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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 octobre 1997

• 1210

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

Ce matin, pour notre première table ronde, nous accueillons des représentants du Centre canadien de politiques alternatives, de la Hospital Employees Union, du Fraser Institute et de la British Columbia Federation of Labour. Voici comment nous allons procéder. Chaque groupe aura cinq minutes pour faire un exposé, conformément à l'article 83.1 du Règlement—il est bien sûr question des consultations prébudgétaires—après quoi nous aurons une période de questions et réponses, pendant laquelle les membres du comité pourront poser des questions directement aux témoins.

Pour commencer, nous entendrons d'abord, du Centre canadien de politiques alternatives, MM. Seth Klein et Gideon Rosenbluth.

M. Seth Klein (coordonnateur, Bureau de la Colombie- Britannique, Centre canadien de politiques alternatives): Monsieur le président, merci de nous avoir invités à comparaître devant le Comité des finances de la Chambre des communes.

J'aurai le plaisir de faire la déclaration d'ouverture du Centre en collaboration avec Gideon Rosenbluth, professeur émérite de sciences économiques de l'Université de la Colombie-Britannique et attaché de recherche auprès de notre bureau. M. Rosenbluth parlera de la façon dont on s'y est pris jusqu'à maintenant pour réduire le déficit et je parlerai, pour ma part, du dividende financier.

M. Gideon Rosenbluth (Centre canadien de politiques alternatives): Monsieur le président, pour réduire le déficit, le gouvernement s'y est pris d'une façon nuisible, peu judicieuse et inutile. Nous avons payé très cher pour les compressions de dépenses du gouvernement et celles qu'il a imposées aux provinces. De larges brèches sont apparues dans le filet de la sécurité sociale, les soins de santé et l'éducation y compris. Notre infrastructure ne suit pas la croissance démographique ni les besoins de la population. Le service de la dette a augmenté en raison du remplacement forcé de la dette provinciale par la dette fédérale. Des dizaines de milliers d'emplois ont disparu dans le secteur public. La croissance enregistrée sur le dos des chômeurs qui en a découlé a entraîné d'autres pertes d'emplois dans le secteur privé.

Comme méthode de réduction du déficit, ces compressions de dépenses ont été tout à fait inefficaces étant donné que le chômage qui en est résulté a fait grossir le nombre de personnes qui ont besoin d'assistance sociale, de prestations de chômage, de soins de santé, de protection policière et même d'éducation. De plus, elle a réduit les recettes fiscales.

La plupart de ces répercussions négatives ont été ressenties par les provinces, mais il se trouve que c'est le même contribuable qui doit financer les déficits des provinces et celui du fédéral.

Dans une large mesure, la réduction du déficit est principalement attribuable à l'abaissement des taux d'intérêt et à la croissance économique et non pas aux compressions budgétaires.

Nous avons appris au cours des vingt dernières années qu'il n'y a que trois moyens de réduire le déficit fédéral sans nuire à l'économie: d'abord, en intensifiant l'activité économique et en réduisant le chômage—comme nous venons de le dire, les recettes augmenteraient donc, ce qui aurait pour effet de réduire les dépenses dans le secteur des services sociaux et autres,— deuxièmement, en réduisant les taux d'intérêt, ce qui diminue le service de la dette; troisièmement, en confiant une plus grande part de la dette à la Banque du Canada afin que les paiements au titre des intérêts viennent grossir les recettes gouvernementales.

Ces méthodes sont bien sûr liées. Si la Banque du Canada détenait une plus large part de la dette, cela réduirait les taux d'intérêt, ce qui entraînerait en retour une diminution du chômage en cas de ralentissement de l'économie, ce qui se passe actuellement.

Le comité devrait exiger que la Banque du Canada n'augmente pas les taux d'intérêt. Si elle le faisait, elle effacerait le dividende financier. En fait, les taux d'intérêt à long terme devraient être abaissés encore davantage. Le taux d'intérêt à long terme est encore supérieur à 6 p. 100, alors que le taux d'inflation est inférieur à 2 p. 100. Nous avons ainsi un taux d'intérêt réel de 4 p. 100, ce qui est encore exceptionnellement élevé par rapport au passé.

Le comité devrait fermement recommander que la Banque du Canada détienne à nouveau une part importante de la dette à long terme du fédéral, comme elle le faisait autrefois. On réduirait ainsi directement le service de la dette et la Banque pourrait ainsi à nouveau fonctionner sur les marchés à long terme afin de maintenir le taux à des niveaux ne nuisant ni à l'emploi ni à la productivité.

M. Seth Klein: Pour ce qui est des priorités à établir relativement au dividende financier, certains préconisent des réductions d'impôt générales. Nous ne croyons pas que ce soit indiqué. Les réductions d'impôt ne sont pas une bonne façon de créer de l'emploi. La preuve en est donnée par la société de prospective Informetrica qui indique que l'embauche gouvernementale directe et les dépenses gouvernementales créeraient nettement plus d'emplois que ne le permettraient des réductions d'impôt. En outre, un emploi au gouvernement offre de meilleures chances d'être rémunéré convenablement et de se situer dans des domaines qui correspondent, selon la population, à des objectifs sociaux ou environnementaux. Les économies que les contribuables réaliseraient individuellement si l'on accordait une réduction d'impôt généralisée seraient de plus réparties de façon très régressive. Les riches économiseraient beaucoup plus que les gagne-petit et la classe moyenne.

• 1215

On pourrait faire valoir de solides arguments en faveur d'une réduction des impôts pour les gens à faible revenu. Elle contribuerait certainement à faire augmenter la consommation. Rien ne permet de croire, toutefois, qu'une réduction accordée aux salariés à revenu élevé offrirait les mêmes avantages économiques. Ces derniers pourraient tout aussi bien investir leur épargne fiscale sur des marchés financiers non productifs ou à l'étranger. Par conséquent, nous recommandons qu'on n'accorde aucune réduction générale du niveau d'imposition par rapport au PIB, et que la réduction des impôts pour les gens à faible revenu soit compensée par des augmentations d'impôt pour les particuliers et les sociétés mieux en mesure de payer.

Contrairement à ce que certains soutiennent, le secteur public n'est pas trop gros. En 1993, les dépenses de programmes du fédéral par rapport au PIB étaient de 18 p. 100. Elles ne sont plus que de 12 p. 100. C'est une réduction du tiers en seulement quatre ans. De plus, selon de nouveaux calculs effectués relativement au budget fédéral alternatif de cette année, si le gouvernement donne suite à son plan de ne consacrer que 50 p. 100 du dividende financier à de nouvelles dépenses, le pourcentage au PIB continuera de décroître, étant donné que 50 p. 100 du dividende financier risque peu d'équivaloir au taux de croissance.

Quant à ce qu'on devrait faire avec le dividende financier, nous recommandons au comité et au ministre des Finances d'examiner attentivement les recommandations de politique présentées dans le budget fédéral alternatif. Le dividende financier devrait servir d'abord et avant tout à établir de nouveaux programmes sociaux et à renforcer ceux qui existent et à créer un programme d'investissement d'urgence dans l'emploi.

Il est maintenant clairement nécessaire de réinvestir. Comme a tenté de le démontrer le budget fédéral alternatif, le gouvernement peut réduire la proportion de la dette au PIB—à un rythme plus rapide que ce que prévoit M. Martin, puis-je ajouter— tout en augmentant les dépenses sociales et en canalisant des milliards de dollars vers un programme d'investissement d'urgence dans l'emploi.

Nous avons désespérément besoin de plus de logements sociaux, d'autres programmes et d'établissements de soins pour les personnes âgées, d'un programme national de garde d'enfants ainsi que d'une infrastructure tant traditionnelle qu'écologique. Tous ces programmes nécessitent beaucoup de main-d'oeuvre, et si on les appliquait on réduirait le chômage de façon spectaculaire. Nous considérons comme prioritaires la réparation et le renforcement du filet de sécurité sociale. Le meilleur moyen d'y arriver, c'est de réintroduire les paiements de transfert à frais partagés du fédéral aux provinces.

Monsieur le président, nous pouvons nous permettre de dépenser plus. Aujourd'hui, le Canada est beaucoup plus riche qu'à l'époque où nous luttions pour implanter nos programmes sociaux actuels. Le PIB par habitant, bien qu'il ait diminué dans les années 1990, est maintenant de 50 p. 100 supérieur à ce qu'il était en 1972, quand nos programmes sociaux étaient à leur maximum. En ce qui a trait au chômage, une recherche que nous venons tout juste de publier indique que le gouvernement n'a vraiment pas de quoi se vanter. Si l'on tient compte de ceux que l'on reconnaît officiellement comme chômeurs, des travailleurs découragés et de ceux qui souffrent du sous-emploi, le taux d'emploi ajusté frôle les 19 p. 100, soit près du double de celui de 1989, le précédent creux cyclique, et est supérieur à ce qu'il était il y a un an. Avec le temps, la dette elle-même diminuera d'importance compte tenu de la croissance favorisée par les politiques alternatives et des augmentations de prix graduelles qui érodent la valeur réelle de la dette.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le représentant du Hospital Employees' Union, M. Fred Muzin.

Vous avez cinq minutes.

M. Fred Muzin (président, Hospital Employees' Union): Merci, monsieur le président, membres du Comité permanent des finances, de me donner l'occasion de vous parler directement.

Les 43 000 dispensateurs de soins de première ligne membres du Hospital Employees' Union travaillent dans tout le réseau de soins de santé de la Colombie-Britannique. Nous constituons aussi la Division des services de santé de la Colombie-Britannique du Syndicat canadien de la fonction publique, et le plus grand syndicat de femmes dans la province.

Depuis plus de 50 ans, nos membres se sont faits forts de préserver et d'améliorer le système public de soins de santé au Canada. Nous avons vu avec consternation le gouvernement libéral reprendre à son compte et accroître les compressions au régime de soins de santé et à d'autres programmes sociaux qu'avait entamées le gouvernement Mulroney. Paul Martin a dépeint de façon flatteuse l'économie canadienne, mais pour les simples citoyens la situation est loin d'être réjouissante. Ce présumé dividende financier coûtera cher aux simples contribuables—maintien d'un fort taux de chômage, taux inadmissible de pauvreté chez les enfants et stagnation de la rémunération réelle.

La classe possédante, par ailleurs, continue de s'enrichir. Les banques peuvent afficher des profits records de plus de 7 milliards de dollars cette année. Des profits de 17 milliards de dollars des entreprises continuent d'échapper au fisc. L'année dernière, les 25 principaux PDG au Canada dont bon nombre sont des amis du Parti libéral, ont touché en moyenne 6,12 millions de dollars sous forme de rémunération et de primes, et ont bénéficié d'augmentations moyennes de traitement de 164 p. 100. Or voilà que la classe possédante et ses alliés politiques réclament la conversion du dividende financier en une importante réduction des impôts.

• 1220

Nos membres forceront le gouvernement à respecter sa principale promesse d'affecter la moitié de l'excédent à l'amélioration des programmes, mais à notre avis, ce sera quand même trop peu trop tard.

Le gouvernement doit agir sur-le-champ pour rétablir les paiements de transfert aux provinces à leurs niveaux de 1995-1996, et les augmenter à un niveau équivalant à celui de la croissance économique. Nous n'avons pas besoin d'attendre que se fassent sentir les effets du dividende financier. Paul Martin peut commencer à compenser les effets des compressions de 12,9 milliards de dollars du programme libéral en imposant immédiatement une taxe de 15 p. 100 sur les profits exagérés des banques.

Nous devons réparer le tort infligé à notre système de soins de santé et à d'autres programmes sociaux par les réductions massives effectuées dans les paiements de transfert. Le dommage a été considérable. Pour l'année financière en cours, notre province a reçu 600 millions de dollars de moins en paiements de transfert qu'en 1995-1996.

On a réduit ainsi d'autant la capacité du gouvernement provincial à maintenir et à améliorer le régime de soins de santé pour sa population croissante et vieillissante. Heureusement, elle a décidé de compenser les compressions fédérales et d'allouer des fonds additionnels au secteur des soins de santé. Toutefois, ces diminutions des paiements de transfert ont gravement réduit la capacité du gouvernement de la Colombie-Britannique à financer comme il se doit d'autres importants programmes sociaux.

Tel n'est pas le cas dans tout le pays, où l'on a perdu 24 000 emplois reliés aux soins de santé entre 1994 et 1996. De 1985 à 1995, on a fermé 50 000 lits d'hôpitaux dans tout le pays.

À notre avis, en matière de soins de santé, le gouvernement doit consentir des engagements financiers en rapport avec la responsabilité morale que lui confère la Loi canadienne sur la santé. La promesse électorale qu'avaient faite les libéraux de ne pas effectuer les compressions prévues de 6 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années est loin d'être suffisante.

Les sondages que nous avons commandés révèlent qu'un mois après les élections fédérales, quatre Britanno-Colombiens sur cinq estimaient que la réduction des paiements de transfert par le fédéral nuisait à la qualité du régime de soins de santé. Je crois que le caucus gouvernemental se l'est clairement fait dire par les électeurs des provinces de l'Atlantique aux dernières élections.

Le gouvernement a fait miroiter de beaux programmes au titre des soins à domicile et de l'assurance-médicaments au cours de la dernière campagne électorale. Les soins à domicile pourraient répondre aux besoins d'un bon nombre de Canadiens si ceux-ci pouvaient continuer de compter sur tout un éventail de dispensateurs de soins professionnels. Toutefois, si le gouvernement entend simplement se décharger du fardeau des soins de santé sur les membres de la famille qui sont à la maison— principalement des femmes—au moyen de mesures financières qui ne permettent pas de défrayer le coût de soins de qualité, nous nous opposerons à de telles politiques.

Nous sommes en faveur de l'établissement d'un régime d'assurance-médicaments intégré à l'assurance-maladie. Pour les Canadiens, le droit à des soins de santé comprend autant l'accès aux médicaments nécessaires que l'accès à des professionnels de la santé, à des actes médicaux et à des établissements de soins. Malheureusement, 3,6 millions de Canadiens n'ont aucune forme d'assurance-médicaments.

Pour y arriver, le gouvernement doit tenir tête à l'industrie des médicaments d'origine et changer la législation sur les brevets pharmaceutiques afin que les médicaments génériques puissent être homologués plus tôt. Autrement, il sera trop coûteux d'offrir dans tout le pays un régime d'assurance-médicaments offrant une protection universelle.

Je dois ajouter que le plan du gouvernement de démanteler la Direction générale de la protection de la santé et de fermer le Bureau de recherche sur les médicaments au profit de l'autoréglementation du secteur pharmaceutique est une décision à courte vue et une courbette de plus du gouvernement devant ces géants du secteur pharmaceutique.

Monsieur le président, les compressions massives que le gouvernement a imposées aux provinces ont miné la santé et la sécurité économique des Canadiens. Elles ont fait du tort à notre régime d'assurance-maladie et suscité par défaut l'apparition d'un régime de santé à deux vitesses.

Ces fortes compressions ont aussi eu un effet critique sur les déterminants sociaux de la santé pour les Canadiens. Nous demandons instamment au comité de veiller au bien public en plaçant le régime d'assurance-maladie au-dessus des intérêts des puissantes sociétés qui réclament le contraire. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup pour votre déclaration.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Institut Fraser, MM. Michael Walker et Gordon Gibson.

M. Michael Walker (directeur exécutif, Fraser Institute): Monsieur le président, j'aimerais d'abord dire que Gordon a d'autres intérêts que ses activités à l'Institut Fraser. Nous présumons qu'on l'a invité aussi à titre d'ancien chef du Parti libéral de la Colombie-Britannique particulièrement bien placé pour parler des progrès de l'économie et des questions politiques canadiennes. Comme le sujet qu'il abordera ce matin diffère un peu de celui dont je traiterai, je me demande si la présidence nous autoriserait à faire des exposés distincts. Je ne prendrai pas cinq minutes.

Le président: C'est d'accord.

• 1225

M. Michael Walker: Merci beaucoup.

Nous sommes avant tout confrontés à deux grandes questions à l'heure actuelle au Canada. Il y a d'abord le fait que les États-Unis viennent tout juste d'accepter de réduire leur taux d'imposition sur les gains en capital, le faisant passer à 20 p. 100.

Le gouvernement fédéral ne peut évidemment pas assumer la responsabilité des mesures financières du régime local—ce qui aurait gêné l'empereur Byzance—mais il reste que dans notre province ce taux est supérieur à 40 p. 100. Cet état de choses n'est pas propice à la création d'emploi, ni du reste à tout autre type d'activité économique.

Je sais qu'on n'avait pas prévu d'en débattre, mais je pense que le comité devrait inciter les orateurs qu'il entendra à s'interroger sur les répercussions que cette décision récente des États-Unis aura sur l'investissement au Canada et, plus particulièrement, sur les aspects de l'économie canadienne qui sont essentiellement liés à des activités reliées aux gains en capital—en l'occurrence, la R-D dont le gouvernement a parlé avec tant de conviction hier par la voix du ministre.

Je pense que la grande question, et j'irais même jusqu'à dire la question historique qui se pose au gouvernement maintenant, c'est d'établir et de définir clairement un objectif en ce qui a trait à la taille appropriée du gouvernement. Une étude sérieuse révèle qu'il s'agit vraiment là d'une question déterminante pour nos perspectives à long terme. C'est un objectif qui sera établi par défaut au cours de l'examen des déficits budgétaires, des excédents et dividendes et d'autres choses de ce genre, à moins que le gouvernement montre clairement la voie et dise: «Nous croyons que c'est la taille que devrait avoir le gouvernement au Canada».

Je pense que dans ses délibérations, d'ici au prochain budget, le comité devrait s'interroger sur la taille que devrait avoir le gouvernement au Canada et sur l'importance que cela revêt pour le simple citoyen. Cette importance tient au fait que la taille du gouvernement mesurée en pourcentage du PIB correspond en fait au fardeau fiscal moyen imposé à la famille canadienne. J'estime que c'est une question dont le gouvernement ne devrait pas traiter par défaut mais plutôt directement.

Les auteurs d'une étude récente du FMI, Ludget Schuknecht et Vito Tanzi, ont révélé qu'une croissance de la taille gouvernementale supérieure à 30 p. 100 du PIB ne permet pas d'obtenir de gains sensibles au titre des indicateurs sociaux et économiques. Les études effectuées au Canada pour déterminer le taux idéal des impôts, c'est-à-dire le taux qui permettra d'atteindre une croissance économique maximale, confirment cette conclusion.

J'attire votre attention sur le graphique que je viens de vous distribuer. Il n'est pas question de quelque chose qui dépasse l'entendement. Il s'agit d'un feuillet d'une page sur lequel figure un graphique qui montre clairement quelle devrait être la taille du gouvernement au Canada.

On ne vous a pas distribué ce graphique? On l'a pourtant donné aux gens à l'extérieur. Permettez-moi de poursuivre et j'y reviendrai dans un instant.

Soit dit en passant, permettez-moi de vous signaler qu'il y aura à Ottawa le 3 décembre prochain une conférence à laquelle participeront des spécialistes du monde entier qui débattront la question de la taille maximale des gouvernements. Ludger Schuknecht et Vito Tanzi, les auteurs de cette fameuse étude du Fonds Monétaire international, seront au nombre des participants à la conférence. Je recommande fortement aux membres du comité, et en particulier à son personnel, d'y participer. Vous auriez ainsi l'occasion de poser des questions aux spécialistes qui travaillent maintenant pour l'Organisation mondiale du commerce mais qui, jusqu'à récemment, appartenaient au Fonds monétaire international.

Qu'est-ce que le débat sur la taille optimale du gouvernement a à voir avec vos délibérations sur le budget? On sait que le gouvernement fédéral perçoit à l'heure actuelle 40 p. 100 des impôts totaux du pays. Si cette tendance se poursuivait, le taux d'imposition fédéral optimal serait de 14,4 p. 100, soit 48 p. 100 de 30 p. 100 comme on le voit en jetant un coup d'oeil rapide au tableau que je vous ai distribué.

• 1230

Il faudrait environ sept ans pour que le tableau d'imposition fédérale passe de 18 à 14,4 p. 100 si cette réduction se faisait au même rythme que durant les quatre dernières années.

Je vous signale que cet objectif pourrait sans doute être atteint sans réduire les dépenses. Comme Yogi Berra l'a dit, quand on ne sait pas où on va, on ne se retrouve pas là où on voudrait être. J'ai l'impression que pour l'instant le Parlement ne sait pas vraiment où le gouvernement essaie d'aller.

M. Martin a fixé un objectif très clair pour ce qui est de la réduction du déficit. Il a pu mobiliser tout le pays ainsi que son propre caucus—ce qui est sans doute la tâche la plus difficile—dans l'atteinte de cet objectif. On savait exactement l'objectif visé par la politique.

Je suis d'avis que ce qui revêt le plus d'importance, c'est d'abord de savoir quelle orientation la politique budgétaire doit prendre. Une fois cela fait—et je crois qu'on devrait se fixer comme objectif un taux d'imposition de 30 p. 100—le gouvernement constatera peut-être qu'il est possible d'atteindre l'objectif visé au cours des sept prochaines années sans réduire ses dépenses.

Dans le cas contraire, il faudra évidemment réduire les dépenses. Nous exposerons clairement comment atteindre cet objectif dans une étude qui paraîtra sous peu.

Je crois que vous avez maintenant tous entre les mains le graphique auquel je faisais allusion. Je vous demande d'y jeter un coup d'oeil. Il illustre quelle a été la situation au Canada de 1931 à 1996. La ligne continue montre le taux de croissance de l'économie canadienne par cycle quinquennal. La ligne en pointillé montre la taille du gouvernement.

Il ressort clairement de ce graphique que la ligne continue qui traverse le milieu de la page est la ligne de 30 p. 100. Il est bien évident que la croissance économique s'est mise à ralentir lorsque la taille du gouvernement a dépassé le cap des 30 p. 100. Les recherches menées à l'échelle internationale ainsi que nos propres recherches établissent à ce niveau la taille optimale probable du gouvernement.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Gibson.

M. Gordon Gibson (attaché supérieur de recherche, Études canadiennes, Fraser Institute): Je vous remercie, monsieur le président. En plus de donner à la greffière le résumé d'une page exigée, je lui ai remis un mémoire trop long pour vous être présenté intégralement ici. Je me contenterai d'en faire ressortir les grandes lignes.

J'aimerais d'abord vous parler non pas des impôts, mais des dépenses. J'insisterai sur le fédéralisme qui est mon domaine de spécialisation à l'Institut Fraser et je ferai le lien entre les dépenses budgétaires du gouvernement fédéral et les principes sur lesquels repose le fédéralisme.

M. Martin nous a entretenus hier de valeurs. Les valeurs comme l'égalité des chances, la sécurité du revenu et l'accès aux services de santé font l'objet d'un très large consensus au sein de la population canadienne. J'insiste cependant sur le fait que le gouvernement central n'a pas nécessairement à intervenir dans ces domaines simplement parce qu'un palier de gouvernement devrait le faire. C'est un principe essentiel du fédéralisme. Comme le veulent notre Constitution ainsi que de saines pratiques de gestion, c'est le niveau de gouvernement le mieux placé pour intervenir dans un certain domaine qui devrait le faire.

Il va de soi que nous nous entendons tous pour dire qu'il faut veiller à l'éducation des enfants, inspecter les ascenseurs et construire des routes. Chacun de ces domaines est de compétence provinciale.

Il y a quand même des secteurs dans le domaine de l'éducation où le gouvernement fédéral intervient de façon opportune et d'autres, de façon inopportune. Prenons le cas de l'étude menée chaque année par le Conseil des ministres de l'Éducation sur les indicateurs de réussite scolaire. Cette étude n'est possible que grâce à la subvention de 2 ou de 3 millions de dollars accordée par le gouvernement fédéral. À mon sens, c'est un domaine où il convient tout à fait que le gouvernement fédéral engage une dépense. L'octroi par le gouvernement fédéral de bourses d'étude est, à mon avis, beaucoup plus contestable.

• 1235

Supposons qu'en vertu d'un programme à frais partagés dans le domaine de l'éducation, une province comme la Colombie-Britannique aurait droit à des crédits fédéraux pourvu que l'enseignement ne soit dispensé que dans des établissements publics. Je suppose que cela susciterait un véritable tollé. Or, c'est exactement ce que la Loi canadienne sur la santé prévoit dans le domaine de la santé. À mon avis, il convient de revoir les responsabilités de chaque palier de gouvernement ainsi que le processus de reddition des comptes.

Étant donné la nouvelle situation budgétaire, vous allez être pressés de donner votre appui à toutes sortes de projets louables. Le gouvernement fédéral s'est retiré du secteur des logements sociaux, mais on va maintenant lui demander d'y réinvestir des fonds. On va vous parler de choses comme le renouvellement des forêts, l'environnement, l'infrastructure municipale, etc.

Je vous conseille fortement de considérer attentivement les obligations du gouvernement fédéral et des provinces. Les genres de chevauchements et d'ingérence conduisent non seulement à l'inefficacité, mais font partie du problème d'unité éprouvé par notre pays.

J'attire aussi votre attention sur le fait que le gouvernement fédéral a tendance à mal gérer ses programmes. En Colombie-Britannique, les deux programmes qui retiennent le plus l'attention et qui sont gérés par le gouvernement fédéral sont les pêches et les affaires autochtones. Il s'agit de deux domaines où tous les intéressés s'entendent pour dire que la situation est désastreuse. On peut attribuer en partie cet état de choses au fait que la gestion de ces programmes est confiée à des administrateurs qui se trouvent à 3 000 milles de distance.

Comparons la situation dans ce secteur à la très intelligente initiative prise par le gouvernement fédéral lorsqu'il a décidé de remettre l'administration de l'aéroport de Vancouver à une administration locale à but non lucratif. Cette initiative a remporté un succès énorme. En ce qui concerne l'aéroport de Vancouver, le gouvernement fédéral s'occupe des domaines dont il devrait s'occuper, comme la collecte des recettes provenant des baux et la négociation avec le gouvernement américain de traités comme celui des ciels ouverts. Toutes les décisions touchant la gestion quotidienne de l'aéroport sont cependant laissées à l'administration locale et le système fonctionne très bien.

Voilà des exemples qui montrent que le comité devrait toujours garder à l'esprit le principe de la subsidiarité, lequel veut que ce soit le palier de gouvernement le plus rapproché du secteur d'intervention qui devrait s'occuper de ce secteur. C'est d'ailleurs ce qu'on cherche à établir dans le cadre de l'examen des programmes, examen qui, nous le reconnaissons, a ses mérites. Les deux plus importantes questions qu'il convient de se poser dans le cadre de cet examen sont celles-ci: le gouvernement devrait-il s'occuper de ce programme et, le cas échéant, quel palier de gouvernement devrait le faire?

En dernier lieu, j'aimerais parler de l'équité entre les régions, du Transfert social canadien et des dangers qui pèsent sur le programme de péréquation.

Le Transfert social est inéquitable à l'échelle régionale. Le ministre des Finances de la Colombie-Britannique a dit que les résidants de la province n'étaient qu'à «94 p. 100 canadiens», faisant allusion au fait que nous recevons seulement 94 p. 100 des fonds par habitant auxquels nous avons droit en vertu du Transfert malgré le fait que la province a des dépenses d'infrastructure et de formation très élevées parce qu'elle accueille des nouveaux venus du reste du Canada et de l'étranger.

Par ailleurs, je crois qu'il n'est pas logique tant du point de vue démocratique que du point de vue politique que le gouvernement perçoive 12,5 milliards de dollars auprès d'une population réticente à lui verser cet argent et qu'il remette ensuite aux provinces cette somme sans en tirer aucun gain politique.

Contrairement à ceux qui disent qu'il faudrait accroître le Transfert, je crois que M. Martin a eu raison de vouloir le réduire et qu'il devrait poursuivre dans cette voie. Il devrait évidemment permettre aux provinces de lever les impôts qui leur sont nécessaires pour continuer de maintenir certains programmes louables.

Si l'on permet aux inégalités régionales de continuer en vertu de programmes à frais partagés, dont le Transfert social est le plus important, on risque de mettre en péril le programme de péréquation dans la mesure où certaines des grandes provinces estimeront être imposées deux fois pendant que les provinces les plus pauvres profitent deux fois de ces transferts.

C'est d'ailleurs une impression très répandue en Ontario aujourd'hui et qui risque de compromettre le principe même de la péréquation.

Il s'agit par ailleurs du programme canadien par excellence. Je ne m'attends pas à ce qu'il disparaisse, mais je crains qu'il connaisse des difficultés. Comment en serait-il autrement? Plus le bilan d'une province est mauvais pour ce qui est du développement économique, plus elle est récompensée par le système de péréquation, ce qui me paraît illogique.

D'aucuns diront aussi que la péréquation, c'est une façon d'augmenter les impôts des pauvres des provinces riches pour ne pas devoir augmenter les impôts des riches dans les provinces pauvres. Cela aussi me paraît illogique.

À mon avis, il y aurait de bonnes raisons pour que le gouvernement fédéral envisage de distribuer des paiements de péréquation, et peut-être aussi une partie du Transfert social, aux personnes plutôt qu'aux provinces. Autrement dit, dans la mesure où il appartient au gouvernement fédéral dans ce pays d'assurer l'égalité des chances aux Canadiens quel que soit leur lieu de résidence, je crois qu'il convient mieux que ces paiements soient versés aux particuliers plutôt qu'aux provinces. Je crois que ce serait aussi à l'avantage du gouvernement fédéral dans la mesure où il pourrait ainsi établir un lien direct avec la population.

• 1240

Enfin, comme les députés s'intéressent tout naturellement au tissu social du Canada, je suis d'avis que le Parlement fédéral et probablement ce comité devraient s'intéresser davantage à l'évaluation du succès des programmes sociaux du pays, et notamment du programme d'éducation, et qu'ils devraient faire connaître aux provinces les meilleures pratiques mises en oeuvre dans le reste du Canada ainsi qu'à l'échelle mondiale dans le domaine de la mise en oeuvre des programmes sociaux.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Gibson.

Je vais maintenant donner la parole au représentant de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique, M. Phillip Legg.

M. Phillip Legg (directeur de la recherche, British Columbia Federation of Labour): Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous souhaite la bienvenue en Colombie-Britannique et, plus particulièrement, à Vancouver.

Je ne vais pas répéter une partie de ce qu'ont déjà dit Fred, Gideon et Seth. Ils ont, à mon avis, soulevé des points importants qui font l'objet d'un véritable consensus au sein de la Fédération.

Je suis cependant conscient du fait que le comité nous a demandé de l'entretenir de certaines questions, dont celles du dividende financier et des priorités que le gouvernement devrait se fixer dans le prochain budget. La Fédération souhaite vous exprimer sa préoccupation au sujet d'une question qui n'a pas été abordée par les autres intervenants, c'est-à-dire la politique monétaire. Nous nous opposons à la décision prise par la Banque du Canada de chercher à tempérer l'activité économique afin d'empêcher une reprise de l'inflation. Nous croyons qu'il s'agit d'une erreur.

Je crois que Gideon a effleuré le sujet dans son exposé. Il nous semble qu'il est bien évident que la décision annoncée il y a deux semaines par Gordon Thiessen de prendre les mesures voulues pour que l'économie ralentisse au Canada aura des conséquences très claires pour la situation budgétaire au cours des prochaines années. Nous pourrons bien donner les priorités budgétaires que nous voulons, il est bien possible que ce soit le gouverneur de la Banque du Canada qui ait le dernier mot à cet égard. Il importe, à mon avis, que le comité se demande sérieusement s'il convient bien que la Banque du Canada puisse freiner ainsi le développement économique au Canada.

À l'issue de la déclaration faite par M. Thiessen il y a deux semaines, plusieurs groupes locaux et nationaux se sont demandés s'ils vivaient bien sur la même planète que lui. Le taux de chômage officiel est toujours de 9 p. 100 au Canada. Dans certaines régions comme au Québec et dans les Maritimes, ce taux est encore plus élevé. On devrait vraiment se préoccuper du fait que les simples citoyens n'ont pas encore tous ressenti les effets de la reprise économique et je crois qu'il faut vraiment s'inquiéter du fait que M. Thiessen pense que le moment est maintenant venu de resserrer la politique monétaire. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ce facteur dans cette discussion.

Permettez-moi de faire ressortir trois des priorités budgétaires qui figurent dans le résumé du mémoire que nous vous avons présenté. Fred, Gideon et Seth y ont déjà fait allusion.

À mon avis, le rétablissement des accords de transfert aux provinces est crucial. Le fait que le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur les provinces a gravement compromis la qualité des services de santé, de l'enseignement et des programmes sociaux et a restreint l'accès à ceux-ci. Je crois que ces mesures ont créé une tension interne énorme dans l'économie. À mon sens, il faut s'attacher en priorité à rétablir les paiements de transfert.

• 1245

Pour ce qui est de la création d'emploi—Seth en a parlé—, je crois qu'il faut continuer de se préoccuper du chômage chez les jeunes qui a atteint un taux inquiétant.

En dernier lieu, j'aimerais insister sur la reconstruction des programmes sociaux et le rétablissement des normes nationales. Avant les réformes mises de l'avant par M. Axworthy, ce pays avait un régime d'assurance-chômage. Autrefois, 80 p. 100 des chômeurs touchaient des prestations d'assurance-chômage. Aujourd'hui, c'est le cas de moins de 40 p. 100 d'entre eux.

Je ne crois pas qu'il faut en être fier. Je crois qu'on commet une terrible injustice à l'égard de ceux qui ne font que subir les contrecoups des changements économiques.

J'ai aussi des préoccupations semblables au sujet des changements proposés au Régime de pensions du Canada. Je crois que nous nous dirigeons dans la mauvaise direction. Nous devons sérieusement réévaluer notre position à cet égard.

Voilà un très rapide résumé de nos préoccupations. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Avant que je ne permette aux députés de poser des questions, j'aimerais savoir ce que vous pensez, monsieur Walker, de ce qu'a dit M. Seth Klein. Vous avez vu que divers points de vue avaient été exprimés ce matin.

M. Michael Walker: Je crois que l'expérience nous enseigne certaines choses. Quand Seth Klein aura comparu devant ce comité pendant 25 ans, il taira certaines choses. Il ne laissera pas entendre, par exemple, que la meilleure banque centrale au monde et la plus respectée, une banque qui, malgré que tout se liguait contre elle du point de vue de la politique budgétaire, a sauvé le Canada de la catastrophe économique... Il ne critiquera plus la politique monétaire de la Banque du Canada.

J'estime que John Crow est vraiment un héros canadien. Nous récoltons maintenant le fruit du travail de John Crow. Les taux d'intérêt au Canada sont maintenant moins élevés qu'aux États-Unis. De plus en plus de Canadiens peuvent maintenant se permettre d'acheter une maison. La situation du marché du travail ne s'est pas autant améliorée, mais c'est le résultat de nos erreurs passées.

Ce n'est pas vraiment étonnant que la croissance de l'emploi n'ait pas suivi la croissance économique que nous avons suscitée. Depuis 1978, l'Institut Fraser parle de l'incidence de nos politiques relatives au marché du travail, qui font en sorte que notre marché du travail n'a pas la souplesse voulue, ne peut pas réagir comme il le faudrait, étant donné la croissance économique que nous avons vécue.

Lorsque le gouvernement fédéral a lui-même entrepris une étude des marchés du travail, il a comparé le Canada à l'Europe. Dans cette étude, on n'a fait aucune comparaison du Canada avec les États-Unis. Il est tout de même étrange qu'une économie ayant la même structure que la nôtre, dont les niveaux d'emploi dépassent le plein emploi, n'ait pas fait l'objet d'une étude gouvernementale. Si l'on avait étudié la situation américaine, on y aurait vu ce que nous signalons au gouvernement depuis une vingtaine d'années: en offrant un programme d'assurance-chômage qui, dans ma province natale de Terre-Neuve, est le meilleur choix d'avenir pour vos enfants à la sortie du secondaire, on se retrouve rapidement avec la moitié des jeunes de 19 ans de la province qui vivent de l'assurance-chômage. On constate qu'il est très facile d'isoler de grands pans de la main-d'oeuvre de la croissance de l'emploi.

Qu'est-ce que je pense des propos de Seth Klein? Je pense que les problèmes actuels de notre marché du travail, et la raison pour laquelle notre taux de chômage continue d'être élevé malgré la croissance économique retrouvée, proviennent des échecs passés de nos politiques en matière de travail. Ce sont ces politiques qu'il nous faut changer. Ces politiques ont été cette année et seront au cours des années à venir le principal centre d'intérêt de l'Institut Fraser.

Très bientôt, la Chambre des communes recevra des propositions de modification du Code de travail du Canada. Les changements proposés vont très exactement à l'encontre des changements nécessaires au marché du travail pour créer de l'emploi.

• 1250

Nous pensons donc que la politique budgétaire est bien orientée, de même que la politique monétaire. Nos problèmes d'emploi actuels proviennent de politiques structurelles se rapportant au marché du travail.

Le président: Je lis sur votre visage, monsieur Klein, que vous êtes en désaccord avec M. Walker.

M. Seth Klein:, Si je comparaissais devant votre comité depuis 25 ans, je saurais que je peux aller bien au-delà du temps qui m'est imparti.

Des voix: Oh, oh!

M. Seth Klein: Permettez-moi de répondre à quelques-uns des commentaires formulés par Michael Gibson et Michael Walker.

Tout d'abord, en réponse aux commentaires de Gordon, je ne suis pas d'accord pour ce qui est des paiements de péréquation, mais je crois l'avoir entendu suggérer qu'il faut une plus grande redistribution des impôts personnels, ce dont je le félicite, y compris le retour de quelques tranches d'imposition supplémentaires. Nous ne sommes pas contre une nouvelle orientation de la gestion, permettant davantage d'administration locale. Mais il reste qu'il doit encore y avoir du financement par le fédéral, ainsi que des normes nationales fédérales. Bien entendu, le financement et les normes sont liés.

Au sujet de la discussion portant sur la taille du gouvernement, je crois certainement qu'il faut fixer des objectifs. J'aurais souhaité qu'hier, M. Martin fixe des objectifs pour la réduction du chômage et de la pauvreté et qu'il cherche à atteindre ces objectifs-là avec la même détermination que ses objectifs de réduction du déficit.

Je crois que lorsqu'on parle de la taille du gouvernement, on ne peut décider d'un chiffre arbitraire; en tant que société, il nous faut d'abord décider de ce dont nous avons besoin. Ensuite, se demander si nous allons nous payer ce gouvernement de manière individuelle ou collective. Voilà les questions à envisager.

Au sujet des dépenses de programme fédérales, je pense que le comité doit sérieusement réfléchir au fait que le public perd déjà confiance dans l'avenir des services publics comme les régimes de retraite publics et les régimes publics de soins de santé. Je n'accepte pas les chiffres selon lesquels...

Lorsqu'on considère les dépenses fédérales, comme je l'ai déjà dit, on doit d'abord constater que leur rapport au PIB est resté le même du milieu des années 1970 à la fin des années 1980, puis n'a fait que se détériorer. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ce rapport a diminué d'un tiers depuis 1993. Au sujet de la recherche que nous avons faite en préparation du budget alternatif de cette année, je disais que si seulement 50 p. 100 du dividende financier servait à de nouvelles dépenses, ce rapport continuerait de s'affaiblir. Le manque de confiance du public dans l'avenir des services publics continuera de s'aggraver si le gouvernement fédéral n'injecte pas suffisamment de ressources dans ces programmes pour ne pas se laisser dépasser par les besoins d'un pays en croissance.

Le président: Monsieur Rosenbluth.

M. Gideon Rosenbluth: Je suis d'accord avec Michael Walker pour une chose, et c'est que le chômage actuel résulte des politiques gouvernementales. Malheureusement, il n'a pas vraiment mis le doigt sur les politiques gouvernementales qui ont provoqué le chômage.

Je pense qu'il est tout à fait clair que le taux de chômage élevé et persistant provient en grande partie d'une combinaison de compressions des dépenses aux niveaux fédéral et provincial et d'une politique monétaire dont l'obsession est d'éliminer l'inflation, comme c'était le cas à l'époque de Crow. On veut un taux d'inflation de 1 à 3 p. 100, peu importe ce que cela coûtera en chômage. Si vous examinez les études qui sous-tendent cette politique, vous y trouverez des notions de taux de chômage sans effet de croissance sur l'inflation, estimé selon certaines techniques qui le font équivaloir au niveau moyen récent, soit jusqu'à 8 p. 100 ou 9 p. 100. Dès que le taux de chômage menace de descendre à 9 p. 100, M. Thiessen fait une tête d'enterrement.

• 1255

Les politiques que M. Walker rend responsables des hauts taux de chômage existaient déjà dans les années 1960 et 1970, lorsque les taux de chômage étaient nettement inférieurs. Il faut se demander ce qui a changé depuis.

Quant à la comparaison avec les États-Unis, il est vrai que leur marché du travail a plus de souplesse et que les taux de chômage y sont plus bas. Mais je vous rappelle que dans les pays où le marché du travail a une réelle souplesse et pas de programmes sociaux pour les chômeurs, il n'y a pas de chômage. Pourquoi n'y a-t-il pas de chômage? Parce que la seule façon d'y assurer sa subsistance est la criminalité, ce qui n'est pas compté, ou la vente de pommes, de crayons, de lacets de chaussures ou de son propre corps, au coin de la rue. Il s'agit de travail indépendant, mais c'est du travail. Si c'est là l'économie que vous voulez, ce n'est pas celle que veulent les Canadiens.

Le président: Merci.

Passons maintenant aux questions et réponses. Nous commençons avec M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je vais formuler un commentaire sur ce qu'a dit M. Walker au sujet de la taille optimale du gouvernement, de son niveau optimal. Je le félicite d'avoir mis cette question sur le tapis. Je pense que c'est une idée importante. Mon parti l'a également soulevée pour que le gouvernement y réfléchisse, dans ses délibérations relatives au surplus à venir.

Ma première question s'adresse toutefois à M. Klein. Il a parlé du même sujet et a laissé entendre qu'à son avis, il ne convenait pas de fixer un objectif pour la taille du gouvernement. Vous conviendrez, monsieur Klein, que pour toute chose, y compris la taille du gouvernement, il faut appliquer la loi des rendements décroissants. La croissance gouvernementale finit par arriver à un certain point où elle n'est plus avantageuse pour l'économie, ni pour la société. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Seth Klein: Il est très difficile de parler de rendements décroissants lorsqu'il s'agit des services dont nous parlons. Et si l'on pense en fonction des objectifs de soins de santé publics, de la lutte contre la pauvreté chez les enfants, où commence la décroissance des rendements? Sauf votre respect, il faut savoir que si le secteur privé n'offre plus un service, il doit être fourni par le système public.

Ce qu'il faut de comités comme le vôtre, c'est qu'ils assument une position de leadership au sujet des taxes. Depuis une vingtaine d'années, il y a eu tout un changement d'attitude au sujet du rôle des taxes dans une démocratie. Nous considérons maintenant les taxes comme un fardeau, comme quelque chose à éviter. Nous suivons sans vergogne des cours sur l'évasion fiscale. Si nous ne le faisons pas, nous passons pour des crétins.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut rappeler aux Canadiens que les taxes sont le prix que nous payons pour les services que nous avons décidé de nous offrir collectivement les uns aux autres, que nous pensons devoir nous offrir collectivement parce que c'est ainsi plus équitable et parce que dans bien des cas, comme les soins de santé et les régimes de pension, c'est plus efficace.

M. Monte Solberg: Je pense que vous conviendrez toutefois que nous avons vu de plus en plus de services gouvernementaux offerts aux Canadiens au cours des 20 dernières années. Malgré cela, nous constatons que le régime public de soins de santé n'a pas la capacité d'offrir ces soins, de même que notre système d'aide sociale ne peut offrir de services adéquats aux enfants. Autrement dit, là où je veux en venir, c'est que l'argent, les dépenses gouvernementales, ne sont pas nécessairement la solution, manifestement pas.

• 1300

M. Seth Klein: C'est vraiment une histoire de taux d'intérêt. Vous signalez à juste titre qu'à cause des réductions dans les programmes, nous ne pouvons répondre aux besoins de services croissants du pays. Comme le disait Gideon, c'est à cause des choix politiques du gouvernement, des choix politiques de la Banque du Canada. Une trop grande part des revenus du gouvernement perçus auprès des Canadiens a servi à payer les intérêts sur la dette, et beaucoup d'argent a été affecté de manière régressive aux Canadiens ou à d'autres intérêts qui en avaient le moins besoin.

M. Monte Solberg: Dans votre rapport, vous dites qu'en gros, les riches doivent payer. Vous dites que ceux qui sont le plus en mesure de payer devraient payer davantage d'impôt afin que les Canadiens à faible revenu en paient moins. À quel niveau les gens sont-ils le plus en mesure de payer?

M. Seth Klein: Avant Mulroney, nous avions 10 paliers d'imposition; nous en avons maintenant trois. Dans le budget fédéral alternatif, nous suggérons de réinstaurer deux des paliers d'imposition supérieurs, pour les contribuables ayant un revenu de plus de 100 000 $; nous proposons aussi une réduction d'impôt pour les personnes à faible revenu. Nous suggérons en outre l'élimination de nombreuses échappatoires fiscales dont profitent des particuliers et des sociétés. Ils sont tous nommés dans le budget alternatif, dont je vous recommande la lecture.

M. Monte Solberg: Bien entendu, je ne doute pas que dans votre budget, vous signaliez que 1,2 p. 100 des contribuables, qui ont un revenu de plus de 150 000 $, ont payé 14 p. 100 de tous les impôts, alors que 10 p. 100 des contribuables, ceux dont les revenus sont supérieurs à 50 000 $, ont payé 50 p. 100 des taxes, ou quelque chose comme ça.

Vous dites donc qu'il faut faire payer encore plus la classe moyenne. Est-ce bien ce que vous dites, en gros?

M. Seth Klein: Je dis que si vous faites 10 000 $ par an, vous ne pouvez pas contribuer beaucoup à l'impôt.

M. Monte Solberg: Si vous faites 10 000 $ par année, vous ne payez probablement aucun impôt.

M. Seth Klein: Exact. Le Canadien moyen a un revenu de 30 000 $. Je dirais qu'il paie déjà suffisamment de taxes. Ce que nous voulons, c'est retrouver un système plus progressif.

M. Monte Solberg: Mais vous vous rendez sans doute compte que nous avons un problème au Canada, par exemple l'hémorragie des cerveaux. Des tas de professionnels fort bien rémunérés émigrent aux États-Unis. Nous perdons des informaticiens, des programmeurs qui sortent de l'Université Western Ontario et qui s'en vont tout droit vers les États-Unis. Ne comprenez-vous pas que c'est un problème?

M. Gideon Rosenbluth: Nous avons la mobilité des cerveaux, partout au pays. Des cerveaux entrent au pays et en sortent. Je ne sais pas quel bilan nous pouvons faire actuellement, mais on ne saurait parler d'exode sans parler d'immigration.

Je ne pense pas que ce soit à l'un des niveaux d'imposition dont nous parlons que le Canada sera privé de compétences. Le fait que des gens s'en aillent aux États-Unis ne signifie pas un exode, puisque d'autres arrivent au Canada.

Le président: Merci. Je donne maintenant la parole à M. Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur Gibson, dans votre exposé, vous semblez prendre la défense de la Constitution. En d'autres termes, vous voulez que le gouvernement fédéral respecte les compétences provinciales.

Vous nous avez dit également qu'il serait intéressant qu'il y ait un certain partenariat entre les provinces et le gouvernement canadien en ce qui a trait à l'aide qui pourrait être apportée aux jeunes, aux étudiants. Ne craignez-vous pas que le gouvernement fédéral soit alors fortement tenté d'imposer aux provinces des normes nationales de façon à s'assurer que les programmes soient bien étiquetés pour le gouvernement canadien?

[Traduction]

M. Gordon Gibson: Dans mon mémoire, je dis clairement qu'à mon avis, les programmes à frais partagés ne doivent être mis en marche ou maintenus que dans les secteurs où il y a un accord avec les provinces. Autrement dit, cette garantie existe.

Deuxièmement, dans le domaine des normes nationales, je dirais que jusqu'ici nous avons fixé non pas des normes nationales mais des normes fédérales, ce qui est différent. Dans les domaines de compétence provinciale, les provinces nous disent que dans certains cas, des normes nationales seraient avantageuses, mais il faudrait que toutes les provinces s'entendent sur ces normes.

• 1305

C'est tout à fait possible. Avec une approche coopérative, les provinces apprennent à travailler de mieux en mieux ensemble. Je pense que c'est la voie de l'avenir pour ce pays.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur Gibson, on sait que les provinces et le gouvernement canadien ont beaucoup de difficulté à s'entendre.

Si on se dirige encore vers un tel partenariat, ne craignez-vous pas que nous tournions une fois de plus en rond et que les jeunes qui devraient bénéficier de ces programmes soient encore pénalisés?

[Traduction]

M. Gordon Gibson: Non, je ne crois pas. Considérons par exemple le domaine de l'éducation, où il n'y a jamais eu d'influence fédérale, pour tout le cycle de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire. Les provinces ont progressivement élaboré des normes nationales qui ne sont pas des normes fédérales.

Pour moi, national veut dire pancanadien; cela ne signifie pas du gouvernement fédéral ou central. Malgré le financement des programmes établis, fonctionnant à long terme, et maintenant le Transfert social canadien, nous n'avons jamais eu de normes pour ainsi dire nationales au Canada pour les prestations d'aide sociale. Il y a des différences considérables d'une province à l'autre.

Nous n'avons pourtant jamais vu de signes d'une course à la baisse appréhendée censée se produire si le gouvernement fédéral se retire de certains domaines où il y a des normes nationales. Nous constatons plutôt que les provinces versent en général à leurs citoyens des prestations d'aide sociale en fonction des moyens de l'économie provinciale.

Je le répète, je ne suis pas préoccupé par une éventuelle domination fédérale, puisqu'elle ne pourrait se produire qu'avec l'assentiment des provinces.

Le président: Merci. Passons maintenant à M. Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Cinq minutes, c'est vite passé. J'ai une question pour MM. Gibson et Walker.

Monsieur Gibson, il y a deux ou trois semaines, à Hong Kong, le président de la Banque mondiale a parlé dans une allocution de ses préoccupations au sujet d'une crise mondiale imminente, il a même parlé d'une catastrophe, résultant de la polarisation entre les riches et les pauvres, ce qui est une simplification au plan géographique ainsi qu'au sein de chaque pays.

Il y a quelques jours à peine, le président de la Noranda s'entretenait avec Pamela Wallin à la télévision. Il parlait d'une crise sociale imminente au Canada, à moins que nous commencions à travailler plus étroitement ensemble. Je voudrais savoir si vous pensez que nous serons bientôt dans ce genre de situation, si des mesures graves ne sont pas prises. Mais j'oublie de quelles mesures il s'agit.

Voici une question sur un tout autre sujet: en tant qu'écrivain de la Colombie-Britannique, connaissez-vous un seul programme à frais partagés entre la province de la Colombie- Britannique et le gouvernement fédéral où la province a reçu sa juste part, en fonction de l'importance de sa population?

M. Gordon Gibson: Pour répondre à cette dernière question, j'avoue ne pas avoir étudié chacun des programmes, mais je n'en connais pas qui, en Colombie-Britannique, aient été traités en fonction du nombre d'habitants. Il est vrai que le gouvernement fédéral a tendance à intégrer les principes de péréquation à la plupart de ses programmes à frais partagés, outre le programme traditionnel de péréquation. C'est d'ailleurs l'un des griefs de provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Au sujet des propos tenus par le chef de la Banque mondiale, je ne saurais formuler de commentaires sur la situation internationale mais il me semble qu'au Canada, il y a chez le public canadien un très important sentiment contre une trop grande dispersion des revenus et pour une vie décente et un accès à des services pour chacun.

À mon avis, il incombe aux gouvernements de répondre à ce sentiment collectif. Mais je me demande quel niveau de gouvernement doit le faire? Je crois que dans la plupart des cas, il est préférable d'avoir un gouvernement plus proche des contribuables, qui contrôleront aussi davantage les services qu'ils obtiennent.

M. Nelson Riis: Merci. J'ai deux petites questions pour M. Walker.

Monsieur Walker, je constate qu'au début de vos notes, vous recommandez des changements relatifs aux gains en capital. Je me pose des questions, et de graves questions, au sujet de l'exonération des gains en capital de 100 000 $ accordée par le gouvernement de Brian Mulroney, pour quelques années. À l'époque, je me demandais si cela avait rapporté quoi que ce soit, à part de l'argent supplémentaire pour certaines personnes. A-t-on trouvé que l'exonération des gains en capital avait eu pour résultat, par exemple, des créations d'emplois? Voilà ma première question.

• 1310

Dans son discours d'hier, M. Martin disait qu'il y avait des choses que le marché ne pouvait pas faire. Monsieur Walker, pourriez-vous nous dire ce que le libre jeu du marché ne peut tout simplement pas faire? Je présume que vous êtes d'accord avec cet énoncé.

M. Michael Walker: Pour commencer, j'aimerais formuler un bref commentaire sur ce qu'a dit Michel Camdessus au sujet d'une crise mondiale imminente, et sur les propos de David Kerr.

En fait, je ne suis pas d'accord avec cette évaluation de la situation. Je pense que les gens sont riches de par leur nature et pauvres, à cause des politiques. Prenons un pays comme Hong Kong, et comparons-le avec le Venezuela dans les années 1950: le revenu moyen à Hong Kong équivalait à la moitié du revenu moyen vénézuélien. Par la suite, le gouvernement de Hong Kong a adopté une politique ferme d'ouverture des marchés, de faible taxation et de déréglementation du marché. Le revenu moyen à Hong Kong est maintenant supérieur à celui du Canada. Il va sans dire que le revenu moyen du Venezuela, qui avait adopté une politique diamétralement opposée, est parmi les plus faibles du monde.

Je pense donc que nous sommes riches par nature. Hong Kong, comme vous savez, n'a aucune ressource naturelle. Il n'a même pas une source d'eau douce. Il a obtenu cette réussite simplement en adoptant certaines politiques. Je pense que chaque pays peut en faire autant.

Considérons l'Afrique et, par exemple, l'île Maurice. Ce pays, très pauvre à tous égards, connaît maintenant une expansion économique incroyable, une croissance de l'emploi, etc., parce qu'il a suivi le même genre de politique. On peut aussi penser au Ciskei, en Afrique du Sud, pour constater la même chose.

Au sujet de l'exonération des gains en capital, il y a une question d'équité. En effet, les revenus des sociétés produisant ces gains en capital, sous forme de prix des actions, ont déjà été taxés par le gouvernement. Les revenus investis dans un actif pour produire des gains en capital ont déjà été taxés par le gouvernement.

Il me semble donc, comme on le prétend aux États-Unis, qu'on décourage ceux qui doivent l'investir dans un actif, puisque celui-ci sera maintenant taxé pour l'investisseur, avant même que l'argent soit réellement investi. Le revenu dont découle le gain en capital est alors taxé avant la plus-value qui crée le gain en capital.

Les États-Unis, soit la plus grande machine à créer des emplois du monde, en ce moment... J'étais en Allemagne la semaine dernière avec des gens de partout en Europe. Ils commencent à comprendre qu'il leur faudra changer leurs politiques, y compris leurs politiques financières, pour suivre les États-Unis.

Quant à ce que le marché ne peut pas faire, je crois que nous, les économistes, convenions que certaines sortes activités ne pouvaient être régies par le marché. On donnait souvent l'exemple des phares. Ensuite nous avons appris qu'au Royaume-Uni, les phares avaient été construits grâce à une initiative du marché. Nous pensions qu'il y avait certains monopoles naturels comme le secteur de la téléphonie qui devaient faire l'objet d'une réglementation. Maintenant nous constatons qu'il y a des téléphones cellulaires, des satellites et toutes sortes de façons pour le marché de jouer le rôle qui est le sien même dans des secteurs qui étaient considérés comme des monopoles naturels.

À mon avis, il y a certains services sociaux que le marché n'est pas en mesure d'offrir. Par «marché», j'entends une certaine capacité d'agir en fonction de la rentabilité, mais je crois que ces services peuvent très bien être assumés par des particuliers.

Je serais ravi si le Centre canadien de politiques alternatives se joignait à l'Institut Fraser en préconisant que des institutions privées s'occupent de questions comme la pauvreté, car les pauvres n'ont pas besoin d'un chèque, ils ont besoin de quelqu'un qui s'occupe d'eux. Les gens qui travaillent dans des organismes comme l'Armée du Salut, First Mission et Second Harvest ne sont pas des représentants de l'État.

• 1315

M. Nelson Riis: Ce sont des organismes à but non lucratif.

M. Michael Walker: Mais ce ne sont pas des représentants de l'État, ce sont des particuliers qui se mettent au service d'autrui d'une façon particulière. Alors, si on tient compte de ce secteur, il y a franchement très peu de choses que le marché n'est pas en mesure d'offrir en tant qu'initiative individuelle.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Nous vivons maintenant dans une époque de marché planétaire. Pensez-vous que la politique fiscale canadienne devrait s'aligner davantage sur celle de notre principal partenaire commercial, c'est-à-dire les États-Unis? Devons-nous être concurrentiels en ce qui concerne la politique fiscale ou pouvons-nous penser que nous sommes à l'abri et que nous pouvons continuer à créer des emplois au Canada malgré la disparité?

M. Michael Walker: Est-ce à moi que vous posez la question?

M. Jim Jones: Oui, à l'un ou l'autre représentant de l'Institut Fraser.

M. Michael Walker: Je vais essayer d'y répondre.

J'estime certes que notre politique fiscale est importante. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les différentes provinces du Canada aujourd'hui pour constater que la politique fiscale a un effet énorme sur l'exode des cerveaux, par exemple. La question posée par M. Solberg au sujet de l'exode des cerveaux est très importante.

Ce sont nos jeunes qui constituent la plus grande richesse pour l'avenir. Nos jeunes quittent le pays en masse pour profiter des excellentes possibilités qui s'offrent aux États-Unis où les taux d'imposition sont un tiers moins élevés que dans la plupart des provinces canadiennes. La Colombie-Britannique est saignée à blanc par notre province voisine, l'Alberta, sans parler des États- Unis, parce que nos taux d'imposition sont devenus les plus élevés sur le continent. L'effet se fait très certainement sentir.

Ceux qui sont déjà établis, ceux qui ont des entreprises et des maisons, n'ont pas l'intention de tout quitter et recommencer. Ceux qui sont influencés par l'écart fiscal, ce sont nos jeunes, étant donné leur mobilité.

Récemment j'ai dû me résigner à voir ma propre fille déménager aux États-Unis, où elle avait reçu sept offres d'emploi, et où son revenu après impôt sera d'environ 70 p. 100 plus élevé qu'il ne le serait au Canada. Cela me touche personnellement moi et à mon avis, ceux qui prétendent que l'exode des cerveaux n'est pas un phénomène important ne voient pas ce qui se passe. Nous sommes en train de perdre notre avenir. Notre avenir nous abandonne en se laissant attirer par l'Alberta et les États-Unis.

M. Jim Jones: Je sais aussi qu'au moment des élections, le NPD dit souvent que nous devrions accroître considérablement le taux d'imposition des sociétés. Prenons le cas des 1 000 à 2 000 principales sociétés du monde; elles sont libres d'aller où elles veulent et elles ont un pouvoir économique phénoménal, que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

Bien des gens disent que ce sont les PME qui créent tous les nouveaux emplois. Ma question est la suivante: convenez-vous que les emplois les mieux payés et les plus durables sont créés par les grandes sociétés et que nous devrions essayer d'attirer ces sociétés dans ce pays?

M. Michael Walker: Les grandes sociétés ne créent pas d'emplois. Franchement, leur taille moyenne ne cesse de diminuer depuis 1951 au Canada. Actuellement, elles n'emploient plus que 23 p. 100 de la main-d'oeuvre totale des entreprises employant 500 personnes ou plus, soit le niveau de 1925. Cette tendance va probablement se maintenir, car ce ne sont pas les grandes sociétés qui sont à l'avant-garde de l'innovation actuellement, mais plutôt de petites sociétés dynamiques.

Franchement, il y a deux choses qui empêchent la croissance des petites entreprises au Canada. D'abord, la politique du travail. Cela est particulièrement vrai dans cette province. Il y a ensuite le problème fiscal et, comme je l'ai déjà dit, l'impôt sur les gains en capital.

Les gains en capital constituent la récompense que l'on obtient en lançant une petite entreprise et en la développant pour qu'elle devienne un gros employeur. Dans la haute technologie ou dans n'importe quel secteur de pointe, le taux d'imposition des gains en capital est un outil essentiel pour récompenser les entreprises de leurs efforts et de leur sens de l'initiative.

Pour les PME, il s'agit là de facteurs essentiels qui sous- tendent d'ailleurs la croissance de l'emploi aux États-Unis et, dans une certaine mesure, au Canada aussi.

• 1320

M. Seth Klein: Je voulais ajouter...

Le président: Soyez très bref, car nous devons passer à Mme Redman.

M. Seth Klein: Il est intéressant d'entendre M. Walker dire que les grandes sociétés ne créent pas d'emplois. Il y a 10 ans, au cours du débat sur le libre-échange, la plupart des grandes sociétés promettaient que la libéralisation du commerce leur permettrait de créer plus d'emplois. Maintenant, on nous dit que ce ne sont pas elles qui créent des emplois.

En ce qui concerne l'exode des cerveaux, j'aimerais que l'on nous présente des données empiriques et non pas simplement des anecdotes. Nonobstant la perte de la fille de M. Walker, l'accumulation d'anecdotes ne prouve rien.

Pour ce qui est des gains en capital et des taxes, j'ai entendu au cours du débat des arguments très intéressants contre le libre-échange et des arguments très puissants contre l'imminent accord sur l'investissement multilatéral; autrement dit, si ces mesures sont adoptées, nous nous retrouverons précisément dans le marché de duper dont nous parlons depuis longtemps, où les États- nations se livrent une concurrence effrénée pour abolir leur taxe sur les gains en capital, diminuer leur impôt sur les sociétés, déréglementer leur marché du travail et charcuter leurs programmes sociaux afin d'attirer des investissements—surtout étrangers, même si l'on vient de nous dire que ces investissements ne contribuent pas à la création d'emplois.

Il importe de souligner ici que, d'après des études que nous avons publiées récemment, en dépit de l'augmentation des bénéfices des sociétés depuis 1992 et du fait que nous assistons à une reprise économique, les dépenses d'investissement n'ont pas augmenté sensiblement dans le secteur privé. Les taux des nouveaux investissements en capital après amortissement—par rapport au PIB et aux niveaux de bénéfices—sont les plus bas depuis 1945. Si tel est le cas, ma question au comité est la suivante: si le secteur privé ne fait pas son travail, qu'allez-vous faire?

Le président: Votre temps est épuisé.

M. Jim Jones: La réponse fait-elle également partie de mon temps de parole?

Le président: Absolument. Nous travaillons collectivement. Je ne sais pas ce que M. Walker en pense, mais...

Madame Redman, suivie de M. McWhinney.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai deux questions brèves. La première s'adresse à M. Muzin.

Vous avez mentionné la fermeture de 50 000 lits d'hôpital et l'incidence de cette mesure sur les personnes que vous représentez. Dans ma propre collectivité, nous sommes en train de restructurer les soins de santé. Nous passons du système institutionnel au système communautaire. J'aimerais savoir ce que vous pensez du rôle éventuel du gouvernement fédéral dans cette initiative.

M. Fred Muzin: Évidemment, il faudrait d'abord que les paiements de transfert soient suffisants, en tout cas pour la Colombie-Britannique, qui accueille jusqu'à 100 000 habitants de plus par année. L'insuffisance du financement des programmes sociaux est un gros problème pour la province.

En Colombie-Britannique, dans le cadre de la transformation du système de santé, on est en train d'adopter un modèle permettant aux fournisseurs de soins de santé de siéger aux conseils régionaux et communautaires de la santé. Je pense que certains programmes fédéraux... comme je l'ai mentionné, les déterminants de la santé. Tant qu'il n'y aura pas assez de garderies, tant que le taux de pauvreté chez les enfants sera élevé, les provinces ne seront pas en mesure de continuer à offrir des soins de santé adéquats.

Il y a aussi les compressions touchant les laboratoires fédéraux. Par exemple, il n'y aura pas d'analyse nationale pour les dioxines. Certains produits alimentaires ne seront pas adéquatement analysés. Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer.

Il y a également la question des produits pharmaceutiques. Franchement, dans le cadre des audiences relatives au projet de loi C-91, certaines recommandations du dernier comité d'examen ont été carrément biffées du rapport qui a été déposé au Parlement. Je pense que cela est répréhensible. Les compagnies pharmaceutiques en ont largement bénéficié.

Ainsi donc, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour assurer l'application des dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

Mme Karen Redman: Merci. Je suis satisfaite de votre réponse. Je suis toujours un peu sceptique quand on fait un parallèle entre les soins de santé et le nombre de lits d'hôpitaux qui ont été fermés ou non. À mon avis, c'est un indicateur dépassé. Cela n'est plus nécessairement pertinent.

M. Fred Muzin: Je pense que cela dépend si l'on réforme les soins de la santé afin d'adopter un modèle plus préventif ou un modèle axé sur le bien-être. Tel est l'objet de la restructuration. Toutefois, tant que l'on n'aura pas établi des services de santé et d'éducation suffisants dans la collectivité, lorsque les citoyens et leurs enfants tomberont malades, ils iront dans les hôpitaux dont les salles d'urgence sont engorgées et ils se demanderont pourquoi ils n'obtiennent pas les soins dont ils ont besoin. Voilà pourquoi on dit que les fermetures de lits ne signifient pas que les lits n'existent pas, mais plutôt qu'il n'y a pas de personnel pour assurer un service adéquat. Tant que nous n'aurons pas réformé le secteur de la santé—et cela prendra du temps—la fermeture des lits sera certainement un indicateur de la façon dont le public perçoit l'accès aux soins de santé.

• 1325

Mme Karen Redman: Ma deuxième question s'adresse à M. Gibson.

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt vos observations relatives à un régime de santé panprovincial, par opposition à un régime national. Hier, M. Martin a parlé de partenariats. Je pense qu'ils sont très utiles, mais d'après vos commentaires... Pourriez-vous nous dire s'il existe des partenariats efficaces entre les gouvernements fédéral et provinciaux dans les domaines de la santé et de l'éducation?

M. Gordon Gibson: Je pense qu'il y en a; cependant, le rôle du gouvernement fédéral dans ces activités doit être défini très minutieusement.

En vertu de notre Constitution, la prestation des soins de santé relève assurément des provinces, à quelques exceptions près, notamment en ce qui concerne les forces armées, les Autochtones, etc. Le gouvernement fédéral dispose d'autres pouvoirs en matière de produits pharmaceutiques et ainsi de suite.

Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très utile en matière de santé, en finançant notamment les projets- pilotes, la recherche, etc. Quant à la prestation même des services et au financement de ces services—c'est-à-dire les nombreuses activités de première ligne dans ce qui est peut-être le plus important secteur au pays—il me semble que les provinces sont les mieux placées pour s'en occuper de même que, très souvent—c'est encore mon avis—les organismes locaux ou privés. Je crois que c'est la meilleure façon d'assurer l'efficacité du système. Dieu sait que l'argent se fait rare dans le domaine de la santé; peu importe l'investissement que l'on y fait, la demande est toujours plus forte. Par conséquent, l'efficience doit être une quête constante, mais, comme je l'ai dit dans ma déclaration, le gouvernement fédéral n'est pas efficient en matière d'administration de programmes.

Mme Karen Redman: Ma question concerne aussi la transférabilité des soins de santé, car c'est l'un des principes fondamentaux que le gouvernement se bat pour préserver. Comment allons-nous sauvegarder la transférabilité entre les provinces si vous insistez tant sur les lignes de démarcation?

M. Gordon Gibson: Je dirai d'abord que l'exercice du droit à la santé, si je puis m'exprimer ainsi, ne relève pas du gouvernement fédéral. Il relève de la population. Celle-ci présente ses exigences d'ordre politique, et il est impensable qu'un gouvernement provincial s'y oppose.

Pour répondre directement à votre question, les provinces elles-mêmes ont conçu un mécanisme de transférabilité. Ce mécanisme fonctionne très bien, sauf en ce qui concerne la province de Québec, qui ne prévoit pas le paiement intégral des services obtenus dans d'autres provinces.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

Le président: Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président. Mes questions s'adressent à M. Gibson, dont l'expertise remonte à sa vie publique antérieure et qui est aujourd'hui un écrivain politique très prospère ayant un auditoire important.

Vous avez soulevé des questions relatives au pouvoir constitutionnel. En particulier, au paragraphe 9 de votre mémoire, vous avez proposé de limiter le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans le cadre d'un accord avec les provinces, ce qui semble nécessiter un amendement constitutionnel. Tout à l'heure, vous avez parlé du principe de subsidiarité en vigueur dans l'Union européenne. Vous savez très bien, en tant que spécialiste du domaine, que la Communauté européenne est favorisée par une interprétation dynamique ou plus pragmatique des pouvoirs constitutionnels, contrairement au Canada où les pouvoirs sont partagés de façon quasi dichotomique entre les provinces et le fédéral.

Vous connaissez aussi la situation dans le domaine des pêches au Canada. Vous savez que les premiers ministres fédéral et provincial ont signé un accord—qui existe encore officiellement— sur l'administration conjointe des pêches. Je pense que l'accord a été signé en juin 1996.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la mise en oeuvre d'un tel accord. Il a été dit que le volet le plus novateur du discours de M. Martin portait sur l'éducation. Le gouvernement fédéral intervient dans ce domaine par le biais de la recherche, de la science et de la technologie, ce que nous pourrions justifier avec une interprétation élargie du pouvoir général prévu à l'article 91. Toutefois, la nouvelle démarche va plus loin et nous amène dans d'autres domaines où nos pouvoirs constitutionnels sont peut-être moins clairs.

• 1330

Dans quelle mesure réussiriez-vous à appliquer le principe de subsidiarité? Il y a deux jours seulement, j'ai rencontré des représentants du Conseil scolaire de Vancouver. J'ai appris qu'il y a un vide et que le gouvernement fédéral doit le combler. Je n'attribue pas cette position au conseil scolaire, mais d'aucuns invitent clairement le fédéral à intervenir dans le domaine de l'éducation.

M. Gordon Gibson: À mon avis, il est tout à fait naturel pour n'importe quel groupe de pression de rechercher toutes les sources de financement possibles, monsieur McWhinney. Tout le monde demande de l'argent au gouvernement fédéral, mais cela ne signifie pas que le fédéral doit nécessairement accéder à cette demande. C'est ma conviction profonde.

Quant à l'application concrète du concept du partenariat entre les gouvernements—non seulement entre le fédéral et les provinces, mais entre les provinces elles-mêmes, notamment dans le domaine de la santé comme l'a dit la députée tout à l'heure—j'ai proposé la création d'un nouvel organisme que j'appelle conseil de la fédération. Claude Ryan avait parlé d'un conseil fédéral, organisme qui tiendrait régulièrement et continuellement des réunions publiques et publierait des documents concernant le palier de gouvernement fédéral-provincial, qui est actuellement caché. L'organisme inciterait les autorités à faire preuve de transparence et de responsabilité dans les nombreuses tractations entre les différents gouvernements. À mon avis, ce genre d'organisme pourrait assurer l'efficacité de tels partenariats.

M. Ted McWhinney: On dit souvent—et je pense que c'est essentiellement vrai—que les provinces de l'Atlantique ont accordé beaucoup plus d'importance à l'éducation que notre province, par exemple. On considère généralement cette dernière comme une province délinquante—et je parle d'une tendance historique et non pas de la période où vous étiez député provincial.

Dans la Communauté européenne, on voit concrètement l'application du principe de subsidiarité. Dans quelle mesure peut- on réussir à l'appliquer ici? Comment va-t-on le faire, à moins d'effectuer les changements structurels de grande envergure que vous avez mentionnés, en créant par exemple un conseil de la fédération, qui ressemble beaucoup à une assemblée constituante, ou en procédant à une refonte constitutionnelle radicale?

M. Gordon Gibson: Pour répondre très brièvement à votre question, on pourrait établir immédiatement le conseil de la fédération sans modifier officiellement la Constitution, du moins à mon avis. Il suffirait d'organiser des réunions régulières.

Quant à l'application du principe de subsidiarité, nous gagnerions à nous inspirer du processus d'examen des programmes du gouvernement fédéral; il faudrait alors soumettre toutes les activités du gouvernement—du petit village aux plus grandes instances d'Ottawa—à ce genre d'examen détaillé des programmes. Il s'agit assurément d'une entreprise de grande envergure qui durerait de nombreuses années et à laquelle participeraient les intéressés, des experts et des fonctionnaires expérimentés qui connaissent tous les secteurs à problème. Dans ce genre d'examen, qui ne nécessite aucun changement constitutionnel, on pourrait déléguer des pouvoirs et conclure des ententes définissant les tâches respectives du fédéral, des provinces et des municipalités. Ainsi, en appliquant rigoureusement le principe de subsidiarité, on améliorerait progressivement l'efficacité de la fonction publique. Voilà le genre d'exercice fondamental qu'il faut entreprendre. Ce n'est pas un exercice politique; c'est un exercice de gestion axé sur l'efficacité.

M. Ted McWhinney: Merci, monsieur Gibson.

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais bien que M. Klein, M. Walker ou M. Gibson et tous les autres témoins contestent les opinions exprimées par des groupes qui, de toute évidence, ne partagent pas votre position sur les mesures à prendre.

J'ai deux questions pour terminer. Le but ultime des consultations pré-budgétaires est de formuler des recommandations qui permettront en dernière analyse d'améliorer la qualité de vie des Canadiens.

Ma première question s'adresse à M. Walker, qui croit à la libéralisation des marchés, objectif louable. Par exemple, pour combattre le chômage chez les jeunes, le fédéral a lancé le programme de stages pour les jeunes et Service jeunesse Canada. Il s'agit essentiellement de partenariats entre le gouvernement et le secteur privé, dont le financement est assuré à 30 p. 100 et 70 p. 100 respectivement. Ces programmes offrent aux jeunes d'excellentes occasions d'obtenir un tout premier emploi. Comme vous le savez, l'un des principaux obstacles que rencontrent les jeunes gens est le paradoxe de l'expérience—pas d'emploi, pas d'expérience; pas d'expérience, pas d'emploi. Envisagez-vous ce genre de partenariat?

• 1335

M. Michael Walker: Ce qu'il faut savoir, c'est si c'est la façon la plus intelligente de créer des emplois pour les jeunes. D'après moi, le récent programme de partenariat dans le cadre duquel le gouvernement fédéral a créé 3 000 postes au gouvernement pour permettre à des gens du secteur privé d'aller faire un stage au gouvernement pour voir comment se passent les choses dans le monde moderne était probablement quelque chose de rétrograde. D'après moi, les jeunes n'ont pas besoin de faire un stage dans la fonction publique pour apprendre comment fonctionner dans le monde des adultes. D'après moi, c'était indéniablement une mesure rétrograde.

Par contre, je pense que certaines politiques imposent avec adolescents de lourds fardeaux à la fin de l'école secondaire. Permettez-moi de vous en donner un exemple.

Quelqu'un qui obtient les meilleures notes de sa classe à la fin de l'école secondaire et qui se dirige en médecine va travailler pendant sept ans non pas au salaire minimum, mais bien sans rémunération. Il va investir énormément d'efforts et de revenus perdus pour obtenir un diplôme en médecine.

Quelqu'un qui termine ses études secondaires dira à un employeur qu'il est prêt à travailler pour lui pour n'importe quoi. Il serait prêt à travailler pour rien simplement pour acquérir un peu d'expérience.

Que disons-nous à cet adolescent qui n'a pas obtenu de très bonnes notes? N'oubliez pas que nous avons dit aux meilleurs finissants qu'ils pouvaient aller travailler pour rien. Au contraire, ils peuvent investir leur argent pour devenir médecins et ensuite gagner beaucoup d'argent. D'autre part, nous disons à celui qui termine ses études secondaires avec des notes médiocres qu'il ne peut pas travailler pour moins que le salaire minimum.

Nous imposons donc un lourd fardeau à tous les adolescents qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires, surtout à ceux qui sont le moins capables d'offrir quelque chose à un employeur. Selon moi, nous devrions songer sérieusement à nous débarrasser du salaire minimum parce qu'il constitue un sérieux obstacle. Nous devons nous débarrasser des autres obstacles qui existent sur le marché du travail, y compris le pouvoir que nous avons donné aux syndicats de tenir le marché du travail en otage. Nous devrions suivre l'exemple de la Nouvelle-Zélande à ce sujet—la Nouvelle- Zélande, qui est un pays socialiste et qui a connu l'une des transitions les plus importantes de toute l'économie du monde dans l'histoire. La dernière chose qu'on a fait en Nouvelle-Zélande, et cela a réduit de moitié le taux de chômage national, a été d'adopter la Loi sur les contrats d'emploi, qui dit essentiellement qu'on ne peut pas obliger quelqu'un à faire partie d'un syndicat pour obtenir un emploi.

Si l'on enlève le salaire minimum et si l'on cesse d'obliger les gens à devenir membres d'un syndicat pour se faire payer un revenu très élevé avant de pouvoir obtenir un emploi, on aura fait bien plus que n'importe quoi d'autre pour donner des occasions d'emploi aux jeunes sur le marché du travail.

Le président: Monsieur Klein, j'ai une dernière question à vous poser. Que vais-je dire au Canadien moyen qui se lève le matin, qui travaille fort, qui respecte toutes les règles et qui a l'impression de ne pas recevoir ce qu'il mérite? Je veux dire par là qu'il a l'impression que l'impôt sur le revenu est trop élevé et que le système ne lui offre pas assez d'avantages. Que puis-je lui dire?

M. Seth Klein: Je suis devenu récemment un Canadien de la classe moyenne. J'ai terminé mes études et j'ai commencé à travailler pour le Centre canadien de politiques alternatives. Je paie le taux d'imposition normal sans pouvoir faire tellement de déductions. Je ne pense pas payer trop d'impôts. D'après les sondages, la plupart des Canadiens sont prêts à payer les impôts qu'ils paient s'ils savent que l'argent de leurs impôts servira à financer les services auxquels ils tiennent. C'est ce que je veux dire par leadership moral dans le domaine de la fiscalité.

Les Canadiens à revenu moyen savent très bien qu'ils en reçoivent moins qu'auparavant pour l'argent de leurs impôts. Ils reçoivent moins de services qu'auparavant à cause des coupures inutiles et à cause de ce qu'on doit payer en intérêts sur la dette. Le fait est que ces deux problèmes viennent de politiques gouvernementales mal avisées.

Relativement au chômage chez les jeunes, je voudrais seulement signaler que, d'après moi, la solution n'est pas d'offrir de l'emploi aux jeunes à 3 $ ou 4 $ l'heure, ou à autre chose si c'est en dessous du salaire minimum. Je ne pense pas que ce soit la solution. Nous devons nous rappeler que le pays était plus pauvre à la fin de la Seconde Guerre mondiale et que le rapport entre la dette et le PIB était plus élevé, mais que nous avons quand même trouvé des moyens novateurs de créer de l'emploi pour les anciens militaires. Au milieu des années 1970 et pendant les années 1980, le gouvernement fédéral avait joué un rôle de leadership en mettant sur pied toutes sortes de programmes pour les jeunes, que M. Gibson se rappellera avec plaisir, et dont bon nombre, même s'ils étaient financés par le gouvernement fédéral, étaient administrés à l'échelle locale et faisaient beaucoup pour donner aux jeunes des occasions de participer à des travaux utiles pour leurs collectivités.

• 1340

Nous savons que nous aurions encore besoin de travaux de ce genre à notre époque. D'après moi, il s'agit simplement de trouver la volonté politique nécessaire pour financer ces projets.

Le président: Merci beaucoup. Cela met fin à la discussion du premier groupe.

Au nom du comité, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance. Je pense que nous commençons déjà à assister à un débat public sur les questions dont nous devrons nous occuper en comité. Merci beaucoup.

Nous reprendrons dans quatre minutes environ.

• 1341




• 1345

Le président: Nous reprenons la séance.

Il s'agit de la deuxième table ronde pour la séance de ce matin.

Nous accueillons des représentants de l'Advanced Education Council of British Columbia—il s'agit de Neal Nicholson, je pense—de la British Columbia Teachers' Federation, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, de la College Institute Educators' Association of British Columbia, de la Confederation of University Faculty Associations of British Columbia, du Social Planning and Research Council of British Columbia et de la Private Career Training Association of British Columbia.

Nous donnerons cinq minutes à chaque groupe pour des remarques d'ouverture. Ensuite, il pourrait y avoir une période de réfutation ou bien une période de questions et de réponses avec les membres du comité.

Nous commencerons par le représentant de l'Advanced Education Council of British Columbia, Neal Nicholson.

M. Neal Nicholson (Advanced Education Council of British Columbia): Monsieur le président, l'Advanced Education Council remercie le comité de lui donner l'occasion de témoigner au nom de 22 collèges communautaires, instituts et organismes financés publiquement dans la province.

Dans une certaine mesure, je pense que le ministre a prononcé hier le discours que je voulais faire moi-même, mais la partie qui a retenu mon attention est relativement courte et je voudrais donc la répéter.

Il a dit qu'il fallait prendre des mesures sur quatre fronts: favoriser les économies pour l'éducation et la formation; fournir une aide financière aux étudiants; aider les étudiants à faire face à un fardeau de la dette de plus en plus lourd; et, enfin, favoriser l'éducation continue.

Ces quatre principes sont à la base de notre exposé aujourd'hui. Nous sommes convaincus qu'un régime d'enseignement postsecondaire accessible, abordable et financé par le secteur public est l'un des plus grands atouts du Canada qui nous permettent de donner à nos citoyens les connaissances et les compétences nécessaires pour être concurrentiels dans une économie mondiale fondée sur le savoir.

Pendant ses audiences de l'année dernière, votre comité a entendu l'avis des Canadiens sur ce que devraient être les priorités de dépenses du gouvernement. Cela nous a encouragés de voir que le dernier budget fédéral annonçait de bonnes nouvelles aux étudiants dans le domaine des crédits d'impôt, des REEE et des périodes d'allégement des intérêts pour les prêts canadiens aux étudiants. Mais il faut faire davantage.

L'Advanced Education Council recommande donc instamment au gouvernement de prendre les mesures suivantes dans son prochain budget.

Augmenter le montant des dépenses d'éducation déductibles du revenu imposable. On devrait pouvoir déduire les dépenses pour les manuels scolaires, les ordinateurs et les autres dépenses reliées à l'éducation.

Il faudrait inclure les droits de scolarité pour les études à temps partiel dans les montants admissibles au crédit d'impôt pour études. Les études à temps partiel en vue d'obtenir des crédits sont une façon pour les Canadiens de faire face à l'augmentation des droits de scolarité. L'éducation continue est essentielle. Le crédit d'impôt pour études devrait être offert aux millions d'étudiants à temps partiel.

Les intérêts sur les emprunts pour l'éducation postsecondaire devraient être déductibles du revenu imposable, comme ils le sont au sud de la frontière. Le gouvernement accorde un report d'impôt pour les intérêts gagnés sur les REEE. Cela devrait aussi s'appliquer aux mises de fonds, comme pour les REER. Bien qu'elles soient utiles, les révisions aux programmes de REEE n'auront pas de répercussions avant quelques années. Entre-temps, le gouvernement devrait permettre d'emprunter d'un REER pour l'enseignement postsecondaire comme il le fait pour l'achat d'un logement. Cela aiderait bon nombre de Canadiens à revenu moyen à avoir accès à l'enseignement postsecondaire, aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs enfants.

Bon nombre de Canadiens d'âge moyen doivent maintenant financer des études supplémentaires et une nouvelle formation pour garder leur emploi et rester employables. Bon nombre d'entre eux ne sont pas admissibles aux prêts canadiens aux étudiants parce qu'ils ont d'autres biens. Il faudrait instaurer des mécanismes d'aide financière pour aider les adultes qui changent d'occupation.

La dette étudiante est un problème grave qui prend de plus en plus d'envergure au Canada. Nous appuyons les ministres provinciaux de l'Éducation qui ont récemment demandé au gouvernement fédéral de payer sa juste part des coûts que doivent assumer toutes les provinces et les deux territoires pour aider à réduire les dettes des étudiants, à les supprimer ou à les rendre plus faciles à gérer.

Nous incitons aussi le gouvernement fédéral à éliminer les injustices qui existent maintenant dans le financement des programmes sociaux par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. L'argent que le gouvernement fédéral verse aux provinces pour les services de santé, d'éducation et les programmes sociaux devrait être calculé selon le nombre d'habitants de la province.

Selon le système actuel, la Colombie-Britannique perd environ 100 millions de dollars par année, alors qu'elle accueille énormément d'immigrants de l'étranger et du Canada, ce qui exerce des pressions énormes sur nos services de santé et d'éducation. Nous savons que le gouvernement compte réduire les injustices mais, d'après nous, cela ne s'est pas fait assez rapidement jusqu'ici.

• 1350

Le système public d'enseignement postsecondaire de la province est menacé. En mai, notre ministre de l'Éducation, des Compétences et de la Formation a créé un groupe d'étude pour examiner les questions critiques pour le financement des collèges et des instituts. Les conclusions préliminaires du groupe d'étude montrent que notre régime d'enseignement postsecondaire est en état de crise. Malgré l'engagement pris par le gouvernement provincial de protéger le financement de l'enseignement postsecondaire, plusieurs de nos établissements accusent maintenant un déficit. La plupart signalent que l'érosion du financement par le secteur public les empêche de fournir certains services et de maintenir la qualité de l'enseignement. Ce n'est pas parce que ces établissements ne peuvent pas bien gérer leurs finances. C'est simplement qu'il n'y a pas assez d'argent pour donner à nos citoyens l'accès qu'ils réclament.

L'une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour atténuer le problème serait de créer un programme de financement distinct et protégé pour l'enseignement postsecondaire. Certaines conditions sont rattachées aux fonds versés aux provinces pour leur régime de soins de santé. Selon nous, il faudrait faire la même chose pour l'enseignement postsecondaire. Une autre solution serait de revenir au système que nous avions il y a quelques années quand le gouvernement fédéral finançait directement les établissements postsecondaires. Cela fonctionnait dans le passé et pourrait certainement fonctionner de nouveau.

Le chômage chez les jeunes constitue un problème énorme au Canada. Le gouvernement s'est engagé à le résoudre. L'enseignement postsecondaire et la formation sont les seuls moyens de donner à ces jeunes désenchantés le moyen d'être concurrentiels et de participer à l'économie.

Pour terminer, nous continuons d'appuyer le principe de redevabilité financière pour tous les gouvernements. Nous ne pensons pas que la solution à nos problèmes soit de cesser d'investir dans l'éducation. En finançant convenablement l'enseignement postsecondaire, on pourra créer des emplois, réduire le chômage chez les jeunes et s'attaquer à toutes sortes d'autres problèmes sociaux. Nous incitons le gouvernement à fournir la vision et le leadership nécessaires pour instaurer une stratégie économique nationale à long terme qui pourra garantir que l'enseignement postsecondaire du secteur public restera accessible et abordable pour tous les Canadiens.

Merci.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous passons maintenant à la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique et à M. Rick Beardsley.

M. Rick Beardsley (directeur adjoint, British Columbia Teachers' Federation): Au nom de la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique, je tiens à remercier le comité d'avoir bien voulu m'entendre aujourd'hui. Je commencerai par vous dire que nous représentons plus de 40 000 enseignants des écoles publiques de la province. Tous les enseignants des écoles publiques sont membres de la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique.

Nous reconnaissons que, dans un sens, nous n'avons pas été directement touchés par la réduction des paiements de transfert, mais l'effet de cette réduction a eu d'importantes conséquences pour nous. Autrement dit, bien qu'elle touche principalement le secteur postsecondaire, la réduction des paiements de transfert a pour résultat net de soumettre le système d'enseignement à des pressions considérables au moment même où ce système connaît une croissance incroyable depuis six ans. Je voudrais attirer votre attention sur certains détails de cette croissance.

Le système a accueilli 81 000 nouveaux élèves au cours des six dernières années. C'est plus que les effectifs scolaires de Vancouver ou de Richmond ou encore de plusieurs des banlieues avoisinantes prises ensemble. Le nombre de nos élèves dans les programmes d'enseignement de l'anglais langue seconde s'est accru de 109 p. 100 dans l'ensemble de la province, mais si l'on examine la situation dans certains districts en particulier, on se rend compte, par exemple, qu'à Richmond nous avons connu un accroissement de l'ordre de 2 500 p. 100 au cours des sept dernières années. Nous avons aussi connu une hausse de 60 p. 100 des élèves désignés comme ayant des besoins spéciaux, comme ayant besoin donc de services de soutien. Par ailleurs, le nombre d'élèves autochtones désignés comme ayant besoin de services de soutien particuliers a augmenté de 128 p. 100. Nous avons connu un accroissement de la demande sur le plan des effectifs scolaires, mais aussi sur le plan de la diversité des tâches qui sont confiées aux enseignants dans la salle de classe.

Comment le gouvernement a-t-il réagi à cette demande croissante de dollars réels au cours des six ou sept dernières années? Eh bien, il a réduit de 7 p. 100 le financement par élève. On nous demande d'en faire de plus en plus avec de moins en moins. D'après nos estimations, 1 450 postes d'enseignant ont été perdus à la suite uniquement de la réduction du financement que nous connaissons depuis six ou sept ans. Je ne parle pas ici des emplois qui auraient pu être créés par le financement accordé pour répondre aux demandes auxquelles nous devons maintenant satisfaire.

• 1355

Il ne fait aucun doute selon nous que le gouvernement doit donner la priorité à l'enseignement afin de préparer les élèves à être des citoyens responsables dans un monde de plus en plus interdépendant. L'accès à l'enseignement postsecondaire doit permettre qu'aucun élève n'en soit exclu en raison de sa situation socio-économique.

Par un financement accru, on pourra garantir l'accès et donner ainsi aux jeunes espoir et confiance quant à la possibilité qu'ils puissent prendre leur place dans notre société. C'est finalement ce que nous avons constaté dans nos écoles secondaires, que les jeunes ont du mal à savoir où aller. S'ils n'ont pas accès à l'enseignement postsecondaire et aux types de formation spécialisée qu'ils veulent et dont ils ont besoin pour pouvoir contribuer à la société, les jeunes ne tarderont pas à manifester des signes d'aliénation et à opter pour des mécanismes d'adaptation destructeurs. Le financement accru de la part du gouvernement fédéral permettrait sans aucun doute d'atténuer les pressions qui s'exercent sur le système depuis la maternelle jusqu'à la douzième année.

Ce qui est particulièrement important en Colombie-Britannique, selon nous, c'est de répondre aux besoins des élèves de l'enseignement de l'anglais langue seconde, surtout dans la partie continentale sud de la province, comme je l'ai indiqué. Au niveau actuel de service, beaucoup d'élèves de l'enseignement de l'anglais langue seconde auront du mal à acquérir la maîtrise de l'anglais dont ils ont besoin pour bien s'intégrer dans la société canadienne, et ils ne pourront pas donner la pleine mesure de leurs talents. C'est là un dossier qui mérite une attention particulière. Nous estimons que le gouvernement fédéral doit y aller d'un soutien financier dans la mesure où il s'agit d'une question qui touche l'établissement des immigrants.

D'après les sondages que nous avons faits, le public est conscient de l'importance de l'enseignement. Il est notamment prêt à appuyer le financement accru de l'enseignement public dans la province de la Colombie-Britannique.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Nous passons maintenant à M. Brad Lavigne, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.

M. Brad Lavigne (président national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): Au nom de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, j'aimerais remercier le comité de nous avoir invités. Je remplace aujourd'hui la présidente provinciale, Maura Parte; j'ajoute qu'en tant que résidant de longue date de la Colombie-Britannique, j'ai grand plaisir à constater que le comité peut sortir de ses locaux, et je suis ravi de venir témoigner.

Pour ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est le mouvement étudiant national le plus important du Canada. Il regroupe quelque 400 000 étudiants du collégial, des 1er et 2e cycles universitaires inscrits dans une soixantaine d'établissements postsecondaires partout au Canada.

Je répondrai ce matin aux deux questions qui nous ont été posées, à savoir d'abord si le rythme et la méthode de réduction du déficit ont été appropriés et, en second lieu, une fois le budget équilibré, que faire des priorités du gouvernement.

Pour ce qui est du rythme et de la méthode choisis pour réduire le déficit, les autres témoins ont déjà expliqué quelles étaient les répercussions des compressions imposées à l'éducation postsecondaire, particulièrement depuis la dernière ronde de compressions en 1993. Cette année-là, le mouvement étudiant canadien a fortement critiqué le gouvernement fédéral de même que le gouvernement précédent pour avoir choisi comme méthode de réduction de la dette une compression de ses dépenses—à laquelle nous étions déjà vertement opposés—plutôt que certaines mesures et incitatifs monétaires destinés à relancer l'économie.

Nous sommes toujours convaincus que le gouvernement aurait pu atteindre ses objectifs sans pour autant nuire à de grands pans des services gouvernementaux, notamment l'éducation, les soins de santé et d'autres programmes sociaux. Il faut bien comprendre certaines des conséquences qu'ont eues les mesures de réduction des dépenses pour l'accessibilité et la qualité de l'éducation postsecondaire publique au Canada.

Commençons par l'accessibilité, qui est la première des répercussions des compressions: la plupart des frais de scolarité des provinces ont augmenté massivement pour compenser la diminution du financement fédéral. En Ontario, par exemple, les frais de scolarité ont augmenté en moyenne de plus de 50 p. 100 au cours des trois dernières années à elles seules, et les inscriptions ont chuté pour la troisième année de suite. La diminution de l'effectif dans plusieurs autres provinces peut également être liée à l'augmentation massive des frais d'utilisation.

Ceux qui ont persisté dans le système ou qui sont entrés à l'université depuis les dernières compressions massives doivent assumer un endettement accru. Chez les diplômés, l'endettement moyen a considérablement augmenté ces dernières années. En 1990, l'étudiant arrivait au diplôme avec un endettement moyen de 8 700 $. Or, au printemps dernier, l'endettement se chiffrait à 22 000 $ par diplômé. L'année prochaine, Statistique Canada s'attend à ce que l'étudiant ayant profité d'un prêt finisse ses études avec un endettement de 25 000 $ en moyenne.

• 1400

Même si le gouvernement de la Colombie-Britannique n'a pas demandé aux étudiants d'assumer les compressions dans le financement du gouvernement fédéral en imposant des frais de scolarité plus élevés, ces compressions ont néanmoins été fortement ressenties en Colombie-Britannique. Les subventions gouvernementales aux établissements d'enseignement ne sont plus proportionnelles à l'augmentation de leurs coûts et ne correspondent plus à la demande accrue en éducation du postsecondaire qui existe dans notre société et dans notre économie. Nombre d'étudiants sont sur des listes d'attente en attendant que des places se libèrent. Beaucoup d'autres ont été obligés de s'inscrire dans des établissements postsecondaires privés. Je crois que la Colombie-Britannique offre le nombre le plus élevé de collèges privés au Canada, et ceux qui s'inscrivent dans ces établissements sont ceux qui doivent assumer l'endettement le plus élevé, car ils doivent payer des frais d'utilisation gonflés pour recevoir ce que nous considérons comme un enseignement inférieur.

Les établissements d'enseignement ont été obligés également d'éliminer nombre de services de soutien qui jouaient un rôle clé et qui aidaient les étudiants à atteindre leurs objectifs en matière de formation. Ces services aidaient souvent les étudiants ayant des handicaps, les étudiants autochtones ou ceux appartenant à d'autres groupes marginalisés, ou encore aidaient les étudiants adultes à faire la transition entre le marché du travail et l'éducation postsecondaire.

En ce qui concerne la qualité de l'enseignement, nous avons également constaté une diminution de la qualité dans nos collèges et nos universités, à cause des compressions. On ne regarnit plus les bibliothèques; on ne remplace plus l'équipement désuet. Les établissements d'enseignement ne réagissent plus favorablement comme ils le devraient à la demande de nouveaux programmes. Le nombre d'étudiants par classe a augmenté, et le ratio enseignant-étudiants a diminué. Et je pourrais donner encore maints exemples de cette diminution de la qualité.

Quelles devraient être les priorités du gouvernement, maintenant qu'on peut entrevoir un budget équilibré? Il y a 25 ans, le gouvernement fédéral envisageait sérieusement d'éliminer les frais de l'éducation postsecondaire de façon à permettre un accès universel à cet enseignement. Malheureusement, cet objectif d'universalité de l'éducation postsecondaire a été occulté par l'obsession de la réduction du déficit des 15 dernières années. Aujourd'hui, il est plus que jamais pertinent de rendre l'éducation postsecondaire accessible à tous. Pour ce qui est de l'accès à de bons emplois, un diplôme postsecondaire équivaut à peu près aujourd'hui à ce qu'était un diplôme du secondaire pour la génération précédente. Refuser l'accès à l'enseignement postsecondaire, c'est refuser l'accès à des emplois bien rémunérés.

Le gouvernement fédéral doit veiller à rendre plus accessible l'éducation postsecondaire au Canada. C'est pourquoi il doit essayer d'éliminer les obstacles existants. Pour cela, il devrait peut-être augmenter les transferts directs aux provinces, créer un régime complet de subventions à l'intention des étudiants, attribuer davantage d'argent à l'infrastructure, réserver des sommes pour l'agrandissement des établissements de façon à ce qu'ils offrent plus de places et fournir des fonds pour répondre aux besoins technologiques.

Parlons maintenant des besoins financiers des étudiants. Nous exhortons le gouvernement fédéral à revoir son fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire. La Fédération félicite le gouvernement fédéral de son intention de régler le problème d'endettement des étudiants. Bien qu'il s'agisse d'une reconnaissance du problème, rien ne prouve que ce fonds soit une solution appropriée ou adaptée au problème de l'endettement cumulatif des étudiants. Le problème, ce n'est pas que les étudiants brillants sortent des établissements diplômés mais endettés, c'est que tous les étudiants se retrouvent avec une dette énorme.

Pour conclure, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants recommande que le gouvernement fédéral adopte des mesures pour réduire l'endettement des étudiants—et non pour gérer leurs dettes—mesures qui pourraient prendre la forme d'un régime national de subventions. Il devrait mettre de côté son étude sur la faisabilité d'un régime de remboursement des prêts en fonction du revenu, régime qui aurait pour effet d'endetter encore davantage les étudiants et d'augmenter leurs frais de scolarité. Nous demandons au gouvernement fédéral de rétablir le financement des programmes d'emploi d'été à leurs niveaux de 1985, de s'engager à faire passer le chômage chez les jeunes au même taux que celui du chômage dans la population générale d'ici la fin de la présente législature, de concevoir et de mettre en place des politiques pour corriger le sous-emploi des jeunes et la diminution de leur revenu et de créer un conseil consultatif national sur la sécurité économique pour la jeunesse.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lavigne.

Nous allons maintenant entendre le College Institute Educators' Association of British Columbia, représenté par M. Lavalle.

M. Ed Lavalle (College Institute Educators' Association of British Columbia): Merci, monsieur le président.

Le College Institute Educators' Association ou CIEA remercie le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de lui donner l'occasion d'exprimer son opinion. Voilà quatre ans que nous venons rencontrer le comité, et je dois avouer que la seule constante, c'est que l'hôtel n'est jamais le même chaque année. Sinon, je ne crois pas que ces rencontres aient donné grands résultats. Néanmoins, nous avons un témoignage à vous présenter. Notre mémoire comporte six recommandations. Je m'en tiendrai aux principaux éléments.

• 1405

Les membres du comité qui ne connaissent pas le travail des collèges, instituts, agences et collèges universitaires de la Colombie-Britannique trouveront peut-être quelque intérêt à notre mémoire. Nous avons probablement le régime d'éducation postsecondaire le plus élaboré au pays, à l'exception des universités. Je parle aujourd'hui au nom de plus de 85 p. 100 des bibliothécaires et conseillers des facultés de ces établissements.

Permettez-moi de répondre aux deux questions posées par le comité sur le processus de réduction du déficit par le passé et sur les priorités pour l'avenir. Pour répondre à ces questions, il faut d'abord examiner les conséquences du retrait spectaculaire du gouvernement fédéral du financement de l'éducation postsecondaire.

Les paiements de transfert fédéraux consacrés à l'éducation postsecondaire dans notre province ont vu leur valeur passer de plus de 50 p. 100 en 1986 à environ 30 p. 100 aujourd'hui. Tout cela a entraîné divers effets.

Parlons d'abord de son effet sur les étudiants. Il y a un an, le Sun de Vancouver indiquait que l'endettement moyen des étudiants des universités canadiennes était supérieur à celui des étudiants des universités privées des États-Unis, dont les frais de scolarité sont considérablement plus élevés. J'ai étudié cette question hier soir et j'ai constaté que l'endettement moyen correspond à ce que doivent les finissants de l'Université de Yale.

Récemment, un rapport de Statistique Canada montrait qu'une augmentation de cet endettement pourrait nuire à l'accès à l'éducation postsecondaire par suite d'une diminution des emplois et du revenu des familles, d'une augmentation des frais de scolarité, etc. Nous constatons donc qu'un groupe de gens qui pourraient avoir accès à l'éducation postsecondaire s'engageront dans d'autres voies pour éviter de se retrouver trop endettés. Cette situation pourrait être encore pire si l'on adopte des régimes de prêts remboursables en fonction du revenu. En raison de l'intérêt composé, les emprunteurs dont les revenus sont les plus faibles, généralement des femmes, paieront davantage pendant la durée de leur prêt.

Le ministre des Finances, M. Martin, a déclaré hier:

    l'histoire récente nous apprend que l'apprentissage et la formation sont les meilleures armes dont on dispose pour lutter contre ces inégalités. Elles réduisent le phénomène d'exclusion dans l'économie. Elles élargissent la participation. Elles ouvrent des horizons nouveaux.

Tout cela est vrai. Mais en pensant aux réductions effectuées dans les dépenses consacrées à l'éducation, les membres du comité devraient également se demander si le contraire n'est pas également vrai. Les compressions budgétaires dans les domaines de l'éducation et de la formation accroissent l'inégalité, rendent l'économie plus exclusive et réduisent les débouchés.

Pour ce qui est de l'effet sur nos collèges, instituts, agences et collèges universitaires, au cours de la dernière année— et M. Nicholson vous en a déjà parlé—ces établissements ont eu de plus en plus de difficultés à faire leur travail. En juin 1997, comme l'a dit M. Nicholson, on a constaté d'une façon générale que le système était en état de crise.

Je ne répéterai pas les chiffres. Ils sont dans notre mémoire. Toutefois, on dit quelque chose d'intéressant dans ce rapport. D'après le Task Force on Critical Issues,

    Ce portrait

—c'est-à-dire les chiffres que l'on trouve dans le rapport—

    ne tient pas compte de quatre autres importantes caractéristiques du système. Tout d'abord, on ignore l'effet négatif sur l'accès à l'enseignement et la qualité de l'apprentissage qu'ont subi à peu près tous les établissements, à divers degrés.

    Deuxièmement, il ne montre pas les efforts extraordinaires que les établissements ont faits pour respecter les objectifs du gouvernement en matière d'accès et de services aux étudiants et pour répondre à l'évolution des exigences des étudiants qui sont leurs clients. Les établissements ont fait ces efforts alors que, parallèlement, ils absorbaient des augmentations dans leurs coûts de fonctionnement à cause de l'inflation.

    Troisièmement, le portrait ne révèle pas que le régime a épuisé ses ressources et ne peut plus, sans ressources supplémentaires, résoudre les problèmes de finance et d'accès.

    Quatrièmement, il ne parle pas des difficultés financières éprouvées par le gouvernement provincial pour respecter ses engagements à l'égard des étudiants et de leur éducation.

Tout cela, à mon avis, est le résultat direct du programme de lutte au déficit mis en place par le gouvernement fédéral il y a quelques années.

Pour répondre à votre question sur les mesures de réduction du déficit, nous ne pouvons dire qu'une chose: elles ont causé d'énormes difficultés à bien des jeunes, entre autres, qui voulaient poursuivre leurs études. Elles ont imposé un lourd fardeau à un régime assumant déjà de grandes responsabilités en matière de prestations de service et elles ont réduit la capacité de ce régime à fournir des services éducatifs à tous les habitants de notre province.

Notre réponse à votre deuxième question découle de notre réponse à la première. Il faudrait augmenter de façon considérable l'aide fédérale à la formation et à l'éducation au Canada. Si de nouveaux fonds ne sont pas réinvestis dans l'éducation, nous aurons deux problèmes: premièrement, les établissements d'enseignement postsecondaires seront moins en mesure de faire leur travail. Deuxièmement, les Canadiens à faible et à moyen revenu auront moins accès à l'éducation.

• 1410

Où faudrait-il donc investir ces ressources? Il faudrait en premier lieu réinvestir dans l'éducation postsecondaire de façon à ce que le gouvernement fédéral paye de nouveau sa part du financement. En commençant à ramener cette part aux niveaux antérieurs, le gouvernement fédéral indiquerait clairement aux Canadiens l'importance qu'il accorde à l'éducation. Si une telle mesure n'est pas prise, il y a cependant d'autres problèmes à régler.

Tout d'abord, nous proposons que soit créé un programme d'innovation appliquée. La CIEA est en faveur d'un financement accru de la recherche, comme il est proposé dans le document Sustaining Canada As An Innovative Society: An Action Agenda, que votre comité a déjà reçu.

Ce que nous proposons, c'est un programme d'innovation appliquée qui s'intéresse davantage à l'aspect «appliqué» de l'enseignement qu'à la recherche. Entre parenthèses, nos membres constituent la majorité des gens qui, dans notre province, donnent de la formation dans les métiers, de la formation professionnelle et de la formation technique. Ce programme d'innovation appliquée viserait plus particulièrement la formation et l'enseignement dispensés dans nos collèges et dans nos entreprises. On y financerait la conception de cours innovateurs et, de programmes innovateurs d'expérience de travail de même que le perfectionnement professionnel des gens qui enseignent dans le domaine.

Le ministre des Finances a déclaré hier que même le pays le plus axé sur l'apprentissage échouera s'il n'y existe pas la possibilité de développer et d'appliquer les nouvelles compétences acquises dans des milieux de travail innovateurs. Nous croyons que cet aspect «application» de l'innovation n'a pas été suffisamment pris en compte par le gouvernement dans ses programmes actuels, dont la Fondation canadienne pour l'innovation. Un programme d'innovation appliquée permettrait de régler le problème essentiel qui consiste à fournir aux Canadiens les compétences dont ils ont besoin dans les domaines techniques, professionnels, polytechniques et de métier.

D'autres questions ont déjà été abordées, je ne les répéterai pas. Il y a d'autres domaines importants, comme la réduction de l'endettement des étudiants du postsecondaire, dont d'autres orateurs ont déjà parlé.

En outre, nous félicitons le Comité des finances des recommandations qu'il a faites l'an dernier dans le domaine de l'alphabétisation. Nous croyons cependant qu'il reste encore du travail à faire dans ce domaine. Nous vous prions de réclamer encore une fois une augmentation des programmes fédéraux qui favorisent l'alphabétisation. Enfin, nous croyons que les établissements pourraient profiter de programmes fédéraux d'aide aux bibliothèques, à l'acquisition technologique et à l'infrastructure.

Le premier ministre a récemment parlé de l'importance de l'éducation pour les Canadiens, lorsqu'il a annoncé la création du fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire. Comme le disait ma mère, nous ne pouvons pas attendre le prochain millénaire. C'est maintenant que nous avons besoin d'une aide quelconque. Si le Canada veut prospérer durant le prochain millénaire, il faudra investir davantage, plutôt que moins, dans nos ressources humaines. Pour cela, le gouvernement fédéral doit devenir partenaire à part entière dans le soutien de l'éducation postsecondaire au Canada.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lavalle.

Nous entendrons maintenant le représentant de la Confederation of University Faculty Associations, M. Robert Clift. Bienvenue.

M. Robert Clift (directeur général, Confederation of University Faculty Associations of British Columbia): Je suis le directeur général de la CUFABC.

Notre président, le professeur Tony Sheppard, et notre collègue et président de la Canadian Association of University Teachers, le professeur Bill Bruneau, m'accompagnent aujourd'hui pour m'aider à répondre à vos questions. Comme ma connaissance du français est limitée et que mon accent n'est pas très agréable à entendre, le professeur Bruneau répondra aux questions des membres francophones du comité.

C'est la troisième année que notre organisme comparaît devant votre comité, et cette année, nous ressentons un certain optimisme. Il est certain que l'absence de nouvelles réductions au TCSS, la création de la Fondation canadienne pour l'innovation et le fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire annoncé profiteront à l'éducation postsecondaire. Les bonnes nouvelles inattendues que nous a données hier M. Martin nous laissent également espérer que le gouvernement fédéral commencera à réinvestir des sommes importantes dans la recherche sur l'éducation postsecondaire.

Je me dois toutefois d'être franc et de vous dire que la lutte au déficit a fait des victimes dans les universités, les collèges et les établissements d'enseignement canadiens. Vous trouverez dans notre mémoire des chiffres détaillés et un certain nombre d'exemples des difficultés auxquelles ont été confrontées les universités dans notre province. En résumé, les problèmes de nos universités sont concentrés autour des thèmes suivants: la recherche, l'expérience des étudiants et la formation de nouveaux chercheurs.

• 1415

Un rapport publié récemment par Industrie Canada révèle que le Canada accuse un retard par rapport à son principal partenaire commercial, les États-Unis, en ce qui a trait à l'esprit d'invention, à l'innovation et à la recherche. La réduction des budgets des conseils subventionnaires fédéraux a entravé encore davantage notre capacité à combler cette lacune.

Le financement public de la recherche fondamentale et appliquée est encore plus important à la lumière d'une étude qui vient de paraître aux États-Unis et qui révèle que presque les trois quarts, soit 73 p. 100, des rapports de recherche cités à l'appui des demandes de brevets aux États-Unis le sont grâce au financement public des sciences dans ce pays.

Or, alors que les États-Unis ont augmenté leur appui financier aux organismes subventionnaires nationaux—vous trouverez à la fin de notre trousse d'information des tableaux représentant le financement canadien et certaines comparaisons internationales—le Canada, de son côté, a réduit son appui et cherché à diriger le financement qu'il accorde toujours dans des domaines que le gouvernement juge importants.

Or, pensez-y un instant. Le gouvernement décide dans quels domaines les chercheurs canadiens doivent faire preuve d'innovation.

Pardonnez-moi mon scepticisme, mais je ne crois pas que ce soit quelque chose que le gouvernement puisse ou devrait faire. Le gouvernement a un rôle très important à jouer pour ce qui est de promouvoir un climat favorisant les innovations, la nouvelle recherche et les découvertes, mais en décidant dans quels domaines cela doit se faire, il va essentiellement à l'encontre du but recherché, c'est-à-dire l'innovation. Lorsqu'on innove, on ne sait pas nécessairement ce qui s'en vient. Il faut cependant encourager l'innovation.

La raison la plus évidente pour laquelle le gouvernement ne devrait pas décider quels domaines de recherche devraient être financés, c'est que les tendances politiques changent aussi rapidement que les tendances économiques. Comme le faisait remarquer le gourou de la gestion Peter Drucker, la société a besoin d'institutions comme les universités pour protéger ses intérêts à long terme. L'une des fonctions dans les universités, naturellement, est la recherche fondamentale, et on ne retire pas toujours les avantages économiques et sociaux de cette recherche à l'intérieur d'un même cycle économique ou d'un même mandat politique.

Le gouvernement fédéral fait preuve également de cette même vision à court terme dans sa façon d'aborder l'aide financière aux étudiants. Dans une large mesure, les politiques des gouvernements fédéraux successifs ont contribué à augmenter la dette des étudiants qu'on a ensuite tenté de rendre plus facile à gérer. Il nous semble qu'une solution à plus long terme serait d'éviter cette dette au départ. Brad a longuement parlé de cette question, de sorte que je n'en dirai pas plus.

Comme Brad l'a également souligné, l'expérience des étudiants en salle de classe est loin d'être agréable à cause des années successives de réduction du financement fédéral.

Hier encore, j'ai reçu un courrier électronique d'un membre de la Faculté de l'économie de l'Université Victoria. Il me signalait qu'à cause du manque de financement et des pressions accrues pour augmenter le nombre d'étudiants dans l'établissement, toutes les classes d'économie de première et de deuxième années ont été comprimées en une énorme classe. Les étudiants ne peuvent plus développer leurs aptitudes à écrire et à faire preuve d'esprit critique grâce à la rédaction de dissertations car il n'y a simplement pas suffisamment de temps et d'argent pour les corriger.

Pour les troisième et quatrième années du premier cycle et pour le deuxième cycle universitaire, la Faculté a tout simplement supprimé les cours à option. Il y a des matières qu'on ne peut plus étudier à la Faculté d'économie politique de Victoria en raison de ces coupures au niveau du financement.

Ce membre du corps professoral disait que les étudiants obtiendront quand même le même diplôme, mais que le contenu sera plus faible. On donne tout simplement un plus grand nombre de diplômes, mais on ne produit pas une société plus érudite.

Cette restriction des dépenses a non seulement compromis notre capacité à faire de la recherche et à servir les étudiants aujourd'hui, mais elle menace également notre capacité à faire de la recherche à l'avenir. Nous craignons que les meilleurs et les plus brillants diplômés universitaires renoncent à faire des études poussées dans des universités de deuxième cycle qui pourraient les préparer à une carrière dans le domaine de la recherche. Avec raison, ils ne sont tout simplement pas prêts à s'endetter davantage et à payer des coûts encore plus élevés sous forme de salaires perdus pour poursuivre une carrière dont l'avenir est incertain.

Pourtant, le secteur public et le secteur privé ont besoin de chercheurs, et si l'on en croit ceux qui font les pronostics, nous avons besoin d'un plus grand nombre.

Pour nous, les solutions sont vraiment très simples. Ce sont essentiellement les mêmes solutions que nous avons proposées à votre comité et au gouvernement fédéral au cours des années passées. Le gouvernement fédéral doit augmenter son appui financier à l'éducation postsecondaire et aux conseils subventionnaires nationaux.

Nous savons que ces propositions ne sont pas en vogue, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas bonnes. Nous n'avons pratiquement plus aucune souplesse dans le milieu de la recherche en éducation postsecondaire.

Étant donné que nous n'avons pas ce financement de base pour les subventions pour dépenses courantes que les établissements peuvent aller chercher, nous ne pouvons plus avoir ces petits montants pour, par exemple, financer un diplômé prometteur ou offrir une autre bourse à un étudiant de premier cycle qui est dans le besoin, ni avoir ces petits montants supplémentaires qui sont nécessaires pour permettre à l'établissement et à la province d'obtenir une subvention de recherche privée ou un contrat.

Les membres du corps professoral et les étudiants paient littéralement de leur propre poche notre système d'éducation postsecondaire public, et nous en arrivons au point où ils abandonneront tout simplement. Un membre du corps professoral en ingénierie, encore une fois à l'Université de Victoria, m'a signalé la semaine dernière qu'ils avaient récemment perdu trois jeunes et brillants professeurs car ils pouvaient trouver un meilleur appui à leur recherche et à leur enseignement ailleurs. Dans un cas, nous avons perdu un ingénieur informatique prometteur qui est parti en Europe. Cette personne a non seulement quitté le pays, mais aussi le continent.

• 1420

Si votre comité et le gouvernement se sentent obligés de continuer à restreindre le financement aux petites initiatives, alors nous avons dans notre mémoire trois propositions détaillées auxquelles nous accorderons notre appui. Votre comité, s'il ne les a pas déjà entendues, en entendra parler d'autres organisations. Je ne m'étendrai pas trop longtemps sur la question; vous trouverez tout cela dans notre mémoire.

Je dois ajouter que nous ne pensons pas que ces propositions régleront de façon adéquate les problèmes que nous avons soulevés dans notre mémoire. Il est clair que nous devons injecter davantage de fonds dans notre système d'éducation postsecondaire si nous voulons survivre. S'il faut qu'il en soit ainsi, alors tant pis.

Merci. J'attends vos questions avec impatience.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Clift. Nous allons maintenant entendre le représentant de la Private Career Training Association, M. Gordon Mulligan.

M. Gordon Mulligan (représentant, Private Career Training Association of British Columbia): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie le comité d'avoir invité la Private Career Training Association. C'est important peut-être pour avoir un point de vue un peu différent.

Je sympathise un peu avec mes confrères du secteur public qui s'occupent de l'éducation de nos citoyens. J'ai passé quelques heureuses années dans cet environnement, et j'ai trois enfants qui fréquentent actuellement le système public.

Cependant, j'aimerais offrir un point de vue qui est peut-être un peu différent. Il est peut-être même un peu banal, mais je vais tenter de vous l'expliquer.

Étant formateur professionnel privé, je traite personnellement avec des particuliers de façon quotidienne. Nous tentons souvent de les aider à réorienter leur carrière. Nous avons des étudiants qui sont au début de la vingtaine, mais nous en avons d'autres qui ont travaillé pendant un certain nombre d'années et qui se sont recyclés parce qu'ils avaient des problèmes de santé ou parce qu'ils avaient été licenciés après 20 ans et n'avaient aucune formation en informatique, et ce genre de choses.

J'espère offrir le point de vue non seulement des formateurs qui travaillent pour des petites et moyennes entreprises, mais aussi celui des gens mêmes avec qui nous traitons quotidiennement et qui veulent trouver un emploi ou réintégrer le marché du travail.

En ce qui a trait à la première question qu'on nous a demandé d'aborder, la réduction du déficit, permettez-moi d'offrir le point de vue suivant: nos entreprises ne pourraient survivre si on visait constamment le déficit. À notre avis, et vous trouverez peut-être cela banal, l'attitude qui serait de loin préférable serait de vouloir accumuler des surplus puisque nous sommes en fait très près d'atteindre un surplus actuellement. J'ai été heureux d'entendre ce qu'a dit le ministre hier à ce sujet. Il est important pour nous dans ce que nous faisons tous les jours de reconnaître qu'il y aura toujours des problèmes de manque à gagner pour diverses raisons.

Nous remarquons également, en tant que contribuables, que la limite pour atteindre le surplus a considérablement profité des taux d'intérêt peu élevés jusqu'à présent. Cependant, nous prévoyons que les taux d'intérêt vont augmenter, ce qui à son tour affectera l'élément intérêts du budget et cela risque de freiner le succès que nous avons connu jusqu'à présent. À notre humble avis, il est nécessaire de viser un surplus encore plus élevé, et de continuer.

Malgré tout cela, pour faire écho aux observations de mes collègues ici aujourd'hui, je dirai moi aussi qu'il est important d'investir dans la formation, dans les subventions et dans les garanties d'emprunt et dans les capitaux de démarrage pour la recherche, pour faire en sorte que le Canada soit un pays concurrentiel sur le marché mondial, avec des contribuables qui peuvent payer davantage d'impôts.

Nous avons un petit problème auquel nous devons faire face quotidiennement parce que nos étudiants doivent pouvoir obtenir une aide financière dans certains cas. Dans le cadre d'un programme, les fonds fédéraux pour la formation sont passés aux provinces. Ce n'est pas toujours facile à déterminer. Nous avons connu une situation où la transition n'était pas vraiment claire, pourtant nous constatons qu'il y a du double emploi dans les services de même qu'un certain manque de communication entre les deux paliers de gouvernement.

Le problème, en fin de compte, c'est qu'il y a des gens qui viennent me voir et qui me disent ne pas savoir à qui s'adresser. Auparavant, ils pouvaient s'adresser à un tel au gouvernement fédéral, mais aujourd'hui ils n'ont aucune idée de ce qu'ils doivent faire. Ce problème mérite donc notre attention. Nous ne nous opposons pas au fait qu'il y ait un transfert, mais ce qui nous pose un problème, c'est la façon dont le transfert se fait.

• 1425

En ce qui a trait à l'avenir et aux priorités, bien que, comme tout le monde, je serais heureux d'avoir une réduction de mes impôts, je reste convaincu que ce qui est important, c'est le taux d'intérêt et son impact sur le déficit et la réduction de la dette.

Nous avons songé à une idée que nous voulons vous proposer. C'est dans vos notes d'information. En termes simples, lorsque la TPS a été introduite, on nous a dit qu'elle permettrait de réduire le déficit et la dette. En d'autres termes, on nous a dit qu'il y avait un lien direct entre les deux et qu'en tant que citoyen, lorsque je paie la TPS, je participe en fait à la réduction de la dette.

En réalité, la TPS semble avoir disparu des recettes générales. Nous croyons que si on lui donnait de nouveau une plus grande visibilité... si une partie de chaque dollar que je verse en TPS contribuait à réduire la dette, et c'est ce qui se passe effectivement, les citoyens participeraient à la prise de décision.

Par ailleurs, nous disons que lorsqu'on aurait atteint un certain objectif de la réduction de la dette, les citoyens devraient recevoir une récompense—en d'autres termes, une réduction du pourcentage de la TPS. En fait, nous sommes d'avis qu'il serait préférable de réduire la TPS plutôt que de réduire l'impôt sur le revenu car une telle réduction profiterait aux citoyens à faible revenu, du moins proportionnellement.

Je vous ai également apporté un livret préparé par la Canadian Coalition of GST Exempt Service Providers, dans lequel il est dit que nous, les collèges privés, mais d'autres également, notamment les garderies et les foyers pour les personnes âgées et les invalides qui sont administrés par le secteur privé et qui doivent offrir des services sans faire payer la TPS, devons néanmoins assumer 100 p. 100 de nos dépenses en TPS, contrairement à nos confrères des collèges publics qui bénéficient d'une exemption de 67 p. 100 pour ces dépenses.

Nous sommes très actifs dans les domaines de l'emploi et de la santé. Nous demandons au comité d'essayer tout au moins de rendre les règles du jeu plus équitables dans la façon dont nous fournissons ces services.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté tous les mémoires, et je vous remercie d'être venus aujourd'hui. J'ai quelques commentaires et une question.

Premièrement, j'aurais un commentaire sur une remarque faite par M. Lavigne au sujet des écoles privées de cette province qui, d'après lui, offrent une éducation de qualité inférieure. Je ne suis pas du tout d'accord.

Je ne comprends pas comment vous pouvez dire cela. Les statistiques montrent qu'en moyenne les étudiants des écoles privées de cette province—et de ce pays—ont des notes plus élevées que les finissants des écoles publiques. Je voulais que cela soit clair.

Deuxièmement, j'aimerais vous assurer que personnellement je suis assez préoccupé par certains aspects du système d'éducation au Canada. Mais c'est probablement au sujet des étudiants que je m'inquiète.

Je sais que certains étudiants se retrouvent avec une énorme dette une fois leurs études postsecondaires terminées. Bien sûr, je n'aime pas qu'un jeune Canadien commence sa carrière avec un tel fardeau sur les épaules.

Je sais que le gouvernement actuel et les gouvernements antérieurs ont coupé dans l'éducation. On devrait trouver un moyen de rétablir le financement.

Toutes vos présentations avaient une chose en commun, sauf peut-être celle de M. Mulligan, qui nous a donné un point de vue un peu différent. J'ai l'impression que vous considérez le manque d'argent comme étant le principal problème. Vous considérez que la plupart de vos difficultés seraient résolues si vous aviez plus d'argent. J'ai donc une question là-dessus.

• 1430

Il faut bien analyser le système d'éducation dans ce pays et dans les provinces. Comparativement aux pays avec lesquels nous sommes en concurrence, nous dépensons plus d'argent par étudiant pour instruire nos jeunes. Mais très souvent, les notes moyennes de nos étudiants sont beaucoup moins élevées que celles obtenues par les étudiants d'autres pays, par exemple le Japon, la Suisse ou l'Allemagne. Nous dépensons à peu près 6 000 $ par étudiant par an, pour le primaire et le secondaire. Au Japon, je crois que ce montant représente à peu près 4 000 $ par étudiant. Mais, leurs notes moyennes à la fin de leurs études sont beaucoup plus élevées que celles des étudiants au Canada, surtout des étudiants de cette province.

Comment pouvons-nous expliquer cela? Comment expliquer que même si au Canada et dans cette province on dépense plus pour l'éducation, nos jeunes finissent quand même l'école avec, en moyenne, des notes inférieures à celles des étudiants des pays qui sont nos concurrents? Mettons de côté les contraintes budgétaires— le système a peut-être aussi ses problèmes et il faudrait peut-être revoir la façon dont nos étudiants reçoivent leur éducation.

J'aimerais entendre vos commentaires. On peut commencer d'un côté ou de l'autre.

Le président: Nous avons à peu près trois minutes pour répondre à la question. Tout le monde n'aura pas l'occasion de répondre, mais vous aurez d'autres questions.

M. Dick Harris: Alors peut-être qu'on adressera la question au groupe venant de la Colombie-Britannique, le groupe de M. Lavigne, et ces deux groupes-là. Excusez-moi, mais je n'ai pas tous vos mémoires.

M. Rick Beardsley: Je serai heureux de répondre à la question ou au moins de faire quelques commentaires à ce sujet.

Vous avez comparé les dépenses en éducation au Canada et au Japon, et vous avez établi une corrélation avec la performance des étudiants. D'après moi, nous ne dépensons pas vraiment plus que le Japon. Il y a quelques années, j'ai passé quelque temps au Japon, avec une bourse de la Fondation du Japon, pour étudier leur système. D'après moi, leur niveau de dépenses est sous-estimé dans les documents internationaux. Les documents de leur propre ministère de l'Éducation indiquent qu'ils dépensent à peu près 6,3 p. 100 du PIB, tandis que nous dépensons 7 p. 100. Mais leur population est plus âgée que la nôtre et ils ne dépensent donc probablement pas beaucoup moins que nous par étudiant.

Il faudrait tenir compte des différences culturelles, les attitudes des parents envers l'éducation, et des sommes d'argent que ces derniers y consacrent—pas nécessairement pour envoyer leurs enfants dans des écoles privées, même si 25 p. 100 des étudiants de cycle supérieur au niveau secondaire au Japon vont dans des écoles privées—mais les sommes que les familles dépensent en frais de tutorat et pour envoyer leurs enfants dans les juku ou écoles de préceptorat. En d'autres mots, ils ne s'attendent pas à ce que le système d'éducation publique remédie aux problèmes comme les difficultés d'apprentissage, ou enseigne le japonais comme deuxième langue, etc. C'est la famille et non le public qui assume bon nombre de ces responsabilités.

J'ai demandé à un professeur de l'Université Ochanomizu à Tokyo d'estimer les dépenses réelles en éducation. D'après lui, si on prend en compte les sommes dépensées par les familles, cela représente à peu près 13 p. 100 du PIB. Et si vous demandez aux familles japonaises d'indiquer à quel niveau elles se situent dans l'échelle socio-économique, 90 p. 100 se considèrent de classe moyenne. Mais leurs revenus sont relativement élevés.

Pour ce qui est de la performance, nous entendons toutes sortes d'anecdotes—surtout des diplômes de nos programmes d'ingénierie—relatant que nos ingénieurs savent bien mieux résoudre les problèmes que les leurs. Ils envisagent d'engager des étudiants de nos universités et de nos écoles techniques dans le contexte d'un programme coopératif. Ma famille en a fait l'expérience avec mon neveu qui est allé faire un stage avec Toshiba.

• 1435

L'été passé, j'étais au Japon. Le gouvernement japonais a annoncé une énorme réorganisation de son système d'éducation. Ils vont combiner le cours moyen et l'école secondaire, pour avoir un système continu de la septième à la douzième. Cela éliminera les examens qui causaient tant de problèmes. Mais même si les Japonais ont obtenu d'assez bons résultats du côté technique, ils perçoivent des lacunes du côté de la créativité. C'est donc un problème très très complexe.

Merci.

Le président: Des réponses et des questions courtes, s'il vous plaît.

Monsieur Lavigne, la parole est à vous.

M. Brad Lavigne: Commencez par la CIEA. Je suis encore en train de rédiger mes notes.

Le président: Ah oui? Vous nous les enverrez par la poste?

M. Ed Lavalle: Je répondrai très brièvement. Les questions de M. Harris sur les coûts portaient principalement sur le système à partir de la maternelle jusqu'à la douzième année.

Pour ce qui est du postsecondaire, si je me souviens des chiffres de l'OCDE, nous nous situons à peu près au milieu. Mais c'est un peu compliqué, parce que les Américains investissent un pourcentage très élevé du PIB. De plus, le système postsecondaire est dominé par des institutions privées très dispendieuses.

Du côté de la formation, nous investissons un pourcentage faible du PIB. Pour ce qui est des contributions faites par les entreprises à la recherche dans les institutions de formation, notre pourcentage est même très bas. Les chiffres sont donc très différents. Ça dépend d'où on regarde. Mais nous ne sommes pas cher, et nos résultats sont assez bons, surtout dans le postsecondaire.

Pour ce qui est des leçons privées et des notes, je ne sais pas si vous disiez que leur qualité est inférieure. Je ne sais pas si elle l'est; je sais seulement qu'en Colombie-Britannique, il y a à peu près 1 000 institutions de formation enregistrées, mais moins de 100 ont été accréditées. L'accréditation est très importante, parce qu'elle permet à une institution d'être intégrée de façon harmonieuse dans le système d'éducation postsecondaire actuel.

Le président: En conclusion, est-ce que quelqu'un aurait un bref commentaire?

M. Brad Lavigne: Ed a mentionné les institutions privées. Je ne voulais absolument pas influencer quelqu'un qui offre de la formation privée au niveau collégial. Ce n'était pas notre intention du tout.

Personne jusqu'ici n'a avancé l'idée que tous nos problèmes seraient résolus si on avait plus d'argent. Ce n'est pas ça que nous croyons. Il y a beaucoup d'autres choses qu'il faut faire. Néanmoins, si on rétablit une partie du financement perdu, nous pourrions commencer à résoudre quelques-uns des problèmes causés par les compressions budgétaires.

Le système manque de fonds, et il y a des limites à ce qu'on peut faire sans qu'il y ait un impact sur la qualité et sur d'autres aspects importants. Donc l'argent seul ne suffit pas pour résoudre tous les problèmes, mais un peu plus d'argent aiderait certes à réparer une partie des dégâts que les coupures ont causés.

M. Dick Harris: Je voulais simplement signaler qu'à mon avis, on peut aborder le problème de deux façons. Mis à part le fait que l'on peut augmenter légèrement le financement, le système d'éducation lui-même a beaucoup de pain sur la planche pour mettre de l'ordre dans ses affaires.

Le président: D'accord. Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je vais identifier tout de suite les deux intervenants à qui je vais poser la même question. Elle s'adresse à M. Brad Lavigne, de la Fédération des étudiants canadiens, et à M. Rick Beardsley, de la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique.

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'éducation est de compétence provinciale et qu'au cours des dernières années, depuis que le gouvernement libéral est au pouvoir, on a procédé à des coupures draconiennes à l'endroit des provinces. Vous êtes tous d'accord pour dire que cette politique a largement pénalisé tout le système d'éducation.

Hier, le ministre Paul Martin a annoncé des surplus prévisibles et j'aimerais connaître votre position là-dessus. Ne croyez-vous pas que M. Martin devrait commencer par payer des redevances aux provinces au lieu de créer de nouveaux problèmes qui vont empiéter encore une fois dans un champ de compétence provinciale?

[Traduction]

M. Brad Lavigne: Notre organisme propose une solution à deux volets pour regarnir les coffres: premièrement, augmenter les transferts aux provinces par le biais du Transfert social canadien et, deuxièmement, instaurer des mécanismes pour s'assurer que les fonds destinés à l'enseignement postsecondaire sont effectivement consacrés à l'enseignement postsecondaire.

• 1440

Au sujet de la seconde idée, celle d'avoir des programmes distincts, dans les domaines où le gouvernement fédéral a déjà des programmes, comme le programme de prêts aux étudiants, nous ne pensons pas qu'il conviendrait d'en créer de nouveaux. À notre avis, on ne devrait pas modifier de fond en comble le mécanisme de remboursement prévu dans le programme de prêts aux étudiants. C'est un programme dont les provinces peuvent se retirer, comme l'ont fait le Québec et les Territoires du Nord-Ouest.

Il y a donc des cas où une augmentation du financement direct aux provinces serait avantageuse pour nos membres et d'autres où nous préconisons une contribution directe du gouvernement fédéral. Mais chaque fois que nous mentionnons le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, nous nous faisons un point d'honneur de signaler le caractère distinct ou unique du Québec, ainsi que des Premières nations.

M. Rick Beardsley: À mon avis, la restauration du financement pour l'enseignement postsecondaire contribuera à atténuer les pressions qui s'exercent sur le système à partir de la maternelle jusqu'à la douzième année.

Quant au financement de ces programmes par le gouvernement fédéral, ce qui nous préoccupe surtout pour le moment c'est d'atténuer le problème lié à la question de l'anglais langue seconde.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: La proposition de M. Mulligan de réduire graduellement la TPS en guise de mesure initiale pour aider financièrement les personnes les plus démunies m'a bien plu.

Je tiens aussi à dire à M. Lavalle que votre programme d'innovation appliquée m'apparaît une très bonne idée compte tenu des besoins et de la nécessité de complémenter les programmes existants qui ont été annoncés. Je vous félicite de cette recommandation.

Ma question s'adresse à MM. Lavalle et Lavigne. Hier, M. Martin a parlé longuement de l'accès à la formation et à l'éducation, ce qui est vraiment au coeur de notre discussion. Il me semble qu'il y a quelques années, notre société a décidé que la douzième année constituait le niveau de scolarisation minimal pour apporter une contribution valable en tant que citoyen et, par conséquent, nous avons financé ces années de scolarité par le biais du fisc pour assurer l'accès universel. Nous sommes certainement tous d'accord pour dire que de nos jours, une douzième année ne suffit plus, qu'il faut que les jeunes fassent des études plus poussées pour pouvoir ultérieurement jouer un rôle pertinent.

Le moment ne serait-il pas opportun pour le gouvernement fédéral de faire preuve d'initiative et d'offrir aux gouvernements provinciaux, en guise de soutien à l'accès à l'enseignement postsecondaire, de payer la note pour les frais de scolarité pour les étudiants? Ainsi, les frais de scolarité ne constitueraient plus un obstacle.

Ce n'est pas là une idée nouvelle. De nombreux pays ont opté pour cette solution. Pourquoi n'aurions-nous pas cette audace? Y a- t-il quelque chose qui m'échappe? Un modeste programme de prêts ici, une augmentation de subventions là, ou encore des bourses d'études, tout cela me semble être des mesures bien timides. Pourquoi ne pas faire preuve d'audace et emboîter le pas aux pays X, Y, Z qui ont opté pour cette solution?

Monsieur Lavalle, j'aimerais que vous me répondiez au nom des professeurs et M. Lavigne, au nom des étudiants.

M. Ed Lavalle: Je n'aurai aucune difficulté à vous répondre, monsieur Riis. Je suis tout à fait d'accord avec vous. En fait, je n'exprime pas la position de mon organisme, mais j'irais encore plus loin. Lorsque j'étais jeune étudiant, j'ai fait un pèlerinage au Québec, parce que c'était là que se trouvait le mouvement étudiant le plus avant-gardiste. À mon retour, nous avons voulu manifester en faveur de ce qu'on appelait les prêts scolaires. Nous voulions non seulement qu'il n'y ait pas de frais de scolarité, mais aussi que les jeunes touchent un salaire. Cela créerait certainement l'égalité des chances. C'était évidemment un rêve de jeunesse. Aujourd'hui, je rêve que l'on restaure le financement des programmes établis et que l'on abolisse les frais de scolarité. Je pense que cela contribuerait vraiment à démocratiser notre système.

L'un des principaux obstacles à la poursuite d'études postsecondaires est le fait que les étudiants doivent payer des frais de scolarité relativement élevés comparativement à leurs collègues européens, par exemple. Ils doivent s'endetter. Je pense que les gens ne comprennent pas à quel point l'endettement peut avoir un effet psychologique négatif sur un étudiant à faible revenu ou, si vous me permettez de le dire, un étudiant issu de la classe ouvrière. Plus on peut payer d'avance, plus le prêt est remboursé rapidement et mieux on s'en porte. Évidemment, l'abolition des frais de scolarité éliminerait cette nécessité.

M. Brad Lavigne: L'un des objectifs les plus anciens du mouvement étudiant au Canada, qui remonte à la fin des années 1920, est d'assurer l'accès universel à l'éducation, cet accès étant fondamentalement différent de l'inscription. À mesure que les frais de scolarité ont augmenté, il en a été de même pour les inscriptions, mais il existe une différence fondamentale entre les inscriptions et l'accès.

• 1445

Il y a environ deux semaines, la Fédération canadienne des étudiants a publié un document intitulé A Blueprint for Access: A Strategy for Change. On y énonce les mesures que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourraient prendre pour assurer l'accès à tous les Canadiens. L'un des principaux moyens préconisés est la suppression des frais d'utilisation initiaux, outre la mise en oeuvre d'un système national de subventions.

Pour en revenir à ce que vous disiez, monsieur Riis, ce sont la plupart des pays d'Europe occidentale qui n'imposent pas de frais d'utilisation initiaux. L'Irlande vient de les abolir en 1995. On y appliquait approximativement les mêmes frais qu'ici, compte tenu du taux de change du dollar.

Au Québec, il n'y a pas de frais d'utilisation pour les deux premières années au niveau du cégep. En outre, on trouve au Québec les frais de scolarité les plus bas au pays pour les trois années subséquentes à l'université. Le Québec affiche aussi le taux de participation le plus élevé. Les statistiques montrent que l'accès y est meilleur que dans d'autres régions du pays. Cela est attribuable aux mesures qui sont en place.

Vous avez raison, cela ne coûterait pas tellement cher. Si nous prenons un pourcentage du produit intérieur brut et que nous le comparions aux frais d'utilisation, ces derniers ne représenteraient qu'une fraction du PIB total. À l'heure actuelle, les frais de scolarité s'élèvent à 2,2 milliards par an. En comparaison de notre PIB, c'est minuscule si l'on considère le coût lié à ce pas dans la bonne direction. Comme Ed l'a dit, cela serait un début pour assurer l'égalité des chances.

Dans le cadre du système actuel, où il y a des frais élevés d'utilisation—, ces frais sont en moyenne plus élevés que dans le système public aux États-Unis, de telle sorte que nous avons deux types de diplômés. Il y a ceux qui viennent de familles aisées et qui obtiennent leur diplôme sans s'endetter, et ceux qui sont issus de familles à faible et moyen revenu qui finissent leurs études avec une montagne de dettes et qui ne s'en remettent jamais. Même s'ils obtenaient les mêmes emplois au bout du compte, les étudiants endettés ne rattraperaient jamais leurs collègues nantis. Nous sommes donc tout à fait d'accord avec les propositions à long terme de la Fédération canadienne des étudiants et nous prendrons les dispositions nécessaires pour que vous obteniez un exemplaire de notre document.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci beaucoup.

Je ferai une brève observation au sujet des frais d'utilisation. D'ailleurs, quelqu'un m'en a parlé l'autre jour. Je pense que c'est une idée admirable, mais il faudrait assortir cela de certaines mises en garde, notamment de l'obligation de réussir ses cours. Un étudiant qui échouerait serait écarté et n'aurait pas droit à l'éducation gratuite. Il faudrait mettre en oeuvre des normes nationales rigoureuses pour s'assurer que les étudiants bénéficiaires réussissent leurs études. Je pense qu'il vaudrait la peine d'examiner cette idée, mais un tel programme ne saurait être accessible à tous.

J'ai entendu la même chose que M. Harris, soit que le problème serait réglé si seulement vous aviez davantage d'argent. Supposons qu'il n'y ait pas d'argent additionnel pour régler le problème. Y a-t-il des solutions de rechange à l'enseignement en salle de classe? J'ignore qui pourrait s'en charger, mais pourriez-vous nous dire comment nous pourrions élargir cela? L'éducation ne se limite pas à aller à l'université ou à faire des études postsecondaires. Nous sommes en situation d'apprentissage toute notre vie. Une personne sera appelée en moyenne à changer de carrière et à se recycler six ou sept fois au cours de sa vie professionnelle. Y a-t-il des façons de dispenser l'enseignement aux gens autrement que dans la classe traditionnelle?

M. Ed Lavalle: Il y en a, et nous y faisons appel maintenant. Dans le système des agences et des instituts collégiaux, nous offrons une formation dans les métiers, une formation en milieu de travail, une formation de placement coopératif, mais tout cela coûte aussi de l'argent. Ainsi, nous n'avons pas de taxe de formation, les employeurs n'investissent pas beaucoup dans la formation, mais ils s'attendent des établissements publics qu'ils livrent la marchandise. Les établissements publics en Colombie-Britannique—c'est-à-dire les collèges, les instituts et les agences—ont commencé à offrir ce genre de formation. Outre la formation appliquée, dont une partie est propre à l'emploi et qui permet au bénéficiaire de pouvoir toucher un revenu, il faut que l'étudiant puisse compter sur diverses méthodes de soutien, outre des professeurs compétents et un environnement propre à l'apprentissage.

L'une des meilleures façons d'offrir de la formation à l'extérieur de la salle de classe, ou avec une partie minimale en salle de classe, est la formation en apprentissage. Encore là, il faut des fonds. En fait, la Colombie-Britannique a été très durement touchée par le retrait du gouvernement fédéral du secteur de l'apprentissage. Ce dernier a réduit le montant des subventions aux chômeurs ou des prestations d'assurance-emploi offertes aux apprentis, sans compter qu'il a aussi diminué sa contribution financière à la formation en apprentissage.

• 1450

Nous sommes donc touchés non seulement dans le volet officiel, dans ce qu'on considère être l'enseignement universitaire traditionnel, mais aussi dans tout le continuum de l'éducation et de la formation dans la province. L'année dernière, nous avons subi des compressions de 55 millions de dollars uniquement dans ce secteur.

M. Jim Jones: Je voulais plutôt savoir ce que vous pensez d'une formation universitaire qui serait offerte sur l'Internet.

M. Ed Lavalle: Les coûts d'infrastructure d'un tel cours sur l'Internet—et je vois que Neal souhaite répondre à cette question—sont étonnamment élevés. Je vais laisser quelqu'un d'autre répondre.

M. Neal Nicholson: Je travaille dans le secteur collégial depuis un peu plus de quatre ans seulement. Je trouve remarquable le niveau de collaboration entre les enseignants, le personnel et les administrateurs dans cette recherche de méthodes de rechange dont vous parlez. L'Internet en est sans doute l'exemple le plus courant.

Malheureusement—et je pense que c'est pourquoi vous avez tous choisi de siéger à ce comité—, tout cela revient au bout du compte à une question d'argent, de coût par rapport aux avantages. Il faudra dépenser pour élaborer un programme de cours révisé et trouver les méthodes qui conviennent pour l'appliquer.

J'apporterai un argument que je m'attends à entendre dans la bouche de Ed ou de M. Clift. En bout de ligne, il est très difficile de trouver une solution de rechange satisfaisante à l'interaction entre le professeur et l'étudiant. Je pense que c'est de cette façon que j'ai le mieux appris.

Néanmoins, j'estime que le système a déployé des efforts considérables pour explorer des solutions de rechange, et nous sommes disposés à aller encore plus loin. Nous voulons aller aussi loin que possible, mais nous ne voulons pas sacrifier la qualité pour autant.

M. Robert Clift: Si l'on veut créer une université fondée sur l'Internet et qu'on veut bien faire les choses, il faudra faire des déboursés. Quelqu'un devra revoir le matériel pédagogique et le tenir à jour.

En fait, toute «ancienne» qu'elle soit, la méthode du cours magistral est très souple. Supposons que le conférencier, le chargé de cours ou le professeur de la classe lise le journal ce matin et apprenne que le Comité fédéral des finances est en ville. Si cela peut servir de toile de fond au sujet qu'il entend aborder dans sa classe d'économie plus tard ce jour-là, il peut s'en servir.

La personne qui montera le cours en ligne peut ensuite faire des changements. C'est littéralement comme publier un livre ou un magazine chaque fois qu'on voudra modifier un cours. Bien que cela puisse être avantageux—cela offre beaucoup plus de souplesse à l'étudiant, en ce sens qu'il peut ensuite s'approprier ce livre, ce magazine, ou cette page web de l'Internet—, le matériel pédagogique n'en demeure pas moins fixé dans le temps, il n'est plus aussi souple ou réceptif. Pour les étudiants qui apprennent mieux dans un contexte d'interaction personnelle, ils n'obtiendront pas cela grâce à ces méthodes.

À mon avis, les nouvelles technologies de communication ont beaucoup à offrir dans le domaine de la formation récurrente. Une fois que les gens ont acquis une formation de base, qu'il s'agisse d'un métier professionnel ou d'un bagage universitaire, une fois que nous avons pu les préparer à apprendre, ces nouvelles technologies les aideront énormément à se former eux-mêmes et à acquérir un nouveau savoir.

On n'a pas encore réussi à prouver que ces technologies peuvent remplacer cette première étape cruciale.

Le président: Merci, monsieur Clift. Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il va sans dire que je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Harris tout à l'heure et, certainement avec les propos que vient de tenir M. Jones. On souhaite un meilleur financement de l'éducation. Personne n'a encore précisé quelles sommes seraient nécessaires pour offrir un système que vous jugez satisfaisant, le genre de système que vous aimeriez voir au Canada. J'aimerais aussi entendre une réponse à la question de savoir comment mesurer le rendement ou le succès d'un investissement accru dans le domaine de l'éducation.

De façon plus précise, je voudrais savoir quels nouveaux investissements stratégiques ou quels changements au régime fiscal s'imposent pour répondre à ce que vous estimez être les besoins en éducation. Cela est très important pour nous qui devons établir les priorités à l'intention du comité.

• 1455

Je voudrais aussi revenir sur ce qu'a dit M. Gibson au cours de son exposé ce matin. Selon lui, le rôle du gouvernement fédéral devrait être d'évaluer les résultats à l'échelle nationale, voire appliquer le critère des meilleures pratiques à l'éducation d'un bout à l'autre du pays plutôt que dans chaque province.

Mon collègue du Québec a fait remarquer que le gouvernement fédéral avait constamment empiété dans ce champ de compétence qui relève des provinces. Je voudrais bien que vous me disiez comment le gouvernement fédéral peut continuer à jouer dans le domaine de l'éducation un rôle d'envergure sans prêter le flanc à des accusations d'ingérence.

Je voudrais aussi signaler ce qui suit. Étant donné que nous sommes en Colombie-Britannique et qu'on s'est beaucoup plaint de ce que les compressions et les transferts du gouvernement avaient nui au secteur de l'éducation—je suis d'ailleurs convaincu qu'il n'y a pas consensus à ce sujet autour de la table—, je veux simplement signaler que le déclin subi par la Colombie-Britannique à la suite de réductions dans le Transfert social canadien équivaut à 1 p. 100 des revenus de la province.

En outre, à la suite de l'annonce récente de la suppression de coupures annoncées, la Colombie-Britannique récupérera 800 millions de dollars au titre du Transfert social canadien sur cette période de cinq ans. Je suis sûr que nous espérons tous que cette somme sera réinvestie dans l'enseignement postsecondaire.

Monsieur Clift, vous voudrez peut-être commencer en précisant quels investissements stratégiques ou quelles orientations fiscales nous devons prendre pour réaliser ces objectifs.

M. Robert Clift: Malheureusement, j'ai laissé mon exemplaire chez moi. Si le comité ne l'a pas encore reçu, il recevra sous peu un exemplaire du document dont M. Lavalle a parlé plus tôt, intitulé «Sustaining Canada as an Innovative Society: An Action Agenda».

Dans ce document, qui est essentiellement le fruit d'une collaboration entre l'Association des universités et collèges du Canada et l'Association canadienne des professeurs d'université, on rapporte un certain nombre d'initiatives spéciales à l'appui de la formation en R et D au niveau national. Malheureusement, j'ai oublié ma copie à la maison, ce qui fait que je n'ai pas les chiffres en question sous les yeux.

Ce document comporte, dans un troisième volet, un plan spécifique de restitution des fonds aux organismes subventionnaires nationaux, ce qui aurait pour effet—si je ne me trompe, auquel cas Bill me reprendra sur ce point—d'augmenter ces fonds d'environ 60 p.100, et ce pour une période de cinq ans.

Mais je vois que quelqu'un a un exemplaire de ce document, et je vais donc pouvoir vérifier.

En 1997-1998 le Conseil des recherches médicales du Canada, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie et le Conseil canadien de recherches en sciences sociales ont reçu un total de 759 millions de dollars de fonds de soutien à la recherche et aux étudiants diplômés.

Aux termes de la proposition contenue dans ce document d'information la somme totale atteindrait, en 2001-2002, 1,145 milliard de dollars, soit une augmentation d'un peu moins de 400 millions de dollars.

Comme il s'agit d'un document de compromis, ce chiffre nous paraît quelque peu modéré, mais une telle somme nous permettrait, dans une grande mesure, de résoudre les problèmes que l'on rencontre dans la recherche.

Quant aux mesures fiscales, certaines de celles que mentionnait tout à l'heure M. Nicholson, qui visent à alléger le fardeau fiscal des étudiants, seraient fort utiles et nous les accueillerions très favorablement, mais comme nous le disions tout à l'heure, les problèmes n'en sont pas pour autant résolus.

Puisque nous parlons de dégrèvement fiscal, l'autre point de mon mémoire sur lequel je voudrais attirer l'attention du comité, c'est le fait que nos membres paient de leur poche des frais que la plupart des autres employés de ce pays pourraient mettre à la charge de leur employeur.

D'après une lettre que j'ai reçue la semaine dernière d'un professeur de l'Université Simon Fraser, cette personne me signalait que le budget de son département ne prévoyait plus les dépenses pour les fournitures de bureau, de sorte qu'il incombait à chaque professeur d'acheter ses propres stylos, crayons, bloc- notes et même, dans certains cas, la craie pour le tableau de classe.

Plutôt qu'un allégement fiscal nos membres seraient heureux de se voir déchargés d'une dépense pareille, ce qui ne les empêcherait pas d'apprécier, comme tous les Canadiens, un allégement fiscal une fois payés ces articles indispensables à l'exercice de leur profession.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Mulligan?

M. Gordon Mulligan: Je voulais évoquer la question des résultats. Un formateur privé, comme je le suis, est évalué par le succès qu'il enregistre à être apte à un nouvel emploi. Nous disposons de 90 jours, en fait, pour travailler de concert avec les conseillers du DRHC, entre autres, pour faire trouver aux gens un emploi dans un domaine directement lié à la formation qu'ils reçoivent.

• 1500

Je voudrais aussi faire remarquer que dans le système public— et je reviens là sur une question que posait tout à l'heure M. Jones—les résultats se mesurent également à l'engagement de nos étudiants à leur poste de travail. M. Lavalle parlait tout à l'heure de l'option Alternance travail-études, option qui se répand de plus en plus, comme je peux le constater d'après mes propres enfants qui se rendent compte qu'après deux ans de collège ils parviennent, grâce à ce programme, à trouver du travail pour quatre ou huit mois, puis à retourner à leurs études et à mettre en pratique ce qu'ils y ont appris.

Il s'agit d'une nouvelle démarche mentale qui consiste à ne plus tout mesurer à l'aune de la moyenne des notes, qui ne signifient pas grand chose à certains égards, parce qu'il y a trop de variables, mais en termes d'employabilité.

Le président: Monsieur Lavalle.

M. Ed Lavalle: J'ai un tout petit commentaire: les résultats ne sont plus imprécis. La Colombie-Britannique, à l'instar de la plupart des provinces du Conseil des ministres de l'éducation du Canada, a mis en place des mécanismes assez complexes pour mesurer les résultats. Nous sommes en mesure de suivre un étudiant de son point de départ jusqu'aux études complémentaires, et de le suivre non seulement dans tous les postes de travail qu'il occupe, mais également de savoir la rémunération qu'il touche et le domaine dans lequel il travaille.

Le problème ne consiste donc pas à mesurer les résultats, mais à déterminer les critères d'une échelle de succès, ce qui m'amène aux questions de savoir comment nous procédons et combien cela nous coûte. Ce qui serait sans doute utile, c'est un programme national d'éducation auquel le gouvernement fédéral collaborerait avec le Conseil des ministres de l'éducation.

Je ne sais à combien cela revient. Lorsqu'en 1986, la moitié des coûts de l'éducation postsecondaire était assumée grâce aux paiements de transfert et tout le monde semblait assez content. On pourrait donc commencer par en revenir à ces 50 p. 100, et si cette proposition manque de précision, réunissez-vous avec vos homologues des provinces et préparez une liste de ce que des gens comme nous sont disposés à payer, et décidez qui est responsable de quoi.

Une telle entreprise me paraît dépasser les moyens d'organisations à intérêt spéciaux, et relever davantage du gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces.

Le président: Monsieur Nicholson.

M. Neal Nicholson: Permettez-moi de répondre à la question sur l'imposition, et revenir sur l'un des points de votre mémoire.

À long terme on peut avoir recours à un REEE, si l'on permet aux gens de déposer de l'argent dans ces régimes en autorisant une déduction d'impôt pour cette contribution et en imposant les sommes retirées du Régime, mais il faut plusieurs années pour que ceux-ci portent fruit. Si l'on intégrait carrément le REEE au REER, on aurait accès au vaste fonds de capitaux que représentent les REER afin de financer l'enseignement postsecondaire non seulement pour les enfants des titulaires de REER, mais souvent pour les titulaires eux-mêmes, qui ont besoin d'un recyclage.

Mais ce qui me paraît nécessaire, et que nous n'avons malheureusement pas abordé dans notre mémoire, c'est que l'impôt sur la somme retirée devrait être payé par le bénéficiaire, par l'étudiant, et pas nécessairement par la personne qui investit les fonds.

Le président: Nous allons accorder à M. Riis une toute petite question complémentaire.

M. Nelson Riis: Quand on parle d'un allégement d'impôt pour les étudiants, ou qu'il est question, pour les aider, de prélever l'argent sur les REER des parents, je me demande combien de parents d'étudiants nécessiteux ont, en fait, un REER qui permettent un tel retrait, et combien d'étudiants de l'enseignement postsecondaire paient en fait des impôts. C'est un fait qu'il faut prendre en compte dans tout projet d'allégement fiscal et de crédit d'impôt. Mon impression, c'est que les parents des étudiants que je connais et qui ont besoin d'aide ne possède pas de REER.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Ce n'est pas une question complémentaire que je veux poser, mais une autre question.

Le président: Une bonne question, disiez-vous?

M. Jim Jones: Non, une autre question.

Le président: Toutes vos questions me paraissaient bonnes, mais je ne devrait peut-être pas trop en présumer. Allez-y.

M. Jim Jones: Que diriez-vous si on privatisait l'enseignement aux niveaux du collège et de l'université en ne laissant un rôle au gouvernement que pour les matières où des normes nationales s'imposent, par exemple, entre autres, la médecine et l'ingénierie?

• 1505

Si on privatisait ce genre d'enseignement, serait-il possible de le faire à meilleur marché? Ce qui m'a donné cette idée, c'est un professeur d'université qui était mon voisin d'avion en janvier de l'an dernier, alors que je me rendais à Atlanta. C'est ce que lui préconisait en disant que le gouvernement ne devrait s'occuper que de domaines où des normes uniformes s'imposent.

Le professeur Bill Bruneau (Président, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): C'est là une vaste question, intrinsèquement liée à l'histoire de l'État canadien, qui assume un nombre prodigieux de services publics que la collectivité juge essentiels à sa sécurité et à son bien-être.

Depuis le tournant du siècle, l'idée s'est imposée que l'éducation publique à tous les niveaux, y compris l'enseignement supérieur, est aussi centrale et essentielle à la sécurité et au bien-être de notre pays que le sont les forces armées, la police, les services de pompiers, etc. C'est donc ce sentiment de sécurité sociale et de bien-être que l'on interpelle en décidant que le système d'enseignement à tous les niveaux, y compris les plus avancés, doit être public.

Mais ce n'est pas là le seul argument à plaider en faveur d'un enseignement public. En effet, l'éducation constitue une ressource importante et très précieuse: dans notre société, ceux qui ont bénéficié d'un enseignement supérieur sont très avantagés par rapport aux autres, et il me semble donc que cet avantage devrait être équitablement réparti et que tous ceux qui sont capables d'en bénéficier devraient pouvoir y accéder, ne serait-ce que parce qu'ils vont devenir citoyens de ce pays. Du fait qu'ils sont citoyens dans une société démocratique, et qu'ils ont les aptitudes nécessaires, cet accès aux études leur revient de droit. Ces deux facteurs devraient décider de ceux qui bénéficieront d'un tel enseignement, quels que soient leurs moyens, et ce privilège ne devrait pas être réservé à ceux dont la famille a eu de la chance au cours des 10 ou 15 dernières années, alors que la conjoncture économique était mauvaise et défavorable.

C'est donc pour le bien de la société, pour des motifs historiques mais également par souci d'efficacité, car si vous voulez une société qui exploite au mieux ses ressources intellectuelles et qui a le niveau le plus avancé possible de participation politique, c'est par le biais de l'éducation publique à tous les niveaux que vous y parviendrez.

C'est là une réponse très succincte, en cinq parties, à une question qui mérite une discussion beaucoup plus approfondie, à mon avis. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne reste plus de place, dans l'enseignement, à l'intérêt et à la participation privés. Dans notre pays il existe une longue tradition d'intérêts privés, de sociétés privées et de particuliers dont le rôle, dans l'éducation dans notre pays, est considérable, mais le système par lequel nous sommes gouvernés assure à chacun la part qui lui est due des ressources consacrées à l'éducation. Dans ce régime d'assurance à portée nationale le rôle du gouvernement est absolument essentiel.

Je dirais donc que la réponse à votre question doit être négative: nous sommes déjà allés trop loin en direction de la privatisation.

Le président: Monsieur Lavigne.

M. Brad Lavigne: Je voudrais demander à M. Jones quelle était la matière enseignée par le professeur?

M. Jim Jones: Il était professeur d'ingénierie et se rendait à l'Université de Georgia, où il avait obtenu une subvention de recherche d'un million de dollars. C'est la raison pour laquelle il quittait le Canada.

M. Brad Lavigne: Pour revenir sur ce que disait M. Bruneau, nous devrions tenir un débat, dans notre pays, sur cette question, parce que la privatisation est déjà un fait accompli, en particulier pour les collèges privés, mais également au niveau universitaire, et c'est un phénomène beaucoup plus répandu, dans les provinces du centre, qu'il ne l'est ici. Dans certains cas, par exemple à l'Université de Montréal, où l'on vend les noms des professeurs, dans d'autres établissements, par exemple l'Université York, on vend les titres de cours aux sociétés qui offrent le plus, et à l'Université Carleton ce sont en fait les sièges que vous occupez qui se vendent. D'ores et déjà la privatisation est parmi nous.

Mais la plupart des Canadiens tiennent à ce que certaines choses échappent aux forces du marché, l'une d'entre elle étant, à mon avis, l'enseignement postsecondaire: on ne devrait pas s'en remettre aux forces marchandes pour décider qui y a accès, ce qu'on y enseigne et qui l'enseigne.

Le président: Avant de conclure nous avons le temps pour deux questions, l'une pour M. Solberg, l'autre pour Mme Redman.

M. Monte Solberg: Je vous remercie, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Lavigne.

L'université n'est pas pour tout le monde, mais ce que vous proposez, je pense c'est que l'enseignement soit gratuit. Autrement dit vous demandez à un Canadien qui est peut-être chauffeur de taxi, qui a un faible revenu ou qui n'a pas les aptitudes nécessaires de payer les études universitaires d'autrui. C'est à cela que revient votre proposition.

• 1510

Je reconnais effectivement l'importance de l'apport à la société de ceux qui ont fait des études, mais n'oublions pas qu'ils en sont aussi récompensés en conséquence. Comment alors justifiez- vous le fait de faire payer les études des uns par les autres qui, eux, n'en font pas?

M. Brad Lavigne: Il y a deux arguments en faveur d'une telle mesure: le chauffeur de taxi—ou son enfant—, paie actuellement des impôts qui contribuent à subventionner le système d'enseignement postsecondaire, mais il ne peut faire faire des études à son enfant parce qu'il lui en coûterait approximativement 3 000 $ par an. Sa part d'impôt subventionne donc, en fait, un système auquel il n'a pas accès et c'est la faiblesse du système actuel. Ce chauffeur de taxi a de bonnes raisons d'être indigné. Si nous supprimions les obstacles pécuniaires, l'enseignement supérieur serait beaucoup plus à la portée de l'enfant de ce chauffeur de taxi, car son accès dépendrait du mérite, et non de la fortune familiale.

M. Monte Solberg: Je vous ferais toutefois remarquer qu'en France, où il n'existe pas de droits universitaires, le taux d'obtention de diplômes est très faible comparé à celui des États- Unis qui lui, est assez élevé.

M. Brad Lavigne: Même au Canada il y a des problèmes de perte d'effectifs scolaires, problèmes graves dans le système postsecondaire du Québec, où ce taux, pour une raison que l'on ignore est supérieur à la moyenne nationale. Les frais universitaires vont-ils alors empêcher les gens d'abandonner leurs études? Certainement pas, à mon avis, car il me semble qu'il y a d'autres facteurs qui jouent.

L'Université de Calgary a mené une étude très intéressante sur les étudiants qui quittent l'université après la première année d'étude. Les gens ont répondu que pour être à même de se payer des études, ils étaient obligés d'avoir trois emplois partiels. Cela leur prenait tellement de temps qu'ils manquaient leurs cours et n'avaient pas le temps d'étudier. C'était des gens qui, si le problème financier n'avait pas constitué un tel handicap, auraient obtenu d'excellentes notes.

C'est donc un problème épineux que celui de l'abandon des études, et il n'est pas facile de conserver les étudiants dans le système, mais ce n'est pas en augmentant les droits universitaires qu'on résoudra le problème.

Le président: Vous avez la dernière question, madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci.

Vous proposez donc d'abolir les droits universitaires, mais je ne m'attarderai pas là-dessus car ce n'est pas là ma question, monsieur Lavigne. C'est vous qui disiez tout à l'heure, si je ne me trompe, que la moyenne de la dette de nos étudiants est aussi élevée que celle des étudiants de Yale. Que peut-on, à votre avis, considérer comme dette raisonnable d'un étudiant aux études universitaires?

M. Brad Lavigne: C'est M. Lavalle qui avait mentionné ce fait à propos de la dette encourue par les étudiants. L'endettement de nos étudiants est considérablement plus élevé que celui des étudiants de systèmes privé et public des États-Unis. Mais votre question est intéressante, et c'est sans doute de cela qu'il faudrait discuter en premier lieu. Dans un système idéal, un étudiant ne devrait pas s'être endetté. C'est comparable à notre régime d'assurance-maladie, où le fait de me casser la jambe ne m'oblige pas à vendre ma maison. Pour bénéficier de soins médicaux, dans notre pays, nous n'avons pas besoin de nous endetter.

C'est là le système idéal, mais un endettement de 25 000 $ est trop élevé. Quant à décider arbitrairement d'un endettement acceptable, c'est là une tâche quasi impossible, car les diplômés n'ont pas tous les mêmes revenus. Un endettement de 25 000 $ est trop élevé, cela ne fait aucun doute, et un endettement nul serait l'idéal. Ce sera donc un choix politique de décider, collectivement, quel est, entre ces deux, un niveau d'endettement acceptable.

Nous devrions peut-être, au départ, fixer un objectif, comme nous le faisons pour bien des choses, y compris le déficit et les émissions de dioxyde de carbone, même si nous ne parvenons pas à atteindre l'objectif. Il me semble toutefois qu'à court terme un objectif de 8 700 $ serait tout à fait acceptable.

Mme Karen Redman: Puis-je demander à M. Lavalle, puisque le commentaire venait de lui, s'il pourrait également répondre à cette question.

M. Ed Lavalle: M. Lavigne a fort bien répondu, et je n'ai rien à ajouter, sinon qu'un système où l'étudiant ne s'endetterait pas serait de beaucoup préférable. Mais à défaut nous devrions essayer de nous entendre, entre provinces et gouvernement fédéral, pour un programme de réduction de cette dette, et nous devrions certainement uniformiser le niveau de remise de dette.

Je vous donne un exemple. Hier soir, j'ai reçu à dîner un ancien étudiant. Lui et sa fiancée pensent à fonder une famille. Il doit 23 000 $ en prêts canadiens aux étudiants. Il a aussi reçu de sa province un prêt de 18 000 $, dont il n'a eu que 240 $ à rembourser ayant bénéficié d'une remise de dette. Le fardeau est donc disproportionné, l'application du régime injuste et j'estime que cela mérite un examen. Nous devons trouver une façon de réduire l'endettement des étudiants.

Le président: Merci beaucoup.

• 1515

J'ai une dernière question. Quel est le pourcentage de diplômés qui sont endettés à ce point? Quel est le montant— 25 000 $, 5 000 $, 10 000 $? La plupart des étudiants obtiennent leur diplôme sans s'endetter.

M. Brad Lavigne: À l'heure actuelle, 50 p. 100 des étudiants à plein temps au Canada reçoivent de l'aide financière. Le montant des prêts varie. Certains sont très bas, d'autres totalisent jusqu'à 60 000 $. Nous avons calculé que l'endettement moyen était de 25 000 $. On parle de la moitié environ des étudiants à temps plein.

Les étudiants à temps partiel sont inadmissibles à bon nombre des programmes d'aide financière au pays. Si on ne tient pas compte des étudiants à temps partiel, c'est 50 p. 100 des étudiants qui obtiennent un prêt. Il y a environ de 800 000 à 900 000 étudiants à plein temps au pays.

Le président: En moyenne, celui qui a fait des études postsecondaires gagne au cours de sa vie 50 p. 100 de plus que le travailleur qui n'a qu'un diplôme d'études secondaires. C'est un fait. C'est une donnée dont je me souviens. De quelle autre façon peut-on investir dans notre pays et obtenir un tel rendement?

M. Brad Lavigne: Je dirais que les autres programmes sociaux, notre système de soins de santé, permettent un investissement semblable.

Il est vrai que nous devons apporter notre contribution à la société, mais pourquoi ne serait-ce que ceux qui en ont les moyens qui peuvent étudier? Nous voulons remettre ce qui nous a été donné. Nous voulons apporter notre contribution à la société. Nous, à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, savons très bien que rien n'est gratuit, mais nous préférerions apporter notre contribution par le biais du système fiscal.

Le président: Que pensez-vous de l'augmentation de 18 à 30 mois de la période d'exemption d'intérêts? Le gouvernement a-t-il pris une bonne décision à cet égard?

M. Brad Lavigne: Oui; cette période est maintenant conforme à celle des autres pays.

Le président: Et que pensez-vous de la hausse de 57 p. 100, ou 2,5 milliards de dollars, sur cinq ans du Fonds canadien de prêts aux étudiants?

M. Brad Lavigne: Vous dites une hausse de 57 p. 100...

Le président: L'augmentation de la somme d'argent...

M. Brad Lavigne: L'allocation hebdomadaire?

Le président: Oui.

M. Brad Lavigne: C'est une mesure que nous avons bien accueillie, parce que je sais qu'à l'époque les étudiants l'avaient réclamée, mais le Parti conservateur de la province a bloqué l'allocation hebdomadaire à son niveau de 1984. Elle n'a pas augmenté depuis. Le gouvernement libéral, dans son premier budget, l'a rehaussée. Toutefois, elle est passée de 105 $ par semaine à 165 $ par semaine. Malheureusement, en augmentant cette allocation—ce qui était une bonne chose, puisque cela nous a permis de manger en février et mars—on a provoqué une augmentation radicale des dettes. On n'a pas su faire l'équilibre entre le besoin pour les étudiants de manger en mars et la hausse des dettes. Ce dont M. Lavalle a parlé, les remises de dettes et les bourses, constituerait une bonne solution.

Le président: Qu'en est-il des subventions pour initiatives spéciales qui ont été créées lors de la dernière réforme du programme de prêts aux étudiants, les subventions qui s'adressent aux étudiantes inscrites au doctorat, aux étudiants à faible revenu, aux étudiants nécessiteux et aux étudiants à temps partiel? En êtes-vous satisfaits?

M. Brad Lavigne: Oui. Nous avons exercé de fortes pressions pour obtenir ces subventions, et nous sommes heureux de voir que les étudiants qui ont des enfants sont au quatrième rang dans trois catégories. Mais ce sont des mesures disparates. C'est un pas dans la bonne voie, mais ce sont des mesures bien modestes. Les étudiants ont des besoins très grands et très réels. Actuellement, 20 p. 100 des bénéficiaires de prêts canadiens aux étudiants sont des parents. Ce n'est qu'un petit nombre d'entre eux qui pourront obtenir une subvention pour initiatives spéciales.

Nous vous en félicitons alors, mais cela nous donne également l'impression que ceux qui ont du mal à payer les frais accrus de scolarité peuvent toujours s'inscrire, ce qui n'est pas toujours le cas. Grâce à cette mesure, une poignée obtiennent l'aide dont ils avaient grandement besoin. Nous applaudissons cela, mais il faut continuer. Ce genre de subventions devraient être accordées de façon universelle.

Le président: Mais diriez-vous que l'idée générale est bonne, qu'on s'oriente dans la bonne voie?

M. Brad Lavigne: Nous nous orientons dans la bonne voie.

Le président: D'accord. Merci beaucoup.

Cette table ronde a clairement démontré le rôle important qu'on doit accorder à l'éducation et à la formation pour bâtir une société humaine qui est capable d'affronter la concurrence. Certes, afin de tirer profit de la croissance économique, nous devons améliorer les outils mis à notre disposition pour que notre société devienne plus instruite et où l'éducation est plus accessible.

Je vous remercie au nom des membres de note comité. Il se peut qu'on vous consulte davantage. Je suis certain que vous serez à notre disposition.

La séance est levée.