AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 19 février 1998
[Traduction]
Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Aujourd'hui nous entendrons le point de vue du secteur agricole sur l'AMI. Mardi nous entendrons la perspective du ministère.
Monsieur Qualman, bonjour et bienvenue à notre comité. Si vous êtes prêt, vous pouvez commencer.
M. Darrin Qualman (secrétaire exécutif, Syndicat national des cultivateurs): Merci, monsieur McGuire, membres du comité, d'avoir invité le Syndicat national des cultivateurs à venir présenter son point de vue sur l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Je suis secrétaire exécutif du syndicat qui a son siège national à Saskatoon. J'ai mon exploitation juste au sud de cette ville.
L'Accord multilatéral sur l'investissement est le dernier en date d'une longue série d'accords sur le commerce et l'investissement: l'Accord de libre-échange canado-américain, l'Accord de libre-échange nord-américain, et l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce, connu sous ses initiales, OMC, ou encore sous le nom de GATT. Notre syndicat représente des familles d'agriculteurs dans le Canada tout entier, et à ce titre, nous sommes intéressés par les conséquences qu'ont eu ces accords pour les agriculteurs.
On m'a dit qu'on ferait distribuer ce graphique à tous les membres du Comité. L'avez-vous tous reçu?
Le président: Oui.
M. Darrin Qualman: Je vous prie de vous y reporter. Il trace la valeur des exportations agroalimentaires canadiennes de 1989 à 1997, ainsi que le revenu agricole net réalisé pendant la même période. Veuillez noter que les exportations agroalimentaires ont augmenté au cours des dix dernières années, passant d'un peu moins de 10 milliards annuellement en 1989 à plus de 20 milliards par an aujourd'hui.
Mais voyons maintenant le revenu agricole net réalisé. Vous constaterez que si les exportations agroalimentaires ont doublé, le revenu agricole net a baissé pendant cette même période de 23 p. 100.
Les agriculteurs n'ont tiré aucun avantage des précédents accords commerciaux. Ils n'ont pas profité de la hausse des exportations agroalimentaires qui découle peut-être de ces accords commerciaux. Tandis que l'industrie agroalimentaire canadienne continue son expansion, le revenu des agriculteurs chute. Le gâteau grossit, mais la part qu'en reçoivent les agriculteurs, en termes absolus et relatifs, diminue.
Pour les agriculteurs, l'économie agricole est peut-être en expansion, mais la distribution des revenus et des bénéfices qu'elle génère est de moins en moins juste et équitable. Les agriculteurs se sont vus forcés d'accepter la grande majorité des risques inhérents à la chaîne de production alimentaire, qu'ils proviennent du climat, des insectes ou des fluctuations du prix des denrées, mais ils ont aussi été essentiellement exclus de toute participation aux bénéfices.
Compte tenu du système dans lequel ils travaillent, et les intervenants puissants et de plus en plus grands qu'il inclut, il devient extrêmement difficile pour les exploitations individuelles d'imaginer un avenir meilleur sans une forte présence gouvernementale. Mais c'est justement la forte présence gouvernementale que l'Accord multilatéral sur l'investissement et les autres accords sur le commerce et l'investissement visent à limiter.
Je voudrais maintenant examiner plus particulièrement l'AMI et les institutions d'organisation méthodique du marché.
Tandis que ces récents accords sur le commerce et l'investissement ont procuré aux agriculteurs peu ou pas d'avantages, ils ont néanmoins eu plusieurs effets négatifs. Ils ont ébranlé et mis en péril les institutions canadiennes de vente ordonnées, telles les commissions de commercialisation du lait, du blé, des oeufs et de la volaille, et la Commission ontarienne de commercialisation du blé. Or ces institutions donnent aux agriculteurs un certain poids sur un marché de plus en plus dominé par d'immenses sociétés agroalimentaires étrangères. Elles contribuent également à faire augmenter et à stabiliser les revenus des agriculteurs, et elles assurent aux consommateurs un approvisionnement sûr et prévisible en aliments de base à des prix prévisibles, stables et concurrentiels. S'il y a très peu d'éléments indiquant que les accords sur le commerce et l'investissement augmentent les revenus des agriculteurs, il y en a cependant de nombreux indiquant que les institutions d'organisation méthodique du marché que ces accords menacent, contribuent, pour leur part, à une telle augmentation.
Avec l'Accord multilatéral sur l'investissement, il sera difficile de créer des institutions d'organisation méthodique du marché ou d'étendre leur sphère actuelle. L'AMI garantit aux investisseurs une indemnité en cas d'expropriation. Il donne ensuite du terme «expropriation» une définition si large qu'un tribunal de règlement des différends dans le contexte de l'AMI pourrait juger qu'il y a expropriation partielle des installations de traitement des céréales appartenant à diverses compagnies, si l'on ajoute l'avoine parmi les compétences de la Commission canadienne du blé. Si les dispositions de l'AMI touchant l'expropriation étaient interprétées en ce sens, le gouvernement, ou les agriculteurs, pourraient être tenus de payer une indemnisation à toutes les compagnies ainsi touchées, ou faire face à des poursuites.
Soyons clairs. Si vous signez l'AMI, en tant que législateurs vous aurez renoncé à une partie de votre autorité législative. Que vous appuyiez ou non l'organisation méthodique du marché, vous devez vous demander s'il est bien dans l'intérêt du Parlement et du Canada de céder une partie de son pouvoir législatif.
Je passe maintenant à la question du droit de la propriété foncière.
Avec l'AMI, il sera difficile de préserver les lois canadiennes régissant la propriété foncière. Il est en effet contraire à l'AMI de traiter les investisseurs étrangers moins favorablement que les investisseurs nationaux. Il sera donc très difficile de maintenir et de faire appliquer les lois provinciales actuelles qui limitent la propriété étrangère des terres agricoles. Si les gouvernements parviennent à obtenir une exemption temporaire pour les lois du Canada en la matière, les dispositions de démantèlement que contient l'Accord auront pour effet de très rapidement affaiblir puis éliminer de telles exemptions.
• 0915
L'AMI a des conséquences sur le crédit agricole et les
programmes de sécurité du revenu agricole. En effet, il empêcherait
un futur gouvernement de créer une institution de crédit agricole
à l'intention des exploitations familiales qui opéreraient selon
des principes différents de ceux des banques. Si le gouvernement
tentait une telle initiative, les banques pourraient se plaindre
d'une concurrence déloyale et demander réparation.
Nous voulons dire par là que si le gouvernement décidait qu'il était dans l'intérêt du Canada et de ses agriculteurs d'accorder à ceux-ci des prêts à très faible intérêt ou de prendre des mesures extraordinaires pour empêcher les saisies de propriétés agricoles, et s'il créait une institution de prêts dans ce but, les banques à charte pourraient se plaindre de concurrence déloyale aux termes de l'AMI et demander réparation.
La situation est sinon identique, du moins semblable, en ce qui concerne les programmes de sécurité du revenu agricole. La tendance semble indiquer que ces programmes, comme par exemple l'assurance-récolte et le compte de stabilisation du revenu net, ou CSRN, sont de plus en plus conçus en fonction des accords internationaux et des règlements sur l'investissement, et de moins en moins dans le but d'assurer aux agriculteurs la sécurité et l'aide accrues dont ils ont besoin.
Il est paradoxal que les accords sur le commerce et l'investissement commence par contraindre et menacer ces institutions de vente ordonnée qui améliorent et stabilisent les revenus des agriculteurs, puis essaient de limiter les programmes de sécurité du revenu conçus justement pour compenser la baisse des revenus et l'instabilité croissante. Pour les agriculteurs, l'AMI offre peu ou pas d'avantages, tandis qu'il présente de nombreux coûts et dangers.
Pour conclure, j'aimerais parler des effets de l'AMI sur l'économie en général. Les défenseurs de la mondialisation économique et du marché libre nous promettent que le commerce nous apportera la richesse. Toute l'argumentation en faveur du libre-échange repose sur la théorie de l'avantage comparatif de David Ricardo. Celui-ci avance que chaque pays devrait produire ce qu'il est le mieux à même de produire et ce qu'il peut produire le plus économiquement—c'est-à-dire ces produits pour lesquels il a un avantage comparatif, et acheter le reste auprès des autres pays. De cette manière, chaque pays aura une somme de produits supérieurs à ce qu'il aurait pu produire lui-même, pour l'avantage de tous.
Ricardo précise toutefois que les effets positifs du libre-échange basés sur l'avantage comparatif ne se concrétiseront que si l'on arrête le mouvement transfrontalier des capitaux. Si les capitaux circulent librement—et l'AMI vise justement à éliminer toute restriction au mouvement des capitaux—l'avantage comparatif, nous dit Ricardo, ne produira pas une augmentation de la richesse, mais bien un nivellement par le bas des salaires et des normes. Les capitaux partiront à la recherche des rendements les plus élevés, des coûts les plus faibles et de la réglementation la moins restrictive.
Nous le constatons déjà, alors que les entreprises cherchent à s'installer là où les salaires sont les plus bas—en Chine, pour 1 $ ou 2 $ par jour—; où les lois environnementales sont les moins strictes; où les impôts sont les plus bas.
Il ne s'agit pas de rabâcher encore une fois qu'avec ces accords tout le monde va partir vers le sud. C'est simplement un rappel que si l'on en croit les théories classiques des économistes sur le commerce international, il est très clair que pour tirer profit du libre-échange, il faut limiter les mouvements de capitaux. Sans cela, vous aurez une augmentation des échanges commerciaux, mais tout le monde s'en ira vers les endroits où les coûts de production sont les plus bas, les lois les plus permissives et la réglementation la plus faible.
C'est ce que nous disent Adam Smith et David Ricardo, deux des économistes les plus souvent cités dans les milieux favorables au libre-échange.
Par conséquent, l'Accord multilatéral sur l'investissement, qui libère le mouvement des capitaux—venant s'ajouter à l'ALENA et à l'OMC, qui assurent la libre circulation des biens et services—, met nos salaires, nos normes environnementales, nos taux d'imposition, nos normes de santé et de sécurité, en concurrence directe avec ceux de la Chine, de l'Indonésie et du Mexique.
Le libre-échange des biens, conjugué à la libre circulation des capitaux, conduit à l'intégration économique, ce qui est très différent du libre-échange. L'intégration économique signifie la disparition des frontières économiques. Lorsque nos marchés des biens et services seront unis et nos mains-d'oeuvre fusionnées, comment pourrons-nous maintenir un écart dans les salaires, les normes d'hygiène ou la réglementation environnementale? L'accord multilatéral, dans les faits et dans l'esprit, aura détruit ces différences.
• 0920
L'expérience économique que nous entreprenons ne s'appuie sur
aucune théorie de l'économie. Elle ne peut se défendre ni à la
lumière des théories des économistes de gauche, ni à celle des
théories des économistes de droite. Il n'existe aucun corpus
théorique annonçant que le mariage du libre-échange des produits et
de libre circulation des capitaux conduira à la prospérité des
agriculteurs ou des Canadiens en général.
En conclusion, le Syndicat national des cultivateurs recommande au gouvernement canadien de ne pas signer l'Accord multilatéral sur l'investissement. Nous présentons d'autres recommandations et les raisons qui les justifient dans notre mémoire, que j'invite instamment tous les membres du comité à lire.
Pour terminer, je remercie les membres du comité et son président de nous avoir invités.
Le président: Merci, monsieur Qualman. Nous n'avons pas pu distribuer votre mémoire parce qu'il n'était pas dans les deux langues officielles. Nous avons pour règle de ne pas remettre les mémoires aux membres du comité à moins qu'ils ne soient dans les deux langues officielles. Nous en ferons donc la distribution dès que nous en aurons une version traduite. Nous vous remercions de votre exposé.
Monsieur Friesen, prendrez-vous la parole au nom de la Fédération?
M. Bob Friesen (premier vice-président, Fédération canadienne de l'agriculture): Oui, merci, monsieur le président.
Comme vous le savez, nous représentons tous trois la Fédération canadienne de l'agriculture. Je ne vais pas vous dire combien d'agriculteurs nous représentons, ni que nous les représentons bien. Qu'il suffise de dire que nous avons le sentiment de représenter une part importante de la collectivité agricole canadienne et que nous apprécions cette occasion qui nous est donnée de venir faire part à votre comité de notre point de vue sur l'AMI.
Il n'est probablement pas nécessaire de vous dire non plus que nous sommes extrêmement intéressés par toutes les négociations commerciales, bilatérales, unilatérales ou multilatérales qu'elles soient. Nous sommes intéressés dès qu'il y a des négociations quelque part ou dès que notre gouvernement fait allusion à d'éventuelles négociations.
Nous reconnaissons également qu'il est préférable d'avoir des règles claires et équitables. Toutefois, la FCA estime que ces règles justes et équitables doivent se négocier au sein de l'OMC. Bien entendu, nous sommes également très intéressés à veiller à ce que ces règles n'empêchent aucunement le Canada de créer et de maintenir les programmes et les régimes de réglementation qui sont essentiels pour défendre nos intérêts nationaux. Encore une fois, nous ne nous intéressons à l'AMI que dans la mesure où il peut avoir une incidence sur l'agriculture.
Depuis que le texte provisoire de l'Accord a été mis en circulation, l'Accord, ses répercussions et ses avantages possibles pour l'agriculture canadienne ont fait l'objet de nombreuses discussions. Il est toutefois malheureux et regrettable que cela intervienne si tard dans le processus, car le Canada a déjà, par l'AMI que contient l'ALENA, pris un certain nombre d'engagements fondamentaux sur lesquels il base sa stratégie à la table des négociations de l'AMI.
Plus nous examinons l'Accord sur l'investissement que contient l'ALENA et les conséquences qu'il pourrait avoir pour les négociations actuelles en cours de l'AMI, plus nous craignons que ces conséquences soient graves pour l'agriculture canadienne, dans certains cas. Il est aussi très clair que durant les négociations de l'ALENA l'agriculture a été négligée. La collectivité agricole n'a pas suffisamment été consultée. Les dispositions relatives à l'investissement n'ont pas été étudiées par le GCSCE. Nous avons vraiment le sentiment de démarrer avec un sérieux handicap, puisque jusqu'ici nous n'avons pu obtenir aucune assurance des négociateurs actuels que, premièrement, les dispositions de l'ALENA sur l'investissement n'ont aucune incidence sur l'agriculture. Nous ne savons pas non plus exactement quelles seraient les conséquences pour nous de l'AMI tel qu'il est actuellement.
Nous avons examiné le texte provisoire de l'AMI en profondeur et nous avons quelques inquiétudes. Nous nous sentons vulnérables face à certaines dispositions sur l'investissement de l'ALENA et nous craignons que toute modification au libellé actuel de l'ALENA ne nous rende vulnérables. Nous sommes également inquiets des nouveaux éléments qui pourraient surgir dans le contexte des négociations actuelles.
Que les négociations de l'AMI aboutissent ou non, il est certain qu'il y aura d'autres négociations à l'avenir. Les questions concernant l'investissement sont au programme de l'OMC, et elles figureront également dans les négociations prochaines sur le libre-échange dans les Amériques. Il est donc important que dans toutes ces négociations nous utilisions l'expérience acquise pendant l'examen actuel de l'AMI afin d'aboutir à des dispositions claires touchant l'agriculture et à l'affirmation de la légitimité des régimes de réglementation et des politiques agricoles du Canada.
• 0925
Il est clair que l'agriculture peut subir le contre-coup des
négociations qui se déroulent hors de ce qu'on estime communément
faire partie du monde agricole. Bien entendu, à première vue, on ne
penserait pas que l'AMI concerne de près l'agriculture, mais je
dois dire encore une fois que notre examen des provisions sur
l'investissement dans l'ALENA et du texte provisoire de l'AMI nous
montre que ces accords peuvent avoir des répercussions sur
l'agriculture. Celle-ci pourrait en fait être vulnérable.
C'est, je le répète, parce que jusqu'ici nous n'avons pas eu de définition claire, précise et concise des buts et objectifs que vise l'AMI. Et comme vous le savez, en cas de différend, s'il faut interpréter le texte, les buts et objectifs deviennent extrêmement importants et pèsent très lourds dans la balance pour le règlement du différend.
Nous aimerions vous présenter quelques recommandations que nous vous prions de transmettre au gouvernement. Tout d'abord, nous demandons que le gouvernement examine les répercussions potentielles des nouvelles négociations commerciales sur l'agriculture avec les membres du GCSCE de l'agriculture et d'organisations comme la FCA dès les premiers stades, et poursuive ses consultations tout au long des négociations.
En outre, lors des négociations à venir, le gouvernement devrait s'efforcer d'obtenir confirmation de la légitimité de son approche en matière de politique agricole dans le contexte suivant:
- confirmation de notre droit d'implanter et de maintenir des organismes autorisés à réguler la production et la commercialisation des produits agricoles canadiens, à exploiter un réseau à comptoir de vente unique et à regrouper les revenus des producteurs;
- confirmation du droit des organismes de commercialisation agricole sanctionnés par le gouvernement de recourir aux mêmes pratiques que les entreprises privées quand ils font le commerce des produits que leur confient les producteurs;
- confirmation du droit du gouvernement d'accorder la préférence aux résidents et aux citoyens du Canada dans les régions visées par une politique d'exploitation des terres agricoles ainsi qu'à l'égard des programmes de protection du revenu et de gestion du risque.
Nous avons aussi quelques recommandations spécifiques concernant les négociations de l'AMI. Il convient de respecter le mandat fondamental qui consiste à ne pas aller au-delà de l'ALENA. Voici quelques-unes des dispositions particulièrement sensibles à un changement de contexte ou de libellé: tout d'abord, la définition du terme «investissement». La définition qu'en donne l'AMI est extrêmement vague et n'exclut aucune activité économique, quelle qu'elle soit, tandis que les dispositions de l'ALENA en excluent certaines.
Deuxièmement, en ce qui concerne les prescriptions de résultats, le texte des dispositions en la matière doit établir très clairement que ces dispositions n'interdisent aucune des activités normales des offices de commercialisation agricole canadiens, ni, particulièrement, la réglementation du volume des produits canadiens mis en vente, l'exploitation d'une agence de vente à guichet unique ou la mise en commun des revenus. Nous pourrions parler très longuement des prescriptions de résultats: de leurs incidences sur notre politique d'exportation et de réimportation, sur notre production à l'exportation, et ainsi de suite. De plus, les prescriptions des résultats visant à atteindre une valeur ou un niveau donné de production ne devraient pas faire partie de la liste des prescriptions interdites.
Troisièmement, en ce qui concerne les exceptions, toutes celles qui s'appliquent au Canada dans le cadre de l'ALENA doivent être incluses dans l'AMI de façon à établir clairement que tous les signataires de l'AMI les acceptent. Nous nous sentons particulièrement vulnérables sur ce point. Si l'on ne fait pas très attention à ce que les exceptions, réserves et exemptions soient extrêmement claires, elles risquent de prêter à interprétation et, encore une fois, comme il n'y a pas de préambule établissant clairement les objectifs de la négociation, nous pourrions être très vulnérables.
De plus, les exceptions ne doivent pas être assujetties à des mesures de temporarisation. Celles qui nous paraissent d'une importance particulières pour l'agriculture sont: l'exception générale pour les subventions gouvernementales—et bien entendu, l'AMI n'exclut pas les subventions, tandis qu'elles étaient exclues dans l'ALENA; l'exception canadienne pour les programmes de crédit agricole; l'exception canadienne pour toutes les mesures non conformes existantes maintenues dans l'ensemble des provinces et des territoires—encore une fois, rien dans les négociations actuelles de l'AMI ne prévoit de donner aux provinces le droit d'accorder des exceptions ou des exemptions; et enfin, l'exception obtenue pour la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Ce sont les principales exemptions qui nous préoccupent.
La disposition de l'ALENA qui interdit le comportement anticoncurrentiel des monopoles ne devrait pas faire partie de l'AMI. Nous estimons que ce n'est pas là le cadre approprié pour discuter des règles de la concurrence. Comme vous le savez, les ministres réunis à Singapour avaient décidé de mettre sur pied un groupe de travail de l'OMC sur la politique en matière de concurrence. C'est dans ce contexte-là qu'il faut en discuter. C'est là qu'il faut chercher l'information et procéder à l'analyse. Si négociations il y a, c'est à l'OMC qu'elles doivent avoir lieu.
• 0930
Je vous rappelle encore une fois que selon notre politique,
toute règle claire et équitable doit être établie dans le contexte
de l'OMC. De plus, comme l'AMI n'est pas négocié dans le contexte
d'un accord commercial plus vaste, ce n'est certainement pas là
qu'il faut discuter de politique sur la concurrence. Avant
d'adhérer à des accords multilatéraux traitant de politique sur la
concurrence, le Canada devrait attendre que l'on ait une idée
claire de la définition des pratiques anticoncurrentielles.
Pour ce qui est de savoir ce qu'il faut faire pour assurer que le Canada continue d'appliquer sa loi sur la concurrence d'une manière qui corresponde à nos besoins nationaux, et de ce qui est nécessaire pour éviter l'abus des dispositions anticoncurrentielles, je vous renvoie—je ne le lirai pas—à l'article 1502:3(d) de l'ALENA, où il est question des pratiques anticoncurrentielles sur un marché non monopolisé.
En vertu du texte provisoire de l'AMI, un libellé pratiquement identique à celui-ci est présenté comme une option approuvée par le Canada. Cette disposition ne doit pas figurer dans l'AMI. Cela nous paraît très important.
Ensuite, le Canada devrait surveiller les décisions relatives à deux dispositions de l'ALENA et réserver son jugement sur le bien-fondé de ne pas modifier le libellé de ces deux dispositions, qui traitent d'expropriation et d'indemnisation.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement l'affaire qui fait actuellement l'objet d'un arbitrage exécutoire, celui de la Ethyl Corporation. Si celle-ci avait gain de cause, l'ALENA pourrait bien avoir procuré un avantage aux investisseurs étrangers en leur donnant droit à une indemnisation qui n'est pas offerte aux investisseurs canadiens en cas de modification à la réglementation. Ce résultat serait, bien sûr, totalement inacceptable et risquerait de perturber sérieusement la capacité du Canada à modifier sa réglementation lorsque nécessaire.
Très rapidement, en ce qui concerne les prescriptions de résultats, qu'il est souvent nécessaire d'imposer afin de gérer la réglementation et de permettre l'utilisation de certaines ressources publiques. S'il est important d'agir de façon responsable et logique, ces prescriptions font cependant partie intégrante du processus de réglementation.
Là encore, nous ne voulons pas que l'AMI comprenne des prescriptions de résultats qui auraient pour conséquence de menacer l'agriculture en menaçant nos structures actuelles de commercialisation et notre capacité à en créer.
Les clauses d'antériorité ne règlent pas les problèmes futurs. Le Canada doit protéger sa capacité de prendre les décisions nécessaires en matière de réglementation de façon à pouvoir s'adapter à l'évolution des connaissances et des circonstances.
En conclusion, je tiens à dire combien il est important qu'il y ait consultation dès le début des négociations. Je souligne que, selon nous, l'agriculture a été négligée lors des négociations des dispositions de l'ALENA sur l'investissement. Nous n'avons pas été consultés. Si nous n'avons jusqu'ici reçu aucune assurance ni confirmation que nous soyons directement concernés par l'accord sur l'investissement, nous n'avons jusqu'ici reçu aucune assurance de la part des négociateurs que nous ne risquons rien et que si l'on prend comme point de départ aux négociations actuelles les dispositions correspondantes de l'ALENA, nous ne risquons pas d'accroître notre vulnérabilité.
Je dois dire que nous avons très facilement accès aux négociateurs. Ils nous ont fait savoir qu'ils étaient prêts et disposés à travailler avec nous. Nous n'avons aucune raison de croire que les consultations en cours actuellement ne permettront pas de nous rassurer et peut-être même de faire inclure certains éléments importants dans les négociations. Toutefois, nous n'avons encore reçu aucune assurance que nous ne soyons pas vulnérables.
Bien entendu, il est toujours risqué de sonner l'alarme et de signaler notre vulnérabilité aux autres. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Mais nous voulons nous assurer de ne pas reproduire dans l'AMI les erreurs commises dans l'ALENA.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Le gouvernement a-t-il déjà consulté le secteur agricole?
M. Bob Friesen: Nous sommes actuellement en consultation avec les négociateurs.
Le président: En ce moment même.
M. Bob Friesen: Oui, nous avons rencontré Bill Dymond il y a trois semaines environ; il a passé une partie de la journée avec notre comité du commerce international et nous a mis au courant des négociations actuelles. Nous avons également accès au groupe de travail qui fait partie de l'équipe de négociation.
Mme Sally Rutherford (directrice exécutive, Fédération canadienne de l'agriculture): Je crois que l'on peut dire cependant que c'était à notre initiative, et non à la leur.
Le président: Monsieur Penson, vous voulez commencer?
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Oui, merci monsieur le président.
Je souhaite simplement rappeler aux membres du comité que lorsque le ministre du Commerce international a présenté cet aspect de l'AMI au comité qui étudiait l'Accord, c'est-à-dire un sous-comité du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international, auquel il a demandé d'entreprendre une étude, il a déclaré que le gouvernement avait l'intention de transférer les dispositions sur l'investissement de l'ALENA et de les élargir aux 29 membres de l'OCDE. Il a déclaré également qu'il serait difficile de le faire au sein de l'Organisation mondiale du commerce, car elle compte 130 pays membres dont beaucoup ne sont pas encore prêts pour un accord sur l'investissement et que par conséquent il serait préférable de procéder à l'intérieur de l'OCDE pour élargir l'Accord plus tard à l'OMC.
En outre, le négociateur en chef nous a dit la même chose: que c'était là l'intention du gouvernement.
J'ai entendu dire à quelques reprises qu'avec un accord du type ALENA, comme celui que nous avons déjà pour l'investissement, la Commission canadienne du blé, les offices de commercialisation et de gestion des approvisionnements posaient un problème. Comme nous avons maintenant un accord sur l'investissement avec les États-Unis depuis dix ans, en vertu de l'Accord de libre-échange, et comme ces secteurs sont exemptés de l'ALE et de l'ALENA, et puisque le ministre et le négociateur en chef ont déclaré qu'ils avaient l'intention de transférer ce même type de dispositions à l'AMI, quelle est selon vous la menace pour la Commission canadienne du blé et le système de gestion des approvisionnements?
M. Bob Friesen: Oui, vous avez raison. La position du gouvernement est qu'il ne veut pas accepter davantage d'obligations qu'il n'en a en vertu des dispositions sur l'investissement de l'ALENA. Toutefois, nous ne sommes pas aussi sûrs que vous que les exemptions que contient l'ALENA soient suffisamment claires, et les négociateurs ne nous ont pas assurés de notre invulnérabilité, précisément dans les secteurs que vous avez mentionnés. Il y a notamment le problème de la définition des «sociétés commerciales d'État», de «monopoles», du libellé lorsqu'il est question de «seul fournisseur» et «seul acheteur» d'un produit, et aussi celui des prescriptions de résultats, qui fait qu'un niveau de production ne peut pas dépendre d'un niveau donné d'exportation, et ainsi de suite.
M. Charlie Penson: C'est dans l'ALENA, ce que vous dites?
M. Bob Friesen: Oui. On ne nous a pas garanti que les réserves et exemptions qu'avait obtenues le Canada dans cet accord nous mettent à l'abri.
Donc, dans une certaine mesure, nous savons que notre gouvernement ne souhaite reproduire dans l'AMI que ce que contient l'ALENA, sans aller au-delà. Mais, comme nous n'avons pas été consultés sur cet aspect précis lors des négociations de l'ALENA, cÂest seulement lorsque les négociations actuelles ont commencé que nous avons été informés de ce que nous considérons comme des faiblesses.
M. Charlie Penson: J'aimerais ajouter une question, et je voudrais ensuite que M. Qualman réponde aux deux, si possible.
M. Darrin Qualman: Oui, pour répondre aux deux questions que vous venez de poser, nous ne sommes pas aussi rassurés par les intentions des négociateurs. Tout ce que nous savons actuellement de l'AMI, c'est ce que nous en dit le texte provisoire.
Or ce texte diffère de l'ALENA sur le fond, de trois façons. Il s'applique à 29 pays, et non à trois, ce qui augmente considérablement le nombre de conflits qui seraient assujettis à ce régime. Mais surtout, l'AMI élargit énormément la définition d'«investissement» et d'«expropriation». Par conséquent, il élargit énormément le champ dans lequel le gouvernement ne pourra plus légiférer sans indemnisation.
L'AMI définit l'«expropriation» et l'«investissement» de façon si large que si Ethyl n'a pas gagné d'avance son recours devant l'ALENA, le même dossier interprété à la lumière du texte actuel de l'AMI pourrait bien, nous le craignons, lui donner gain de cause. Quant à savoir si elle l'obtiendra en vertu de l'ALENA, je l'ignore.
• 0940
Le troisième point, c'est que l'AMI a une durée de 20 ans,
tandis que l'ALENA prévoit un préavis de six mois. Si Ethyl gagne
et que nous nous retrouvons tout à coup avec un accord qui fait que
chaque fois que nous adoptons une loi pour la protection de
l'environnement quelqu'un vient nous réclamer 350 millions de
dollars, nous pouvons nous retirer de l'ALENA. Si le même problème
se pose avec l'AMI, nous ne pourrons pas nous y soustraire.
M. Charlie Penson: Je crois qu'il est en place en fait pour cinq ans, et renouvelable.
La question que je me pose est celle-ci. Puisque nous avons déjà un accord sur les investissements qui régit environ 70 p. 100 de tous nos investissements dans le cadre de l'ALENA, accord qui demeure, avec ou sans AMI, les problèmes que vous signalez ne disparaîtront pas à moins que nous nous retirions de l'ALENA. C'est ce que vous voulez dire?
M. Darrin Qualman: Je dis que comme l'AMI élargit considérablement les dispositions sur l'investissement, les définitions d'investissement et d'expropriation, si nous avons des problèmes en vertu de l'ALENA, ils seront bien plus conséquents avec l'AMI.
M. Charlie Penson: À propos de l'affaire que vous avez mentionnée, celle de Ethyl Corporation, je crois comprendre que si l'on avait abordé l'affaire du point de vue de la santé ou de l'environnement, cela aurait passé en vertu de l'ALENA, parce que des exemptions sont prévues. Mais on n'a pas procédé ainsi. On peut donc se poser des questions sur cette affaire. Il est trop tôt pour savoir si le Canada peut gagner ou non, mais si l'on avait basé la décision sur un risque pour la santé ou pour l'environnement, il me paraît clair qu'en vertu de l'ALENA, le Canada avait le droit de proposer ce type de législation.
M. Darrin Qualman: Je ne sais pas pourquoi le Parlement, dans sa sagesse, a choisi de procéder comme il l'a fait.
M. Charlie Penson: Mais vous l'avez mentionné, et il est important d'en discuter.
Le président: Il ne vous reste presque plus de temps. Vous pourrez revenir plus tard.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je vous remercie de votre présence. Je vais poursuivre dans la même sens que M. Penson, avec qui j'ai eu le plaisir de siéger au Sous-comité sur l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Dans un premier temps, mes questions vont s'adresser à M. Qualman.
J'aimerais que vous me disiez quelle était la position de l'Union nationale des fermiers sur l'Accord de libre-échange avec les États-Unis à ce moment-là. Est-ce que la position était la même? Et après quelques années de réalisation de l'Accord de libre-échange, est-ce que votre position a évolué ou si elle s'est confirmée à la suite des deux principaux cas de litige que sont le bois d'oeuvre et le blé?
Je ne voudrais pas paraître impertinent, mais je voudrais vous demander pourquoi, s'il est tellement évident que l'Accord multilatéral sur l'investissement est mauvais, le gouvernement canadien continue à négocier au désavantage des groupes culturels, des agriculteurs, des environnementalistes, des pêcheurs et de la population canadienne. J'aimerais savoir si cet accord présente quelques avantages ou si tout est vraiment mauvais de A à Z.
Au lieu de proposer de nous retirer immédiatement de toute négociation, ne pensez-vous pas qu'on devrait offrir des pistes aux négociateurs, avec des deal breakers, par exemple en acceptant une expropriation sans indemnisation? Cela pourrait être une piste de négociation sine qua non à la signature de l'accord.
On pourrait aussi mieux définir ce qui est une exception et ce qui est une réserve, parce que, si je ne me trompe pas, le Canada a déposé 52 pages de réserves, et on n'a pas d'exception générale, à part la culture peut-être. Si cela achoppe, ce sera à cause de cela.
Comme Charlie le disait, à l'heure actuelle, 70 p. 100 des investissements étrangers au Canada viennent des États-Unis, avec lesquels on a déjà un accord sur l'investissement, et 54 p. 100 des investissements canadiens s'en vont aux États-Unis. De plus, le Canada a signé 24 accords bilatéraux sur l'investissement avec les pays de l'OCDE principalement. Par conséquent, est-ce que cela va changer vraiment le tableau? Et est-ce qu'on fait le ménage des règles multilatérales déjà existantes?
J'espère que j'ai été assez clair. Je vous remercie.
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Je vous remercie de cette question.
Il est bien entendu qu'il y a lieu d'avoir lieu des ententes sur le commerce et l'investissement et des règles sur l'investissement. Le paradoxe de l'Accord multilatéral sur l'investissement, c'est qu'il impose pour règle au gouvernement de ne pas imposer de règles. Deuxièmement, il prévoit de très nombreux avantages pour les intérêts privés, les investisseurs, mais il ne semble pas prévoir la contrepartie pour protéger l'intérêt et le bien public.
Nous serions très intéressés à considérer des accords sur l'investissement qui aideraient les gouvernements à faire appliquer les règlements imposant aux sociétés de payer leur juste part d'impôt dans les pays où elles ont leurs installations et qui les obligerait à respecter les lois environnementales. Un système de commerce international et d'investissement fondé sur des règles n'est pas mauvais, mais l'AMI n'est qu'un ensemble de dispositions interdisant aux gouvernements de réglementer le commerce international et l'investissement; ce n'est pas la bonne manière de procéder.
M. Bob Friesen: J'aimerais également répondre à quelques-unes de vos questions. Nous ne disons pas que les négociations actuelles soient mauvaises. Nous ne suggérons certainement pas la renégociation de l'ALENA et des dispositions sur l'investissement qu'il contient. Nous ne recommandons rien de tout cela, car comme je l'ai déjà dit, il peut être dangereux d'essayer de définir des secteurs où nous sommes vulnérables. Nous préférons laisser les choses telles qu'elles sont, puisque cet accord là est signé. Notre préoccupation est très précisément celle que j'ai mentionnée, c'est-à-dire que nous voulons nous assurer que notre système de réglementation, notre Commission canadienne du blé, ne soient pas touchés.
Nous ne voulons pas non plus être obligés de payer deux fois. Si nous signons un accord maintenant et qu'il y est question de politique de la concurrence, certaines restrictions s'imposeront en raison des prescriptions de résultats, et si tout cela par la suite est revu dans le cadre de l'OMC, nous ne voulons pas être obligés de payer deux fois.
Comme je l'ai déjà dit, nous sommes inquiets parce que les négociateurs ne pouvaient pas nous donner de garanties. Quand nous nous sommes rendu compte que les faiblesses de l'Accord s'appliquaient à l'agriculture et que personne ne pouvait nous assurer qu'il n'y avait pas véritablement de risque, nous avons commencé à nous inquiéter, et c'est de ce point de vue là que nous collaborons maintenant avec les négociateurs. Nous voulons simplement éviter les risques.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Il me reste du temps, monsieur le président, et je vais en profiter. Je ne vais pas vous demander votre opinion sur l'ensemble de l'Accord multilatéral, mais plutôt sur l'agriculture. Si vous aviez l'assurance que cela n'affecterait pas votre dossier, seriez-vous prêt à accepter que le Canada continue et signe l'Accord sur l'investissement?
[Traduction]
M. Bob Friesen: J'imagine que oui, puisque dans la mesure où nous représentons les agriculteurs, la seule chose qui nous intéresse c'est de maintenir la viabilité nationale de l'agriculture pour nous permettre de soutenir nos exportations et notre production intérieure. Avec cette assurance, nous aurions certainement le sentiment d'avoir réussi nos consultations avec les négociateurs.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Je donne maintenant la parole à M. Steckle.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je tiens à vous remercier d'être venus ce matin. Peut-être connaissez-vous mieux l'AMI que la plupart des parlementaires.
Tout d'abord, je voudrais demander aux deux groupes s'ils ont vu le texte provisoire. Avez-vous vu le texte intégral?
C'est de souveraineté qu'il s'agit. Nous avons parlé de souveraineté territoriale, qui découle de la propriété. Quelles seraient les conséquences de l'Accord, compte tenu du fait que nous avons dix provinces? L'Île-du-Prince-Édouard impose certaines restrictions en matière de propriété foncière qui pourrait interdire à des personnes d'autres régions du Canada de détenir des biens fonciers sur l'île. Quelles conséquences cette loi aurait-elle pour les personnes qui souhaiteraient investir dans l'Île-du-Prince-Édouard? Cette loi serait-elle annulée et remplacée par l'Accord? Je cite cet exemple là parce que c'est probablement la seule province qui ait ce type de loi.
M. Darrin Qualman: La Saskatchewan, d'où je viens, a également le même type de loi, et je connais très bien celle de l'Île-du-Prince-Édouard. Sauf exemption, cette loi serait en contravention de l'AMI. Elle serait également en contravention de l'ALENA.
Les négociateurs ont obtenu une exemption dans le cadre de l'ALENA, mais le libellé de l'AMI parle très précisément de maintien et de démantèlement, ce qui veut dire qu'on ne peut pas ajouter de nouvelles exemptions. Avec le temps, on essaiera d'éliminer celles qui existent, implicitement ou explicitement.
Je tiens à faire remarquer qu'il y a différentes façons d'obtenir le démantèlement. D'une certaine manière, la renégociation de l'OMC à intervalles réguliers est un moyen d'y parvenir. On négocie, puis on revient là-dessus quelques années plus tard en disant: «Tout ce que nous avions accepté la dernière fois demeure—on ne peut pas revenir en arrière—et nous voulons maintenant des concessions supplémentaires.» La renégociation régulière est donc une façon d'obtenir le démantèlement.
D'une certaine manière, j'estime que l'AMI est une façon de revenir sur ce qui a été concédé dans l'ALENA, qui était jugé trop faible dans certains secteurs. Il prévoyait des exemptions sur certaines choses. Maintenant, avec l'AMI, nous allons essayer de les corriger. Nous allons essayer d'obliger des pays comme le Canada à demander une exemption pour leurs lois sur la propriété foncière, et peut-être que cette fois-ci ils ne l'obtiendront pas.
M. Paul Steckle: Quel organisme, quel pays est à l'origine de l'AMI? Il y a 28 ou 29 pays participants, au lieu des 130 ou 140 membres de l'OMC. Quelqu'un doit bien avoir pris l'initiative. D'où vient-elle? Qui a voulu ces négociations?
Ce sont des questions très générales, mais nous aimerions connaître la réponse. Quelqu'un doit bien avoir lancé le processus.
M. Darrin Qualman: Nous croyons savoir que l'initiative venait principalement des États-Unis, mais que le Canada était partant dès le début. S'il n'a pas lancé l'idée, il l'a certainement appuyée.
M. Paul Steckle: Mais il me semble que les États-Unis ont des réserves importantes. Nous aussi, surtout en ce qui concerne la culture. Mais ce matin nous devrions parler avant tout d'agriculture.
Vous dites que nous avons limité notre droit à adopter des lois, et que l'AMI aurait cet effet. En êtes-vous absolument sûr? Quel est le rôle du gouvernement si nous avons effectivement un organisme au-dessus des gouvernements?
Je me dois de poser des questions sérieuses. C'est une affaire sérieuse, en ce qui me concerne. Pourriez-vous donner votre avis là-dessus?
M. Darrin Qualman: Disons-le, ces accords ont des effets insidieux. Il n'y est pas clairement dit que le gouvernement ne pourra pas faire ceci ou cela. On y dit que le gouvernement peut faire ce qu'il veut, mais on ajoute que certaines mesures constitueraient une expropriation. Dans l'AMI on dit que certaines mesures équivaudraient à une expropriation, et on mentionne explicitement certaines mesures fiscales. On n'y dit pas que l'expropriation ou la fiscalisation est interdite, mais on dit simplement que si de telles mesures sont adoptées, il faudra payer réparation aux intérêts lésés. Si ces indemnisations s'élèvent à des centaines de millions et de milliards, cela équivaut à une interdiction. Si Ethyl a gain de cause, il y aura soudainement tout un secteur sur lequel le gouvernement ne pourra plus légiférer.
Lorsque le gouvernement envisageait les emballages génériques pour les cigarettes, les fabricants s'y sont opposés en disant: «Cela va réduire nos bénéfices. Si vous allez de l'avant, nous pourrions intenter des poursuites en vertu de l'ALENA.»
Par conséquent, en signant ces accords, les États renoncent de toute évidence à leur droit de légiférer dans bien des secteurs.
M. Paul Steckle: Pour ce qui est de la participation ou non, si je comprends bien, une fois l'accord signé, nous sommes engagés. Nous ne pouvons même pas demander le retrait avant cinq ans. C'est bien cela?
M. Darrin Qualman: C'est exact. Mais même si vous voulez vous retirer, tout ce que vous avez accepté en signant reste en vigueur pendant 15 ans.
M. Paul Steckle: Donc, si nous décidons de nous retirer dans dix ans, nous sommes engagés pour 25 ans.
M. Darrin Qualman: C'est exact.
M. Paul Steckle: Très bien. Merci.
Le président: Monsieur Axworthy.
M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci beaucoup.
Je suis heureux d'entendre vos préoccupations... bon, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Cela ne me fait pas plaisir. Mais je suis heureux que vous soyez venu nous en faire part. En tant que représentant d'un des partis à la Chambre qui a de sérieuses réserves à l'égard de l'AMI, je constate que votre analyse confirme une bonne partie de nos craintes.
Je suis ici à la place de Dick Proctor qui est en Saskatchewan où il assiste à une conférence sur un autre problème causé par la déréglementation et la privatisation, soit l'abandon des lignes ferroviaires dans l'Ouest, ce qui a accru le stress des familles d'agriculteurs. C'est encore un autre exemple.
• 0955
J'ai une question pour la Fédération canadienne de
l'agriculture. M. Qualman, dans le graphique qui était inclus dans
son mémoire—vous l'avez peut-être—faisait remarquer que les
avantages, les fruits de l'augmentation des exportations
agroalimentaires canadiennes n'ont pas été distribués très
équitablement. Le revenu des agriculteurs n'a pas augmenté, tandis
que les bénéfices des entreprises agroalimentaires ont connu une
hausse considérable. Vos analyses ou votre recherche
confirment-elles que les agriculteurs n'en bénéficient pas vraiment
beaucoup?
Je pose la question parce que quelqu'un a demandé pourquoi ferions-nous cela si cela présente un danger pour certains? Et bien, je présume que nous le faisons parce que cela favorise certains intérêts, certaines classes de notre société, même si c'est au détriment d'autres.
M. Bob Friesen: J'interprète ce graphique comme une illustration du niveau d'exportation en comparaison avec le revenu net agricole réalisé.
M. Chris Axworthy: C'est exact.
M. Bob Friesen: C'est certainement une discussion que nous avons eue à la FCA, à savoir si l'importance accordée aux exportations donne davantage d'argent aux producteurs, ce que nous souhaitons, bien entendu.
Oui, nous favorisons l'exportation, et en même temps nous espérons qu'en augmentant non seulement nos exportations, mais aussi notre part du marché international, nous produirons également des avantages pour le producteur. Donc, nous appuyons effectivement fortement l'expansion des exportations. Mais je ne suis pas prêt à me prononcer sur ce qui est arrivé jusqu'ici.
M. Chris Axworthy: Vous n'avez donc pas fait le même type d'analyse que M. Qualman jusqu'ici?
Mme Sally Rutherford: On compare des pommes et des oranges, puisqu'on compare le produit des exportations—et non pas les revenus provenant des exportations—avec le revenu. Ce n'est pas pareil. On ne peut pas tirer les conclusions que vous en tirez sans inclure quelques autres chiffres.
C'est vrai, les exportations sont en hausse. Il ne fait aucun doute que les revenus agricoles sont médiocres; et l'on prévoit qu'ils vont continuer de diminuer au cours des prochaines années. Mais nos exportations sont concentrées dans des secteurs qui ne sont pas limitées par des réglementations, que ce soit la gestion des approvisionnements ou autres. Ce sont des produits négociés sur le marché libre et ils n'ont pas véritablement été touchés par les accords commerciaux, et certainement pas de manière négative. Dans presque tous les cas, les accords commerciaux que nous avons signés se sont avérés avantageux puisqu'ils ont donné accès à des mécanismes de règlement des différends, ce qui a facilité la vie à bien des gens.
Si les accords sont loin d'être parfaits, il faut dire cependant que le Canada a changé son approche face aux exportations agricoles et agroalimentaires. Nous ne pouvons plus nous contenter de vendre des produits bruts; je crois que cela est évident pour tout le monde. D'une certaine manière, bien que nous nous considérions comme un grand pays et un très grand exportateur, nous sommes un fournisseur résiduel pour presque tous les produits.
Quant à notre capacité d'influencer les cours mondiaux, avec ou sans accord, c'est difficile. Ce que montre le graphique, c'est essentiellement l'impact des cours mondiaux sur le marché et sur les rentrées agricoles, qui ont en réalité très peu à voir avec les accords, car ceux-ci n'ont eu que très peu d'effet dans ce secteur.
Le président: Monsieur Qualman, c'est votre graphique.
M. Darrin Qualman: Non, je ne pense pas que nous comparions des pommes et des oranges. Ce que nous disons est très simple: les agriculteurs, comme tous les Canadiens, se font dire que l'augmentation des échanges commerciaux les enrichira, et ce tableau montre clairement que dans le cas des agriculteurs, c'est tout simplement faux.
Le président: Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président. Je vous prie d'excuser mon retard, et je vous présente d'ores et déjà mes excuses car je vais devoir partir avant la fin. Je suis de service à la Chambre aujourd'hui et on ne peut pas être à la fois au four et au moulin.
Le président: Monsieur Borotsik, j'ai oublié de vous dire qu'une motion avait été déposée dont nous voulons débattre après le départ des témoins. Je voulais simplement vous rappeler à tous que c'est à l'ordre du jour.
M. Rick Borotsik: Merci.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à un compatriote manitobain. M. Friesen et moi nous rencontrons souvent dans le même avion. Bob, bonjour.
J'ai quelques questions, dont l'une qui a déjà été posée et à laquelle on n'a pas répondu.
Tout d'abord, monsieur Qualman, nous avons maintenant l'ALE, ainsi que l'ALENA. Quelle était la position de votre groupe quand on a commencé à négocier l'ALENA?
M. Darrin Qualman: Notre position était que l'ALENA n'apportait pas grand-chose aux agriculteurs et leur offrait peu de protection. Je crois que nous sommes d'accord là-dessus avec la FCA. Ce qui est intéressant à propos de l'ALENA, c'est qu'après plusieurs années d'application, nous commençons à peine à comprendre comment il fonctionne. L'affaire de la Metalclad Corporation au Mexique et celle de la Ethyl Corporation... c'est ce genre de décisions qui définiront exactement le sens de l'accord.
M. Rick Borotsik: Je songeais spécifiquement à l'agriculture, et comme le Syndicat national des cultivateurs est un organisme agricole, j'aimerais savoir quelle était votre position face à l'ALENA lorsqu'on l'a négocié. Étiez-vous pour ou contre?
M. Darrin Qualman: Non, nous ne l'avons pas appuyé, parce que nous estimions qu'il ne protégeait ni n'avantageait l'agriculture.
M. Rick Borotsik: Et vous estimez qu'après dix ans d'ALENA et de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, l'agriculture n'en a nullement profité?
M. Darrin Qualman: Monsieur Borotsik, si vous regardez le graphique, vous verrez que le revenu agricole net a chuté de 23 p. 100.
M. Rick Borotsik: Vous estimez donc que l'accord commercial n'a rien apporté à votre organisation.
M. Darrin Qualman: Tout démontre qu'il n'est pas avantageux pour nous.
M. Rick Borotsik: Et bien entendu, c'est le cas également de l'AMI. Votre organisation s'oppose totalement à la signature de l'Accord, surtout en ce qui concerne l'agriculture.
M. Darrin Qualman: Nous recommandons que vous ne le signez pas tel qu'il est actuellement.
M. Rick Borotsik: Monsieur Friesen, est-ce également l'opinion de votre organisation, c'est-à-dire que l'ALENA n'a rien apporté de bon?
M. Bob Friesen: Je vais vous parler de mon opinion, sans essayer de la comparer à celle...
M. Rick Borotsik: Je n'ai pas voulu dire qu'elle soit comparable. Allez-y.
M. Bob Friesen: Tout d'abord, la FCA n'est pas contre les accords commerciaux. Nous sommes au contraire en faveur de règles justes et équitables, et dans bien des cas nous nous appuyons sur les accords commerciaux afin d'augmenter la production agricole canadienne. Il est certain que le secteur céréalier est fortement tributaire des exportations, et bon nombre de nos organismes de gestion agricole augmentent également leurs exportations.
Nous ne sommes pas contre les accords commerciaux. Simplement, nous souhaitons des règles justes et équitables, dans le contexte de l'OMC, comme je l'ai déjà dit.
M. Darrin Qualman: Puis-je intervenir brièvement? Tout d'abord, l'AMI n'est pas un accord commercial. Il porte sur l'investissement. Deuxièmement, la combinaison d'accords commerciaux d'une part et d'accords sur l'investissement qui permettent le mouvement transfrontalier des capitaux, d'autre part, produit des accords d'intégration économique. La question que doit se poser le comité n'est pas de savoir si nous voulons davantage d'échanges avec le Mexique, mais bien si nous voulons intégrer notre économie à celle du Mexique, de telle façon que les problèmes du Mexique deviennent les nôtres et que les salaires mexicains fassent baisser les salaires canadiens.
M. Rick Borotsik: Bon. Monsieur le président, j'ai encore une question qui constitue une bonne transition. Il y a quelques années, nous n'aurions jamais pensé que le marché européen évoluerait comme il l'a fait, au point d'envisager un eurodollar. Je suis sûr que vous êtes au courant de ce projet. Le commerce international et la mondialisation ont changé beaucoup de choses au cours des dernières années, monsieur Qualman, et il y a actuellement une intégration des économies européennes. À votre avis, est-ce une erreur?
M. Darrin Qualman: L'intégration économique est une erreur, selon moi.
M. Rick Borotsik: Donc le marché commun européen fait fausse route.
M. Darrin Qualman: L'intégration des économies de certains pays d'Europe aura peut-être des conséquences moins négatives que l'intégration de toutes les économies d'Amérique du Nord et du Sud, par exemple.
M. Rick Borotsik: Il est donc acceptable...
M. Darrin Qualman: Je crois que vous voyez très bien la différence et les problèmes que nous pourrions connaître.
M. Rick Borotsik: Donc, selon vous, ce qui est bon pour l'Europe n'est pas nécessairement bon pour l'Amérique du Nord.
M. Darrin Qualman: Il est trop tôt pour se prononcer sur l'Europe, mais ce n'est certainement pas très bon pour nous d'intégrer les économies des trois Amériques.
Le président: Merci beaucoup.
Allez-y, monsieur Harvard.
M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire quelques observations, puis poser quelques questions à M. Qualman, et, s'il me reste du temps, une à M. Friesen.
Monsieur Qualman, votre déclaration liminaire m'a semblé quelque peu surréaliste. J'avais l'impression que vous nous disiez: «Empêchez la terre de tourner, je veux descendre.» Quelqu'un a demandé plus tôt si vous accepteriez de signer l'AMI ou tout autre accord sur le commerce ou l'investissement, et j'ai le sentiment, monsieur Qualman, qu'aussi longtemps que le SNC maintient ses politiques actuelles, vous ne signeriez aucun type d'AMI ni autre accord commercial.
• 1005
Mais permettez-moi de dire ceci. Vous, comme d'autres parfois
également, vous présentez devant un comité comme le nôtre et vous
déverser toutes vos préoccupations, laissant l'impression que si
l'on va dans une certaine direction, comme dans le cas de l'AMI, le
monde entier va s'écrouler, s'effondrer. Ça ne me paraît pas très
utile. Il nous faut des données précises. Des faits auxquels
réfléchir... pas cette montagne de commentaires négatifs par
lesquels vous dites que les choses iront vraiment très mal si nous
allons de l'avant.
Vous avez parlé des mouvements de capitaux. Si je vous ai bien compris, vous nous avez plus ou moins dit que nous devrions empêcher les capitaux de traverser les frontières. Mais les capitaux traversent les frontières depuis des siècles. Venir devant ce comité nous dire que si nous voulions seulement arrêter les mouvements de capital nos économies se porteraient tellement mieux, cela tient du surréalisme. Cette idée de vouloir arrêter le monde pour en descendre, ne tient pas debout. Cela vous met dans une position minoritaire incroyable et ne fait rien pour votre crédibilité.
Sur les points précis, vous avez dit qu'il serait injuste... Vous avez dit que selon certaines dispositions de l'AMI, on pourrait estimer qu'il y a concurrence déloyale envers les banques et que dans certaines circonstances elles pourraient demander réparation. Je ne vois pas pourquoi vous venez faire ce genre de déclaration générale devant le comité de l'agriculture. Donnez-nous quelque chose de très, très précis, que nous puissions comprendre... très précis. Peut-être alors nous écouteriez-vous, monsieur Qualman. Mais venir simplement lancer ce genre de déclaration, vous savez, les banques pourraient juger qu'il y a concurrence déloyale et exiger des milliards de dollars en réparation, cela n'aide en rien la discussion.
Vous avez également parlé de limitation du pouvoir législatif, disant que les gouvernements ne pourraient plus lever d'impôts. Et bien, montrez-moi où exactement dans l'AMI il est dit que le gouvernement fédéral ne peut pas lever d'impôts, les augmenter, les réduire, ou en modifier la nature. Donnez-nous un exemple précis.
C'est pareil pour l'environnement. Montrez-moi exactement—exactement—où il est dit que nous ne pouvons pas protéger le sol, l'eau, l'air, à des fins agricoles. Mais ne nous faites pas ce genre de déclaration vague.
Le président: Donnez-lui une chance de se défendre.
M. John Harvard: Je le ferai dans une seconde.
On nous le répète sans cesse. Le ciel va nous tomber sur la tête. Le ciel va nous tomber sur la tête. Ça n'aide pas la discussion.
Vous avez présenté ce graphique. Je crois que c'est Mme Rutherford qui a fait remarquer que l'une des lignes représente les produits des exportations et l'autre le revenu. Ce sont des pommes et des oranges. Vraiment. On ne peut pas comparer les produits et les revenus, monsieur Qualman. Ce n'est pas exactement la même chose. De plus...
Le président: Monsieur Qualman, souhaitez-vous répondre?
M. Darrin Qualman: Oui. J'aimerais simplement dire encore une fois que le but du graphique est très, très simple.
M. John Harvard: Oui, il est simple. Il est tellement simple qu'il en est trompeur.
M. Darrin Qualman: Monsieur le président, puis-je répondre?
Le président: Allez-y.
M. Darrin Qualman: C'est très simple. Le commerce est censé nous enrichir et les revenus agricoles diminuent. Le commerce augmente et le revenu agricole diminue.
M. John Harvard: Mais l'un n'est pas nécessairement la conséquence de l'autre, monsieur Qualman. Ce n'est pas nécessairement une conséquence.
M. Darrin Qualman: On nous dit sans cesse que l'augmentation des échanges commerciaux entraînera une augmentation des revenus et de l'emploi. Le revenu diminue et il y a moins de gens qui travaillent en agriculture. Par conséquent, nous avons de toute évidence un exemple où le commerce est en hausse, à cause des accords ou en dépit de ceux-ci, et le revenu et l'emploi sont en baisse.
Quant aux points précis, j'aimerais savoir depuis combien de temps le gouvernement fédéral négociait l'accord avant que les Canadiens aient pu y jeter un coup d'oeil grâce à une fuite. Je veux parler des points précis. Vous voulez des points précis, je peux vous rédiger un très long texte de style parajuridique sur les dispositions fiscales qui sont menacées. Mais...
M. John Harvard: Ce serait préférable à l'hyperbole. Ce serait nettement préférable à l'hyperbole, monsieur Qualman.
M. Darrin Qualman: Si vous lisez notre mémoire, vous verrez que nous sommes très réservés. Nous ne disons pas que cela nous empêchera d'élargir...
M. John Harvard: Ce serait bien la première fois que le SNC se montrerait réservé.
M. Darrin Qualman: Si hyperbole il y a, monsieur Harvard, je crois que nous en sommes tous les deux coupables.
Le président: Il nous faut maintenant passer au suivant, car le temps...
M. Chris Axworthy: Monsieur le président, j'invoque le règlement. Je ne crois pas qu'il nous appartienne d'insulter les témoins. Les témoins sont venus présenter leur point de vue. Il est tout à fait inacceptable, me semble-t-il, d'attaquer un témoin en raison de l'opinion qu'il exprime. Je n'avais vu cela jusqu'ici, et je ne vois pas pourquoi nous l'accepterions aujourd'hui. Il me semble que nous devons pouvoir débattre raisonnablement des différents points de vue sans être insultants.
Le président: Je suis sûr que nous pourrons avoir un débat rationnel.
Monsieur Benoit.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'ai quelques questions, et s'il nous reste du temps, M. Penson voudrait aussi en poser.
À l'intention de la FCA: je me demandais si certains secteurs agricoles vous paraissent plus particulièrement vulnérables à cet accord.
M. Bob Friesen: Nous sommes inquiets surtout pour les structures de réglementation.
M. Leon Benoit: Qu'entendez-vous par là?
M. Bob Friesen: La gestion des approvisionnements, les organismes de vente à guichet unique, la mise en commun des revenus, la Commission canadienne du blé.
M. Leon Benoit: À la page 3 de votre mémoire, dans les recommandations, vous mentionnez, dans le paragraphe sur la définition du terme investissement, les franchises, les licences, les autorisations et les permis. Est-ce que vous songez aux quotas et à l'incidence possible sur la gestion des approvisionnements?
M. Bob Friesen: Oui, à toute activité économique et tout type de licence ou d'autorisation—franchises, délégations et ainsi de suite.
M. Leon Benoit: Y compris les contingents. Bien.
J'ai encore une question avant de céder la parole à M. Penson.
Vous dites qu'un accord sur l'investissement doit être négocié dans le cadre de l'OMC plutôt que sous l'égide de l'OCDE. Quelqu'un—je crois que c'était M. Penson—a fait remarquer que ces négociations comprennent un nombre plus raisonnable de participants qu'il n'y en aurait à l'OMC. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela vous inquiète de négocier avec un nombre plus limité de pays qu'il n'y en a à l'OMC.
Vous en avez parlé un peu, je sais, mais j'aimerais davantage de détail.
M. Bob Friesen: Nous sommes inquiets, bien sûr, parce que nous négocions actuellement et si on passe par la suite à l'OMC, nous serons peut-être appelés à payer deux fois.
Comme je l'ai dit, oui, nous estimons que c'est dans le cadre de l'OMC qu'il faut négocier des règles commerciales justes et équitables. Nous estimons également que tout accord sur l'investissement reçoit une certaine légitimité et une prévisibilité accrues s'il est signé par un groupe plus large, dans un contexte plus large et qu'il est entouré de règles commerciales.
M. Leon Benoit: Bien. Je cède le reste du temps à M. Penson.
M. Charlie Penson: À tous les témoins, je dirais qu'ils me semblent oublier un élément extrêmement important.
Mon collègue et moi-même sommes tous deux agriculteurs en Alberta. Nous cultivons les céréales sur 2 000 acres. Je me demande si vous n'oubliez pas que les agriculteurs sont aussi des consommateurs. Nous avons d'importants frais d'équipement.
Il y a en outre certains secteurs, comme la trituration du canola et le malt, qui auraient bien besoin de recevoir des investissements importants. Il me semble que le ton négatif qui prévaut ici ne tient pas compte de l'autre côté de la médaille. Nous concentrons toute notre attention sur les offices de commercialisation et la gestion des approvisionnements, mais ce n'est qu'un élément du tableau.
L'industrie du boeuf s'en tire très bien. Il y a eu d'importants investissements dans deux usines de conditionnement en Alberta. Est-ce qu'on n'oublie pas un élément?
M. Bob Friesen: Si je vous ai donné l'impression que nous sommes contre l'investissement et le commerce, je vous ai induit en erreur, et j'ai mal fait mon travail, car ce n'est pas le cas. Comme je l'ai dit, certains éléments nous inquiètent. Je ne peux pas vous dire qu'il y a un problème. Je peux simplement vous dire qu'on ne nous a pas assurés du contraire.
M. Charlie Penson: Mais pourquoi ne tenez-vous pas compte des autres éléments de l'équation agricole en précisant que l'accord sur l'investissement serait une bonne chose pour des pans importants de l'agriculture?
M. Bob Friesen: Nous avons pensé qu'il nous incombait simplement de signaler les secteurs qui nous préoccupent. Je tiens à souligner cependant que si je n'ai pas pris le temps d'applaudir à d'autres aspects de l'accord, cela ne veut pas dire que nous soyons contre l'accord dans son ensemble.
Le président: Monsieur Qualman, vous voulez intervenir?
M. Darrin Qualman: Oui. Je veux dire quelque chose à propos de l'investissement. Certainement.
Je viens d'une petite ville de la Saskatchewan. J'aimerais beaucoup qu'on y investisse. Mais il suffit que je me mette au bord de la route pour comprendre d'où viennent nos problèmes en la matière.
• 1015
Tout d'abord, je vois toute notre production céréalière partir
à un prix inférieur au coût de production, et tout l'argent qui
aurait dû revenir aux agriculteurs...
M. Charlie Penson: Où va-t-elle?
M. Darrin Qualman: Essentiellement, elle est exportée. Je vois les céréales partir et les bénéfices ne reviennent pas aux cultivateurs, ce qui fait que ceux-ci n'ont pas d'argent à investir. Et puis, je vois les gens prendre la route et quitter ces petites villes.
Nous aurions bien besoin d'investissement dans les campagnes canadiennes. Si vous demandez aux gens du tiers monde le bien que leur ont fait les investissements étrangers, ils vous diront qu'ils en profitent bien peu. Nous avons ici même une capacité productive et de l'argent et nous devrions pouvoir le réinvestir. Nous devrions avoir cet argent-là pour l'investir.
M. Charlie Penson: Puis-je vous faire remarquer une chose monsieur Qualman? Les investissements à l'extérieur—c'est-à-dire l'argent que les Canadiens investissent à l'étranger—et les investissements étrangers au Canada sont à peu près égaux actuellement. Le Canada a reçu 180 milliards de dollars en investissements étrangers, mais il y a eu une forte croissance des investissements canadiens à l'étranger. Ils atteignent 170 milliards de dollars, ce qui montre qu'il y a croissance. Ça ne nous semble pas correspondre à ce que vous dites.
M. Darrin Qualman: Non, je crois que vous dites simplement quelque chose de différent. Moi, ce que j'ai voulu dire, c'est que vous semblez penser que l'on manque de fonds à investir dans les campagnes canadiennes et que la solution serait de trouver des investissements, extérieurs, ou urbains. Ce que je dis, c'est que tout me porte à croire en voyant l'incroyable efficacité des cultivateurs canadiens, que si l'économie était mieux structurée et si nous pouvions retenir une partie de cet argent dans nos collectivités, dans nos exploitations, nous aurions tout l'argent nécessaire pour construire des usines de trituration du canola ou de semoirs pneumatiques.
M. Charlie Penson: Si j'ai l'occasion au deuxième tour, j'aimerais que nous en parlions.
Le président: Merci.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je joins ma voix à celle de M. Axworthy pour nous excuser auprès de M. Qualman. Cependant, vous ne m'en voudrez pas, monsieur le président, de vous avouer ma surprise et ma satisfaction de voir un changement aussi grand chez nos collègues libéraux, qui sont prêts à faire toutes sortes de choses maintenant pour défendre le libre-échange et l'ouverture des marchés.
Je suis heureux de voir que vous avez compris, monsieur Harvard, vous et votre parti, les bienfaits et le bien-fondé de ces accords et de cette ouverture de marchés. Il me semble utile de rappeler qu'il y a quelques années, votre discours ressemblait un peu plus à celui de M. Qualman et notre opinion, peut-être un peu plus à la vôtre.
Cela étant dit, je vais demander à M. Qualman de nous confirmer certaines choses. On va simplifier un peu les règles de l'AMI. Si je comprends bien, l'Accord multilatéral sur l'investissement ne permettra plus au Canada de pénaliser les investisseurs étrangers par rapport à nos propres investisseurs; c'est-à-dire que les règles concernant les investisseurs étrangers devront être les mêmes que celles qui concernent nos investisseurs nationaux. Est-ce que c'est bien cela?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Pas tout à fait. Il dit précisément que les investisseurs nationaux ne peuvent pas recevoir un meilleur traitement que les étrangers. On ne dit pas qu'on ne peut pas traiter les investisseurs étrangers mieux que les nationaux.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Donc, si je comprends bien, on va traiter les investisseurs étrangers sur le même pied d'égalité que nos investisseurs. Il n'y aura donc pas de discrimination.
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Cela pourrait être le cas.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Très bien. Est-ce que vous avez des exemples aujourd'hui qui nous permettent de croire qu'on fait de la discrimination envers certains investisseurs ou qu'on impose certaines barrières à des investisseurs des pays de l'OCDE?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Je suis désolé, je n'ai pas compris la question.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je répète. Est-ce qu'on a des exemples qui démontrent que le Canada fait de la discrimination envers les investisseurs des pays de l'OCDE?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Nous le faisons lorsque nous privatisons nos sociétés d'État; quelquefois, nous limitons l'offre aux citoyens canadiens. Mais soyons clairs, cet accord ne vise pas seulement à éliminer les obstacles faits aux investisseurs étrangers. Il diminue les exigences que l'on peut avoir envers tous les investisseurs.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: On est faits pour aller ensemble. Vous voyez tout de suite venir mon autre question.
Au niveau environnemental, est-ce qu'un pays de l'OCDE qui signe l'Accord multilatéral sur l'investissement pourrait diminuer ses normes environnementales pour attirer des investisseurs?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Oui, un pays pourrait réduire ses normes environnementales pour attirer des investisseurs.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: En tout respect, monsieur Qualman, vous me permettrez d'être en total désaccord sur ce que vous venez de dire, parce que dans l'Accord multilatéral sur l'investissement, on dit bien que pour protéger à l'avenir les pays non membres de l'OCDE, des pays qui sont membres de l'OMC, un pays ne peut pas diminuer ses normes environnementales pour attirer des investisseurs étrangers. C'est écrit dans l'Accord multilatéral sur l'investissement.
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Je ne sais pas si vous avez vu la région des maquiladoras dans le nord du Mexique, où s'installent les entreprises américaines en grand nombre, mais les cours d'eau y sont noirs de pollution et l'un des principaux attraits aux yeux des sociétés canadiennes et américaines c'est que les salaires y sont très bas et que les normes environnementales n'y sont pas appliquées.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Au niveau environnemental, monsieur Qualman, est-ce que vous voulez dire que le Mexique était un paradis tropical avant l'ALENA?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Le Mexique avait des problèmes de pollution, mais ils sont bien plus graves aujourd'hui, et d'une autre nature. Il y a maintenant des métaux lourds et du plomb dans ses rivières... Une pollution industrielle.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Bon, je reviens à ma question.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi, mais votre temps est écoulé. Je dois maintenant donner la parole à M. Calder.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais revenir à l'exposé de la FCA et en particulier, Bob, à l'article 1502:3(d). Je vais vous présenter un scénario. Je le suis actuellement avec beaucoup d'intérêt. Le Canadien National s'apprête à acheter Illinois Central, ce qui dans le cadre de l'ALENA va donner au CN accès à des voies de chemin de fer qui traversent le bassin du Mississippi et mènent jusqu'au golfe. Et si Illinois décidait de s'entendre avec les chemins de fer mexicains, cela pourrait mener presque jusqu'au continent sud-américain.
Bien entendu, le CN a dû lancer une émission de 2,5 milliards de dollars pour acheter Illinois Central. Supposons qu'il soit repris par les États-Unis. D'après cet article que vous incluez ici, il pourrait devenir la société mère de Canadien National et d'Illinois Central. S'il était dans leur intérêt, par exemple, de perturber notre transport de céréales vers l'Ouest—et c'est une question qui se pose à nous tous actuellement, celle de la manutention des céréales—en vertu de l'accord actuel, est-ce que ce serait possible?
M. Bob Friesen: J'avoue que votre question dépasse quelque peu mes compétences. Je tiens cependant à souligner que ce qui nous inquiète dans les dispositions sur l'investissement de l'ALENA, c'est qu'on y parle de mesures «anticoncurrentielles» et «non discriminatoires». Si je ne peux pas répondre à votre question, c'est en partie parce que nous ne savons pas comment sera interprété le terme «anticoncurrentiel». C'est pourquoi je dis qu'il ne faut pas l'inclure, parce que nous estimons que son interprétation n'a pas encore été bien établie.
M. Murray Calder: Il y a donc effectivement une zone grise dans ce scénario, si cela pouvait arriver. Je sais que je pousse un peu loin, mais...
Mme Jennifer Higginson (analyste des politiques, Fédération canadienne de l'agriculture): Le problème vient en partie du fait que nos lois sur la concurrence sont différentes de celles des États-Unis ou des pays européens. Par conséquent, si l'on inclut des dispositions de droit sur la concurrence dans un accord international, il devient difficile de savoir comment les choses seront définies. Nous avons fait une comparaison rapide des lois sur la concurrence au Canada et aux États-Unis, et on ne sait pas très bien comment les choses sont interprétées par les deux pays. Dans un contexte international, cela devient encore plus vague. C'est pourquoi nous aimerions que la question soit examinée à l'OMC avant d'être intégrée dans un accord.
M. Murray Calder: Comme actuellement beaucoup de ces sociétés songent à fusionner, à se regrouper, ou appelez cela comme vous le voudrez, puisque le monde se rétrécit sans cesse, comment pourrait-on tirer au clair cette disposition discriminatoire? Comment suggéreriez-vous que l'on tire au clair cette incertitude?
M. Bob Friesen: Je crois que nous avons proposé des libellés aux négociateurs sur la manière de contourner le problème. Mais je ne peux pas me prononcer. Je n'ai pas les textes ici.
Mme Jennifer Higginson: Nous estimons que l'OMC doit être prioritaire. Cela doit se faire dans le cadre de la politique sur la concurrence dont il faut bien définir les termes.
M. Bob Friesen: Nous avons également suggéré aux négociateurs des libellés pour essayer d'obtenir une exemption, ou une exclusion, en même temps que d'autres pays, afin que les prescriptions de résultats ne s'appliquent pas à l'agriculture et ne puissent donc pas avoir d'effets sur elle du point de vue... ainsi que les monopoles et les entreprises commerciales d'État.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. C'est toujours utile d'avoir le plus d'informations possible sur un sujet donné. C'est certainement intéressant.
Pensez-vous vraiment—et je songe à l'exemple qui a été donné de l'affaire de la Ethyl Corporation—que l'AMI ne réduirait aucunement les différends internationaux? Avez-vous vraiment l'impression que ça n'aurait pas d'effet positif? Vous avez dit qu'Ethyl aurait probablement de meilleures chances sous le régime de l'AMI qu'avec l'ALENA.
M. Darrin Qualman: L'AMI pourrait, étrangement, avoir pour effet de réduire les différends internationaux. C'est-à-dire que si des entreprises comme Ethyl et Metalclad entamaient des poursuites en vertu de l'AMI, en sortaient gagnantes et recevaient d'énormes indemnisations, les législateurs cesseraient peut-être d'adopter des lois qui risqueraient d'entraîner ce type de réparations, et il est bien évident que cela diminuerait le nombre de différends.
Mme Rose-Marie Ur: Quel genre de protection pensez-vous que nous devrions inclure pour assurer que l'agriculture reste dynamique, en cas de signature?
M. Darrin Qualman: Nous avons dit dans notre mémoire que tout accord commercial doit préciser très clairement que le Canada se réserve le droit de créer des commissions, des monopoles, des organismes d'organisation méthodique du marché, et des entreprises commerciales d'État dans le secteur agricole; que ces entités pourront agir selon les intérêts des producteurs; et que toutes les autres parties de l'accord ne s'appliquent pas à elles. Il me semble que ce serait la seule manière de garantir que l'on ait la possibilité de créer, maintenir, élargir et protéger les institutions d'organisation méthodique du marché au Canada.
Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Friesen, souhaitez-vous répondre à cela?
M. Bob Friesen: Oui, en effet.
Lorsque nous avons rencontré les négociateurs, je crois qu'ils ont dit que d'autres pays sont également en faveur de certaines exclusions et exemptions en matière d'agriculture, et nous avons donc le sentiment qu'il y a peut-être là un moyen d'atteindre notre objectif. Si les préoccupations que nous avons mentionnées dans notre document sont réglées, nous serions certainement beaucoup plus à l'aise.
Dans la mesure où l'accord permettrait de favoriser les investissements au Canada, nous n'avons aucun problème.
Mme Rose-Marie Ur: Aujourd'hui, vous avez déclaré que vous étiez inquiet, mais que si l'on pouvait vous donner des garanties sur ces points qui vous inquiètent, vous n'auriez pas d'objection à l'AMI. Seriez-vous encore plus rassuré si l'on prévoyait une révision au bout de six mois—je ne sais pas si cela serait suffisant—plutôt que d'attendre cinq ans? Il est important que nous soyons présents aux négociations, mais cela ne veut pas dire que nous devions nécessairement signer tout de suite. Cette partie-là est utile, mais je me demande si ce serait une autre façon de faire accepter l'accord aux gens, s'ils comprenaient que nous ne sommes pas forcément engagés pour cinq ans.
M. Bob Friesen: Vous soulevez là une question très intéressante. Très souvent on ne se rend pas compte de ce que contient vraiment un accord commercial, ou de l'interprétation qui en sera faite tant qu'il n'est pas en vigueur et qu'on n'y a pas soumis un différend. Le résultat dépend énormément de l'interprétation des travaux préparatoires, des circonstances qui ont conduit à l'accord, ainsi que du texte même, et de la mesure dans laquelle les réserves et les exemptions sont claires et étaient acceptées au moment des négociations.
• 1030
Il est toutefois un peu inquiétant de s'engager dans un accord
en se disant: jetons-nous à l'eau et puis on verra bien. Mais je
sais ce que vous voulez dire, car s'il y avait une période d'essai
et la possibilité de se retirer... Je n'étais pas au courant de ce
délai de cinq ans. Ce que l'on m'avait dit, c'est qu'il fallait
donner six mois de préavis et qu'à partir de là on était engagé
pendant 15 ans.
Mme Rose-Marie Ur: Puis-je poser encore une question?
Le président: Oui.
Mme Rose-Marie Ur: Je songe à la situation des producteurs laitiers avec le mélange d'huile de beurre et de sucre suite à l'accord qui a été signé. Il a été signé et on n'avait pas pensé à ce problème-là.
S'il y avait eu une disposition pour ce genre de situation... c'est un peu au même genre de chose que je pense pour l'AMI, pour que ce ne soit pas gravé dans la pierre, mais qu'il y ait une position de repli. Il n'est pas toujours possible de prévoir ce qui pourrait arriver et ça nous donnerait la possibilité d'avoir une issue—sans en abuser—pour que tout ne tombe pas à l'eau.
M. Bob Friesen: J'ai déjà dit que nous ne sommes certainement pas en faveur d'une renégociation des dispositions sur l'investissement de l'ALENA, car cela n'est pas possible, et deuxièmement—et je crois que nos négociateurs partagent cet avis—nous ne voulons pas attirer l'attention sur nos points faibles. Nous essayons plutôt, très discrètement, de nous assurer que le libellé des exemptions et des exclusions est un peu plus clair qu'il ne l'est actuellement.
Mme Rose-Marie Ur: Merci.
Le président: Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: J'ai une question pour M. Qualman.
Aujourd'hui, vous êtes venu nous dire que le Canada devrait se retirer et ne pas signer l'AMI. Vous vous rendez peut-être compte que nous avons une économie de 770 milliards de dollars, une économie en expansion qui va avoir besoin d'investissements, qu'ils viennent de l'intérieur ou de l'étranger.
Vu que nous avons des secteurs protégés par l'ALENA, et le gouvernement nous dit qu'il veut les étendre à l'OCDE, avec le même type d'exemption, et puisque la Commission canadienne du blé est protégée, jouit d'une exemption dans l'ALENA, vu que les produits soumis à la gestion des approvisionnements sont exemptés, et vu que nous avons une économie considérable... l'agriculture en est un élément très important pour moi et pour vous et pour votre organisation, mais ce n'est qu'un élément du tableau canadien. Donc, compte tenu de tout cela, voulez-vous vraiment dire au gouvernement de ne pas signer?
Il me semble que les secteurs qui vous préoccupent sont déjà protégés. Pourquoi conseilleriez-vous à notre gouvernement de ne pas signer un accord qui pourrait être avantageux pour le Canada dans bien d'autres secteurs, y compris certains investissements agricoles, alors que vous jouissez déjà d'une protection dans le contexte de l'ALENA, qui est en place depuis dix ans, et que le gouvernement veut étendre à 29 pays? Où est le problème?
M. Darrin Qualman: Tout d'abord, comme vous l'avez dit, l'investissement est positif. J'investis dans mon exploitation. Les gens investissent dans leur collectivité. L'investissement est une bonne chose. C'est très bien.
Deuxièmement, je crois qu'il faut avoir des accords internationaux pour réglementer l'investissement. Par exemple, actuellement des milliers et des milliards de dollars naviguent chaque jour d'un pays à l'autre, par les marchés des devises, sans aucune réglementation. Il devient alors très difficile de stabiliser une devise ou même de maintenir une politique financière. Il faudrait réglementer cela et il faudrait pour cela l'accord de nombreux pays.
Mais l'AMI n'est pas vraiment un accord sur l'investissement. C'est une règle qui dit au gouvernement qu'il ne peut pas imposer de règles dans tel, tel et tel autres domaines et que s'il le fait, il devra payer des indemnisations. C'est un accord d'intégration économique.
M. Charlie Penson: Mais...
M. Darrin Qualman: Mais vous posiez une question concernant les exemptions, et je tiens à vous faire remarquer que nous ne sommes pas du tout convaincus que nous jouissions effectivement de ces exemptions en vertu de l'ALENA ou de l'AMI.
Par exemple, la Commission ontarienne de commercialisation du blé songe à permettre aux producteurs de se retirer de la Commission. Si elle le fait, nous ne savons pas du tout ce qui se passerait si, une fois l'AMI signé, la Commission décidait que le système ne fonctionne pas—et nous sommes convaincus qu'il ne fonctionnera pas. C'est un système à deux voies, et nous savons parfaitement que ce type de commercialisation ne marche pas. Si deux ans plus tard la Commission décidait que ça ne marche pas et qu'elle veut revenir en arrière et réintégrer tous ces producteurs, on ne sait pas si sous le régime de l'AMI, une entreprise qui entre-temps aurait fait des bénéfices avec ce système ne pourrait pas demander et obtenir réparation.
• 1035
Donc, non, je ne crois pas que nous soyons protégés.
M. Charlie Penson: Monsieur Qualman, avez-vous rencontré le négociateur en chef ou d'autres représentants du gouvernement pour parler de cela?
M. Darrin Qualman: Oui, je crois que des membres du Syndicat national des cultivateurs ont rencontré M. Mike Gifford et d'autres.
M. Charlie Penson: Parce qu'il me semble que l'un des principaux problèmes que pose la position du Canada, c'est justement que nous demandons trop d'exemptions. Je crois que nous en avons 56 pages.
Le gouvernement est convaincu que le domaine dont vous parlez, le cas de la Commission ontarienne du blé, serait exempté... que c'est tout à fait possible sous le régime de l'AMI...
M. Darrin Qualman: S'il faut...
M. Charlie Penson: Un instant. Permettez-moi de poser la question.
Je crois comprendre que des pays comme les États-Unis se disent qu'il n'y a peut-être pas suffisamment à en tirer; si ce n'est qu'une coquille vide et que tout est exempté, à quoi bon?
M. Darrin Qualman: Monsieur Penson, s'il faut 56 pages d'exemptions pour protéger l'agriculture, il me paraît assez évident que cet accord n'est pas particulièrement bon pour l'agriculture, n'est-ce pas?
M. Charlie Penson: Je n'ai pas dit pour l'agriculture; j'ai dit 56 pages d'exemptions au total.
M. Darrin Qualman: Bon, mais encore une fois...
M. Charlie Penson: Ce qui m'ennuie c'est que quand nous venons demander des exemptions, sans avoir bien réfléchi à la chose, nous risquons fort de ne rien avoir du tout, car nous finissons par tout vouloir exempter.
Le président: Si vous voulez bien répondre, nous pourrons ensuite passer à un autre député.
M. Darrin Qualman: Je le répète, cet accord est mauvais pour l'agriculture. Afin d'atténuer certains de ses effets les plus pervers, nous avons demander des exemptions. Nous ne sommes pas certains que mises à l'épreuve, ces exemptions soient suffisantes. De plus, l'AMI contient des dispositions prévoyant leur élimination progressive.
Donc, nous pensons que ce n'est pas une bonne solution que de signer des accords qui font du tort à l'agriculture et d'essayer ensuite de réparer, autant que possible, les dégâts.
Le président: Merci. Peut-être pourrais-je moi aussi poser une question maintenant.
Compte tenu de la liste d'exemptions que tous les pays ont présentées—les Européens, les Américains et nous-mêmes—pensez-vous que cet accord ait des chances d'être signé prochainement? S'il l'est, en cas de contradiction entre l'AMI et l'ALENA, lequel prime?
Monsieur Friesen ou monsieur Qualman, pouvez-vous répondre à ces questions?
M. Bob Friesen: Pour ce qui est de savoir lequel prime, ma première réaction serait de dire qu'ils ne dépendent pas l'un de l'autre. L'ALENA ne concerne que trois pays.
Une autre chose que je voulais dire, c'est que dans une certaine mesure l'agriculture est protégée par les dispositions sur l'investissement de l'ALENA, puisque le chapitre 7, qui porte sur l'agriculture, s'étend aussi à l'ensemble. Donc, quelle que soit la manière dont les deux s'articulent, les dispositions sur l'investissement de l'ALENA donnent une certaine stabilité à l'agriculture.
À part cela, pour ce qui est de savoir lequel prime, je ne sais pas. Quant à savoir quand l'accord sera signé, on nous a dit qu'on espère que tout sera prêt pour le mois d'octobre.
Le président: Donc, malgré la longue liste d'exemptions que tous les pays ont présentée, nous devrions avoir quelque chose d'ici octobre.
M. Bob Friesen: Oui. Je crois que c'est peut-être dû aux réserves de pays particuliers, mais nous croyons savoir également qu'il faudra encore pas mal de consultations et de négociations pour décider ce qui va être exclus, quelles seront les exclusions générales et quelles seront les réserves ou exemptions spécifiques à certains pays.
D'après ce que j'ai vu des réserves, je constate que ce sont les mêmes qui auraient été utilisées dans l'ALENA, puisque c'est là le point de départ.
Le président: Monsieur Axworthy puis monsieur Sauvageau.
M. Chris Axworthy: Je voudrais dire d'abord une chose, puis j'aurai deux questions.
On a beaucoup parlé ici de pommes et d'oranges. Mais il me semble qu'il faut faire très attention lorsqu'on parle des effets d'une union économique. Cette union économique est fondée non pas sur une course vers le bas, comme c'est le cas pour la plupart des accords commerciaux, mais bien en fait sur une course vers le haut, avec des appuis incroyables pour les pays dont les normes dans le domaine de l'environnement et du travail ne sont pas à la hauteur de la plupart des pays industrialisés.
Nous n'avons rien de cela. L'Union européenne est très spécifique de ce point de vue. Bien entendu, l'Accord sur l'Union européenne contient des dispositions concernant la protection de l'agriculture, dispositions qui sont souvent très controversées et discutées, mais il ne fait aucun doute que les pays européens ont toujours fermement défendu leurs agriculteurs, contrairement à ce que l'on voit ici, je crois, dans cet accord.
La question, me semble-t-il, n'est pas de savoir si les ententes et les accords sur le commerce présentent des avantages. Il est évident qu'ils en présentent. La question est de savoir pour qui? J'aimerais que la FCA nous dise à qui, selon son analyse, iront les avantages de cet accord?
• 1040
La FCA a exprimé certaines inquiétudes. Nous les avons
entendues, je crois. Il me paraît important de ne pas se précipiter
dans un accord, en refusant d'en voir les défauts: c'est une bonne
affaire, dont il faut faire fi de toutes les réticences, tous les
éléments négatifs. Où, dans le secteur agroalimentaire, verra-t-on
des avantages grâce à cet accord?
Je voudrais deuxièmement dire quelque chose à propos des critiques et des préoccupations. Vous avez dit que vous n'étiez pas tout à fait satisfaits de la manière dont vous aviez été consultés. Vous avez dit qu'il y avait eu consultation, mais pour qu'il y ait consultation effective, il faut que quelqu'un écoute. Que vous dit le gouvernement lorsque vous présentez vos recommandations en vue de modifier les définitions, les prescriptions de résultats, exemptions, règles de concurrence, et ainsi de suite? Vous dit-il qu'il ne signera aucun accord s'il ne contient pas ces éléments, ou vous dit-il simplement merci beaucoup et au revoir?
Il y a donc deux questions.
M. Bob Friesen: Je crois que nous avons maintenant de bons rapports avec les négociateurs. Je ne sais pas s'ils diront jamais qu'ils ne signeront pas si nous n'obtenons pas ce que nous voulons. Nous n'avons jamais eu un tel privilège jusqu'ici. Je dois dire qu'ils nous ont promis de collaborer très étroitement avec nous et tant que nous ne demandons rien de plus que ce que prévoient les dispositions sur l'investissement de l'ALENA, ils feront tout leur possible pour nous donner des assurances.
En ce qui concerne l'investissement, comme je l'ai dit plus tôt, dans la mesure où cet accord permettrait de créer au Canada un climat favorable à l'investissement, c'est une bonne chose. Je ne sais pas si cela vaut seulement pour un AMI, mais je sais qu'il y a une très grosse compagnie américaine qui souhaite investir dans l'industrie du porc au Manitoba.
M. Chris Axworthy: Ce n'est pas d'investissement que je parlais; je demandais qui, dans le secteur agroalimentaire, verrait les avantages de cet accord. Les agriculteurs? Il semble que non. Les transformateurs? Cargill, d'autres sociétés internationales? À qui iraient les avantages? Il me semble que ça doit être une question importante avant la signature d'un accord de ce type. Si cela n'est pas utile à tout un pan de la société qui a besoin d'aide, peut-on vraiment parler d'un bon accord? S'il n'aide que ceux qui sont déjà parfaitement capable de défendre leurs propres intérêts, est-il positif?
M. Bob Friesen: Je crois que chaque fois qu'on permet des investissements qui favorisent la croissance du secteur agricole sans menacer les structures nationales et le régime de réglementation, les possibilités de bénéfice pour les producteurs sont considérables.
M. Darrin Qualman: J'aimerais moi aussi répondre à la question de M. Axworthy.
Nous avons fait une analyse de cette question, et cette idée que si la tarte est assez grosse, tout le monde en aura une bonne part, cela correspond à la théorie du percolateur de Ronald Reagan, qui disait qu'il fallait diminuer les impôts des riches afin de créer des emplois pour les pauvres. Nous avons examiné le rendement sur les capitaux propres. Shell Canada, grand fournisseur de combustible auprès des cultivateurs, obtient un taux de rendement de 16 p. 100. Agrium Inc., un de nos plus gros producteurs d'engrais, obtient 27 p. 100. Pour Du Pont, c'est près de 20 p. 100, et pour John Deere, 27 p. 100. Les restaurants McDonald ont un taux de rendement de 20 p. 100. Et ainsi de suite. Au cours des sept dernières années, les cultivateurs ont réalisé 2 p. 100 à 3 p. 100.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: J'ai deux questions pour M. Friesen ou madame de la Fédération canadienne de l'agriculture. Si jamais cela n'était pas signé sous les auspices de l'OCDE, est-ce que vous pensez qu'on devrait poursuivre les négociations sous l'égide de l'OMC?
[Traduction]
M. Bob Friesen: Mes commentaires de tout à l'heure se limitaient au fait que la politique de la concurrence se négocie à l'OMC et que c'est donc là qu'il faudrait en traiter, sans qu'elle intervienne dans l'AMI et que celui-ci intervienne dans ce dossier-là. Mais mon adjointe, qui est fort compétente, me fait remarquer que nous avons déjà 29 accords d'AMI, et que nous en avons un bien sûr avec les États-Unis et le Mexique. Donc une bonne partie de ces règles en matière d'investissement existent déjà au Canada.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Ma deuxième question concerne la traduction parce que je voudrais être sûr de bien comprendre. Est-ce qu'une réserve et une exception ont le même sens en anglais et en français? Je vais vous expliquer pourquoi je vous pose cette question. On a dit tantôt qu'il y avait 52 pages d'exceptions alors que, personnellement, je pense que ce sont 52 pages de réserves.
• 1045
Il me semble qu'en français—et je voudrais vous entendre
le confirmer—, une exception générale décrit un accord
unanime des 28 ou 29 pays membres de l'OCDE alors
qu'une réserve concerne un accord entre cinq ou six
pays comme la France, le Canada, l'Australie et
d'autres pays ayant un accord sur la culture.
En anglais, est-ce qu'on utilise le mot «réserve» ou le mot «exception» pour ces deux choses ou bien fait-on la même distinction?
[Traduction]
M. Bob Friesen: Je m'aventure peut-être un peu—et vous me reprendrez si je fais erreur, Jennifer—mais vous avez raison, nous parlons aussi d'exception générale. Parfois, quand on parle à ces négociateurs, on se demande si on a encore le bon dictionnaire chez soi, mais quand je parle d'exclusion, je veux dire que les 29 pays s'entendent pour dire que tel sujet devrait être laissé en dehors de l'accord.
M. Benoît Sauvageau: C'est une exception.
M. Bob Friesen: Oui, je pense que ce serait une exception. Et si elle ne concerne qu'un pays, c'est une réserve spécifique.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci beaucoup. On vient d'avoir une bonne réponse.
Il me reste maintenant une question à poser à M. Qualman. Si vous avez raison de dire que cet accord est vraiment aussi mauvais, il n'y a alors que deux causes possibles: ou bien les négociateurs et le gouvernement canadien sont très incompétents, ou bien il y a un complot des multinationales pour pousser le gouvernement à signer cet accord. Laquelle de ces deux possibilités choisissez-vous?
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Je ne crois pas que ce soit les deux seules réponses possibles, bien que chacun soit libre de tirer ses propres conclusions.
On croit, à tort, que les accords d'intégration économique permettront de grossir l'économie globale. C'est la première hypothèse. La deuxième porte que les avantages d'une telle croissance seraient répartis de manière équitable entre tous. Je suis fondamentalement en désaccord avec...
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Donc, c'est un troisième choix, c'est-à-dire aucune de ces réponses.
[Traduction]
M. Darrin Qualman: Je ne suis pas de ceux qui défendent la théorie du complot, et je ne suis pas venu ici pour insulter le gouvernement. Donc, non, je ne choisirais aucune de vos deux réponses. Je crois que cela est tient simplement à une théorie et des hypothèses erronées.
Le président: Avant que nous n'allions plus loin dans cette discussion, je donne la parole à M. Borotsik.
M. Rick Borotsik: J'ai une question, très brève, pour M. Friesen. En réponse à une autre question concernant l'une des principales causes d'inquiétude de la Fédération canadienne de l'agriculture, il a dit qu'il faudrait une réserve pour les entreprises commerciales d'État, la gestion des approvisionnements. Il a aussi parlé de négocier à l'OMC. Comme nous avons déjà pu le constater, les États-Unis s'opposent à la gestion des approvisionnements, surtout dans le secteur laitier.
J'ai toujours été d'avis qu'il était plus facile de gérer que de se laisser gérer par le changement. Même avec l'AMI et avec les accords de l'OMC qui doivent être renégociés en 1999, pensez-vous que les ECE seront ciblées lors de ces négociations?
M. Bob Friesen: Je crois que les Américains s'attaqueront aux ECE.
M. Rick Borotsik: Seulement les Américains? Il y a 130 pays à l'OMC. Seulement les Américains?
M. Bob Friesen: Nous avons aussi des amis. À l'échelle internationale, sur la question des ECE, nous avons des alliés. Mais c'est vrai, les ECE seront visées. Les Américains l'ont déjà fait savoir.
M. Rick Borotsik: À votre avis, est-il préférable de gérer le changement par des accords plutôt que de s'entêter à le refuser?
M. Darrin Qualman: Je voudrais demander à M. Borotsik s'il estime que l'AMI lui donne toute une panoplie d'outils pour gérer le changement. Il me semble qu'en signant vous renoncer à votre droit d'utiliser certains outils pour gérer le changement.
Gérer le changement, c'est une bonne chose; c'est la responsabilité du gouvernement. Ce que nous disons, c'est que l'AMI a l'effet contraire.
M. Rick Borotsik: Bon, nous sommes de toute évidence en désaccord sur ce point, mais ce n'est pas le seul...
M. Darrin Qualman: Vous ne pensez pas que ce soit votre responsabilité de gérer le changement?
M. Rick Borotsik: ...surtout les sociétés, mais c'est une autre question.
Monsieur Friesen.
M. Bob Friesen: Pour en revenir à la question des ECE, si la FCA a appuyé le changement au sein de la Commission canadienne du blé, c'est parce que nous espérions qu'elle serait plus transparente et plus acceptable sur la scène internationale en cas de contestation. Donc, effectivement, la FCA n'est pas nécessairement contre le changement.
Le président: Je crois que nous avons assez parlé de la Commission canadienne du blé.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Y a-t-il d'autres questions? Merci beaucoup d'être venus. La séance a été très utile. Nous continuerons notre étude de l'AMI mardi.
Nous avons une motion de M. Jay Hill. Vous en avez tous reçu un exemplaire. Je crois que c'est M. Penson qui va remplacer M. Hill dans le débat sur la motion.
M. Charlie Penson: Oui, monsieur le président, et nous avons apporté un amendement afin de mieux traduire notre intention.
Le président: Bon. Monsieur Benoit, vous avez un amendement?
M. Leon Benoit: Oui. Nous voulons remplacer les mots «risque d'empêcher» aux lignes 11 et 12 par «limiter l'accès libre et équitable».
Une voix: Nous sommes d'accord.
M. Leon Benoit: L'explication, c'est que bon nombre des choses dont nous parlons ici n'ont pas vraiment pour effet d'empêcher les exportations, mais elles les entravent par des pratiques déloyales.
Le président: Le texte serait donc «le cas échéant, limite l'accès libre et équitable à l'exportation de produits laitiers du Canada».
M. Leon Benoit: Oui.
Le président: Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Monsieur le président comme vous le savez, je ne suis ici qu'en remplacement aujourd'hui, mais je suis membre du Comité des Affaires étrangères et du Commerce international et nous en avons discuté au sein de notre comité, et M. Benoit également. J'ai soulevé la question il y a deux mois environ dans l'intention de tirer au clair un sujet qui touche un secteur qui va se compliquer à l'avenir, celui de l'industrie laitière.
Les Américains ne cessent de nous dire que nous avons des tarifs importants, mais ce dont on parle peu et dont on ne sait presque rien, ce sont leurs importantes subventions au niveau des États. Il y a les programmes de repas pour les écoliers, toutes sortes de programmes pour la réduction des troupeaux, des offres de rachat, par exemple, aux États-Unis, qui ont pour effet de limiter l'accès de leurs marchés aux produits laitiers canadiens, bien plus probablement que ne le font nos tarifs douaniers.
Je crois que nous continuerons de faire l'objet de poursuites à l'avenir, lors des prochaines négociations sur l'agriculture en 1999 et 2000. Il y aura des pressions sur notre système de gestion des approvisionnements et sur les tarifs, et je crois que nous continuerons de connaître le type de problèmes que connaissent actuellement nos exportations laitières, qui font l'objet de deux poursuites - par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande - devant l'OMC, à cause du mélange d'huile de beurre et de sucre, qui est en dessous d'un certain niveau tarifaire.
Actuellement, l'affaire est devant le Tribunal international du commerce du Canada. Mais même si nous avons gain de cause devant ce tribunal, il est fort probable qu'on invente un nouveau type de mélange qui entrera dans une autre catégorie. Les pressions vont durer encore longtemps, et c'est donc parce que je suis conscient que le problème persistera, qu'il me paraît être dans notre intérêt d'essayer de voir ce qui freine nos exportations laitières vers les États-Unis.
Notre industrie laitière est essentiellement située à distance de 100 à 200 kilomètres des principales villes américaines, et il me semble que si nous pouvions essayer de comprendre et de faire démanteler leur système de subventions au niveau des États, qui entrave l'accès, ce serait dans notre intérêt.
Le président: Qu'a décidé votre comité?
M. Charlie Penson: Nous avons décidé d'étudier la question, en comité mixte, si c'est ce que souhaitent les membres du comité de l'agriculture. Comme nous étudions actuellement la non-prolifération nucléaire, il faudrait attendre deux ou trois semaines. Nous allons examiner la question avec ou sans le comité de l'agriculture, mais il me semble que ce serait très utile d'avoir un comité mixte.
Le président: Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ce serait certainement une étude utile, et qui viendrait à point nommé. Monsieur le président, j'aimerais dire à M. Penson que vu sa compétence et son opinion de l'AMI, j'ai non seulement eu beaucoup de plaisir à écouter ses questions aujourd'hui, mais je me réjouis à l'idée d'étudier le rapport et le rapport dissident que présentera son parti, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui.
Ce que nous demandons aujourd'hui avec la motion de M. Hill, c'est tout d'abord que l'on pose de bonnes questions, qui sont nécessaires. Mais chacun des partis ici représentés a déjà commencé à les poser. Par exemple, lorsque M. Gifford est venu la semaine dernière, je crois que chacun des partis lui a posé des questions sur lesquelles il doit venir nous faire un rapport. Ou peut-être cette semaine, mais je ne sais pas quel jour, il faudrait que je vérifie.
Je me demande donc si on ne refait pas deux fois le même travail. Ce serait ma seule réserve, monsieur le président.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Je ne veux certainement pas me limiter à recevoir toute mon information d'un seul expert. Le comité inviterait des personnes de différents milieux. C'est essentiel. En tant que responsable de l'agriculture au caucus réformiste, et donc de la gestion des approvisionnements, je suis très inquiet de ce qui se passe dans le secteur laitier et de ce qui va probablement ressortir des contestations, mais aussi des négociations à l'OMC en 1999.
Le plus grand service que nous puissions rendre aux producteurs laitiers canadiens serait d'organiser une discussion très franche, une étude des faits sur les pratiques commerciales déloyales qui ont cours aux États-Unis en particulier, puis d'essayer de pousser ce pays à les réduire, afin que nous puissions avoir un régime plus ouvert et plus concurrentiel, dans lequel les producteurs laitiers canadiens pourraient avoir accès au marché américain.
Si cela ne se produisait pas, l'industrie laitière en souffrirait énormément, et je crains que cela ne se fasse pas si nous n'en prenons pas l'initiative.
M. Larry McCormick: Monsieur Benoit, nous avons récemment regardé le programme de notre comité permanent avec tous les partis ici, et nous avons essayé de voir quand nous pourrions appeler des témoins. Il y a de nombreuses possibilités, et il faudrait que cela se fasse. Nous pouvons et nous devrions le faire ici même.
Merci.
Le président: Oui, John.
M. John Harvard: J'ai des informations qui pourraient être utiles à ce comité, et je vais vous les donner dans un instant. Je dis cela parce que je remplis deux fonctions à la fois, l'une comme secrétaire parlementaire auprès du ministre et l'autre comme simple membre du comité.
En tant que membre du comité, je crois que nous ne pouvons jamais avoir trop d'informations ni trop de données. Plus nous en aurons, mieux cela vaudra. Je n'ai pas parlé à tous les membres du comité de ce côté-ci, mais ceux à qui j'ai parlé m'ont indiqué que s'ils seraient peut-être prêts à accepter le sens général de la motion, ils se demandent si c'est bien la meilleure façon de procéder, si nous avons vraiment le temps, les ressources, et si c'est une bonne idée de constituer un sous-comité.
La question est de savoir si nous avons peut-être à portée de la main cette information que l'on vise à obtenir par cette motion? Et c'est là qu'intervient cette information que j'ai mentionnée au début, et c'est maintenant que je parle en ma qualité de secrétaire parlementaire auprès du ministre de l'Agriculture.
J'en ai parlé au ministre que j'ai mis au courant de cette motion, et il m'a répondu comme suit: il y a déjà au sein du ministère une tonne d'informations là-dessus. Il a offert que le ministère nous prépare toutes les informations dont il dispose, les ordonne, et les présente au comité sous forme de rapport.
Ça me paraît raisonnable. Je crois que nous sommes tous extrêmement occupés et je ne crois pas qu'il soit nécessaire de constituer un comité itinérant. Il n'est pas nécessaire d'aller au Nevada, au Michigan, à Washington ou à New York. Il y a de fortes chances que tout ce que nous souhaitons savoir se trouve ici même.
• 1100
Le ministère a des ressources et le ministre nous a fait cette
offre, alors pourquoi ne pas l'accepter? Si, pour une raison
quelconque—et je suis sûr qu'il peut toujours y avoir des
raisons—une fois que nous aurons pris connaissance du rapport du
ministère, nous estimons qu'il y a encore des lacunes, nous
pourrons décider à ce moment-là ce qu'il convient de faire.
En tant que membre du comité, je trouve que c'est une très bonne façon de procéder, et je ne pense pas qu'il soit vraiment nécessaire d'avoir un amendement. Acceptons tout simplement l'offre du ministre.
Le président: Monsieur Sauvageau et monsieur Calder.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je pense que cela rejoint un peu ce que M. Harvard vient de dire. Si je me rappelle bien, lorsque nous en avions parlé au comité, nous avions demandé aux recherchistes de trouver de la documentation et de s'informer sur des travaux qui auraient été faits en comité sur ce sujet avant de l'étudier. Il faudrait donc, comme M. Harvard l'a souligné, attendre que ce travail-là soit fait. Il me semble que nous étions tous d'accord sur ce sujet. Est-ce que je me trompe?
[Traduction]
M. Charlie Penson: Oui, c'est ce que je disais. Le comité s'était engagé à aller de l'avant, mais il nous faut d'abord obtenir l'information disponible afin de savoir ce qu'il y a à faire.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: D'accord.
Je voudrais ensuite vous soumettre bien humblement une proposition parce que j'arrive un peu comme un étranger dans votre comité. Au Comité des affaires étrangères et du commerce international, nous avons des réunions formelles le mardi matin et le jeudi matin. Nous avons décidé de former un comité avec les deux sous-comités des droits de la personne et du commerce international. Ces deux sous-comités se réuniront ensemble le mercredi après-midi.
Si jamais vos réunions tombaient ces jours-là, vous pourriez former un sous-comité composé du Comité des affaires étrangères et de celui de l'agriculture, et on pourrait alors trouver un autre moment pour siéger.
De notre côté, il n'y avait pas d'objection formelle à condition qu'on puisse obtenir toute l'information. Et si l'information est suffisante, il est inutile de créer un comité.
[Traduction]
Le président: Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai juste deux questions.
Nous aurons bien sûr les informations qui vont nous provenir du ministère, mais puisqu'il s'agit d'un sous-comité, Charlie, quand se réunirait-il si cette motion est adoptée? Qui en fera partie? Peut-être pourriez-vous me répondre.
M. Charlie Penson: Il me semble qu'on donne un peu plus d'importance à la question si un comité l'étudie et produit un rapport, même s'il ne s'agit que de rassembler des informations déjà existantes. Mais il me semble qu'il pourrait être nécessaire d'inviter des témoins.
Il y a une longue tradition de comités mixtes pour étudier ce genre de questions. Nous en avons eu un tout récemment avec le comité des finances et celui du commerce international à propos de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, et il me semble que cela donne un peu plus de relief à la question si les comités de l'agriculture et du commerce international l'examinaient ensemble et produisaient un rapport, au lieu de simplement rassembler les informations qui sont dispersées un peu partout. Il nous faudrait publier un rapport à cette fin. Je crois qu'on peut s'arranger pour le faire.
Si nous ne faisons rien, et que lors des prochaines négociations on nous frappe fort... comme c'est arrivé pour l'agriculture lors des négociations d'Uruguay, puisque l'agriculture n'était pas assujettie aux règles du commerce international jusqu'en 1992, même si les marchandises l'étaient depuis 1947, et je crois qu'il était clair qu'il ne s'agissait que d'une première étape, qu'on irait beaucoup plus loin la prochaine fois.
Il me semble que si les tarifs sur les produits assujettis à la gestion des approvisionnements tombent à 100 p. 100 aux prochaines négociations—réduction considérable—et que nous n'avons pas essayé d'ouvrir l'accès au marché américain, ou examiné tous les obstacles qui en limitent l'accès, nous aurons fait du tort à tous ces Canadiens qui ont lourdement investi dans ces secteurs.
M. Murray Calder: Monsieur le président, je ne dirai plus rien après cela, mais la seule chose que je considère actuellement pour ce qui est du comité... j'en ai parlé au président, celui de notre comité et celui du Comité permanent sur les transports. Nous envisageons de créer un autre sous-comité actuellement pour étudier le transport des céréales, et il va y en avoir un autre juste après qui va se pencher sur cette question, et puis encore un autre peut-être. Je ne peux pas me dédoubler... Il me faudrait un clone.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vous rassure tout de suite. Le comité des transports a décidé de ne pas examiner la question des transports du grain conjointement avec nous.
M. Murray Calder: Bien.
Le président: J'ai parlé à Ray, qui estimait que ce n'était pas une très bonne idée, et ils ont donc refusé l'offre.
Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le président, je pense que tout a été dit. C'est une question d'organisation et d'emploi du temps. Le rôle principal du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire est justement de se pencher spécifiquement sur ce genre de questions. Donc, pour moi, c'est une priorité, mais je ne vois pas la pertinence de faire un sous-comité. Je pense qu'on devrait passer au vote sur cette motion-là, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle: Si je partage le sentiment général et que j'approuve l'intention de la motion, comme beaucoup d'autres ici, je crois que nous allons nous voir obligés d'être à deux endroits en même temps.
Effectivement, nous devons être le mieux informés possible avant d'entamer les prochaines négociations. Ça me paraît tout à fait pertinent pour ce secteur très important. Bien que votre parti et le mien ne soient pas du même avis sur la gestion des approvisionnements, j'espère que ça ne sera pas un obstacle.
Mais je suis sûr que faire venir des gens des États-Unis, cela coûtera quelque chose. Je crois que ceci pourrait être utile. Si nous n'avons pas l'information, nous pourrions examiner cela avant de nous lancer. Je sais que nous avons peu de temps, et je ne sais pas où nous allons le trouver—c'est ce que je veux dire, dans le fond—à moins de pouvoir nous détacher de nos comités et à moins que nous n'acceptions tous de permettre à certains membres de nos comités de ne se consacrer qu'à cela.
M. Charlie Penson: Monsieur le président, à titre d'information, je sais que le Comité mixte des finances et des affaires étrangères et du commerce international qui a examiné la Loi sur les mesures spéciales d'importation était un petit comité, Nous étions quatre, sauf erreur, c'est-à-dire que tout le comité n'y participait pas. Sur le plan de la logistique, c'est réalisable.
Je veux simplement vous rappeler toutefois que les négociations commencent en 1999, et que ce n'est plus très lointain, n'est-ce pas?
Le président: Monsieur Penson, comme vous n'êtes pas un membre régulier du comité, je peux peut-être vous signaler que nous nous intéressons tout spécialement à l'OMC. Nous allons organiser des audiences dans tout le pays au cours des 18 prochains mois pour tous les groupes de denrées. Ce n'est pas une chose que nous avons laissée de côté. Les prochaines négociations de l'OMC figurent parmi nos grandes priorités.
M. Charlie Penson: Oui, excusez-moi. Je ne suis ici qu'aujourd'hui, en remplacement. Votre comité sait mieux que quiconque ce qu'il doit faire. Je ne suis absolument pas au courant.
Le président: Monsieur Axworthy, puis monsieur Benoit.
M. Chris Axworthy: Je ne suis pas sûr qu'il y ait vraiment contradiction dans tout ce qui a été dit. Est-ce que ce serait vraiment tellement compliqué d'avoir un comité mixte pour examiner cette question, un comité qui pourrait compter sur le travail du ministère? Et il me semble que de toute manière c'est quelque chose que nous souhaitons toujours. Ce sera peut-être la première chose qu'examinera le comité mixte, et il pourra ensuite décider s'il est nécessaire de continuer ou non.
Le comité n'aurait pas nécessairement à se déplacer. Il y a suffisamment d'experts dans ce pays sans que nous devions aller demander aux Américains pourquoi ils ne laissent pas entrer nos produits laitiers. Je ne crois pas que ce serait une bonne idée d'aller leur poser la question. C'est une chose.
Deuxièmement, je ne comprends pas très bien pourquoi nous nous en tiendrions aux produits laitiers, si ce n'est parce que cela représenterait moins de travail. Est-ce que nous ne nous intéressons pas à toutes les autres questions également?
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Je partage l'avis de M. Axworthy. Je dirais que le sous-comité mixte commencerait fort probablement par entendre un porte-parole du ministère, qui viendrait nous faire un résumé et nous présenter les données compilées. Mais le secrétaire parlementaire—et quelqu'un d'autre également—dit que toute cette information existe déjà au ministère. Si c'est le cas, on me refuse beaucoup d'informations, car ça fait quatre ans que je la demande. Je n'ai rien reçu qui m'ait vraiment été utile jusqu'ici.
M. Larry McCormick: Monsieur le président, je ne suis pas en train de dire, ni personne ici—je ne parle pas pour les autres—que nous voulons nous limiter à cette information-là. Il est bien évident que je dois recevoir et entendre toute l'information qui existe, où qu'elle soit. Je veux dire simplement que nous pouvons le faire au Canada.
• 1110
Merci, monsieur le président.
M. Leon Benoit: Ce qui m'inquiète, c'est qu'il ne semble pas y avoir... M. Steckle disait que nous n'avons pas le même point de vue sur la question, mais je crois que nous partageons les mêmes préoccupations, ou du moins je l'espère, bien que cela m'inquiète d'entendre le secrétaire parlementaire dire qu'il ne pense pas que nous ayons le temps de faire une étude en profondeur. Selon moi, ces comités mixtes, sur les transports et sur cette question-ci, seront probablement beaucoup plus utiles que si l'étude ne se fait qu'au sein du comité de l'agriculture. Je crois que nous rendrions un meilleur service aux agriculteurs.
Mais il est absolument essentiel, en prévision de 1999 et des prochaines négociations de l'OMC, que nous nous mettions au travail maintenant. Je ne veux pas être obligé de montrer du doigt mes collègues de l'autre côté de la Chambre, dans trois ans, en leur disant «Vous n'avez pas voulu faire cette étude», mais je le ferai, le cas échéant.
Une voix:
[Note de l'éditeur: Inaudible] du chantage non plus.
M. Leon Benoit: Excusez-moi, je n'avais pas tout à fait terminé.
Le président: Monsieur Harvard et Madame Ur.
M. Leon Benoit: Non, monsieur le président, je n'avais pas terminé.
Le président: Ah non?
M. Leon Benoit: Non. Je voudrais simplement dire qu'il est important de prévoir aussi longtemps que possible à l'avance. C'est tout ce que j'ai voulu dire.
Le président: Oui.
Monsieur Harvard.
M. John Harvard: J'estime simplement qu'il faut éviter d'avoir trop de travaux ou d'enquêtes parallèles en même temps. Comme l'a fait remarquer le président, l'OMC est au centre des préoccupations de notre comité. Au cours des prochains mois, nous allons entendre toutes sortes de témoins, et nous aurons la possibilité de poser les questions que vise la motion.
En même temps—et je sais que ce n'est pas le travail du comité—nous savons tous que le ministère a entrepris de vastes consultations avec tous les intervenants de l'industrie, pas seulement laitière, mais avec tous les secteurs qui seront touchés par un nouvel accord de l'OMC. Donc, je disais qu'il ne faudrait pas avoir trop d'études parallèles. Le fait que le ministère soit prêt à compiler toute cette information et à nous la donner sous forme de rapport nous aide énormément.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur: Monsieur le président, j'ai écouté attentivement toutes ces excellentes interventions, et à mon avis il vaudrait probablement mieux attendre d'avoir l'information du ministère, puisqu'elle semble disponible. Une fois que nous l'aurons examinée, si nous estimons avoir besoin de plus de temps ou si nous jugeons nécessaire de constituer un comité, alors nous aurons la possibilité de le faire.
J'étais tout à fait en faveur de la motion, mais j'ai été un peu choquée par la dernière intervention de M. Benoit lorsqu'il disait qu'il ne voulait pas être obligé de nous pointer du doigt à la Chambre et de nous reprocher de n'avoir pas participé. C'est exactement le genre de piège que je voulais éviter.
Une voix: Cela ressemble à du chantage.
Mme Rose-Marie Ur: Nous sommes censés être ici pour le bien des agriculteurs.
Le président: Vous voulez donc que l'on rassemble l'information disponible au ministère et qu'on l'examine.
Mme Rose-Marie Ur: Précisément; car je suis tout à fait en faveur de cette étude, mais je ne veux pas qu'on s'en serve comme d'un outil politique.
M. Charlie Penson: Passons au vote. Monsieur le président, je crois que nous pouvons maintenant mettre cette motion aux voix. Il est clair que nous n'obtiendrons aucun soutien de ce côté-là.
Mme Rose-Marie Ur: Non, non.
M. Leon Benoit: Il n'y a aucun soutien.
Mme Rose-Marie Ur: Si, monsieur.
M. Leon Benoit:
[Note de l'éditeur: Inaudible]
Mme Rose-Marie Ur: Non, mais je dis que nous devrions obtenir d'abord l'information.
M. Charlie Penson: Je demande le vote.
Le président: Le parrain de la motion demande le vote.
M. Leon Benoit: Je demande un vote nominal, s'il vous plaît.
Le président: Très bien.
Le greffier du comité: Monsieur Benoit?
M. Leon Benoit: Oui.
Le greffier: Monsieur Penson?
M. Charlie Penson: Oui.
Le greffier: Monsieur Axworthy?
M. Chris Axworthy: Oui.
Le greffier: Monsieur Calder?
M. Murray Calder: Non.
Le greffier: Monsieur Coderre?
M. Denis Coderre: Non.
Le greffier: Monsieur Harvard?
M. John Harvard: Non.
Le greffier: Monsieur McCormick?
M. Larry McCormick: Tant qu'on n'aura pas éteint les micros, je peux parler. Je n'apprécie pas ce qui a précédé le vote, car je...
Le président: Je crois que nous...
M. Larry McCormick: Je suis désolé, monsieur le président. Je vais continuer tant que vous ne me sortirez pas de la salle. Je veux simplement dire que nous ne sommes pas contre, mais nous votons contre la motion en raison de la manière dont elle a été présentée.
Le greffier: Monsieur Steckle?
M. Paul Steckle: Non, avec condition.
Le greffier: Madame Ur?
Mme Rose-Marie Ur: Je l'appuie, mais pas la manière dont elle est présentée, dont je suis obligée de dire non.
Des voix: Nous ne sommes pas contre.
(La motion est rejetée: non 6, oui 3)
M. John Harvard: Monsieur le président, comment procéder pour accepter l'offre du ministère? Nous faut-il une motion?
Le président: Je ne crois pas que ce soit nécessaire. En tant que secrétaire parlementaire, vous pouvez simplement présenter la demande. Vous en avez déjà parlé au ministre.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Monsieur le président, compte tenu de l'objectif que visait la motion, je proposerais que nous invitions des représentants du ministère à venir devant le comité déposer l'information que l'on essayait d'obtenir par cette motion.
Le président: Ce qu'a offert le ministre, je crois, c'est qu'il pourrait demander à son ministère de rassembler toute l'information disponible et de nous la présenter, non pas en envoyant des représentants, mais en présentant un rapport. Et puis nous verrons.
M. Murray Calder: Bien.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur: Monsieur le président, je suis fortement en faveur de cette solution. Je tiens à faire savoir officiellement que j'appuie l'idée, mais que je tiens à ce qu'on procède de manière logique. Je suis d'accord, mais obtenons d'abord l'information. Et puis si nous ne sommes pas satisfaits, je veux bien... Je ne m'en sers pas comme d'un instrument politique. C'est une bonne idée, mais procédons de la bonne manière.
Le président: Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle: Monsieur le président, j'aimerais moi aussi dire officiellement que la suggestion de reporter la motion à plus tard a été rejetée par le Parti réformiste et qu'il y en a de ce côté qui auraient appuyé cette idée, mais on ne nous l'a pas permis.
M. Leon Benoit: Nous ne voulons pas entrer dans un jeu politique...
Des voix: Oh, oh!
M. Larry McCormick: Mon intention...
Mme Rose-Marie Ur: C'est vous qui avez commencé, Leon.
Le président: Restons-en là. La séance est levée.