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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 26 février 1999

• 1415

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous avons un petit problème. Nos interprètes sont des pigistes qui, pour une raison ou une autre, ne se sont pas encore présentés. Les interprètes de la Chambre des communes ont dû retourner et des pigistes devaient venir, mais ils ne sont pas encore arrivés.

Les comités permanents de la Chambre des communes doivent siéger avec interprétation, mais ma collègue, Suzanne Tremblay, qui s'exprime en français avec nous, nous dit qu'elle ne va pas insister sur son privilège de bénéficier de la traduction simultanée, ce afin que la réunion puisse débuter. Nous ne pouvons cependant procéder de la sorte que s'il y a accord unanime.

• 1420

Nous regrettons beaucoup cette situation. Le greffier tente de corriger le problème. Il fait des appels. Une erreur a dû être commise quelque part.

Je vous demande donc, dans l'intervalle, si vous êtes d'accord pour que nous commencions. Mme Tremblay me dit que si nous ouvrons la séance, cela lui convient. Je sais qu'il y a ici des personnes qui sont venues de loin, et notamment de Windsor, et qu'elles doivent retourner chez elles.

Cela vous convient-il?

Des voix: D'accord.

Le président: Thank you very much, madame Tremblay.

Nous sommes saisis de deux défis. Le premier est d'en arriver à un consensus sur ce qu'il nous faut faire relativement à la politique culturelle canadienne. C'est là le défi le plus imposant.

De façon plus immédiate, il nous faut veiller à ce que chacun ici ait l'occasion de s'exprimer. C'est là le défi immédiat. Il y a beaucoup de gens autour de la table. Or, nous n'avons que jusqu'à 17 heures, et si chacun prend 15 ou 20 minutes, comme cela arrive parfois, si l'on multiplie cela par le nombre de personnes ici, nous siégerons jusqu'à minuit. Cela ne vous ennuie peut-être pas, mais certains d'entre nous devons rentrer à la maison.

Ce que je propose, donc, c'est que j'accorde la parole aux personnes désireuses d'intervenir lorsqu'elles me donneront leur nom. Si quelqu'un parle d'un point donné et qu'une autre personne veut réagir au sujet du même point, alors je lui donnerai la parole. Autrement, donnez-moi tout simplement votre nom et je vous accorderai la parole.

Cela étant dit, j'aimerais souhaiter à toutes les personnes ici présentes une très chaleureuse bienvenue à cette réunion. Merci beaucoup d'être venus en si grand nombre, et je songe ici tout particulièrement à ceux et celles d'entre vous qui êtes venus de Windsor pour être des nôtres cet après-midi.

Comme vous le savez, l'objet de ces tables rondes est de nous aider, nous autres membres du Comité permanent du patrimoine canadien, à rédiger un rapport renfermant les recommandations que vous aimeriez faire à la Chambre des communes—et, donc, en bout de ligne, au gouvernement—quant au sens dans lequel devrait évoluer la politique canadienne et au rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral, dans les décennies à venir, dans le domaine de la culture, du patrimoine et des arts.

Bien sûr, nous aurions pu nous intéresser à toutes sortes de défis qui se poseront pour nous dans les années à venir, mais nous avons décidé de nous concentrer sur les trois que nous jugeons les plus critiques pour l'avenir.

Le premier concerne l'évolution démographique du pays, avec sa population vieillissante et sa composition très diversifiée, qui est en train de changer très rapidement avec l'apport de l'immigration en provenance de différentes régions du globe.

Le deuxième défi est celui posé par les technologies multimédias et des communications, en rapide évolution. Les changements surviennent à un tel rythme que nous avons bien du mal à suivre. Nos enfants y parviennent, mais pour des gens comme moi, c'est plus difficile. Quelle est l'incidence de ces changements sur le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne nos programmes et projets culturels?

Troisièmement, il y a la nature changeante de l'économie et du commerce, qui sont de plus en plus mondiaux. Vous êtes au courant de ce qui s'est passé lorsqu'on a parlé de l'AMI et de tout le tollé qui s'est élevé relativement à la culture. Nous avons maintenant devant nous le projet de loi C-55 et l'ALÉNA, et à l'automne, nous allons entamer des négociations à l'Organisation mondiale du commerce ou OMC. La culture sera, là encore, un gros sujet de discussion, avec des exceptions et des inclusions. Comment réagir à ces défis? Nous avons à l'heure actuelle un cadre de politique canadien qui prévoit ces programmes, projets et politiques auxquels vous recourez tout le temps. En êtes-vous satisfaits? Qu'aimeriez-vous voir à l'avenir, compte tenu des défis qui se dessinent à l'horizon, et quelles autres questions aimeriez-vous que l'on aborde? C'est là-dessus que nous cherchons à recueillir vos idées.

• 1425

Cela fait bientôt deux ans que nous avons entamé ce travail. Nous avons entendu un grand nombre de groupes, la plupart à Ottawa. Nous avons reçu quantité de mémoires que nous avons compilés et distribués aux députés. L'équipe de recherche a réuni une vaste documentation. Nous avons également décidé d'aller rencontrer des gens sur le terrain, si vous voulez. Malheureusement, nous ne disposons pas, à la Chambre des communes, de beaucoup de temps pour faire des déplacements; nous ne pouvons voyager que lorsque la Chambre est en congé. Puis il y a la question argent. C'est pourquoi nous avons décidé de créer deux équipes, l'une devant se déplacer dans l'Ouest et l'autre dans l'Est, et c'est ainsi que nous avons tenu ces tables rondes comme celle d'aujourd'hui.

L'idée n'est pas que les gens fassent ou lisent de longues déclarations. Il s'agit plutôt d'avoir un échange sur vos sentiments profonds au sujet de ces questions, dans le but d'avoir des discussions franches et ouvertes. C'est très informel. Il n'y a pas d'ordre d'intervention. Il vous suffit de signaler que vous aimeriez prendre la parole: c'est aussi simple que cela. Nous tâcherons de répartir le temps de sorte que chacun ait l'occasion de parler.

Commençant par Mme Tucker, je pense que ce serait une bonne idée que nous nous présentions. Vous pourriez peut-être nous expliquer vos antécédents ainsi que l'organisation que vous représentez, afin que tout le monde fasse tout de suite connaissance.

Mme Mary Angela Tucker (présidente, Architectural Conservancy of Ontario Inc.): Merci, monsieur Lincoln.

L'Architectural Conservancy of Ontario est une organisation qui a été fondée en 1933 dans le but de préserver les plus beaux exemples de biens patrimoniaux construits et de sites naturels en Ontario. Nous sommes une organisation bénévole à but non lucratif.

Le président: Nous vous inviterons plus tard à prendre la parole pour faire les déclarations que vous voudrez.

Madame Hopkinson.

Mme Claire Hopkinson (présidente, Professional Opera Companies of Canada): Bonjour. Je m'appelle Claire Hopkinson. Je suis présidente des Professional Opera Companies of Canada, qui représentent des organismes de partout au pays qui se consacrent à l'opéra. Je suis également productrice pour le Tapestry Music Theatre ici à Toronto.

M. Paul Ledoux (ancien président, Playwrights Union of Canada): Je m'appelle Paul Ledoux. Je représente la Playwrights Union of Canada, dont je suis le président sortant. L'actuel président se trouve au Yukon. Je suis écrivain. J'écris pour le théâtre, la télévision et la radio, et pour tout autre média dramatique qui me permet de gagner ma vie.

Le président: Monsieur Jamison, pour la deuxième fois.

M. Mark Jamison (directeur général, Conseil des carrières culturelles de l'Ontario): Oui, je suis de retour et je suis directeur général du Conseil des carrières culturelles de l'Ontario, une alliance d'organisations de services artistiques, de syndicats d'artistes et de professionnels de la culture. Le conseil a pour objet de s'occuper des besoins en matière de carrières du secteur.

Mme Nancy Morand (planificatrice en matière de patrimoine, Windsor Architectural Conservation Advisory Committee (WACAC), Ville de Windsor): Je m'appelle Nancy Morand et je suis planificatrice urbaine au département de planification de Windsor. Je suis ici en tant que représentante du Windsor Architectural Conservation Advisory Committee, qui est le Sous-comité du conseil municipal de Windsor qui conseille celui-ci sur les questions patrimoniales.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je m'appelle Wendy Lill. Je suis la députée fédérale de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et la porte-parole néo-démocrate en matière de culture et de patrimoine.

M. Hamel Docter (directeur général, The School of Toronto Dance Theatre; directeur administratif, Cahoots Theatre Projects): Bonjour, je m'appelle Hamel Docter, et je représente aujourd'hui les Cahoots Theatre Projects, une petite troupe de théâtre torontoise qui se spécialise dans le théâtre multiculturel.

M. David Caron (directeur, Communications et projets spéciaux, Canadian Actors' Equity Association): Bonjour, je m'appelle David Caron. Je représente la Canadian Actors' Equity Association, qui regroupe environ 5 000 artistes d'un peu partout au Canada et qui se consacrent principalement aux spectacles en direct, c'est-à-dire les acteurs, les réalisateurs, les chorégraphes et les régisseurs.

Mme Pat Bradley (directrice générale, Association professionnelle des théâtres canadiens): Je m'appelle Pat Bradley. Je suis directrice générale de l'Association professionnelle des théâtres canadiens, qui est une association nationale anglophone de services et de métiers du théâtre. Dans ma vie de bénévole, je suis présidente de la Conférence canadienne des arts, ou CCA, notre organisation nationale multidisciplinaire de défense des arts.

• 1430

Mme Jane Gardner (directrice générale, Théâtre Ontario): Je m'appelle Jane Gardner et je suis directrice générale de Théâtre Ontario. Nous oeuvrons très activement partout dans la province à l'établissement de liens entre le secteur théâtral professionnel et les secteurs théâtraux communautaires et éducatifs. Nous couvrons toute la province, de Thunder Bay à Windsor et partout ailleurs.

M. Robert Jekyll (directeur par intérim, Fédération canadienne des métiers d'art): Je m'appelle Robert Jekyll. Je suis artisan professionnel et j'ai un studio à Toronto. Je suis à l'heure actuelle président du Conseil de l'artisanat de l'Ontario, mais, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui, je suis également directeur par intérim de la Fédération canadienne des métiers d'art, qui est le nouveau nom de ce qui s'appelait autrefois le Conseil canadien de l'artisanat.

Mme Nataley Nagy (directrice, Galerie d'art de Windsor): Bonjour. Je m'appelle Nataley Nagy et je suis directrice de la Galerie d'art de Windsor. Je suis administratrice d'entreprises artistiques professionnelle dans ce pays depuis plus de 15 ans.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay. Je suis la députée de Rimouski—Mitis, et je suis la porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine canadien.

Mme Evelyn McLean (membre, Les Amis Duff-Bâby): Je m'appelle Evelyn McLean et je représente deux organisations à Windsor: Les Amis Duff-Bâby, les amis de la demeure Duff-Bâby près de la frontière avec Détroit; et les Friends of the Court, qui est l'édifice Mackenzie Hall dans la ville de Windsor, et qui porte le nom de son constructeur, Alexander Mackenzie, le deuxième premier ministre du Canada.

Mme Rosemarie Denunzio (présidente, Windsor Chapter of the Ontario Archaeological Society): Bonjour, je m'appelle Rosemarie Denunzio. Je suis présidente du Windsor Chapter of the Ontario Archaeological Society. Je suis archéologue de profession et j'enseigne à temps partiel à l'Université de Windsor.

Mme Fela Grunwald (présidente, Association professionnelle des galeries d'art du Canada Inc.): Je m'appelle Fela Grunwald, et je suis présidente de l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada, l'APGAC, fondée en 1967. Nous sommes une organisation nationale à but non lucratif qui représente à peu près 67 galeries d'art commerciales réparties dans le pays.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je m'appelle Inky Mark, et je suis député fédéral manitobain. Je suis le principal critique de l'opposition en matière de patrimoine canadien.

Mme Marilynn Havelka (présidente, Association des musées de l'Ontario): Je m'appelle Marilynn Havelka. Je représente aujourd'hui l'Association des musées de l'Ontario. J'en suis la présidente. Nous regroupons plus de 1 000 institutions, sociétés et personnes membres. Nous représentons les grands et petits musées de la province et faisons la promotion des musées, du professionnalisme et des normes pour les musées. De jour, je travaille aux services culturels municipaux de Hamilton.

M. Gaston Blais (recherchiste du comité): Bonjour. Je m'appelle Gaston Blais. Je suis le recherchiste du comité.

Le président: Je m'appelle Clifford Lincoln. Je suis le député de Lac-Saint-Louis et je suis président du Comité permanent du patrimoine canadien.

[Français]

Le greffier du comité: Je m'appelle Norman Radford. Je suis le greffier du comité. Je ne vous servirai par d'interprète pour l'instant, monsieur Lincoln.

[Traduction]

Je ne vous servirai pas d'interprète pour l'instant. Ils devraient bientôt arriver. Nous nous excusons de ce contretemps.

Le président: Très bien.

Nous sommes prêts à démarrer. Qui veut ouvrir le bal? Madame Morand. Bravo.

Mme Nancy Morand: Nous sommes un très petit groupe qui s'intéresse au patrimoine construit, alors nous pourrions peut-être dire ce que nous avons à dire avant de céder la parole aux représentants qui sont plus axés sur le volet culturel.

Le Windsor Architectural Conservation Advisory Committee (WACAC) m'a envoyé ici avec un mémoire. Il y a quelques petites choses que j'aimerais faire ressortir. Le comité a deux principales préoccupations.

Premièrement, nous aimerions favoriser un plus fort engagement à l'endroit de la protection des édifices fédéraux à Windsor. Certaines de nos plus importantes structures patrimoniales appartiennent aux pouvoirs fédéraux: c'est le cas de la poste, de nos armoiries et de l'édifice fédéral. Au cours des derniers mois, nous nous sommes sentis un petit peu mal à l'aise car des gens de Travaux publics sont venus, ont demandé les meilleures utilisations possibles pour les différents sites et nous ont dit que selon le ministère fédéral responsable de ces bâtiments, ils ne sont que reconnus et n'ont pas le statut de structures patrimoniales, ce qui veut dire qu'ils examinent les sites plutôt que les bâtiments.

Nous tenons à souligner que bien que ces bâtiments ne soient peut-être pas considérés comme étant patrimoniaux par le comité, ils sont néanmoins très importants pour la collectivité. Nous aimerions travailler avec le gouvernement fédéral pour veiller à ce que nos édifices patrimoniaux appartenant au gouvernement fédéral soient préservés.

Le deuxième point est que l'engagement financier de la province en matière de conservation du patrimoine s'est épuisé et qu'en tant que municipalité nous avons de plus en plus de difficulté à financer les très coûteux travaux de restauration de nos édifices patrimoniaux. Nous accueillerions avec enthousiasme toute aide financière fédérale, sous quelque forme que ce soit, qu'il s'agisse d'allégements fiscaux, de versements directs ou de partenariats d'un genre ou d'un autre dans le contexte de prêts.

• 1435

Nous avons par ailleurs tenté de répondre à vos cinq principales questions, mais je présume que nous les aborderons un petit peu plus tard. J'ai dit ce que j'avais à dire au sujet des deux principaux points, et je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup. Vous aurez une nouvelle chance d'intervenir madame Morand.

Oui.

Mme Pat Bradley: Merci.

J'aimerais, si vous me permettez, vous parler philosophie un instant. J'ai déposé un mémoire qui parle des théâtres dans ce pays et de leurs relations avec le Conseil des arts et d'autres institutions fédérales, mais je voulais vous parler un petit peu de la politique culturelle. Je pense qu'il est vraiment important que le comité ait entrepris cette tâche et je suis très impressionnée par le fait que vous parcouriez le pays. Je vous en remercie. Je dis cela non seulement au nom des Torontois, qui sont parfois très privilégiés, mais également au nom de nos membres de partout au pays, qui ont été très heureux de pouvoir rencontrer le comité permanent.

La tâche que vous vous êtes donnée est bien sûr très complexe, étant donné la complexité du monde dans lequel nous vivons en tant que secteur culturel et du monde dans lequel vous vous vivez en tant qu'éléments du gouvernement. Si vous me le permettez, j'aimerais vous parler un petit peu de l'expérience que j'ai vécue dans le cadre d'un niveau de gouvernement beaucoup plus simple lorsque j'étais, dans une vie antérieure, fonctionnaire pour un palier gouvernemental qui n'existe plus dans cette ville, le palier métropolitain. Nous avions élaboré une culture politique qui était beaucoup plus simple que les genres de choses que vous examinez, mais son élément essentiel est, je pense, une chose que le comité devrait viser dans le cadre de ses délibérations: veillez à ce que l'examen des questions culturelles intervienne partout où cela est possible au sein du gouvernement.

Il y a beaucoup d'endroits où cela ne s'appliquera pas, mais cela vaut pour le ministère du Patrimoine canadien, pour le Conseil des arts, pour le CRTC et pour les organes et ministères à vocation manifestement culturelle. Cela vaut également bien sûr pour Revenu Canada, pour ce qui est des incitations fiscales pour les donateurs et du traitement accordé aux artistes indépendants. Cela vaut également pour Santé Canada, mais je ne vais pas approfondir cela. Il y a beaucoup d'éléments du gouvernement qui ont un impact sur nos vies. Dans un monde idéal, une politique culturelle cohérente verrait à ce que les réalisations d'une partie du gouvernement ne soient pas détruites par ce que fait le lendemain, dans le sens contraire, une autre partie du gouvernement. Voilà la déclaration philosophique et générale que je voulais vous faire.

Le président: Madame Bradley, il est tout fait à propos que vous souleviez cela, car dans le cadre de la table ronde précédente ici à Toronto quelqu'un a justement plaidé très énergiquement aussi la même cause. Je pense que Mme Morand a souligné juste avant vous que le ministère des Travaux publics joue un rôle important, tout comme le ministère des Finances et bon nombre d'autres. Nous prenons bonne note de ce que vous avez dit.

Mme Fela Grunwald: Il me faut dire que je suis d'accord à 100 p. 100 avec Mme Bradley sur ce qu'elle a dit. J'étais à Ottawa il n'y a pas très longtemps et M. Patrick Borbey y a tenu une discussion en table ronde. Dans le cadre de mes relations avec le gouvernement, j'ai trouvé qu'il y avait un manque de travail en commun relativement aux politiques et aux stratégies, non seulement entre différentes organisations, mais également au sein du secteur culturel, et je songe ici à Patrimoine Canada et au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je pense qu'Ottawa a reconnu cela et la dernière table ronde organisée par le gouvernement fédéral a été extrêmement productive et extrêmement positive. Elle a duré de 8 heures ou 9 heures du matin à 14 h 30, et tous les ministères y étaient représentés, ainsi que le secteur culturel. J'ai tout juste aujourd'hui reçu un rapport sommaire sur la réunion. Le consensus général était qu'il serait bon que de telles rencontres aient lieu tous les trois mois environ.

C'était intéressant, car, d'après les réactions, les gens du gouvernement ont appris entre eux beaucoup de choses sur les uns et les autres et sur ce qu'ils font. J'espère donc qu'il y aura une plus grande collaboration entre les différents secteurs du gouvernement, auquel cas il y aura moins de duplication, et il n'y aura pas d'annulations de politiques et les gens travailleront ensemble vers le même but.

Je pense que ce qui compte est de fixer des objectifs et de veiller à ce que chacun ait les mêmes et à ce que tous les éléments se complètent les uns les autres. Je pense que, dans cette optique, cette réunion sera productive.

Si vous permettez, j'aimerais aborder certaines de ces questions. Puis-je disposer d'encore une minute?

Le président: Oui.

Mme Fela Grunwald: Les questions sont l'évolution démographique, la technologie et les politiques.

Pour le secteur des arts visuels, la technologie, la démographie et toutes ces autres choses, tous ces chemins dans notre industrie débouchent sur la nécessité d'élaborer une stratégie d'importation. Notre pays est petit et nous avons un public limité. À l'heure actuelle, les gens de la génération du baby-boom sont en train d'acheter, mais ce ne sera bientôt plus le cas. Ils vont commencer à réduire, à élaguer. Ce qu'il nous faut faire c'est créer un plus gros marché. Il nous faut le faire de toutes façons, mais ce besoin se fera sentir de plus en plus, cela est certain. Par ailleurs, la technologie via l'Internet et tout le reste sont en train d'ouvrir des marchés mondiaux.

• 1440

Il nous faut commencer à tirer profit de toutes ces choses et il nous faut élaborer une stratégie d'exportation. Il y a de nombreuses façons très novatrices d'envisager cela. Les Canadiens pensent parfois que le seul moyen de créer un marché d'exportation est d'envoyer des gens en mission, mais je commence à croire de plus en plus que c'est peut-être en faisant également venir des gens qu'on pourra développer des marchés d'exportation.

Par exemple, le Canada n'organise pas de manifestations internationales dans le domaine des arts visuels. Si nous le faisions, nous attirerions des gens d'ailleurs, d'Europe, des États-Unis, et pendant que ces personnes seraient ici pour participer à cette manifestation internationale, elles ne pourraient pas s'empêcher de jeter un coup d'oeil autour. Elles verraient quelle est l'activité artistique au Canada, et pas seulement dans le domaine des arts visuels—ces personnes iraient au théâtre, iraient voir des spectacles.

C'est ainsi que nous aurons de meilleures chances de joindre un public plus vaste et que nous pourrons également vendre le Canada comme étant un pays stimulant sur le plan culturel. J'aimerais que ce soit là une priorité dans toute politique future.

Le président: Merci.

Monsieur Jamison.

M. Mark Jamison: Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit ce matin devant le comité, mais j'aimerais dire qu'en Ontario il y a 265 000 personnes qui travaillent dans le secteur culturel. La plupart des personnes autour de cette table feraient partie de ce groupe, pour une raison ou une autre.

La question du contenu a été soulevée ce matin lors des discussions avec les gens du câble et de la télévision. La question du contenu concerne les personnes qui travaillent pour la culture. Lorsqu'on parle d'un quelconque élément du secteur, que ce soit le cinéma, les arts visuels ou le patrimoine, il faut qu'il y ait un groupe de personnes bien instruites, souples, tournées vers l'avenir et en fait bien nourries ou raisonnablement bien nourries pour nous fournir ce contenu, nous fournir cette qualité de produit, que celui-ci se retrouve sur une scène, à l'écran ou sur un mur.

L'un des aspects de la politique culturelle au niveau tant provincial que fédéral a été le déclin du soutien—et je pense que cela s'appuie sur la perception du public—accordé à l'artiste, au travailleur culturel, à la personne responsable du contenu. Nous avons entendu parler d'un soutien de 2 500 $ pour l'écrivain qui a fini par toucher une avance de 200 000 $ sur un livre qui est maintenant vendu partout dans le monde. Nous investissons en fait très peu dans un groupe de personnes qui produit dans cette province une activité économique se chiffrant à quelque 12 milliards de dollars.

Du point de vue des carrières, nos infrastructures, nos silos—qu'il s'agisse de films, d'enregistrements de bandes sonores ou de médias numériques—ne vont se développer et prospérer que si nous nous occupons bien des gens de talent qui font le travail d'écriture, qui s'occupent des arts visuels et qui jouent la musique. Dans ce domaine, seul le gouvernement peut vraiment aider. Le Canada serait le seul pays au monde, en dehors des États-Unis, qui ne ferait pas cela. Nous savons quelles sont les politiques en matière de soutien culturel en Europe, nous savons ce qu'elles sont dans les anciens pays de l'Est et nous savons que les Américains ont une attitude différente.

La grosse préoccupation que j'ai entendue ce matin était que la tendance à vouloir imiter les Américains dans leur façon d'aborder la culture n'est pas vraiment ce que nous souhaitons faire ici dans ce pays. Je tiens vraiment à souligner que si nous nous occupons des gens qui sont responsables du contenu, nous aurons un riche avenir culturel.

Le président: Merci.

Je vais maintenant accorder la parole à M. Docter, après quoi ce sera au tour de M. Ledoux. En attendant, permettez-moi de vous dire que nous avons maintenant l'interprétation.

Monsieur Docter.

M. Hamel Docter: Merci, monsieur Lincoln.

J'aimerais prendre quelques minutes pour faire une petite leçon d'histoire. Cela ne va pas demander très longtemps. L'objet de l'exercice d'aujourd'hui est de faire un examen: ce que nous essayons de faire c'est d'élaborer une politique culturelle canadienne pour le XXIe siècle.

• 1445

Il nous faut convenir que beaucoup de choses sont arrivées au cours des dernières années. Il est assez impressionnant de voir les nombreux rapports qui sont en train de sortir. Nous commençons enfin à voir certains des résultats de l'ALÉNA et des conséquences de cet accord pour la culture. Enfin, lors des négociations de l'AMI au printemps dernier, je pense qu'il est clairement ressorti que plusieurs pays dans le monde étaient préoccupés par le sort de la culture, voulant l'exclure des dossiers sur la table. C'est là une très bonne chose. D'excellents rapports ont été produits, surtout depuis la décision de l'OMC en juin 1997. Cependant, il s'est agi de forces réactionnelles.

Je félicite le comité d'avoir entrepris cet examen et d'être tourné vers le XXIe siècle. La seule chose à laquelle je puisse comparer cela dans un contexte historique est ce qui est arrivé il y a 50 ans avec la Commission Massey. Celle-ci avait alors fixé pour les 30 années suivantes notre culture politique et créé certaines des meilleures institutions que nous avons dans ce pays pour mener à bien ces politiques culturelles. C'est elle qui est à l'origine des politiques de bilinguisme et de biculturalisme.

Nous sortions tout juste à l'époque de la Deuxième Guerre mondiale. Tout le monde revenait de la guerre et les immigrants affluaient. Il nous fallait nous poser la question suivante: «Où allons-nous?»

Nous voici aujourd'hui, 50 ans plus tard, et le monde a changé. Nous sommes maintenant un marché international. Nous sommes au seuil d'un nouveau siècle et nous parlons démographie. Il y a 50 ans, le bilinguisme et le biculturalisme étaient de toute première importance, et je suis très heureux de dire que beaucoup de choses ont été réalisées dans ce pays. Cela est, je pense, discutable. Nous avons bougé. Nous voici donc, 50 ans plus tard, mais où allons-nous? Nous savons que le contexte démographique est en train de changer. La population est en train de vieillir.

En ce qui concerne la population vieillissante, en tant qu'administrateur artistique, je regarde la situation et je me dis qu'il y a une nouvelle niche, qu'on peut exposer ces gens-là au secteur artistique. Je me dis: nous avons une population vieillissante; qu'on sorte ces gens-là au théâtre, qu'ils écoutent les orchestres symphoniques. C'est merveilleux, mais il y a également des changements démographiques sur le plan diversité, sur le plan multiculturalisme. D'ici 10 à 15 ans, plus de 50 p. 100 de la population canadienne sera composée de personnes qui n'ont même pas de racines européennes, et c'est là un changement important. Nous sommes une industrie culturelle de base européenne ici.

Alors où allons-nous avec cela? Il s'agit là d'une question vraiment énorme. Cela va ébranler les bases de la politique culturelle canadienne et il y aura des conséquences sur bien des plans. Différentes choses sont liées les unes les autres. Il y a l'immigration. Il y a l'éducation. Qu'est-ce qu'englobe l'éducation que nous donnons? Il s'agit d'une question qui relève des provinces, mais je pense qu'il nous faut défaire certaines des barrières en matière de compétences et nous demander ce que nous sommes en train de faire. Si nous allons élaborer une politique culturelle au XXIe siècle, alors je pense qu'il nous faut coordonner les efforts du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des gouvernements municipaux—et les régions doivent avoir leur mot à dire là-dessus—et nous demander où nous allons.

J'aimerais vous raconter une petite anecdote. Je suis allé voir un spectacle il y a quatre mois et j'y ai découvert des choses au sujet de l'expulsion des Acadiens. C'était extraordinaire. Je viens de l'Ontario. N'est-ce pas là un événement que j'aurais dû connaître? Cela fait partie de l'histoire du Canada, mais je n'étais pas au courant. J'ai appris cela à un spectacle. J'en suis très heureux, mais cela m'a vraiment ouvert les yeux à quelque chose: les Canadiens ne connaissent même pas l'histoire du Canada. Si nous ne connaissons pas l'histoire du Canada, comment pouvons-nous raconter nos histoires et avancer?

Revenant à ce que je disais au sujet de ce qui s'est passé il y a 50 ans, nous voici ici, 50 ans plus tard, et nous n'avons pas la moindre idée de ce vers quoi nous nous dirigeons. Nous avons une population vieillissante. La composition démographique du pays est en train de changer.

Mais il y a une troisième question que j'aimerais porter à votre attention: je veux parler de nos jeunes. C'est aujourd'hui un sujet d'actualité, surtout en Ontario avec les coupures dans l'éducation et la quasi-suppression des programmes d'arts dans nos écoles. En tant que jeune administrateur artistique qui compte oeuvrer dans ce domaine pendant les 30 ou 40 prochaines années, je me pose des questions: «Qui va être mon public dans 30 ou 40 ans? Les gens sauront-ils même ce qu'est la musique?» Cela m'accable... La question, en vérité, est celle de la coordination de nos efforts pour savoir vers quoi nous diriger.

J'irais plus loin encore. J'applaudis à l'initiative du comité d'entreprendre ce travail. J'applaudis aux efforts de la Conférence canadienne des arts et d'autres organismes qui ont au cours des dernières années produit d'excellents rapports. Je suis heureux de ce qui s'est passé lors des négociations relativement à l'AMI: le Canada a pris position, a joué un rôle de leader, et il y a eu une réunion des ministres de la Culture en juin à Ottawa, et une autre au Mexique.

Je suis très heureux de cela, mais l'étape suivante que je vois... tout comme il y a 50 ans, il y a tellement de choses qui se passent à l'heure actuelle, et s'il doit s'agir d'un effort concerté, si nous voulons établir les bonnes stratégies et les bons plans pour l'avenir, je serais tenté de dire qu'il faudrait qu'une commission royale soit chargée de tout cela.

La première chose que la plupart des gens mentionneront est le coût. Cela coûte très cher une commission royale. L'autre chose est qu'avec tout le travail qui a été fait jusqu'ici, les gens demanderont s'il est réellement nécessaire d'aller jusque-là. Mais si nous voulons vraiment lancer une politique culturelle pour les 30 années à venir, je pense qu'il faut passer par là et que le débat ne doit pas se limiter au seul secteur culturel. Si nous ne faisons pas intervenir la population canadienne, alors nous créons des politiques artistiques et culturelles pour le secteur artistique en oubliant à qui ces politiques sont destinées.

• 1450

J'aimerais donc vraiment que les choses aillent dans ce sens-là. Nous avons devant nous un long avenir, et je pense que le pays est au seuil d'une percée importante. Nous nous trouvons dans une position tout à fait unique. Nous sommes l'un des pays le plus divers au monde. Nous devrions vraiment mettre cela à profit.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Je souhaitais tout simplement poser une question à Hamel.

Ce que vous avez dit au sujet des jeunes m'intéresse, Hamel. Il est évident qu'il nous faut regarder du côté des jeunes et de ce qu'ils sont en train d'absorber à l'heure actuelle, et j'aimerais savoir ce qui arrive selon vous aux jeunes de nos jours.

Cela nous mènera peut-être à la conclusion à laquelle nous sommes arrivés à l'occasion de plusieurs de ces tables rondes—notamment que nous avons une culture plutôt occupée, avec cet afflux massif de produits culturels américains.

Vous êtes la plus jeune personne ici, je pense, et c'est pourquoi je vous pose cette question à vous.

Mme Suzanne Tremblay: Il est la personne la plus jeune avec laquelle nous ayons discuté.

Mme Wendy Lill: Oui.

Que signifie tout cela pour les jeunes d'aujourd'hui? S'intéressent-ils tout d'abord le moindrement à la question, ou bien préféreraient-ils tout simplement regarder YTV, en laissant les vieux se préoccuper de toutes ces autres questions?

Je suppose que ce que j'aimerais c'est que vous nous parliez un petit peu plus des jeunes et de la façon dont nous pourrions selon vous les inclure dans cette conversation.

M. Hamel Docter: Merci de m'attribuer comme lourde tâche celle de parler au nom de tous les jeunes.

Des voix: Oh! Oh!

M. Hamel Docter: Ce qu'il y a de drôle c'est que je trouve que le grand public... oui, il y a une forte exposition à la culture américaine. Cela a fait six mois lundi que j'ai déménagé à Toronto, et je suis abasourdi par la quantité de culture américaine qu'il y a dans cette région du pays. Pour parler franc, cela m'ennuie vraiment beaucoup.

Lorsque j'ai demandé à mes amis ce qu'ils aimaient voir lorsqu'ils allaient au théâtre, ils m'ont parlé de Cats, de Phantom et de Chicago. J'ai répondu: «C'est bien, mais ce n'est pas canadien». Lorsque je leur ai dit que je produisais un spectacle formidable au Factory Theatre—c'était une pièce d'origine africano-trinidadienne, et c'était vraiment du très bon travail, avec un contenu canadien assuré par un merveilleux écrivain canadien ayant gagné le Guggenheim et quantité d'autres prix—combien parmi mes amis sont venus? Pas beaucoup. Cela me fait un petit peu peur.

J'aimerais revenir sur ce que je disais au sujet de la question du développement. Je travaille dans les arts et j'ai été formé dans les arts. Toutes les personnes avec lesquelles je travaille et avec lesquelles j'étudie dans le domaine des arts savent de quoi elles parlent. Elles adorent ce dont elles parlent. Si vous allez faire un tour dans une université et vous promenez ne serait-ce qu'à l'extérieur de la faculté des beaux-arts ou des arts, vous verrez qu'il y a des gens partout qui adorent la culture canadienne, qui l'appuient et qui diront: «Oh, c'est une auteure canadienne; formidable».

Il y a donc un accueil un peu mixte, mais je pense qu'on est en train de se faire tirer dans l'autre direction. Cela est en partie imputable aux programmes scolaires, car si vous êtes exposé aux arts à un très jeune âge, cela change beaucoup les choses.

Dans mon cas personnel, c'est mon père, d'origine hollandaise, avec son bagage européen, qui m'a entouré de musique dès ma plus tendre enfance. J'ai été exposé alors que j'étais tout jeune. Dès la cinquième année, j'ai été inscrit dans un programme d'immersion en français. J'ai eu la chance de vivre à Ottawa. Je sortais tout le temps au Centre national des arts et j'ai été pas mal exposé au théâtre. Ma première exposition au théâtre a été au théâtre français, et cela a été formidable. J'ai tout de suite été emballé. C'était de très bonne qualité. Je n'en revenais tout simplement pas.

Cette exposition à un très jeune âge—qu'il s'agisse d'aller voir une pièce communautaire ou une pièce en tournée dans mon école, ou un petit groupe jazz ou autre, ou d'aller au Centre national des arts écouter l'orchestre du CNA ou voir une pièce—était toujours une joie.

Je veux vous raconter une petite anecdote personnelle. Il y a quelques années, lorsque je commençais enfin à songer partir à l'université et qu'il me fallait me fixer, tous mes conseillers à l'école secondaire m'encourageaient à me concentrer sur les sciences et les maths. En dépit du fait que je comptais parmi les personnes les plus créatives de mon école et que j'adorais les arts, on me disait que ce n'était pas pratique: vous vivez à Ottawa. Étudiez les maths. Étudiez les sciences. Devenez un bureaucrate au gouvernement. Apprenez la technologie. Regardez le marché de la technologie de pointe qui existe ici.

J'ai dit non, et j'ai trouvé ridicule qu'on me décourage et qu'on me repousse ainsi au niveau de l'école secondaire. J'ai d'ailleurs en fait presque décidé d'aller ailleurs.

J'ai vu que je m'intéressais au développement international et j'ai commencé à poursuivre cela. Dans ma dernière année d'école secondaire, juste avant de me lancer, je suis parti à la recherche d'un emploi, comme le font la plupart des étudiants, et j'ai envoyé des CV un petit peu partout. Un jour, enfin, j'étais à l'angle des rues Laurier et Elgin et j'ai regardé le Centre national des arts. Je me suis dit: bon sang, je me demande s'ils ont des postes à combler là-bas.

• 1455

Je me suis présenté, j'ai eu une entrevue la semaine suivante, j'ai commencé à y travailler et j'y suis resté trois ans. Deux mois après mon arrivée, juste avant d'envoyer ma demande d'inscription à l'université... je savais ce que je voulais faire; je l'avais toujours su. Mais cela m'a vraiment ennuyé de me retourner en arrière et de me dire, bon sang, qu'est-ce qu'ils nous ont découragés.

Je pense que c'est à cela qu'on est ramené: les établissements d'éducation doivent examiner la façon dont on aborde l'éducation et ce à quoi l'on expose nos enfants. Cela est très, très important.

Le président: Monsieur Ledoux.

M. Paul Ledoux: Vos propos ont été très intéressants.

J'aimerais quant à moi parler de l'endroit où s'insèrent les artistes dans la planification des arts dans ce pays. Nombre de mes amis, pas seulement au théâtre mais également chez les comédiens et dans les médias, sont aujourd'hui très préoccupés par le fait qu'un grand nombre des conseils consultatifs, des conseils d'administration d'organisations et autres dans ce pays ne placent pas les artistes dans des postes de pouvoir. J'imagine que ce matin vous avez entendu les grosses légumes de l'industrie plutôt que les artistes. J'ai de plus en plus le sentiment que ce sont ces attitudes propres au milieu d'affaires qui dominent la situation de telle sorte que ce que l'on voit, ce sont toujours des stratégies d'entreprises, et le résultat est que l'artiste se fait écarter du processus décisionnel.

Or, si vous voulez parler affaires, cela est mauvais pour les affaires. Prenez quelque chose comme le Comité consultatif sur le cinéma, au sein duquel les artistes ne sont à toutes fins pratiques pas représentés. On voit cela au CRTC, on voit cela dans tous les domaines culturels: les personnes qui apportent des idées, qui mettent le pain sur la table, ne sont pas consultées au sujet du menu, et c'est là un problème auquel il conviendrait de réfléchir.

Le président: Hier et encore aujourd'hui nous avons eu cette discussion sur la question de savoir si la culture est de plus en plus une industrie ou un véhicule industriel pour les artistes. Hier, nous avons vécu à Montréal une situation dichotomique dans laquelle des gens disaient que le créateur, l'individu, est au coeur de toute politique culturelle. D'autres intervenants de ce matin disaient que si vous n'avez pas une industrie, si vous n'avez pas le gros cadre, toute l'affaire meurt. D'autres disent que si vous n'avez pas le créateur, il n'y a pas d'industrie.

Quelqu'un d'autre à Montréal nous a dit qu'avant que nous n'allions plus loin nous devrions déterminer un système de valeurs pour notre politique culturelle. Ce matin, nous avons lancé l'idée, mais il n'y avait que très peu de preneurs. La plupart des gens estimaient que ce qu'il nous faut vraiment c'est un système, une machine qui fasse rouler les choses et qui laisse les valeurs de côté, car d'ici qu'on les définisse, tous les systèmes seront perdus de toutes façons et il n'y aura plus de culture du tout. Nous pourrions peut-être réfléchir à cela.

M. Paul Ledoux: Il n'est certainement pas sain pour un quelconque être humain de penser que sa vie se limite à son travail. Il s'agit là, je pense, d'une chose à laquelle devraient réfléchir plus de personnes qui s'occupent de culture ou de la santé de notre démocratie. Ce n'est pas de cela que je veux parler.

Même si vous ne voulez qu'examiner une stratégie industrielle, une stratégie industrielle qui place les éléments d'affaires dans une situation de contrôle total sans réellement placer l'artiste à l'intérieur de la discussion ne sera pas très porteuse. C'est parce que la personne qui est le producteur d'une grosse société cinématographique, peut-être, a un solide bagage industriel pour ce qu'elle fait, mais en l'absence de la voix de l'artiste, la politique ne sera pas équilibrée. Sans une politique équilibrée, vous allez vous retrouver avec ce que nous avons maintenant: par exemple, un grand nombre de sociétés cinématographiques canadiennes ont leur bureau de développement à Los Angeles. Si vous regardez le bulletin de nouvelles de la Writers Guild of Canada et y voyez où se trouvent les membres, vous verrez que le tiers des nouveaux membres dont la liste est donnée dans chaque numéro de cette publication vivent à Los Angeles, et cela fait partie intégrante d'une stratégie qui est sensible principalement aux producteurs et non pas aux artistes.

• 1500

Le président: Madame Hopkinson.

Mme Claire Hopkinson: Je suis vraiment heureuse que nous ayons cette conversation ici autour de la table, car il y a un très grand nombre de points intéressants sur lesquels j'aimerais revenir. Je vais néanmoins me limiter dans mes remarques.

Je trouve que cette question d'une politique culturelle n'est pas très différente, en fait, de ce qu'il nous faut pour administrer ou gérer nos entreprises. Par exemple, il se trouve au coeur de mon entreprise un engagement passionné à l'égard de l'artiste créatif canadien. C'est là le point de départ. Il nous faut nous entourer d'une excellente structure afin d'être en mesure de faire sortir l'histoire, la musique, le produit. Mais, plus important que cela, il nous faut avoir un public et il nous faut alors être en mesure de prendre cette histoire, cette merveilleuse oeuvre d'art, et de la distribuer partout au pays. Puis, à partir de là, on voudra la prendre et la livrer au marché international.

Il y a un équilibre entre notre passion, nos valeurs, notre désir de raconter des histoires canadiennes, et la nécessité d'avoir une infrastructure qui nous aide à livrer ces histoires. Je ne pense pas que les dilemmes soient si différents à une plus grande échelle, si l'on prend tout simplement cela comme paradigme.

En un sens, pour ce qui est de cette question des changements démographiques, je crois que si nous avons en place les structures—et le Conseil des arts du Canada a certainement joué un rôle énorme pour les opéras, les troupes de théâtre, de nombreuses organisations ainsi que ma société—et si nous pouvons continuer à leur donner un soutien, nous serons en mesure d'élaborer des programmes qui nous aiderons à agrandir nos publics et à en acquérir de nouveaux. Par ailleurs, au fur et à mesure que nous mûrissons en tant que pays, nos histoires refléteront les changements démographiques, car ces histoires sont séduisantes.

En réponse à la question de savoir comment notre institution va refléter les changements démographiques du pays, je dirais que nos artistes vont refléter ces changements démographiques.

Au coeur de ce que je pense au sujet de ce processus se trouve ceci: il nous faut trouver le moyen de communiquer aux députés le fait que chacun d'entre eux doit s'engager passionnément envers la culture et le patrimoine canadiens et que ce sont eux nos ambassadeurs dans cette mission. Ils peuvent également aider dans la communication de cette passion, cette passion sincère, à la population canadienne. En fait, nos institutions, comme par exemple Patrimoine Canada, doivent être dirigées par des visionnaires qui ont également une passion pour les arts et le patrimoine.

Ce sera tout pour tout de suite.

Le président: Monsieur Jamison, suivi de M. Caron.

M. Mark Jamison: Vous nous avez exposé trois thèmes—l'impact des nouvelles technologies, les changements démographiques et la mondialisation.

La réalité est qu'il n'y a aucune profession, aucun secteur, qui ne se trouve pas confronté, d'une façon ou d'une autre, à ces trois mêmes principaux thèmes. À mon sens, une vérité fondamentale qui s'applique à tous les secteurs, quels qu'ils soient—le secteur automobile, les sciences biomédicales, peu importe—est que ce sont les personnes oeuvrant au sein des entreprises actives dans ces secteurs qui sont celles qui fourniront la réponse créative au changement. Ce ne sera pas un décret du gouvernement. Ce ne sera pas un groupe de cadres qui s'occupent de questions culturelles ou autres. Ce sera le fait de personnes pleines de créativité.

L'argument est donc retourné, pour en revenir à l'idée que les fournisseurs de contenu—les techniciens de scène, les acrobates, les musiciens, les visualistes—réagiront à ces facteurs en tant que force créatrice. Ensuite, ceux d'entre nous qui nous occupons de gestion et d'infrastructure, régiront à cette réponse créative à ces trois thèmes.

Le problème actuel est que nous ne faisons pas assez pour soutenir les carrières de nos artistes et travailleurs culturels. Ils sont principalement à leur compte. Plus de 50 p. 100 des travailleurs culturels sont des indépendants. Comme je l'ai dit ce matin, ils n'émargent pas à l'assurance-emploi et n'ont donc droit à aucun des programmes de l'assurance-emploi. Encore une fois, nous donnons davantage d'argent aux fabricants de pare-choc qu'aux peintres et sculpteurs ou artistes de cinéma ou de télévision. Or, ce sont eux qui vont impulser le changement.

• 1505

En ce qui concerne la situation du secteur, je crois savoir que nous sommes celui qui connaît le plus grand taux de travailleurs indépendants. Cela signifie que nous avons quelque chose à apprendre aux autres secteurs sur le monde du travail et l'avenir du travail. Vous dites qu'il y a 20 000 nouveaux emplois dans l'informatique, et je suis pas mal sûr que 80 p. 100 de ces emplois sont contractuels. Quatre-vingt pour cent de tous ceux qui travaillent dans le cinéma sont à contrat. Ils sont travailleurs indépendants. Le problème est qu'ils ont besoin de soutien entre les engagements.

Il faut soutenir les individus pour qu'ils puissent créer, et nous autres pourrons alors les aider en cela. C'est ce qui rend notre secteur fondamentalement différent du secteur automobile ou de celui du bâtiment. Nous devons donner un soutien à ceux qui fournissent le contenu et ce doit être un élément fondamental de notre politique culturelle. C'est de qui nous permettra, je pense, de contourner tous les accords internationaux qui font que nous sommes taxés de protectionnisme. Nous avons le droit, en tant que nation, de protéger et d'aider les particuliers. Indépendamment du projet de loi C-55 ou de toutes ces autres frictions à l'échelle mondiale, le fait est que nous avons le droit de soutenir les écrivains, les musiciens et qui nous voulons à titre individuel, sans enfreindre les règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Voilà mon point de vue sur ces trois thèmes.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Caron.

M. David Caron: Je vais commencer par vous faire part de mon expérience personnelle. J'ai 30 ans. Cela fait neuf ans que je suis sorti de l'université et je travaille dans les arts. Lorsque j'ai fait mes études universitaires, c'était à un moment où nous tous voyions bien que le gouvernement se retirait. Il n'était question que de coupures ici et de coupures là et de suppressions de tel et tel programme pendant tout le temps où nous faisions nos études. Notre optique était, en gros, que nous allions nous jeter à l'eau et nous débrouiller. Nous allions faire ce que nous voulions faire, quoi qu'il arrive et sans obtenir d'aide de personne, ni du gouvernement ni de personne d'autre. C'était là notre mentalité.

Je pense que cette attitude existe encore aujourd'hui, car les gens voient bien qu'il y a un manque de volonté et un manque de vitalité au niveau des pouvoirs publics. C'est cela qu'ils recherchent. C'est pourquoi ils sont attirés par certains aspects de la culture américaine, car il y a là-bas une vitalité sur laquelle ils peuvent se brancher et qu'ils peuvent mettre à profit pour eux-mêmes.

Si nous voulons faire quelque chose ici, je pense que les gouvernements doivent s'engager de nouveau, comme ils l'ont fait avec la Commission Massey et dans les années 70 et au début des années 80. Les pouvoirs publics étaient engagés envers le Canada et sa culture. Cela n'est pas apparent aujourd'hui. Cela fait quelques années que je travaille comme administrateur et je sais qu'il y a différentes mesures en place. Mais je sais que cette perception existe toujours car j'assure la liaison avec notre comité des nouveaux membres et ces derniers sont obnubilés par la même interrogation: comment allons-nous pouvoir réaliser nos projets? Ce sont tous des projets gérés par des artistes.

On parle des nantis et des démunis dans notre société. C'est vrai également dans les arts. Il y aura des projets d'artistes démunis et des projets nantis—les grosses organisations qui reçoivent des dons importants et ce genre de choses et des projets démunis qui ne bénéficieront pas de ces mesures. Par exemple, bien que l'on réclame au gouvernement fédéral de meilleures incitations fiscales pour les dons de faible montant, rien n'a encore été fait.

Pour en revenir à la première remarque de Pat, cet engagement du gouvernement exige une réelle compréhension du rôle que le gouvernement peut jouer dans un secteur et de ce qu'il peut faire. Je conviens totalement que tout ministère devrait avoir une certaine connaissance de la culture, mais il serait naïf de croire que cela va se réaliser, que chaque ministère comprendra réellement ce que signifie travailler dans les arts et la culture.

L'une des choses qui a réellement attiré mon attention lorsque j'ai lu le document de travail final de la CCA est l'idée que le ministère du Patrimoine canadien, ou un ministère rebaptisé Culture et Patrimoine canadien, pourrait superviser la mise en oeuvre des outils du gouvernement fédéral. J'ai réellement aimé cette idée, car ce serait une façon de réellement être en prise avec le gouvernement, puis d'avoir une percolation de ce savoir vers les autres ministères.

• 1510

Par exemple, il y a un tout petit règlement en vertu de la Loi sur la citoyenneté et l'immigration, qui permet à toute troupe de 15 personnes ou plus d'entrer au Canada. Lorsque nous en avons parlé aux fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration, ils ont dit que c'est destiné à permettre la venue de troupes de renommée internationale, telles que l'Opéra de Pékin ou le Ballet Bolshoi, afin que les Canadiens puissent voir ces spectacles. Je trouve cela excellent. Mais ce qui est arrivé, c'est que des troupes semi-professionnelles américaines viennent dans les Maritimes, offrent des billets à prix réduit et enlèvent le marché local aux troupes de théâtre de la région et, par voie de conséquence, des emplois aux artistes canadiens.

Idéalement, il faudrait établir cette base de connaissances au ministère du Patrimoine canadien, qui pourrait ensuite les diffuser aux autres ministères, tels que Citoyenneté et Immigration, pour faire comprendre à ce dernier ce que ce règlement entraîne dans la réalité pour le secteur artistique.

Je m'en tiendrai là.

Le président: Je vous remercie.

Madame Havelka.

Mme Marilynn Havelka: Je voudrais dire plusieurs choses. Nous qui travaillons avec les organisations patrimoniales provinciales, nous voulons faire comprendre que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file pour la défense du patrimoine canadien. Il est extrêmement important qu'il adopte une position ferme, combinée à des programmes et règlements intégrés, pour soutenir les musées et les organisations patrimoniales canadiennes.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier dans les discussions qu'il existe de nombreuses institutions de petite et moyenne taille qui devraient également avoir un mot à dire sur la culture et la politique culturelle. Il ne faut pas oublier que certaines de ces petites organisations ont besoin de crédits de fonctionnement. Il est bel et bon d'avoir des subventions et certaines de ces initiatives interprovinciales, mais beaucoup des petites organisations ne peuvent participer à ces programmes parce qu'elles n'ont pas les moyens.

Le troisième aspect, pour en revenir à ce que disait Hamel, est l'importance de l'éducation. Une grande part de notre mandat, dans les musées et les institutions patrimoniales, est l'éducation. Bien que celle-ci relève de la compétence provinciale, le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle d'impulsion et donner l'exemple, ce qui serait une façon d'unifier le pays.

Le président: Madame McLean.

Mme Evelyn McLean: Merci. Les représentants des organisations artistiques sont ici l'écrasante majorité. Je suis historienne de l'architecture et si une chose est menacée, c'est bien ce que j'estime être la reine des arts, l'architecture patrimoniale.

Je signale que ce sont des crédits fédéraux qui ont permis de sauver à Windsor, dans l'ancienne ville de Sandwich, un palais de justice qui avait été construit par Alexander Mackenzie, le deuxième premier ministre du Canada. Rien que cela devrait suffire à ériger ce bâtiment au rang de site historique national, car il reste très peu de bâtiments de cette sorte dans le pays, et aucun que je connaisse. C'est grâce à l'intervention de trois députés de la partie sud de notre pays, le solarium du Canada, que nous avons reçu 500 000 $ et quelques pour restaurer ce merveilleux palais de justice en pierre, dont le gouvernement provincial voulait se débarrasser. Sans cet argent, la ville de Windsor ne se serait jamais laissée convaincre d'acheter le bâtiment, qui était considéré comme un fardeau à cause des frais d'entretien, bien entendu.

Il est donc très important que le gouvernement fédéral maintienne un certain niveau de financement, que ce soit sous forme de prêts à faible taux d'intérêt, car nous semblons être en période d'austérité, ou sous forme de subventions plus généreuses qui permettraient d'employer des travailleurs dans la restauration des bâtiments historiques.

• 1515

Un autre aspect important est qu'il ne semble pas exister de politique fédérale de conservation architecturale. Je sais qu'il y en a une, mais elle est très peu visible et semble négliger les intérêts des provinces ou de diverses petites enclaves à l'intérieur de ces provinces.

Aux États-Unis—et j'ai presque peur de les nommer car on les traîne un peu dans la boue ici—il y a une Fondation nationale pour la préservation historique. Cette volonté de conserver les sites d'intérêt historique national est un énorme atout pour le tourisme, et les locaux eux-mêmes, qui sont très fiers de leurs sites historiques, en font la promotion presque jusqu'à la nausée. Chez nous, nous faisons preuve d'une grande timidité s'agissant de conserver ces bâtiments, qui coûtent certes cher à restaurer, mais sans lesquels nous perdons notre mémoire collective. Ils sont nos repères. Bien souvent, ce sont les bâtiments qui abritent les arts. Ce sont les bâtiments sans lesquels nous n'aurions pas des paysages urbains variés.

J'espère, par notre participation aujourd'hui, semer au moins une petite graine, faire comprendre au gouvernement fédéral qu'il devrait agir de façon beaucoup plus visible et directe pour la conservation des bâtiments historiques dans tout le pays, indépendamment du financement apporté par les organismes gouvernementaux provinciaux.

Je m'inquiète également de voir toutes les suppressions de postes à cause des coupures budgétaires. J'ai du mal à admettre que l'on supprime les postes de ceux qui travaillent au développement des programmes culturels en faveur d'un magazine en couleur et sur papier glacé, qui est bien joli mais qui ne donne pas de renseignements pratiques. Je ne sais combien ce magazine coûte au contribuable, mais ce doit être une jolie somme, et je ne peux m'empêcher de penser que si nous payons tout cet argent pour un tel magazine, il devrait nous apporter des choses un peu plus concrètes et pas seulement des belles images. C'est un magazine de glorification, et ce n'est pas un mal, mais si l'on va publier un tel magazine, autant qu'il traite de questions pratiques que les gens un peu partout dans le pays se posent et pour lesquels ils ont du mal à trouver des réponses.

Comme je le dis, j'ai l'impression d'être un pétunia solitaire dans un carré d'oignons, ou l'oignon solitaire dans un carré de pétunias en l'occurrence, car l'architecture historique n'est guère représentée ici. Mais il faut faire quelque chose pour conserver nos sites importants.

Le président: Merci beaucoup, madame Mme McLean.

Monsieur Ma.

[Français]

M. Jonas Ma (directeur général national, Conseil national des Canadiens chinois): Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être arrivé en retard, mais on ne m'a transmis votre invitation à assister à cette table ronde que cette semaine. Je suis heureux de pouvoir y participer.

[Traduction]

Je suis probablement le seul membre d'une minorité visible à cette table. Je suis Jonas Ma, du Conseil national des Canadiens chinois. Notre conseil compte 30 sections locales dans tout le pays, d'une côte à l'autre, et notre mandat est de promouvoir l'égalité des chances et la pleine participation des sino-Canadiens à tous les secteurs de la société, y compris les arts.

J'aimerais traiter de la question démographique et porter quelques statistiques à l'attention du comité.

Selon le recensement de 1996, la population de notre pays devient de plus en plus diversifiée, comme M. Docter l'a mentionné. Je mentionnerai simplement trois provinces en particulier et la proportion de minorités visibles dans ces trois provinces. Au Québec, elle est de 5 p. 100, en Ontario elle est un peu supérieure à 10 p. 100 et en Colombie-Britannique elle est de 18 p. 100. Selon une étude menée par un cabinet, ces chiffres vont doubler d'ici l'an 2006.

• 1520

La communauté chinoise, selon les dernières statistiques, est forte d'environ 900 000 personnes au Canada, dont environ 400 000 en Ontario et 300 000 en Colombie-Britannique. Encore une fois, ce chiffre atteindra un million ou même plus en 1999. Cela vous donne une idée de l'évolution de la composition démographique de notre population.

Ceux d'entre vous qui travaillent dans les industries culturelles se demandent peut-être qui est leur auditoire, et je pense que les minorités sont un élément en croissance auquel vous devrez prêter attention.

Notre conseil se concentre sur les questions de politique et je dois avouer que nous n'avons pas été très actifs dans le domaine des arts et de la culture. Je suis heureux d'avoir cette occasion aujourd'hui de commencer. Malheureusement, nous n'avons pas pu consulter nos sections locales en prévision de cette participation, mais je peux vous expliquer certaines choses que nous avons faites par le passé.

Les médias sont l'un des éléments très cruciaux de la culture et le canal de l'expression culturelle. Dans nos interventions auprès du CRTC l'an dernier et au début de cette année, nous avons parlé du manque de représentation et de ce que l'on pourrait appeler l'invisibilité des minorités visibles dans les médias. Nous considérons que cela entraîne de très graves conséquences, non seulement pour l'identité culturelle de notre nation mais aussi pour les membres de la population qui s'estiment exclus et oubliés des médias. Dans notre intervention, nous recommandions qu'il y ait des lignes directrices et des directives plus claires en vue de mieux refléter la diversité et nous recommandions également un soutien pour les artistes des minorités qui veulent parler avec leur propre voix, exprimer leur identité particulière, de la même façon que l'ONF a créé le Studio D pour donner une voix aux femmes et expression à la perspective des femmes.

Pour le peu que je sache, le Royaume-Uni soutient les artistes minoritaires, particulièrement Channel 4, et nous avons vu quelques oeuvres merveilleuses reflétant la perspective minoritaire produite par cette chaîne en Angleterre.

Nous avons organisé une conférence sur les arts en 1995 et je vais vous faire part de certaines des recommandations qui y ont été adoptées. C'est une conférence que nous avons organisée à Vancouver et qui regroupait une soixantaine d'artistes canadiens d'origine chinoise, qui ont échangé des idées et fait le point de l'art chinois canadien, des difficultés que rencontrent ces artistes et de ce que nous pouvons faire pour surmonter certaines de ces difficultés.

J'en citerai quelques-unes très brièvement. Il y a le sentiment chez les artistes sino-canadiens qu'ils sont totalement ignorés, et par la société générale et même par notre propre communauté. Lorsqu'on songe à l'art chinois, on songe toujours à l'art traditionnel comme l'Opéra de Pékin, la musique chinoise, les danses folkloriques et autres, mais pour ceux qui grandissent ici, pour la deuxième génération, ils ne se reconnaissent pas dans cette culture. C'est la culture de leurs parents, peut-être, mais pas la leur. Ils cherchent à se forger une identité, à créer une expression propre et qui est proprement canadienne. Ils ne s'identifient pas nécessairement à ce qu'ils voient sur CBC, ou à l'opéra ou au théâtre, car ces oeuvres ne reflètent pas beaucoup de diversité.

Ils éprouvent le besoin de créer leurs propres formes d'art pour exprimer leur vécu dans ce pays. Les artistes, tant interprètes que visualistes, éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des fonds et des espaces d'exposition, à cause de cette marginalisation. Il y a également un manque de soutien au sein de notre collectivité. Nous devons faire plus dans notre collectivité pour les appuyer, pour leur offrir une structure d'accueil. Nombre d'entre eux se tournent vers les modèles américains. Il y a beaucoup d'artistes américains asiatiques qui semblent recevoir davantage d'appui de leur collectivité et de la société en général.

• 1525

C'est une autre chose que nous avons remarqué chez nos jeunes. Nombre d'entre eux sont très intéressés à trouver une expression artistique pour exprimer leur vécu. Ils sont nombreux à lire des magazines ou à regarder des vidéos produites par des artistes asiatiques américains. J'ai l'impression que nous devrions faire quelque chose pour eux et vous pourrez peut-être vous identifier à cela et parrainer ce genre de choses.

Je vais vous donner un exemple de choses qui se font ici. Notre conseil a un petit comité de la jeunesse et il voulait organiser un atelier pour discuter de problèmes et de préoccupations d'actualité. Ils ont décidé d'organiser un atelier de théâtre populaire, ils ont invité un expert la fin de semaine dernière pour les aider à explorer certaines des choses qu'ils ressentent en tant qu'immigrants de deuxième génération ici, au Canada. C'était une expérience merveilleuse où l'art a été le véhicule pour exprimer quantité de choses, d'exploration d'eux-mêmes. Je pense donc que l'art peut être très utile, même sur ce plan.

Mme McLean vient de parler du patrimoine architectural. Je considère, moi aussi, qu'il faudrait préserver notre patrimoine architectural. J'ajouterais simplement qu'il faudrait y englober le patrimoine des différentes cultures. Par exemple, dans le quartier chinois de Vancouver, il y a quantité de bâtiments historiques remontant aux origines de la ville, et personne ne semble les remarquer ou vouloir les préserver. Je crois savoir que certains membres de notre collectivité commencent à travailler là-dessus. Cela devrait faire partie du plan de préservation du patrimoine architectural. Je sais que San Francisco a énormément fait pour préserver et promouvoir son quartier chinois. Je pense que des villes comme Vancouver, Toronto et Montréal ont des quartiers chinois imprégnés d'histoires qu'il faudrait également préserver et promouvoir.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Avant de donner la parole à M. Docter, celui-ci a judicieusement fait remarquer que notre culture, jusqu'à présent, était principalement européenne et, bien entendu, influencée ces derniers temps par le modèle américain. Mais il y a aussi un large segment de population appartenant à des cultures autres.

Dans 20 ans, où un jeune sino-Canadien ira-t-il au théâtre? Ira-t-il dans un théâtre du type actuel ou bien pensez-vous qu'il retournera à ses racines et recherchera le modèle traditionnel? Qu'en est-il des jeunes Chinois de Vancouver, par comparaison aux générations précédentes d'immigrants chinois? À quoi réagissent-ils?

M. Jonas Ma: C'est une question dont nous avons discutée au forum. Nous n'avons pas discuté de la manière dont les jeunes sino-Canadiens aborderont les formes artistiques européennes traditionnelles, mais ce sera peut-être similaire à la manière dont ils voient les arts chinois traditionnels. Certains ne les comprennent pas réellement, et d'autres estiment que c'est quelque chose qui est réservé à leurs parents. Lorsqu'ils mûrissent, certains commencent à ressentir qu'ils sont une partie d'eux-mêmes, même s'ils ne les comprennent pas totalement, et veulent les explorer. Ils ne veulent pas les reproduire totalement, mais ils veulent s'inspirer de ces formes traditionnelles et se les approprier.

J'ai l'impression qu'ils aborderont l'opéra et l'art européen de la même manière, comme faisant partie de la culture canadienne, car ce sont majoritairement les Européens qui ont édifié ce pays, et c'est quelque chose qui est partie intégrante de la culture canadienne. Je pense donc qu'ils vont puiser en partie dans les traditions européennes, mais sans les reproduire. Ils créeront quelque chose d'original.

On voit également apparaître une culture des jeunes, une culture mondiale. Les gens voyagent beaucoup et sont influencés de toutes parts. Ils vont donc puiser un peu partout. Ce sera quelque chose d'original, à tel point que l'on pourra dire: «Ceci est canadien ou sino-canadien». Ce sera une expression de leur milieu ici. Ce sera un mélange qui ne sera pas entièrement identique à l'art asiatique américain ou asiatique australien; ce sera asiatique canadien. Je pense donc que ce sera quelque chose de nouveau et nous ne pouvons prédire ce que ce sera. Nous devrions les aider à le créer.

• 1530

Le président: Monsieur Docter.

M. Hamel Docter: Dommage que ce soit l'hiver.

Le président: Je vous que vous souriez. Avez-vous la solution?

M. Hamel Docter: Je n'ai pas toutes les solutions, monsieur Lincoln. Mais je suis ravi de voir à la table quelqu'un d'autre d'une communauté multiculturelle. Je représente ici une troupe théâtrale multiculturelle. L'été, je pense que mon multiculturalisme est beaucoup plus visible, car mon bronzage revient et je participe à la fête caribéenne ici, à Toronto.

Pour ce qui est de l'art traditionnel, par opposition à l'art canadien, le directeur artistique de la troupe pour laquelle je travaille, Cahoots Theatre Projects, et moi-même avons quantité de discussions sur la manière dont les première, deuxième et troisième générations abordent la culture canadienne. Nous planifions une saison autour de ce thème, qui va explorer la première génération. Nous espérons monter trois ateliers de trois pièces.

La première génération s'accroche très fort à ses racines. C'est normal et s'explique très bien. On arrive dans une culture totalement étrangère et—c'est très évident à Toronto—on se retrouve avec diverses diasporas qui s'accrochent à leur culture. Je trouve que c'est merveilleux dans une certaine mesure, mais il y a également un risque de ghettoïsation et de marginalisation, et nous en traitons.

Ceux de la deuxième génération—et j'appartiens à cette catégorie en ce sens que mes parents étaient immigrants—cherchent à conserver une partie des racines de leurs parents tout en essayant de se familiariser avec cette culture canadienne. La culture canadienne est merveilleuse et dans mon expérience—celle des artistes qui ont à peu près mon âge et sont de deuxième génération—nous finissons par essayer de créer quelque chose que l'on appelle fusion. On prend une partie des racines traditionnelles de ses parents et on les fusionne avec les traditions européennes. C'est ainsi que l'on se retrouve avec la danse moderne; on se retrouve avec le théâtre butoh dans la danse, et c'est merveilleux. Vous obtenez ces merveilleux métissages et beaucoup d'ateliers travaillent là-dessus et c'est une chose que nous explorons.

Que veulent-ils? C'est réellement la grande question. Ce qui fait peur, c'est que dans la troisième génération, David et moi observons deux réactions. Soit on se retranche complètement de sa culture traditionnelle, soit on s'accroche encore plus fort à ses racines. Avec la diversification de la population canadienne, il sera intéressant de voir comment les première, deuxième et troisième générations approcheront le changement et la culture eurocentrique.

Chaque fois qu'il est question de multiculturalisme, la plupart des gens se sentent un peu dépassés car, tout d'un coup, on leur demande, selon une perspective eurocentrique, de comprendre la culture chinoise ou la culture caribéenne et je peux vous dire pratiquement que vous ne la comprendrez pas tout de suite. Cela exige une connaissance et une familiarisation.

Prenez par exemple les organes de financement. Vous avez un jury essayant d'évaluer une pièce chinoise. Franchement, ils ne pourront pas la comprendre entièrement. Je viens de terminer une pièce trinidadienne et elle était superbe. Nous avons cherché à faire participer la collectivité. Nous avions un plan de promotion ciblé, et c'était merveilleux car notre taux de remplissage était de 150 p. 100. J'étais ravi de l'affluence et c'était parce que nous avions ciblé notre collectivité.

Mais pour en revenir à ce que je disais, le jury ne comprendra pas entièrement la pièce. J'avais un théâtre rempli d'un auditoire caribéen, qui comprenait parfaitement la tension raciale dans les Caraïbes et la métaphore et la nature poétique de la pièce. Un Canadien qui n'a presque jamais été exposé à la culture caribéenne ne saisirait pas complètement. Aussi, comment un jury pourrait-il apprécier cela, sans parler des responsables politiques ou quelqu'un de culture exclusivement européenne?

• 1535

J'espère voir une évolution accompagnant la diversification culturelle. Vous avez cité quelques statistiques et j'en avais mentionné une moi aussi. Il ne s'agit pas d'exclure une culture au profit de l'autre ni même d'établir un double système, car la concurrence devient très féroce dans les arts. Je n'oublierai jamais la fois où quelqu'un m'a demandé si ma troupe avait été mise sur pied cette année-là—et je pense que c'était en 1993. Je lui ai dit que Cahoots existait depuis 12 ans. Il a dit que si l'on n'était pas multiculturel, cette année-là, on ne pouvait obtenir d'augmentation, ni rien du genre. C'était un peu drôle, mais il y a cette tension qui a été engendrée au sein des milieux artistiques. Je trouve que c'est très malsain.

J'aimerais voir élaborer une sorte de modèle double. Par exemple, le Conseil des arts procède par évaluation par les pairs, mais qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que «évaluation par les pairs» signifie qu'un autre artiste de théâtre vient voir mon travail dans ma salle, ou bien est-ce quelqu'un qui comprend les valeurs culturelles d'une pièce qui va l'évaluer? Encore une fois, c'est une question fondamentale qu'il faudra aborder. C'est à cela que je voulais en venir.

Le président: Très bien, je vous remercie.

Madame Gardner.

Mme Jane Gardner: J'aimerais faire trois remarques générales.

Je suis une artiste qui a voyagé partout comme administratrice, comme responsable du marketing, comme quelqu'un qui ne connaît pas de frontières, qui a vécu dans cinq pays différents au cours des quinze dernières années tout en travaillant pour diverses troupes. Lorsque nous nous adressons à votre comité permanent, des gens comme moi portent quantité de chapeaux, du point de vue de leur carrière.

L'une des choses que nous avons constatées sont certainement les changements au niveau des crédits disponibles. Il y a eu un changement dans le capital humain disponible au ministère du Patrimoine canadien. Pour ce qui est de ce que nous attendons de votre comité permanent, nous souhaitons qu'il élabore une politique culturelle stratégique qui oriente les crédits et les ressources humaines disponibles au sein du ministère vers un plan stratégique précis.

L'une des choses qui compte énormément pour nous, en tant que groupe et en tant qu'individus qui nous déplaçons à travers le pays, est l'importance des organisations de service aux arts, s'agissant d'édifier une capacité, tant pour nous individuellement au début de nos carrières que dans notre apprentissage ultérieur pour nous permettre de remplir des fonctions nouvelles: directeur général, publiciste, tout ce que vous voudrez. C'est le soutien que nous trouvons dans les organisations de services aux arts qui nous permet de devenir plus compétents. Nous jugeons l'investissement stratégique dans ces organisations comme absolument vital. C'est une chose qu'il faut préserver et qui doit être érigé en politique nationale par votre comité.

Le rôle de la Conférence canadienne des arts est également très important pour nous, du point de vue des politiques qu'elle a élaborées pour le XXIe siècle. Il y a là des idées fantastiques qui sont un excellent point de départ pour un débat. Vous pourriez peut-être considérer certaines de ces politiques, au lieu de créer une commission royale. Elle a déjà fait une partie de votre travail, et vous pourriez choisir dans ses idées celles que vous voulez ériger en stratégie pour l'avenir.

Lorsque nous parlons d'édifier une capacité, tout ce que nous voulons c'est parvenir à l'excellence dans ce que nous faisons. Nous avons grande foi en nos institutions de formation nationales, des organisations comme l'École nationale du ballet, des organisations nationales qui se consacrent à former les jeunes. Ces dernières années, les politiques de financement de ces organisations ont été marquées par l'instabilité. Nous aimerions réellement savoir à quoi nous en tenir. Aimeriez-vous que les artistes se forment eux-mêmes dans leur province et le fassent de manière indépendante par le biais d'organisations comme celle que Mark a suggérée, un conseil des carrières culturelles? Ou bien préférez-vous investir à l'échelle nationale dans des institutions de formation spécifiques qui ont produit des artistes extraordinaires, telles que l'École national du théâtre? C'est là le genre d'organisations et d'institutions dont nous, les artistes qui vivons un peu partout dans le pays, attendons qu'elles nous fournissent des diplômés.

• 1540

Si je puis plaider pour un débat autour de l'édification d'une capacité pour les générations suivantes, ce sont là des rôles de leadership très importants que le gouvernement fédéral peut jouer, s'agissant d'assurer l'excellence et des normes de qualité élevées, sans entrer dans le débat politique sur ce que les provinces ou les municipalités vont faire. C'est cette construction d'une capacité qui sert les artistes, lesquels ne connaissent pas de frontières, qui vont sauter d'une province à l'autre pour parvenir à l'excellence dans le travail qu'ils font, car c'est réellement à cela que nous aspirons, nous les artistes.

Le président: Je vous remercie.

Madame Hopkinson.

Mme Claire Hopkinson: J'aimerais revenir à ce que M. Ma a dit tout à l'heure, et aussi approuver mon ami, Hamel.

En ce qui concerne le changement démographique, il est très important que nous ayons en place des programmes pour donner un meilleur accès aux artistes qui se sentent exclus. Mais il ne faut pas ghettoïser ces programmes. Je pense que le Toronto Arts Council, avec un très petit budget, a bien réussi, dans la mesure de ses moyens, à s'adapter à la transformation démographique de Toronto et à tendre la main aux minorités.

On en revient à une question de crédits, car on ne peut pas et on ne doit pas fragiliser les organisations mûres qui se sont développées au Canada au cours des 50 dernières années. Ce sont des organisations, des institutions, des troupes très importantes, qui vont depuis les très petites troupes de théâtre qui survivent depuis 30 ans, jusqu'à nos plus grandes institutions. Elles jouent un rôle très important. Par exemple, l'une des meilleures pièces de théâtre que j'ai jamais vues est celle de Robert Lepage, La trilogie du dragon. C'était réellement une inspiration. Voilà un artiste canadien-français qui écrit sur le quartier chinois de Montréal. Évidemment, cette pièce a fait le tour du monde.

Je considère ce changement démographique comme une opportunité fantastique, mais il faut aussi disposer de crédits pour la saisir. Dans mon cas, ma troupe travaille depuis quatre ans avec le compositeur Chan Khan In en vue de composer un opéra sino-canadien sur la construction du chemin de fer. Nous ne pourrions produire cet opéra sans les crédits nouveaux provenant du Fonds du millénaire. Je crois savoir que l'Opéra de Vancouver travaille également avec des artistes autochtones à un opéra, si bien que nous avons là des institutions que vous pourriez qualifier de traditionnelles qui travaillent fort pour créer de grandes oeuvres, car c'est de ces milieux que viennent les grandes histoires.

Accompagner cette évolution démographique est un voyage passionnant pour ma troupe, et c'est probablement vrai pour pas mal d'autres. Cependant, cela exige du temps et des crédits supplémentaires.

Je vous remercie.

Le président: Madame Denunzio.

Mme Rosemarie Denunzio: J'aimerais changer de braquet et parler d'archéologie. En fait, ce n'est pas réellement un changement de braquet, car nous sommes les acteurs, nous sommes les militants et nous avons même le public qui veut venir travailler avec nous dans les sites archéologiques parce qu'ils trouvent que c'est amusant et qu'ils pensent savoir faire. Nous avons également à connaître des musées—car c'est là qu'aboutissent bon nombre des objets—, de l'interprétation du patrimoine canadien et également du multiculturalisme. Peu nous importe l'origine des vestiges, nous les déterrons de toute façon. Et plus ils sont vieux, et mieux cela vaut, si vous parlez de démographie. Voilà un petit message publicitaire pour me regonfler. Je suis fatiguée, j'ai passé trop de temps dans le train.

Quoiqu'il en soit, j'aimerais parler un peu d'autre chose que de politique. En archéologie, le gouvernement fédéral travaille sur la politique depuis au point 30 ans. Nous avons toute la politique qu'il nous faut. À ce stade, la politique n'est pas réellement mauvaise. Elle est un peu vague par endroit, mais nous pouvons nous en accommoder. C'est l'application de la politique qui fait réellement défaut.

À cet égard, j'aimerais aborder des aspects tout à fait concrets. Premièrement, Parcs Canada est responsable des sites archéologiques sur tous les terrains fédéraux: les parcs nationaux, des choses comme les forts militaires, les sites patrimoniaux naturels, les forêts domaniales, les bâtiments publics avec des dalles de béton qui recouvrent maintenant le sol. Peu importe, ces lieux sont importants.

• 1545

Oui, la politique existe voulant que des fouilles archéologiques soient entreprises si des travaux vont être effectués sur ces terrains. Le problème aujourd'hui, avec seulement cinq archéologues restants chez Parcs Canada pour couvrir toute la province—je crois que 43 ont été mis à pied au milieu des années 80—est qu'ils ont maintenant dix années de retard sur le plan de la rédaction des rapports, de l'analyse et de l'interprétation des fouilles entreprises—dix années de retard. Ce serait atroce dans tout autre organisme scientifique, ou n'importe où d'autre.

Le problème à Parcs Canada, en ce moment, est que personne n'est là pour prendre la relève lorsque ces gens vont partir à la retraite. Ils prendront leur retraite dans les 10 à 12 prochaines années. Qui va donc faire ce travail, s'ils ont déjà dix ans de retard? Dans 10 ans, qui va rattraper ces 10 ans de retard? J'y vois un problème majeur.

Cela m'amène également à la coordination interministérielle au niveau du gouvernement fédéral, au problème de l'application de la loi sur l'import-export des objets culturels, lesquels franchissent sans entrave la frontière entre Windsor et Détroit. C'est souvent moi qui doit renseigner les garde-frontières, qui ne savent même pas que cette loi existe. Lorsque je me rendais à la Wayne State University à Détroit, d'abord pour ma maîtrise puis ensuite pour enseigner pendant un an, ils m'arrêtaient sans cesse. Une fois qu'ils savent que vous êtes archéologue, ils vous gardent pendant une heure, juste pour parler, car le sujet les intéresse. Ils ne connaissaient pas l'existence de cette loi. Eh bien, ils la connaissent maintenant, mais uniquement à Windsor.

Il faut donc une application plus rigoureuse. Il faudrait également un partenariat entre les organismes locaux en matière de patrimoine et le niveau national, fédéral, car souvent les sites importants pour une localité sont également d'importance nationale. Pour répondre à Hamel au sujet de l'ignorance de l'histoire par les étudiants, je cite souvent la publicité pour une marque de bière sur CBC, où l'on parle des voyageurs, et c'est la première fois qu'ils entendent parler des voyageurs.

Vous serez intéressés de savoir que, lorsque j'enseignais à la Wayne State University, les étudiants non plus n'y connaissaient pas leur histoire. Êtes-vous contents de l'apprendre? Ils sont dans le même bateau.

M. Hamel Docter: Non, je ne suis pas content de l'apprendre.

Mme Rosemarie Denunzio: Vous savez, une fois que vous éveillez leur intérêt, vous les tenez, et vous conservez leur attention. Lorsque nous faisons des fouilles archéologiques, nous n'arrivons jamais à faire notre travail parce que les gens sont tellement ravis de nous regarder et demandent pourquoi nous n'en faisons pas plus. Eh bien, parce qu'il n'y a pas d'argent. Mais, pourquoi pas? Est-ce que le gouvernement fédéral ne vous donne pas d'argent? Eh bien, non.

Voilà donc un problème différent que je vous soumets. J'espère qu'il en sortira quelque chose.

Le président: Je vous remercie.

Avant de donner la parole à M. Jekyll, je pense qu'il serait bon à ce stade, puisque nous n'avons plus qu'une heure et qu'il y a un grand nombre de personnes dans la salle qui sont venues et qui font preuve de beaucoup d'intérêt et de patience, de leur donner la parole, si certains veulent exprimer des avis au panel ou aux membres du comité.

Monsieur Jekyll, nous allons commencer par vous, et ensuite nous donnerons la parole aux gens dans la salle.

M. Robert Jekyll: Lorsque nous parlons du secteur culturel, nous parlons en fait aussi d'un certain nombre de sous-secteurs. Je représente le sous-secteur des métiers d'art ici. À ce titre, je représente quelque 18 000 artisans professionnels de tout le pays. Je suis sûr qu'ils tiennent à conserver une place à la table lorsque des dialogues comme celui-ci se déroulent au sujet de la politique culturelle pour le XXIe siècle.

• 1550

Je crains beaucoup que ce soit un dispositif très fragile. David a parlé des nantis et des démunis. Le Conseil canadien des métiers d'art a été financé par Patrimoine Canada pendant une vingtaine d'années. En 1996, les crédits se sont taris. Depuis lors, l'organisation est administrée entièrement par des bénévoles. La Fédération canadienne des métiers d'art, qui l'a remplacée, est une structure beaucoup plus légère et fonctionne exclusivement avec des bénévoles.

Cela ne peut pas durer. Nous ne pouvons garantir que notre secteur soit représenté aux tables nationales comme celle-ci sans un minimum de financement. Je ne sais combien de représentants présents ici aujourd'hui se trouvent dans notre situation, mais je pense qu'une condition nécessaire d'un dialogue sérieux sur la politique culturelle serait que chacun des secteurs dispose d'un financement minimal afin d'être assuré d'être représenté à la table.

Ce que nous demandons est extrêmement modeste. Nous avons besoin d'un employé et d'un peu d'aide pour créer un site Internet. Au total, cela représente probablement un tout petit pourcentage du budget d'autres organisations ou d'autres secteurs.

Je pense qu'il y a là une fragmentation à l'intérieur de la collectivité artistique qu'il faut rectifier afin que tout le monde ait une possibilité égale d'être représenté devant le gouvernement fédéral, faute de quoi ce dialogue ne pourra être approfondi. Je crains qu'il y ait des secteurs qui seront tellement sous-représentés que vous n'en entendrez presque pas parler. La principale raison de ma présence ici est de vous faire part de la situation extrêmement pénible que vivent 18 000 professionnels à travers le pays.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jekyll.

À ce stade, j'ai pensé qu'il serait bien de mettre ces deux micros à la disposition des nombreux citoyens de Toronto qui sont venus écouter. Je dois préciser que nous sommes un comité de la Chambre des communes. Nous ne représentons pas réellement le gouvernement en tant que tel. Nous nous sommes octroyé ce mandat nous-mêmes, avec des ressources très limitées, pour tenter d'examiner ce que devrait être à l'avenir le rôle du gouvernement fédéral à l'égard de la culture canadienne, de façon à rédiger un rapport qui lui-même fera pression sur le gouvernement pour agir dans un sens ou dans l'autre, espérant qu'il reprendra les recommandations que nous formulerons après vous avoir écoutés.

Que pouvez-vous nous dire? N'hésitez pas, les deux micros sont là et la parole est à vous. Je vois une ruée sur les micros.

Dites-vous que nous devrions poursuivre le dialogue entre nous et que vous vous contenterez d'écouter? Il serait bon d'entendre vos avis, si vous voulez nous en faire part. Très bien, si vous changez d'avis, faites-nous le savoir.

Ah, voilà. Il faut toujours un premier.

M. John Reid (témoignage à titre personnel): Je me nomme John Reid.

Le président: John, vous avez un micro pour vous seul. Il y a beaucoup de gens dans la salle et il nous reste une heure. Vous n'avez pas toute l'heure pour vous, juste un micro.

M. John Reid: Non, je serai bref.

Je suis le directeur régional pour les Prairies du Centre de musique canadienne, basé à Calgary. Je prends peur lorsque j'entends certains partis politiques parler de culture en... je pense que leur mot clé est «autosuffisance», c'est-à-dire qu'ils présument que les organisations culturelles peuvent exister sur une base commerciale. Cela m'inquiète, car ceux qui ont ce genre de discours ignorent que les artistes ayant atteint un certain niveau de célébrité ont bénéficié de tout un réseau de soutien de la part de tous les paliers de gouvernement—provincial, fédéral et municipal. Il est tout à fait fallacieux de penser que la culture et les arts pourraient devenir autosuffisants dans l'avenir prévisible. Une aide financière conséquente du gouvernement fédéral pour la culture et les arts est indispensable aujourd'hui et le sera à l'avenir.

• 1555

Je m'inquiète lorsque j'entends ce genre de discours. J'ai l'impression que les partis d'opposition, aujourd'hui et depuis quelque temps, en ont réellement fait leur cri de ralliement et, dans une certaine mesure, notre gouvernement a cédé à cette pression, particulièrement en amputant le budget de la SRC, bien qu'il soit agréable de voir qu'une partie des crédits du Conseil des arts a été rétablie. Mais je veux exhorter le comité à se prononcer haut et fort en faveur du maintien et de l'augmentation de l'aide financière à la culture et aux arts.

Le président: John, je pense que vous venez de lancer un débat. Il y a ici trois membres des partis d'opposition. Ils ne sont peut-être pas d'accord avec vous. L'un a déjà levé la main, M. Mark, et le numéro deux vient de le faire.

M. Inky Mark: Je vous remercie, monsieur le président.

En réponse à cette intervention de l'auditoire, nous avons entendu des témoins tout au long de ces quatre derniers jours qui nous ont rappelé que le modèle commercial n'est pas toujours adapté à la culture. Je pense que tout le monde autour de la table en est probablement d'accord. Nous comprenons cela. C'est l'avantage d'aller rencontrer les gens et d'écouter ce qu'ils ont à dire.

Mon autre remarque concerne le soutien à nos institutions nationales. Celles-ci ont beaucoup de partisans, par exemple notre École nationale de ballet, et la raison en est l'impératif de l'excellence. C'est ce qu'il nous faut promouvoir. Si la culture doit être facteur de richesse, alors il faut qu'elle soit de haute qualité, sinon il ne sera pas possible de l'exporter, c'est-à-dire d'exporter pas seulement un produit mais aussi notre patrimoine. Le soutien que rencontre la SRC est immense. Partout où nous sommes allés, les gens nous ont dit qu'il faut donner plus à la SRC, car elle est un reflet du pays d'un océan à l'autre et d'une côte à l'autre.

Aussi, quoique vous ayez entendu, les députés ici sont probablement partisans d'aider la culture. Vu que nous sommes un jeune pays, historiquement, je pense que le gouvernement doit investir. En tant que député d'opposition, je conçois cela comme un investissement plutôt que comme une subvention.

Le président: Voilà, John. Vous venez d'avoir votre premier vote de soutien de l'opposition.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Au cours des cinq dernières années, le Bloc québécois, malgré son option idéologique au plan politique, a probablement été le parti qui s'est le plus levé en Chambre pour défendre la culture canadienne. On ne s'est pas gênés pour collaborer très étroitement avec le Parti libéral lorsqu'il s'est agi de sauver Radio-Canada en 1994 et 1995. Nous avons jugé que les coupures étaient allées trop loin. Il y avait sans doute un besoin de faire un peu de ménage du côté de Radio-Canada parce qu'il y avait vraiment du gras et que, compte tenu du déficit qu'on avait, tout le monde devait faire sa part, mais nous croyons que les réductions ont été trop fortes dans le domaine de la culture. Toutes proportions gardées, c'est le ministère où il y a eu le plus de coupures. Si M. Martin pouvait arrêter de cacher les surplus, on pourrait peut-être trouver un peu d'argent à remettre dans la culture. C'est sûr que nous avons de grosses luttes à faire.

Je crois me souvenir que c'est mon jeune ami en face, que j'ai d'abord connu comme page à la Chambre des communes, qui disait qu'on manquait de commitment. C'est ce mot que j'ai noté parce que je pense que c'est un peu cela. Il faut croire dans la culture.

J'ai eu des échos de ce qui s'est passé dans l'Ouest par l'un de mes collègues du Bloc québécois, qui participe à ce voyage. Il me disait qu'en Saskatchewan, quelqu'un avait dit: Au Canada, pour vivre, il faut de l'eau, de l'air et de la nourriture; au Québec, il faut de l'eau, de l'air, de la nourriture et de la culture.

• 1600

En toute humilité, j'aimerais dire que si le Canada pouvait regarder un peu la façon dont le Québec s'est comporté pour protéger sa culture et la défendre, il pourrait s'en inspirer un peu et faire la même chose pour le Canada par rapport aux États-Unis. Cela fonctionnerait.

[Traduction]

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Moi aussi, j'ai quelque chose à dire.

Le président: Vous voyez, c'était une excellente idée d'ouvrir les micros dans la salle. John a lancé un mouvement.

Mme Wendy Lill: Je suis la critique pour la culture du Nouveau parti démocratique. Je suis ici parce que j'étais auteur de pièces de théâtre et je menais une vie réellement agréable, mais j'ai été très alarmée de voir les coupures infligées à la SRC et au Conseil des arts et de voir se ratatiner notre engagement envers la culture. Réellement, c'est la seule raison de ma présence ici, de même que les coups de hache portés dans les services aux enfants handicapés. Je dirais que les Néo-Démocrates étaient les piliers du soutien à la SRC depuis les tout débuts et nous nous sommes battus bec et ongles contre l'AMI et nous nous battons pour le projet de loi C-55.

Je suis très préoccupée par la situation de notre industrie des magazines et de l'édition. Nous parlons ici de sujets très spécifiques, mais il est des enjeux plus larges dont il n'est guère question, l'un étant le fait que nous sommes une culture occupée. C'est ma position, et plus radicaux seront les changements apportés et plus audacieuses les initiatives du gouvernement fédéral pour reconquérir notre culture pour nos artistes, et mieux cela vaudra. Cela englobe des modifications à la Loi sur la concurrence et la renégociation des traités commerciaux, tout comme faire en sorte que l'AMI ne revoie jamais le jour. Je pense que vous pouvez être assurés que le NPD se bat sur le front culturel pour les Canadiens et j'espère que vous en êtes persuadés.

Le président: Il est très important que vous tous, dans le public, sachiez que la politique est un monde étrange, où nous nous entendons très bien au-delà des frontières partisanes; mais ensuite, on nous assoit sur des gradins opposés et un côté vote oui et l'autre côté vote non. Dans les comités permanents, très souvent ces barrières semblent s'effacer, beaucoup plus qu'à la Chambre des communes.

Au Comité du patrimoine canadien, nous avons réellement de la chance à cet égard. Je pense que nous avons beaucoup de membres ici qui sont réellement engagés dans ce qu'ils considèrent être une cause. Je pense pouvoir dire sincèrement... et je ne veux pas faire de prêche ni cacher mes convictions. Par exemple, Suzanne Tremblay et moi nous disputons dès qu'il est question de constitution ou de la place du Canada dans notre vie. Nous le savons, nous respectons respectivement nos opinions, et je sais ce qu'elle pense et elle sait ce que je pense.

S'agissant d'un bon nombre des enjeux relatifs à la culture canadienne, par exemple la législation sur le droit d'auteur, nous avons été nombreux à nous tenir les coudes en dépit de nos étiquettes partisanes, notamment sur cette étude de la culture que nous essayons de mener. Je peux dire sincèrement—et cela vaut pour Inky Mark du Parti réformiste, ou Wendy Lill du NPD, ou Suzanne Tremblay, ou tous les membres conservateurs—il y a une extraordinaire affinité entre nous en ce sens que nous tenons réellement, en dépit des étiquettes partisanes, à ce qu'il sorte quelque chose de constructif de tout cela. C'est pourquoi nous réussissons à faire ces choses ici, et le fait que nous puissions, au niveau du comité, dépasser les clivages partisans représente une petite lueur d'espoir. Voilà mon expérience et je la trouve positive.

Voilà, John, vous avez suscité un autre discours.

Numéro deux.

[Français]

Mme Mireille Gagné (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Mireille Gagné. Je suis la directrice du Centre de musique canadienne au Québec, à Montréal. Ce n'est pas à la suite d'une conspiration que je suis ici aujourd'hui, mais parce que nos directeurs se rencontrent en ce moment à Toronto. Nous sommes présents à Vancouver, Calgary, Montréal et, évidemment, Toronto. Je suis aussi la présidente sortante de la Conférence canadienne des arts et j'en profite pour saluer Pat.

• 1605

J'ai participé aux discussions qui ont mené à la publication du fameux rapport du Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle. Je suis contente de vous entendre dire, monsieur Clifford Lincoln, qu'au-delà de la partisanerie politique, sur un sujet aussi important que la culture et les arts dans notre pays, les gens abaissent un petit peu leurs gardes et font front commun.

C'est doublement important dans un contexte de mondialisation. Le Canada doit se tenir debout et défendre sa culture, l'appuyer et la soutenir. Il doit d'abord le faire à l'interne, bien sûr, parce que si le terrain n'est pas bien nourri, on n'aura pas de quoi faire face à la concurrence internationale. Nous ne devons pas nous cacher que la concurrence de nos amis du sud est quand même énorme, tant au niveau de la qualité que des moyens financiers qu'ils mettent pour appuyer cette culture ou ces arts.

Par contre, je ne suis pas tout à fait d'accord qu'on applique des règles économiques et financières au domaine des arts et de la culture. Si on fonctionne comme ça, on peut penser que l'argent qui est donné à la culture et aux arts est un investissement, un investissement à court, moyen et long terme. Il y a différentes sortes d'investissement.

Si on regarde dans le milieu des affaires, on constate que toute grande compagnie, que ce soit une compagnie multinationale ou même une grande compagnie nationale, investit quotidiennement dans l'amélioration de ses produits. Combien de fois investit-on des sommes astronomiques pour faire de la recherche, pour faire de la création et pour développer quelque chose pour se rendre compte trois mois plus tard que c'est un flop? Si le monde économique a le droit de faire des flops, je crois que le monde artistique peut, compte tenu des petits moyens dont il dispose, faire de petits flops lui aussi. Comment une compagnie d'affaires pourrait-elle fonctionner si, à tout bout de champ, on réduisait continuellement ses budgets et ses investissements dans la création? Elle ne réussirait pas mieux. Comme on le voit, il y a plein de compagnies qui doivent fermer leurs portes.

La même chose se produira pour nous dans le domaine des arts et de la culture si on sabre nos moyens. Chaque artiste investit personnellement par son propre travail intellectuel et en y mettant ses propres sous en sacrifiant, la plupart du temps, son salaire et sa rétribution. Il ne faut pas imposer à tout prix la rentabilité financière. On peut imposer une rentabilité d'excellence, de rayonnement et ainsi de suite. On doit beaucoup réfléchir là-dessus. Merci.

Le président: Merci beaucoup de votre message.

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais ajouter une petite chose. M. Robert Jekyll, le représentant des 18 000 artisans, nous disait que les associations ou les regroupements avaient besoin d'un financement minimal. En participant aux travaux du Sous-comité sur les sports, j'ai appris que Sport Canada finançait une bonne partie des associations de sport amateur. À chaque année, on accorde plusieurs centaines de milliers de dollars, voire même quelques millions, pour soutenir l'association de basket-ball, de ceci et de cela. C'est peut-être une avenue que notre comité pourrait étudier. Nous pourrions peut-être faire des comparaisons ou une analogie avec le sport et demander que des sommes soient consacrées au maintien et à l'appui des associations comme celles-ci.

Le président: C'est une très bonne idée.

Madame Tucker.

[Traduction]

Mme Mary Angela Tucker: J'aimerais parler encore une fois du patrimoine architectural.

Nous, à l'Architectural Conservancy, apprécions les politiques et programmes actuellement en place au ministère du Patrimoine canadien, relatifs au patrimoine bâti et aux paysages naturels. Cependant, nous aimerions que certains de ces programmes soient élargis et de nouveaux créés. Je songe en particulier au BEEFVP. Nous aimerions que ses pouvoirs soient élargis pour couvrir les bâtiments et sites appartenant aux sociétés d'État et à leurs fiduciaires.

• 1610

Nous aimerions également que la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales soit étoffée de façon à ne pas protéger seulement les bâtiments des gares. Nous pensons que d'autres structures apparentées devraient également être protégées.

Nous aimerions également que des mécanismes soient prévus dans cette Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales pour protéger ces bâtiments en période de transition ou pendant qu'ils sont en vente, car ils ne sont alors pas protégés.

Nous aimerions voir beaucoup plus de publicité sur Patrimoine canadien et le travail que le ministère effectue à travers le pays. En effet, trop souvent, nous, dans notre milieu, connaissons l'action du ministère, mais celle-ci est malheureusement mal communiquée et de ce fait n'est pas autant appréciée qu'elle le devrait par le grand public.

Nous aimerions voir davantage de partenariats entre Patrimoine canadien et tous les paliers de gouvernement, et particulièrement les municipalités. Par exemple, en Ontario, la législation actuelle confie aux municipalités la responsabilité du patrimoine. Nous aimerions donc voir davantage d'interaction et de dialogue et de partenariats entre tous les paliers de gouvernement.

Nous aimerions aussi une augmentation des programmes de partage des coûts, toujours pour permettre aux municipalités de préserver des bâtiments qui peuvent avoir une grande importance locale sans être d'importance nationale. Nous aimerions donc un meilleur programme de partage des coûts pour permettre aux collectivités locales de sauver et de réutiliser les bâtiments.

Enfin, nous aimerions un registre national des bâtiments historiques. Mme McLean a déjà mentionné, à cet égard, une fondation nationale. Notre pays a besoin aujourd'hui d'un registre exhaustif et cohérent. Cette idée a été lancée à plusieurs reprises au cours des dernières années, mais je ne sais pas où en sont les choses sur ce plan.

Nous voulons également appuyer les recommandations de la Fondation canadienne pour la protection du patrimoine relatives au régime fiscal, notamment des allégements fiscaux plus généreux pour les dons de bâtiments historiques et également leur restauration.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

Monsieur Caron.

M. David Caron: J'aimerais mettre en rapport plusieurs choses—l'AMI et les grands ensembles commerciaux que Wendy a mentionnés, avec vos trois défis. Si vous regardez l'évolution démographique, si vous regardez les nouvelles technologies, et ce que nous et le gouvernement pouvons faire, on voit émerger un principe: ce ne sont pas ceux qui forment le plus grand nombre que pourront s'exprimer sur le plan des arts et de la culture, ce sont ceux qui ont le plus d'argent.

Si vous envisagez un système économique mondial où il n'y a pas de restrictions à l'investissement, où l'investissement est illimité, comme ce que propose l'AMI, cette situation, ici au Canada, ne fera qu'empirer—ceux qui ont le plus d'argent dicteront le type d'expression culturelle et ceux qui n'ont pas d'argent n'auront rien à dire. Je pense que cela pénalise grandement les minorités.

Il s'agit donc de savoir quelle politique sociale le gouvernement veut faire. J'ai beaucoup entendu dire et lu que le gouvernement canadien sera peut-être bien obligé de s'incliner si, en fin de compte, l'Organisation mondiale du commerce décide que l'investissement illimité est nécessaire. Nous devrons peut-être nous incliner devant la pression internationale si nous ne parvenons pas à rallier suffisamment d'appuis à l'étranger à un instrument culturel international séparé. Cela m'inquiète.

• 1615

Le président: Parlez-vous là de l'exclusion de la culture?

M. David Caron: Oui, je parle du rôle du chef de file que joue le Canada dans la communauté internationale. Je songe, par exemple à ce qui s'est passé en 1905, lorsque la Grande-Bretagne voulait imposer le modèle impérial pour ce qui allait devenir le Commonwealth. Le Canada a fait front seul et dit qu'il ne voulait pas du modèle impérial, qu'il ne l'accepterait pas. En faisant front ainsi, il a contribué à façonner le Commonwealth que nous avons aujourd'hui. Ce ne serait pas arrivé si le Canada n'avait pas assumé ce rôle de leadership.

Le gouvernement canadien doit réfléchir au genre de politique qu'il veut adopter. Il peut le faire non seulement du point de vue du commerce international, mais également sur le plan que mentionnait Paul: l'inclusion des artistes dans l'élaboration de la politique culturelle canadienne, avec la mise sur pied d'une commission, peut-être même d'une commission spéciale, englobant des artistes. Je pense qu'il y a moyen pour le gouvernement de faire en sorte que ceux qui ont de l'argent ne soient pas les seuls à avoir la parole, mais qu'il y ait un réel développement durable pour tout le Canada.

Le président: J'aimerais vous dire une chose. Ces dernières semaines, le ministre du Commerce international a invité les Canadiens à lui exprimer des avis sur ce que devrait être la position du Canada dans les prochaines négociations de l'OMC. Il a demandé qu'on lui soumette des noms. Il y aura des audiences publiques et des consultations. Si vous avez réellement des opinions arrêtées—comme c'est votre cas, David—ne les communiquez pas seulement à nous, faites-lui en part. C'est lui qui va aller négocier. Écrivez-lui. S'il reçoit des milliers de lettres de Canadiens... Dans ma circonscription, j'organise une réunion publique pour faire part de cette invitation, dire aux gens de nous envoyer des mémoires. Nous veillerons à ce qu'ils parviennent au ministre du Commerce international.

Comme vous le savez, Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, a commencé à rencontrer d'autres ministres de la Culture pour essayer de dégager des politiques communes à cet égard. La politique du Canada, jusqu'à présent, a été d'exiger l'exclusion, mais nous ne l'obtiendrons que si nous avons beaucoup d'appuis. Il y a deux points de vue rivaux. Ceux qui sont partisans du libre-échange sans restriction veulent le libre-échange sans restriction. Ceux qui veulent protéger certains domaines vont devoir se battre pour cela.

Donc, allez-y, faites cela rapidement.

M. David Caron: Oui, je le ferai.

Le président: D'accord.

Madame McKay, directrice de Professional Opera Companies of Canada, nous sommes ravis de vous voir ici.

Mme Micheline McKay (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.

Au nom de nos membres, je veux souligner l'importance de rétablir la culture comme troisième pilier de la politique étrangère. Nous en parlerons à ce comité car cela est pour nous un problème, s'agissant de diffuser l'opéra canadien et notre théâtre musical dans le monde. C'est une chose difficile pour nos troupes. L'opéra canadien est très demandé dans le monde, mais nous n'avons pas toujours les moyens d'aller à l'étranger.

J'aimerais aussi traiter du lien entre l'investissement public dans la culture au Canada et les jeunes auditoires, sujet qui intéresse particulièrement votre comité. Nous entreprenons chez nous une très petite étude sur la manière d'amener les jeunes à l'opéra. Les tendances dans le monde témoignent d'un énorme intérêt des jeunes pour l'opéra, et nous constatons également cela au Canada. La demande pour notre forme d'art ne manque pas.

• 1620

Lorsque nous regardons les programmes qu'offrent nos compagnies, nous voyons les grandes troupes organiser des initiatives spéciales à l'intention des jeunes pour les amener à l'opéra et au théâtre musical. Ces représentations sont jouées à guichet fermé dans tout le pays, de Vancouver jusqu'à Montréal.

Mais ces compagnies nous disent qu'elles sont confrontées à une contradiction entre, d'une part, attirer les jeunes et, d'autre part, accroître leurs recettes. À l'heure actuelle, les compagnies d'opéra canadiennes tirent 25 p. 100 de leur revenu global des subventions publiques. Seuls 25 p. 100 proviennent des subventions de tous les paliers de gouvernement aux compagnies d'opéra. Cette situation les contraint à majorer le prix des billets et à augmenter les recettes sur tous les fronts. De ce fait, l'accès à nos produits diminue, particulièrement pour les jeunes, mais aussi pour tous les Canadiens à revenu modeste. C'est un lien qui n'a pas toujours été fait, mais il est évident qu'à force d'augmenter nos recettes de guichet—ce que font les compagnies d'opéra dans tout le pays—il en résulte une réduction de l'accessibilité, particulièrement pour les jeunes.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame McKay.

Il va être bientôt 16 h 30. Cela fait déjà plus de deux heures que nous siégeons, mais je serais ravi de continuer. Il est prévu que nous siégions jusqu'à 17 heures. Nous avons le personnel jusqu'à 17 heures, mais nous n'allons pas rester juste pour le plaisir. Je sais qu'il est vendredi après-midi, et nous allons donc faire un dernier tour, et si les gens ont des idées qu'ils n'ont pas encore exprimées, c'est le moment.

[Français]

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: J'aimerais poser une question à la représentante de l'opéra.

Le président: Oui, allez-y, madame Tremblay.

[Traduction]

Madame McKay, voudriez-vous vous approcher du micro?

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce la même chose pour l'opéra que pour le sport, le prix du billet est-il déductible d'impôt?

Le président: Dans les stades et les patinoires, etc., on peut louer ces loges qui coûtent très cher et déduire la dépense de l'impôt. Elle demande si c'est la même chose à l'opéra...

Mme Suzanne Tremblay: Au théâtre.

Le président: ...dans le cas d'abonnements où ce genre de choses.

Mme Micheline McKay: Non, je ne crois pas. De fait, nos compagnies veillent soigneusement à ce que la valeur des billets ne soit pas incluse dans les reçus pour dons de charité qu'elles émettent.

Le président: Mais si une compagnie reçoit un don, elle peut émettre un reçu pour don de charité?

Mme Micheline McKay: Oui, pour les dons en espèces ou en nature. Je pense que c'est le cas pour tous les arts d'interprétation et dans tout le domaine de la culture en général, pas seulement l'opéra.

Le président: Madame Bradley, vouliez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

Une voix: Est-ce que c'est la même chose au théâtre?

[Traduction]

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Nataley Nagy: J'aimerais répondre à la question de Mme Tremblay.

C'est une approche très intéressante, particulièrement pour les arts d'interprétation. Si vous achetez une loge à votre théâtre local ou votre salle de concert locale, ce n'est pas déductible d'impôt. On considère que vous obtenez une contrepartie pour votre argent. Vous payez le plein montant, et il n'y a pas de crédit d'impôt pour cela.

Le président: Mais ce que veux dire Mme Tremblay, c'est que si quelqu'un loue une loge à un match de hockey, la personne est censée obtenir une valeur de contrepartie. Je doute que ce soit le cas. Je ne pense pas que ce soit le cas. Néanmoins, si...

Mme Nataley Nagy: Sport Canada obtient des conditions plus favorables que nous autres, je suppose.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'ai cru comprendre que si je voulais aller voir les Maple Leafs ce soir, le billet me coûterait 125 $. Mais si je l'achète au nom de ma compagnie, je pourrai déduire 50 p. 100 de son coût sur ma déclaration de revenus.

Le président: Monsieur Docter.

M. Hamel Docter: Si c'est une dépense personnelle...

Mme Suzanne Tremblay: Seules les compagnies peuvent le faire. Les particuliers ne le peuvent pas.

M. Hamel Docter: Cela n'existe pas dans le domaine des arts.

• 1625

[Traduction]

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose? Allez-y.

Mme Tanya Babalow (témoignage à titre personnel): Si une société veut acheter un certain nombre de billets pour ses employés, elle peut les déduire. C'est possible dans ce cas.

Mme Suzanne Tremblay: Oui.

Mme Tanya Babalow: Je crois.

Mme Suzanne Tremblay: Dans le cas de sociétés.

Mme Tanya Babalow: Désolée; uniquement si la société achète, pas si c'est un particulier.

Mme Suzanne Tremblay: D'accord.

Le président: Monsieur Jamison.

M. Mark Jamison: À ce sujet, il y a un volet commercial dans une entreprise de spectacle. J'ai géré une organisation de spectacle il y a quelques années et je pense qu'il y a un volet commercial. Autrement dit, nous devons avoir des personnalités multiples dans ce milieu, de façon à considérer le marché qui nous entoure d'un certain oeil.

Dans le cas d'une rencontre sportive, plus vous êtes assis en avant, et plus la place coûte cher. Très souvent, dans notre secteur, nous avantageons l'abonné et faisons payer le spectateur occasionnel nettement plus cher pour une moins bonne place. Ceux d'entre nous qui vendent des billets devraient réfléchir à la manière dont fonctionne une entreprise commerciale et peut-être vendre les meilleures places à leur valeur. J'ai eu des discussions plutôt animées sur ce sujet.

Voilà donc le volet commercial. Pour ce qui est de la politique culturelle et la manière de soutenir—je reviens à mon thème—les «travailleurs culturels», tout compte fait nos travailleurs culturels génèrent une énorme richesse pour notre pays à divers égards, pas sur le plan du produit culturel lui-même, mais plutôt de ce qu'il engendre autour de lui, l'effet multiplicateur.

Je vais vous donner un exemple ici même, dans cette ville. Si vous allez voir dans le quartier autour du Roy Thomson Hall, ou autour du Princess of Wales Theatre, vous verrez des restaurants, toutes sortes de commerces dans ce quartier, et de grosses sociétés qui installent leurs bureaux dans ce quartier à cause du niveau d'activité. Il y a donc un effet multiplicateur sur l'économie.

Si on regarde du côté des sports—autant attaquer un peu le sport—mon bureau est près de Maple Leaf Gardens, et il ne se passe rien aux alentours. Pendant toutes ces années d'existence du Maple Leaf Gardens, peu de commerces se sont installés. Rien n'a bougé. Les tarifs des Leafs sont bas. Pourtant, les bureaux sont vides. Les restaurants ne sont pas terribles.

Donc, l'activité culturelle génère une énorme richesse pour quantité de gens—excepté ceux qui travaillent dans la culture.

Des voix: Oh, oh!

M. Mark Jamison: L'artiste lui-même, celui qui travaille dans la culture, ne gagne pas beaucoup d'argent. Un musicien d'orchestre symphonique dans notre pays gagne, en moyenne, 21 000 $. Nous ne parlons pas là de gens qui gagnent beaucoup d'argent.

Lorsqu'on dit que les organisations de service ont besoin d'aide—et cela a été évoqué à deux ou trois reprises—il faut bien voir que l'Association des fabricants de pièces automobiles n'a pas besoin de subventions du gouvernement pour vivre. Nos organisations de service aux arts en ont besoin parce que nos travailleurs culturels, qui sont l'industrie, n'ont pas les moyens de financer les organisations qui les aident.

Il faut distinguer entre les billets vendus—les déductions des sociétés et Revenu Canada et toute cette sorte de choses—et la personne en chair et en os qui se débat pour fournir le service à notre merveilleuse économie.

Le président: Madame Bradley.

Mme Pat Bradley: Merci monsieur le président.

Je veux revenir sur quelque chose que Micheline McKay vient de dire au sujet de l'opéra. Il faut répéter et souligner que les coupures de crédit imposées par les gouvernements de tous les paliers à maints secteurs, y compris le nôtre, ont obligé les organisations à trouver d'autres sources de revenu et que, de ce fait, l'accessibilité a énormément souffert.

Si je peux utiliser ce vilain mot de «subvention», on peut considérer le budget de subventions du Conseil des arts de deux façons différentes. On peut le concevoir comme une subvention aux artistes, comme les articles de journaux qui critiquent ces subventions—ou ces investissements, si l'on veut. Ils les considèrent simplement comme des prébendes versées aux artistes et organisations artistiques.

Mais la manière dont il faudrait réellement concevoir cet investissement ou subventions, c'est comme un investissement dans les Canadiens. Elles permettent à nos activités d'être accessibles aux jeunes et à ceux qui ont peu de moyens, qui n'appartiennent pas à la classe moyenne et supérieure et qui n'ont guère d'argent. Ces subventions permettent au plus grand nombre de Canadiens d'avoir accès à leurs biens culturels, à leur patrimoine culturel.

• 1630

C'est pourquoi il est important—ce n'est pas une subvention directe, c'est une subvention aux artistes.

Le président: Bien dit, madame Bradley. Je pense que vous avez exprimé cela très bien. J'espère que notre documentaliste a pris note. Nous pourrons peut-être utiliser cette citation dans notre rapport.

Autres interventions? Monsieur Mark?

Je pense que M. Reid vous a coupé le sifflet, monsieur Mark. Je pense que John vous a ébranlé.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je plaisante.

M. Inky Mark: Pour reprendre l'argument de Pat, c'est juste, on ne pense jamais aux subventions que nous donnons aux entreprises. Nous leur donnons des centaines de millions de dollars, même des milliards, et nous appelons cela un investissement. Mais en même temps, lorsque nous parlons des arts et de la culture, nous appelons cela des subventions.

Mme Fela Grunwald: C'est parce qu'on ne nous prend pas au sérieux.

M. Inky Mark: Je pense qu'il faut revoir cette équation. Vous devez porter cela à l'attention de votre député.

Merci.

Mme Fela Grunwald: Sur ce sujet, ce n'est pas l'équation qu'il faut revoir, c'est l'attitude.

Nous ne célébrons pas les artistes dans notre pays. Nous ne célébrons pas notre succès, ni notre histoire, dans ce pays. Nous ne sommes pas fiers de nous. Nous avons un énorme talent dans ce pays. Il faut que l'étranger reconnaisse notre talent avant que nous applaudissions nous-mêmes.

Cronenberg, le président du jury de Cannes cette année, est canadien. Devinez quoi? Il vit au Canada—encore.

Des voix: Oh, oh!

Mme Fela Grunwald: C'est fabuleux, mais nous ne reconnaissons pas sa réussite. Cela ne serait pas arrivé il y a 20 ans, parce que les gens devaient s'exiler. Dans les arts visuels, il était exclu qu'un peintre ou sculpteur canadien puisse être reconnu ou puisse exposer sans s'expatrier.

Cela commence à changer. Nous avons tout un trio, ou même plus, à Vancouver. Une chose en entraîne une autre. Jeff Wall, l'un des meilleurs artistes du monde aujourd'hui, vit toujours à Vancouver. On le voit de plus en plus.

Il faut récompenser ces artistes pour leur réussite, célébrer leur succès et leur faire savoir que nous sommes fiers d'eux au lieu de dire: les tableaux de Jeff Wall se vendent maintenant à 200 000 $, alors commençons à médire de lui.

C'est ce qui arrive. Ils finissent par s'en aller, mais j'espère que non.

Il faut donc un changement d'attitude, non seulement au gouvernement mais aussi au niveau de l'approche des Canadiens et du respect pour la culture. Sans culture, nous ne sommes pas une nation. La culture est l'âme d'une nation.

Nous n'avons pas à discuter de contenu canadien; nous sommes Canadiens. Quoi que nous fassions, par définition, contient du contenu canadien. Ce que nous avons besoin d'apprendre à faire, c'est le célébrer et l'appuyer, avec de l'argent, oui, mais d'abord par notre attitude.

Le président: Je suis d'accord à 100 p. 100 pour ce qui est de l'attitude et de l'engagement, mais si vous songez aux peintres et aux sculpteurs de demain, comme vous dites, nous avons appris hier que, selon Statistique Canada, le revenu d'un artiste visuel tourne en moyenne autour de 12 000 $. Ils n'ont même pas droit à l'assurance-chômage.

Mme Fela Grunwald: C'est juste, et le gouvernement n'autorise même pas de déductions d'impôt à certains de ces artistes. Ils ne gagnent pas suffisamment, si bien qu'ils ne sont pas considérés comme professionnels. C'est un cercle vicieux. Mais, encore une fois, c'est une question d'attitude, je pense.

Le président: Si nous ne commençons pas par eux, nous n'aurons personne à célébrer demain, car il leur faut tellement de volonté pour rester.

Madame McLean.

Mme Evelyn McLean: Merci.

Je voudrais juste dire qu'il est étonnant comme le gouvernement trouve de l'argent dès lors qu'une organisation active fait campagne.

Dans le cas du manoir Duff-Bâby à Sandwich, ce manoir, construit en 1798, avait été sauvagement transformé au fil des ans par des propriétaires indifférents. Le gouvernement ontarien, qui détient la propriété en fiducie pour les Ontariens, avait prévu, à cause d'un prétendu manque de ressources, de simplement restaurer la maison selon son apparence en 1910.

• 1635

Curieusement, du fait que Les Amis Duff-Bâby se sont regroupés pour protester—assez bruyamment—les plans ont changé. Grâce à cela, lorsqu'il fallait arracher tous les accoutrements récents qui avaient été rajoutés, nous avons découvert sous un revêtement géorgien britannique une structure canadienne française très importante. Si nous n'avions pas fait cela, nul n'aurait jamais su qu'il y avait là une merveilleuse charpente, et en plus on n'aurait jamais trouvé quelques documents français anciens qui étaient tombés derrière une cheminée.

Je pense donc qu'il faut se louer de l'action de ces petits groupes de gens qui se rassemblent pour protester et qui disent: «Vous n'allez pas faire cela à une maison de négociant en fourrure. Vous allez restaurer correctement cette maison». Cela marche. Je pense qu'il est très important qu'il y ait un financement pour ces pauvres petits groupes de petites gens, pour qu'ils puissent faire campagne et dire: «Non, vous n'allez pas faire cela».

Cette maison sur la frontière de Détroit—qui était, après tout, une importante colonie française comme beaucoup de gens semblent l'avoir oublié—est probablement l'une des maisons du Canada présentant le plus grand intérêt historique et je ne pense pas exagérer en le disant. Mais il faut un financement pour que des petits groupes de gens passionnés puissent se battre contre les pouvoirs publics.

Le président: Merci, madame McLean.

Je vais donner la parole à Mme Nagy, Mme Hopkinson—Dieu, la discussion est animée!—M. Caron, Mme Morand, M. Docter... Nous sommes repartis.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Madame Nagy.

Mme Nataley Nagy: Je serai brève. Je veux appuyer les propos de ma collègue Evelyn McLean, mais peut-être m'engager dans une direction différente et remonter dans l'histoire, comme M. Docter l'a fait tout à l'heure, pour rappeler que même les grandes organisations artistiques ont une origine locale.

Le Musée des beaux-arts de Windsor a été fondé il y a 58 ans par un groupe de citoyens passionnés qui, au fil des ans, ont pu préserver le soutien à cette institution et en créer d'autres. Il nous rappelle à tous, dans les musées d'art de tout le pays, que les collections substantielles que nous détenons ont été fondées par des personnes intéressées et engagées, qui non seulement les ont appuyées financièrement mais ont aussi contribué bénévolement des ressources humaines et ont su pousser les gouvernements provinciaux et les municipalités à soutenir ces initiatives culturelles. Il ne faut pas l'oublier. Les petites choses peuvent donner naissance à de grandes choses ou bien rester ce qu'elles sont, mais nous tous, grands et petits, dans tout le pays, avons une place importante.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons eu une accalmie à 16 heures. Tout le monde est devenu muet et nous avons dû faire appel à l'auditoire pour nous réveiller. Maintenant, tout le monde semble soudainement inspiré. Je vous rappelle qu'il nous reste 20 minutes. Toute bonne chose a une fin, soyez donc brefs. Maintenant que vous êtes si inspirés, vous pouvez lancer ces messages merveilleusement courts.

Madame Hopkinson.

Mme Claire Hopkinson: Pour en revenir à ce que disait Mme Grunwald et Mme McLean, il semble qu'il soit nécessaire de faire front et de se battre contre le gouvernement. Dans le secteur culturel, nous avons l'impression de toujours nous battre pour protéger la culture. Chaque mois, il y a un enjeu qui nous oblige à lutter. Cela détourne notre énergie de l'administration de nos troupes et de la création artistique. J'espère que cette politique saura nous donner de la sérénité et l'assurance que nous sommes appuyés et que la culture est une chose importante, afin que nous n'ayons pas tout le temps à nous battre pour la survie et une place au soleil.

Le président: Madame Hopkinson, puis-je vous dire un petit secret?

Mme Claire Hopkinson: D'accord.

• 1640

Le président: Je siège au Comité de l'environnement de la Chambre des communes et j'y entends le même message. Je fais partie d'un grand groupe parlementaire de 155 députés. Chaque semaine, nous avons les députés ruraux qui nous disent que nous ne les écoutons pas, et ceux qui militent pour l'enfance disent que le gouvernement ignore complètement ces problèmes.

À mon âge, j'en suis venu à la conclusion que nous tous, dans tous les secteurs, allons continuer à nous battre car les choses sont malheureusement ainsi. Mais continuez à lutter. Si vous étiez dans un autre secteur, vous verriez que c'est exactement la même chose. C'est une lutte, mais c'est une merveilleuse lutte.

Monsieur Caron.

M. David Caron: Je voudrais simplement citer quelques statistiques récentes, juste pour montrer à quel point les artistes peuvent être les oubliés de la politique gouvernementale.

Vous avez indiqué que les artistes gagnent en moyenne 12 000 $ par an. Je sais que c'est vrai, d'après les chiffres de Canadian Actors' Equity. Pour compléter leur revenu, bien entendu, ils prennent des emplois temporaires de secrétariat ou de serveur ou toutes sortes de petits boulots pour lesquels on leur déduit les primes d'assurance-emploi. Ensuite, parce qu'ils sont travailleurs indépendants dans leur profession principale, à titre d'acteur ou metteur en scène, ils n'ont pas droit aux prestations A-E. Donc, si vous voulez parler de l'excédent A-E, il y a une bonne raison à son existence.

Des voix: Oh, oh!

M. David Caron: Cependant, le gouvernement fédéral a fait une chose au début de 1990: il a établi un programme de formation au moyen d'une partie de ces fonds A-E, pour compenser cette duplicité. Puis, avec le transfert de la responsabilité pour la formation aux provinces, ce programme de formation a disparu. Il n'a pas été repris par les provinces pour des raisons que j'estime plutôt politiques. Par ailleurs, comme on l'a dit, les artistes se déplacent pas mal à travers le pays. Aucune province encore n'a repris ce programme.

Cela démontre une nécessité encore plus grande d'un dialogue entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet de certains des problèmes soulevés aujourd'hui.

Le président: Bonne remarque.

Madame Morand, vous avez été très bonne. Vous avez juste fait une déclaration initiale. C'est vous qui avez lancé la discussion, puis vous vous êtes tue.

Mme Nancy Morand: Pour conclure, je veux simplement applaudir le consensus général en faveur du patrimoine canadien. On met beaucoup l'accent sur le patrimoine culturel et, au moment de conclure ici, je veux souligner qu'il faut le même engagement pour la préservation du patrimoine architectural, car l'architecture est l'art que nous avons sous les yeux sans cesse. Elle est partout et elle est tellement importante. Elle est le reflet de notre histoire et de notre culture. En sus de l'action pour le patrimoine culturel et tous les théâtres et les opéras et les formes artistiques, je veux simplement souligner de nouveau qu'il faut une volonté tout aussi grande de préserver notre patrimoine architectural.

Le président: Êtes-vous de Windsor?

Mme Nancy Morand: Oui.

Le président: Il est réellement intéressant que les gens de Windsor semblent réellement déterminés à préserver ces...

Mme Nancy Morand: C'est notre histoire de luttes, voyez-vous.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est merveilleux, c'est excellent, c'est fantastique.

Monsieur Docter, puis monsieur Ledoux.

M. Hamel Docter: Je veux me tourner vers l'avenir mais en me rattachant au passé, encore une fois.

[Français]

Madame Tremblay, votre intervention était superbe. Il y a quelques minutes, vous nous disiez que la culture du Québec était en grande partie imputable à la fierté des Québécois et Québécoises. C'est cette fierté qui vous permet de garder la culture québécoise intacte. Je ne tiens pas à savoir si cette réalité existe en raison de l'influence internationale, mais je sais que nous, en tant que Canadiens et Canadiennes, connaissons certainement cette réalité à cause des Américains. Nous sommes chanceux que le Québec ait gardé sa culture pendant toutes ces années et je souhaite vraiment que le Canada continue de maintenir la sienne. On parle toujours de protéger notre culture, mais je constate qu'au Québec, on ne fait pas que la protéger; on en fait aussi la promotion. La culture fait partie de la vie quotidienne au Québec. Dès leur très jeune âge, les Québécois adoptent cette valeur.

On peut fréquenter gratuitement le conservatoire au Québec, ce qui est superbe. Les frais de scolarité ne sont pas tellement élevés au Québec comparativement à ceux de l'Ontario. C'est tellement cher maintenant! Il est très important non seulement de protéger la culture, mais aussi de la promouvoir.

• 1645

On a aussi parlé du salaire de nos artistes et de la difficulté de les garder ici. On risque de les perdre si on n'est pas en mesure de les payer adéquatement. C'est ce qui arrive actuellement à Moscou, où tous les artistes symphoniques partent. Cela risque de se produire ici au Canada. D'ailleurs, cet exode a déjà débuté. L'Orchestre du Centre national des arts en a été témoin. Les réductions budgétaires ont causé un trop grand tort au domaine des arts. Je souhaite qu'il y ait stabilité.

[Traduction]

C'est une question de volonté. C'est ce dont nous avons besoin pour l'avenir, je pense.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Docter.

Nous allons entamer un nouveau tour et entendre M. Ledoux, Mme Havelka, Mme Nagy, Mme Tucker et Mme Tremblay.

[Traduction]

Nous devrions peut-être changer nos réservations de train, d'avion et de bateau pour repartir de Toronto.

Nous allons commencer avec M. Ledoux.

M. Paul Ledoux: D'accord, je vais juste intervenir avec deux ou trois toutes petites choses.

En ce qui concerne l'étalement du revenu des artistes, il semble impossible d'amener Paul Martin à comprendre que les dernières modifications apportées au régime fiscal ne nous ont pas été favorables. Il faut un étalement du revenu des artistes.

Le soutien aux organisations artistiques, comme M. Jekyll l'a signalé, est crucial. Lorsque le Conseil des arts a annoncé que sa première priorité était d'aider les artistes, il a coupé les fonds à toutes les organisations de service aux artistes dans ce pays, et chacun de nous se débat pour survivre à cause de cela. Cette décision a gravement nui à notre capacité d'aider nos membres.

Voilà, c'est tout.

Le président: Pourriez-vous nous rédiger une petite note et l'envoyer au greffier ou à M. Blais, sur ces deux points, s'il vous plaît?

M. Paul Ledoux: D'accord.

Le président: Madame Havelka.

Mme Marilynn Havelka: Je voudrais simplement ajouter que lorsque nous parlions de la coopération et des partenariats entre les provinces et avec le gouvernement fédéral, nous n'avons pas mentionné le volet tourisme culturel. Les musées, les institutions culturelles et le patrimoine bâti et naturel bénéficieraient financièrement de l'argent apporté par les touristes et ce serait merveilleux de voir une collaboration entre les deux paliers de gouvernement et peut-être des actions de promotion touristique en partenariat.

J'aimerais reprendre aussi votre idée, Mary, au sujet d'incitations fiscales accrues concernant les dons de charité de la classe moyenne. Il semble que les riches fassent des dons aux grandes organisations, et nous pensons que l'introduction de ces incitations pourrait amener davantage de gens de la classe moyenne à faire des dons aux organisations plus petites.

Du point de vue du musée, nous préconisons une politique culturelle proactive et vous appuyons réellement dans votre action. Nous avons été ravis de participer aujourd'hui et espérons que nous pourrons encore le faire à l'avenir.

Le président: Je vous remercie.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je raconterai d'abord une anecdote et je poserai ensuite une question. Lors de mon premier voyage à Vancouver en tant que députée, je me suis retrouvée dans un centre commercial où deux personnes signaient des autographes. Environ 100 personnes attendaient en file à un endroit, et presque 1 000 à l'autre. Les deux files étaient vraiment très disproportionnées. J'ai demandé aux gens qui nous accompagnaient qui étaient ces deux personnes célèbres. Je dois malheureusement confesser publiquement mon ignorance, mais les gens de la petite file attendaient Margaret Atwood, tandis que ceux de la plus longue attendaient une actrice américaine. On était en plein coeur de Vancouver. Les gens estimaient plus important d'obtenir l'autographe d'une Américaine que celui de Margaret Atwood. Malheureusement, je ne la connaissais pas à l'époque, mais j'ai depuis eu l'occasion de la rencontrer à plusieurs reprises. Après coup, je me suis dit que c'était quand même triste et que ça devait lui faire de la peine. Elle est la plus grande écrivaine ici, au Canada anglais, et il n'y a pas grand monde qui veut avoir son autographe. Pendant ce temps, on se pâme devant une Américaine.

• 1650

Je sais qu'à chaque semaine, à TQS, à Radio-Canada, à Télé-Québec, à TVA et à RDI, on a des émissions sur la culture, des films, du théâtre et des interviews d'artistes, d'écrivains qui lancent un livre ou de chanteurs qui lancent un disque. On peut les voir. L'autre soir, quand Céline Dion a gagné ses Grammys, la télévision francophone diffusait une interview avec elle en direct. Quand il y a eu les premières du Cirque du Soleil à Las Vegas et à Orlando, la télévision québécoise était aussi sur place.

Quand je dis que la culture est importante, je pense souvent à la télévision, que je regarde beaucoup. Il me semble que de telles émissions ne sont pas aussi nombreuses du côté anglophone que du côté francophone. Vous êtes mieux placés que moi pour dire si mes impressions sont fondées. Je crois que ces émissions sont des outils très puissants pour mettre les gens en contact avec la culture. Je ne suis pas sûre qu'on les exploite assez du côté anglophone.

[Traduction]

Le président: Madame Nagy, avez-vous demandé... non.

Madame Tucker.

Mme Nataley Nagy: Je voudrais mentionner la situation de Windsor, puisque nous sommes nombreux à être venus de Windsor, pour représenter, je pense, des intérêts très divers en matière de culture et de patrimoine. L'une des raisons—je parle pour moi-même, mais je suis sûre que mes collègues seront d'accord—qui nous ont motivés à venir nombreux ici est que, chaque jour, nous voyons en gros plan la présence géographique des États-Unis. Nous protégeons férocement notre patrimoine et notre culture parce que nous y sommes obligés. Chaque jour, nous voyons nos jeunes happés...

Parfois il est important de ressentir physiquement cette présence. Nous la ressentons tous, étant canadiens, mais lorsque vous l'avez sous les yeux géographiquement... L'une des raisons pour lesquelles nous avons été nombreux à venir était notre déception que le comité ne soit pas venu chez nous en faire l'expérience physiquement. Nous vous encourageons et vous invitons à venir dans notre belle ville et à voir la domination—nous ne sommes pas réellement dominés, car nous défendons activement notre culture, mais c'est certainement une présence écrasante.

Le président: Merci.

Madame Tucker.

Mme Mary Angela Tucker: Merci, monsieur le président. Comme Marilynn, j'aimerais dire que nous apprécions d'avoir participé à ces délibérations et espérons le faire de nouveau.

J'aimerais aussi dire un mot sur le lieu choisi pour cette table ronde aujourd'hui. Le MRO fait certainement partie de notre patrimoine architectural ontarien. C'est un bâtiment exquis qui est un atout tant pour le secteur des musées que celui des arts et de la culture et un lieu tout à fait approprié pour cette réunion.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Tucker.

Autant être transparent et franc. Nous devions nous réunir à la maison du peuple, à la SRC,—parce que c'est la maison des contribuables fédéraux et que nous avons siégé à la SRC à Montréal. Nous voulions donc siéger à la SRC ici, mais à cause de la grève nous n'avons pas pu. Nous avons donc pensé qu'il fallait que ce soit un bâtiment à signification culturelle, et notre greffière ici—une personne très avisée—a suggéré le musée. Cela a donc été merveilleux pour nous tous et très approprié.

Merci infiniment de votre présence et de votre participation. Cela a fini par être une discussion très animée. J'ai cru à un moment donné que nous allions nous enliser, mais c'est devenu une réunion merveilleuse. Vous nous avez apporté quantité de perspectives différentes. Vous avez parlé avec franchise. Je ne sais pas comment nous allons faire le tri dans tout cela, mais nous y arriverons. Vous verrez le résultat.

Merci infiniment de votre participation et de vos avis, ainsi que d'être venus aujourd'hui, surtout ceux qui ont fait tout le chemin depuis Windsor. Merci à tous dans la salle. Merci, monsieur John Reid et tous les autres. Tous mes voeux vous accompagnent. Nous avons réellement apprécié l'hospitalité de Toronto et ce merveilleux cadre.

La séance est levée.