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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 26 février 1999

• 1104

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je vous souhaite à tous une chaleureuse bienvenue, au nom du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Je tiens aussi à vous remercier tout particulièrement d'avoir accepté notre invitation de comparaître devant le comité dans le cadre de notre étude sur le rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de la culture et des arts canadiens.

Nous avons commencé ce travail il y a environ deux ans, bien avant les dernières élections fédérales. Lorsque le comité a été réorganisé, après l'élection, tous ses membres ont accepté, à l'unanimité, de continuer cette étude. Nous y travaillons déjà depuis quelque temps. Nous avons reçu de nombreux témoins à Ottawa ainsi que de nombreux mémoires. Nous estimions aussi devoir nous déplacer pour nous renseigner sur le terrain, pour ainsi dire, mais c'était assez difficile. Les déplacements des membres de chacun des partis sont limités à cause de la façon dont on vote à la Chambre; il nous était donc plus difficile de quitter Ottawa. Nous avons donc dû profiter de cette semaine de relâche pour voyager. Nous nous sommes divisés en deux groupes, l'un voyageant dans l'Ouest, de Thunder Bay à Vancouver, et l'autre, qui visite St. John's, Halifax, Moncton, Montréal, hier, et Toronto, aujourd'hui. Nous accueillerons aussi cet après-midi des gens de Windsor.

• 1105

De bien des façons, c'est une expérience extraordinaire. Nous avons été étonnés du nombre de gens qui ont accepté de comparaître. D'ailleurs, le greffier me dit que de tous les comités qui ont envoyé des invitations, le nôtre est celui qui a reçu le plus grand nombre de réponses, ce qui est très encourageant pour nous.

Je crois que certains d'entre vous nous ont déjà parlé à nos tables rondes d'Ottawa. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, précisons que nous avons commencé à chercher quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral dans la décennie à venir, pour relever les nouveaux défis qui s'offrent à nous. Je sais qu'il y en a bien plus que trois, mais nous devions préciser notre travail. Nous avons donc décidé, après discussion, de nous concentrer sur trois volets précis.

Le premier est celui de l'avènement des communications et des technologies multimédias, qui ont bien entendu un effet considérable sur ce qu'on peut faire et sur ce que fait le gouvernement fédéral dans ses politiques en matière de culture, d'arts et de patrimoine. Deuxièmement, il y a toute la question de l'évolution démographique du Canada, du vieillissement des populations urbaines et aussi du changement du tissu social canadien découlant d'une immigration soutenue pendant des années. Troisièmement, il y a la question de la mondialisation de l'économie et du commerce. Nous n'avons pas à donner d'exemples; tout cela est clair. Nous sommes saisis actuellement du projet de loi C-55. Il y a l'ALENA. Nous avons eu des discussions et des débats au sujet de l'Accord multilatéral sur l'investissement. Il y aura bientôt les négociations de l'OMC, qui reprendront cet automne. Tout cela a bien entendu un effet sur ce que vous faites et sur ce que nous faisons.

Dans ce contexte, ce que nous voulons faire, c'est vous demander si vous êtes satisfaits des programmes et des politiques fédérales actuelles, dans votre domaine. À la lumière des défis énoncés, quelle devrait être à votre avis l'évolution du rôle du gouvernement fédéral?

Pour nos audiences, au lieu de la formule habituelle, nous avons décidé de tenir une table ronde, parce qu'à notre avis il pourrait ainsi y avoir de meilleurs échanges d'idées sur ces questions. Nous vous demandons d'être bien à l'aise et de ne pas hésiter à parler. Nous espérons avoir une discussion plutôt que des exposés et des présentations d'idées bien arrêtées. Nous espérons que ce sera un débat animé.

Pour commencer, je crois qu'il conviendrait que nous nous présentions à tour de rôle, afin que nous sachions qui est qui. Je sais que beaucoup d'entre vous se connaissent, les uns et les autres. Mais il reste que pour les membres du comité, notamment, les présentations seraient de mise.

Commençons par vous, madame McDonald.

Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et télévision): Je suis Elizabeth McDonald, et je suis la présidente de l'Association canadienne de production de film et télévision. Nous représentons les intérêts de plus de 300 producteurs oeuvrant dans divers secteurs de l'industrie, y compris la télévision et le cinéma, et dans toutes les régions du pays. Nous avons apporté notre profil de 1999. Le comité nous a demandé de le lui fournir la semaine dernière. C'est maintenant un profil annuel.

• 1110

L'association s'occupe des relations avec les gouvernements et des réglementations touchant le financement et les divers mécanismes de production télévisuelle et cinématographique. En outre, nous sommes responsables des activités de relations de travail, au nom des producteurs.

Le président: Merci, madame McDonald. Vous pouvez laisser vos documents au greffier, qui s'assurera de les distribuer aux membres du comité. Si vous voulez envoyer d'autres documents ou des mémoires au comité, vous n'avez qu'à les adresser au greffier, à la Chambre des communes, à Ottawa.

Mme Elizabeth McDonald: Vous avez demandé de nombreuses copies, et nous vous les avons donc envoyées à Ottawa, pour que vous n'ayez pas à les transporter en avion.

Le président: Merci.

M. Robin Cass (membre du conseil, Association canadienne de production de film et télévision): Je suis Robin Cass; je suis un producteur de cinéma et de télévision à Toronto. J'ai une société, la Triptych Media. Nos plus récentes réalisations sont un film intitulé The Hanging Garden, que certains d'entre vous ont peut-être vu, et une émission de télévision intitulée The Tale of Teeka, qui a gagné le prix de la meilleure émission pour enfants au Festival de télévision de Banff, l'an dernier. Je fais aussi partie du conseil d'administration de l'Association canadienne de production de film et télévision.

M. Mark Jamison (directeur général, Conseil des carrières culturelles de l'Ontario): Je suis Mark Jamison. Je suis directeur général du Conseil des carrières culturelles de l'Ontario. Le conseil est une alliance de divers organismes de service des arts, de particuliers, d'organisations importantes du domaine du spectacle, de même que CHUM Television Broadcasting, et des gens du secteur de la rédaction et de l'édition. Notre organisme se concentre surtout sur les besoins professionnels des 265 000 personnes qui travaillent dans le secteur culturel en Ontario—surtout les besoins en matière de formation et d'emploi. En effet, il y a bien 265 000 travailleurs culturels en Ontario, qui produisent une activité économique atteignant les 12 milliards de dollars. Le conseil, ses conseillers et ses administrateurs veulent transmettre ce message à l'industrie elle-même ainsi qu'au gouvernement.

Le président: Merci.

Madame Lill.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci de l'avoir répété, Mark, parce que je me demandais si j'avais bien entendu. Oui, vous l'avez répété, il y a 265 000 travailleurs culturels.

Je suis Wendy Lill; je suis députée de la circonscription de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et porte-parole néo-démocrate pour la culture et le patrimoine. Je suis très contente d'être ici aujourd'hui.

M. Jay Kerr-Wilson (directeur, Politiques et affaires réglementaires, Association de la télévision spécialisée et payante): Bonjour, je suis Jay Kerr-Wilson et je suis le directeur pour les politiques ainsi qu'un des conseillers de l'Association de la télévision spécialisée et payante. Notre association représente les services de télévision payante en anglais et en français, de même que dans d'autres langues, au Canada.

M. Christopher Moore (membre, Writers' Union of Canada): Bonjour, je suis Christopher Moore. Je suis écrivain et je représente aujourd'hui la Writers' Union of Canada. Je suis accompagné par Penny Dickens, notre directrice générale.

La Writers' Union of Canada compte 1 200 membres dans tout le pays. Ce sont des écrivains professionnels de langue anglaise. Nous vous parlerons de ce qui préoccupe les créateurs. Je pensais en fait que Wendy Lill était de nos membres. Elle m'a appris qu'elle était membre de la Playwrights' Union plutôt que de notre organisme; c'est l'une de nos organisations affiliées. Merci beaucoup.

M. Jack Stoddart (président, Association des éditeurs canadiens): Je suis Jack Stoddart, président de l'Association des éditeurs canadiens, et, quand il me reste du temps, je suis éditeur, je crois bien.

Cette année, c'est la troisième fois que nous comparaissons devant le comité, sur divers sujets, et nous sommes toujours heureux de le faire. Le travail de ce comité est très important, parce que plus on examine la situation du Canada, plus il me semble que la seule chose qui définisse ce pays, c'est sa culture. Trop souvent, on nous met de côté, dans un coin sombre, celui de la culture ou des communications.

Quand je regarde notre pays, il ressemble affreusement à un autre, son voisin du Sud. La façon dont nous travaillons, la façon dont nous gérons nos entreprises et celle dont nous achetons du matériel sont souvent très semblables. Mais la culture est la chose qui nous définit en tant que nation, et il faut la prendre au sérieux. Nous apprécions d'avoir la possibilité d'être ici aujourd'hui.

Mme Ineke de Klerk-Limbertie (directrice, Community Folk Art Council of Metropolitan Toronto): Je suis Ineke Limbertie. Je suis directrice du Community Folk Art Council of Toronto. Je suis tout à fait d'accord avec M. Stoddart. Il est un de mes héros du secteur canadien de l'édition.

Je suis directrice d'une organisation communautaire parapluie qui représente plus de 200 groupes communautaires des arts du spectacle, des arts visuels et des médias. Nous avons pour mandat de promouvoir la préservation, l'expansion et l'avancement du patrimoine culturel et artistique des Torontois.

Nous sommes ici pour vous convaincre que le patrimoine, ce n'est pas seulement des immeubles; c'est aussi des gens.

• 1115

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay. Je suis députée de Rimouski—Mitis pour le Bloc québécois et porte-parole en matière de Patrimoine canadien pour ce parti.

[Traduction]

M. H.E. Blackadar (directeur général, CFNY-FM New Rock 102): Je suis Hal Blackadar, directeur général de la station de radio torontoise The Edge, dont l'auditoire cible est celui des jeunes adultes et des adolescents. Nous sommes très préoccupés par les changements technologiques et culturels. Je félicite le comité et le gouvernement de se pencher sur cette question des politiques globales. Nous nous intéressons beaucoup à cette question, non seulement pour les politiques, mais aussi en ce qui a trait à la technologie, et nous sommes ravis de participer à cette discussion.

Mme Beverley Oda (vice-présidente principale, Affaires de l'industrie, CTV): Je suis Beverley Oda. Je suis vice-présidente principale des Affaires de l'industrie chez CTV. Je vous transmets les excuses de Ivan Fecan, qui n'a pu venir ce matin.

Comme vous le savez, CTV est le réseau de télévision national privé. L'entreprise a aussi des stations affiliées dans chaque province du pays, à l'exception du Manitoba, du Québec et de Terre-Neuve... nous avons des affiliés là-bas. CTV a aussi des permis pour divers services spécialisés et des services de télévision payante, pour un total de huit à ce jour, je crois. Nous sommes aussi la société privée comptant le plus grand nombre d'affiliés de la SRC, au pays.

Je suis la vice-présidente du conseil de la télévision de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et la vice-présidente d'un organisme portant le nom de North American National Broadcasters Association. Je suis ravie de participer à cette séance. Merci.

M. Peter Miller (vice-président, Affaires et réglementations, Télévision CHUM): Je suis Peter Miller. Je suis vice-président des Affaires et réglementations chez Télévision CHUM. Comme beaucoup d'entre vous le savent, CHUM est une société de radiodiffusion diversifiée. Nous avons des participations dans des stations de radio, et de télévision spécialisées, y compris City-TV, Bravo et MuchMusic.

Notre société est fière d'être à la pointe de la radiodiffusion des dernières décennies, en assumant particulièrement un rôle de leader dans le domaine des services spécialisés. Pour ce qui est des exportations et de la programmation que nous produisons, nous sommes le principal radiodiffuseur-producteur du pays. Nous avons aussi d'autres activités en ligne et dans les nouveaux médias.

Je suis avocat et ingénieur et j'ai travaillé dans le domaine des politiques publiques, notamment. Jusqu'à tout récemment, j'étais vice-président exécutif de l'Association canadienne des radiodiffuseurs.

Le président: Merci.

Inky.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je suis Inky Mark. Je suis le député de Dauphin—Swan River, Manitoba. Je suis le principal porte-parole de l'opposition pour le patrimoine canadien.

Mme Bette E. Stock (présidente, Charmyon & Co., Cultural Community Project Management): Bonjour. Je suis Bette Stock. Je représente aujourd'hui mon entreprise, Charmyon & Co., qui est ma deuxième entreprise. Nous nous occupons de la promotion du parrainage pour des projets culturels et communautaires.

Je viens du secteur des périodiques, et pendant plus de 10 ans j'ai été exportatrice de services. Je m'intéresse donc de près à la façon dont les petites entreprises canadiennes peuvent se lancer sur la scène internationale ainsi qu'à toutes les questions qui se rapportent à mon secteur. Je m'intéresse tant aux aspects internationaux qu'aux aspects.

Merci.

Mme Kealy Wilkinson (directrice nationale, Alliance pour les enfants et la télévision): Je suis Kealy Wilkinson. Je suis la directrice nationale de l'Alliance pour les enfants et la télévision, une organisation nationale à but non lucratif qui existe depuis 25 ans et qui travaille à créer dans l'immédiat un environnement positif pour les enfants canadiens.

Je suis aussi membre fondatrice d'un nouvel organisme, le Canadian Children's Cultural Council, qu'on est en train d'établir et qui représentera tous les secteurs de la culture destinée aux enfants canadiens. Je suis ravie d'être ici pour vous rappeler que toute culture canadienne commence avec nos enfants.

Le président: Merci.

M. Gaston Blais (attaché de recherche du comité): Bonjour. Je suis Gaston Blais. Je suis l'attaché de recherche du comité.

Le président: Je suis Clifford Lincoln. Je suis le député de Lac-Saint-Louis, au Québec, et président du Comité permanent du patrimoine canadien.

[Français]

Le greffier du comité: Je m'appelle Norman Radford et je suis le greffier du comité.

• 1120

[Traduction]

Le président: Je pense que nous pouvons commencer la discussion. Qui sera le premier?

Bon sang! je n'aurais jamais cru que les radiodiffuseurs et les éditeurs étaient timides. Madame Limbertie.

Mme Ineke de Klerk-Limbertie: Je vais commencer, parce que je suis un peu différente.

J'ai un mémoire, que je vous lirai si vous n'avez pas d'objection.

Depuis 30 ans, le Community Folk Art Council, un organisme de charité à but non lucratif, représente le patrimoine des 91 nationalités qui enrichissent la vie de Toronto. Nous avons pour mandat de promouvoir la préservation, l'expansion et l'avancement du patrimoine culturel artistique des Torontois. Nous nous acquittons de ce rôle de diverses façons. Nous organisons des événements, comme Noël et Pâques autour du monde, qui présentent les traditions de fêtes des nombreuses communautés ethniques de Toronto, en plus de donner à nos 200 groupes membres la possibilité de présenter leur patrimoine par la musique, la danse, la chanson et la gastronomie.

En collaboration avec Folklore Canada International, nos groupes membres ont aussi représenté le Canada à l'étranger, à des festivals internationaux de folklore organisés par le CIOFF, une organisation membre de l'UNESCO qui a des activités dans le monde entier. Les membres du Toronto Folk Art Council ont donné des spectacles dans des festivals aussi loin qu'à Taïwan, en Ukraine ou en Lettonie, et aussi près qu'au Festival international du folklore mondial, à Drummondville.

Le Folk Art Council est heureux de pouvoir s'adresser au Comité permanent du patrimoine canadien pendant ses consultations. Nous estimons que la création d'une politique culturelle fédérale est essentielle au bien-être de notre pays.

Il convient tout à fait que les audiences de votre comité à Toronto aient lieu aujourd'hui au Musée royal de l'Ontario. Ce musée a la réputation internationale d'être l'un des plus grands dépositaires d'art chinois à l'extérieur de la Chine. Un touriste à Toronto, en visite dans ce musée, pourrait être étonné de l'extraordinaire exposition d'artefacts chinois au coeur de la sixième ville d'Amérique du Nord. Pourtant, mesdames et messieurs, le patrimoine chinois est aussi le patrimoine du Canada. Les Chinois forment le deuxième groupe linguistique à Toronto, et on peut même utiliser le cantonais pour retirer de l'argent des guichets automatiques dans cette ville.

Dans l'introduction du récent livre blanc sur la politique culturelle nationale, le gouvernement des Pays-Bas déclare que la culture, c'est ce que nous avons en commun. La culture est ici définie dans son sens général d'usages et de valeurs connus, mais plus il y a de gens qui y participent, plus riche est une culture. Et plus la culture a à offrir, plus il y aura de gens qui voudront y participer. C'est pourquoi il est si important de rester ouvert à tout ce qui peut contribuer à former et à transmettre les politiques culturelles. L'ouverture des gens les uns aux autres dépend de leur confiance dans leur propre bien-être. L'incertitude est propice à l'étroitesse d'esprit.

Il faut s'efforcer de créer un climat culturel où les gens se sentent à l'aise et qui les incite à déterminer ce qui est important, ce qu'ils souhaitent partager et ce qu'ils souhaitent découvrir les uns au sujet des autres. On aurait pu dire exactement la même chose au sujet de notre situation ici au Canada. Les membres du comité permanent seront heureux d'apprendre que ce livre blanc est disponible en anglais sur l'Internet, si cela les intéresse.

Les Hollandais ont élaboré une variante du multiculturalisme qui me plaît beaucoup. Ils appellent cela l'interculturalisme. Ils signalent que, dans une société multiculturelle, on risque de voir des cultures différentes coexister dans l'isolement, ce qui risque d'entraîner une intolérance et une suspicion réciproques. Le gouvernement des Pays-Bas souhaite créer un milieu où la diversité renforce l'unité et où la rencontre et l'affrontement des cultures peuvent déboucher sur l'échange d'expériences et d'inspirations nouvelles. Toutefois, les Hollandais ne sont pas voisins des Américains, pas plus qu'ils ne partagent une langue commune avec les pays voisins. Après avoir lu l'énoncé de principes du gouvernement hollandais, j'estime qu'il nous est extrêmement difficile, au Canada, de traiter de la question de la mondialisation sur le plan culturel.

Au Canada, nous avons toujours été fiers de notre diversité. À Toronto, nous en avons même fait un élément de la devise de la nouvelle ville. À mon avis...

Le président: Votre mémoire va-t-il être long?

Mme Ineke de Klerk-Limbertie: Non, il ne me reste qu'un paragraphe.

Le président: Très bien.

Mme Ineke de Klerk-Limbertie: À mon avis, le multiculturalisme nous a permis jusqu'ici d'éviter d'être une copie carbone de nos voisins du Sud. Nous sommes une mosaïque, et non pas un creuset. Toutefois, et c'est là qu'interviennent les travaux du comité permanent, notre mosaïque a besoin d'un cadre de façon à ce qu'on puisse l'accrocher sur les murs, ici, au Musée royal de l'Ontario, et la montrer aux touristes, pour nous rappeler qui nous sommes. Il nous faut une politique culturelle pour le Canada. Il nous faut une société où nous sommes unis par une culture commune. Cette politique doit être élaborée après une réflexion approfondie et une étude minutieuse, et c'est pourquoi je me réjouis de votre présence ici aujourd'hui.

• 1125

Cette politique doit renfermer des garanties pour la préservation de la culture exceptionnelle qui est le patrimoine expressif du Canada. Du monde entier, des chercheurs viennent dans notre pays pour redécouvrir ce qu'ils ont perdu dans le leur. Des trésors inimaginables ont été détruits lors de la russification de l'Ukraine, de la Lettonie et de la Lituanie, lors du génocide arménien, de la révolution culturelle chinoise, et de la diaspora noire.

Mesdames et messieurs, ces trésors se trouvent ici dans les studios de danse de Toronto, les églises de Newmarket, les centres culturels de Sudbury et également au Musée royal de l'Ontario. Ces trésors font partie du patrimoine culturel de notre pays, et je vous demande instamment de ne pas les oublier lorsque vous élaborerez votre politique nationale sur la culture canadienne. On ne peut pas bâtir un nouvel édifice s'il ne repose pas sur des fondations culturelles.

Le président: Merci.

Monsieur Miller.

M. Peter Miller: Merci, monsieur le président.

Je pourrais peut-être discuter d'une des questions que soulève le comité et qui me tient à coeur, à savoir celle de la technologie.

J'ai passé la majorité de ma carrière à travailler dans la technologie ou à m'occuper des répercussions de celle-ci sur les affaires et la politique publique. Si de nombreux témoins vous ont déjà parlé de cette question, vous avez peut—être entendu une phrase assez simple, mais profonde, que j'aime beaucoup: on a toujours tendance à surestimer l'incidence à court terme de la technologie et à sous-estimer ses répercussions à long terme. Certains changements qui se produisent sur le plan technologique à l'heure actuelle n'ont pas encore de répercussions, mais celles-ci seront profondes.

Je peux dire, par expérience, que le progrès technique a trois conséquences fondamentales dans le secteur culturel. Ce sont la fin de la rareté, la fin des obstacles et la fin des divisions traditionnelles entre les secteurs d'activité. J'aimerais dire quelques mots au sujet de ces trois questions, car j'estime que nous aurons tous beaucoup à gagner si les membres du comité ou nous tous sommes sur la même longueur d'onde.

La fin de la rareté est facile à comprendre, du moins en surface. Nous comprenons que nous disposerons de plus de canaux, de plus de moyens de distribution grâce à l'Internet ou autrement, et il y aura plus de propriétaires d'ordinateurs personnels susceptibles de conserver plus d'informations. Tout va être de plus en plus important, mais qu'est-ce que cela signifie? De toute évidence, une plus vive concurrence. Cela signifie également que nos instruments de politique traditionnels, et surtout nos instruments de réglementation uniformes, seront inutilisables.

Dans le domaine de la radiodiffusion, à l'époque où il n'y avait que trois ou quatre canaux, c'était logique. Ils faisaient tous certaines choses. Maintenant qu'il y en a 50, 100, voire 200, ils ne sont pas tous tenus de faire la même chose, tant que l'ensemble du système répond à nos exigences en matière de politique publique.

Il est donc très important, lorsqu'on parle de dramatiques télévisées ou de longs métrages, de bien comprendre que la solution de ces dilemmes n'est pas d'obliger tout le monde à en faire, mais plutôt de permettre à ceux qui réalisent des dramatiques ou des longs métrages, ou qui s'occupent de radiodiffusion ou d'art ethnique, de se spécialiser dans les domaines de leur choix. Une société comme CHUM, qui se targue de participer à la réalisation de longs métrages, pourra le faire. Une entreprise comme CTV pourra faire quelques longs métrages et aussi des dramatiques en épisodes. Une société comme CanWest Global, qui n'est pas représentée aujourd'hui, ne fera peut-être aucun long métrage, car cela sort de son champ d'activité, mais elle présentera peut-être de nombreuses émissions dramatiques en épisodes.

La deuxième question dont je veux traiter est la fin des obstacles. Cela signifie bien évidemment que nous ne pourrons plus empêcher les importations culturelles dans notre pays au fil des ans. Toutefois, il s'ensuit que cela nous offre d'énormes possibilités d'exportation. Du point de vue de la politique culturelle et de la réglementation, cela signifie que nous ne pouvons plus imposer d'obligations sans comprendre l'incidence qu'elles ont sur la compétitivité d'une entreprise, comme un radiodiffuseur, une station de radio, etc. Il faut faire la part des choses entre les obligations que nous imposons et les avantages que nous offrons, car si nous nous contentons de dire que tous les radiodiffuseurs doivent faire telle ou telle chose, sans tenir compte des répercussions que cela aura sur leur compétitivité, surtout dans le contexte nord-américain, nous détruirons les entreprises qui ont été couronnées de succès jusqu'ici.

• 1130

Ma dernière question est celle de la disparition des anciennes divisions. Il est toujours plus facile, dans le contexte de la politique publique, de considérer un éditeur comme un éditeur, un réalisateur comme un réalisateur, un radiodiffuseur comme un radiodiffuseur, et de les compartimenter. Eh bien, cela ne sera plus possible, car tout le monde interviendra désormais dans tous les domaines.

Mon entreprise s'occupe à la fois de production, de radiodiffusion directe et d'émissions spécialisées. D'autres sociétés sont des câblodistributeurs et des entreprises de services spécialisés. Il y a des producteurs qui sont à la fois producteurs, distributeurs et radiodiffuseurs. Il faut bien comprendre que la division sectorielle traditionnelle n'a plus lieu d'être et que, en vertu de notre politique culturelle, nous devons appuyer le produit, le film, le livre, le long métrage, mais non plus le secteur. Il faut encourager toute entreprise, toute société canadienne désireuse de produire des livres canadiens, des films canadiens, ou des émissions de télévision canadiennes, à le faire. Nous devons adopter des règles pour que le système soit équitable. Toutefois, il va falloir oublier le principe de la compartimentation.

Le président: Je pense que M. Miller nous a lancé un défi.

Madame McDonald.

Mme Elizabeth McDonald: Peter et moi sommes habitués à avoir de longues discussions—cela nous a rendus presque tristement célèbres.

Je vais répondre à certaines questions que Peter a soulevées plus tôt. Tout d'abord, si le gouvernement canadien examine actuellement la teneur d'une politique sur la culture canadienne, il faut qu'avant toute chose nous nous engagions à faire preuve de cohérence; il serait utile de revoir les mécanismes en place et d'essayer d'établir s'ils sont cohérents ou non.

Il existe un certain nombre de mécanismes qui appuient la création de la télévision canadienne et quelques-uns qui soutiennent la production cinématographique dans notre pays. En outre, il y a toute une panoplie de programmes qui sont censés soutenir l'infrastructure ou la création d'emplois. Ces initiatives se nuisent souvent mutuellement, parce qu'elles manquent de cohérence.

Je pense notamment au crédit d'impôt pour émission de télévision et film canadien portant visa par opposition au crédit d'impôt pour services de production. Je ne vais pas me lancer dans la discussion, comme certains pourraient s'y attendre de ma part, au sujet du crédit d'impôt pour services de production; j'aimerais plutôt demander pourquoi nous avons deux programmes, un qui est simple sur le plan administratif et qui s'adresse aux réalisateurs étrangers, et l'autre qui est non seulement plus complexe du point de vue administration, mais qui en outre a pour effet de n'offrir qu'un crédit d'impôt de moins de 2 p. 100 à des productions canadiennes comme The Hanging Garden.

J'espère que, en avançant dans notre étude, nous examinerons également certains des mécanismes actuels et nous demanderons s'ils sont logiques et utiles. Lorsqu'il m'arrive d'aller dans un ministère, comme Patrimoine canadien, nous parlons de ce que nous faisons pour les produits canadiens, et lorsque je vais au ministère des Finances et que je constate qu'une disposition comme le crédit d'impôt pour services est axée sur l'infrastructure et que, en fin de compte, même si toutes ces mesures s'adressent aux cinéastes, l'une procure plus d'avantages que l'autre relativement au processus de demande... Je ne prétends pas que le crédit d'impôt pour services de production devrait être supprimé, bien au contraire. C'est une disposition importante. Il est simplement regrettable que certains producteurs canadiens qui font ce que l'on appelle des «productions portant visa» ou des produits qui sont très nettement canadiens soient désormais assujettis aux mêmes règles que les producteurs étrangers en raison de la complexité du programme.

C'est pourquoi je vous félicite de vous pencher sur certaines question de cohérence. À mesure que nous avancerons dans cette étude et examinerons les produits et les entreprises-en l'occurrence, le produit, le programme, le long métrage—il nous faut adopter des programmes cohérents, de sorte que, même si nous attirons l'investissement au Canada et incitons des gens à venir travailler chez nous, cela ne soit pas au détriment des Canadiens.

Pour répondre à certaines questions qu'a soulevées Peter, nous en sommes arrivés à un point intéressant. Nous parlons de la fin de la rareté, de la fin des obstacles et de la fin des secteurs traditionnels. Je suppose qu'il nous faut décider, pour en revenir à la cohérence qui me tient à coeur, ce que nous voulons faire et, par conséquent, lorsque nous aurons pris cette décision, quel genre d'appui nous voulons offrir.

• 1135

Dans certains cas il faut mettre l'accent sur le produit. Il nous faut des longs métrages canadiens. Nous avons l'industrie voulue pour le faire, mais nous sommes nettement défavorisés. Quoi qu'on puisse en penser, il y a un seul pays au monde qui n'offre aucune aide financière à la production cinématographique, et c'est les États-Unis. C'est parce que lorsque ce pays n'est pas en guerre, l'industrie des loisirs est son plus gros secteur d'activité.

Ce n'est donc pas simplement un affrontement entre David et Goliath, mais c'est un Goliath dopé aux anabolisants. C'est très important. Nous avons tendance à ne nous tourner que vers les États-Unis en oubliant le reste du monde, ce qui nous pousse à faire certaines constatations qui ne s'appliquent pas sur la scène internationale.

En effet, la concurrence est vive, mais cela offre toujours de nouvelles possibilités. Lorsque nous envisageons de supprimer certaines mesures de réglementation qui font obstacle au progrès, nous devons réfléchir sérieusement à ce que cela signifie. Il arrive que des radiodiffuseurs et nous tous qui travaillons dans ce domaine soyons très heureux de la réglementation en place lorsqu'elle sert nos intérêts, mais la Loi sur la radiodiffusion est là pour garantir que les Canadiens peuvent s'imprégner des valeurs canadiennes et entendre des histoires canadiennes dans le contexte d'un marché qui est sans doute le plus ouvert du monde. Nous avons cédé près de 97 p. 100 de nos écrans à des intérêts américains, et 65 p. 100 des émissions de télévision offertes et regardées au Canada ne sont pas canadiennes, qu'il s'agisse de l'émission ou du signal.

Si l'on s'intéresse à l'orientation de ce secteur d'activité, que cherchons-nous à assurer? Qu'il existe des possibilités pour les Canadiens. Il faut donc nous assurer que le maximum de services spécialisés, qui sont canadiens, qui offrent le genre de choses qu'offrent les télévisions CHUM et CTV grâce à leurs services spécialisés... par opposition à ce qui se passe, pas tellement parce que nous ne devrions pas permettre aux chaînes américaines de desservir notre marché, mais parce que nous devrions avoir l'occasion de raconter nos histoires. Il faut encourager de cette façon l'accréditation des produits canadiens.

Si nous voulons aider les entreprises, il faut aussi s'occuper des petites et moyennes entreprises en activité, et pas simplement des grandes sociétés qui veulent progresser. Bon nombre d'entre elles ont l'infrastructure nécessaire et tournent rondement. Des sociétés comme Triptych Media—et j'aimerais que Robin vous en parle—sont couronnées de succès, mais après chaque projet elles sont remises en question et ont du mal à trouver les capitaux voulus.

Par conséquent, même s'il est intéressant d'écouter ce que les grandes sociétés ont à dire à ce sujet, et il importe qu'elles agissent en chef de file dans ce domaine, je pense également qu'il faut envisager d'aider d'autres entreprises canadiennes, de leur offrir des possibilités, et nous devons examiner des programmes qui nous permettront de le faire.

Enfin, on a parlé de l'entreprise traditionnelle. Pour que tout soit bien clair, lorsque je dis que je représente plus de 300 membres, de 20 à 25 p. 100 des entreprises au plus sont intégrées verticalement. Dès qu'on arrive à plus de quatre ou cinq, certaines d'entre elles ont des intérêts dans les petites distributions et quelques-unes dans la post-production. Il y a de nombreuses petites et moyennes entreprises de production qui ne fonctionnent pas de cette façon, et on a fait de gros efforts pour présenter l'industrie de la production comme cet énorme monolithe. Ce grand monolithe de sept ou huit sociétés existe, mais de l'autre côté de la frontière. En fait, au mieux, la plus grande entreprise canadienne viendrait au 12e rang aux États-Unis.

Enfin, pour revenir sur ce qu'a dit Kealy au sujet des enfants, nous nous préoccupons vivement des enfants et nous appliquons un programme de mesures bien précises concernant les émissions pour enfants au Canada. Même si je comprends que certains s'inquiètent à l'idée qu'on veuille obliger les radiodiffuseurs à entrer tous dans le même moule, je pense que nous devons prendre un engagement à l'égard des enfants canadiens et de l'adoption d'une stratégie, surtout pour la télévision et l'Internet, de façon à prévoir un contenu qui soit en rapport avec le Canada.

Les enfants sont notre unique espoir. S'ils perdent cet intérêt pour nos récits lorsqu'ils seront débordés par cette pléthore de signaux qui nous arrivent, ils deviendront des citoyens du monde en grandissant, mais ne comprendront plus leur propre identité, ce qui est très grave à mon avis.

• 1140

Il importe que des organismes comme le CRTC continuent d'insister pour que le maximum de titulaires offrent des émissions pour enfants, surtout de façon très rentable—autrement dit, sans pénaliser ceux qui ne reçoivent ni le câble ni les émissions par satellites.

Il importe d'encourager la SRC—et de lui offrir les fonds nécessaires—à offrir également des émissions pour enfants, et à revenir à sa position antérieure à ce sujet. Cela demande évidemment de l'argent. Des émissions pour enfants de la SRC ont dû être supprimées à cause de coupures budgétaires.

J'ai fait ces quelques observations pour répondre aux propos de Kealy et insister sur l'importance des enfants.

Je sais que j'ai parlé déjà assez longtemps, mais Robin voudra simplement...

Le président: Pour changer un peu, j'aimerais demander à quelqu'un comme M. Moore, qui représente un secteur différent, de nous parler au nom des auteurs. C'est pour nous permettre d'avoir un aperçu plus général.

M. Christopher Moore: Bien volontiers.

Le président: Je reviendrai à vous ensuite, monsieur Cass.

M. Christopher Moore: En écoutant ceux qui m'ont précédé, je crois avoir entendu M. Miller dire que l'on va mettre l'accent sur les producteurs plutôt que sur les secteurs en particulier. C'est une chose à laquelle nous ne trouverons certes rien à redire.

Toutefois, dans un monde où les frontières disparaissent, comme il nous l'a dit, ce que nous attendons de la mondialisation, selon nous, n'est pas un système homogène dans le monde entier, mais plutôt un échange de diversités. L'an dernier, après avoir suivi les discussions mondiales entourant l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, nous avons été très surpris de voir que ces négociations avaient tourné court à cause des problèmes soulevés dans le monde entier relativement à la protection des industries culturelles. Certains ont affirmé alors que nous devons être à même de produire une culture propre à chaque pays—voire à chaque région, dans le contexte canadien—pour que cela vaille la peine de distribuer cette culture dans le reste du monde. Si nous devenons simplement de pauvres émules les uns des autres, nous n'aurons aucun produit intéressant à distribuer aux autres.

Nous espérons donc que votre comité continuera de tenter de définir la souveraineté culturelle canadienne et que cette définition tiendra compte du contexte de l'évolution technologique et de la disparition des frontières, comme je l'ai mentionné.

À l'autre extrémité, si je peux ajouter encore une chose au sujet du rôle du gouvernement fédéral, nous nous intéressons à des choses un peu moins grandioses, telles que la Loi sur le droit d'auteur, qui, tout compte fait, n'en est pas moins importante.

Si on veut que les producteurs comme nous survivent au Canada ou sur le marché international, il faut qu'ils puissent être rémunérés. Par conséquent, même les petits alinéas et sous-alinéas de la Loi sur le droit d'auteur et des lois connexes, y compris celles traitant du droit de prêt au public, sont d'une extrême importance pour nous.

Si la Loi sur le droit d'auteur est libellée de façon telle que nous n'arrivons pas à obtenir la rémunération qui nous est due, cela ne vaut pas la peine pour nous de produire quoi que ce soit, alors que si nos oeuvres sont protégées, peu importe la technologie, nous pourrons affirmer notre intérêt économique dans la rémunération des producteurs, peu importe qui vend les oeuvres, comment ces oeuvres sont vendues ou de quel média il s'agit.

Nous nous intéressons donc à toute une gamme d'enjeux, et nous estimons que le gouvernement canadien doit favoriser une définition vaste de la souveraineté culturelle dans notre monde en mutation. Parallèlement, nous nous intéressons à une bonne loi sur le droit d'auteur, sur le droit de prêt au public, ainsi qu'à la position indépendante du Conseil des arts du Canada. C'est donc à ces deux niveaux que nos préoccupations sont les plus pertinentes pour votre comité.

Le président: Monsieur Cass.

M. Robin Cass: Je suis entièrement d'accord avec ce qui vient d'être dit.

J'aimerais dire un mot, brièvement, à titre de créateur de contenu, car j'estime que le contenu est roi. C'est le contenu qui prime. Que l'on parle d'oeuvres pour les enfants, d'une collection chinoise ici à Toronto, à l'extérieur de la Chine, ou de livres, nous avons tendance à évaluer le succès de nos auteurs en fonction du nombre de pays et de langues dans lesquels ils sont publiés. C'est le contenu qui prime, et c'est la force et l'intégrité de la voix à laquelle le monde réagit et en fonction de laquelle nous évaluons le succès.

Sauf tout le respect que je dois à mes collègues les radiodiffuseurs et technologues, etc.—nous sommes tous des partenaires et nous avons tous besoin les uns des autres—en dernière analyse, ce dont il s'agit, c'est ce que nous faisons pour promouvoir ce qui est diffusé sur les ondes et sur les écrans.

J'ai consacré les sept dernières années à mettre sur pied une petite entreprise non intégrée. Elle ne fait pas de distribution ni de post-production. Nous consacrons 100 p. 100 de notre temps à collaborer avec les écrivains canadiens pour obtenir des scénarios qui méritent les investissements qui en feront des films et des émissions de télévision.

• 1145

Une chose m'a beaucoup frappé. Notre plus grand succès a été le film The Hanging Garden, un film très particulier du point de vue culturel. C'est un film à très petit budget selon les normes internationales. Il a probablement coûté autour d'un million et demi de dollars. Cette somme suffirait probablement à peine à payer un repas pour toute l'équipe d'Hollywood qui a réalisé le film Waterworld ou King Kong. Mais, quoi qu'il en soit...

Le président: Un seul repas?

Des voix: Oh, oh!

M. Robin Cass: Disons, un excellent repas.

Nous avons travaillé quatre ans à ce film, pour très peu d'argent. Nous y avons investi nos honoraires pour que le film se rende sur les écrans. Rien n'a été plus excitant pour moi que d'assister à la première du film au Festival du film de Toronto, il y a deux ans, et d'entendre l'ovation qui a suivi. Miramax, MGM, Hollywood et tous ceux-là nous ont pourchassés avec leurs offres d'achat.

Ce n'était pas un produit. Ce n'était pas une oeuvre produite selon une formule. Ce film ne mettait en vedette aucune star. Les gens ont réagi à l'intégrité de la voix et à l'élégance dont a fait preuve le réalisateur.

Avec sa politique des dernières années, un peu par inadvertance, le Canada a réussi à créer une industrie très solide. En encourageant les producteurs étrangers à venir travailler au Canada si régulièrement, nous avons créé un bassin d'artisans aux talents très raffinés et solides qui peuvent rivaliser avec les meilleurs du monde.

C'est notre pays qui crée la technologie qui sert à créer les effets spéciaux des films d'Arnold Schwarzenegger. Alliance, Discreet Logic, Softimage et IMAX sont toutes des entreprises canadiennes et des chefs de file mondiaux dans la technologie de pointe. Cela nous fait bien paraître, mais je crois que nous devons nous doter d'une politique culturelle cohérente permettant un profit raisonnable aux producteurs des oeuvres, à ceux qui prennent les risques, qui ne craignent pas de consacrer trois ou quatre ans à écrire une oeuvre pour ensuite la mettre à la poubelle et repartir à zéro pour offrir à l'infrastructure dans son ensemble et aux investisseurs une proposition significative qui puisse se concrétiser et se vendre sur le marché.

Je m'arrête ici.

Le président: Vous avez été très convaincant.

Monsieur Jamison, suivi de Mme Oda.

M. Mark Jamison: J'aimerais aborder trois points qu'ont soulevés Mme McDonald, M. Miller et M. Cass. Lorsqu'on parle de la boîte, on parle finalement des points de référence des diverses parties du secteur; chaque partie a son propre point de référence, comme le producteur et son produit. C'est très bien. Nous avons tous besoin de points de référence.

Du point de vue des carrières, nous sommes tous, sauf quelques exceptions notables, des travailleurs de la culture, si j'ose dire, à notre façon. Toutefois, le contenu, lui, s'étend à tous les secteurs. Que l'on soit écrivain, musicien ou artiste visuel, la possibilité de pénétrer d'autres secteurs existe, et nous en avons tous profité. Lorsque j'étais artiste de spectacle, je travaillais autant pour des entreprises commerciales que pour des organismes à but non lucratif. C'est comme cela que notre industrie fonctionne.

Mais en matière de culture il faut tenir compte de la perception changeante du public; il ne s'agit pas simplement de culture, de contenu canadien, ou de quoi que ce soit d'autre. Comme je l'ai indiqué, dans notre province, il y a 265 000 personnes qui gagnent leur vie grâce à un secteur culturel, et la majorité d'entre elles sont des travailleurs autonomes. Plus de 50 p. 100 d'entre elles sont des travailleurs autonomes. Ce sont donc des petits entrepreneurs et des entrepreneurs moyens.

Puisque notre industrie a ce genre de retombées, elle devrait être en droit de présenter ses revendications comme le secteur du bâtiment ou de l'automobile. Nous devrions rappeler au gouvernement que nous valons des milliards de dollars. Ou peut-être devrions-nous dire au public que nous valons des milliards de dollars.

• 1150

Aurions-nous un secteur de l'aviation sans l'appui du gouvernement? Aurions-nous un secteur des transports sans appui du gouvernement? Aurions-nous un secteur du bâtiment sans appui du gouvernement? La passion qui anime ceux qui nous donnent ces produits culturels ne suffit plus, qu'il s'agisse de films, de radiodiffusion ou d'opéra. Notre secteur est un secteur économique énorme qui devrait être sur un pied d'égalité avec les autres grands secteurs.

Du point de vue de la formation, le gouvernement, voulant tenir compte de la perception du public, a adopté des politiques selon lesquelles il investit davantage d'argent dans la formation de travailleurs comme ceux qui fabriquent des pare-chocs que dans celle des travailleurs du secteur culturel, surtout parce que ces derniers ne cotisent pas à l'assurance-emploi et que notre contribution comme secteur à l'assurance-emploi est minime. Par conséquent, on nous considère comme peu important à cette étape-ci de notre évolution.

Mais puisqu'il s'agit de milliards de dollars en exportations cinématographiques, car nous avons ici les meilleurs artisans de l'industrie du film au monde, puisque nous avons des chanteurs d'opéra qui habitent au Canada et donnent des spectacles à l'échelle de la planète pour ensuite rapporter ici des revenus de centaines de milliers de dollars, et qu'ils dépenseront ici, nous devons abandonner cette idée selon laquelle nous ne sommes qu'une série de petits secteurs différents.

Nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour convaincre les Canadiens, nos concitoyens, que notre secteur ne veut pas prendre, mais vendre. Peu importe notre partie de l'industrie, nous avons tous des thèmes en commun. Notre principal point en commun, c'est que nous générons d'énormes retombées économiques et que nous employons des centaines de milliers de gens.

Je voulais tenter d'établir les liens entre les trois questions qui ont été soulevées sur ce que nous faisons et pourquoi nous sommes ici. C'est tout.

Le président: Avant de céder la parole à Mme Oda, madame Brand, auriez-vous l'obligeance de vous présenter brièvement?

Mme Pamela Brand (directrice générale nationale, Guilde canadienne des réalisateurs): Veuillez excuser mon retard. J'ai dû m'occuper de choses urgentes.

Je m'appelle Pamela Brand; je suis la directrice générale nationale de la Guilde canadienne des réalisateurs.

Le président: Merci.

Hier, à Montréal, il y a eu une espèce de dichotomie entre les différents intervenants. Certains nous ont dit que nous insistons trop sur l'aspect industrie du secteur culturel. Le point de vue que vous représentez a été clairement exprimé à cette réunion. Certains étaient d'avis que notre comité devrait d'abord déterminer ce qu'il entend par culture.

Un des intervenants les plus éloquents a fait valoir que la culture devrait d'abord être liée à l'être humain, à la personne, et que nous devrions définir la culture comme un endroit et une façon d'être, comme l'identité. Autrement dit, la culture est ce que vous êtes, et comment vous vous définissez; c'est votre identité, la place que vous occupez, votre façon d'être.

Manifestement, nous ne pouvons faire fi de ce que vous apportez... C'est une industrie énorme qui fait travailler beaucoup de gens. Mais peut-être pourriez-vous nous indiquer quel devrait être notre point de départ. Les témoins d'hier nous ont dit que, à moins que nous n'établissions un système de valeurs qui reflète les liens qui nous unissent, il nous sera très difficile de définir ce que nous voulons dire aux Canadiens.

J'en parle parce que j'ai trouvé la discussion très intéressante. Nous sommes repartis en nous demandant si ce concept d'identité, de la place qu'on occupe, de la raison d'être, n'est pas le concept tout puissant qui nous unit. Cela pourrait vous donner matière à réflexion.

Madame Oda.

Mme Beverley Oda: Merci beaucoup.

Si je peux me le permettre, j'aimerais donner suite à ce que vous avez dit et aller un peu plus loin. Vous avez soulevé une question très importante, et si vous réussissiez à la régler, nous pourrions tous profiter de votre sagesse.

• 1155

Lorsqu'on discute de politique, parfois nous avons du mal, car nous attendons du gouvernement fédéral qu'il nous montre la voie en matière de politique culturelle. À cette étape-ci de notre évolution plus particulièrement, nous devons reconnaître que la politique culturelle doit être coordonnée et conforme à nos politiques industrielles, économiques et commerciales. Nous rivalisons avec d'autres sur la scène internationale, et nous devons être en mesure d'entreprendre toutes nos activités en tenant compte de tous les aspects.

Pour revenir à ce qu'a dit M. Miller sur les nouvelles technologies, nous attendons aussi du gouvernement qu'il nous énonce sa politique ou son approche en matière de nouvelles technologies. Nous avons eu des lignes directrices dans la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion qui décrivent très clairement ce à quoi le gouvernement s'attend pour la population.

En ce qui concerne l'usage des nouvelles technologies, j'estime que le gouvernement devrait se pencher sur plusieurs questions: le gouvernement a-t-il une politique d'accès universel aux nouvelles technologies, a-t-il une politique d'abordabilité, ou allons-nous créer, comme certains l'ont prédit, une société composée de pauvres et de riches de l'information? Le recours à la technologie nous aidera-t-il à atteindre nos objectifs culturels en nous permettant de conserver notre propre régime canadien ou autrement? Devrons-nous tenter de maintenir, comme le stipule la Loi sur la radiodiffusion, l'obligation de qualité et de normes élevées? Compte tenu des progrès technologiques, les principes de cette loi s'appliqueront-ils à la technologie? J'estime que la technologie dont nous disposons maintenant, pour les raisons énoncées par M. Miller, devra être examinée dans ce nouveau cadre.

Encore deux choses. Nous devons maintenant rivaliser sur la scène nationale et internationale, mais nous devons aussi servir de radiodiffuseurs locaux et insister pour ne pas perdre l'obligation de dispenser des services locaux. Nous devons créer des occasions de dialogue avec les autres pays et continuer de permettre aux différentes régions du pays de se parler et de se voir, mais nous devons aussi nous assurer que les collectivités mêmes trouvent une façon de se parler et d'échanger leurs idées.

À CTV, on fait des pressions énormes sur nous pour que nous maintenions les services locaux tout en ne négligeant pas nos obligations nationales. Nous ne prétendons pas que l'un doit se faire au détriment de l'autre. Nous tenons aussi à remplir nos obligations nationales. Nous sommes heureux de pouvoir participer aux conversations nationales, mais il est difficile pour nous de dispenser aussi des services locaux d'actualités. Nous avons tenté de trouver le plus d'efficience possible. En Ontario seulement, nous diffusons actuellement sept bulletins de nouvelles quotidiens à différents moments de la journée. Lorsque nous rivalisons avec d'autres services qui n'ont peut-être pas la même infrastructure, nous devons faire des choix, qui sont parfois très difficiles, tout en respectant notre engagement de dispenser des services canadiens de grande qualité.

De plus en plus, le marché international sera concurrentiel à mesure que se multiplieront les signaux et les choix qui s'offriront aux consommateurs, ce qui signifie que nous devons trouver une façon d'appuyer les productions canadiennes. Autrement, un jour viendra où nous ne serons plus en mesure de raconter nos propres histoires.

• 1200

Pour répondre à votre question sur la façon dont se traduisent cette place que nous occupons et cette façon d'être, je dirais que c'est en racontant nos propres histoires, en donnant aux gens l'occasion de raconter leurs histoires. Que vous soyez un Canadien oriental né ici ou arrivé il y a un an, vous êtes Canadien. Il devrait y avoir davantage de possibilités de produire des émissions canadiennes qui traduisent les valeurs canadiennes. Pour ce faire, il faut une source de fonds. Le fonds canadien de télévision est donc essentiel à notre capacité de produire ces émissions de télévision.

Comme vous l'avez fait remarquer, bon nombre d'entre nous ont déjà débattu de cette question. En ce qui concerne la radiodiffusion canadienne, nous tentons d'apporter notre contribution. Si vous comparez ce que les radiodiffuseurs canadiens versent en droits de licence pour les productions canadiennes, non pas par comparaison avec le pourcentage du budget de production mais en fonction de la population, vous constaterez que les radiodiffuseurs canadiens contribuent davantage aux productions canadiennes par habitant que les radiodiffuseurs de tout autre pays. Il est essentiel qu'on comprenne que si nous pouvons trouver une façon de promouvoir les produits culturels—et pas seulement les produits, mais aussi les services—il y aura toujours une voix forte pour raconter nos histoires canadiennes. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Oda.

Je voudrais tout simplement rappeler à tous les participants qu'il est déjà midi. Le temps file. Il nous reste 60 minutes. J'ai quatre demandes, et il y en aura d'autres, de sorte que je vous demanderais d'être concis, pour que tout le monde ait la chance de s'exprimer. Je donne la parole à Mme Stock.

Mme Bette Stock: J'aurais des observations à faire à la suite de ce qu'a dit Mme de Klerk-Limbertie au sujet du défi multiculturel. J'ai effectivement préparé un mémoire, et même si dans ce mémoire je mets l'accent sur les problèmes des petites entreprises, je dis par ailleurs que c'est également une question de culture. Je ne sais pas comment cela pourrait se faire. Je sais que l'immigration, par exemple, est une question nationale. Je pense que 50 p. 100 des nouveaux arrivants à l'heure actuelle viennent s'installer à Toronto. Je suis Torontoise de quatrième génération. Bon nombre des nouveaux arrivants n'ont pas le français ou l'anglais comme langue maternelle. Ils ont beaucoup à offrir, et nous pouvons apprendre des choses d'eux. Je sais que c'est une question qui relève de la compétence fédérale.

À l'échelle régionale, nous offrons des programmes d'éducation. L'impact est assez local dans une ville comme Toronto, la plus grande ville du Canada. Cependant, ce que j'aimerais—et ce n'est là qu'un souhait; je ne demande pas aux gouvernements de dépenser de l'argent, de créer une bureaucratie, ou quoi que ce soit de ce genre—c'est qu'on fasse preuve de leadership à l'échelle nationale pour offrir une éducation artistique, des cours de français et d'anglais langue seconde pour les nouveaux immigrants ainsi qu'un programme d'études canadiennes. Le pays existe depuis plusieurs centaines d'années, et je crois que même ceux qui sont nés ici connaissent très peu de choses au sujet de leur pays. Je suis certaine que la plupart des gens connaissent très peu l'histoire de Toronto depuis 1950, tandis que si on va dans une petite ville américaine, on s'aperçoit que les gens sont assez chauvins et qu'ils ont tous leurs petites histoires qui leur ont été racontées d'une génération à l'autre. Ils en sont très fiers. J'ai travaillé à l'international. Je suis très préoccupée par notre perte de mémoire culturelle au Canada. J'aimerais qu'il y ait un certain leadership à l'échelle nationale.

Mes amis pour qui l'anglais est une langue seconde sont sous-employés dans cette ville, mais le besoin n'a jamais été plus grand. Comment pouvons-nous ensemble faire de l'humour, alors que la langue est à la base de l'humour? Allons-nous nous retrouver avec des divertissements de parc thématique à la télévision, au théâtre ou dans la rue? J'ai entendu des acteurs canadiens bien connus faire des commentaires à ce sujet. Avec quoi allons-nous nous retrouver si nous faisons des signaux de la main partout? Je pense que la langue est une question très importante qu'on ne peut pas mettre de côté à l'ère visuelle. Je pense que nous devrions intégrer notre expérience multiculturelle, en tirer des leçons et tirer des leçons de ce que les Premières nations ont à dire. Comme quelqu'un l'a dit, c'est une chose qu'on apprend dès l'enfance. Il faut enseigner aux gens à partir de la base, peu importe d'où ils viennent.

• 1205

J'aimerais terminer en disant que j'ai lu quelque part qu'il se peut que nous ayons une commission nationale, ou quelque chose de ce genre, pour examiner les normes d'éducation au pays. On ne voudrait pas non plus d'une homogénéisation. Il y a une diversité régionale, et nous devons nous en réjouir. J'aimerais que les gens puissent transmettre tout cela aux jeunes par des histoires, par la radiodiffusion, la radio, les voyages, enfin, par les moyens qu'il faudra. Nous devons apprendre à connaître notre pays avant de pouvoir savoir ce que nous perdons. Et je pense qu'on ne met tout simplement pas suffisamment l'accent là-dessus. Je suis donc d'avis qu'il serait très constructif et utile de faire preuve d'un certain leadership national à cet égard.

La seule autre observation que j'aimerais faire brièvement fait suite à ce qu'a dit Mark au sujet du secteur des petites entreprises culturelles et des travailleurs autonomes. Encore une fois, après avoir travaillé avec les Américains pendant dix ans, à mon avis il s'agit là d'un problème de terminologie. Nous ne nous définissons pas nous-mêmes, selon moi, pour nous habiliter nous-mêmes. Plutôt que de nous considérer comme des gens débrouillards, nous manquons de ressources. Je pense que c'est là une mentalité assez grave au Canada.

Dans mon mémoire, je nous ai brièvement décrits comme des professionnels indépendants ou des petites et moyennes entreprises culturelles. Je ne suis pas une travailleuse moi-même; je me considère comme une professionnelle. Aux États-Unis, c'est ainsi que les gens de ma catégorie se considèrent, comme des professionnels. Je pense qu'il est bon d'avoir une certaine attitude axée sur l'autonomie.

Je propose par ailleurs dans le mémoire, que je laisserai à votre comité, que nous engagions un nouveau dialogue interministériel et interactif entre le ministère du Patrimoine canadien, le ministère des Affaires étrangères, Industrie Canada, les investisseurs et les prêteurs.

Par ailleurs—je veux dire une chose encore avant de terminer—pendant six ans j'ai oeuvré auprès des banques pour défendre les intérêts des petites entreprises. J'ai rencontré certains des principaux dirigeants des banques au pays, et ils m'ont dit que tout ce qu'ils savaient au sujet de la culture, c'était que nous voulions obtenir des dons ou des subventions. Si on est dans la catégorie des entreprises, alors la plupart ne vont même pas être admissibles pour obtenir des subventions et ne vont même pas en demander. Si on est une petite entreprise, on voudra peut-être s'engager dans une activité qui ne va pas susciter de financement. De toute ma vie je n'ai jamais demandé de subvention, comme, d'ailleurs, bon nombre de gens que je connais. Nous savons que les subventions diminuent.

Donc, je dis que nous avons besoin d'un tout nouveau dialogue pour habiliter ceux d'entre nous qui doivent faire face à la réalité et à ses défis quotidiens. Je ne suis pas quelqu'un d'important ici, et je dis que nous avons besoin d'aide nous aussi. Mais je pense que nous devons commencer par mieux nous décrire et mieux définir nos problèmes avant de passer à autre chose. Il pourrait être utile d'avoir un certain encadrement et un certain leadership national à cet égard également.

Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole.

Le président: Madame Wilkinson suivie de M. Stoddart et de Mme Lill.

Mme Kealy Wilkinson: Merci, monsieur le président.

Comme Bev le disait, nous sommes en concurrence sur un marché mondial, et nous savons qu'il est important d'avoir quelque chose de distinctif à offrir sur ce marché, et cela revient à votre question, monsieur le président, sur la façon dont nous définissons la culture. Que ce soit l'ensemble de nos croyances, de notre éthique, de nos histoires, de notre musique, de notre sens de l'endroit et des valeurs, c'est en réalité notre façon de voir les choses. Voilà ce que nous apportons au marché international. C'est ce que nous partageons avec le monde. C'est quelque chose que nous faisons bien—du moins dans certains domaines nous le faisons remarquablement bien et nous avons un succès étonnant.

Il y a quelques années, des producteurs canadiens d'émissions de télévision pour enfants ont vendu une série à 150 pays dans le monde. Nos chiffres, qui ne sont pas encore tout à fait au point, indiquent que pour l'année dernière nous en avons vendu à près de 180 pays. Ce sont des ventes importantes, c'est un succès important, et je pense qu'à bien des égards cela était extrêmement important pour notre pays.

Nos émissions de télévision pour les jeunes font partie de l'expérience pour les enfants de tous ces pays. Ces émissions permettent en fait à des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde de connaître notre pays, ses valeurs et ses habitants.

Pour ces raisons, je pense qu'il est extrêmement important pour nous de continuer à offrir des mécanismes de soutien que le gouvernement fédéral, les radiodiffuseurs et tous les partenaires de l'industrie de la production des émissions pour enfants ont encouragés et mis en place. Je parle plus précisément de Téléfilm, de l'initiative conjointe du gouvernement fédéral et de l'industrie de la télévision et du câble concernant le fonds pour la télévision canadienne et du CRTC, qui par le passé a toujours voulu au moins encourager les radiodiffuseurs à offrir des services aux jeunes.

• 1210

Je pense qu'il est important par ailleurs de souligner que notre succès, bien qu'il soit remarquable, est néanmoins très fragile dans ce secteur particulier, et qu'il se fonde sur les engagements pris envers les jeunes téléspectateurs, d'abord par les radiodiffuseurs publics, Radio-Canada, TV Ontario, Télé-Québec, le Knowledge Network et le SCN, qui ont toujours tout fait par le passé pour s'assurer qu'on faisait quelque chose à cet égard.

Nous sommes tous conscients des conséquences des coupures budgétaires pour la SRC, mais il est encourageant de souligner que selon les chiffres les plus récents, dont j'ai pris connaissance ce matin—et je les validerai et les fournirai au comité—la programmation de la SRC, dans ce cas-ci le réseau anglais, pour les enfants à l'âge clé de deux à cinq ans est en tête du marché dans une très large mesure. Environ 42 p. 100 des enfants qui regardent la télévision le matin choisissent les émissions de la SRC. Cela est assez remarquable, et cela montre bien qu'il vaut la peine d'investir dans ce secteur. Je ne crois pas que cela soit suffisant, mais cela encouragera certainement la SRC à faire plus et mieux. Il est cependant remarquable que la SRC puisse faire autant dans les circonstances actuelles.

Je pense qu'il est important également que nous reconnaissions le rôle particulier de la télévision spécialisée, qui travaille très fort pour compléter ce que les réseaux privés ont pu offrir à nos enfants. Le Canal Famille, le Family Channel et plus particulièrement YTV produisent d'excellentes émissions spéciales pour enfants. Ces réseaux sont devenus un marché très important pour les producteurs qui cherchent à trouver cette lettre d'approche directe très importante pour entrer dans le réseau.

Une chose qui n'a pas été mentionnée ici aujourd'hui, et j'aimerais vous en parler brièvement, est l'importance de Radio-Canada particulièrement et de TFO qui offrent une programmation de qualité aux enfants francophones partout au pays. Je suis malheureusement un bon exemple de l'échec dû à l'absence d'une politique nationale avant l'époque où elle a été introduite. Ayant déménagé en Colombie-Britannique à l'âge de quatre ans, j'ai complètement perdu mes premières langues, soit le français et l'espagnol; je ne parle pas un mot de français ou d'espagnol aujourd'hui. Cela ne se produirait pas aujourd'hui grâce à Radio-Canada. Radio-Canada présente des émissions spectaculaires aux jeunes téléspectateurs. Je pense qu'il faut reconnaître que la télévision pour enfants joue un rôle très important pour ce qui est d'aider les enfants francophones à garder leur langue et je pense que c'est quelque chose que nous devons continuer à appuyer de façon réelle et concrète.

Le fait est que même avec l'introduction de TVA, le réseau privé qui sera bientôt offert par tous les câblodistributeurs au pays, tout au moins par les moyens et par les gros câblodistributeurs, il est important de reconnaître qu'au Québec aucune publicité n'est permise pendant les émissions pour enfants et que par conséquent les entreprises commerciales de cette province ne peuvent financer l'acquisition d'émissions de langue française pour enfants. Par conséquent, même si TVA apportera beaucoup aux téléspectateurs plus âgés, pour les jeunes et pour les adultes, en offrant un bon choix d'émissions, cette chaîne aura très peu d'impact, du moins dans les circonstances actuelles, pour ce qui est d'offrir des émissions pour enfants.

Je pense que je m'arrêterai ici, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame Wilkinson.

Je donne la parole à M. Stoddart qui sera suivi de Mme Lill, de Mme Dickens, de Mme Limbertie et de M. Blackadar.

Monsieur Jack Stoddart.

M. Jack Stoddart: Merci. Si vous me permettez de revenir à la question que vous avez soulevée, monsieur Lincoln, je pense qu'il est très important de répondre à une partie de cette question, c'est-à-dire si nous devrions avoir une tribune sur ce qu'est la culture, ce que sont les arts, ce que tout cela représente pour nous. Je pense qu'il n'y a rien de mal à aborder ces questions lors d'une autre tribune, ou peut-être qu'il convient de l'aborder au cours de celle-ci. Mais au cas où les gens n'auraient pas compris, notre pays est en guerre avec un autre pays au sujet de la politique culturelle et, si nous n'agissons pas maintenant pour nous assurer que la base industrielle est là de façon à ce que nos artistes, nos créateurs, puissent avoir accès à ce marché d'une façon qui leur permette de continuer à se développer et à avoir leur place au pays, alors le débat n'aura plus aucune importance. Nous deviendrons un marché régional pour les États-Unis—comme nous le sommes déjà dans une certaine mesure—bien avantage que nous ne le sommes aujourd'hui.

• 1215

Si on regarde ce qui se passe dans le cas du projet de loi C-55, le projet de loi sur les magazines, c'est vraiment intéressant. Je crois que c'est Peter Miller qui a parlé tout à l'heure des obstacles et de la rareté. Parlant de rareté, il y a la rareté des journaux. Nous avons de nombreux journaux au pays, mais 50 à 50 p. 100 de tous ces journaux appartiennent au même propriétaire.

Je pense que l'on peut dire que ce même propriétaire ou ce même groupe de journaux ou ce journal en particulier—les détails sont peut-être légèrement inexacts, mais ils ne sont pas si loin de la réalité—présente le projet de loi C-55 de façon très négative depuis trois ou quatre mois. Il s'est acharné constamment. Peu importe qui on est, si on lit constamment la même chose jour après jour... et lorsqu'on regarde ces articles, on s'aperçoit qu'ils sont une variante de ceux que l'on retrouve dans d'autres journaux et ils changent donc la façon de voir la question.

C'est ce qu'on appelle une guerre, lorsque certains de nos groupes de média s'attaquent à d'autres groupes. Si nous, qui travaillons dans le domaine des communications et de la culture, que ce soit du côté de la création ou du côté de l'industrie, ne comprenons pas qu'il y a toute une lutte à cet égard, si nous ne faisons pas front pour nous assurer que nos ministères gouvernementaux ont la capacité, la force et les ressources en personnel pour mener à bien cette lutte—et je pense, dans certains cas, la volonté aussi—alors nous allons passer complètement à côté de la coche.

Je ne suis pas un éditeur de magazine, mais je lis constamment dans les journaux que le projet de loi C-55 a été introduit parce que le gouvernement canadien avait adopté une loi qui avait été rejetée à l'OMC. On parle toujours de l'OMC. Ce que tout le monde oublie, c'est qu'il y a environ trois ans, avant la décision de l'OMC, Time Warner a décidé de contourner la loi canadienne par le biais de la technologie—d'en contourner l'esprit et la lettre. En effet, plutôt que de faire traverser le matériel à la frontière, comme le stipule la loi, et cela avait été décidé par la Commission Davey et la politique sur les magazines...

Un jour, lors d'une rencontre dans un consulat américain, je parlais avec Ron Atkey qui est avocat pour Time Warner. Je lui ai dit: «Vous savez, vous avez vraiment trouvé la façon de contourner la loi.» Il a dit que non, ils n'avaient pas trouvé la façon de la contourner, qu'ils la connaissaient depuis des années. Ils ont choisi le moment pour déclencher tout cela. Personne ne se demande pourquoi nous nous retrouvons avec une véritable guerre des magazines.

En fait, tout a commencé il y a environ sept ou huit ans lorsqu'une société, Time Warner, qui travaillait en collaboration avec USTR, a décidé de porter la question en litige avec le Canada. S'ils sont prêts à le faire pour cela, ils sont prêts à le faire pour les livres, pour la radio et la télévision, et pour tout le reste. Nous sommes le modèle. Il s'agit pour eux de dominer le monde dans le domaine des communications et de la culture.

Mon message serait que nous devons nous assurer qu'au cours de cette tribune et d'autres qui se tiendront à l'avenir, nous devons faire en sorte que le gouvernement s'occupe du problème. Au Parlement, certains estiment que seules les forces du marché pourront régler le problème. Je ne suis pas d'accord avec eux—et il y aura peut-être une autre tribune pour en parler—mais si nous ne faisons pas en sorte qu'il y a autre chose que les simples forces du marché pour faire passer notre message de culture, alors le message ne passera jamais.

Sous le gouvernement conservateur, le portefeuille de la culture a été séparé de celui des communications et je pense que cela a créé un problème fondamental, du fait que certains éléments de la culture sont maintenant examinés à Investissement Canada plutôt qu'au CRTC. Je ne dis pas que je suis pour ou contre le CRTC. Heureusement, je n'ai jamais eu personnellement à m'adresser à cet organisme. Ceux qui doivent le faire roulent toujours des yeux et disent: «Oh, mon Dieu». Mais le fait est qu'il s'agit là d'un organisme solide pour le Canada. Que nous approuvions ou non ses décisions, cet organisme est là essentiellement pour le Canada.

Investissement Canada m'a dit l'autre jour, après avoir approuvé l'acquisition de Random House and Doubleday par Bertelsmann, que leur travail était d'attirer l'investissement au Canada et qu'ils examinaient les industries culturelles canadiennes. L'absence d'uniformité de la part du gouvernement—et naturellement, cela a commencé avant le gouvernement libéral—sur le plan de la structure est une mauvaise chose pour le pays aujourd'hui. Nous sommes en guerre, et nous devons avoir des troupes qui sont fermement convaincues. Je crois que le ministère du Patrimoine est essentiellement convaincu, mais je crois qu'Investissement Canada et les ministres chargés du Commerce ont une attitude tout à fait différente.

• 1220

Si nous voulons faire quelque chose, le gouvernement doit décider qui va représenter ces industries et cette question. À l'heure actuelle, nous—je ne veux pas parler de la Chambre des communes—sommes divisés, comme les Américains le souhaitent. Par conséquent, je vous encourage vivement à ne pas tenir un long débat sur ce que la culture représente pour nous, ce qu'elle devrait représenter à l'échelle nationale et à l'échelle régionale. Il faut s'attaquer au problème que nous avons devant nous, car tout le reste en dépend.

Le président: Monsieur Stoddart, votre intervention ne laissera personne indifférent. Je suis sûr qu'il va y avoir des réactions. Cela vous intéressera peut-être de savoir que cette question de compétence partagée des ministères est revenue plusieurs fois dans la conversation hier à Montréal. D'aucuns ont considéré que cette situation est conflictuelle et qu'elle perdurera tant que nous maintiendrons distinctes ces compétences car de toute évidence ces deux ministères poursuivent des objectifs différents.

Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci.

J'apprécie vos commentaires, Jack, car ce sont des choses auxquelles je réfléchissais moi-même. À Halifax quelqu'un a rappelé, et je l'en remercie, de ne pas oublier le contexte global. C'est indispensable. Sinon, nous piétinons. Le contexte global c'est que notre pays est culturellement occupé. Nous avons abandonné un énorme pourcentage de ce qui était à nous. Comme vous le savez, notre industrie de l'édition est au plus mal. Nous avons tous vu les chiffres sur les produits américains dans le domaine du film, de la télévision, des magazines et de l'édition.

À notre dernière audience, quelqu'un m'a dit vouloir que le gouvernement fédéral récupère le contrôle de notre culture et de nos industries culturelles. C'est le travail du gouvernement fédéral, c'est à lui de fixer les objectifs à atteindre d'ici dix ans. Pourquoi ne pas vouloir que 50 p. 100 des livres sur nos étagères soient canadiens? Pourquoi ne pas vouloir que 50 p. 100 des magazines soient canadiens? Qu'est-ce qu'il y a de mal à fixer des objectifs? On fixe des objectifs en permanence. Nous savons, par exemple, que le ministre des Finances s'est fixé comme objectif il y a plusieurs années d'éliminer le déficit et y est arrivé. Au prix de centaines de milliers de victimes il y est arrivé. Il est donc toujours possible de fixer des objectifs. Je l'espère en tout cas.

Pour ce qui est de la concentration et des participations croisées dans les médias, il faut renforcer la Loi sur la concurrence. Il s'agit de questions globales sur lesquelles nous devons nous mettre d'accord, sur la valeur desquelles nous devons nous accorder. En dehors de ces énormes problèmes qui vous menacent tous, j'aimerais être un peu plus spécifique. J'aimerais savoir ce qui vous menace plus particulièrement.

Christopher, j'aimerais vous poser la question en tant que créateur, parce que pour des raisons évidentes, c'est ce point de vue qui m'intéresse toujours le plus. Cette industrie dont tout le monde parle est vouée à disparaître si les créateurs ne bénéficient pas de l'environnement dont ils ont besoin pour s'épanouir, pour gagner leur vie, pour payer leurs factures, pour exister.

Je vous pose aussi la question, Robin, car je connais Thom Fitzgerald et je sais combien il a du mal à joindre les deux bouts. De toute évidence, vous êtes prêts à collaborer avec les écrivains, à les encourager pour créer ensemble des produits. Qu'est-ce qui vous menace actuellement, et que peut faire le gouvernement fédéral pour vous aider?

M. Robin Cass: La plus grande menace pour moi, c'est la difficulté à survivre. Je me suis engagé à faire entendre la voix canadienne en travaillant uniquement avec des écrivains et des scénaristes canadiens et c'est peut-être une folie. Je ne passe pas mon temps à accepter des travaux de commandes de New York et de Los Angeles. Nous en refusons tous les jours. Il y a des gens qui voudraient que nous acceptions mais je crois que ce serait la pire des erreurs. Bien sûr cela permettrait de payer le loyer pendant un ou deux ans et d'embaucher le personnel nécessaire, mais le travail qui a le plus de valeur et le plus de réalité à nos yeux en serait immédiatement la victime.

• 1225

Si vous n'avez jamais travaillé sur un script avec un écrivain pendant trois ans pour pas un sou, s'il ne vous est arrivé de penser: «Je suis désolé de la mort de ma tante, mais elle a bien fait car sans l'argent qu'elle m'a laissé je n'aurais pas pu continuer», s'il ne vous est jamais arrivé d'être dans ce genre de situation—comme cela a dû vous arriver, Wendy, dans votre carrière de dramaturge—et s'il ne vous est jamais arrivé de vous lever le matin et d'être confronté à cette réalité jour après jour, c'est très difficile de comprendre.

Au bout du compte, si nous n'avons pas les moyens de récompenser et de juger à leur juste valeur ce genre d'activités, tout le reste ne sera que château de cartes. C'est un jeu sans gagnant. Le comble de l'ironie c'est que grâce à un ou deux succès, nous sommes arrivés à un point où nos espoirs semblent confortés, heureusement. D'ici un ou deux ans lorsque nous proposerons notre prochaine récolte de programmes au marché, nous avons l'espoir que les choses changeront.

Permettez-moi de vous citer une petite anecdote. Je me trouve actuellement dans une situation qui explique l'ironie incroyable de la situation des créateurs. J'ai les droits sur un livre de Barbara Gowdy intitulé Falling Angels. Nous espérons tourner cet été. Cependant, je me trouve dans une situation vraiment paradoxale dans la mesure où d'ici peu il va falloir que je choisisse entre tourner ce film au Canada pour 2 ou 3 millions de dollars ou augmenter mon budget en me faisant financer par Los Angeles ou Londres pour monter peut-être à 6, 7 ou 10 millions de dollars. L'impact de ce choix sur la capacité de ma compagnie à survivre est énorme et l'ironie la plus cruelle est que ce choix aura aussi un impact énorme sur la nationalité du film. Les droits sont canadiens. L'histoire se passe à Don Mills. Je suis un producteur canadien. L'écrivain metteur en scène est canadien et 98 p. 100 de la distribution sera canadienne. Mais ironiquement, ce ne sera pas un produit canadien si je choisis le budget le plus important. Je trouve cela extraordinaire.

De plus en plus, les frontières disparaissant et l'offre et la demande se multipliant pour créer un environnement très actif et de plus en plus compétitif, nous finissons par nous retrouver face à ce genre d'ironies suprêmes qui sont aussi la conséquence de la structure des crédits d'impôt pour le financement. Quoi qu'il en soit, je regarde alors ces producteurs américains qui veulent que je devienne leur fournisseur de services pour qu'ils puissent engranger des bénéfices beaucoup plus importants pour leur production que je ne le peux en tant que producteur canadien quand, peu importe la raison, je choisis de vouloir raconter les histoires qui me touchent et qui m'interpellent.

C'est une longue explication mais elle contient un certain nombre de points très importants. C'est le genre de choix et de difficultés auxquels je suis confronté.

Je terminerai simplement en disant que j'espère vraiment, désespérément, que le gouvernement fédéral continuera à jouer son rôle de partenaire engagé dans l'avancement de la culture canadienne et des industries connexes qui sont de plus en plus inextricablement liées.

Le président: Madame Dickens, vous êtes la suivante sur ma liste. Vous pourriez peut-être répondre à la question de Mme Lill à moins que vous vouliez que M. Moore le fasse.

Mme Penny Dickens (directrice générale, Writers' Union of Canada): Wendy Lill a posé sa question à M. Moore, je lui laisse le soin d'y répondre.

M. Christopher Moore: Réfléchissant à votre question, j'ai pensé que pour beaucoup d'écrivains que je connais—et aussi d'artistes dans d'autres domaines—l'adversité n'est pas une mauvaise chose en soi. Il y a des clients différents, des bailleurs de fonds différents, des éditeurs différents. C'est la meilleure chose pour nous.

• 1230

J'ai ainsi entendu certains qualifier les artistes de chasseurs à l'affût. C'est agréable de pouvoir choisir entre plusieurs agences subventionnaires, entre plusieurs éditeurs auxquels confier votre manuscrit, entre plusieurs réseaux susceptibles de vouloir acheter les droits ou une option sur votre travail, d'avoir plusieurs programmes de soutien et de formation.

Nous ne voudrions surtout pas perdre cette possibilité de choix. Je ne vais jamais à Los Angeles, je ne sais pas qui sont ces gens. J'ai des rapports avec des secteurs de l'industrie ici, non seulement avec les éditeurs mais avec les gens qui font de la radio, des films pour la télévision, et les organismes éducatifs. Je viens tout juste de me lancer dans la carrière d'écrivain; la gamme de mes clients potentiels ne cesse de m'étonner. J'écris principalement sur l'histoire canadienne et les questions culturelles canadiennes, et à l'occasion le téléphone sonne, mais ce n'est pas un appel de New York ou de Los Angeles. Ce sont des gens dans cette industrie à Toronto ou à Montréal ou ailleurs dans le pays qui ont tendance à m'appeler pour me demander mon aide, et je crois que c'est une expérience que partagent beaucoup de nos écrivains.

Vous avez posé tout à l'heure la question de l'opportunité de définir la nature de la culture au Canada par opposition aux industries culturelles. Je sais que pour un écrivain cela peut sembler des plus terre à terre mais il me semble, franchement, que les artistes du Canada définiront pour nous la culture si le gouvernement du Canada continue à financer la structure de réglementation constitutionnelle qui nous permet de continuer à vivre et à travailler.

Je vous encouragerais donc à vous cantonner à cette tâche ennuyeuse, peut-être moins inspirante, plutôt que de vous fourvoyer dans un exercice de définition de la culture canadienne.

J'aimerais simplement ajouter un point de plus aux propos de Wendy Lill. L'autre jour je lisais un nouveau livre intitulé The River Midnight, par un écrivain de Toronto, Lilian Nattel. Elle est nouvelle, comme écrivain. Son livre est publié dans le monde entier. Je crois qu'il est destiné à être le prochain plus grand succès littéraire du Canada sur la scène internationale. À la page de remerciements au début du livre, Lilian dit qu'elle tient tout particulièrement à remercier un programme d'encadrement administré par la Writers's Union of Canada mais financé par le Conseil des ressources humaines du secteur culturel du Canada. C'est un fonds qui permet à un écrivain, par l'intermédiaire de la Writers' Union, d'accéder aux fonds du gouvernement fédéral pour en fait embaucher un écrivain plus expérimenté pour qu'il devienne son mentor et l'aide à se former. Un écrivain débutant ou un écrivain non encore confirmé peut en fait embaucher un autre écrivain pour l'encadrer.

De toute évidence ce programme a été hautement fructueux pour Lilian Nattel qui je l'espère deviendra une de ces personnes qui rapportera beaucoup d'argent des marchés étrangers pour le dépenser ici à Toronto. Je suppose que ce programme a été également très utile pour l'écrivain qui a été embauché pour lui servir de mentor.

Ce programme a disparu il y a quelques années. Je ne sais pas vraiment ce qui lui est arrivé, mais il n'existe plus.

À mon avis, c'est un de ces éléments essentiels. S'il y a plus de programmes, plus de subventions, plus de diversité chez les éditeurs, plus de diversité à la radio, à la télévision, dans les organismes éducatifs, etc., si nous pouvons réaliser les conditions qui permettent à ces organismes de continuer à exister, nous trouverons notre auditoire.

Le président: Merci.

Madame Dickens.

Mme Penny Dickens: Je peux peut-être ajouter une ou deux petites choses. Je crois que Christopher Moore a tout à fait raison. Laissons les créateurs définir la culture. Trouvons les moyens de les aider.

Nous parlons de compartimentalisation inutile. J'aimerais que votre comité envisage sérieusement de décompartimentaliser le patrimoine et la culture canadienne. Notre politique culturelle devrait concerner tous les aspects du gouvernement. Chris a parlé de ce programme qui a disparu, mais s'il a disparu c'est parce que Ressources humaines a cessé de le financer. Il y a les Affaires étrangères pour lesquelles la culture est censée être le troisième pilier. C'est un voeu pieux, il y manque la volonté. Il me semble que nous avons besoin d'une politique culturelle qui concerne tous les actes du gouvernement. Il y a Industrie Canada qui s'oppose directement au renforcement de la culture canadienne. Si votre comité pouvait proposer une politique menée par Patrimoine Canadien mais touchant tous les aspects du gouvernement, je crois que nous commencerions à gagner la guerre.

• 1235

Je suis d'accord à 100 p. 100 avec Jack Stoddart: c'est la guerre et nous sommes en train de la perdre. Si nous voulons gagner, nous devons changer l'attitude du gouvernement vis-à-vis de la culture qu'il considère simplement comme une industrie, comme un élément de l'économie et non pas comme quelque chose de vital pour le pays.

Le Comité permanent des finances a appuyé la suggestion que les créateurs et les artistes bénéficient d'allégements fiscaux, comme par exemple l'étalement du revenu ou quelque chose pour les gens dont le revenu fluctue énormément. Dans le cas de Lilian Nattel, le montant investi par le gouvernement fédéral dans son programme d'encadrement était de 2 500 $. Son avance sur le manuscrit découlant de ce programme d'encadrement dépassait les 200 000 $; c'était donc un tout petit investissement.

Quelle que soit la politique culturelle que nous adoptions, il est absolument vital que les accords commerciaux internationaux soient inféodés à cette politique. Les droits d'auteur sont fondamentaux et pourtant il est question que l'OMC prenne le contrôle de l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Ce sera un désastre pour nous parce que les forces qui poussent l'OMC s'opposent presque directement aux forces que l'OMPI essaie de protéger.

Je demanderais donc à votre comité de considérer la culture comme une question beaucoup plus importante qu'une simple question de Patrimoine canadien, comme une question d'intérêt vital pour le Canada.

Le président: Merci.

J'ai sur ma liste Mme Limbertie, M. Blackadar, M. Mark, Mme McDonald et M. Stoddart.

Bonjour, monsieur Templeman.

Madame Limbertie.

Mme Ineke de Klerk-Limbertie: Merci.

Je ne peux qu'applaudir à ce que vous venez tout juste de dire, madame Dickens, parce que c'est tellement vrai.

Je voudrais revenir sur un commentaire qui a été fait tout à l'heure et puis essayer de rassembler un peu tout ce qui a été dit aujourd'hui. Avant d'être la directrice du Community Folk Art Council, j'ai eu le grand privilège—et c'est bien ainsi que je le considère—de travailler pendant 10 ans comme agent des affaires publiques en Hollande pour le ministère des Affaires étrangères. J'ai participé à l'organisation de la première mission commerciale des éditeurs canadiens en Hollande dans les années 80. J'avais pour tâche de vendre la culture canadienne à l'étranger et bien évidemment il a fallu que je commence par apprendre à la connaître. Cette expérience sur le terrain a été très instructive.

Si j'ai abandonné cette fonction c'est en partie parce qu'il m'a semblé que certaines personnes, certains ministères—mes patrons—ne se parlaient pas. Il y a trois ans je suis revenue à Toronto et, à franchement parler, j'ai été horrifiée par le degré d'américanisation, de plastification, de Disney-fication que j'ai découvert dans la ville. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de travailler pour le Community Folk Art Council: j'étais persuadée de la nécessité d'un retour aux sources. Il fallait trouver une nouvelle fondation pour notre société. Il fallait tout reprendre.

La question étudiée par votre comité, le Comité permanent du patrimoine canadien, est essentielle. Quelle est notre société? Quel genre de société voulons-nous? Cette question ne peut être abordée isolément. On ne peut pas juste s'intéresser à la radiodiffusion ou à l'édition; il s'agit de la destinée que nous voulons pour notre société, pour nos enfants et pour leurs enfants.

Je crois que c'est Sir Wilfrid Laurier qui a dit que le XXe siècle appartenait au Canada. Non. Je crois qu'il s'est trompé. C'est le XXIe siècle qui appartient au Canada parce que nous avons aujourd'hui la possibilité de gagner cette guerre et ensuite, ensemble... Oui, je vous en prie, vous tous au Parlement, et dans tous les ministères devriez vous parler afin de nous faciliter la tâche sur le terrain.

Le président: Merci beaucoup, madame Limbertie.

Je ne suis pas très bon en calcul, mais il reste 20 minutes et j'ai six noms sur ma liste et je suis sûr qu'il y en aura d'autres. Pourrions-nous être concis pour que tout le monde ait sa chance avant que nous concluions? Nous pouvons aller un petit peu au-delà d'une heure mais nous avons une autre séance à 2 h et je crois que la majorité d'entre nous aime pouvoir manger de temps en temps.

Monsieur Blackadar.

M. Hal Blackadar: Merci.

Le président: Je vois votre nom mais est-ce que je l'ai prononcé correctement?

M. Hal Blackadar: Oui. J'ai déjà entendu pire, monsieur.

• 1240

Je ne suis certes pas ici pour défendre la politique ou les politiques actuelles, monsieur. Je ne suis pas du tout convaincu que toute l'industrie soit dans un tel état. Même si c'est un assemblage de morceaux hétéroclites, c'est grâce à ce genre de discussions, en utilisant les structures et certains de nos organismes de réglementation que nous sommes arrivés où nous en sommes.

Je suis venu aujourd'hui parce que je voulais vous parler d'autre chose mais certains des commentaires que j'entends m'intriguent. Bien sûr, il y a des divergences, mais j'ai l'impression d'entendre le même message. M. Moore, M. Jamison, M. Miller, Mme McDonald et Bev Oda y ont tous fait référence, à savoir que le contenu est la partie la plus importante de toute définition d'une nouvelle politique culturelle canadienne.

Habitant des provinces Maritimes transplanté, j'ai pratiquement toujours gagné ma vie en dirigeant des stations de radio. Je crois que je comprends un peu ce qu'on entend par «local». C'est ce qui fait le succès de la radio: elle est locale, avec du contenu local, quelle que soit la technologie et les autres choses dont nous sommes bombardés. Je crois que je comprends un peu ce qu'on entend par «contenu». Il se trouve que je suis membre du conseil d'administration de FACTOR où je vois arriver des quantités de demandes d'artistes canadiens, dont certains sont des amateurs et resteront des amateurs toute leur vie alors que d'autres connaissent et ont connu des destinées beaucoup plus glorieuses. Entendre certains s'inquiéter de ce contenu et de sa préservation m'encourage.

Cependant, je ne crois ni à ces objectifs ni à ces quotas dont a parlé tout à l'heure Mme Lill. Je crois que c'est ce détail qui nous a causé quelques problèmes dans le passé. Commencer à fixer des quotas m'inquiète. Pour revenir aux commentaires de tout à l'heure de M. Miller, nous ne sommes pas tous pareils et nous ne pouvons pas tous fonctionner de la même manière. Fonctionner de la même manière est incompatible avec le progrès.

Le défi pour votre comité, monsieur, est d'essayer de définir cette politique en termes suffisamment vastes pour qu'elle nous satisfasse tous tout en étant suffisamment spécifique pour faire progresser chacun d'entre nous.

Permettez-moi de vous dire, monsieur, qu'à mon avis, il faut que vous trouviez le moyen d'encourager ce progrès, que ce soit par le biais de votre gouvernement ou par d'autres moyens, et que vous trouviez des mesures permettant aux écrivains, aux producteurs, aux artistes, aux directeurs de groupes—je ne parle pas simplement de groupes musicaux, mais de tous ces groupes—de progresser dans un environnement mettant ce contenu en contact avec le public canadien. Nous avons pour voisins une population de 360 millions qui malheureusement, de temps à autre, nous fait douter de nous.

Cependant, il faut être prudents et ne pas réglementer au point—comme dans mon propre domaine—de fixer des quotas et de nous dicter ce que nous devons faire. Malheureusement, on ne s'aperçoit de ces problèmes qu'après coup, en regardant dans le rétroviseur.

Je vous encouragerais, monsieur, à regarder l'avenir et à essayer de trouver des politiques pour, au moins, nous accompagner le long de ce chemin—sachant pertinemment que nous évoluons dans un environnement mondial. Tant que nous aurons ce contenu au niveau local, nous définirons le Canada et nous en définirons tous les différents aspects. Il reste que la prudence est nécessaire et qu'il ne faut pas que cette politique devienne une simple réglementation.

Le président: Merci.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous sommes ici précisément pour entendre vos préoccupations et vos conseils sur ce qu'il est nécessaire de faire sur la base des cinq questions qui vous ont été communiquées.

La première question concerne les anciens programmes de financement et nous vous demandons de nous dire lesquels vous considérez positifs ou négatifs. Nous avons entendu toutes sortes d'avis exprimés par des artistes, des organismes, et la réponse a été très variée allant d'un bout du spectre à l'autre. Même les Terre-Neuviens... pour eux, la culture est l'âme de leur identité. C'est ainsi qu'ils la considèrent. C'est peut-être très différent de la manière dont les Torontois considèrent la culture; peut-être que leur perspective est beaucoup plus multiculturelle.

• 1245

Nous avons entendu un artiste—renommé—nous dire que pour lui la culture était génératrice de richesse. En ce qui le concernait, moins le gouvernement était présent mieux cela valait pour lui, personnellement. En même temps, il estimait que le gouvernement devrait se concentrer sur le développement, peut-être par le biais de l'éducation, pour promouvoir la créativité et donner aux gens la possibilité de développer leurs talents.

Nous avons également débattu de la question du modèle industriel. Le modèle industriel n'est pas toujours compatible avec la culture et nous le comprenons tous. Nous comprenons que le pays a besoin de l'aide du gouvernement pour que certains aient la possibilité de développer leurs talents.

Hier, à Montréal, Pierre-Marc Johnson nous a dit que la culture avait peut-être besoin de changer de mode et de passer de la défensive à l'offensive. Bien entendu, c'est un autre point de vue.

Ma question est simple: Où est le juste milieu? Notre pays est très jeune et je ne crois pas que nous puissions totalement occulter les réalités économiques de nos voisins du sud quand nous sommes comparés à d'autres nations du monde. En fait, une suggestion est que peut-être nous ne devrions même pas nous occuper du problème des marchés internationaux tant que nous n'avons pas réglé celui du marché national. Nous devrions nous concentrer pour commencer sur le marché national. Mais ceux qui croient à la politique de la porte ouverte et qui veulent avoir accès aux marchés des autres doivent s'attendre bien évidemment à ce que la porte de notre propre marché soit ouverte.

J'aimerais donc que vous me disiez ce que vous proposez pour que nous arrivions à ce juste milieu pour que nous soyons tous un peu plus heureux et pas complètement malheureux.

Le président: Madame McDonald, qu'est-ce qui nous rend heureux et où se trouve ce juste milieu.

Mme Elizabeth McDonald: J'ai trouvé votre commentaire sur l'offensive par opposition à la défensive très intéressant. Je crois que c'est une idée qui vaut la peine d'être explorée.

Je crois que si vous posiez la question à un Canadien moyen, il vous répondrait que le marché est très fermé. Ce n'est pas du tout le cas. Il est très ouvert. Le marché fermé est au sud de la frontière et il est fermé par sa propre étroitesse d'esprit et par la peur d'accents différents, de comportements différents, etc.

Bien que certains progrès aient été réalisés, particulièrement dans le secteur de la télévision par câble, c'est très dur parce que le marché américain est fermé. Chaque fois que je vois quelque chose sortir de USTR, je me demande ce qu'en pensent les Canadiens. Je me demande si le Canadien moyen comprend que notre marché, lui, est complètement ouvert. Le marché qui est en guerre avec nous, comme l'a dit Jack, n'est pas ouvert selon sa propre définition. Non seulement ce marché n'est pas ouvert mais il est d'une telle voracité qu'il veut manger tous les autres marchés du monde. Le Canada lui sert simplement de laboratoire.

S'il y a une chose que nous pouvons faire, c'est d'établir de meilleures relations avec les Européens. Il faudrait l'encourager. Je crois qu'il y a un véritable besoin de coopération interministérielle accrue et pas seulement quand nous nous rendons devant l'OMC. Je crois que le ministère du Patrimoine canadien assume un rôle de chef de file extraordinaire sous le commandement d'une ministre très brave, mais il faut construire ces liens interministériels. Il faut aussi y associer l'industrie pour éduquer, pour faire comprendre et pour garantir que nous jouons tous avec la même partition. Je crois que cela nous aiderait énormément, tout comme une multiplication des investissements et des échanges avec nos homologues européens.

Soit dit en passant, lors d'une réunion qui se tenait au Royaume-Uni, je discutais avec un fonctionnaire qui m'expliquait qu'on n'avait pas besoin de ce type de protection au Royaume-Uni, car on n'y faisait pas face à ce genre de problème. Je lui ai demandé s'il valait mieux avoir une chaîne éducative britannique qu'une chaîne éducative américaine. Il m'a répondu que l'on préférerait avoir les deux. Je lui ai dit que la réalité leur échappait.

C'est un processus d'apprentissage. Nous pouvons apporter beaucoup, mais pour une raison qui m'échappe, nous hésitons, par excès d'humilité, à faire valoir nos compétences devant nos voisins du sud. Il nous faut trouver des marchés qui seront nos alliés.

• 1250

Il faut évidemment que le ministère du Patrimoine canadien, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, celui des Finances et de l'Industrie se serrent les coudes, et particulièrement pour assurer aux Canadiens les mêmes occasions qu'ailleurs. Mais il faut que les efforts soient permanents. Il ne sert à rien de gérer les crises, et il faut bien le comprendre. Voilà un geste concret que nous pouvons avoir.

Bien que je comprenne les préoccupations des secteurs de la radio et de la télévision au sujet des quotas, il faut prévoir suffisamment d'espace d'étalage pour les produits canadiens, ce dont sont convaincus, j'en suis sûre, les gens du milieu des revues. Il faut nous assurer de cet espace non seulement pour les producteurs et les radiodiffuseurs, car c'est le seul facteur qui rendra unique dans leur genre les permis... Et je ne parle pas uniquement d'espace national d'étalage; cet espace doit également être local et régional. Il nous faut également trouver comment faire en sorte que notre système de radiotélédiffusion, par exemple, soit à prédominance canadienne. Je comprends les préoccupations au sujet des quotas, mais il faut trouver une solution en dialoguant entre nous, plutôt qu'en nous opposant les uns aux autres dans nos définitions, car c'est la meilleure façon de perdre. Notre pays ne pèse pas très lourd dans la balance, et nous pourrions nous retrouver à la télévision avec à peine 2 p. 100 du marché, comme c'est le cas pour les longs métrages canadiens.

Le président: Pourriez-vous conclure?

Mme Elizabeth McDonald: Oui.

On a parlé de mentorat: il est nécessaire de former des gens. Il y a toutes sortes de programmes de mentorat, dès que l'on parvient à justifier que l'on s'intéresse aux jeunes à risque ou aux adultes en transition, par exemple, mais il faut quand même faire le point d'une année à l'autre. Je ne suis pas contre la formation des jeunes et les programmes de mentorat. D'ailleurs, nous sommes à la veille d'annoncer un grand programme de ce genre, en collaboration avec le ministère du Développement des ressources humaines. Nous avons également un programme visant les adultes en transition. Mais il faut appliquer certaines de ces politiques de façon cohérente, de façon que les initiatives qui permettent de former les écrivains dont nous parlions ne disparaissent pas d'une année à l'autre, dès que l'on a formé un écrivain. Célébrons nos particularités et ciblons nos efforts.

Merci.

Le président: Merci.

Trois personnes m'ont demandé d'intervenir. M. Kerr-Wilson n'a pas encore eu l'occasion de le faire. Je donne d'abord la parole à M. Stoddart, puis à M. Kerr-Wilson, et puis enfin à M. Miller.

M. Jack Stoddart: Revenons à la question qu'a posée Wendy Lill, puisqu'elle touche à la volonté nationale. Vous demandiez ce qui peut être fait et ce qui doit être envisagé.

Après l'adoption de la loi actuelle sur le droit d'auteur, je demandais spécifiquement à un cadre supérieur d'Industrie Canada—dont je tairai le nom—quand on pouvait s'attendre à voir déposer la partie 3? Il m'a répondu que rien n'était prévu à cet égard, puisque personne n'en voulait. Or, cela remonte à quatre ou cinq ans déjà. Si nous n'adoptons pas des mesures législatives appropriées sur le droit d'auteur, toutes les nouvelles techniques qui peuvent être adoptées soit de façon positive, soit de façon négative nous échapperont, étant donné que nous n'aurons aucune protection du droit d'auteur pour les oeuvres numériques. Nous ne nous sommes pas modernisés; nous fonctionnons encore avec une loi qui remonte à 20 ans et qui répondait aux enjeux d'alors. Ce n'est pas que le projet de loi soit mauvais—et il ne l'est pas—mais il ne va pas suffisamment loin, de l'avis de tous.

Pourquoi le droit d'auteur relève-t-il du ministère de l'Industrie et non pas du ministère du Patrimoine? Pourquoi est-il jumelé aux brevets? La raison en est peut-être excellente, mais en dernière analyse, la propriété intellectuelle est un facteur clé du XXIe siècle, comme l'est la protection de nos moyens d'existence, et si nous ne faisons pas tout ce qu'il faut dès aujourd'hui au Canada, nous ne parviendrons à rien dans les autres domaines.

La tribune est nécessaire pour que la discussion sur l'évolution de la technologie ait aussi une saveur culturelle. La nouvelle technologie peut bien nous détruire, mais elle peut également nous avantager énormément, si nous apprenons comment l'utiliser... Je ne parle pas de nous en tant qu'industrie mais plutôt en tant que pays, et il faut que notre gouvernement nous aide à assumer un rôle prépondérant pour que la technologie nous aide à répondre à nos objectifs.

Passons maintenant aux questions fiscales. Je n'ai pas lu les milliers de pages expliquant le budget, mais j'ai entendu ce qu'annonçait le gouvernement, et j'ai entendu M. Martin faire deux ou trois discours politiques dans lesquels il affirmait l'importance de la culture. Or, ce que j'ai trouvé intéressant dans le dernier budget, c'est qu'on y parlait à peine de culture et de l'emploi dans les industries culturelles. J'ai lu deux ou trois lettres qu'avait signées M. Martin récemment pour expliquer qu'il ne pouvait intervenir dans le domaine de l'édition, et qu'il ne pouvait intervenir non plus pour ne pas nuire aux écrivains, notamment. M. Martin se contredit: dans ses discours publics, il parle de l'importance de la culture dans notre société, alors qu'il ne dit pas un mot là-dessus dans son budget. Or, les propositions qui avaient été faites n'auraient pas grevé son budget. L'étalement et d'autres mesures que suggérait particulièrement la Writer's Union me semblent justement d'excellentes propositions. Il est ridicule qu'on les ait rejetées.

Il faut pouvoir poser les bonnes questions, sans nier que l'emploi et la fiscalité fassent parties intégrantes de la culture. À vrai dire, je ne crois qu'il soit si difficile que cela de répondre aux questions. Il est possible d'agir, dans la mesure où on pousse Ottawa à démarrer dans la bonne direction.

• 1255

Nous préparons en ce moment un livre écrit par Matthew Fraser et qui devrait être publié d'ici un mois, environ, qui porte sur les étoiles de la mort, sur l'Internet, et sur toutes sortes d'autres questions du même genre. Il se trouve que je l'ai lu sur une plage de St. Martin. Même si l'auteur ne l'a jamais dit clairement, ce qui m'a semblé intéressant, c'est de constater qu'en bout de piste... l'auteur faisait l'historique de toute cette évolution et rappelait les grands sous-ministres du ministère des Communications et de la Culture, puis du ministère du Patrimoine, qu'avaient été André Bureau, Joel Bell, Victor Rabinovitch, Bernard Ostry et Pierre Juneau. Cela m'a fait comprendre qu'il s'agissait là d'hommes qui avaient tous assumé des rôles prépondérants non seulement de façon administrative mais dans le domaine de la culture. Or, nos deux derniers sous-ministres ont été sans doute de bien bons administrateurs, mais n'ont certainement pas joué de rôle prépondérant en matière de politique culturelle.

Tant que le gouvernement—et je ne parle pas uniquement du ministère du Patrimoine—nommera des sous-ministres qui contrôleront les tourniquets plutôt que de porter le flambeau... autrement dit, tant que le processus de créativité s'arrêtera au palier des ministres et de leurs conseillers, jamais nous n'aurons de politique culturelle cohérente et jamais nous ne convaincrons le ministère du Revenu, le ministère de l'Industrie et tous les autres ministères intéressés de travailler dans le même sens.

Un nouveau greffier a été nommé au Conseil privé. J'imagine qu'il voudra faire le ménage parmi certains des sous-ministres. Votre comité, et d'autres encore, devraient sans doute se demander quel rôle un sous-ministre doit jouer: doit-il faire preuve de créativité ou doit-il être uniquement un contrôleur? En vous posant la question, vous parviendrez peut-être à comprendre comment vous devrez agir au cours des prochains mois pour parer aux problèmes d'ordre technique.

Le président: Monsieur Kerr-Wilson.

M. Jay Kerr-Wilson: En premier lieu, je me joins à ceux qui ont affirmé la nécessité de regarder l'ensemble du tableau. Comme nous passons tout notre temps à débattre entre nous pour décider quels outils utiliser et comment les utiliser, nous n'abordons jamais la question fondamentale: comment le Canada doit-il faire pour préserver son identité et sa culture? Notre voisin du sud serait plus que ravi de répondre à tous nos besoins en matière de divertissement. Ce voisin du Sud est disposé à nous fournir toute la programmation pour la télévision et la radio, toutes les revues et tout le cinéma voulus, sans le moindre contenu canadien. Les Canadiens liraient, écouteraient et regarderaient tout ce que nos voisins du sud leur offriraient, et les publicitaires achèteraient tout l'espace de publicité nécessaire. Mais est-ce vraiment cette vision-là que nous voulons pour l'avenir du Canada?

Il est vrai que les Américains sont passés maîtres dans l'art du divertissement. Les Canadiens, tout comme le reste du monde, veulent voir ce qui se fait en matière de divertissements américains. Nous donnons aux Américains assez de marge de manoeuvre pour qu'ils puissent nous montrer ce qu'ils font. Nous importons également la culture britannique, et cela nous plaît. Mais il n'y a qu'un seul pays au monde—et c'est le Canada—qui puisse produire la culture canadienne. Et si nous ne nous gardons pas un peu d'espace... Qu'est-ce que la culture? La culture, c'est l'art: c'est celui qui écrit un livre, qui peint un tableau, qui imagine une pièce pour le petit écran. La culture, c'est communiquer cet art, et sans art, il n'y a pas de culture. Sans culture, il n'y a pas de communication et il n'y a pas de société.

Je rappelle au comité qu'il ne s'agit pas ici d'un produit ordinaire, d'une voiture ou d'un autre truc; il s'agit ici d'identité, de culture et d'amour propre. Mais je ne parle pas nécessairement d'exclusivité: nous n'exigeons pas que l'on nous parle uniquement d'histoires canadiennes. Nous voulons entendre ce qu'il y a de mieux dans le monde entier. Et nous voulons partager ce que nous avons de mieux avec le reste du monde. Ce qui est canadien doit être à l'avant-plan, sur les ondes, dans les livres, et là où on vend les revues. Si le gouvernement ne peut pas jouer ce rôle de protecteur à notre égard, je ne vois pas ce que nous faisons tous ici rassemblés.

Voilà ce que j'avais à dire. Merci.

Le président: Merci, monsieur Kerr-Wilson.

Deux personnes m'ont demandé d'intervenir, après quoi nous allons terminer la séance puisqu'il est déjà 13 heures.

Monsieur Miller et madame Stock.

M. Peter Miller: Merci, monsieur le président. J'ai trois brefs commentaires à faire.

En premier lieu, je voudrais vous annoncer ce qui est, je l'espère, une bonne nouvelle. Notre entreprise a décidé de lancer deux services spécialisés l'automne prochain: une chaîne de télévision éducative appelée «Canadian Learning Television», et Star-TV. Il s'agit de services pour lesquels nous avons obtenu un permis il y a déjà trois ans, mais dont nous n'avions pu garantir la distribution. Malgré l'incertitude qui plane dans notre milieu, nous avons décidé de lancer ces services, et nous espérons que la chaîne CLT jouera un rôle dans l'éducation permanente et dans l'initiation aux médias. Nous espérons que Star-TV réussira, avec d'autres, à résoudre le grave problème que posent la promotion des longs métrages et l'industrie du divertissement au Canada. Nous espérons que ces deux initiatives, conjointement avec celles qui ont été mises de l'avant dans le secteur des longs métrages, permettront de résoudre certains des graves problèmes signalés dans le rapport du groupe consultatif sur le long métrage.

• 1300

En second lieu, j'aimerais répondre à la question de M. Mark qui se demandait comment faire. À notre avis, la politique culturelle doit combiner des éléments qui proviennent du milieu de l'industrie et du milieu de la culture. Notre industrie a besoin de s'épanouir dans un climat qui récompense l'entrepreneuriat et la prise de risques, que l'on parle de la décision de Robin de rester au Canada et de n'accepter que des projets canadiens ou de notre décision à nous de lancer les services dont j'ai parlé. Par conséquent, il faut reconnaître les conséquences économiques de nos gestes. Je souscris à une bonne partie de ce qu'a dit Jack, mais je ne suis pas d'accord lorsqu'il prétend que la politique du droit d'auteur devrait relever uniquement du ministère du Patrimoine canadien. Actuellement, le droit d'auteur relève à la fois du ministère de l'Industrie et du ministère du Patrimoine, et ces deux ministères apportent des perspectives différentes qui se valent tout autant les unes que les autres.

Mais la culture est un phénomène distinct, et je conviens sans réserve avec Jack qu'il nous faut tous, conjointement, affirmer nos droits dans ce domaine. Si nous pouvions tous ensemble trouver un moyen d'appuyer le projet de loi C-55, nous en bénéficierions tous. Je sais que notre association professionnelle, l'Association canadienne des radiodiffuseurs, s'est fait un point d'honneur d'appuyer le projet de loi C-55.

Pour terminer, monsieur le président, je vous remercie non seulement de nous avoir permis de nous exprimer, mais aussi de nous avoir rassemblés ici. Nous nous opposons trop souvent les uns aux autres autour d'une même table. Si vous ne deviez recommander qu'une chose, ce devrait être de créer des tribunes permettant de rassembler plus souvent les industries culturelles. Je crois que le Conseil des arts du Canada joue justement un rôle à cet égard.

Notre domaine est également bicéphale au ministère du Patrimoine canadien, puisque la politique de la radiotélédiffusion est chapeautée par un directeur général alors que les industries culturelles sont chapeautées par un autre. Et même si on en reste à ce niveau, il n'y a pas suffisamment de fécondation réciproque des idées au sein du ministère du Patrimoine. Toute mesure que vous pourriez prendre pour remédier à cette situation sera bénéfique.

Mme Bette Stock: Je voudrais apporter une lueur d'espoir. Nous avons l'impression que toutes nos politiques visent à nous protéger contre les méchants concurrents que sont les Américains. Sachez que pendant dix ans, j'ai créé des suppléments spéciaux destinés à des journaux spécialisés de littérature, à des publications commerciales et à des revues professionnelles des États-Unis. Ceux qui m'ont demandé de le faire réagissaient aux intérêts manifestés par leurs lecteurs.

Les États-Unis ne me semblent pas un pays homogène; c'est un pays régionalisé avec de nombreuses couches démographiques. Encourageons l'esprit d'entreprise, qu'il s'agisse de nouveaux exportateurs de tous genres, de petites compagnies d'art de la scène ou de petits éditeurs essayant d'exporter aux États-Unis. Je sais que les États-Unis offrent beaucoup de possibilités. En fait, le meilleur ambassadeur de mes travaux aux États-Unis est un ami de New-York qui fait de son mieux pour lire plus de livres canadiens que moi par année et qui se délecte d'entendre du contenu canadien diffusé sur notre radio publique nationale.

Vous voyez qu'il existe toutes sortes d'Américains, et c'est pourquoi je tique à vous entendre parler ainsi. Je ne suis pas là pour défendre les Américains, mais je veux vous rappeler tous les débouchés qui s'offrent à nous aux États-Unis et que nous ne pouvons refuser. À chaque fois que l'on parle de concurrence, on pense immédiatement à des grandes compagnies de divertissement comme la Time Warner. Ce qui ne nous vient pas à l'esprit, ce sont les éditeurs érudits de Washington ou nos amis des arts de la scène à New-York ou à Boston qui aiment ce que nous avons à leur offrir. Voilà pourquoi je parle d'occasions à saisir.

Enfin, M. Mark demandait si nous étions prêts à exporter et si nous devions nous concentrer sur les exportations. Nous nous y intéressons et nous devons garder l'esprit ouvert. Mais d'après ma propre expérience, il nous faut trouver le juste milieu.

Je vous remercie, une fois de plus, de m'avoir invitée à faire partie de ce groupe.

Le président: Merci beaucoup, madame Stock.

[Français]

C'est Mme Tremblay qui aura le mot de la fin. Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président. D'abord, je suis très contente d'avoir pu écouter tout ce que vous avez à dire. Très honnêtement, sans vouloir faire de politique, je me sens un peu à l'étranger ici.

• 1305

Je voudrais revenir sur la question du projet de loi C-32. Quand nous avons débattu de ce projet et que nous l'avons étudié en comité—je crois que vous étiez là, monsieur Lincoln—nous avons eu énormément de difficulté parce que nous sentions qu'il y avait une bataille terrible au sein du Cabinet entre Mme Copps et M. Manley. Aujourd'hui, la loi a été adoptée et la Commission du droit d'auteur est tout à fait inefficace parce qu'on dirait que M. Manley veut se venger d'avoir perdu la première bataille.

En 1994, le juge qui présidait la commission a démissionné et il n'a toujours pas été remplacé. Ça fait cinq ans. On savait pourtant depuis longtemps que M. Hétu devait terminer son mandat le 31 janvier 1999. Les deux seules personnes que M. Manley a nommées à la commission sont deux personnes qui ont travaillé à son élection et qui ne connaissent rien au droit d'auteur. L'une d'elles ne peut d'ailleurs pas siéger présentement parce qu'elle est l'épouse du principal lobbyiste anti-droit d'auteur. Il y a vraiment un problème majeur à ce que le droit d'auteur relève de deux personnes, ou de deux ministères, qui ne s'entendent pas sur une question aussi fondamentale.

Nous avons appris différentes choses lors de notre voyage cette semaine, entre autres qu'à Terre-Neuve, on prépare une exposition pour célébrer le millième anniversaire de l'arrivée des Vikings et que le musée national leur fait payer les artefacts, alors que la Suède leur prête gratuitement les siens. On a également appris hier que les chanteurs d'opéra ne pouvaient plus aller chanter aux États-Unis; on a fermé le marché. Les États-Unis ont donné ordre de ne plus engager de chanteurs canadiens. Plusieurs Canadiens songeaient à aller commencer leur carrière aux États-Unis. C'est fini; on ne les engage plus et le marché est fermé. Quand le Cirque du Soleil a voulu aller à Orlando, Walt Disney a dit: Vous pouvez venir à une condition; il faut que Mickey Mouse fasse partie du show. Les gens du Cirque du Soleil ont répondu: No way; on ne vient pas.

On a là des exemples assez révélateurs du type de problèmes qu'on peut constater dans le domaine de la culture à l'heure actuelle. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas compris qu'il y a un prix à payer pour la culture, comme il y a un prix à payer pour la démocratie, et tant qu'on aura l'attitude de M. Manley, selon laquelle toute la culture doit être rentable et que c'est une question d'équilibrer les choses, on n'ira nulle part. Vous allez être avalés avant nous car notre langue nous protège. Cependant, nous ne voulons pas que cela vous arrive parce que nous savons que cela va nous arriver après.

Madame parlait de créer des liens avec l'Europe. Je crois qu'il faut se trouver des alliés partout dans le monde. Il faut résister. Les Américains ont perdu la première bataille de l'AMI; ils vont gagner la seconde si on ne se tient pas debout.

On est prêts à vous tendre la main. On a appuyé le projet de loi C-55 même s'il ne nous affecte pas personnellement. M. Stoddart a été témoin du fait qu'on a collaboré pour essayer de défendre Ginn Publishing Canada Inc. On a perdu cette bataille. Il faut arrêter de perdre des batailles parce que, comme quelqu'un l'a dit, c'est bientôt la guerre qu'on va perdre et le Canada n'aura plus de raison d'exister par lui-même s'il n'a pas de culture. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Tremblay.

[Traduction]

Il est temps de clore la séance. Je remercie chaleureusement tous ceux qui nous ont donné de leur temps. Je sais combien cela doit être difficile de passer une matinée à venir discuter ainsi, alors que l'on a l'impression que la discussion ne mène nulle part étant donné la grande divergence d'opinions. Mais sachez qu'il y a des fils conducteurs entre ce qui s'est dit à Toronto, à Montréal, ou ailleurs et que nous finirons par nous y retrouver. Nous espérons que, collectivement, et avec l'aide de nos documentalistes des plus compétents, nous réussirons à produire un rapport qui se tiendra.

• 1310

Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et de nous avoir fait part de vos réflexions. Bonne chance à tous.

La séance est levée.