard, par hasard encore une fois, les avis du ministère du Patrimoine sont nécessaires à Investissement Canada pour l'analyse de la transaction et les conséquences de cette transaction entre Seagram et MCA.

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le ministre du Patrimoine canadien sera présent pendant la période des questions. Il pourra alors fournir des détails au sujet de son séjour à Los Angeles.

(1125)

Il n'y a pas de conflit d'intérêts réel ou apparent dans la réunion que le ministre du Patrimoine canadien a eue avec des cinéastes et des réalisateurs, qui font tous affaire au Canada, pour défendre les intérêts et les points de vue de Canadiens qui travaillent dans l'industrie cinématographique.

Il n'y a pas d'examen en cours à l'heure actuelle, et aucune demande d'examen n'a été présentée. En fait, on ne s'est pas encore prononcé sur la question préliminaire de savoir si Seagram est une société canadienne.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, est-ce qu'on doit comprendre de la visite à Los Angeles du ministre du Patrimoine canadien, il y a deux semaines, que celui-ci agissait comme émissaire du gouvernement canadien auprès d'amis libéraux, leur annonçant que l'approbation à venir d'Investissement Canada concernant Seagram ne posait pas de problème, ou si, tout bonnement, le ministre du Patrimoine canadien s'est rendu à Los Angeles pour discuter du problème du smog?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à préciser qu'en cas d'examen de la part d'Investissement Canada, l'objectif du gouvernement serait d'améliorer les engagements actuels concernant la société MCA.

Il est évident que, si l'examen de la transaction aboutissait à une décision favorable, le Canada en bénéficierait conformément à la Loi sur Investissement Canada.

Le gouvernement se voit donc dans l'obligation de comprendre le mieux possible l'entreprise en cause et les engagements de l'acquéreur et de la société acquise au Canada. Cette situation ne crée pas de conflit d'intérêts.

S'il y a un conflit d'intérêts, j'ignore où il se trouve.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce n'est quand même pas pour un simple échange culturel entre Mickey Mouse et un représentant du gouvernement fédéral que le ministre du Patrimoine canadien s'est rendu en cachette aux frais des contribuables à Los Angeles, il y a deux semaines. Voyons donc, cela n'a pas de sens!

Ma question s'adresse au premier ministre suppléant. Compte tenu du code d'éthique régissant les membres de ce gouvernement et compte tenu que l'affaire Power DirecTv a mis en évidence les relations intimes entre ce gouvernement et des libéraux influents du milieu des affaires, dont M. Paul Desmarais, le père du gendre du premier ministre, siégeant sur le conseil d'administration de Seagram, le premier ministre suppléant est-il conscient que le ministre du Patrimoine, en agissant de la sorte, a mis l'intégrité du gouvernement libéral en question?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, comme nous l'avons vu à la Chambre ces derniers jours, des députés comme celui d'en face sont prêts à faire des allégations qui reposent non pas sur des faits, mais uniquement sur des insinuations.

Dans le préambule de sa question, il tente de lier la décision de déposer une directive sur la radiodiffusion directe à domicile par satellite à un quelconque conflit d'intérêts. Or, pas plus tard que ce matin, un éditorialiste de la Gazette de Montréal nous donne encore une autre opinion à ce sujet: «En renversant la décision du CRTC, le gouvernement lui a facilité ses décisions futures. Le principe qui régit le CRTC, c'est que toutes ses décisions doivent tenir compte des intérêts des consommateurs, et cela englobe des choix concurrentiels.»

Je peux comprendre que le député d'en face ne soit peut-être pas favorable à des choix concurrentiels et que les questions concernant les consommateurs ne l'intéressent pas. Mais c'est à lui de le dire. Quoi qu'il en soit, il fait une allégation dénuée de tout fondement, inconvenante et hors de propos lorsqu'il laisse entendre qu'en agissant dans l'intérêt des consommateurs, on se place en situation de conflit d'intérêts.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il est très, très surprenant que le quotidien The Gazette appuie les libéraux. Très surprenant.

Après avoir vu son ministre se laisser guider par des fantômes dans l'affaire Ginn Publishing, écrire des lettres inquiétantes au CRTC, trahir ses engagements envers Radio-Canada et abdiquer ses responsabilités dans le dossier de Power DirecTv, le premier ministre suppléant, leader en cette Chambre et défenseur de l'intégrité de son gouvernement, convient-il que le ministre du


11937

Patrimoine n'est plus apte à remplir ses fonctions et qu'en conséquence, vous devez lui demander sa démission?

(1130)

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, en fait, cette question est valable, car elle révèle les vraies motivations du Bloc québécois dans cette question, soit de porter directement atteinte à la réputation d'un ministre sans posséder des faits et sans invoquer quelque politique que ce soit.

Le gouvernement est disposé à débattre sa politique concernant la radiodiffusion directe à domicile par satellite, à examiner la question de l'acquisition de MCA, en fait, à l'examiner conformément à la Loi sur Investissement Canada, et à répondre aux questions portant sur les objections ou autres arguments soulevés à l'égard de ces décisions.

Que le député vienne faire aujourd'hui des allégations ridicules, absurdes et entièrement dénuées de fondement montre bien quelles sont ses vraies motivations politiques. Cela ne cache rien d'autre.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Les Canadiens ne sont pas indulgents envers les gouvernements qui dirigent les affaires publiques derrière des portes closes.

Premièrement, un accord a été conclu en coulisse, et le Cabinet a créé un précédent en se prévalant de certains pouvoirs pour avantager Power Corporation et la famille Desmarais. Un autre accord conclu en coulisse vient maintenant avantager Seagram et la famille Bronfman. C'est là le genre de situation qui mine la confiance des Canadiens dans leurs élus.

Le premier ministre reconnaîtra-t-il que le ministre du Patrimoine canadien a encore une fois commis une grave erreur de jugement en rencontrant Edgar Bronfman avant la prise de contrôle de la société MCA par Seagram?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je crois que ce qui mine la confiance des Canadiens, ce sont des allégations non fondées.

Je rappelle à la députée que ceux d'entre nous qui prennent la parole à la Chambre pour accuser autrui pourraient un jour avoir eux-mêmes à se défendre. Je crois que la députée devrait faire preuve d'un peu plus de sensibilité.

Je vais lui donner une idée de ce que les médias populaires pensent de cette question. Je vais lui citer le Financial Post d'aujourd'hui, qui mentionne ceci: «Au lieu d'être motivée par des considérations politiques, la décision du Cabinet vise clairement à permettre la concurrence et non pas à créer un monopole dans le service de radiodiffusion directe à domicile par satellite.»

Si le Parti réformiste a à coeur la concurrence, la députée devrait dire un mot sur le contenu du rapport au lieu de faire des allégations ridicules comme celles qu'elle a formulées ce matin. Hier, à l'émission «Canada AM», j'ai vu le porte-parole du Parti réformiste dire qu'il ne pouvait commenter cela parce qu'il a des intérêts dans Expressvu.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier et aujourd'hui encore, le ministre de l'Industrie a nié que le ministre du Patrimoine ait été au courant de l'acquisition de MCA par Seagram lors de sa rencontre avec les Bronfman.

En fait, le ministre du Patrimoine canadien a été informé de la prise de contrôle par Allan Karp, le P.D.G. de Cinéplex-Odéon, plus de deux semaines avant la rencontre derrière des portes closes. Cela rend la conduite du ministre encore plus répréhensible.

Pourquoi le ministre de l'Industrie n'a-t-il pas été informé des rencontres du ministre du Patrimoine avec les représentants de Seagram?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas l'habitude de demander d'informations sur les réunions auxquelles participe le ministre du Patrimoine.

Permettez-moi de signaler à la députée qu'un certain nombre de personnes associées à diverses entreprises de la région de Los Angeles étaient présentes au fameux dîner qu'elle évoque pour faire toute une histoire. Oui, M. Karp était présent, à l'instar de représentants du Canada, de M. Jack Valenti, de la Motion Picture Association of America, de M. Lew Wasserman, président du conseil d'administration de la Music Corporation of America, Universal, de M. Sid Scheinberg, représentant également cette dernière société, de Bill Baker de la Motion Picture Association of America, et ainsi de suite. Il y avait bien trop de gens présents pour que cette rencontre secrète puisse influencer d'une manière ou d'une autre la décision d'Investissement Canada.

Ces allégations ne sont vraiment pas dignes de la députée.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie a accusé l'opposition de s'en prendre à des personnalités faute de pouvoir critiquer la façon de procéder.

Voyons donc ce qui s'est passé. Nous avons été témoins d'un recours sans précédent à des pouvoirs du Cabinet. Il y a eu des réunions secrètes où quelques privilégiés ont eu un accès illimité.

(1135)

Que ce soit dans l'affaire Pearson, dans le dossier de la radiodiffusion directe à domicile par satellite ou dans la prise de contrôle par Seagram, on constate que les principaux intéressés sont toujours les mêmes: les Desmarais, John Rae, Bronfman, Rabinovitch et Goldenberg. Le pacte de la famille se porte très bien merci.

Comment le gouvernement peut-il rassurer les Canadiens et leur garantir que la décision d'Investissement Canada ne sera pas influencée par des considérations politiques?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, mettons les choses au clair d'entrée de jeu. Oui, le fait que le gouvernement ait eu recours à une ordonnance est sans précédent. Comme la députée le sait, c'est un pouvoir relativement récent que la Loi sur la radiodiffusion confère au gouvernement.


11938

Il n'y a rien de mal à ce que le gouvernement ait le pouvoir d'élaborer des politiques. C'est justement pour cela que nous sommes élus. Nous avons bel et bien la responsabilité d'élaborer des politiques pour les Canadiens. L'ordonnance n'octroie pas de licence à quiconque. Elle établit des règles du jeu équitables qui sont propices à la concurrence et en conformité desquelles les sociétés peuvent demander une licence.

Le gouvernement ne dit pas qui doit obtenir une licence. Il ne dicte pas au CRTC sa ligne de conduite. Il établit l'orientation générale. C'est là notre responsabilité.

Si les réformistes ont quelque chose contre la concurrence et qu'ils ne se préoccupent pas des intérêts des consommateurs, qu'ils prennent la parole et le disent. Par contre, s'ils tiennent à la concurrence, qu'ils fassent une, et une seule, suggestion utile sur la façon de permettre celle-ci.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, avant sa colère, le ministre de l'Industrie nous avait conseillé de poser nos questions au ministre du Patrimoine lorsque celui-ci arrivera en Chambre. Cela est fait.

Compte tenu du code d'éthique régissant les membres de ce gouvernement, compte tenu que l'affaire Power DirecTv a mis en évidence les relations intimes entre ce gouvernement et des libéraux influents du milieu des affaires, dont M. Paul Desmarais, père du gendre du premier ministre, siégeant sur le conseil d'administration de Seagram, le ministre du Patrimoine est-il conscient, qu'en agissant de la sorte, il a mis l'intégrité du gouvernement libéral en question?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je crois que, à de multiples reprises, on a expliqué pourquoi le gouvernement avait jugé bon de déposer en Chambre des projets de directives au CRTC. Il s'agit de la concurrence, il s'agit du contenu canadien, il s'agit de la transparence, il s'agit de l'architecture de l'autoroute de l'information. Ce sont autant de dimensions fondamentales de politiques. Tous les intérêts de l'autoroute électronique ont applaudi cette décision. Ils ont considéré que nous étions ouverts, francs, transparents. Et en amenant ces choses devant la Chambre, nous donnons à tous les membres de cette auguste assemblée, la possibilité de s'exprimer pendant les 40 jours durant lesquels il y aura une discussion sur la transmission directe par satellite.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse encore une fois au ministre du Patrimoine. J'espère que le solliciteur général qui voulait répondre à sa place, le laissera répondre.

Il s'agit de beaucoup de choses. Mais dans cette question, il s'agit du voyage à Los Angeles et d'une visite dans la suite de M. Bronfman au moment de la transaction. Et c'est sur cela que l'on veut que le ministre du Patrimoine nous réponde.

Après s'être laissé guider par des fantômes dans l'affaire de Ginn Publishing, après avoir écrit des lettres inquiétantes au CRTC, après avoir dit des paroles qui laissent des traces, après avoir trahi ses engagements envers Radio-Canada et abdiqué ses responsabilités dans Power DirecTv, reste-t-il suffisamment de courage au ministre pour faire la seule chose décente: démissionner.

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, notre collègue nous donne un spectacle qui est digne des meilleurs films d'horreur.

(1140)

Ce que le ministre du Patrimoine faisait à Los Angeles, c'est de défendre et de promouvoir les intérêts de l'industrie du film au Canada. Je n'ai jamais cessé de dire que le contenu était important sur cette autoroute de l'information et je suis responsable de la promotion de ce contenu.

J'ai mené, au cours des derniers mois, des consultations étendues avec les industries concernées au Canada et la conclusion de cela, c'est qu'il était sage d'aller rencontrer les principaux concurrents et également de voir les possibilités de coopération. C'est ce que j'ai fait en me rendant en Los Angeles.

J'ajouterais que je ne me suis jamais trouvé dans la suite voisine d'un certain monsieur qui a été mentionné par notre collègue.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Hier, le ministre a déclaré que l'acquisition de Seagram n'avait rien à voir avec le ministre du Patrimoine et qu'Industrie Canada s'occupait elle-même de cette affaire. Malgré tout, les responsables d'Investissement Canada confirment qu'ils ont déjà eu des discussions avec des responsables du Patrimoine canadien au sujet du dossier Seagram.

Si Investissement Canada doit s'en occuper de son côté et si le ministère du Patrimoine canadien n'a aucun rôle à jouer dans cette affaire, pourquoi les fonctionnaires du ministre consultent-ils les responsables de Patrimoine canadien? Pourquoi le ministre semble-t-il ne pas être au courant de cela?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, si j'ai donné cette impression dans ma réponse d'hier, j'ai eu tort.

Pour être exact, disons que le ministère du Patrimoine n'est pas concerné par la question de savoir si Seagram est une société canadienne. C'est le président intérimaire d'Investissement Canada qui prend cette décision. Si la transaction est soumise à un examen d'Investissement Canada, cette affaire devient une acquisition du domaine culturel. Pour ce qui est de la décision qui relève de moi, je consulterais à cet égard le ministre du Patrimoine canadien par les voies normales, et les responsables de nos deux ministères se consulteraient.

Ce que j'essayais d'expliquer, c'est qu'à cette étape, nous n'avons pas de demande à examiner, parce que nous en sommes encore à déterminer si Seagram est une société canadienne.


11939

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, nous devrions marquer ce jour sur le calendrier. C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un ministre admet ses torts.

Compte tenu des pourparlers qui se déroulent auprès des responsables du ministère du Patrimoine et comme le ministre du Patrimoine canadien lui-même a rencontré les Bronfman, comment le ministre peut-il nier qu'il a permis que la décision d'Investissement Canada soit entachée par ce qui a l'apparence d'une influence indue?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je ne vois pas en quoi cette transaction est entachée de quelque façon que ce soit.

Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, et le ministre du Patrimoine canadien a fait de même, c'est conforme au processus normal de rendre visite à un groupe d'industriels de Los Angeles. Je précise que, en tant que ministre de l'Industrie, il m'arrive souvent de rencontrer des représentants d'entreprises et des groupes d'industriels. Ça m'arrive tous les jours. Ça fait partie des activités normales du ministère. C'est une des facettes de notre travail. Cette rencontre est donc normale. L'idée d'une éventuelle transaction n'est encore qu'une hypothèse.

Je ne peux qu'assurer une nouvelle fois au député que, dans l'éventualité où une transaction devrait être examinée, notre objectif en tant que gouvernement est de faire en sorte que MCA prenne des engagements plus fermes afin que la transaction présente plus d'avantages pour le Canada.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine.

Le ministre du Patrimoine s'est placé en situation de conflit d'intérêts en effectuant une visite secrète à Los Angeles, il y a deux semaines, pour rencontrer des amis libéraux qui effectuaient une mégatransaction impliquant les intérêts culturels des Canadiens et qui devront recevoir l'approbation d'Investissement Canada.

Est-ce que le ministre du Patrimoine peut nous dire, en cette Chambre, s'il a utilisé un avion du gouvernement et peut-il nous dire en compagnie de qui il s'est déplacé vers l'ouest?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je remercie notre collègue de me donner l'occasion de répondre à des questions qui semblent le préoccuper vivement. Je n'ai nullement utilisé un avion du gouvernement et j'évite toujours de le faire pour des raisons d'économie.

(1145)

Ce que je faisais à Los Angeles ne m'a pas amené à avoir aucun contact avec des intérêts canadiens privés intéressés à une transaction pour l'acquisition de MGM. Je me suis trouvé, oui, dans les studios d'Universal, en compagnie de représentants de MGM, de Disney, de Sony, et de Motion Picture Association of America, en particulier de son président Jack Valenti. Ma présence là était entièrement reliée à une exploration avec ces différentes têtes de majors américains. Il n'y avait absolument rien à l'agenda ni dans la discussion que j'ai eue avec cet ensemble des studios américains qui ait pu toucher une transaction de laquelle je n'étais pas informé.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, compte tenu de la nature de la réponse que vient de me donner le ministre du Patrimoine, j'adresserai ma question complémentaire au ministre de la Défense nationale.

Comment le ministre de la Défense explique-t-il que ce matin son ministère refuse de divulguer des informations concernant l'utilisation des Challenger par les membres du Cabinet durant cette période, et ce à la demande expresse du bureau du premier ministre? Qu'est-ce que le ministre de la Défense veut à son tour camoufler?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, de toute évidence, le député ignore la procédure de rapport concernant l'utilisation des avions à réaction du gouvernement. Nous publions mensuellement un compte rendu de l'utilisation de ces avions.

Bien des gens communiquent avec nous pour poser des questions sur toutes sortes de sujets. Les renseignements dont parle le député seront rendus publics d'ici 30 jours. Nous n'avons reçu aucune plainte concernant cette procédure.

Je m'étonne que le député pose la question dans ce contexte. Mes fonctionnaires ont eu raison de dire au député qu'ils ne pouvaient lui fournir les renseignements aujourd'hui, puisqu'il existe une procédure établie qui donne de bons résultats.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le processus suivi dans l'affaire Seagram est extrêmement louche.

Le sous-ministre adjoint du Patrimoine qui est chargé de ce dossier a des liens familiaux avec les Bronfman. Investissement Canada a confirmé avoir été pressenti concernant le dossier par des collaborateurs de M. Rabinovich. Le conflit d'intérêts est criant.

Le ministre du Patrimoine canadien ne comprend-il pas que les communications qu'entretient son ministère avec les représentants de l'industrie et avec les Bronfman menacent l'intégrité du processus et du gouvernement libéral?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à clarifier à la Chambre que je n'ai jamais rencontré M. Bronfman au cours de mon séjour à Los Angeles.

J'ai entendu parler de la transaction à ma descente de l'avion. Ma rencontre a eu lieu une ou deux heures plus tard. Ce n'est pas étonnant, quand on pense que ces transactions se font dans le plus grand secret pour préserver les conditions du marché.

En ce qui concerne la responsabilité d'Investissement Canada et une déclaration voulant qu'une société soit canadienne ou américaine, il s'agit de questions qui relèvent exclusivement du ministère de l'Industrie.


11940

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la coïncidence est renversante et c'est probablement une première au Canada.

Le ministre nie toute inconduite dans le dossier de Seagram's. Pourtant, ses fonctionnaires ont communiqué avec leurs homologues de l'Industrie, et continuent de le faire, même s'ils sont liés aux Bronfman. Le ministre est sûrement au courant de ces communications.

Le ministre veut-il donner à entendre qu'il n'y a rien de mal à ce que ses fonctionnaires continuent de communiquer avec les représentants de l'industrie, qui sont en contact avec les personnes intéressées dans le dossier Seagram?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il est difficile de comprendre qu'on allègue une action fautive dans le dossier Seagram. Jusqu'à maintenant, aucune mesure n'a été prise dans cette affaire.

Encore une fois, je dirai clairement que la principale question à élucider est de savoir si Seagram est une société contrôlée par les Canadien. C'est une affaire qui dépend entièrement d'une décision fondée sur les critères énoncés dans la loi régissant les fonctions du président intérimaire d'Investissement Canada. Cette décision sera prise en fonction des renseignements que nous obtiendrons de Seagram ou de son avocat. Ensuite, il faudra examiner si, aux termes de la Loi sur Investissement Canada, la transaction apporte un bénéfice net au Canada.

(1150)

Le député veut probablement dire qu'il doute que Patrimoine Canada, Investissement Canada et Industrie Canada agissent dans le meilleur intérêt du Canada en examinant cette transaction. C'est une allégation de poids. Je l'invite à faire de telles allégations en public, où il sera exposé à tous les recours du droit civil. S'il persiste à prononcer de telles paroles, je lui demande de fournir des preuves véritables.

* * *

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, j'ai des haut-le-coeur, mais je vais quand même adresser ma question au ministre de l'Industrie.

Dans la foulée des relations intimes qui lient ce gouvernement à la grande famille libérale, le dossier Power DirecTv soulève encore de nombreuses questions quant à l'implication réelle du premier ministre et de son entourage.

Le ministre de l'Industrie, lui qui se veut le champion de la transparence, peut-il nous indiquer clairement quand le premier ministre l'a informé qu'il ne désirait pas être impliqué de quelque manière que ce soit dans le dossier Power DirecTv dans lequel son gendre possède des intérêts? Quand le premier ministre l'a-t-il informé exactement?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier le député de sa question.

Il vaut la peine de répéter que le premier ministre a déclaré à la Chambre, comme il l'avait dit aux ministres, qu'il ne voulait pas s'occuper de ce dossier ni en être informé. Comme c'est sur cette base que l'affaire a été traitée, je n'ai jamais discuté de ce dossier avec le premier ministre.

Je voudrais que le député comprenne les réactions que nous avons reçues de personnes indépendantes qui s'intéressent à la question. L'Association des consommateurs du Canada a dit ceci: «Je vous écris au nom de l'Association des consommateurs du Canada pour exhorter le gouvernement à donner suite aux recommandations du rapport.» L'ACTRA a exprimé l'opinion suivante: «Nous sommes heureux que soit reconnue la nécessité d'instaurer la concurrence dans les services. Nous espérons que le gouvernement sera prompt à agir.» L'organisme Friends of Canadian Broadcasting, la Conférence canadienne des arts et beaucoup d'autres organismes ont abondé dans le même sens.

Les faits sont fort simples: le premier ministre a agi avec une complète intégrité, avec discrétion et prudence dans cette affaire de manière à éviter tout apparence de conflit. Si le gouvernement n'avait pas pris ses responsabilités. . .

Le Président: À l'ordre. Il faudrait abréger un peu les réponses et les questions.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie y gagnerait en élégance en répondant à nos questions, par respect pour l'opinion publique.

Aussi je lui demande: Compte tenu que c'est le 12 septembre 1994 que le gouvernement a décidé de renverser une ordonnance du CRTC qui nuisait aux intérêts du gendre du premier ministre-et je veux que ce soit bien clair-le ministre de l'Industrie peut-il déposer en cette Chambre, de son siège aujourd'hui, la note de service en vertu de laquelle le premier ministre lui a demandé à être tenu complètement à l'écart des décisions gouvernementales dans ce dossier?

Est-ce que le titulaire de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes est capable de déposer la note de service qui nous permet de faire le point et la lumière dans ce dossier?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai jamais discuté de ce dossier avec le premier ministre. Il n'y a rien à lui dire.

Permettez-moi de terminer ce que j'étais en train de dire. Face aux exhortations qui lui étaient lancées, comme je l'ai expliqué au député, le gouvernement, s'il avait refusé d'intervenir, aurait fait faux bond à beaucoup de groupes de notre société, à beaucoup de consommateurs et à tous ceux qui veulent avoir de la concurrence et des choix dans ce domaine.


11941

J'attends toujours que les partis d'opposition nous disent clairement ce qu'ils auraient fait, face à ces instances, puisqu'ils ne pensent pas que nous aurions dû agir comme nous l'avons fait.

* * *

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Mercredi, les grandes sociétés pétrolières ont de nouveau haussé le prix de l'essence, de 5c. le litre cette fois-ci, dans la région de la capitale nationale. Cela représente une hausse de 20 p. 100 en un mois seulement.

(1155)

[Français]

Ces hausses inacceptables des prix du pétrole dans la région d'Ottawa inquiètent et choquent encore les députés locaux ainsi que tous les consommateurs.

[Traduction]

Qu'est-ce que le ministre entend faire pour mettre fin aux abus auxquels se livrent les grandes sociétés pétrolières en haussant constamment leurs prix dans la région de la capitale nationale?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, me voilà encore sur la sellette.

Je me réjouis que le député soulève cette question en rapport avec la région de la capitale nationale. Que ce soit dans la région de la capitale nationale ou dans les localités éloignées du nord de l'Ontario, ou que cela concerne les agriculteurs de la Saskatchewan, ou que ce soit au Québec ou dans l'Ouest, les consommateurs suivent avec inquiétude l'évolution du prix de l'essence qui semble grimper sans aucune raison.

La meilleure solution dans ce secteur, comme dans d'autres dont nous avons parlé, réside dans la concurrence, la véritable concurrence. J'espère que, lorsque nous aurons terminé notre examen de certaines des propositions utiles que nous avons reçues touchant la loi sur la dénonciation des pratiques déloyales par exemple, et d'autres mesures, nous aurons des outils pour veiller à ce que les sociétés pétrolières et les distributeurs d'essence tiennent compte de la nécessité d'une concurrence véritable dans ce secteur et d'un prix moins élevé pour les consommateurs.

* * *

SEAGRAM

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est simple, on ne fait pas ici le procès de la concurrence. On parle plutôt d'éthique, de libéraux qui donnent un coup de main à leurs amis libéraux et à leur famille, d'entraide familiale.

Le ministre du Patrimoine canadien a-t-il rencontré les responsables de la transaction effectuée par Seagram et des représentants d'Investissement Canada avant l'annonce de l'acquisition, oui ou non?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai eu absolument aucun contact avec des représentants de Seagram et je n'ai rien à voir avec ce que cette société cherche à accomplir aux États-Unis.

Cela ne me regarde pas. Les agents de Seagram ont usé de la discrétion qui s'impose dans ce genre de transaction comportant beaucoup de risques. J'ai seulement entendu une rumeur un jour ou deux avant l'annonce de l'acquisition. C'est par les journaux que j'ai appris qu'il y avait eu acquisition.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai bien demandé au ministre de me répondre par un oui ou un non. Je n'ai pas obtenu la réponse que je désirais.

Je répète donc ma question. Le ministre du Patrimoine a-t-il rencontré les responsables de la transaction effectuée par Seagram et des représentants d'Investissement Canada avant l'annonce de l'acquisition, oui ou non?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Non, monsieur le Président.

* * *

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre se défend de s'être placé en situation de conflit d'intérêts dans le dossier de Power DirecTv et continue de prétendre s'être tenu à l'écart.

Or, le ministre de l'Industrie, en réponse à la question de mon collègue, dit ne pas avoir eu de conversation avec le premier ministre. Soit. Mais aujourd'hui, nous savons, de l'aveu même du ministre de l'Industrie, qu'Eddie Goldenberg, principal conseiller du premier ministre, a été continuellement informé de l'évolution du dossier.

Le ministre de l'Industrie confirme-t-il que le conseiller principal du premier ministre, M. Eddie Goldenberg, recevait copie conforme de la correspondance échangée entre les ministères du Patrimoine et de l'Industrie dans le dossier de Power DirecTv?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, et puis après? Un dossier aussi important doit être géré. Il est normal, dans le cours des discussions, d'informer le personnel du cabinet du premier ministre des décisions prises dans un dossier de ce genre.

(1200)

Ce qu'il faut déterminer ici et ce que le député devrait tenter de découvrir, c'est si le conseiller principal a cherché, au nom du premier ministre, à influer sur les décisions que devaient prendre les ministres.

M. Goldenberg a transmis deux messages: premièrement, que le premier ministre ne voulait pas intervenir dans ce dossier et, deuxièmement, que la même chose valait pour lui.


11942

[Français]

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, c'est incroyable la reconnaissance du lien direct que le ministre fait dans le dossier entre le premier ministre et ses informations.

Or, puisque le conseiller principal du premier ministre, Eddie Goldenberg, a été constamment tenu au courant du dossier du gendre du premier ministre, est-ce que le ministre de l'Industrie reconnaît avoir participé, avec le ministre du Patrimoine, à la mascarade qui permettait au premier ministre de se servir de son conseiller principal pour faire indirectement ce que la loi lui interdit directement?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu un peu de mal à entendre la question du député.

Si j'ai bonne mémoire, le député était comédien auparavant et l'est peut-être encore. Je voudrais lui lire ce que le président d'ACTRA m'avait écrit à ce sujet. «Nous sommes particulièrement ravis de constater que le gouvernement a reconnu qu'il fallait avoir une concurrence entre les différents services et qu'une part équitable des recettes soient consacrées à la production et gérées sans l'intervention des diffuseurs. Nous espérons que le gouvernement du Canada s'empressera d'adopter une politique pour appliquer ces principes.»

Nous avons amorcé un processus ouvert, transparent et susceptible de faire l'objet d'un débat public au Parlement. Le processus est impératif, et c'est une garantie contre les conflits d'intérêts que nous voulons éviter.

* * *

SEAGRAM

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, le sous-ministre adjoint du ministère du Patrimoine canadien chargé des affaires culturelles est Victor Rabinovitch.

M. Rabinovitch est directement responsable du dossier Seagram. Son frère Robert, qui a rédigé les lignes directrices sur la radiodiffusion directe à domicile par satellite, travaille pour les Bronfman.

Pourquoi le ministre du Patrimoine canadien permet-il qu'une personne étant en conflit d'intérêts direct s'occupe de cette question délicate?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, que je sache, il n'y a pas de dossier Seagram dans mon ministère. C'est Investissement Canada et non le ministère du Patrimoine canadien qui s'occupe de cette question. Par conséquent, la députée n'a pas de raison de s'inquiéter autant.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie persiste à dire que rien n'est fait au sujet du dossier Seagram. Le ministre du Patrimoine canadien nie même l'existence d'un dossier Seagram.

Si c'est le cas, pourquoi Investissement Canada a-t-il demandé un avis juridique sur l'acquisition faite par Seagram?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, la Loi sur Investissement Canada prévoit que des transactions sont sujettes à contrôle à certaines conditions. La première condition, c'est que la société acquérante ne soit pas canadienne.

Par conséquent, nous ne saurons pas, tant que nous n'aurons pas déterminé si Seagram est canadienne ou non, si la transaction est sujette à contrôle par Investissement Canada.

Je n'ai pas dit que rien n'était fait dans ce dossier, mais que rien n'a été fait parce que le collègue de la députée a accusé le gouvernement d'avoir commis des irrégularités dans ce dossier. Rien n'a été fait. La question reste ouverte et fait l'objet d'un examen par le président suppléant d'Investissement Canada. Nous attendons d'avoir des renseignements d'Investissement Canada parce que c'est cet organisme qui est saisi de la transaction.

Cependant, tant que nous ne connaissons pas tous les faits, nous ne pouvons pas dire si la transaction est sujette à contrôle. Par conséquent, la question des avantages nets pour le Canada ne se pose pas encore.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Récemment, j'ai attiré l'attention du ministre sur la possibilité qu'il y ait, dans le règlement d'application de la taxe sur les produits et services, des échappatoires concernant la vente d'automobiles neuves et d'occasion.

Le ministre peut-il faire savoir à la Chambre s'il étudie la question pour garantir aux consommateurs que la TPS payée aux vendeurs d'automobiles est bel et bien remise au ministère du Revenu national?

(1205)

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée pour sa question et pour son intérêt soutenu pour l'équité fiscale.

Dans la loi relative à la TPS, il existe des dispositions concernant un crédit théorique de taxe sur les intrants. Ce crédit instaure une saine concurrence, dans le cas des ventes d'automobiles, entre les concessionnaires enregistrés et les particuliers qui ne sont pas enregistrés aux fins de la TPS.

Le ministère surveille la situation et enquête sur tous les abus signalés dans l'utilisation du crédit théorique de taxe sur les intrants. La députée peut avoir l'assurance que, sur ses instances, nous avons renforcé notre surveillance pour que les dispositions sur le crédit théorique de taxe sur les intrants n'accorde aucun

11943

avantage fiscal indu à un vendeur d'automobiles en particulier, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'un concessionnaire.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant. Passons à un autre scandale, parce que c'est un scandale aussi pour les femmes.

Tous les Canadiens et Québécois auront l'air fou en fin de semaine. L'entêtement du ministre de l'Immigration empêcherait Mme Hafsa Zinaï Koudil, cinéaste d'origine algérienne, de participer au festival Vues d'Afrique, à Montréal, où sera présenté son film Le Démon au féminin qui dénonce la violence faite aux femmes par les intégristes religieux en Algérie.

Comment le premier ministre suppléant peut-il justifier l'entêtement obstiné du ministre de l'Immigration qui refuse d'accorder un visa de séjour à la cinéaste Koudil?

[Traduction]

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les fonctionnaires doivent appliquer la loi lorsqu'ils acceptent ou rejettent une demande de visa. La députée sait très bien cela.

Le ministre m'a demandé d'inviter la députée et la personne en question à présenter une nouvelle demande accompagnée de tous les faits nouveaux. Les fonctionnaires sont tenus d'appliquer la loi et de protéger les intérêts du Canada. La députée sait très bien cela, et nous attendons la présentation d'une nouvelle demande s'il y a des faits nouveaux.

* * *

SEAGRAM

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien. Le ministre a nié avoir eu une réunion avec les Bronfman avant l'annonce de la transaction conclue par Seagram. A-t-il pris part à une réunion à Los Angeles? Le cas échéant, sur quoi portait cette réunion? Y a-t-il été question d'Investissement Canada?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, aucune réunion n'a eu lieu et, par conséquent, la réponse à la deuxième partie de la question est non.

* * *

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. Au cours des derniers jours, les stations-service d'un bout à l'autre du pays ont haussé leurs prix d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 cents le litre, sans justification.

C'est la sixième hausse de prix en onze mois. Cela représente une hausse totale de plus de 25 p. 100 pour les consommateurs et une augmentation de 40 p. 100 des recettes des sociétés pétrolières, qui ont enregistré des profits records l'an dernier. Ces hausses coûteront aux Canadiens plus de 3 milliards de dollars par année et nuiront aux entreprises, aux agriculteurs et aux consommateurs, en fait à tous les secteurs de notre économie.

Si les sociétés pétrolières n'annulent pas volontairement ces hausses de prix injustes, le gouvernement interviendra-t-il pour protéger les consommateurs et annulera-t-il ces hausses en attendant qu'on puisse effectuer un examen des prix pour voir si les hausses sont justifiées?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier le député pour sa question et reconnaître les efforts soutenus qu'il déploie pour sensibiliser les Canadiens au prix de l'essence au Canada. Il fait de l'excellent travail.

Comme il le sait d'après la réponse que j'ai donnée à notre collègue de Carleton-Gloucester, je partage son inquiétude au sujet des hausses de prix apparemment inexplicables dont se plaignent les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

Pour ce qui est de sa suggestion concernant la réglementation des prix, je ne suis pas en faveur d'une telle mesure. Je ne crois pas que la réglementation des prix, qu'il s'agisse de forcer les sociétés à les réduire ou de les fixer à leur place, soit la meilleure façon de s'assurer que les consommateurs paient les prix les plus bas.

Je crois que la concurrence réelle et soutenue est la vraie solution.

(1210)

Le président suppléant (M. Kilger): Cela met fin à la période des questions pour aujourd'hui.

_____________________________________________


11943

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 18 pétitions.

* * *

LE COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 109 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité de l'industrie, Rebâtir la confiance.


11944

LA LOI SUR LES ALLOCATIONS DE RETRAITE DES PARLEMENTAIRES

L'hon. Herb Gray (au nom du président du Conseil du Trésor, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires et prévoyant le rétablissement d'une disposition.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU LAIT

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-86, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a unanimité en ce qui concerne la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant tout article du Règlement, la séance de la Chambre du lundi 8 mai 1995 débute à 14h00.
(La motion est adoptée.)

* * *

PÉTITIONS

LE PROJET DE LOI C-58

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plus de 500 habitants de la région de Montréal qui demandent le retrait du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Les pétitionnaires sont d'avis que ce projet de loi est antidémocratique, qu'il va isoler les membres de la GRC en les privant du statut de fonctionnaire et, par conséquent, porter atteinte à leurs droits et libertés fondamentaux.

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par 25 personnes et dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'instituer dans les meilleurs délais une vaste enquête publique en remplacement de la série de petites enquêtes sur les forces armées canadiennes, y compris la Réserve. Cette enquête publique aurait pour mandat d'examiner toutes les questions touchant les opérations, l'attribution des tâches, les ressources, l'efficacité, le moral et le bien-être des forces armées canadiennes, d'en faire rapport et de formuler les recommandations qui s'imposent.

L'AIDE AU SUICIDE

M. George S. Rideout (Moncton, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai deux pétitions à présenter. La première porte sur l'aide au suicide.

Les pétitionnaires demandent que nous n'apportions au Code criminel aucune modification qui aurait une incidence dans ce domaine.

(1215)

LES DÉLINQUANTS SEXUELS RÉCIDIVISTES

M. George S. Rideout (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): La seconde pétition, monsieur le Président, concerne une requête présentée par certains habitants de Moncton qui demandent que la Charte des droits et libertés soit modifiée afin qu'on puisse prévenir les habitants d'une localité lorsqu'un délinquant sexuel récidiviste est remis en liberté sur le territoire de cette localité.

LES COUPLES HOMOSEXUELS

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai cinq pétitions à présenter aujourd'hui. La première, qui est signée par 35 personnes, exhorte le Parlement à ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les couples homosexuels.

L'AIDE AU SUICIDE

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): La deuxième est signée par 25 pétitionnaires qui demandent que le Parlement ne modifie pas la loi concernant l'aide au suicide.

LA PROTECTION DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): La troisième pétition, signée par 25 personnes, demande que le Code criminel soit modifié de façon à accorder aux enfants à naître la même protection dont jouissent les autres êtres humains.

LE PROJET DE LOI C-240

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): La quatrième pétition comporte quatre pages, et ses signataires prient le Parlement de promulguer une loi pour punir les crimes entraînant des sévices graves commis par des délinquants dangereux et plus précisément, de permettre l'utilisation des ordres de détention postpénale en adoptant le projet de loi C-240 présenté par ma collègue.

LE BUDGET

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Enfin, j'ai entre 500 et 600 signatures sur une pétition présentée en réponse au récent budget, et je répète que des pétitions de ce genre me parviennent encore.

Les signataires prient le Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les impôts et lui demandent de promulguer une loi sur la protection du contribuable, qui limitera les dépenses du gouvernement fédéral.

11945

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aussi pour présenter quatre pétitions cet après-midi. La première renferme plus de 400 signatures.

Les pétitionnaires prient le Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les impôts et lui demandent de promulguer une loi sur la protection du contribuable, qui limitera les dépenses du gouvernement fédéral.

L'ORIENTATION SEXUELLE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition ne compte que 75 noms environ. Ces pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier le Code des droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

LA PROTECTION DES ENFANTS À NAÎTRE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): La troisième pétition que je présente aujourd'hui, en vertu de l'article 36 du Règlement, demande au Parlement d'agir immédiatement pour étendre aux enfants qui ne sont pas encore nés la protection du Code criminel et de toutes les mesures dont bénéficient les Canadiens après leur naissance.

LE PROJET DE LOI C-41-L'ORIENTATION SEXUELLE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, la quatrième pétition que je présente vient aussi de nombreux habitants de ma circonscription qui demandent au Parlement de ne pas adopter le projet de loi C-41 avec l'article 718.2 tel qu'il est actuellement rédigé et, de toute façon, de ne pas inclure l'expression non définie «orientation sexuelle», étant donné que le comportement des gens ne justifie pas une considération particulière dans la loi canadienne.

Je vous remercie, monsieur le Président. Ce fut pour moi un plaisir et un privilège que de présenter ces pétitions.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.


11945

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, avant l'interruption pour la période des questions, j'étais en train de relever les failles du projet de loi C-43. J'ai discuté de la mise en scène du gouvernement relativement à la nomination du conseiller en éthique et au soi-disant pouvoir que le conseiller en éthique aurait. J'ai relevé également les contradictions des libéraux et leur volte-face à l'égard de plusieurs points, dont entre autres au niveau des catégories des lobbyistes.

On se souvient que les libéraux voulaient faire du lobby une seule catégorie, parce qu'ils considéraient, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, que du lobby, c'était du lobby.

(1220)

Rendus au pouvoir, les petits amis, probablement ceux qui financent leur caisse électorale, ont dit: «Non, non. Nous autres, on aimerait mieux que ça reste tel quel avec trois catégories.» Donc, les libéraux ont révisé leur position et le projet de loi C-43 est conforme aux revendications des lobbyistes, c'est-à-dire qu'on a encore les trois catégories.

J'en étais rendu plus précisément, lors de l'interruption, à la troisième faille que j'ai relevée dans le projet de loi C-43. Il y a huit failles majeures en tout qui sont faites délibérément pour ne pas atteindre l'objectif de transparence qui était recherché par le projet de loi C-43. La troisième faille relevée était au niveau de l'obligation de divulgation. Je faisais état plus tôt du scandale de l'aéroport Pearson de Toronto qui nous a amplement démontré le laxisme des règles actuelles de divulgation.

On se rappellera que le contrat de privatisation a été signé en pleine campagne électorale fédérale en 1993, et qu'une enquête fut instituée pour faire la lumière sur cette transaction. Le rapport Nixon fut remis au gouvernement le 29 novembre 1993 et faisait état de malversation de la part de lobbyistes, de fonctionnaires et d'adjoints politiques des ministres en cause. Cependant, le rapport soulève plusieurs autres questions auxquelles nous n'avons pas obtenu de réponse. Entre autres, qui sont les lobbyistes qui ont manqué à l'éthique la plus élémentaire? Quand ces événements se sont-ils produits? En quoi ont-ils agi, soit illégalement, soit illégitimement? Et qui sont les fonctionnaires et les membres du personnel politique qui ont été trop loin dans ce dossier?

Le gouvernement libéral n'a pas apporté de réponses à ces questions préférant fermer les yeux devant des agissements graves qui minent la crédibilité de nos institutions démocratiques. Ce qui est le plus désolant, c'est que le projet de loi C-43 n'apporte rien de neuf. Nous restons dans l'ignorance complète. La clique du pouvoir malsain fera encore la pluie et le beau temps, et c'est épouvantable. Alors qu'un gouvernement avait fait la promesse, lorsqu'il était dans l'opposition, de mettre de la transparence dans ce dossier-là.


11946

Si le gouvernement libéral était sérieux dans son désir de rendre les engagements contractés par l'État plus transparents, pourquoi refuse-t-il que tous les lobbyistes soient tenus de divulguer les contrats pour lesquels ils tentent d'influencer l'administration fédérale? Ou encore, pourquoi refuser de divulguer les contrats qui sont accordés discrétionnairement sans appel d'offres? Je déplore l'obstination des libéraux à refuser systématiquement toute possibilité d'éclairage sur cette question.

Si le gouvernement libéral était vraiment sérieux lorsqu'il parle d'intégrité et de transparence, n'exigerait-il pas que les lobbyistes divulguent également leurs honoraires? J'ai appris, par l'intermédiaire du ministre de l'Industrie, qu'il y avait à Ottawa des lobbyistes qui chargeaient jusqu'à 5 000 $ par jour pour négocier des petits arrangements avec le gouvernement.

La population, dans un cas semblable, a le droit de savoir qui paie cette somme-là, elle a le droit de savoir qui a intérêt à payer jusqu'à 5 000 $ par jour pour faire plier le gouvernement ou le ministre sur une décision ou sur une position. Mais non. Le projet de loi C-43 est complètement silencieux à cet égard.

Les libéraux, du temps où ils se trouvaient de ce côté de la Chambre, étaient favorables à cette divulgation. Ils étaient d'avis, à juste titre, que les lobbyistes devaient divulguer leurs honoraires. Je vais vous citer des exemples concrets de cette affirmation, de la position de certains députés du Parti libéral, du gouvernement qui, aujourd'hui, ont changé leurs discours.

Le député de Glengarry-Prescott-Russell et whip du gouvernememt mentionnait, le 2 février 1993, ce qui suit, et je l'invite à écouter très attentivement: «En d'autres termes, le public a le droit de savoir qui fait quoi, à qui, et faut-il ajouter, à quels coûts?» Dans l'opposition, on demandait cela au gouvernement. De façon encore plus éloquente, l'actuel secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie mentionnait ceci, le 16 février 1993, relativement à la divulgation des honoraires des lobbyistes: «Une des raisons pour lesquelles je suis ferme sur cette question de divulgation, c'est que votre organisme ne travaille pas seulement au domaine des politiques. Vous avez maintenant un volet de sondage ainsi qu'une unité de relation avec les médias. Votre organisation-il répondait à quelqu'un devant lui en comité, il savait ce qu'il disait-a une forte influence non seulement sur le consommateur, mais aussi sur l'administration publique et sur les médias. Dans une ville comme la nôtre, il suffit de fréquenter quelques jours le cercle des journalistes pour faire passer à peu près n'importe quoi, n'importe quelle idée. Une des raisons pour lesquelles je suis convaincu que nous devons modifier la loi pour que vos honoraires soient divulgués c'est qu'il arrive parfois. . . Pensez au référendum: des millions de dollars ont été injectés dans le système par des firmes de lobbying qui préconisaient un point de vue donné alors qu'on en ignorait à peu près tout.»

(1225)

Le secrétaire parlementaire du ministre disait il y a à peine quelques mois qu'il fallait que les honoraires des lobbyistes soient divulgués. Aujourd'hui, dans le projet de loi C-43, le ministre de l'Industrie dit que les honoraires ne seront pas divulgués. Qu'est-ce que les députés ont dit? Qu'est-ce que le secrétaire parlementaire du ministre a mentionné? Je ne répondrai pas à cette question. Je ne répondrai pas, parce que c'est déplorable qu'un député ne se lève pas pour faire valoir ses préoccupations, pour faire valoir ses idées lorsqu'il était dans l'opposition. Le pouvoir corrompt, donne l'alzheimer aux députés libéraux.

Passons à un autre point sur lequel les libéraux déchiraient leurs chemises lorsqu'ils étaient dans l'opposition, soit la prise de contact des lobbyistes avec les ministres et les hauts fonctionnaires. Aujourd'hui, cela semble moins les préoccuper, mais le problème est toujours là.

Supposons que le projet de loi C-43 ait été en application tout au cours des transactions qui ont menées à la signature du contrat de privatisation du l'aéroport Pearson. Je le donne souvent en exemple parce que c'est un scandale connu à travers le Canada, et les libéraux le connaissent très bien, ce scandale. Le nouveau registre nous permettrait de savoir sur quel contrat un lobbyiste-conseil a oeuvré. Il pourrait également, par exemple, nous indiquer que ce lobbyiste a pris contact avec le ministère concerné, en l'espèce, le ministère des Transports. Cela nous fait une belle jambe. C'est cela le changement apporté par le projet de loi C-43. Ce sont les informations que l'on obtiendrait.

Cette nouvelle obligation de divulgation est présentée comme audacieuse par le gouvernement et la majorité libérale du comité. Inutile de mentionner que pour le Bloc québécois, elle est essentiellement stérile. Il est évident qu'un lobbyiste tentant d'influencer l'appareil gouvernemental sur une question relative à la privatisation d'un aéroport prendra contact avec le ministère des Transports. C'est évident, on n'a pas besoin d'une loi pour savoir cela, pas besoin de la tête à Papineau pour deviner cela.

Pour vraiment avoir de la transparence dans les relations d'État, le gouvernement devait accepter que les lobbyistes dévoilent leurs rencontres avec un ministre et les noms des hauts fonctionnaires concernés. Il fallait que le projet de loi C-43 oblige les lobbyistes à dire qu'ils ont communiqué avec tel ministre, qu'ils ont parlé avec tel haut fonctionnaire, tel homme, telle femme, à telle heure, qu'ils ont discuté de tel dossier, qu'ils voulaient que le gouvernement prenne une décision sur telle chose. Le projet de loi C-43 est silencieux, il ne donne pas le poids que nous voulions dans cette loi.

Une pareille transparence aurait contribué à rétablir l'intégrité des institutions dans l'esprit des gens. Encore une fois, le gouvernement a manqué le bateau. Encore une fois, nous avons proposé des amendements, des modifications en ce sens et le gouvernement a dit non, non à la transparence, non à l'intégrité proposée par le Bloc québécois.

Également, pourquoi refuser que les lobbyistes soient dans l'obligation de dévoiler leurs liens politiques? Il serait intéressant de savoir que tel lobbyiste est à l'emploi de tel parti politique. Il serait peut-être intéressant de savoir que tel lobbyiste était déjà candidat pour un parti politique. Il serait peut-être intéressant de savoir également que tel lobbyiste est président d'une association ou était l'organisateur en chef d'un ministre durant une campagne électorale. Il serait peut-être intéressant de savoir également quel lobbyiste a donné 1 000, 2 000 ou 3 000 $ à la campagne de financement du Parti libéral. Il serait intéressant de savoir cela.


11947

Mais non, mais non. Dans l'opposition, du temps où les libéraux avaient de la difficulté à ramasser 5c., on exigeait cela du gouvernement, il fallait que les lobbyistes dévoilent cela. Mais maintenant qu'on forme le gouvernement, maintenant qu'on fait des cocktails et des petits repas à 1 000 et 2 000 $ le couvert, on ne veut pas de ces informations. On change de discours.

(1230)

Puisque le temps file, je m'attarderai peu sur les honoraires conditionnels des lobbyistes, parce que vous savez que certains lobbyistes demandent à leurs clients, à ceux qui les engagent, des honoraires conditionnels. Disons que je vous facture 5 000 $ l'heure, comme l'exemple que le ministre a donné, pour faire telle revendication ou telle pression auprès du gouvernement. Mais si vous obtenez gain de cause, vous allez me donner 250 000 $, en plus des honoraires. Je prends des gros chiffres pour que vous compreniez très bien, mais c'est ce que sont les honoraires conditionnels.

Nous, du Bloc québécois, avons dit qu'il faudrait prévoir dans le projet de loi C-43 une disposition interdisant à tout lobbyiste de demander des honoraires conditionnels. Vous aurez sans doute vu, monsieur le Président, que les libéraux nous ont refusé cette modification. Pourtant, des témoins sont venus au comité nous dire que ces fameux honoraires conditionnels encourageaient les scandales et le trafic d'influence. Plus que j'en obtiendrai à titre de lobbyiste, plus je parlerai fort auprès du ministre, et plus je prendrai des tactiques pour y arriver. Cela, les libéraux ne s'en scandalisent pas aujourd'hui. Non. Ce sont des choses qu'ils dénonçaient lorsqu'ils étaient dans l'opposition, mais aujourd'hui, ils sont au pouvoir et ils ont les deux mains dans l'assiette au beurre. On ne touche pas à cela. Tartuffes!

Je pourrais, comme je vous l'ai dit tantôt, vous parler de ce dossier pendant des heures parce qu'il est extrêmement important. Il est tellement important que le comité qui a étudié cette question a entendu quelque 80 témoins. On a reçu des mémoires magistraux. C'était la troisième fois qu'un groupe de parlementaires étudiait cette question. On a eu le rapport Cooper, on a eu le rapport Holtmann et présentement, aujourd'hui, vous avez devant vous le rapport Zed.

À trois reprises, des parlementaires ont dit: «Il faut mettre du mordant à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.» Qu'avons-nous devant nous? Une loi sans mordant, une loi sans poigne, une loi qui ne touchera pas l'objectif de transparence qu'on s'était fixé. Il n'y a rien de neuf dans ce projet de loi, et les scandales vont se poursuivre.

En parlant de scandale, en parlant d'actualité également, vous avez vu, à la période des questions, que toutes sortes de choses ont été révélées. On parle d'ailleurs de ces éléments depuis des semaines. On n'est pas les seuls à dire: «Écoutez, quelque chose se passe dans la machine gouvernementale, il y a des choses qui ne marchent pas», à part le quotidien The Gazette naturellement. Mais on ne se demande pas pourquoi The Gazette appuie le gouvernement.

Je pense que tous ces éléments nous démontrent qu'une loi encadrant très sérieusement et vigoureusement les lobbyistes n'a jamais été aussi urgente et nécessaire. L'actualité nous le démontre plus que jamais dans la saga du favoritisme du gouvernement libéral, dans sa politique en matière de diffusion directe par satellite.

En ce sens, M. Jean-Robert Sansfaçon mentionne ceci dans le quotidien Le Devoir d'aujourd'hui: «Rarement une intervention politique du Parlement fédéral aura-t-elle été plus visiblement téléguidée que cette décision de suspendre les règles du jeu fixées par le CRTC. Une intervention dont le seul but est de permettre l'entrée en scène d'un joueur qui est nul autre que l'entreprise dirigée par le gendre du premier ministre, André Desmarais. Une fois de plus, le ministre du Patrimoine, Michel Dupuy, fait figure de marionnette, incapable de faire respecter la lettre et l'esprit de la Loi canadienne sur la télédiffusion.»

Et tout cela a été fait à coup de lobbies, à coup de rencontres, à coup de visites auprès du ministre. Et tout cela, c'est le lobby puissant de Power.

Là, le projet de loi C-43 est devant nous et il tombe très bien. Il fait la preuve qu'avec ce projet de loi C-43 tel qu'adopté, tel que rédigé et tel que soumis devant la Chambre, rien ne changera et que des scandales comme ceux qu'on a eus cette semaine vont se poursuivre, et nous ne recevrons jamais de réponses à nos questions. On ne saura jamais véritablement ce qui aura guidé le ministre dans ses décisions, dans ses visites, dans ses rencontres ou autres. C'est un véritable scandale.

(1235)

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, c'est un honneur que de prendre la parole dans cette vénérable Chambre, à laquelle j'ai été élu pour représenter la population du Canada, et de traiter de la question des lobbyistes.

Je commencerai par féliciter mon collègue du Bloc qui vient de parler. Son argumentation était très bonne, et j'ai beaucoup apprécié les points qu'il a soulevés.

Je voudrais également faire un bref commentaire sur le processus que nous avons suivi. Comme la plupart des députés le savent, c'était le premier projet de loi à être soumis au nouveau processus d'étude en comité après la première lecture. Comme je l'ai dit précédemment dans cette Chambre, je trouve cette expérience à la fois déprimante et encourageante.

C'est encourageant au sens que nous avions un président très compréhensif. J'ai dit cela auparavant et il a l'habitude de sourire quand je le dis, mais je vais néanmoins répéter mon compliment. J'ai également appris à connaître et à apprécier tous les députés membres de ce comité. Nos discussions ont été très bonnes, faciles et franches.

On nous avait dit que, au cours de ce processus, nous pouvions en quelque sorte penser à haute voix, nous pouvions présenter des idées que, peut-être, nous n'épousions pas complètement. En fait, nous voulions surtout poser des questions. Qu'arriverait-il si nous faisions ceci? Qu'arriverait-il si nous faisions cela? Étant un néophyte, je pensais que ce serait une excellente façon de parler et de débattre de la question. Je pensais qu'il allait en résulter un très bon projet de loi. J'étais très enthousiasmé par ce nouveau processus.


11948

Nous avons eu d'excellents témoins et, une fois de plus, je voudrais les remercier officiellement. Ils ont présenté leur argumentation d'excellente façon.

Cependant, ce que je voulais savoir avant tout, c'était si nous avions vraiment besoin de lobbyistes. En fait, si vous me permettez de montrer combien j'étais naïf, je suis venu à Ottawa, à l'automne de 1993, en pensant que, à strictement parler, les lobbyistes étaient inutiles et ne devraient pas exister. Dans une large mesure, c'est toujours ce que je pense.

Cela me rappelle une histoire dont m'a fait part mon assistante au sujet de corbeaux qui, apparemment, avaient pris possession de la ville d'Ottawa. Ces corbeaux étaient devenus une véritable plaie. Non seulement ils salissaient les voitures, mais à l'occasion ils s'attaquaient aux enfants et il leur arrivait même de «bombarder» des fonctionnaires. C'est alors qu'on a décidé de prendre des mesures.

Le maire de cette ville estimée a proposé une récompense de 5 000 $ à quiconque débarrasserait la ville des corbeaux. Un campagnard est venu voir le maire et lui a dit: «J'ai une solution à votre problème, mais ça vous coûtera 5 000 $.» «Très bien», répond le maire, «ça vaut bien ça, car lorsque notre dernier fonctionnaire a été bombardé par un de ces corbeaux, on ne pouvait plus supporter ça.»

Le jeune homme arrive avec un cage renfermant un corbeau bleu. Il se rend là où se trouvent les autres corbeaux et ouvre la porte pour laisser partir le corbeau bleu. Celui-ci, on ne sait trop comment, attire les autres corbeaux et ils quittent tous la ville pour ne plus jamais revenir.

Le maire dit au jeune homme: «Voici tes 5 000 $, mais j'ai une question à te poser: As-tu des lobbyistes bleus?»

Une question se pose: «Devrions-nous nous débarrasser de tous les lobbyistes? Devrions-nous garder l'un d'entre eux pour emmener les avec lui?»

Je dois avouer que ma façon de voir les choses a un petit peu changé pendant les travaux de ce comité, après avoir rencontré des particuliers et des groupes, notamment des porte-parole d'associations professionnelles, d'associations de gens d'affaires et d'associations industrielles qui nous ont présenté des mémoires. Ils ont réussi à nous convaincre de leur importance. Je ne citerai pas de noms.

(1240)

Chose sûre, ce qui se passe dans cette enceinte influe fortement non seulement sur les citoyens, mais également sur les groupes de citoyens, les entreprises et diverses professions. Voilà pourquoi il est probablement utile que le gouvernement ait, par exemple, certaines relations avec une association regroupant tous les dentistes du pays plutôt que de devoir traiter avec chacun d'eux.

Il me vient à l'esprit un autre exemple, soit celui d'une association du secteur forestier qui nous a aussi présenté un mémoire. Dans ce cas-ci, les mesures d'intérêt public touchant la fiscalité, l'environnement, la protection et autres influent non seulement sur la possibilité pour cette industrie d'opérer au Canada mais également sur sa capacité de soutenir la concurrence mondiale, ce qui est de plus en plus fréquent chez nous.

Après mûre réflexion, j'en suis donc venu à la conclusion qu'il était probablement justifiable que ces gens soient représentés par une petite association ayant pour objectif de faire connaître leurs vues au gouvernement.

En ce qui concerne la plupart des questions d'intérêt public, je suis toutefois d'avis que la présence de lobbyistes ne s'impose pas. Vu que je suis parlementaire, on me demande souvent si je vais rencontrer tel ou tel groupe. Je me suis imposé plusieurs règles à ce sujet. La première règle est de répondre: «Non, je ne rencontre pas de lobbyistes. Mes électeurs, les gens qui m'ont élus, ce sont eux mes lobbyistes. Ce sont eux que je représente ici.»

Néanmoins, j'observe aussi quelques petites sous-règles. Si un groupe de lobbyistes vient me voir et que l'un des membres de la délégation habite ma circonscription, peu importe l'objet de leur démarche, ma porte leur est grand ouverte, car je ne refuserai jamais, pour rien au monde, de parler à un électeur de la circonscription d'Elk Island.

J'ai également deux autres petites sous-règles, que j'utilise. Parfois, certains de ces groupes ont effectué beaucoup de recherches et sont spécialisés dans leur domaine. S'ils peuvent améliorer ma compréhension d'un point de vue technique ou quant aux répercussions possibles d'une mesure sur l'ensemble de la population, non seulement dans ma circonscription, mais dans tout le pays, je ne vais certainement pas laisser passer cette chance d'en apprendre davantage.

Ainsi, j'ai eu l'occasion de traiter avec un certain nombre de lobbyistes directement et, dans la plupart des cas, je l'apprécie vivement.

Il faut parler de ce projet de loi, car on semble tenir pour acquis que les députés n'accomplissent pas un travail efficace. Je déteste devoir dire ceci, Je sais qu'en un sens, j'attaque ainsi tous mes collègues et moi d'ailleurs, et certainement, tous les députés ministériels de l'arrière-ban, mais il est vrai que nous avons un accès très limité au processus de prise de décisions.

Le discours du ministre, ce matin, m'a beaucoup intéressé. J'y ai porté une grande attention. Je vais réagir à certaines des choses qu'il a déclarées. Il a signalé notamment, et je l'ai noté par écrit, que le gouvernement avait pour objectif de donner aux députés un plus grand rôle. Je me rappelle avoir lu cela dans le livre rouge, au cours de la campagne électorale. Je dois avouer que je n'ai jamais lu en entier ce livre.

M. McCormick: C'est là votre première erreur.

M. Epp: J'en ai lu assez, cependant, pour comprendre l'essentiel. Par contre, je me rappelle avoir lu cela. J'avais peur que nous perdions les élections, car si les libéraux avaient pour programme d'accroître le rôle des députés, ainsi que de limiter l'action des lobbyistes, etc., ils nous volaient alors nos idées et il se pouvait fort bien que les gens les croient et les élisent plutôt que nous.


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Eh bien, il se trouve que j'ai été, en fait, élu dans la circonscription de Elk Island, malgré cela. Ainsi, j'ai beaucoup apprécié qu'on me demande de siéger à ce comité. C'est une chose dans laquelle je croyais vraiment, et je pouvais apporter une contribution utile.

Ce matin, le ministre est revenu sur cette déclaration selon laquelle les députés auraient un plus grand rôle. Franchement, ce n'est pas ce que j'ai pu observer. Je remarque que les décisions sont encore prises, dans la plupart des cas, dans les bureaux des hauts fonctionnaires, de concert avec les sous-ministres et les ministres. Il est difficile pour les gens ordinaires, y compris les députés, d'entrer dans ce cercle fermé. Je crois comprendre que c'est pratiquement aussi difficile pour les députés ministériels que pour ceux de l'opposition.

(1245)

Nous avons tous une certaine influence. Je sais que c'est le cas des députés libéraux au sein de leur caucus. Le fait est qu'il n'y aurait pas de lobbyistes si les gens pouvaient défendre leur point de vue sur le type de pays que nous devrions avoir et le genre de politique à adopter. Les députés ne coûtent rien. Enfin, pas vraiment. Nous savons que les contribuables les paient très généreusement en leur accordant notamment le régime de retraite auquel les ministériels tiennent tant. Les gens n'ont rien à payer de plus pour transmettre un message au gouvernement s'ils passent par leur député.

L'existence même des lobbyistes montre bien que de nombreuses personnes, pratiques, reconnaissent que, si elles veulent se faire entendre, elles doivent procéder de cette façon.

Je voudrais également parler brièvement du projet de loi et des amendements que nous y avons apportés. Cela a été, en fait, une bonne expérience, au comité, de proposer des amendements et d'en parler. Je pense que beaucoup d'entre eux avaient été redigés avant même qu'il y ait des articles.

Les dispositions finales avaient été rédigées de façon tout à fait officieuse sans amendements officiels. Nous avons ensuite commencé à proposer des amendements officiels. Il faut dire, monsieur le Président, qu'on retrouve au sein du comité, comme à la Chambre, une majorité de députés ministériels. Le député du Bloc et moi, qui représentons l'opposition, sommes de loin en position d'infériorité.

Je dois reconnaître que nous avons eu une discussion franche avec les députés ministériels. La plupart du temps, ils nous ont écoutés avec beaucoup de respect. Je suis très heureux des liens que nous avons tissés et de la facilité avec laquelle nous avons pu discuter.

Puis, comme il l'a mentionné dans son discours, mon collègue du Bloc a proposé une importante série d'amendements qui ont tous été rejetés par les députés ministériels. J'ai été très déçu. Le député du Bloc a pris la parole à la Chambre aujourd'hui. Il a décrit ses amendements et a expliqué leur fondement. Ces amendements étaient fondés. Le gouvernement perd beaucoup en ne les incorporant pas dans le projet de loi et en écartant d'emblée leur adoption. C'est très fâcheux.

Ensuite, j'ai présenté un certain nombre d'amendements. Comme vous le savez, madame la Présidente, nous nous sommes prononcés sur ces amendements il y a plusieurs jours. Je me suis senti mal à l'aise. C'est à cause des nombreux amendements que notre parti a présentés que tous les députés de la Chambre ont dû consacrer environ une heure au vote sur ces questions. Pour préserver mon intégrité, je devais présenter ces amendements. Je devais m'assurer que le gouvernement dise «oui, nous acceptons ceux-ci» ou «non, nous n'acceptons pas ceux-là», pour que les choses soient claires.

(1250)

Je suis bien heureux. À ma connaissance, deux des amendements que nous avons proposés ont été acceptés. Je pense que c'est la première fois que l'on adopte, à l'étape du rapport, des amendements qui sont présentés par l'opposition. Ce sont d'excellents amendements, pas parce que c'est moi qui les ai présentés, mais parce qu'ils ont recueilli un vaste appui. Cela montre qu'ils étaient logiques et correspondaient à ce que voulaient les gens. J'ai été ravi qu'on les adopte.

Le gouvernement a rejeté un certain nombre d'amendements que nous avions présentés. Le temps dira s'il a bien fait d'agir ainsi. Cela va être le talon d'Achille du gouvernement que d'avoir laissé passer l'occasion qui lui a été donnée d'être plus transparent et plus ouvert.

Je ne veux pas soulever seulement des objections. Quand j'ai été élu, j'ai dit que, comme député de l'opposition, je ne chercherais pas uniquement à critiquer les erreurs, mais que j'applaudirais aux bons coups.

Cette mesure législative sur l'enregistrement des lobbyistes renferme d'assez bonnes dispositions. Elle accroît les exigences sur la divulgation. Si le projet de loi est adopté, les Canadiens pourront en savoir davantage sur les lobbyistes. Il sera sûrement adopté la semaine prochaine, étant donné la majorité libérale.

Le Parti réformiste est d'avis qu'il est important que les membres des coalitions soient représentés et enregistrés, de sorte qu'au moment de l'enregistrement, s'ils forment une association, ils devront indiquer toutes leurs organisations membres.

Comme nous l'avons proposé dans notre amendement, nous croyons qu'il est capital que le lobbyiste, ou l'association ou la société qu'il représente, qui bénéficie d'un financement direct du gouvernement soit tenu de le divulguer.

Un journaliste m'a interrogé à ce sujet il n'y a pas longtemps. Je lui ai dit que c'était vraiment la première étape. Une fois que les Canadiens sauront qu'ils financent des groupes dont les activités consistent à devancer les citoyens ordinaires pour influencer le gouvernement, ils exigeront que ce genre de financement disparaisse. De toute évidence, il n'y a actuellement aucune volonté politique pour faire cesser le financement des groupes de lobbyistes. Avec la procédure de divulgation qui sera appli-


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quée, les gens sauront exactement combien d'argent le gouvernement dépense pour financer ces diverses organisations.

Quand les Canadiens seront au courant, je suis certain qu'ils commenceront à faire pression auprès de leurs représentants élus pour que cesse le financement de ces groupes. C'est notre objectif. Il ne fait, à mon sens, aucun doute qu'un groupe de lobbyistes devrait être financé par les personnes qu'il est censé représenter. Il serait alors tout à fait légitime.

Qu'un groupe de lobbyistes fasse d'abord des pressions auprès du gouvernement pour que celui-ci le finance et lui permette ainsi de continuer d'exister et représente ensuite un groupe de personnes, ce n'est pas légitime. Cela lui ôte toute efficacité et c'est non seulement une perte d'argent, mais aussi une aberration dans un processus démocratique.

Je suis très satisfait de voir que ce projet de loi prévoit la transmission des déclarations sous forme électronique. On dit que le gouvernement s'ingère de plus en plus dans la vie des gens. Qu'il rend les déclarations plus difficiles. Les Canadiens en sont particulièrement conscients en cette époque de l'année.

Aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, ceux-ci peuvent se faire enregistrer et transmettre leur déclaration par la voie électronique, ce qui revient moins cher. Je pense aussi que c'est une très bonne idée que d'avoir étendu les délais pour l'enregistrement. La plupart du temps, il n'est pas important que l'enregistrement ait lieu dès le début des activités. Par contre, il est important d'exiger une déclaration à la fin des activités.

Le fait de demander aux lobbyistes une divulgation définitive donne deux choses. Ils doivent maintenant mettre leur déclaration à jour tous les six mois, ce qui permet une certaine forme de contrôle. C'est la même chose que lorsque je fais mon travail de député. J'essaie de me rappeler que tout ce que j'écris ou tout comportement que j'adopte peut être connu du publicc sans jeter sur nous le discrédit. Ultimement, ce sont les Canadiens qui seront juges. C'est alors que nous aurons un processus valable.

(1255)

Je ferai néanmoins un reproche. Le ministre a longuement parlé ce matin dans son discours de restaurer la confiance. Il a parlé de certains problèmes actuels. Quand je lui ai posé une question, il a répondu que je brûlais d'impatience d'avoir mon mot à dire. C'est vrai. J'essayais d'attirer son attention. Il parlait des problèmes actuels et donnait le point de vue du gouvernement.

Malheureusement, il n'a pas répondu. J'essayais simplement d'attirer son attention afin de savoir comment le projet de loi C-34 résolvait le problème. Le ministre n'en a pas fait cas et a continué sa déclaration. Il n'y a rien à redire à cela. Pendant son temps de parole, il a le droit de finir ce qu'il avait prévu de dire.

La raison pour laquelle il ne pouvait pas répondre, c'est que le projet de loi C-34 ne résoudra pas les problèmes qui se présentent à la Chambre de temps à autre, notamment ceux que nous avons en ce moment. Nous savons tous les problèmes auxquels je fais allusion.

Les points que je considère importants ici sont ceux de la transparence et de la responsabilité financière, car il faut pouvoir montrer que l'on agit correctement. Nous pourrions avoir une situation où les choses ne sont pas faites normalement, mais où elles continuent d'être faites ainsi, parce que personne n'est au courant. Si nous avions la transparence, un mot qui signifie que l'on peut voir à travers les choses, nous pourrions voir l'envers de la médaille. Si nous avions la transparence, alors ces problèmes et ces questions seraient résolus très rapidement.

Je ne pense pas qu'il y ait suffisamment de substance dans le projet de loi C-34 pour atteindre cet objectif. C'est regrettable, parce que c'était une occasion pour tous les députés de prouver à la population canadienne que, de fait, leur gouvernement est honnête. Je ne veux pas dire par là qu'il ne l'est pas. Je parle de garantir qu'il le soit. Même si le gouvernement est honnête, si les gens n'ont pas cette impression, alors la bataille n'a pas été gagnée. Il faut communiquer les renseignements de sorte qu'ils soient crédibles.

Le projet de loi C-34 n'atteint pas cet objectif pour plusieurs raisons. Je n'aurai le temps d'en aborder que quelques-unes. Je veux organiser mon temps de façon à pouvoir parler un peu plus tard de la question dans sa généralité.

Je tiens d'abord à faire observer que le livre rouge, publié dans le sillage des élections de 1993, promettait que le rapport Hotlmann sur les lobbyistes serait mis en application. Il y a un grand nombre de domaines où cela n'a pas été fait. Une des recommandations formelles du rapport Holtmann concernant le lobbying, publié il y a quelques années, portait sur l'élimination des catégories.

J'estime que deux lobbyistes se rassemblent comme deux gouttes d'eau. Si leur but est de décrocher un contrat gouvernemental ou d'influencer une politique gouvernementale, ce sont des lobbyistes. Aux yeux du contribuable et de l'électeur, lorsqu'une association ou une organisation envoie un lobbyiste auprès du gouvernement, il importe peu que cette personne soit un lobbyiste embauché par elle pour la circonstance ou travaillant déjà pour elle. Pour la plupart des groupes, cette distinction fondée sur les catégories n'est pas importante. Dans les deux cas, il s'agit d'un lobbyiste qui cherche à influencer une décision gouvernementale. Nous étions fortement convaincus qu'il y a tout lieu de supprimer cette distinction faite entre deux catégories de lobbyistes.

(1300)

Je dois avouer que ma façon de voir les choses a évolué avec le temps. Au départ, j'en étais tout à fait persuadé. Puis-je me suis dit qu'il y avait sans doute lieu de faire cette distinction et peut-être d'atténuer les exigences relatives à la déclaration. Toutefois, après y avoir encore mûrement réfléchi, j'en suis venu de nouveau à la conclusion que la transparence et la totale divulgation valaient pour tous.

La définition de «lobbyiste» pose aussi un problème. Dans le cas des lobbyistes pour le compte d'une organisation, la loi est claire: s'ils font du lobbying contre rémunération, ce sont des lobbyistes et ils sont tenus de faire une déclaration. Toutefois, le projet de loi C-43 étant destiné aux lobbyistes des deux catégories, les lobbyistes salariés, ceux qui représentent leur organisa-


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tion, ne sont tenus de faire une déclaration que si le lobbying représente une partie importante, qui n'est pas définie, de ses fonctions.

Nous pensons que le terme «importante» ouvre la porte toute grande. En fait, une personne pourrait faire du lobbying pendant pas mal de temps, mais si elle accomplit beaucoup d'autres tâches, elle pourra alors considérer ces deux ou trois jours de lobbying comme peu importants. Si le lobbying est fait par une personne qui a des contacts en haut lieu au gouvernement, il se peut qu'un déjeuner d'une heure ou deux influence grandement une décision gouvernementale. En ne dévoilant pas cela, on viole la confiance que les contribuables canadiens devraient avoir dans leurs représentants.

Nous avons également jugé très important de dévoiler les liens politiques. La question se pose toujours quand telle ou telle personne s'adresse à une autre pour obtenir quelque chose. Qui connaissait-elle? Quels étaient ses liens avec cette autre personne?

Je sais que nous attirons également un grand nombre de gens. À l'instar des libéraux, nous avons beaucoup de partisans, de membres de notre parti et de gens qui collaborent à nos campagnes électorales. Étant donné que je m'attends à ce que dans peu de temps nous formions le gouvernement, je suis tout à fait en faveur de cette divulgation. Je crois qu'il est bon qu'une fois au pouvoir, nous donnions le nom des gens qui ont collaboré à notre campagne. Qu'y a-t-il à cacher? Pourquoi devrions-nous essayer de tromper les Canadiens sur une question comme celle-là? On aurait dû l'inclure dans ce projet de loi.

Nous pensons également qu'on devrait dévoiler les contributions importantes à des partis politiques. Nous avons tout simplement pris un montant de 1 000 $ de façon arbitraire, mais on pourrait le modifier de temps à autre. Néanmoins, les personnes qui versent 1 000 $ à un parti ne sont pas de simples partisans. Ce sont généralement des gens qui ont beaucoup d'influence ou, du moins, plus d'influence que d'autres au sein d'un parti.

On peut très bien s'imaginer que, à la suite des élections, ces mêmes gens veuillent influencer le gouvernement. Je voudrais recommander très fermement qu'on dévoile ces montants. Là encore, qu'a-t-on à cacher?

Cela fait un certain temps que je n'ai pas donné de cours pendant 55 minutes, et ma voix devient un peu rauque. La différence, c'est que lorsque j'enseignais à l'institut technique, mes étudiants portaient attention et apprenaient quelque chose. Je sais que ce n'était pas très gentil de ma part de dire cela.

Il y a une autre lacune dont il faut parler avant de passer à la prochaine partie. Une autre lacune considérable du projet de loi, c'est qu'il n'est pas nécessaire de dévoiler le nom du représentant du gouvernement qui fait l'objet de pressions. Nous exigeons de connaître le nom du lobbyiste et celui des groupes et associations qu'on représente. Cependant, il suffit de dire que, par exemple, dans le cas de la transaction sur l'aéroport Pearson, on a fait du lobbying auprès du ministère des Transports. Je pense qu'il serait très utile pour les Canadiens qui jugent des questions comme celle-là de savoir exactement qui on a influencé au sein du ministère.

Je vais m'arrêter un instant sur le conseiller en éthique. J'aurais aussi aimé parler d'autres questions, mais je n'aurai pas le temps.

(1305)

À mon avis, le conseiller est le point le plus important de tout ce projet de loi. Je voudrais tout d'abord féliciter le gouvernement d'avoir proposé le poste de conseiller. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Je suppose que nous pourrions nous réjouir de cela et dire au premier ministre et au gouvernement que c'est un progrès. Malheureusement, le poste de conseiller finira par être le point le plus faible de ce projet de loi, alors que ça n'aurait pas dû être le cas. C'est vraiment dommage.

Le seul moment où l'on a besoin du conseiller, c'est en cas de doute. En temps normal, si les relations entre les compagnies ou entre les associations et le gouvernement sont bonnes et, s'il n'y a pas d'allégation d'actions fautives, le conseiller reste simplement dans son bureau pour vaquer à ses tâches habituelles.

Je voudrais revenir sur ce que le ministre a dit ce matin. Il a parlé de l'entente conclue avec le ministre du Patrimoine canadien. Il en a longuement parlé, ce matin. Lorsque j'ai tenté d'attirer son attention pour savoir ce que le projet de loi C-43 ferait à ce sujet, j'espérais qu'il me dirait que le conseiller ferait enquête et trancherait la question. Je lui ai tendu la perche, mais il ne l'a pas saisie. Il l'a ignorée.

Cela montre que ce projet de loi n'est pas parfait. Le ministre n'a pas reconnu ici, alors qu'il répète à qui veut l'entendre que le ministre n'a rien fait de mal, que le gouvernement n'a rien fait de mal et que le premier ministre n'a rien fait de mal, que ce n'est pas convaincant. Il me fait penser au renard qui s'obstine à dire qu'il n'a pas mangé la poule, alors que les plumes s'échappent de sa gueule. Même si tout est correct, il faut de l'indépendance pour avoir de la crédibilité.

Lorsque nous serons au pouvoir, je serai ravi de pouvoir compter sur un conseiller indépendant. Je veux que nous en ayons un. Si jamais il y a des allégations non fondées, je veux qu'un conseiller puisse enquêter à ce sujet et dire aux Canadiens qu'il n'y a pas eu d'influence ou de pressions, qu'il a fait une enquête et n'a rien découvert d'incorrect afin de nous laver de tout soupçon.

Aux termes de ce projet de loi, le conseiller est nommé par le premier ministre, relève du premier ministre et fait rapport à la Chambre, par l'entremise du directeur. Tout passe par l'intermédiaire du gouvernement. Habituellement, les allégations portent sur un acte illicite mettant en cause un ministériel ou un fonctionnaire. N'importe qui peut constater que, si le conseiller est nommé par le gouvernement et relève du gouvernement, il ne peut fondamentalement pas faire son travail. C'est très regrettable. Nous avons raté une occasion formidable. J'avais beaucoup insisté là-dessus.

Il y a deux côtés à la médaille. En présence d'une allégation d'inconduite, il n'y a vraiment que deux solutions qui se présentent, même si chacune peut donner lieu à des interprétations. Examinons la question qui a été soulevée pendant la période des questions et au cours de tous nos débats de cette semaine. Soit


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qu'il n'y ait rien de mal, comme nos vis-à-vis le répètent, soit qu'il y ait inconduite.

Arrêtons-nous d'abord sur une supposition. Voici une hypothèse. Supposons qu'une faute ait vraiment été commise. Je souhaiterais qu'un conseiller en éthique parfaitement libre d'enquêter et de déclarer aux Canadiens, par l'intermédiaire de la Chambre, qu'après enquête, telle ou telle action était fautive.

(1310)

L'autre possibilité, c'est que rien de répréhensible ne se soit passé. En vertu du système actuel et de celui qui est proposé dans le projet de loi, si le conseiller en éthique enquête et déclare qu'il n'y a aucune action fautive, les Canadiens diront que nous ne sommes pas certains de pouvoir lui faire confiance. Ce ne sera pas parce qu'il n'aurait pas fait son travail, car le titulaire de ce poste est un homme d'honneur, digne de notre estime. Je n'ai aucune raison de douter de lui. Il ne pourra toutefois pas convaincre les Canadiens parce qu'il ne pourra pas présenter un rapport indépendant. Même s'il a fait de son mieux, les Canadiens considéreront qu'il peut toujours subir la pression ou l'influence du premier ministre, du fait qu'il doit sa nomination à ce dernier et qu'il doit lui rendre des comptes.

Il nous est arrivé de demander que le conseiller en éthique fasse une enquête. On a refusé de présenter la demande. Nous avons plusieurs fois demandé directement au conseiller en éthique: «Avez-vous été consulté ou avez-vous fait enquête?» La réponse était: «Personne ne me l'a demandé.»

Il est exact que le conseiller subit quelque contrainte actuellement, du fait que la loi n'a pas encore été proclamée; quand elle le sera, je crois que son rôle s'en trouvera raffermi. Il aura alors le pouvoir d'enquêter, de sorte que son rôle sera plus décisif qu'il ne l'est à l'heure actuelle. C'est un avantage et, encore une fois, j'en félicite le gouvernement.

Ce qu'il y a de négatif, cependant, c'est qu'il sera encore tenu de déposer ses rapports, aussi bien les rapports annuels que ceux qui résultent d'une enquête, par l'intermédiaire du ministre, le registraire général. C'est ironique. Je signale simplement une lacune qui pourrait se faire jour, un piège dans lequel nous pourrions tomber. Qu'arrive-t-il si le registraire général, qui siège à la Chambre, faisait l'objet de soupçons et qu'à la suite d'une enquête à cet égard, le conseiller en éthique présentait son rapport au ministre même visé par son enquête? Qui le croira? Peu importe ce qu'il dit. S'il dit qu'il n'y a rien à signaler, personne ne le croira. S'il dit qu'il a constaté tel ou tel problème, ce sera évidemment formidable, car alors on le croira. Il aurait cependant plus de crédibilité s'il avait toute liberté pour révéler l'une ou l'autre conclusion.

Si je plaide contre l'adoption du projet de loi en insistant surtout sur le manque d'indépendance du conseiller en éthique, c'est parce que j'espère bien qu'il jouira un jour de toute la liberté nécessaire pour convaincre les Canadiens que les allégations d'inconduite sont fausses. Voilà ce qui me motive. Il n'y a rien de plus important.

Nous devons faire tout notre possible pour renforcer la légitimité du rôle du conseiller en éthique. J'ajouterai que ses rapports annuels devraient eux aussi être déposés directement à la Chambre.

Je songe à une parfaite analogie. Quand je parcours le pays-ce que je n'ai pas eu beaucoup le loisir de faire, mon travail me retenant surtout dans ma circonscription, Elk Island, mais j'ai visité d'autres personnes en Saskatchewan et au Manitoba-et que je parle aux gens, je constate qu'il y a un personnage officiel qui jouit d'une reconnaissance et d'un respect presque universels, et c'est le vérificateur général. On prête foi à ce qu'il dit à cause de la façon dont il est nommé et dont il fait rapport. Il ne fait aucun doute que la grande imperfection de ce projet de loi tient au fait que le conseiller en éthique aura peine à produire des rapports dignes de foi simplement parce qu'il ne jouit pas de cette indépendance.

Je terminerai mon intervention, puisque vous me faites signe de conclure, monsieur le Président, en disant simplement qu'il s'agit là d'une autre promesse non tenue. Il s'agit d'une occasion ratée. C'est dommage, car, entre autres choses, le livre rouge l'avait promis explicitement. On peut en effet y lire à la page 91 que le conseiller en éthique fera rapport au Parlement. Si le gouvernement avait respecté dans le projet de loi la promesse qu'il avait faite dans son livre rouge, nous aurions affaire à une bonne initiative.

(1315)

Je ne peux pas commenter les votes. Je ne dirai donc pas que je regrette que mon amendement n'ait pas été adopté. Je félicite cependant sincèrement le gouvernement des éléments positifs de son projet de loi, mais je regrette de ne pas pouvoir le soutenir à cause de ces graves imperfections qu'il contient.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, j'ai évidemment écouté avec beaucoup d'intérêt les discours prononcés jusqu'à ce jour sur la question du système d'enregistrement des lobbyistes, et je me disais que ce n'est quand même pas le moindre des paradoxes que cette Chambre aura vécus que de vivre en ce vendredi, 28 avril, la troisième lecture d'un débat sur un projet de loi au centre de notre démocratie, alors que le gouvernement qui est devant nous, vogue de scandale en scandale, de népotisme en népotisme, de patronage en patronage.

Ce n'est quand même pas rien. Je vois que le député de Kingston et les Îles rêve de participer au débat. Il entretient le paradoxe en participant au débat sans jamais se lever. Seul évidemment votre bonté, monsieur le Président, peut permettre qu'il puisse à ce moment-là se faire entendre de nous.

Je voudrais rappeler l'importance de la question des lobbyistes. Il ne s'agit pas de prétendre que c'est une question facile. Il ne s'agit pas de prétendre que c'est une question anodine. Il ne s'agit pas de prétendre que c'est une question futile puisque finalement cela nous renvoie au degré de transparence qu'est prêt à mettre sur la table, qu'est prêt à mettre dans la balance ce gouvernement.


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Il faut se rappeler, comme l'a fait le député de Berthier-Montcalm qui a été, vous le savez, une voix plutôt éclairante dans ce débat. . .

Une voix: Éclairante?

M. Ménard: Éclairante, je pèse mes mots, mais je le dis haut et fort. N'eût été du travail assidu, acharné, intègre du député de Berthier-Montcalm, jamais le débat n'aurait eu le niveau d'honnêteté, d'intégrité et de clairvoyance qu'il a atteint en cette Chambre.

Tout cela pour vous dire que la question des lobbyistes renvoie, on le sait bien, à la volonté que l'on a, en tant que parlementaires, de faire en sorte que les décisions gouvernementales, les politiques, les orientations puissent être élaborées au vu et au su de tous. Il n'est pas étonnant que la population réclame une telle loi, une loi qui soit davantage musclée, puisqu'on est en présence d'un corps électoral et d'une population dans son ensemble beaucoup plus intéressée par la vie publique.

Non seulement la population est-elle plus intéressée à la vie publique, mais c'est un signe profondément positif, un indice qu'il faut acceuillir avec énormément de joie, que ce réflexe de nos concitoyens de vouloir savoir qui prend les décisions, qui les prend au nom de qui et, évidemment, en dernier lieu, qui tente de les influencer. En définitive, c'est cela que ce projet de loi où l'on veut que les décisions politiques soient prises au vu et au su de tous.

Je discutais tantôt bien amicalement avec le whip du gouvernement qui est tout de même, il faut le reconnaître, un parlementaire aguerri, un parlementaire expérimenté, et il me rappelait-le whip du gouvernement, qui est mon ami quand même, il faut le dire-qu'il a vécu 12 années dans l'opposition. Ce n'est quand même pas le lot de tous les parlementaires. Rappelez-vous la bataille qu'il avait menée lorsqu'il était dans l'oppostion.

(1320)

Je me rappelle l'avoir vu, j'étais évidemment très jeune à ce moment-là, mais être jeune est un défaut dont on se corrige un peu plus chaque jour, mais je me rappelle l'avoir vu intervenir avec virulence en Chambre réclamant que le gouvernement, évidemment le gouvernement conservateur à l'époque, on s'en rappelle, dote, fasse cadeau à la démocratie canadienne d'une loi sur l'enregistrement des lobbyistes qui soit musclée.

Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps puisqu'on sait que le whip du gouvernement et ses collègues sont restés les mêmes? Que s'est-il passé pour que ces gens-là, qui en avaient fait leur cheval de bataille lorsqu'ils étaient dans l'opposition, nous présentent un projet de loi considérablement émasculé lorsqu'ils accèdent aux banquettes ministérielles? C'est un projet de loi dont on dirait même à la limite qu'il est insignifiant.

Qu'est-ce qui s'est passé? Il s'est passé bien sûr que le Parti libéral, un parti continental évidemment, est devenu un parti ministériel. Donc, ils acceptent, comme formation politique, d'abord parce qu'on est loin d'un réflexe où le Parti libéral veut se doter d'une loi sur le financement populaire, ce n'est pas de cela dont on parle, on sait bien que c'est un sujet tabou pour les ministériels. On aurait quand même été en droit de s'attendre, par souci d'intégrité, qu'ils soient au moins logiques avec eux-mêmes. Qu'ils n'acquiescent pas à la volonté de l'opposition, c'est une chose que l'on peut toujours accepter, la dynamique politique étant ce qu'elle est, mais que les libéraux se fassent violence eux-mêmes et renient leur passé, cela dépasse tout entendement.

Cela dépasse tout entendement et nous chagrine. On pourrait dire: Oui, mais c'est le rôle de l'opposition, c'est un rôle un peu automatique, c'est le rôle de l'opposition de critiquer. Vous savez bien jusqu'à quel point, depuis octobre 1993, l'opposition a été une opposition responsable, éclairée, entreprenante. Et on s'en remet finalement à d'autres corps indépendants dans notre société et on regarde ce qu'ils disent de ce projet de loi.

Je voudrais citer une personnalité très importante au Québec, un intellectuel qui a commencé à s'intéresser aux questions d'imputabilité, qui a une formation à l'ENAP et est journaliste. Ce n'est pas rien, quand même, dans notre société d'être journaliste. Être journaliste ou avocat, c'est quand même quelque chose qui mérite le respect.

Permettez-moi de citer Gilles Lesage, journaliste au quotidien Le Devoir, un journaliste que le député de Kingston et les Îles devrait lire plus régulièrement. Vous comprendrez que le journaliste du quotidien Le Devoir n'a pas de prétentions politiques. C'est un homme qui fait fonctionner la démocratie en ayant un regard critique. Je voudrais citer les cinq premières lignes de son article, enfin une page complète.

Voyons ce que disait Gilles Lesage, personnalité modérée, respectée là où il a évolué. Permettez-moi de le citer particulièrement à l'intention du député de Kingston et les Îles. Il disait: «Si bien inspiré soit-il, le projet reste bien en deça des attentes et des promesses libérales. Pourtant, le plan d'action libéral pour le Canada était explicite sur la nécessité de restaurer l'intégrité parlementaire.»

Sans doute que M. Lesage faisait référence à la fois au livre rouge et à l'ensemble des discours qui avaient été prononcés par les caïds libéraux en campagne électorale. On parlait à gorge déployée, sans aucune espèce de surmoi ou de restriction mentale, de la démocratie, de l'intégrité parlementaire et de la transparence.

Pourtant, voyons ce que dit Gilles Lesage. Il poursuit en disant, et je le cite toujours: «Le plan d'action prévoyait notamment, parlant toujours du livre rouge, que les Canadiens puissent s'entretenir avec les ministres et les hauts fonctionnaires, ou se faire représenter auprès des pouvoirs publics sans être contraints de verser des honoraires aux lobbyistes. Il promettait ensuite un code de déontologie, la nomination d'un conseiller faisant rapport au Parlement et la mise en oeuvre du rapport parlementaire Holtmann de juin 1993.»

(1325)

Rien, sauf le code de déontologie, évidemment, n'est présent dans le projet de loi. Voilà la déception, voilà ce qui contribue à miner le plus la crédibilité de notre institution.


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Ces gens parlent des deux côtés de la bouche: un discours quand on est du côté de l'opposition et un discours quand on est au gouvernement. Voilà l'histoire du Parti libéral. On pourrait donner d'autres exemples, mais voilà ce qui a le plus contribué à miner la démocratie.

Le Bloc québécois, en opposition responsable qu'elle est, a travaillé ce dossier avec beaucoup d'ouverture d'esprit et avec beaucoup d'intérêt. Je pense qu'il est utile de rappeler à mon collègue, le député nouvellement élu et qui prendra beaucoup d'expérience dans cette Chambre, nous en sommes convaincus, les cinq points que proposait le député de Berthier-Montcalm qui a fait, comme vous le savez, un travail colossal dans le dossier. D'ailleurs, il a même fait l'objet d'une citation par le journaliste Gilles Lesage. Il disait: «Ainsi, M. Michel Bellehumeur suggère cinq amendements principaux. . . »-j'espère que les ministériels vont écouter, particulièrement le whip-«. . .à savoir que le code d'éthique ait le statut de texte réglementaire; que le conseiller en éthique soit nommé par la Chambre des communes et non par le premier ministre; que les honoraires et les rencontres avec les ministres et les hauts fonctionnaires soient divulgués; que les déductions fiscales des frais engagés pour l'embauche de lobbyistes soient éliminées; et que-finalement et non le moindre-la distinction entre les catégories de lobbyistes soit aussi éliminée.»

Voilà, dans les grandes lignes, l'ensemble des revendications légitimes réclamées par le Bloc québécois, des revendications qui, pour l'essentiel, faisaient également partie du livre rouge, rapidement devenu le livre noir pour les Canadiens. Pourtant, tout cela n'a évidemment pas résisté au passage de l'opposition officielle au gouvernement.

Regardons plus en détail chacun de ces points. Concernant le conseiller en éthique, évidemment, il faut se rappeler que l'opposition avait accueilli favorablement la suggestion qui avait été faite par le premier ministre s'agissant spécifiquement du titulaire de la fonction. Nous avions contribué et nous avions donné notre appui à cette nomination. Le problème avec le conseiller en éthique, c'est que nous aurions souhaité, compte tenu de l'importance de cette fonction, qu'il soit redevable directement devant le Parlement. Ce n'est pas quelque chose de déraisonnable, ce n'est pas quelque chose de désincarné, ce n'est pas quelque chose qui demandait au gouvernement de fouler du pied ses principes, parce que cela se fait dans quantité de situations où on veut rehausser la fonction et le débat.

Je vous citerai l'exemple du directeur général des élections qui doit faire l'objet d'une nomination et d'un large consensus au sein de cette Chambre. Je voudrais également que l'on se rappelle que, dans la plupart des parlements dignes de ce nom, les ombudsmen sont nommés par les parlements respectifs devant lesquels ils doivent répondre. Quelle est l'obstination du gouvernement à vouloir faire en sorte que le conseiller en éthique évolue en vase clos? Pourquoi ne pas avoir profité de ce qui aurait pu être un gel profondément démocratique, qui aurait pu spontanément nous réconcilier avec le gouvernement-bien que momentanément, il faut le dire-mais pourquoi ne pas avoir profité d'une circonstance tout à fait avenue pour poser un geste profondément démocratique? On la connaît, la réponse. C'est parce que les libéraux, en vérité, ne sont pas disposés à aller bien loin en matière d'enregistrement des lobbyistes. Ils ne sont certainement pas disposés à présenter une politique musclée concernant l'influence des lobbyistes.

(1330)

Nous aurions souhaité que le conseiller en éthique puisse être nommé et être redevable au Parlement, nommé pour un septennat, pour sept ans, avec un mandat renouvelable une seule fois, et nous aurions souhaité-et ce n'est certainement pas insignifiant ou exagéré-que le conseiller en éthique ait des pouvoirs d'exécution beaucoup plus étendus que ceux qu'il détient. Car quelle est-elle, la menace qui nous guette?

Regardons dans des exemples très contemporains qui renvoient aux activités du gouvernement depuis peu. On peut parler de ce qui s'est passé avec le ministre du Patrimoine, dont il faut quand même reconnaître que malgré ses incontestables qualités de coeur, il n'est certainement pas le ministre le plus habile de ce gouvernement. Eh bien, au moment où le premier ministre a choisi de demander de consulter son conseiller en éthique, il s'est écoulé trois semaines avant qu'il ne fasse part à la Chambre de cette décision.

Regardez, monsieur le Président, ce qui se passe présentement avec la question de l'entourage du premier ministre. Évidemment, je comprends mieux, depuis deux jours, pourquoi le gouvernement défend la famille. Vous savez que j'ai eu le plaisir de déposer une motion récemment et je comprenais mal l'obstination du gouvernement, mais je comprends bien maintenant que la défense des libéraux de la famille passe évidemment par la défense des liens intimes qui existent entre l'entourage du premier ministre et sa famille.

C'est, en définitive, il faut bien le dire, le député d'Ottawa-Vanier va en convenir, un projet de loi qui manque de dents. C'est un projet de loi qui aurait gagné à être renforcé. Regardons la question des obligations de divulgation. Le projet de loi prévoit un certain nombre de choses: que l'on puisse évidemment divulguer, lorsqu'on est un lobbyiste, l'élaboration de propositions législatives; l'influence qu'on a tenté de faire valoir concernant les dépôts de projet de loi; la prise ou la modification de règlements; l'élaboration ou la modification de programmes fédéraux; l'octroi de subventions, etc. Il y en a à peu près sept.

Mais, comment se fait-il que l'on ne fasse pas ou que l'on n'ait pas fait obligation pour les lobbyistes de déclarer les relations privilégiées et entretenues qu'ils peuvent avoir avec les fonctionnaires, avec les hauts fonctionnaires et avec les ministres? On a poussé l'insignifiance jusqu'à dire que ce qu'il est important de déclarer, c'est le ministère avec lequel les lobbyistes ont des relations. Comme si le domaine d'activité d'un lobbyiste ne suggérait pas lui-même, même pour les esprits les moins éclairés, le ministère avec lequel ils sont en contact.

Le whip du gouvernement, qui a mené une bataille acharnée par le passé, est, dirait le père de la psychanalyse, un pervers polymorphe, c'est-à-dire que selon le débat, il change de forme. Comment se fait-il qu'aucun des ministériels, aucun des députés ne se soit levé en cette Chambre pour réclamer l'obligation pour les lobbyistes de divulguer le nom des fonctionnaires, les hauts fonctionnaires et les ministres qu'ils rencontrent?

Monsieur le Président, il y a, dans la vie politique, vous le savez bien, vous qui êtes un homme de sagesse, des tests de vérité et la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes est un test de


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vérité et nous aurions souhaité que le gouvernement soit courageux. Nous aurions souhaité que le gouvernement, pour une fois dans ce mandat, puisse non seulement être courageux, mais travailler main dans la main avec les partis d'opposition, puisque ce n'est quand même pas rien. Nous aurions pu, en tant que Parlement, en tant que parlementaires, construire un magnifique consensus qui aurait fait en sorte que nous aurions pu envoyer un message clair à la population en disant: «Nous, en tant que parlementaires, acceptons que les politiques publiques pour lesquelles nous sommes principalement concernés, ces politiques puissent être élaborées au vu et au su de tous.»

(1335)

Je veux terminer en disant combien je suis déçu du projet de loi émasculé que nous propose le gouvernement, et combien il aurait été souhaitable que le gouvernement soit davantage courageux.

Il est encore temps pour le gouvernement de se rendre au discours du Bloc québécois.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je suis certain que vous allez convenir avec moi que le député d'Hochelaga-Maisonneuve est un homme qui a véritablement saisi le problème. Cet homme a surtout un esprit d'évaluation peu commun. Il a fait des commentaires extrêmement justes sur ce discours et sur certaines qualités des hommes et des femmes de cette Chambre.

Cela étant dit, ce qui m'a frappé dans le discours du député-et je pense que c'est à juste titre qu'il l'a fait-c'est qu'il a fait ressortir les différences qu'il y a entre le discours que les députés du gouvernement tenaient lorsqu'ils étaient dans l'opposition et ce que nous retrouvons dans le projet de loi sous étude présentement en troisième lecture, le projet de loi C-43 sur les lobbyistes. Mais plus que cela, les libéraux ont même déposé en cette Chambre un rapport qui porte maintenant le nom de rapport Zed et intitulé Rebâtir la confiance.

Avec le discours que j'entends des libéraux, à mon avis, le titre devrait plutôt être «Charrier la confiance» parce que c'est ce qu'on fait au gouvernement, on charrie la confiance des Canadiens et des Québécois dans ce document, puisqu'ils ont tenu, durant leur court mandat jusqu'à maintenant, 18 mois, un discours tout à fait différent de celui qu'ils tenaient lorsqu'ils étaient dans l'opposition.

Je vais peut-être tout simplement terminer en posant une question à l'honorable député, à laquelle je suis sûr qu'il répondra avec enthousiasme. Quelle est, le plus sérieusement possible, selon lui, l'explication de ce revirement de cap des libéraux? Quelle est l'explication la plus évidente du changement, entre autres du député de Glengarry-Prescott-Russell de qui j'ai entendu les commentaires lorsqu'il était dans l'opposition où il déchirait sa chemise, alors que maintenant on ne retrouve rien dans le projet de loi C-43 de ces éléments? Comment le député d'Hochelaga-Maisonneuve peut-il expliquer cette volte-face épouvantable, parce que c'est un sujet extrêmement important, extrêmement sérieux, tout le domaine de l'intégrité du gouvernement? Comment le député peut-il expliquer cela?

M. Ménard: C'est une question difficile, monsieur le Président, mais je vais essayer d'y répondre au meilleur de ma connaissance.

Évidemment, il faut, d'entrée de jeu, dire que le whip en chef du gouvernement est d'une nature assez insaisissable. Donc, je ne pourrais pas avec force et détail expliquer ses volte-face. Mais il me semble que la réponse qu'on peut donner se situe à mi-chemin entre la nature humaine et, je dirais, les pressions systémiques.

Peut-être avez-vous déjà réfléchi au fait que le Québec a à cet égard une longueur d'avance assez considérable. Ce n'est quand même pas rien que, dans une démocratie comme la démocratie québécoise, très rapidement dans la vie publique on se soit donné des lois et des normes qui font en sorte qu'on s'expose, à très peu de choses près, à l'absence de conflit d'intérêts.

Je dis toujours que je suis le fils d'un ouvrier. Mon père a bien gagné sa vie, mais il n'avait pas de fortune personnelle. Il est possible de faire de la politique sans que l'on soit pour autant issu d'une famille fortunée pour autant que l'on soit porteur d'une idéologie. Par exemple, nous, au Bloc québécois, avons choisi de se faire financer par des contributions d'individus.

(1340)

Pour ma part, lorsque j'ai choisi d'être candidat, lorsque les gens d'Hochelaga-Maisonneuve m'ont confié le mandat de les représenter, j'ai fait une campagne avec 30 000 $. Ce montant de 30 000 $, j'ai été le chercher par des contributions modestes de chacune des personnes qui souhaitaient que je devienne leur représentant. La différence entre l'action que l'on pose comme Bloc québécois et les pressions que vivent les ministériels, c'est que moi, quand je me lève de mon siège de député, je sais que je n'ai pas de compte à rendre aux citoyens corporatifs. Je sais, quand je parle sur les brevets pharmaceutiques, quand je parle sur la reconnaissance des conjoints de même sexe, quand je parle sur la stratégie nationale de lutte contre le sida, que je le fais en toute indépendance.

Mais pour que nous puissions parler en toute indépendance, il faut qu'il y ait des caisses électorales qui soient propres. Il faut que le système permette que les liens qui existent entre les citoyens corporatifs et les élus soient clairs. Le parti ministériel, qui est composé de gens intègres, on le sait bien, dans la plupart des cas, prête flanc à la critique parce que dans son financement, il s'en remet à des citoyens corporatifs qui ont des intérêts et qui tentent d'influencer les décisions gouvernementales. C'est pour cela qu'il est très difficile d'être honnête en politique et de maintenir une virginité, si on n'a pas des mécanismes de financement qui soient clairs.

Je pense que la question du financement et la question d'enregistrement des lobbyistes est une question qui renvoie à la volonté que l'on a, comme parlementaires, de maintenir notre indépendance d'esprit et notre indépendance d'action.

Il faut le dire, au chapitre du financement des partis politiques et au chapitre du système d'enregistrement des lobbyistes, les libéraux ont choisi d'être un parti conventionnel, un parti traditionnel, un parti soumis aux pressions des citoyens corporatifs de ce pays. Nous le répétons, il est dommage que le Parti libéral n'ait pas maintenu la ligne de conduite qu'il s'était fixée lorsqu'il était dans l'opposition.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord féliciter mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve de sa performance hors de l'ordinaire.


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Des voix: Bravo!

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Je me serais attendu à ce que les députés libéraux se lèvent pour reconnaître l'immense talent de notre collègue, mais surtout la justesse de ses propos. Je pense qu'il a répondu d'une façon très éloquente à la question posée par mon collègue de Berthier-Montcalm à savoir pourquoi le Parti libéral, le gouvernement qui est issu de ce parti, nous arrive maintenant avec une loi qui, non seulement ne veut plus rien dire, mais qui contredit le discours de nos collègues libéraux lorsqu'ils étaient dans l'opposition.

Le meilleur exemple, s'il en est un, c'est bien celui du député de Glengarry-Prescott-Russell qui s'est fait le pourfendeur du gouvernement conservateur à l'époque, une espèce de Don Quichotte de l'intégrité et qui maintenant, un peu à l'instar de saint Paul, a été foudroyé, renversé, est tombé en bas de son cheval et appuie maintenant un projet de loi qui, non seulement n'a plus aucune valeur, aucune force, mais qui va permettre que les affaires se poursuivent comme c'est le cas depuis la nuit des temps. Business as usual. L'exemple de la semaine que nous venons de vivre en cette Chambre est à mon sens on ne peut plus éloquent.

Cette semaine, à chacune des périodes de questions orales, l'opposition officielle et nos amis réformistes ont soulevé des cas de favoritisme éhonté qui contredisent les voeux pieux contenus dans le projet de loi que nous étudions présentement.

(1345)

J'aimerais que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve commente cet aspect, je dirais, d'hypocrisie du gouvernement libéral entre leurs discours lorsqu'ils étaient dans l'opposition et, maintenant, leurs actes.

Le président suppléant (M. Kilger): Tout cela dans le cadre d'une minute et pas plus, s'il vous plaît.

M. Ménard: Monsieur le Président, vous savez que je me fais toujours un devoir de respecter mon temps. Finalement, je voulais d'abord remarquer que le député de Mégantic-Compton-Stanstead est aussi bronzé que le ministre du Patrimoine. Peut-être êtes-vous allé à Los Angeles, vous aussi.

Finalement, cette question renvoie peut-être un peu à la place qu'occupe le ministre de l'Industrie au Cabinet. Je pense que cela renvoie aussi à l'influence véritable qu'a le ministre de l'Industrie. Si nous avions été en présence d'un ministre véritablement écouté à l'intérieur du Cabinet, sans doute que les résultats législatifs auraient été différents. Mais il n'est pas trop tard, disons-le bien, pour que les libéraux puissent se ressaisir, et souhaitons que le dernier sursaut de confiance qui peut encore animer ce gouvernement se fasse entendre dans les prochains jours et dans les prochaines heures.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je vois que mon discours sera accueilli avec enthousiasme de l'autre côté de la Chambre. J'ai écouté, un peu plus tôt aujourd'hui, les discours de certains députés d'en face. Je les ai écoutés avec grande attention, comme je le fais toujours, et je me demande réellement si les députés d'en face sont familiers avec le projet de loi ou s'ils sont seulement familiers avec celui ou celle qui a préparé les notes que ces gens sont supposés lire attentivement comme bons députés du parti bloquiste lisant la propagande préparée, soit ici à la succursale locale, soit à la maison mère ou ailleurs, et qu'ils lisent.

J'entends un genre de chahut, pour ne pas le qualifier autrement, de la part d'un député du Parti réformise, également. Ce député du Parti réformiste s'inquiète à savoir si je parlerai de tous les aspects du projet de loi. Cela est pleinement mon intention.

[Traduction]

Il convient de rappeler au député réformiste, qui attend avec impatience que je parle de certaines parties du projet de loi, l'existence d'un document du Parti libéral intitulé «Pour la création d'emplois Pour la relance économique».

M. Milliken: Le livre rouge.

M. Boudria: Comme vient de le dire le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre et l'excellent député de Kingston et les Îles, il s'agit effectivement du livre rouge.

Le Parti libéral met à exécution les engagements qu'il a pris envers la population canadienne, dans le livre rouge, et il continue de bien respecter ses promesses, en l'occurrence. Sous l'excellente direction du ministre de l'Industrie, nous tenons aujourd'hui un de ces engagements à l'occasion du débat sur l'adoption du projet de loi C-43 à l'étape de la troisième lecture.

Notre parti a promis de rétablir l'intégrité du gouvernement d'une manière générale. C'est exactement ce que nous avons fait sous la direction du très honorable premier ministre. Nous nous sommes engagés à établir des règles de conduite plus strictes pour les lobbyistes-j'en reparlerai dans un instant. Nous avons également dit que nous publierions un code de déontologie à l'intention des députés et des sénateurs, ce qui figure à l'ordre du jour de lundi. Dès que nous aurons fini d'étudier cet aspect de l'éthique au sein du gouvernement, nous passerons à l'étape suivante, c'est-à-dire le code de déontologie à l'intention des députés et sénateurs.

(1350)

Je suis impatient de voir l'appui que nous obtiendrons pour faire approuver une résolution en ce sens et pour commencer l'étude de cette question. Dans quelques jours, si les députés d'en face refusent d'adopter la motion visant à autoriser l'étude de cette question, nous conclurons qu'ils ne veulent pas être assujettis à des règles de conduite et à un code de déontologie. Nous verrons dans quelques jours ce qu'il en est de cette question.

M. Milliken: Nous le verrons lundi.

M. Boudria: Comme le dit le secrétaire parlementaire responsable de ces dossiers, nous verrons cela lundi.

Dans le livre rouge, notre parti a promis de se pencher sur la question des lobbyistes. Il convient de rappeler l'origine des règles qui existent actuellement à l'intention des lobbyistes. Avant 1985, il n'y avait pas de règles régissant le lobbying. Le 9 septembre 1985, après que de nombreuses questions eurent été soulevées à ce sujet à la Chambre-dont bon nombre par moi-même-le premier ministre de l'époque a décidé d'annoncer une série de mesures à la Chambre des communes. Deux ans plus tard. . .


11957

M. Sauvageau: Il s'agissait du premier ministre conservateur.

M. Boudria: Il s'agissait effectivement du premier ministre conservateur.

Deux ans plus tard, comme ce même premier ministre n'avait toujours pas produit ces règles, nous l'avons poussé à agir et nous avons finalement obtenu du gouvernement son engagement à établir un comité parlementaire. Il s'agissait du comité Cooper.

J'ai siégé à ce comité. Je suis d'ailleurs un peu responsable de certaines recommandations énoncées dans le rapport de ce comité qui était présidé par le député de Peace River. Nous avons produit un rapport unanime. Le député de Nickel Belt d'alors,qui était un néo-démocrate, plusieurs députés conservateurs etmoi-même, sous la présidence du député de Peace River, avons produit un rapport.

À partir de ce rapport, le gouvernement a rédigé un projet de loi. Ce projet de loi a été adopté et la loi est entrée en vigueur. Le projet de loi a été renvoyé à un comité parlementaire, le même comité Cooper. Nous l'avons étudié. Nous y avons apporté des améliorations. Le projet de loi est maintenant la loi du pays.

Une des dispositions que nous avons ajoutées au projet de loi lors de l'étude en comité a trait à une sorte de disposition de temporisation en vertu de laquelle la loi sera réexaminée. Cet examen visait à améliorer la loi. Conformément à cette disposition, nous avons étudié la loi sous l'aimable présidence du député de Fundy-Royal. Nous sommes maintenant saisis de ce projet de loi modifiant la loi en vigueur. C'est ainsi que nous sommes arrivés à la situation actuelle.

À la fin de la période de cinq ans de l'application de la loi initiale, ou vers la fin, le gouvernement a encore une fois, à la demande de l'opposition, formé un comité sous la présidence du député de Selkirk-Interlake, Felix Holtmann. M. Holtmann est ici à Ottawa. Je l'ai vu il y a 10 ou 15 minutes. Il a présidé le comité qui a produit un rapport. J'ai ce rapport devant moi aujourd'hui.

[Français]

Le titre du rapport du comité Holtmann était: «Sur la voie de la transparence: Révision de l'enregistrement des lobbyistes». Et justement, c'est là-dessus que le Parti libéral s'est basé pour rédiger le livre rouge.

Une voix: C'est faux!

[Traduction]

M. Boudria: Le député d'en face dit que c'est faux ou se demande si cela est exact. Je vais lui lire le passage pertinent du livre rouge, à la page 91:

«Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges et des groupes de pression sur l'application du Code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes-le député a-t-il bien entendu-et fera rapport au Parlement.»
Est-ce que les gens d'en face écoutent?

M. Milliken: Pourquoi les consulter? Cela ne les intéresse pas.

M. Boudria: En effet, le premier ministre a consulté les deux partis de l'opposition.

M. Milliken: Et maintenant, ils se plaignent.

M. Boudria: Et maintenant ils se plaignent, comme le député le dit aussi éloquemment. Il continue:

«Ce conseiller aura pour mission de rédiger un code de déontologie pour les lobbyistes-
C'est prévu dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

-cette disposition figure dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui-qui régira les rapports entre le gouvernement et ses interlocuteurs, d'étudier les cas qui peuvent se présenter dans la pratique et de formuler des recommandations. Il pourra également conseiller les lobbyistes et leurs clients, au besoin, pour qu'ils puissent juger de la convenance d'un éventuel contrat ou d'une éventuelle activité.
Ce conseiller sera habilité à faire enquête à la suite d'une plainte et à examiner les rapports entre le gouvernement et certains groupes pour assurer le bon respect du code. Le premier ministre pourra le charger de faire enquête sur d'éventuelles indélicatesses commises par les ministres.»
(1355)

Une voix: Tout est là.

M. Boudria: Tout est là, du moins la partie sur les lobbyistes est dans le projet de loi.

On ajoute dans le livre rouge que nous adopterions les recommandations du rapport Holtmann. C'est ce que nous faisons.

[Français]

Alors, laissez-moi vous lire ce que dit le rapport Holtmann, sur lequel on s'est basé pour écrire le livre rouge. Écoutez ce que ce rapport dit au sujet de l'indépendance du directeur. Dans le temps, on ne l'appelait pas le conseiller en éthique, on l'appelait le directeur. Le nom qu'avait recommandé pour le poste la commission Holtmann était le nom de directeur à l'enregistrement.

Le rapport Holtmann dit, à la page 21, et j'invite mes collègues à écouter attentivement et peut-être même à prendre des notes: «Le comité a écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments de ces témoins»-et on parle des témoins qui voulaient que le directeur se rapporte directement à la Chambre des communes-«mais il n'a reçu aucune preuve que le directeur avait entravé dans l'exercice de ses fonctions. Néanmoins, il tient à maintenir l'excellence de la réputation du directeur de l'enregistrement. Il estime que la meilleure façon d'y arriver, c'est d'accroître l'indépendance du directeur et d'élargir son pouvoir de faire des rapports des questions relatives à la loi. Outre qu'elle aurait l'avantage évident de réduire la possibilité d'ingérence politique, cette mesure permettrait au directeur d'exprimer ses vues sur les lacunes et les problèmes de mise en application de la loi. Par conséquent, le comité recommande»-et écoutez bien-«que le directeur soit nommé par le gouverneur en conseil, en d'autres termes par le premier ministre et le Cabi-


11958

net»-ah!-«sous réserve de l'approbation d'un comité du Parlement.»

Et voilà, cela aussi existe, c'est déjà dans le Règlement de la Chambre des communes. Alors, comme vous voyez, les plaintes, les doléances, les larmes des députés d'en face qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui. . .

M. Milliken: Les lamentations!

M. Boudria: . . .voire les lamentations, ce sont des larmes de crocodile.

Des voix: Oh! Oh!

M. Milliken: Oui, c'est ça.

M. Boudria: Absolument, c'est ce que c'est, strictement. Les députés d'en face ont eu ce qu'ils ont demandé et ils ont eu, en fait, ce qui a été promis à la population du Canada. Comme d'habitude, le gouvernement libéral a pleinement l'intention d'honorer son engagement, sa promesse auprès de la population canadienne.

M. Milliken: Oui, comme toujours!

M. Boudria: Comme toujours, comme l'a si bien dit l'honorable député de Kingston et les Îles. Alors, voyez-vous, nous n'avons en aucune façon dilué notre engagement, comme l'avait allégué le critique de l'opposition, le député de Berthier-Montcalm. Il avait dit qu'on avait des règles légères. Il a dit cela, un peu plus tôt aujourd'hui. Monsieur le Président, écoutez cela. Il n'a certainement pas entendu l'honorable ministre de l'Industrie, qui a affirmé dans cette Chambre, aujourd'hui, qu'on avait ici les règles les plus sévères de toutes les juridictions nationales au monde!

Des voix: Au monde!

M. Boudria: Monsieur le Président, on aura tantôt une période de questions et commentaires et j'invite le député de Berthier-Montcalm, dans le préambule de sa question qu'il posera sans doute, à nous dire quelle autre juridiction a des règles plus sévères pour les lobbyistes que le projet de loi C-43 qu'on a devant nous. J'invite le député à nous énumérer ces pays. Ce ne sera pas une discussion qui durera longtemps, il n'y en a pas. Je suis au courant de ce qui existe aux États-Unis. Il n'y en a absolument pas! Aux États-Unis, on enregistre seulement les relations entre un lobbyiste et un législateur, même pas un membre de l'exécutif, même pas un membre du personnel, même pas le plus haut fonctionnaire de l'État du pays. Seulement lorsqu'il y a eu conversation ou autre dialogue avec un législateur et aucun membre de l'exécutif.

Aux États-Unis, on n'enregistre pas non plus les frais des lobbyistes, comme on va le faire dans certains cas controversés, ici au Canada, tel que l'a si bien indiqué le ministre. Aux États-Unis, on enregistre seulement les honoraires des lobbyistes étrangers lorsqu'ils font du lobbying aux États-Unis, seulement en ce qui a trait au lobbying pour des intérêts étrangers.

(1400)

J'ai été à Washington avec le comité, j'ai vu ce qui se fait là et j'invite les députés d'en face à se renseigner un peu plus sur ce dossier. Je suis, sans prétention, le seul parlementaire à avoir participé au comité Cooper et au comité Holtmann. Le député d'en face prétend que quelques mois devant un comité parlementaire peut faire en sorte-le Bloc québécois a même changé de critique en milieu d'exercice-qu'il devienne, aujourd'hui, un expert en la matière. Je ne nie pas que le député soit très compétent.

Une voix: Non, il est très compétent.

Des voix: Bravo!

M. Boudria: Mais le député ne doit pas prétendre qu'il a le monopole et qu'il est le seul à comprendre ce genre de chose, parce que cela fait près de dix ans que personnellement, je travaille sur ce dossier. Donc, je peux aussi prétendre en savoir au moins autant que lui.

Je sais que les députés de l'opposition sont très perturbés aujourd'hui devant tout cela. Ils se rendent compte que dans quelques minutes peut-être, le projet de loi sera finalement concrétisé et nous aurons une nouvelle loi qui renforcera l'excellente confiance que la population canadienne a déjà dans son gouvernement. On voit que les libéraux travaillent comme d'habitude dans ce domaine, et c'est ce qu'on va faire, c'est ce qu'on a promis de faire et c'est ce qu'on fera à titre de gouvernement.

J'ai entendu le député de Berthier-Montcalm un peu plus tôt parler de ce qu'il a qualifié d'une sorte d'élasticité de conscience, se référant au gouvernement libéral. Imaginez-vous une telle expression venant de gens qui se sont fait élire sous la bannière séparatiste, disant qu'ils étaient «séparateurs» mais pas trop, au temps des élections. Des fois, ils étaient séparatistes dans les comtés séparatistes, des fois un peu moins dans ceux qui ne l'étaient pas. Mais après les élections, ils sont venus ici au Parlement et là, ils sont devenus élastiquement de grands séparatistes. Et tout à coup, le chef de leur parti veut avoir un séparatisme fédéraliste. Revoyez ce qu'ont fait les députés d'en face. Un séparatisme avec des passeports canadiens, une devise canadienne et un Parlement fédéral. Ça, c'est du séparatisme pour certains députés d'en face, lorsqu'ils voient que leur programme n'avance à rien.

Alors, on a un dialogue en face avec des séparatistes fédéralistes et des séparatistes séparatistes. On doit savoir si les séparatistes. . .

M. Ménard: Monsieur le Président, permettez-moi d'invoquer la règle de la pertinence, parce qu'on saisit mal où s'en va le whip du gouvernement avec ses allégations et en quoi cela est lié au projet de loi C-43.

Le président suppléant (M. Kilger): La règle de pertinence en est une qui est toujours très difficile à interpréter. Elle a beaucoup d'élasticité en elle-même. J'ai écouté attentivement tous les discours d'un côté de la Chambre et de l'autre et, dans une grande mesure, je crois que tous les débats ont été très pertinents.

Je demanderais au député de Glengarry-Prescott-Russell de terminer ses remarques.

M. Boudria: Monsieur le Président, je suis d'avis que le député de Berthier-Montcalm était tout à fait dans l'ordre, tout à fait dans les règles lorsqu'il a parlé de l'élasticité de conscience, et je dois dire qu'il doit sans doute être très fâché contre son collègue, le député d'Hochelaga-Maisonneuve, qui prétend


11959

que le fait de parler d'élasticité de conscience, comme l'avait mentionné son collègue, va à l'encontre du Règlement.

Je crois qu'il va se faire parler dans le nez par son collègue après la période des questions. Je prends la part du député de Berthier-Montcalm là-dessus. Je suis certain qu'il avait raison de soulever ce dossier-là. D'ailleurs, c'est pour cela que j'y réponds, car c'est lui qui l'a soulevé. Comme il n'a pas été rappelé à l'ordre par le Président, c'est donc qu'il était totalement dans les règles.

M. Bellehuneur: C'est trop!

M. Boudria: Non, les députés d'en face sont très mal placés pour prêcher en faveur de la vertu, parce que pour ces gens-là, ce n'est guère le temps de faire voeu de chasteté politique, surtout à cause des événements récents qui se sont produits entre la succursale locale et la maison mère à Québec. On se demande si c'est le chef de la succursale ici, à Ottawa, le chef de l'opposition, qui va prêcher pour la séparation fédéraliste ou si c'est la séparation séparatiste à Québec qui l'emportera. Lequel des deux gagnera le débat?

(1405)

En ce moment, il semble que le député de Lac-Saint-Jean ait une légère avance sur son collègue au niveau provincial. On verra à court et long terme. De toute façon, que ce soit du séparatisme d'une saveur ou de l'autre, c'est comme de la crème glacée. Même si on change un peu la saveur, c'est encore le même produit, excepté que dans ce cas, la crème glacée a sûri et la population n'en voudra pas.

Je conclus en réitérant que nous avons devant nous un excellent projet de loi proposé par un ministre qui a fait son boulot dans le dossier, présidé par un comité parlementaire de grande compétence, j'en suis sûr. Ce comité parlementaire, par voix de sa majorité, a bien voulu faire ce qu'on avait promis dans le livre rouge et même on a été plus loin dans certains volets.

J'appuie ce qui a été fait. Je suis convaincu que c'est un bon projet de loi. C'est d'ailleurs, comme l'a indiqué le ministre de l'Industrie, la loi de ce genre la plus sévère au niveau national dans tous les pays du monde. Oui, je le répète, ce n'est pas ma faute si c'est vrai. C'est quand même la vérité.

[Traduction]

Je serai heureux de répondre aux questions de mes vis-à-vis sur le projet de loi. Je remercie à l'avance de leur appui ceux qui souhaitent des règles plus strictes sur le lobbying. Nous verrons dans très peu de temps si c'est vraiment ce qu'ils veulent ou s'ils veulent se plaindre et ne rien faire.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je suis fort déçu, dans une question aussi importante qu'un projet de loi comme le projet de loi C-43, le projet de loi légiférant l'enregistrement des lobbyistes, que le député de Glengarry-Prescott-Russell fasse des farces comme il l'a fait, mélange tout et ne dise pratiquement rien sur le projet de loi en tant que tel.

Le député s'est limité à parler de souveraineté, à parler de toutes sortes de chose, des chefs souverainistes au Québec, sauf de la véritable question, celle des lobbyistes. Pour ce qui est de la souveraineté, le député, durant la période référendaire au Québec, viendra vanter les mérites de la politique des castors empaillés en face de moi. Il viendra le dire au Québec. Mais aujourd'hui le débat porte sur le projet de loi C-43.

Le projet de loi C-43 est un projet de loi extrêmement important et je trouve étrange que le député n'ait rien à dire sur le sujet. Je lui poserai quelques questions, mais je ferai d'abord un commentaire. Il a sous-estimé le travail que le comité avait fait à ce sujet. Il a dit que les députés d'en face pensent détenir la vérité parce qu'ils ont entendu des témoins pendant six mois, parce qu'ils ont entendu des experts dire des choses. Ce n'est pas vrai, monsieur le Président, je ne détiens pas la vérité. Je ne fais que rapporter en cette Chambre ce que j'ai entendu lors des audiences du comité.

Je rapporte en cette Chambre ce que des témoins, des contribuables, des électeurs sont venus nous dire au comité concernant ce qu'ils voulaient voir dans le projet de loi C-43. Je pense que le député sous-estime le travail que nous avons fait et cela est fort déplorable.

Il y a entre autres deux points extrêmement importants dans ce projet de loi. Il y en a beaucoup d'autres, mais ce qui est important, c'est ce qui n'est pas dans le projet de loi. Il y a deux points entre autres au niveau du code de déontologie et au niveau de la nomination du conseiller en éthique.

Je lirai deux articles au député d'en face qui dit que c'est la transparence et le summum de la législation dans le domaine et qu'il n'y a rien d'autre de par le monde, qu'ils sont les plus intelligents, les plus fins, ceux qui vont le plus loin. Comment explique-t-il que l'on dise clairement que l'enquête menée par le conseiller est secrète, derrière les portes closes du pouvoir fédéral? On ne veut pas savoir ce qui se passe derrière ces portes closes. Comment se fait-il qu'on prenne la peine de dire, dans ce projet de loi, que le code d'éthique n'est pas un texte réglementaire pour l'application de la Loi sur les textes réglementaires? Ont-ils peur que la population veuille le faire appliquer devant les tribunaux?

(1410)

Est-ce qu'ils ont peur d'avoir des poursuites civiles? Comment expliquer l'article 10.5 du projet de loi: «Le conseiller présente au registraire général du Canada un rapport d'enquête dans lequel il motive ses conclusions.» Ce qu'on veut avoir, nous, c'est un rapport dans lequel il va motiver des conclusions. Le conseiller en éthique ne nous dira jamais comment il est arrivé à ces conclusions.

C'est comme dans un jugement. C'est à la lecture d'un jugement qu'on voit si les conclusions du juge sont bonnes ou pas. Nous, on ne les aura pas. Non, parce que la loi faite sur mesure pour les petits copains d'en face, les petits copains qui financent la caisse électorale des libéraux, ils ne veulent pas qu'on sache comment le conseiller en éthique est arrivé à de telles conclusions. Ils ne veulent pas qu'on sache comment le conseiller en éthique juge véritablement un ministre, un haut fonctionnaire ou


11960

quelque personne que ce soit dans l'appareil gouvernemental. Non, ils présentent un projet de loi qui ne veut rien dire.

Au député qui vient de parler, je dis qu'il devrait être gêné d'avoir pris la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-43. À sa place, j'aurais été gêné de prendre la parole, sachant que j'ai signé le rapport Holtmann faisant des recommandations dix fois plus poussées et plus mordantes que le projet de loi qu'on a devant nous.

Le rapport Holtmann; il était membre de ce comité et il a signé le rapport au niveau des catégories de lobbyistes, au niveau de la divulgation. On ne fait pas le dixième de ce que le rapport Holtmann recommandait. Je serais gêné aujourd'hui de me vanter de cela. Je serais gêné également de montrer un livre, en disant qu'il est encore rouge; les petits livres rouges se suivent mais ne se ressemblent pas. Mais au moins dans celui qu'on avait durant la campagne électorale, ils prenaient des engagements de mettre en application le rapport Holtmann.

Une voix: Des promesses.

M. Bellehumeur: C'était une promesse électorale. Aujourd'hui, dans l'autre petit livre rouge intitulé «Rebâtir la confiance», qui devrait plutôt être «Charrier la confiance», il n'en est aucunement question. Ce n'est pas le dixième, et c'est déplorable. À sa place, je serais gêné.

Qu'il m'explique donc pourquoi ce que nous retrouvons dans le rapport Holtmann, nous ne le retrouvons pas dans le projet de loi C-43. Qu'il me l'explique s'il en a le courage et s'il le sait également, parce qu'il n'a même pas assisté à deux ou trois des réunions pendant six mois. Aujourd'hui, il va venir me faire la leçon. Non, cette histoire-là ne fonctionne pas.

Des voix: Bravo!

M. Boudria: Monsieur le Président, je ne vais certainement pas m'excuser auprès du député d'en face d'être devenu dans l'intervalle le whip du gouvernement. Au cours de la période où les discussions sur le projet de loi ont débuté et sa conclusion, j'ai eu l'honneur et le privilège. . .

M. Sauvageau: D'abandonner vos dossiers.

M. Boudria: Je ne crois pas que le fait de devenir le whip du gouvernement de son pays est d'abandonner son travail, comme le dit le député d'en face. Si un jour, il en vient à obtenir un poste, peut-être qu'il comprendra. Je lui rappellerai peut-être un jour ce qu'il dit aujourd'hui, s'il vient qu'à en obtenir un.

M. Bellehumeur: J'espère que non.

Une voix: Ça irait mal dans l'opposition.

M. Boudria: Oui, ça irait mal dans l'opposition s'il fallait que ce soit lui. Oui, effectivement.

Le rapport préparé par le comité Holtmann était bon. Je vous fais part par exemple de ce qu'il contenait: tous ceux qui devaient s'enregistrer, c'est là, dans le rapport Holtmann; les renseignements à divulguer dans l'enregistrement, c'est là; l'administration, l'exécution et l'application de la loi, ce qu'on propose aujourd'hui, c'est encore plus sévère que ce qu'il y avait dans le rapport Holtmann.

Regardez ce qu'on recommandait. Par exemple, en ce qui a trait à la création d'une association professionnelle et un code de déontologie pour les lobbyistes: «Que les lobbyistes mettent sur pied sans tarder une association professionnelle dotée d'un code d'éthique.» On va plus loin que cela. Ce sera le conseiller en éthique lui-même qui va en préparer un pour ne pas laisser aux lobbyistes le soin de le faire eux-mêmes. On veut que ce soit plus sévère.

La personne en charge, le fonctionnaire va le faire lui-même, celui qui est préposé à cela, cette personne qui aura ce rôle quasi judiciaire à jouer va être dotée de ce pouvoir. Ce que nous avons fait dans notre projet de loi, c'est que nous avons été encore plus loin que le rapport Holtmann qui était déjà un bon rapport.

(1415)

Nous sommes allés plus loin que la loi existante aujourd'hui. Il s'agit de trois étapes. Nous sommes partis de la loi actuelle, on l'a améliorée avec le rapport Holtmann, on l'a améliorée dans le livre rouge, on l'a améliorée encore avec le rapport «Rebâtir confiance», et encore aujourd'hui avec le projet de loi C-43.

On a pu bénéficier de la sagesse des parlementaires d'en face, car on a même accepté certaines de leurs recommandations en regard de leurs amendements sur lesquels on a voté il y a quelques jours. Nous étions fiers de le faire, parce que c'est ce que l'on veut, et j'espère que les députés d'en face veulent cela eux aussi. Ce que l'on veut, c'est le meilleur projet de loi, pratique, mais le meilleur quand même dans la mesure du possible en réconciliant tout ce qu'il y a à réconcilier, pour faire sorte que ce que l'on propose fonctionne et ne soit pas seulement que de belles théories. On a un bon projet de loi et on aura le meilleur dès que les députés d'en face décideront de laisser leurs collègues voter afin que l'on puisse aller de l'avant dans ce dossier si important pour les lobbyistes, pour ce gouvernement et pour la population canadienne qui a élu ce gouvernement sur son programme, sur son livre rouge.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je serai très bref. Je veux simplement dire que, lorsqu'il siégeait du côté de l'opposition, j'ai admiré le travail que le député a fait dans le dossier des lobbyistes. Il était alors un bon député, il travaillait fort et il a dit beaucoup de choses sages. J'aimerais que le gouvernement dont il fait partie ait suivi certains de ses conseils.

J'aimerais revenir à ce qu'il a dit au sujet du fameux livre rouge des promesses rompues. À la page 90 de ce livre, on lit: «Après neuf années de règne conservateur, les Canadiens n'ont jamais été aussi désabusés par le fonctionnement politique. Un gouvernement libéral rétablira la confiance des citoyens et des citoyennes.» Magnifique. Ce sont là de belles paroles. «Nous nommerons un conseiller chargé de la déontologie qui aura pour mission de réglementer les actions des groupes de pression.» Ils l'ont fait. C'est très bien. Je continue: «Nous réformerons le régime de retraite des députés.» Pour tous ceux qui siégeaient déjà ici avant 1988, c'est le même vieux pactole. «Nous renforcerons les pouvoirs des députés en prévoyant une plus grande


11961

liberté de vote, et nous élargirons le mandat des commissions parlementaires.» Rien du genre ne se fait. «Nous réglementerons les nominations par décret pour favoriser la compétence.» Nous avons de longues listes de nominations qui n'ont rien à voir avec le mérite.

J'aimerais que le député réponde, parce que c'est grave. Je crois que les intentions exprimées par les libéraux sont honorables, mais ils n'y donnent pas suite. J'aimerais que le député s'explique là-dessus. Il a participé aux travaux des comités qui ont fait des recommandations. Je reviens au livre rouge: «Un gouvernement libéral désignera un conseiller chargé de la déontologie». Le député a parlé de cela dans son intervention. J'aimerais qu'il explique comment le mécanisme de nomination, par le premier ministre, prévu dans le projet de loi C-43, et la présentation de rapports par l'intermédiaire du registraire général du Canada garantissent l'indépendance qui est si nécessaire.

Je continue: «Le conseiller sera nommé après concertation». Magnifique. Cependant, il est dit explicitement qu'il «fera rapport au Parlement». Nous n'avons pas cela dans le projet de loi. Le député doit s'expliquer.

Le gouvernement libéral affirme qu'il mettra en oeuvre le rapport unanime de juin 1993, c'est-à-dire le rapport Holtmann. Je ne peux pas donner tous les détails, mais si j'ai le temps, je citerai deux recommandations précises de ce rapport qui n'ont pas été mises en oeuvre. L'élimination de tiers était une recommandation précise de ce rapport. Ce n'est pas dans le projet de loi. Des dispositions contre les échappatoires étaient aussi recommandées dans le rapport, mais il n'y en a pas dans le projet de loi.

J'aimerais que le député explique pourquoi le gouvernement ne met pas ces mesures en oeuvre.

M. Boudria: Monsieur le Président, je voudrais faire deux remarques. Tout d'abord, je remercie le député pour ses questions. Elles sont en effet très pertinentes, et j'aimerais y répondre. Je sais que le député a fait preuve de beaucoup de diligence.

Je voudrais faire une comparaison. Le directeur des enquêtes et recherches fait également rapport au ministre de l'Industrie, encore que ce soit pour la forme étant donné qu'il travaille de façon indépendante. Il enquête entre autres sur ce qu'on appelle les coalitions. L'a-t-on jamais accusé de manquer d'impartialité du fait qu'il fait rapport pour la forme au ministre, lequel présente ensuite son rapport à la Chambre? Je ne le crois pas.

(1420)

Je ne vois pas pourquoi un rapport remis par le conseiller en éthique au ministre qui, en sa qualité de registraire général, le présente ensuite à la Chambre ne serait pas impartial. Le député d'en face sait sûrement que ça l'est.

Pour ce qui est de la catégorie, je tiens à souligner une chose à l'intention des députés d'en face et en fait de tous les Canadiens qui pourraient lire le hansard. Je ne peux pas mentionner la télévision parce que ce n'est pas officiel.

Des organisations comme la Fédération canadienne de l'agriculture sont venues témoigner devant nous. Elles nous ont dit que les gouvernements les consultent. De ce fait, elles estiment qu'elles ne devraient pas être assujetties aux nouvelles conditions renforcées que nous allons imposer aux lobbyistes à contrat et que ce serait injuste.

Si le député veut imposer une plus grosse charge administrative aux commissions, conseils et comités du lait, aux fédérations de l'agriculture et à d'autres organisations du genre, il n'a qu'à les assujettir aux conditions que nous imposons aux lobbyistes à contrat.

Une voix: Il n'a même pas proposé de tels amendements.

M. Boudria: Personne n'a proposé d'amendements à cet effet.

Nous ne pouvons pas imposer, à des groupes comme la fédération de l'agriculture ou le comité du lait dans ma circonscription, des conditions aussi rigoureuses que celles que nous imposons à d'autres groupes.

Je vais rencontrer le comité laitier de Glengarry-Prescott-Russell la semaine prochaine, monsieur le Président, et vous êtes invité également. Les trois comités laitiers vont s'unir à Saint-Isidore-de-Prescott, dans ma circonscription. Je vais rencontrer leur exécutif la semaine prochaine, c'est une activité de lobbying. Ils ont demandé à me voir pour me faire part de leur point de vue sur un sujet très important.

Ce n'est pas une blague. Les producteurs laitiers de ma circonscription estiment que ces questions sont importantes pour eux et qu'ils doivent faire pression sur leur député pour qu'il voit que c'est du sérieux. Ils ne veulent pas qu'on leur impose les mêmes restrictions qu'on imposerait à quelqu'un comme Frank Moores. Je ne sais même pas s'il travaille encore. Toutefois, M. Moores, en vertu de ces nouvelles règles, s'il était encore aussi actif qu'il l'était sous le régime conservateur, serait soumis aux mêmes exigences que l'Association des producteurs laitiers du comté de Russell.

[Français]

Je ne suis pas d'avis que je mettrais ces groupes sur le même pied d'égalité en ce qui a trait à la divulgation. Si les députés d'en face pensent que c'est cela la bonne façon, qu'ils le disent.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): J'espère qu'en permettant que la période des questions et d'observations continue un peu plus longtemps que prévu, j'ai agi comme la Chambre l'aurait souhaité. Cela dit, il reste approximativement cinq minutes à la journée. Est-ce que nous désirons continuer et permettre au député de Skeena de prendre la parole ou est-ce qu'il y a d'autres suggestions?

11962

M. Epp: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Pourrais-je vous demander de solliciter le consentement unanime pour que le député qui a la parole continue le débat? J'aimerais cela. Je pense qu'il serait utile, vu son expérience et sa sagesse dans ce domaine.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est maîtresse de son destin. C'est par consentement unanime, étant bien entendu que la journée se terminera à 14 h 30.

[Français]

J'accorde la parole à l'honorable député de Berthier-Montcalm sur un rappel au Règlement.

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, si je comprends bien, c'est pour compléter les cinq minutes, uniquement sur les cinq minutes.

Pour le reste, en ce qui a trait à la sagesse du député, je ne suis peut-être pas trop trop d'accord, mais c'est autre chose. Par contre, au sujet du consentement unanime, je vous l'accorde pour les cinq minutes.

Le président suppléant (M. Kilger): Si j'ai bien compris de part et d'autre, nous allons quand même terminer la journée à l'heure prévue, soit 14 h 30, mais nous allons poursuivre avec une période de questions et commentaires adressés au député de Glengarry-Prescott-Russell.

[Traduction]

M. Epp: Monsieur le Président, je suis heureux de cela.

Le député indiquait qu'il n'y avait pas eu d'amendement pour éliminer les catégories. Je désire lui rappeler qu'un de nos amendements à l'étape du rapport traitait exactement de cette question et il a été rejeté. C'est arrivé ici-même.

(1425)

Le député n'a pas expliqué convenablement comment le système actuel garantit l'indépendance du conseiller en éthique, en particulier lorsqu'on le compare à l'indépendance du vérificateur général. Il y a une différence importante. Il est certain que, de l'avis des gens, il y aura un grave problème si le conseiller en éthique doit enquêter sur une question qui touche le registraire général. Dans ce cas, le conseiller en éthique se trouverait à enquêter et à faire rapport à la personne même qui fait l'objet de l'enquête, pour qu'elle le transmette à la Chambre. Cela semble indiquer une indépendance insuffisante. J'aimerais bien que le député réponde à cela. Il y a quelque chose qui ne va pas là.

M. Boudria: Premièrement, monsieur le Président, il faut établir une chose. Les rapports avec les lobbyistes, ça ne concerne pas le judiciaire. On pourrait parler de quasi judiciaire. On ne part pas de l'hypothèse que la personne qui fait l'objet d'une enquête a commis un crime. Nous ne sommes pas au même niveau. Le député comprendra cette première hypothèse. J'en suis sûr.

On ne part pas de l'hypothèse que quiconque comparaît devant l'organisme en question a commis un méfait quelconque. En réalité, le conseiller en éthique élaborera les règles régissant les lobbyistes ainsi que le code de déontologie, et les conseillera. Ainsi, s'il s'interroge quant au caractère éthique d'une activité donnée, le lobbyiste pourra consulter le conseiller en éthique. Voilà pour la première proposition.

Pour ce qui est de la deuxième proposition, le député a dit que je ne l'avais pas convaincu qu'une personne qui passe par un ministre pour assurer le dépôt d'un rapport à la Chambre, serait indépendante. À mon tour, je lui ferai remarquer qu'il n'a pas démontré qu'elle ne le serait pas. Il est loin d'en avoir fourni la preuve.

J'ai cité le cas du directeur de l'enquête et de la recherche qui se penche sur les rapports dans le secteur des entreprises et fait enquête si des groupes se rendent coupables de collusion en matière de fixation des prix par exemple.

Il y a, en ce qui concerne le commerce international, des tribunaux administratifs qui s'adressent à la Chambre par l'intermédiaire d'un ministre. Aucun tribunal des pensions ne s'adresse directement au Président de la Chambre. Est-ce que le Bureau d'appel des pensions des anciens combattants s'adresse directement au président de la Chambre? Bien sûr que non. Il s'adresse à la Chambre par l'intermédiaire du ministre. Dit-on que tous ces gens sont partisans, incompétents et que leur jugement n'est pas objectif? Je ne pense pas. Qu'en est-il des autres tribunaux administratifs? Est-ce que quelqu'un fait cette allégation?

Il y a un point intéressant. Il incombe à un ministre, celui du Patrimoine canadien, de faire rapport à la Chambre sur le budget des dépenses du CRTC. Étant donné que ce ministre avait transmis une plainte d'un électeur sans même formuler une recommandation, on a dit à la Chambre que cet organisme était tout à fait indépendant, même s'il devait rendre des comptes au ministre. Ainsi, s'il est vrai qu'une personne faisant rapport par l'entremise d'un ministre avait toujours auparavant été indépendante, selon les mêmes gens qui posent ces questions et font ces allégations aujourd'hui, comment se fait-il alors qu'ils affirment maintenant que, dans le cadre de son travail d'administration de ces règles, cette personne perdra son indépendance? Comment expliquer cela? Cela ne marche pas. Ce qu'ils disent n'est pas exact.

J'affirme que, même si cette personne relève de la compétence d'un ministre, il ne s'agit pas d'un policier ou d'un juge de la Cour suprême. Elle administre des règles d'éthique. Il y a deux aspects à la question. Tout d'abord la question des lobbyistes faisant rapport à la Chambre par l'entremise du ministre. Ensuite, la nécessité de faire rapport au premier ministre sur la conduite des ministres. Cela s'impose, bien entendu, parce que nous vivons sous un régime de gouvernement responsable.

Si mes collègues avaient l'indulgence de me laisser terminer sur ce point, je voudrais leur demander ce qui se passerait si nous avions un système dans lequel le premier ministre ne serait pas responsable de la conduite de ses ministres.

11963

Lorsqu'on lui poserait des questions à ce sujet, il répondrait qu'un agent indépendant fait enquête là-dessus. Quelle serait alors la réaction de nos vis-à-vis? Ils diraient au premier ministre que c'est lui le patron, qu'il a nommé ces gens et que c'est à lui de se charger de la discipline. En d'autres termes, ils affirmeraient, à juste titre, que nous vivons dans un régime de gouvernement responsable et que c'est la personne qui dirige qui doit rendre des comptes.

Ce sont les deux tâches qu'on confierait à cette personne. La première se rapproche d'un rôle judiciaire et l'autre consiste à administrer un système dont le premier ministre est responsable en fin de compte. Ce sont là les deux fonctions que cette personne devrait assumer si je comprends bien. Il est important de s'en rappeler.

J'espère que vous adopterez le projet de loi rapidement pour que nous puissions compter sur de meilleures règles de conduite, un meilleur code d'éthique non pas pour nous dans le cas présent, bien que ce sera, un jour, notre tour, mais pour les lobbyistes, dans l'intérêt de tout le pays.

Le président suppléant (M. Kilger): Je veux remercier tous les députés de leur esprit de coopération. C'est vraiment très agréable de finir sur cette note à la fin de la semaine.

Comme il est 14 h 30, la Chambre s'ajourne à 11 heures lundi prochain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 14 h 31.)