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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 février 1998

• 1539

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons l'examen de la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif pour la révision de la législation intitulé: «Au-delà des chiffres: L'immigration de demain au Canada», traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.

• 1540

Nous avons la chance aujourd'hui de recevoir les trois auteurs du rapport. Je sais qu'ils ont traversé une expérience pénible et ont recueilli une montagne de renseignements. Le plus pénible, je crois, a dû être de faire le tri de cette information et de la classer.

Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui M. Robert Trempe, président du groupe consultatif, Mme Roslyn Kunin, ainsi que Mme Susan Davis. Je vous remercie d'être venus. Je crois savoir que vous allez faire un court exposé, après quoi nous passerons directement aux questions.

Mesdames et messieurs les membres du comité, sachez que nous allons respecter scrupuleusement l'horaire pour nous assurer que chacun ait la chance de poser les questions qu'il rumine. Veuillez abréger vos préambules et poser directement les questions profondes que vous avez déjà préparées à l'intention du groupe. Merci beaucoup.

Monsieur Trempe, à vous la parole.

[Français]

M. Robert Trempe (président, Groupe consultatif pour la révision de la législation sur l'immigration): Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités, mes collègues, Mme Davis et Mme Kunin, et moi. Nous sommes accompagnés d'un des membres du secrétariat que le ministère a mis gracieusement à notre disposition pendant l'année où nous avons effectué notre travail.

Je ferai de très courtes remarques sur lesquelles Mme Davis et Mme Kunin élaboreront. Notre intervention sera très brève pour laisser aux membres du comité la possibilité de poser toutes leurs questions et pour que nous puissions y répondre le mieux possible.

Vous savez déjà pourquoi nous vous avons recommandé que la question de la détention et du renvoi soit renvoyée à votre comité. J'ai lu les transcriptions des séances que vous avez eues avec les différents responsables du ministère. Vos propos, remarques et questions indiquent clairement que vous comprenez pourquoi nous vous avions renvoyé ces deux questions importantes.

Je ne citerai personne parce que je sens que cela pourrait être dangereux, mais, plus précisément, monsieur le président, je reprendrai les propos d'un de vos collègues qui disait si bien que quand un événement, souvent malheureux, survient et que les médias s'en emparent, c'est très souvent relié à la détention ou à la remise en liberté, au renvoi ou au non-renvoi d'un nouvel arrivant ou immigrant.

Le public canadien ne comprend pas pourquoi cette personne a été détenue ou remise en liberté. On se demande pourquoi une personne est détenue et pourquoi elle est remise en liberté. On se pose d'autant plus cette question lorsque la personne en profite pour assassiner un bébé trois jours après sa remise en liberté. Évidemment, le public canadien ne comprend pas.

Le public canadien ne comprend pas, parce que nous vivons dans un système où les données qui pourraient expliquer un certain nombre de raisons—qui ne sont pas certainement toutes mauvaises—pour lesquelles

[Traduction]

l'arbitre ou le fonctionnaire remet quelqu'un en liberté ou décide qu'un autre ne sera pas renvoyé ne sont pas claires, ne sont pas connues, ne sont pas codifiées. Vous n'avez pas les données. À plusieurs reprises, à en juger d'après vos questions, j'ai remarqué que vous vouliez obtenir les données, tout comme la ministre, et tout comme nous dans nos travaux. Combien y a-t-il d'ordonnances d'expulsion en instance? Vous n'avez pas la réponse. Nous non plus. Personne ne l'a.

• 1545

Vous savez donc pourquoi, je crois, nous vous avons confié le dossier. C'est que nous sommes fermement convaincus que, comme élus, vous êtes en contact avec la population, les électeurs. Avant que le gouvernement ne décide d'adopter sous forme de règlement ou de loi la codification que nous suggérons—les motifs de détention, d'expulsion, ou l'inverse—il faudrait que vous sachiez ce que pensent vos électeurs de ces questions, peut-être les plus épineuses de tout le système de l'immigration.

[Français]

Une autre raison pour laquelle nous avons renvoyé la question à votre comité, c'est qu'en tant que députés élus qui êtes en contact avec la population, vous saurez probablement mieux que nous et que la ministre, après ses consultations, ce que pense le public canadien d'un certain nombre de recommandations, particulièrement celles qui touchent ces deux points vitaux que sont la détention et le renvoi.

Pourquoi le saurez-vous probablement mieux que nous ou que la ministre? C'est parce que dans les consultations que nous menons et que la ministre mènera, nous sommes en contact, un peu par la force des choses, avec ce que nous appelons l'industrie de l'immigration, qui comprend les gens qui ont des intérêts. Il n'y a rien de sordide dans ces intérêts; ce sont des gens ou des organismes qui protègent d'autres gens, et c'est extraordinairement bon. Il y a des avocats qui les défendent, et c'est nécessaire dans notre système. Par contre, ces gens connaissent mieux que d'autres les nuances des programmes d'immigration et savent un peu mieux comment ces programmes fonctionnent, ce qui leur permet de les manipuler, de faire des jeux, de les faire servir à leurs fins et aux fins des personnes qu'ils protègent ou représentent, etc.

Le public en général émet de nombreuses opinions sur l'immigration, mais possède peu de renseignements. Le public, ce sont les personnes qui, dans chacun de vos comtés, peuvent peut-être dire aux élus que vous êtes ce qu'elles pensent d'un certain nombre de choses, et particulièrement de ces deux points, la détention et le renvoi, qui touchent à la liberté des gens.

Pour terminer, je dirai que nous avons à l'heure actuelle un système qui semble ne pas avoir ou proposer de motif profond pour les décisions qui sont prises d'un côté comme de l'autre. Je ne parle pas de la cour, mais de gens à différents niveaux dans le système qui posent des gestes qui ont pour conséquence qu'on détient ou qu'on relâche les gens, qu'on les renvoie ou qu'on ne les renvoie pas dans leur pays.

Nous avons un système qui est obscur pour le gouvernement, pour la population et pour les usagers. On traite des cas de personnes pour qui les conséquences de nos gestes sont extrêmement dramatiques.

• 1550

Ce que nous avons tenté de faire, et je ne suis pas certain que nous ayons pleinement réussi, c'est de proposer un système empreint de plus de transparence et de plus d'imputabilité, où on est davantage certain des motifs, des raisons et des principes qui sous-tendent les différentes raisons invoquées et les différents gestes posés dans toute la procédure d'immigration, particulièrement au niveau de la détention et du renvoi.

Lors de leurs réponses à vos questions, mes collègues préciseront davantage ce que nous avons voulu dire dans notre rapport. Si vous me le permettez, monsieur le président, je demanderai à Susan Davis d'expliquer brièvement la démarche que nous avons faite pour arriver à ce rapport.

[Traduction]

Le président: D'accord, pourvu que les observations relatives à la recommandation 155 puissent être incorporées. Ça va? Merci.

Mme Susan Davis (membre, Groupe consultatif pour la révision de la législation sur l'immigration): Bien sûr. D'ailleurs, je vais passer directement à cette question au lieu de vous faire la genèse de nos travaux.

Dans les 12 mois qu'il nous a fallus pour faire des consultations, réfléchir, lire, faire la synthèse de nos arguments et les défendre, il est apparu très clairement d'après les documents que nous avons reçus qu'il n'y avait qu'une seule façon de régler les problèmes. C'est le 1er janvier 1996 que nous avons commencé à compiler les questions étudiées. Elles proviennent de tous les témoignages oraux et écrits que nous avons entendus, elles ont été classées par catégories et assorties de renvois. Même si nous étions à la recherche de solutions à cette litanie d'horreurs, au bout du compte, nous en avons fait l'inventaire. À partir des témoignages reçus, il nous a été impossible de compiler un ensemble de solutions. Même si nous sommes tous les trois très différents, nous sommes arrivés à la conclusion que si nous voulions vraiment faire oeuvre utile, il ne fallait pas essayer de contourner ces multiples arguments pour créer une méthode—une multitude de recommandations ponctuelles, en quelque sorte—mais bien dégager une nouvelle façon d'inspirer des tendances qui se dessinent.

Ce qui nous a frappés, c'est que d'ailleurs il y a une tendance. C'est celle dont Robert a parlé. En effet, depuis 1994, comme le montrent les témoignages que nous avons entendus, la population canadienne entretient de plus en plus de doutes sur la capacité du ministère d'appliquer de façon fiable les lois relatives à l'expulsion et au renvoi.

Je voulais simplement vous dire que notre rapport contient, d'après nous, quelques solutions de base. Vous allez certainement poser des questions. Vous vous demandez sans doute ce qu'on peut faire entre-temps, parce que même si la ministre a fixé des délais très courts, la révision législative ne pourra pas répondre au besoin immédiat du public de trouver les solutions relativement au renvoi et à la détention.

Je m'arrêterai là. Je sais que Roslyn veut répondre à la question.

Mme Roslyn Kunin (membre, Groupe consultatif pour la révision de la législation sur l'immigration): Nous avons décidé de porter cette question particulièrement délicate à l'attention du comité tout d'abord parce que notre examen a révélé un niveau de mécontentement extraordinairement élevé relativement au processus de détention et de renvoi. On a jugé que l'on ne traitait pas de façon efficace et efficiente le cas des personnes qui sont ou ne sont pas assujetties à ces processus—et il est parfois difficile de faire cette distinction—et que les décisions étaient appliquées de façon arbitraire.

Ce n'est rien de nouveau. Cela correspond tout à fait aux préoccupations exprimées en 1994 au moment de la série d'audiences sur l'immigration. Certains d'entre vous sont peut-être au courant de ces audiences.

Les explications relatives au fonctionnement du système d'application, à la façon dont le système devrait fonctionner et fonctionne vraiment, étaient assez vagues. Je pense pouvoir affirmer que cela fait que le public manque à peu près entièrement de confiance dans le système, ou du moins ignore tout à fait comment il fonctionne: il fonctionne peut-être, mais si c'est le cas, nous ne pouvons pas le voir et nous ne savons pas exactement pourquoi.

• 1555

Certaines solutions ont été proposées. Les solutions contenues dans le rapport Tassé, que certains d'entre vous connaissent sans doute, nous ont souvent été mentionnées pendant notre travail comme solutions possibles. Par ailleurs, entre 1994 et l'année où nous avons fait notre travail, peu de choses semblent avoir changé. La façon dont le public perçoit le problème n'a certainement pas changé.

Ce que nous espérions, c'est de vraiment en venir aux prises avec ce problème, mais, comme vous le savez, nos délais étaient très stricts. Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes du monde avec des ressources restreintes et des délais aussi limités.

Qui plus est, l'un de nos principes fondamentaux était que nous devions prendre des décisions en toute connaissance de cause et que nous devions savoir sur quoi nous prenions une décision. Il n'y a pas beaucoup d'information au sujet des renvois et des détentions.

Nous savons qu'il y a un problème pour les renvois. Nous savons qu'une partie du problème vient du fait que certains pays ne veulent pas donner de documents à leurs citoyens indésirables pour leur permettre de rentrer chez eux. Nous savons aussi que seulement une minorité de personnes qui font face à un renvoi ont ce problème d'absence de documents de voyage, mais il est très difficile de savoir quel pourcentage de gens ont le problème et quels autres problèmes il peut y avoir dans le cas des renvois.

Il y a aussi l'absence de ressources, le fait qu'on ne puisse pas savoir où sont ces gens et le fait que les agents n'ont pas suffisamment de marge de manoeuvre. Nous avons de bons agents. Nous allons devoir faire confiance à leur jugement.

Ces questions sont très complexes. Nous ne voulons pas opter pour la microgestion, mais si nous ne le faisons pas, il y aura un certain degré d'arbitraire, ou apparence d'arbitraire, et nous risquons des accusations disant que nos décisions relativement à qui doit être détenu ou non et à qui doit être renvoyé ou non sont quelque peu arbitraires et ne s'appuient pas vraiment sur la loi.

Ceux d'entre vous qui ont lu notre rapport, et nous espérons que vous l'avez fait, auront vu que nous recommandons un cadre législatif tout à fait nouveau pour l'application. Nous voudrions avoir un système pour tous les aspects de l'immigration et de la protection qui soit conforme à la loi, qui soit soigneusement documenté et qui comprenne un guide de l'utilisateur à la disposition des législateurs, du public canadien, des futurs immigrants, de leurs avocats et des groupes qui aident les immigrants pour qu'il n'y ait plus de décisions arbitraires. Tout le monde saurait quelles sont les règles du jeu.

Nous voulons un système d'application de la loi, donc un système de détention et de renvoi, qui se fonde sur des lois et des règlements hautement codifiés pour que les gens sachent quelles sont les règles à suivre. Vous sauriez que, si telle chose arrive, vous serez détenu, et que, sinon, vous ne le serez pas, au lieu de penser que vous le serez peut-être et peut-être que vous ne le serez pas, ou bien peut-être que vous serez renvoyé ou peut-être que vous ne le serez pas.

Comme nous n'avons pas eu le temps de faire de la micro-gestion et de nous pencher sur les détails précis, nous avons pensé que le comité permanent, vu qu'il se compose de représentants élus du public canadien qui ne représentent aucun groupe particulier et qui n'ont pas de droits acquis à protéger—sauf pour le bien du Canada et un système d'immigration qui est à l'avantage du Canada—aurait le temps, l'intérêt, les connaissances et les ressources de recherche nécessaires pour se pencher sur cette question particulière et pour l'analyser un peu plus à fond.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant commencer les questions. Monsieur Reynolds, je vous prie.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord vous féliciter tous les trois d'avoir fait un travail très professionnel. Que nous soyons d'accord ou non avec vos commentaires, vous avez accompli beaucoup de travail. Vous nous avez probablement donné plus de détails que nous pouvons en assimiler en très peu de temps.

Je voudrais d'abord vous poser une question pour savoir où nous en sommes. Si l'on songe à ce que vous avez fait en l'espace d'un an—c'est-à-dire à tous les témoins que vous avez entendus et à tous les rapports que vous avez lus—pour préparer votre rapport, et si l'on songe ensuite au programme de la ministre sur dix jours, on se demande comment une personne peut absorber autant de renseignements en des journées de 12 heures sur une période de dix jours, par exemple.

La plupart des membres du comité reçoivent sans doute des coups de téléphone d'électeurs en colère qui disent: «J'ai envoyé ma demande, mais la ministre ne l'a pas entendue.» Cependant, il n'y a pas plus qu'un certain nombre d'heures dans une journée. Selon vous, quelle est la meilleure chose que nous puissions faire?

Vous avez entendu toutes sortes de gens, et la ministre aussi, mais à qui devrions-nous parler de notre côté quand nous examinerons cette question? D'après vous, devrions-nous entendre de nouveau certaines des personnes que vous avez entendues, ou aller voir ailleurs?

• 1600

Par exemple, relativement à la recommandation 155, je sais que les Américains sont en train de construire un nouveau centre où l'on détiendra des gens. Devrions-nous songer à quelque chose du même genre? Sur quoi nous conseillez-vous de nous pencher?

Mme Susan Davis: Il y a divers genres de consultations. Pour être bien franche, nous avons tenu nos consultations davantage pour nous renseigner que pour donner aux membres du public une chance d'être entendus. Nous avons tous trois des antécédents très différents, et nous avons consulté des gens qui font sans doute partie de l'industrie de l'immigration, soit parce qu'ils enseignent une langue seconde, soit parce qu'ils font du travail social dans le domaine de l'établissement, soit parce qu'ils font un travail juridique à la Cour fédérale, soit parce qu'ils sont policiers et s'occupent de la pègre. Nous avons essayé de rassembler ces personnes plutôt disparates pour demander leur avis.

Cela a été d'une utilité limitée, mais nous avons pu, grâce à des conversations particulières et au moment des pauses, avoir un point de vue différent de la situation, et cela nous a permis de constater que toutes ces personnes avaient des préoccupations communes. Personne n'avait de solution, mais bon nombre de problèmes communs sont ressortis.

Quand la ministre reviendra... Je ne sais pas vraiment que dire au comité, sauf que, si vous jugez que c'est votre rôle de donner au public la chance de s'exprimer, vous devez avoir la possibilité d'entendre des gens de tous les secteurs. Si vous pensez que votre mission est plutôt de vous renseigner, cela vous permet d'être plus sélectifs relativement à ceux que vous consultez et aux raisons pour lesquelles vous le faites, mais cela veut dire qu'il faut faire beaucoup plus pour se préparer, parce que vous devez avoir des domaines précis à examiner et des questions précises à poser avant de songer à qui vous voulez inviter. Cependant, les ressources sont certainement à la disposition de la ministre en ce qui concerne ceux que nous avons consultés et ceux qu'elle voudra elle-même consulter.

Une dernière chose: il importe que les membres du public sachent que, même s'ils ne sont pas entendus oralement, on tiendra compte de ce qu'ils auront écrit. Ce qui nous a guidés, c'était l'examen de cette liste de questions: nous voulions nous assurer que cette liste continuait à augmenter, qu'elle était ordonnée, organisée et constamment relue pour savoir qui soulevait tel problème et pour pouvoir demander tel mémoire. C'est donc utile de pouvoir s'organiser pour savoir exactement quelles sont les questions importantes et qui soulève quels problèmes. C'est peut-être plus important que ce que ces personnes disent, parce que cela montre quelles sont les préoccupations communes.

M. John Reynolds: Pourrions-nous obtenir la liste des groupes que vous avez entendus relativement à tel article et à tel autre article pour que nous sachions en lisant les divers articles qui vous avez entendu et qui vous a envoyé des mémoires?

M. Robert Trempe: Ce serait difficile de le faire par article. Comme vous le savez probablement, nous avons eu des discussions spécialisées en tables rondes sur des choses comme la protection économique de la famille. Notre secrétariat, et j'espère que Mme Giri prend des notes, sera sans doute en mesure de vous donner au moins une idée des personnes que nous avons entendues à propos de questions précises.

M. John Reynolds: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de présenter une motion pour obtenir ces renseignements, monsieur le président.

Le président: Non.

M. John Reynolds: C'est excellent.

Je voudrais vous demander si vous avez reçu des mémoires ou des instances de groupes ou de particuliers au sujet de la question précise de la détention. Avez-vous fait un examen approfondi de cette question? Le coût de la détention est une chose qui me préoccupe depuis déjà quelque temps. On m'a toujours dit que cela coûtait très cher, mais comment pouvons-nous comparer ce coût à ce que coûterait l'assistance sociale et les autres services une fois que la personne est en liberté?

M. Robert Trempe: Exactement.

M. John Reynolds: Je voudrais savoir si vous avez des rapports détaillés qui puissent nous donner une idée de la différence de coût.

M. Robert Trempe: Oui, nous avons des rapports détaillés. Je pense qu'ils confirment tous ce que vous avez dit. La détention coûte très cher. Vous pourrez lire ce qu'on dit là-dessus, et nous avons reçu bon nombre de mémoires au sujet de la détention.

Dans certains cas, les conditions de détention sont vraiment épouvantables, et cela a aussi fait l'objet de critiques. Ceux qui ont dénoncé ces conditions avaient tout à fait raison de le faire. Ils ont décrit ces conditions et voulaient trouver de meilleures façons de procéder tout en respectant la loi. Nous avons aussi reçu des mémoires à ce sujet, mais personne n'a vraiment examiné le coût de façon précise.

• 1605

Je dois vous dire franchement que la première réaction de certains fonctionnaires était justement que cela coûte cher. Cependant, qu'est-ce que cela coûterait de laisser ces personnes se promener dans le pays ou disparaître?

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je voulais simplement vous remercier tous les trois de tout votre travail. Je sais que cela représente beaucoup de temps et d'efforts.

Si j'ai bien compris en lisant votre rapport, vous nous recommandez de convoquer divers genres de témoins et d'obtenir des renseignements. Pouvez-vous nous dire de façon plus précise quel genre de témoins pourraient nous aider et quel genre de renseignements nous devons obtenir?

Mme Roslyn Kunin: Nous vous ferons parvenir la liste des personnes à qui nous avons parlé. Nous voudrions que vous entendiez toutes sortes de gens.

Parmi ceux que nous voudrions que vous entendiez, il y a ceux qui n'ont pas nécessairement d'intérêt personnel dans l'immigration, c'est-à-dire le Canadien ordinaire qui est au courant de la situation, et qui ressent les conséquences du système lorsqu'il fonctionne bien, et surtout lorsqu'il ne fonctionne pas. Nous voudrions que vous entendiez des personnes de ce genre.

Pour ce qui est du genre de questions qu'a posées M. Reynolds, nous n'avons pas de réponses détaillées. Nous pouvons obtenir des chiffres sur le coût quotidien de la détention d'une personne dans un centre particulier, mais personne n'a fait d'analyse coûts-avantages pour qu'on puisse savoir ce que cela coûte si cette personne n'est pas détenue et si l'on doit plus tard essayer de la retrouver, ou bien ce que cela coûte au système si elle disparaît. Il serait très utile de pouvoir faire une telle analyse si l'on pouvait obtenir des données satisfaisantes. Je n'ai pas pu trouver de réponses moi-même.

Mme Sophia Leung: Si j'ai bien compris, vous avez aussi reçu un grand nombre de mémoires. Pouvez-vous nous dire de façon plus précise à quel sujet et de qui?

Mme Susan Davis: Vous vous rappellerez sans doute que l'une de nos recommandations au sujet de la détention... même si l'on semble maintenant penser que notre nouveau système d'application de la loi voudra dire qu'il y aura des détentions massives et que tous les revendicateurs seront détenus, ce n'était certainement pas notre intention. Ce que nous voulions dire dans l'article sur l'application de la loi, c'est que le règlement devrait définir clairement dans quelles circonstances une personne perdrait sa liberté au Canada, pour qu'on puisse savoir clairement quelles seraient les conséquences si on ne se présentait pas à une audience ou si l'on ne se conformait pas à une condition.

Nous voulions aussi que le processus ne s'arrête pas si le revendicateur est dans un établissement de détention. À l'heure actuelle, une personne dans un établissement de détention est tout à fait isolée du processus d'immigration et du monde réel. C'est l'une des choses qui nous préoccupaient.

Bon nombre d'ONG, comme le Comité inter-Églises, nous ont fait valoir leurs inquiétudes au sujet du fait que des demandeurs attendent en détention sans avoir accès à un avocat ou à quelqu'un qui puisse faire le nécessaire pour éliminer la raison de leur détention. Nous en parlons aussi dans l'article sur l'application de la loi. Il n'est pas nécessaire qu'une personne soit détenue longtemps si elle peut mettre fin à la situation qui a fait qu'elle a été placée en détention au départ, par exemple si cette personne dit: voici qui je suis, je suis telle personne, j'habiterai chez telle personne, à telle adresse. Cependant, si la personne détenue ne peut pas téléphoner et si elle n'a pas accès à un avocat...

C'est une chose qui nous préoccupe, le fait que nous utilisons la détention de façon punitive, et non pas de façon productive, parce que si nous gardons une personne en détention, cela ne permet pas au processus d'immigration de décider plus rapidement si l'on doit la garder ou la renvoyer. C'est improductif. Ce processus a uniquement des fins punitives, alors qu'il devrait servir à autre chose.

Certains se préoccupaient aussi de l'application régulière de la loi pour la détention, et certainement pour les renvois. Ceux qui ne font pas partie du gouvernement se plaignaient surtout du fait qu'on détenait des revendicateurs qui n'auraient pas dû être détenus et que d'autres qui devraient être détenus étaient libres. C'est la même chose pour les renvois: on disait que ceux qui pouvaient facilement être identifiés parce qu'ils avaient toujours respecté les règles du système étaient ceux que l'on renvoyait. Pourquoi? Pourquoi ceux qu'on a un peu plus de mal à trouver ne sont-ils pas renvoyés?

• 1610

Pour ce qui est des renseignements—et je ne suis pas certaine que vous puissiez les obtenir si nous n'avons pas pu les obtenir nous-mêmes—si vous voulez des renseignements nuancés qui puissent vous dire non pas seulement combien de personnes ont été renvoyées au total, combien de revendicateurs du statut de réfugié ont vu leur demande rejetée, mais aussi de qui il s'agissait exactement...

S'agissait-il de revendicateurs arrivés il y a cinq ans, il y a trois ans ou il y a un an? Avaient-ils épousé un citoyen canadien et attendaient-ils que leur demande soit traitée pour des raisons humanitaires? Ce sont là les données extrêmement détaillées qui pourraient nous dire si le système fonctionne vraiment. Si tous les revendicateurs renvoyés avaient présenté leur demande peu de temps avant, qu'est-il arrivé à ceux qui ont présenté leur demande il y a trois ans?

Renvoie-t-on les revendicateurs qui purgent une peine d'emprisonnement si une ordonnance de renvoi a été rendue à leur sujet et s'ils ont des documents de voyage en bonne et due forme? Certains de ceux qui travaillent directement dans le système nous disent que ces personnes ne sont pas renvoyées, mais ils ne peuvent pas nous dire pourquoi. Nous ne pouvons pas obtenir de renseignements fiables pour savoir exactement qui sont les criminels que nous renvoyons. S'ils sont renvoyés, qui sont les criminels qui restent? Combien y en a-t-il?

Je pense que nous pourrions commencer dès le début et essayer de nuancer chaque sous-catégorie pour savoir si nous renvoyons bien ceux qui doivent être renvoyés et si nous détenons bien ceux qui doivent être détenus. C'est d'habitude ce qui inquiète les personnes qui ne sont pas certaines qu'un processus fonctionne bien.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Bonjour, monsieur le président. Je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue et peut-être même pousser l'audace jusqu'à vous demander de me dédicacer le rapport. J'en serais très honoré puisque cela fera partie de notre quotidien au cours des prochains mois.

Vous nous dites que finalement, c'est un monde assez obscur, un monde qui demeure quand même marginal et que nous ne devons pas l'oublier. Il reste que la plupart des gens qui viennent par la filière de l'immigration obéissent à des règles qui sont connues et suivent un processus qui est tout à fait respectable.

Cet après-midi, j'aimerais comprendre les trois recommandations que vous avez faites à l'endroit des parlementaires. Allons-y par étape. Pouvez-vous me parler, dans un premier temps, de ce que vous entendez par un statut provisoire? Qu'est-ce que ce statut représente comme valeur ajoutée dans le traitement de la réalité qui est la nôtre? On échangera par la suite sur les deux autres solutions que vous avez envisagées.

M. Robert Trempe: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'essaierai de répondre. À l'heure actuelle, il y a des gens qui ont un statut, tandis que d'autres n'en ont pas. Ce qu'expliquait Susan tout à l'heure illustre bien d'une certaine façon le fait que certains n'ont pas de statut ou qu'il n'y a pas de système qui fait en sorte qu'on sache qui sont les gens, où ils sont ou ce qu'ils font.

Vous avez pris connaissance du rapport et je suis certain que vous y avez trouvé des surprises. On pense savoir un certain nombre de choses et soudainement, en fouillant dans les statistiques, on trouve que des choses assez fondamentales nous avaient échappé.

Le statut provisoire ferait en sorte que toute personne qui entrerait au pays aurait un statut. Ce statut nous donnerait la possibilité d'imposer un certain nombre de conditions à ces personnes. Si vous n'avez pas de statut, que vous disparaissez et qu'on ne sait pas où vous êtes, eh bien, il nous est bien difficile de vous dire, par exemple, que si vous avez une maladie infectieuse, vous devez vous présenter à l'hôpital à des moments précis, selon ce que les autorités provinciales décideront. Si vous n'avez pas de statut et d'adresse et qu'on ne sait pas où vous êtes, vous pouvez encaisser trois chèques d'assurance sociale à la fois. Ces choses sont connues dans le milieu, et les organismes qui travaillent avec les nouveaux arrivants et les réfugiés les condamnent. Pourquoi? C'est parce que nous ne savons pas.

Le statut provisoire fait en sorte qu'on peut appliquer une étiquette à la personne et lui imposer un certain nombre de conditions au plan juridique. Il ne faut pas que ces conditions soient déraisonnables. Il faut que la personne ait la capacité de les remplir.

• 1615

Par exemple, on pourrait lui demander de se présenter au besoin aux autorités provinciales ou fédérales pour un certain nombre de choses. Comme on l'a suggéré, on pourrait commencer l'examen de sécurité et l'examen médical des revendicateurs du statut de réfugié au début du processus, et non à la fin, alors qu'on peut découvrir que la pauvre personne qui est ici et qui espère rester ici souffre d'une maladie terrible, et là c'est un charivari. Toutes les autorités se demandent: «Est-ce qu'on va la garder ou la renvoyer? Ce pauvre petit garçon a la leucémie. Qu'est-ce qu'on fait?» Au fond, ce statut provisoire donne au gouvernement et à la ministre responsable la possibilité d'imposer un certain nombre de conditions et de se donner un système pour qu'elles puissent être respectées. C'est cela que ça donne.

M. Réal Ménard: Dois-je comprendre que ceux qui n'ont pas de statut n'ont souvent pas de papiers de voyage et qu'on n'est pas capable de connaître clairement leur identité?

M. Robert Trempe: Ce n'est pas seulement cela.

M. Réal Ménard: En termes d'ordre de grandeur, qu'est-ce que vous diriez par rapport à cette réalité-là?

[Traduction]

Mme Roslyn Kunin: Dans ce cas, si la personne n'avait pas de documents, nous lui accorderions un statut provisoire pour qu'elle puisse rester légalement au Canada tant qu'elle collabore avec les autorités et qu'elle peut dire qu'elle n'a pas de documents pour telle raison, qu'elle a fui des conditions épouvantables, qu'elle est bien telle personne et qu'elle fait telle chose. Tant qu'elle collabore avec les autorités canadiennes, elle recevrait un statut provisoire. Le fait d'obtenir ce statut ne dépend pas de la possession de documents de voyage ou d'autres choses. Il faut que la personne prouve sa bonne foi et collabore avec les autorités au Canada pour présenter sa revendication du statut de réfugié ou faire le nécessaire selon tout autre processus choisi pour rester au Canada.

Le seul cas où l'on refuserait de donner un statut provisoire à une personne serait celui où elle ne peut pas prouver qu'elle a déjà le statut d'immigrant reçu, ou autre chose, et où elle ne collabore pas avec les autorités, refuse de dire qui elle est ou d'où elle vient, ou ne se présente pas aux audiences ou ne respecte pas les conditions prescrites.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord. Au meilleur de votre expertise, pouvez-vous me décrire la situation de ceux qui n'ont pas de statut à l'heure actuelle? Donnez-nous leur profil ou des exemples de cet ordre de réalité auquel vous avez été confrontés. On parle de ceux qui ne sont pas munis de papiers d'identité ou de papiers de voyage, etc. D'ailleurs, vous avez fait des recommandations assez précises à leur égard. Mais, outre ces gens, de qui parlez-vous?

M. Robert Trempe: On parle des visiteurs qui sont restés ici et dont le visa est expiré, ou qui n'ont pas de visa et qui disparaissent. On parle aussi de revendicateurs du statut de réfugié dont le dossier est en attente, dont on ignore où ils se trouvent après un bout de temps, etc.

M. Réal Ménard: Excusez-moi. Cela veut-il dire que pour vous il n'existe pas de statut de revendicateur?

M. Robert Trempe: Non, non.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Robert Trempe: Justement, on souhaiterait accorder au revendicateur un statut qui lui donnerait droit, pendant que le processus suit son cours, à un certain nombre de choses. Ceux qui n'ont pas de statut à l'heure actuelle, ce sont ces revendicateurs qui attendent une décision, qui sont quelque part dans la nature et qu'on ne connaît pas.

M. Réal Ménard: Les 22 p. 100 des 19 000...

M. Robert Trempe: Combien?

M. Réal Ménard: Vous avez dit qu'on avait identifié 19 000 personnes, mais qu'on n'avait réussi à en renvoyer que 22 000. Est-ce que vous gageriez une grosse bière sur ces 19 000? Non?

M. Robert Trempe: Je ne suis pas certain si je gagerais une grosse bière sur les 19 000.

M. Réal Ménard: Est-ce parce que vous êtes Lacordaire ou parce que je fais une erreur?

M. Robert Trempe: Je ne suis pas Lacordaire.

M. Réal Ménard: Un chapitre de votre rapport indique qu'on avait identifié 19 000 personnes n'ayant pas obtenu de statut. De ce nombre, on savait que dans à peine 22 p. 100 des cas, il y avait un mécanisme réel de renvoi qui avait porté fruit.

M. Robert Trempe: Ah, oui, 22 p. 100.

M. Réal Ménard: Vingt-deux pour cent.

M. Robert Trempe: Excusez-moi, j'avais compris 22 000. C'est là mon erreur. Oui, oui.

M. Réal Ménard: Donc, vous me devez une bière.

M. Robert Trempe: Monsieur le président...

[Traduction]

Le président: A-t-on pris note de cela?

[Français]

M. Robert Trempe: Monsieur le président, je ne suis pas habitué à la conclusion qu'un homme politique peut tirer d'un certain nombre de choses. Alors, je paierai volontiers une bière au membre de votre comité.

Alors, il y a certainement ces gens-là. Il y a des gens qui sont disparus dans la nature et dont on ne sait pas où ils sont. En leur accordant un statut, on serait en mesure de dire à ces gens que pendant que le processus se déroule, ils ont un statut qui leur confère des droits.

• 1620

Si on vous dit que vous n'êtes pas un revendicateur—et espérons qu'on le dira avant que 22 ou 28 mois ne se soient écoulés—, mais qu'on vous dit que vous avez un statut et qu'un système assorti de conditions est en place, vous ne craindrez pas, quand vous n'êtes pas reconnu, de perdre votre statut et les privilèges qui y sont associés. Vous ne continuerez pas à amasser dans la nature je ne sais trop combien de milliers de dollars. Le ministère est dans l'incapacité de gérer correctement ces affaires-là à l'heure actuelle. Donc, c'est ça, l'idée du statut.

M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question ou dois-je attendre au deuxième tour? Est-ce que mon temps est écoulé?

[Traduction]

Le président: Non, il vous reste encore trois minutes.

[Français]

M. Réal Ménard: C'est super. Je veux m'assurer que j'ai bien compris. À partir du moment où une personne remplit une fiche de renseignements personnels, qu'on appelle en anglais dans le langage des fonctionnaires PIF, on ne lui accorde pas automatiquement un statut. La personne est en voie d'être reconnue par un appareil qui a ses grandeurs et ses limites, à l'heure actuelle, mais cela ne lui donne pas un statut, du moins pas tel que vous l'entendez dans ce rapport. D'accord.

Une fois qu'on aura un mécanisme plus adéquat pour identifier les personnes, on pourra avoir recours à la deuxième solution que vous proposez à votre chapitre 8, à savoir considérer un recours plus fréquent à la détention pour la violation des conditions liées au statut provisoire.

C'est donc en quelque sorte une conséquence logique de votre première proposition. Si on accepte que les individus ont un statut, auquel sont liées certaines conditions, notamment être disponibles et se présenter à des entrevues, on accepte qu'à défaut de respecter ces conditions, ils pourront être emprisonnées. D'ailleurs, un collègue disait plus tôt qu'on ne savait pas combien cela coûterait. Mais vous avez vous-mêmes avancé des chiffres dans le rapport; je crois me souvenir que vous disiez que leur détention coûterait entre 150 $ et 200 $ par jour.

M. Robert Trempe: Oui, c'est possible. Ces chiffres représentent le coût quotidien de détention. Même si vous additionniez cela et que vous augmentiez la population carcérale de 10 p. 100, ou même de 50 p. 100 pour faire un peu peur, comme les gens du ministère le pensent à l'heure actuelle, vous n'auriez jamais l'autre bout de l'équation. C'est cela que j'ai entendu tout à l'heure. L'équation est: qu'est-ce que cela coûte au Canada, au gouvernement fédéral ou au gouvernement des provinces pour garder sur son territoire des gens qui n'ont pas le droit d'y être et qui vivent à ses dépens?

M. Réal Ménard: D'accord. Aux dépens de la société, donc.

M. Robert Trempe: C'est ça.

M. Réal Ménard: Parfait. Ce qui m'intéresse dans le fond...

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: C'est fini? Je reviendrai.

[Traduction]

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais moi aussi vous féliciter tous les trois de cet excellent rapport. Il présente certainement des idées tout à fait nouvelles. J'ai lu beaucoup plus que je n'aurais jamais rêvé de le faire sur l'immigration, et celui-ci est nettement un bon rapport.

Il me semble que nous mettons la charrue avant les boeufs si nous étudions la partie du système qui porte sur les expulsions, et que nous nous attaquons au problème par le mauvais côté au lieu de commencer par le début. C'est vraiment ce qui est ressorti des témoignages des fonctionnaires ministériels la semaine dernière: on ne peut pas vraiment examiner l'aboutissement du système avant d'avoir examiné le début.

J'ai été frappé par vos commentaires au chapitre 1 au sujet des raisons qu'ont les gens pour immigrer au Canada. Maintenant que vous avez examiné le système d'immigration, pouvez-vous nous dire pourquoi les gens immigrent au Canada? Est-ce pour des raisons démographiques, pour l'emploi, pour une raison stratégique quelconque, pour avoir accès au capital humain? Pourquoi?

Mme Roslyn Kunin: En dix mots ou moins.

M. John McKay: En dix minutes ou moins.

Mme Roslyn Kunin: Très bien. Je vais vous donner le point de vue d'une historienne de l'économie, parce que l'histoire de l'économie a été l'un de mes sujets d'études préférés.

Je vais vous lancer un défi. Il n'y a jamais eu un seul cas dans toute l'histoire de l'humanité où une économie a pu croître si sa population n'était pas en croissance. Nous savons tous que si ce n'était d'une immigration nette, la population du Canada atteindrait un taux de croissance zéro, ou même négatif, au XXIe siècle. À vous de choisir l'année et la date. Nous ne nous reproduisons pas. Une économie ne peut pas croître si la population n'augmente pas. C'est la première raison.

La deuxième raison, c'est que toutes les recherches, et il y en a beaucoup sur cette question, montrent que les migrants économiques, ceux qui arrivent au Canada, font une solide contribution nette à l'économie et aux finances du Canada, qui, comme on nous l'a dit en long et en large hier, sont enfin solvables. Ce sont les principales raisons.

• 1625

Cependant, pendant nos déplacements dans le pays, nous avons entendu des gens dire: «Il y a du chômage au Canada. Il y a déjà des problèmes. Fermez les portes et ne laissez plus entrer personne avant dix ans.» D'autre part, d'autres disaient: «Nous avons un énorme pays vide sans habitants. Ouvrez grand les portes et laissez venir tous ceux qui le veulent bien.» Nous avons entendu les deux extrêmes.

M. John McKay: Après avoir passé bien du temps à examiner la question, à titre plus ou moins d'expert, pensez-vous que les raisons de démographie et d'emploi que vous avez mentionnées sont de bonnes et solides raisons pour avoir le système d'immigration que nous avons maintenant?

Mme Roslyn Kunin: Oui, surtout si l'on envisage le système dans son ensemble, c'est-à-dire non pas seulement la quantité de capital humain, mais aussi, grâce aux cinq critères de base que nous avons établis, la qualité de ce capital humain, parce que nous souffrons d'une sérieuse fuite de cerveaux au Canada à l'heure actuelle. Une bonne partie de notre capital humain nous quitte pour partir vers le Sud ou ailleurs, et si nous n'attirons personne pour compenser, nous en souffrirons tous.

M. John McKay: Si ce sont là les principales raisons qui justifient l'existence de l'immigration au Canada, quelles sont les conséquences précises de ces mêmes raisons pour les expulsions?

Mme Susan Davis: Je vais essayer de répondre à cette question.

Il s'agit plutôt de considérer que nous faisons partie d'un village global. Que l'on considère ou non que l'immigration est une bonne chose pour le Canada, soit pour des raisons économiques, démographiques ou humanitaires, que nous ayons ou non un système qui permette de distinguer les bons des mauvais, ceux qui nous seront utiles et qu'il fait bon d'avoir près de soi, les immigrants continueraient de venir, et plus maintenant que jamais. Ils ne resteraient peut-être pas, mais il y a de plus en plus de voyages et de libre mouvement des capitaux, et les êtres humains suivent les capitaux.

Je dois admettre que nous n'avons pas encore très bien compris comment cela fonctionne. Nous voulons accueillir les capitaux. De toute évidence, cela veut dire que des êtres humains viennent avec les capitaux de bien des façons. Nous ne savons pas exactement comment nous en occuper dans le nouveau contexte du système d'immigration. Nous ne sommes pas certains si nous devons aimer ou détester ceux qui arrivent en même temps que les capitaux que nous voulons.

Voici ce que cela a à voir avec l'expulsion. Je ne suis pas certaine de partager entièrement votre opinion selon laquelle notre amour ou notre haine holistique ou notre besoin d'immigration a quelque chose à voir avec ce que nous ferons de ceux dont nous ne voulons pas. Je pense plutôt que, à titre d'État souverain, nous contrôlons nos frontières de bien des façons relativement à la santé et à la sécurité, notamment sur le plan de l'immigration.

Ce qu'il faut savoir surtout, si nous voulons avoir un certain genre d'immigrants, c'est comment les attirer et les garder. Si nous ne voulons pas de ceux qui ont certaines caractéristiques—sur un plan tout à fait objectif, il faut l'espérer, et non pas pour des motifs de discrimination—comment allons-nous les refuser et les renvoyer?

Nous sommes maintenant à un seuil, et c'est pour cela que notre rapport est très futuriste. Il y a bien des choses que nous ne pouvons pas analyser. Nous avons construit un système de libre-échange. Nous pensions avoir adopté des lois sur l'immigration en conséquence, mais elles ne reflètent pas vraiment la même moralité que notre régime de libre-échange.

Je vais vous donner un seul exemple et m'en tenir là. Si vous voulez attirer des investissements des États-Unis, si vous voulez que les hommes d'affaires américains tiennent des réunions et viennent conclure des marchés au Canada, cela veut dire que quelqu'un doit venir ici. Tout ne peut pas se faire par voie électronique. Nous pensions avoir un système qui nous permettrait de dire: oui, venez à l'aéroport, nous vous accueillerons et nous vous ferons entrer pour la réunion. Vous avez entendu parler de personnes qui ont été retardées sept heures à l'aéroport et ont manqué la réunion ou l'ouverture du musée. C'est épouvantable.

Certains vous diront, et je l'ai entendu dire moi-même, que le problème, c'est que ces étrangers arrivent au Canada habillés en joueurs de tennis et avec une raquette de tennis entre les mains et veulent faire croire qu'ils viennent passer des vacances sportives, car ils ne veulent pas que nous leur causions des ennuis. Je leur réponds que le problème, c'est au contraire que nous voulons qu'ils fassent affaire avec nous et que nous ne devons pas leur causer d'ennuis. Cependant, même si nous faisons affaire avec eux, cela doit être réglementé. S'agit-il de criminels ou non? Nous n'avons pas encore trouvé de système pour cela.

• 1630

Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons à tout prix mettre au point un système qui nous permettra de faire face à ce meilleur des mondes, un système qui n'aura peut-être pas grand-chose à voir avec l'immigration dans le sens traditionnel du mot, comme vous l'avez dit, mais peut-être qui s'y rapportera tout à fait sur le plan transitoire.

M. John Mckay: Il me semble que votre collègue a donné une réponse plutôt traditionnelle puisqu'elle portait sur les facteurs démographiques, sur l'emploi et...

Mme Susan Davis: Sauf votre respect, c'était en réponse à vos questions: «Qu'est-ce que l'immigration?» et «L'immigration est-elle une bonne chose pour le Canada?» Cependant, pour ce qui est de votre question au sujet du rapport entre cette réponse et notre politique d'expulsion, je ne suis pas certaine qu'il y ait vraiment un rapport entre les deux.

M. John Mckay: Très bien.

Le président: Merci beaucoup.

Nous nous en tenons jusqu'ici à notre horaire. M. Doyle voudrait la parole au prochain tour. Ou bien voulez-vous la parole tout de suite?

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Non.

Le président: Très bien, nous allons donc donner la parole à Mme Bulte.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup d'être venus témoigner devant le comité aujourd'hui. Je voudrais revenir à la question posée à Mme Leung au sujet du genre de témoins que nous devrions convoquer. J'ai noté que, selon vous, nous devons faire venir des gens qui ne sont pas touchés par le processus.

Vu que j'ai une expérience plutôt limitée relativement à l'immigration, ma question est celle-ci: Avez-vous de votre côté interviewer des personnes qui avaient été touchées par le processus ou à qui on avait peut-être refusé le statut de réfugié, qui attendaient qu'on étudie une demande pour des raisons humanitaires et à qui les agents avaient probablement dit que leur demande serait rejetée, mais qui ne peuvent retourner nulle part parce qu'elles n'ont pas de documents et qu'elles ont des enfants qui ont passé la moitié de leur vie au Canada mais qui ne sont malgré tout pas admissibles?

Avez-vous examiné les conséquences pour ces gens? Ils ont toujours collaboré avec les autorités et participé au processus. Ce ne sont pas des criminels, mais en principe, ils pourraient être renvoyés. Avez-vous parlé à ces revendicateurs? Ne devrions-nous pas nous pencher sur leur cas et leur parler aussi?

Mme Susan Davis: Oui, je suis d'accord, mais je peux vous dire comment nous répondons à cette question dans notre rapport, et c'est... Laissez-moi vous parler de gens qui nous ont influencés. Nous avons interrogé les Hollandais à propos de leur propre système et ils nous ont dit essentiellement, et je trouve très intéressant qu'ils le reconnaissent d'eux-mêmes, que si une personne est dans le pays depuis au moins trois ans, tout le monde y perdra si vous essayez de l'expulser. En Hollande, quelqu'un qui demande l'asile est d'habitude gardé dans un centre de réfugié à l'écart du reste de la population, mais même à ce moment-là, les revendicateurs prennent racine dans la localité. Ils sortent dans le village, rencontrent quelqu'un et l'épouse. Les Hollandais le reconnaissent.

Oui, je pense que vous avez tout à fait raison. Vous avez vous-même répondu à la question. D'un autre côté, nous répondons ceci: En toute justice, si nous voulons vraiment choisir certaines personnes, et si ce n'est qu'un jeu, aussi bien de tout oublier, et si l'on fait un choix, certains ne seront pas choisis; le processus doit donc être très court pour empêcher que les revendicateurs fassent les choses tout à fait normales et naturelles qui se font à un moment donné et ne nouent pas les liens qui se créent de façon normale et naturelle.

Bien sûr, nous connaissons le témoignage de ces revendicateurs. Ils ont une vie au Canada, ils ont des voisins avec qui ils s'entendent bien. Ils se sont bien intégrés, avec ou sans nos règles et avec ou sans nos programmes d'établissement.

Je ne pense pas pouvoir vous répondre pourquoi nous devons renvoyer ces personnes dans les plus brefs délais. Selon moi, dans un nouveau système, il faudra absolument s'assurer de ne pas créer de telles situations à cause d'un processus qui dure trop longtemps.

Je pense effectivement que le comité devrait convoquer des personnes dans cette situation.

Mme Sarmite Bulte: Dans une autre veine, pour faire suite à ce que disait M. Ménard, quel statut auraient les personnes dans cette situation?

Leur accorderait-on un statut provisoire à perpétuité si on ne peut pas les renvoyer et si elles n'ont pas de documents de voyage? Dans votre nouveau système, quel statut auraient ces personnes? Nous ne pouvons pas les renvoyer. Elles ne peuvent pas obtenir de documents de voyage. Elles ont vécu la moitié de leur vie au Canada. Cela représente plus de deux ou trois ans. La situation dure depuis des années. Quel serait le statut de ces personnes?

M. Robert Trempe: Monsieur le président, je ne suis pas ministre, mais je sais ce que je ferais. Je leur accorderais un statut légal quelconque. Si vous avez lu le rapport, et je sais que vous l'avez fait, vous saurez aussi que nous proposons que ces personnes trouvent quelqu'un qui accepte de répondre de leur bonne conduite. Si les revendicateurs se sont enracinés à ce point et attachés au Canada, si leurs enfants vendent des palettes de chocolat dans les écoles, par exemple, les médias joueront leur rôle et ces personnes ne seront pas renvoyées. Elles ne seront pas renvoyées à cause des médias.

• 1635

Elles auront trouvé le moyen de retenir l'attention des médias. Si vous pouvez trouver un organisme ou quelqu'un qui puisse répondre de votre bonne conduite, vous pourrez rester au Canada parce que vous aurez prouvé, tout comme nous demandons à ceux qui veulent devenir citoyens de prouver qu'ils peuvent participer à la société, qu'ils sont des gens en bons termes avec les Canadiens et qu'ils ont des connaissances dans le pays. Si j'étais le ministre, je leur accorderais un statut légal et ces personnes resteraient.

Mme Roslyn Kunin: Nous avons recommandé dans le cas de revendicateurs qui n'ont pas de documents, mais qui s'étaient pliés à tous les autres processus, qu'on fixe des délais précis au cas où ces revendicateurs auraient un passé sordide quelconque, mais qu'une fois ces délais expirés, on accorde le statut d'immigrants reçus à ces revendicateurs.

Mme Sarmite Bulte: Cela fait partie du nouveau système que vous proposez. Que pouvons-nous faire dans le cadre du système actuel et compte tenu du fait qu'on recommande en même temps de supprimer les pouvoirs discrétionnaires? Qu'allons-nous faire de ces gens?

Mme Susan Davis: Laissez-moi vous expliquer. Si ces revendicateurs sont ici, c'est en partie parce qu'il y a dysfonction dans le système. Je vous signalerai qu'une productrice qui a fait une série de films sur les gens qui font face à l'expulsion a été interviewée à la radio de la CBC et parlait de la femme polonaise qui faisait face à l'expulsion. Ce cas se rapproche beaucoup de ceux que vous venez de décrire. À cause de leurs valeurs morales, les Canadiens diront: elle avait effectivement commis une erreur en venant ici parce qu'elle ne correspondait pas à la définition de la convention; elle pensait le faire ou bien la situation a changé en Pologne et elle ne risque plus rien là-bas, mais nous lui avons permis de rester au Canada pendant cinq ans et de se bâtir une vie et, après tout, pourquoi insister pour l'expulser lorsqu'il y a d'autres personnes, et c'est vraiment ce qui compte, qui ne contribuent pas à la société et qui ont commis des actes criminels; pourquoi ne pas les renvoyer à la place? Lorsqu'on a demandé à cette productrice ce qui n'allait pas dans le système, elle a répondu que le système était inhumain parce qu'il permet aux gens de rester trop longtemps au Canada et de s'enraciner parce qu'ils pensent pouvoir bâtir une vie au Canada. Le problème vient du système.

Vous avez demandé si l'on devrait prendre une décision de principe à court terme. Nous avons déjà eu la disposition pour les requérants IMRED, si je ne m'abuse, une décision de principe à court terme selon laquelle les revendicateurs du statut de réfugié dont la demande était rejetée et qui étaient encore au Canada trois ans après la publication de la mesure de renvoi pouvaient rester. Je ne sais pas au juste quel était le but de tout cela. Je pense qu'en partie, et je vous demande à ce sujet de lire attentivement les communiqués publiés pour annoncer la création de l'IMRED, ceux qui s'occupaient des renvois voulaient avoir le temps de décider qui il fallait renvoyer en toute priorité et que cette mesure leur donnait le temps nécessaire. Cela permettait de régler lentement le cas des personnes qui ne pourraient jamais être renvoyées.

Ce qui est arrivé, c'est que la disposition IMRED est devenue la norme. Personne n'était plus renvoyé et tout le monde avait une excellente chance d'être accepté juste avant la fin de la période de trois ans. Cela montre encore une fois qu'une partie du programme de renvoi ne fonctionne pas.

Si vous demandez qu'on instaure une politique quelconque pour déterminer qui sera renvoyé et qu'on fasse régulièrement rapport pour montrer si la politique est respectée ou non, vous saurez que ceux qui se sont enracinés avec succès sont vraiment au bas de la liste des priorités et ne seront pas renvoyés parce que nous manquons de ressources. Par ailleurs, si nous n'avons pas de politique de ce genre ni de rapport pour montrer à quel point les politiques sont respectées, et nous avons essayé de codifier tout cela, nous ne pouvons jamais être certains qu'on n'arrêtera pas cette femme un jour ou l'autre. Selon moi, à court terme, ce que nous essayons de faire grâce à la codification pourrait aussi se faire par le biais d'une décision de principe, mais il faudrait exiger des agents qu'ils fassent rapport pour montrer que les directives officielles sont bien respectées.

Le président: Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Je voudrais moi aussi vous remercier d'être venus.

Nous aurions bien des questions à vous poser, mais nous devons, bien sûr, nous en tenir à ce rapport et nous ne pouvons pas poser un trop grand nombre de questions.

Je voudrais vous demander une chose. Le problème qui est ressorti la dernière fois que les fonctionnaires sont venus témoigner est le fait que certains arrivent au Canada sans documents de voyage. Ils arrivent au Canada sans papiers, y restent, passent par tout le processus, puis leur demande est rejetée pour une raison quelconque, que ce soit pour antécédents criminels ou autre chose. Le problème consiste ensuite à renvoyer ces revendicateurs dans leur pays d'origine, qui ne veut pas d'eux. Ce sont des gens qui veulent rester ici.

• 1640

Si j'ai bien compris, vous proposez comme nouvelle solution qu'on accorde en même temps un statut provisoire aux revendicateurs. Cependant, cela ne change rien au fait que, si le revendicateur a un statut provisoire et si, d'autre part, il n'a pas de documents de voyage et ne peut pas les obtenir pour rentrer dans son pays d'origine, il n'ira nulle part.

D'après moi, c'est très bien d'accorder ce statut provisoire et de laisser les choses en suspens, mais vous n'avez toujours pas résolu une des principaux problèmes. Les fonctionnaires nous ont dit lors de leur dernière comparution que l'un des plus graves problèmes a trait aux documents de voyage. Les pays d'origine ne veulent pas ravoir leurs criminels.

M. Robert Trempe: Le ministère vous a-t-il fourni des chiffres à ce sujet?

M. Deepak Obhrai: Non, malheureusement.

M. Robert Trempe: Vous avez dit que c'était un grave problème.

M. Deepak Obhrai: J'ai justement demandé aux fonctionnaires si c'était un problème critique et ils m'ont dit que oui, c'était effectivement l'un des principaux problèmes.

M. Robert Trempe: C'est effectivement un problème. Comme vous l'avez lu dans notre rapport, selon nous, cela devrait inciter l'autre ministère en cause au Canada à essayer d'expliquer aux autres pays que nous allons réagir d'une façon ou d'une autre s'ils n'acceptent pas qu'on leur renvoie leurs ressortissants.

Vous avez tout à fait raison de dire que nous n'avons pas résolu le problème. Malheureusement, nous n'avons jamais su, et j'ignore si quelqu'un peut vous le dire, combien exactement il y a de personnes qui ne peuvent pas être renvoyées pour cette raison, sur les milliers de personnes qui devraient être renvoyées, mais qui ne le sont pas. Je ne connais pas le chiffre et je ne pense pas que la ministre le connaisse non plus.

Mme Susan Davis: Si je peux enchaîner, relativement au statut provisoire, vous avez raison de dire que le fait de mettre des revendicateurs dans une boîte pour que le ministère puisse déclarer à la fin du mois ou de l'année, dans son rapport annuel ou en témoignant devant votre comité qu'il peut vous dire combien de personnes ont perdu leur statut provisoire parce qu'elles refusaient de dire qui elles étaient ou refusaient de collaborer et combien de personnes ont perdu leur statut provisoire et ont été placées en détention à long terme en attendant leur renvoi parce qu'elles n'avaient pas de documents de voyage et que leur pays d'origine refusait de collaborer...

Je sais que cela ne résoudra pas le problème ultime d'obtenir les documents, mais nous pourrions au moins quantifier le problème. Nous pourrions au moins dire aux citoyens qu'ils peuvent s'élever contre un problème réel ou bien ne pas s'énerver parce que ce n'est pas vraiment un problème.

C'est une situation chronique chaque fois qu'il y a migration dans le monde. C'est un outil de ceux qui font la contrebande de réfugiés. C'est ainsi qu'ils fonctionnent. Ils reprennent le document ou disent au réfugié de s'en débarrasser.

Le fait est qu'il n'y a pas de solution magique. C'est un élément de toute migration. Une multitude de groupes ou de personnes doivent considérer la chose suffisamment importante pour qu'elle fasse partie de leurs discussions sur le commerce ou le développement international, par exemple, avec tel ou tel pays. Je ne suis pas certaine que l'on considère la situation comme importante à ce point au gouvernement à l'heure actuelle.

Il y a encore une chose. Nous devons nous rappeler qu'il y a toutes sortes de personnes qui n'ont pas de papiers. Quand nous avons accueilli des revendicateurs du statut de réfugié venant de la Somalie et de l'Afghanistan, nous savions pourquoi ils n'avaient pas de papiers. Nous connaissions aussi leur identité parce qu'ils ne s'en cachaient pas et qu'ils avaient besoin de protection.

Je peux cependant vous dire que j'ai assisté à l'aéroport Pearson à des entrevues de sept heures avec des gens venant de pays où il n'y a pas de troubles civils et qui refusaient malgré tout de nous dire leur nom, de quel avion ils étaient descendus ou même qu'ils étaient des réfugiés. Je dis bien des entrevues de sept heures.

• 1645

Nous avons laissé la personne en question disparaître dans la société canadienne et je n'en ai pas dormi de la nuit parce que je ne pouvais m'imaginer aucun autre pays du monde qui me laisserait disparaître de cette façon si je me comportais ainsi.

Même si ces personnes ne sont pas une menace pour la sécurité, ne devrions-nous pas avoir un mécanisme pour les compter et savoir quand le système changera? Pour l'instant, nous supposons que tous les voyageurs sans papiers sont des réfugiés véritables, mais la situation pourrait changer tout à coup et personne ne saurait plus rien sauf le pauvre agent d'immigration qui doit s'occuper de ces revendicateurs. Je ne veux pas insister davantage sur le statut provisoire et sur ce qui arrive lorsque le statut est retiré, sauf pour dire que c'est un excellent moyen de compter les gens et de se rendre compte des problèmes certains qu'ils représentent pour que nous puissions vraiment nous en occuper au lieu de tourner en rond.

Le président: Madame Folco, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Tout d'abord, je voudrais m'excuser d'être arrivée en retard puisque je devais participer à la séance d'un autre comité. Je voudrais aussi dire bonjour à une personne que je connais depuis très longtemps. J'ai l'impression que Robert et moi, nous nous suivons pas à pas depuis maintes années. Je ne pas préciserai combien d'années, Robert, mais enfin...

Ce que j'ai lu dans le rapport que vous avez rédigé me semble exiger un changement majeur dans le processus d'immigration, en particulier au niveau de l'acceptation des réfugiés. Je crois qu'il était grand temps que ce changement majeur s'effectue et je suis entièrement d'accord sur les grandes lignes.

Je ne poserai pas de questions sur des recommandations précises, mais plutôt une question plus générale. Quelle est votre «philosophie» sous-jacente sur la question du type d'immigrants que le Canada devrait recevoir ou souhaite recevoir? Deuxièmement, sait-on combien de temps prend le processus d'intégration, et comment sait-on qu'une personne est intégrée dans notre société?

M. Robert Trempe: Monsieur le président, je vais commencer à répondre et mes collègues préciseront notre pensée. Je pense que notre philosophie favorise la venue d'immigrants qui contribuent à la vie du Canada.

Lorsque je parle de contribution à la vie de ce pays, je fais allusion non seulement à l'élément démographique, c'est-à-dire une baisse trop rapide de notre population, mais aussi à une contribution à la vie économique du Canada et à sa culture afin que ce pays continue à changer, à se transformer, à accueillir de nouvelles idées, à être ouvert, etc. C'est là, à mon avis, un des grands apports de l'immigration. Lors de nos consultations, nous avons constaté que tout le monde voulait que ce pays continue d'être ouvert de cette façon.

Ce que nous ne voulons pas, ce sont des gens qui abusent du système. C'est pourquoi nous avons proposé un certain nombre de mesures, lesquelles semblent peut-être trop resserrer un certain nombre d'éléments de procédure, de l'avis de certains. Nous voulons donc des gens qui auront une chance de réussir ici et de s'intégrer, et c'est pourquoi nous avons proposé un certain nombre de critères de sélection.

Les critères de sélection sont à peu près les seuls éléments basés sur des données dans tout ce rapport. Les autres éléments se fondent sur le bon jugement; nous pensons à ce que les Canadiens peuvent penser, à ce qu'on peut trouver ailleurs et aux enquêtes que nous avons faites.

Les données sur l'intégration dans ce pays et d'autres éléments liés à l'immigration sont extrêmement rares. En lisant les comptes rendus de votre comité, je constate que vous recherchez des données partout: combien sont-ils de cette sorte, combien sont détenus et combien sont renvoyés pour cette raison? Il est toujours très difficile d'obtenir des données. Pourquoi? C'est parce qu'à l'heure actuelle, pour toutes sortes de raisons historiques, le ministère n'est pas en mesure de nous en fournir.

• 1650

Nous voulons des gens à qui on peut assurer le succès dans leur vie jusqu'à un certain point. Nous voulons aussi que le pays puisse bénéficier de leur apport.

C'est pourquoi, en nous basant sur les rares données que nous possédons, nous avons établi des critères de succès, notamment avoir entre tel âge et tel âge, avoir acquis une assez bonne connaissance d'une des langues de ce pays, avoir démontré des habiletés dans son travail actuel—bien que ces gens ne soient pas choisis en fonction du travail qu'ils font actuellement et que personne ne puisse leur promettre qu'ils feront le même travail ici—et avoir atteint un certain niveau d'instruction qui permette d'être polyvalent.

Dans tout le rapport, je le répète, ce sont à peu près les seuls résultats de recherche un peu assurés que nous ayons à l'heure actuelle sur l'intégration.

Mme Raymonde Folco: Justement, quand je regarde les vagues d'immigration qui sont venues jusqu'à hier, je constate que ce n'est pas nécessairement parce qu'une personne est arrivée ici en parlant une des deux langues officielles et après avoir complété ses études secondaires, pour n'utiliser que ces deux critères, qu'elle a été en mesure de réussir. À l'inverse, on ne saurait conclure qu'une personne qui ne connaissait pas les deux langues et qui n'avait pas un très au niveau d'instruction, ou le niveau de la fin du secondaire que vous suggérez, n'a pas réussi. Il me semble qu'il y a quelque part un besoin de s'intégrer et un besoin de travailler qui va au-delà des connaissances qu'une personne peut avoir dans son pays d'origine.

Vous avez donné un autre critère dans votre rapport que vous n'avez pas mentionné ici, monsieur Trempe, soit l'aide communautaire.

[Traduction]

Est-ce que cela veut dire que je n'aurai pas de réponse à ma question?

Le président: Non, vous n'êtes pas obligée de répondre à cette question parce qu'elle s'écarte beaucoup du sujet.

Je voudrais que vous vous en teniez à la recommandation 155 si possible, d'accord? Ce sont toutes de très bonnes questions, cependant, madame Folco...

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président.

Le président: ...et nous nous en occuperons plus tard.

Nous allons maintenant passer à l'autre côté et donner la parole à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous devriez toujours permettre qu'on réponde aux questions.

Puisque que vous êtes ici pour nous parler d'abord des solutions que vous avez formulées au chapitre 8, je vous serais reconnaissant de nous parler un peu de la troisième solution que vous avez avancée, qui propose la création d'un autre type de fonction, qui serait celle des agents de détermination et qui résulterait de la combinaison des fonctions des arbitres et des agents principaux.

Deuxièmement, les consultations et les entrevues que vous avez menées vous amènent-elles à poser le même diagnostic que le vérificateur général, qui conclut qu'il existe présentement à la CISR deux hiérarchies qui s'affrontent, les fonctionnaires et les commissaires? Si tel est le cas, j'aimerais savoir quelle en est votre appréciation.

Troisièmement, à la lumière de ce que vous comprenez et savez des questions de détention, avez-vous le sentiment que les principes de justice naturelle sont respectés?

[Traduction]

Mme Susan Davis: Ce sont deux questions très différentes.

M. Réal Ménard: Excusez-moi.

Mme Susan Davis: Cela ne fait rien.

La première question qui vise à savoir si la structure actuelle de la CISR crée deux dynamiques différentes est assez intrigante. Je ne suis pas certaine... En réalité, j'en ai discuté ce matin avec un groupe de fonctionnaires de la CISR et du ministère.

Si vous avez un organisme quasi judiciaire qui se compose de personnes autonomes à ce point, les divisions sont inévitables. Je ne veux pas parler des divisions administratives comme la division des appels et la SSR, qui sont les arbitres. Ce que je veux dire, c'est que les membres de ce groupe ont l'impression d'être spéciaux. Je ne devrais peut-être pas parler d'élite, mais vous savez ce que je veux dire par là. Ils peuvent prendre des décisions et cela crée des divisions avec le personnel de soutien.

Quand j'assiste aux audiences de la SSR et même à la procédure d'appel relativement aux demandes de renseignements, j'ai parfois l'impression que cela donne lieu à un processus très antagoniste qui n'aide pas les choses. Cela n'aide pas du tout à obtenir les faits.

• 1655

Par exemple, les agents qui entendent les revendications des réfugiés n'ont pas l'impression de faire partie du reste de l'équipe à cause de cette structure particulière. Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème.

Deuxièmement, pour ce qui est de savoir si nous avons vraiment l'impression qu'il y a application régulière de la loi, c'est bien difficile à dire. Certains gestionnaires m'ont signalé qu'ils ne comprenaient pas pourquoi certains de leurs agents ordonnent une détention dans un cas, mais que d'autres n'ordonnent pas une détention dans un cas qui se fonde sur des faits très semblables. Est-ce à cause de l'heure du jour? Ils l'ignorent. Cela est dû à...

[Français]

M. Réal Ménard: Mais vous savez que quand on parle des principes de justice naturelle, on parle des conditions dans lesquelles les gens sont détenus. Ont-ils droit à un procès? Peuvent-ils communiquer avec un avocat? Sont-ils adéquatement protégés? C'est cela qui m'intéresse. Vous avez été cruellement silencieux dans votre rapport à cet égard. Ce n'est pas un reproche.

[Traduction]

Mme Susan Davis: Nous ne voulions pas vraiment rédiger un rapport en 10 volumes. Je peux cependant vous dire que l'application de la loi dans le système actuel est difficile à évaluer parce qu'il y a différents moments dans le processus où l'on peut décider de détenir un revendicateur. Si c'est aux termes du paragraphe 20(3), la détention au point d'entrée par un agent d'immigration, comment la loi doit-elle s'appliquer? L'agent d'immigration décide que le revendicateur ne fait pas partie d'une catégorie admissible et décide de le détenir. D'autre part, il y a une marche à suivre bien précise quand cette détention fait l'objet d'un examen et que l'on passe devant l'arbitre.

Nous avons certes simplifié le processus. Je pense que l'on critiquera notre rapport parce que nous nous sommes débarrassés des arbitres et que cette tâche serait maintenant confiée à des agents d'examen. Certains diraient que le mécanisme n'est pas suffisamment complet.

À mon avis, il doit y avoir un processus régulier. Ce processus doit pouvoir être évalué en fonction de la capacité du revendicateur à avoir accès à un avocat, et c'est pourquoi nous disons que les personnes détenues doivent avoir cet accès. Je ne suis cependant pas certaine qu'il faille aller jusqu'à tenir de longues audiences complexes devant un haut fonctionnaire quelconque. Il arrive souvent que certains des faits qu'on doit examiner soient assez simples. C'est assez facile de décider si le revendicateur a oui ou non été déclaré coupable d'un acte criminel par un tribunal. Là où les mécanismes d'application semblent insuffisants, ce sont les cas où on doit évaluer les dangers pour le public, mais nous ne pouvons probablement pas nous lancer là-dedans aujourd'hui.

Le président: Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup de votre travail.

Je me sens probablement un peu frustré vu que vous avez essentiellement dit que vous vouliez confier toute cette question à un groupe qui, d'après ce que vous avez dit, je pense, ne ressente pas les pressions de groupes particuliers et songe uniquement aux intérêts de la nation. Et j'aimerais croire que c'est vrai, mais les députés sont probablement assujettis aux pressions de plus de groupes que n'importe quelle autre personne, surtout quand il s'agit d'immigration et de réformes.

Une de mes inquiétudes, c'est que si nous écoutions... Par exemple, j'ai assisté avec certains de mes collègues à une réunion des membres du conseil régional de Peel, où j'habite, et il a été question de documents de voyage et du fait que la région de Peel, où se trouve l'aéroport Pearson, accueille un grand nombre d'immigrants et surtout de réfugiés. Le conseil régional a envoyé à la ministre une facture de 16 millions de dollars ou quelque chose de cet ordre pour les coûts d'assistance sociale. Certains de ces conseillers régionaux, qui sont normalement des citoyens tout à fait raisonnables et intelligents, nous diront que si des étrangers arrivent au Canada sans papiers, nous devons les renvoyer sans poser d'autres questions. C'est très frustrant d'entendre des personnes normalement raisonnables et généreuses dire de telles choses, mais c'est un exemple du genre de chose que bon nombre d'entre nous entendent de la part de nos électeurs, notamment.

• 1700

Je me suis rendu compte lors de toutes ces audiences... Je suis vraiment assailli de toutes parts parce que je fais aussi partie du comité des comptes publics et que nous sommes en train d'examiner le rapport du vérificateur général qui parle aussi des problèmes dont nous discutons ici aujourd'hui. J'entends donc les deux points de vue. Je me suis dit que le fait qu'un étranger arrive au Canada avec ou sans papiers importe peu parce que la réalité, c'est que, s'il arrive sans papiers, il revendiquera le statut de réfugié et ne demandera pas à devenir un immigrant reçu.

Ils n'ont pas de papiers parce qu'ils n'ont pas pu les obtenir ou ils ont acheté de faux documents ou ils ont décidé de détruire leurs papiers. On ne détruit pas ses papiers si on va dans un pays où on envisage de demander un statut d'immigrant reçu et, plus tard, de citoyen; on les détruit parce qu'on ne veut pas être renvoyé et on sait qu'il y a un processus de 14, 15 ou 17 mois pendant lequel on peut demander de pouvoir rester au Canada pour des motifs humanitaires ou de compassion. En effet, tout ce qu'il faut faire c'est de prononcer le mot «réfugié». C'est tout ce qu'il faut faire. À mon sens, le fait d'avoir des documents ou non ne fait aucune différence. Je pense qu'il s'agit d'un faux-fuyant.

À mon avis, le problème du système de renvoi et de tout le reste est les délais. Mme Bulte vous dira qu'il y a une électrice de sa circonscription qui est au Canada depuis sept ans mais qui attend toujours la décision pour voir si elle devra retourner dans son pays d'origine. C'est absurde, d'avoir à attendre si longtemps. Vous pouvez vous imaginer à quel point votre vie et tout le reste peuvent changer en sept ans.

J'aurais aimé voir des recommandations dans votre rapport à ce sujet, plutôt que la recommandation 155, qui nous renvoie la balle, ce qui est sans doute la bonne démarche, en fin de compte...

Une voix: C'est pour cela que nous avons les plus gros salaires.

M. Steve Mahoney: Voilà. C'est pour cela que nous recevons les gros salaires.

J'ai déjà posé cette question au comité des comptes publics: Croyez-vous qu'il s'agit d'un problème administratif ou d'un problème législatif? Pourrions-nous y remédier en ajoutant des ressources, c'est-à-dire des agents, des membres de la Commission d'appel? Pourrions-nous simplifier le processus d'appel? Pourrions-nous changer l'administration? Ou faut-il plutôt réviser toute la loi?

Eh bien, vous nous avez lancé un défi difficile. Je suis désolé.

Des voix: Oh, oh.

M. Robert Trempe: Oui, monsieur le président, d'après ce que j'entends dire, je crois que c'était effectivement le meilleur groupe à qui confier cette question, parce que ce que j'entends est si pertinent. À vrai dire, je crois que notre objectif a été aussi de faire en sorte que les députés, après avoir fait le tour de la question—et c'est ce que vous êtes en train de faire maintenant—s'adressent à leurs électeurs, leur expliquent la situation un peu, sollicitent leurs idées et leurs suggestions et jouent le rôle de pédagogues un petit peu.

Certains diront que cela n'est pas votre rôle. Moi, personnellement, je crois que c'est en effet votre rôle, d'une certaine façon. En même temps, je crois que vous apprendrez beaucoup. Comme vous le savez déjà, je suis sûr, parce que, comme vous l'avez dit, vous ressentez beaucoup de pression... Je crois que vous allez savoir ce que les gens pensent de ces questions et d'autres, mais en particulier de ces deux questions. Je peux répondre de façon concise à votre question en disant qu'il y a lieu de faire les deux. Bien évidemment, dans certains domaines—et le rapport Tassé l'a bien précisé—, il faut consacrer davantage de ressources là et un peu moins ailleurs.

Je crois que la ministre le sait. Je crois que le sous-ministre le sait aussi. Et je crois qu'ils envisagent de le faire. Il est clair, cependant, qu'il faudra réaffecter certaines ressources à ce dossier de l'exécution de la loi. Il faudra aussi que les règles soient clairement codifiées et connues des gens, et je crois que c'est ce que nous préconisons.

• 1705

Il faut donc des mesures législatives quelconques. Il ne suffira pas d'apporter des changements administratifs ni de se dire que si le sous-ministre était plus actif, le problème serait réglé. Je ne le crois pas.

Si vous relisez le rapport Tassé, vous verrez qu'il s'agit non seulement d'une réaffectation des ressources. Il faudra beaucoup de temps pour réconcilier au sein du même ministère l'accueil des nouveaux immigrants et la tâche très difficile de renvoyer des personnes.

Ceux qui accomplissent ces tâches pensent que c'est une basse besogne. Ils se sentent marginalisés. Tassé a dit des choses très pertinentes à ce sujet dans son rapport, quant à ce qu'il faut faire et non seulement aux mesures administratives.

Le président: Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds: Merci, monsieur le président.

Vous avez mentionné l'idée de parler avec les gens. Je vais faire cela demain en Colombie-Britannique dans le cadre d'une émission radiophonique à l'échelle de la province; je vais tout simplement écouter les gens avec Rafe Mair le matin. Il est intéressant que vous soyez là aujourd'hui. Je suis certain que j'ai beaucoup de questions concernant votre rapport.

À propos de l'affectation des ressources, que vous venez de mentionner, Mme Davis a parlé d'entrevues qui duraient sept heures. J'étais à l'aéroport de Vancouver et—je l'ai mentionné à l'autre séance du comité—la même chose s'est produite avec tout un groupe de personnes. Elles se sont faufilées dans le système. Cela m'a beaucoup inquiété.

Nous tous ici, nous avons un permis de conduire, un numéro d'assurance sociale. Le Canada a tellement de technologies à sa disposition que cela m'étonne que ce ministère en semble dépourvu. Je me demande jusqu'à quel point vous avez examiné cet aspect-là. Est-ce que l'argent qu'il faudrait pour résoudre ces problèmes, d'un point de vue technologique...?

Je sais qu'il faut tenir compte du personnel. Vous avez parlé de la réaffectation des ressources, ce qui comprend, évidemment, les ressources humaines aussi. Mais si on pense uniquement à l'aspect technique: quelles seraient les économies si on empêchait certaines personnes d'entrer au pays, si on leur permettait de rester ici moins longtemps, ou si on approuvait leur demande plus vite, si nous avions la technologie nécessaire pour au moins les suivre?

Je n'en reviens pas du fait que 13 personnes—je ne sais pas combien de personnes vous avez vues, mais j'ai vu 13 personnes dans mon groupe—peuvent être libres dans les rues de Vancouver à 4 heures de l'après-midi, alors que nous n'avons qu'une photo et des empreintes digitales, et ces personnes ont un document qui indique qu'elles peuvent rester au Canada jusqu'à ce que quelqu'un les renvoie.

Pourriez-vous me répondre sur la question de la technologie? Auriez-vous par hasard examiné cet aspect?

Mme Roslyn Kunin: Oui, nous avons examiné de près la question de la technologie. Nous étions très conscients des contraintes au niveau des ressources, et nous n'avons donc pas voulu proposer une solution qui coûterait un milliard de dollars si l'argent n'allait pas être disponible. Nous avons quand même précisé certains aspects pour lesquels nous recommandions une augmentation des ressources. Un de ces aspects, c'est l'application d'une technologie moderne pour le développement des systèmes, pour l'identification personnelle et pour le suivi.

Nous savons que nous n'avons pas suffisamment de ressources humaines pour suivre tout le monde de façon manuelle. Il nous faut des systèmes électroniques. À mon avis, nous souhaitions surtout que, peu importe si nos recommandations sont mises en oeuvre, peu importe si vous utilisez notre système, le système actuel ou tout autre système, le ministère consacre les ressources nécessaires pour se doter d'un système technologique du XXIe siècle. Sinon, il faudrait tout simplement cesser de faire semblant de gérer l'immigration, de quelque façon que ce soit. Il y a des coûts fixes auxquels nous devons faire face de toute façon.

Mme Susan Davis: Nous avons établi les coûts. Nos calculs ont montré qu'il nous faudrait 100 millions de dollars pour concevoir ce système-là.

Le président: C'est très intéressant.

Je vous remercie beaucoup. Nous avons certainement apprécié votre contribution et vos renseignements. Je crois que nous parviendrons à bien comprendre beaucoup de ces questions. Nous pourrons peut-être renforcer certains des rapports et créer des liens quelconques. J'espère que votre contribution et votre mémoire nous aideront à établir un consensus sur ce que nous devrions faire, compte tenu de la question critique que vous nous avez présentée.

Je vous remercie de la part du comité. Nous apprécions ce que vous avez fait.

Chers collègues, avant que vous ne partiez, j'ai quelque chose de très important à vous dire. J'ai à vous lire un avis:

    En vertu de l'article 106(3) du Règlement, une réunion du Comité permanent sur la citoyenneté et l'immigration sera tenue dans les 10 jours afin d'étudier la nomination d'Anna Terrana à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Il s'agit de 10 jours de séance. Nous allons donc rencontrer Anna Terrana dans la première semaine qui suit notre retour. D'accord?

• 1710

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

Le comité s'ajourne jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.