FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 février 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-28, Loi de 1997 modifiant l'impôt sur le revenu.
Nous entendrons ce matin M. Howard Wilson, conseiller en éthique. Bienvenue, monsieur. Comme vous le savez, vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour faire vos remarques préliminaires, après quoi nous entamerons une période de questions et de réponses.
M. Howard Wilson (conseiller en éthique, Industrie Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir reçu votre invitation à comparaître devant votre comité, dans le cadre de l'examen du projet de loi C-28.
[Français]
Mon but précis est de répondre aux allégations selon lesquelles le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, se trouve en situation de conflit d'intérêts parce qu'il parraine ce projet de loi.
J'aimerais tout d'abord exposer certains faits et ensuite les questions qui, selon moi, sont pertinentes au chapitre des conflits d'intérêts.
J'ai pris connaissance de ces allégations dans la matinée du mardi 3 février 1998. Elles avaient été formulées par le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, M. Yvan Loubier, lors du débat tenu le 2 février à la Chambre des communes au sujet de ce projet de loi. Plus précisément, l'accusation portée est que l'article 241 du projet de loi propose d'apporter à l'article 250 de la Loi de l'impôt sur le revenu des modifications qui ont une incidence sur l'imposition des entreprises qui s'adonnent au transport maritime international. Cela a ensuite été lié au fait que M. Martin est propriétaire de la Canada Steamship Lines, qui détient d'importants placements dans le secteur du transport maritime international.
Je n'étais pas au courant, avant cela, que cette mesure figurait dans le projet de loi. Je me suis entretenu, tôt dans la journée du 3 février, avec M. Stuart Hyndman, l'un des superviseurs mandataires de l'accord de gestion sans droit de regard de M. Martin, de même qu'avec M. Pierre Préfontaine, vice-président et conseiller juridique de la CSL à Québec. Je voulais déterminer si cette mesure particulière qui était soumise au Parlement aurait ou non une incidence sur cette société.
• 0905
Plus tard ce matin-là, M. Préfontaine m'a informé que
la société n'applique pas cette disposition de la loi
et qu'en outre, elle n'a aucune intention de le faire
même si les modifications proposées sont adoptées. Il
m'a été clairement expliqué qu'il serait absolument
insensé que la société s'engage dans cette voie, car
cela nécessiterait une vaste réorganisation qui
n'apporterait aucun avantage correspondant.
En premier lieu, toutefois, je crois qu'il est important d'exposer, à titre informatif, une partie de la chronologie de ces modifications, que j'ai obtenue du ministère des Finances. Ces changements ont commencé à susciter un certain intérêt dès 1990, quand le gouvernement de la Colombie-Britannique a établi une organisation sans but lucratif, l'International Maritime Centre (IMC) Vancouver pour encourager les affréteurs étrangers à venir s'installer dans cette province. Cette organisation ainsi que des affréteurs étrangers ont commencé à faire des démarches en vue d'obtenir des changements à la Loi de l'impôt sur le revenu, que le gouvernement fédéral acceptait en 1991. Plus tard, en 1994, dans une lettre adressée au ministre des Finances, l'IMC Vancouver demandait qu'une réunion soit tenue pour discuter de la nécessité d'apporter des éclaircissements à l'article 250. Afin d'éviter tout conflit d'intérêts possible, l'affaire a été renvoyée au secrétaire d'État aux institutions financières internationales, et le ministère s'est réuni plusieurs fois au cours de l'année avec l'IMC Vancouver pour discuter plus en détail du besoin d'apporter des modifications d'ordre technique à cette disposition.
En août 1994, il y a eu un échange de lettres entre le secrétaire d'État et l'IMC Vancouver, ce qui a mené, au mois de décembre de cette année-là, à une autre lettre dans laquelle le secrétaire d'État a confirmé l'intention de recommander que l'article en question soit modifié. Les modifications en question ont été diffusées en avril 1995, dans une ébauche de projet de loi technique qui a par la suite été révisée et diffusée publiquement en juin 1996. Ces modifications ont été incluses dans le projet de loi C-69, qui est passé en première lecture en décembre 1996 mais est resté en plan au Feuilleton au dernier Parlement. Elles font aujourd'hui partie du projet de loi C-28.
[Traduction]
À mon avis toutefois, pour ce qui est de la question du conflit d'intérêts, il importe peu de savoir si la CSL peut se prévaloir ou non des modifications. Ceci est un point sur lequel je dois insister. Le gouvernement du Canada, y compris le ministère des Finances, doit être libre de temps en temps, de traiter de questions qui touchent directement le secteur du transport maritime. Ce qui est pertinent, c'est de savoir si M. Martin a été mêlé de quelque façon au processus par lequel le ministère a conclu que les modifications en question étaient souhaitables. Et cela n'a pas été le cas.
Les membres du comité savent que les ministres sont soumis aux dispositions du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, dont la version la plus récente a été diffusée par le premier ministre en juin 1994, et qui succédait à une version antérieure, datant de 1985. J'en ai remis quelques exemplaires à la greffière pour votre information.
Quelles dispositions le Code impose-t-il aux ministres et, plus précisément, à M. Martin, de manière à éviter non seulement tout conflit d'intérêts réel et potentiel, mais aussi les conflits apparents entre leurs intérêts personnels et leurs responsabilités publiques?
[Français]
Les ministres sont tenus de présenter un rapport confidentiel énumérant tous leurs biens, leurs dettes et leurs activités extérieures qui les concernent, ainsi que ceux qui se rapportent à leur conjoint et aux enfants à leur charge, ce que M. Martin a fait.
Le Code fait une distinction entre trois types de biens. La première catégorie, les biens exemptés, englobe les résidences personnelles, les résidences secondaires de loisir, les effets personnels, l'argent comptant, les dépôts bancaires, les obligations d'épargne du Canada, les certificats de placement garanti et les fonds mutuels. Ces éléments, considère-t-on, ne présentent aucun risque de conflit entre les responsabilités publiques du titulaire d'une charge publique et ses intérêts personnels.
• 0910
La deuxième catégorie, les biens déclarables, comprend
les intérêts que l'on possède dans des entreprises
familiales ou des sociétés à caractère local qui
n'obtiennent pas de marchés de l'État; c'est le cas des
exploitations agricoles commerciales et des biens
locatifs ou des terrains vacants. Le Code permet au
titulaire d'une charge publique de s'occuper de ces
biens, mais ceux-ci doivent être publiquement déclarés.
[Traduction]
La dernière catégorie—les biens contrôlés—s'entend des biens qui pourraient être touchés directement ou indirectement par une décision ou une politique de l'État; les valeurs cotées en bourse en font partie. Le Code exige que l'on se dessaisisse de ces biens, soit en les vendant, soit en créant une fiducie ou un accord de gestion sans droit de regard.
Pour ce qui est des activités extérieures, le Code interdit aux ministres ce qui suit: s'adonner à l'exercice d'une profession; gérer ou exploiter activement une entreprise ou une activité commerciale; conserver ou accepter un poste d'administrateur ou une charge dans une société financière ou commerciale; exercer une charge au sein d'une association syndicale ou professionnelle; ou agir comme consultant rémunéré.
M. Martin a déclaré publiquement qu'il détient 99 p. 100 des actions donnant droit de vote de Passage Holdings Inc., une société de portefeuille de placements constituée en vertu d'une loi fédérale, qui possède, à son tour, des intérêts importants dans un certain nombre d'autres entreprises, dont le Groupe CSL Inc. et la Canada Steamship Lines. Il s'agit, dans les deux cas, de biens contrôlés et dont le Code exige le dessaisissement. Cela se fait habituellement en vendant les biens en question ou en établissant une fiducie sans droit de regard.
Un accord de fiducie sans droit de regard est une forme acceptable de dessaisissement pour ce qui est des valeurs cotées en bourse. Bien que le ministre soit manifestement au courant des actions qui ont été placées dans la fiducie, il n'aura aucune connaissance précise de la composition de ses effets en portefeuille car c'est le fiduciaire qui s'occupe par la suite d'acheter et de vendre les actions. Tout ce que le ministre peut recevoir, ce sont des informations périodiques sur la valeur globale de ses effets, mais non leur composition, ainsi que des renseignements suffisants pour produire ses déclarations d'impôt sur le revenu.
Toutefois, dans le cas de M. Martin, un accord de fiducie sans droit de regard ne convenait pas car ses effets ne sont pas cotés en bourse. Dans ce genre de situation, le conseiller en éthique exige qu'un accord de gestion sans droit de regard soit établi et communiqué. Cela met entre les mains des superviseurs ou des fiduciaires le bien que possède M. Martin dans Passage Holdings. À l'évidence, M. Martin est parfaitement au courant de la nature de ses intérêts personnels mais, par cet accord de gestion, il lui est impossible de s'occuper de la gestion de ces biens.
[Français]
Le Groupe CSL fait toutes sortes d'affaires avec le gouvernement canadien et continue de faire de la sorte. Ce qui est particulièrement important, c'est que toute affaire conclue avec le ministère des Finances ne mette pas en cause le ministre de ce dernier. À cette fin, M. Martin a donné instruction à son sous-ministre et à son adjoint exécutif de veiller à ce que toute affaire que la société pourrait conclure avec le ministère des Finances ne le mette en cause d'aucune manière, pas plus qu'il n'en soit informé. J'ai joint au texte de ma déclaration une copie de la lettre originale que M. Martin a écrite au sous-ministre de l'époque, M. David Dodge.
[Traduction]
Les décisions prises par le ministre des Finances se répercutent sur tous les Canadiens. C'est donc dire que n'importe quelle décision qu'il pourrait prendre au sujet de l'impôt sur les sociétés s'appliquera aussi au Groupe CSL. La politique sur les programmes de subventions pourrait aussi avoir une incidence sur ces entreprises, comme elle l'aurait sur d'autres. Il s'agit là de questions où il est possible que les intérêts personnels du ministre soient touchés, mais de manière générale uniquement, de pair avec un grand nombre d'autres sociétés qui sont actives au sein de l'économie canadienne.
Il n'est pas nécessaire, dans ce genre de circonstances, que le ministre des Finances se retire des discussions ou des décisions de principe. Il est bien reconnu qu'un conflit ne survient pas dans une situation d'application générale ou dans une situation concernant une personne en tant que membre d'une vaste catégorie de personnes.
Il y a toutefois d'autres secteurs où des décisions auraient un effet bien précis et direct sur ses intérêts personnels. Ce serait le cas de politiques relatives à la construction navale ou de décisions concernant l'octroi de subventions à VIA RAIL, en raison des intérêts qu'il détient dans la société Voyageur.
• 0915
M. Martin a décidé qu'en ce qui concerne ces questions, il ne
devrait pas intervenir, et a donc délégué à son secrétaire d'État,
l'honorable Doug Peters à l'époque et, aujourd'hui, l'honorable
James Peterson, la responsabilité du secteur de la construction
navale, du transport maritime, de VIA et de la Voie maritime du
Saint-Laurent. C'est pour ces raisons que le secrétaire d'État
s'est occupé de ces modifications.
Depuis l'établissement de l'accord de gestion sans droit de regard, le ministère est demeuré en contact étroit avec moi. J'ai été tenu au courant, à mesure qu'elles survenaient, des questions qui étaient susceptibles de constituer un conflit d'intérêts si M. Martin venait à s'en occuper. Dans cette affaire-ci, le ministère a procédé de la bonne façon en n'impliquant pas M. Martin qui m'a révélé avoir pris connaissance de la question il y a de cela à peine deux semaines lorsqu'on a soulevé le sujet à la Chambre.
Toutefois, je n'en ai pas été informé au préalable, et j'aurais dû l'être. Le ministère est d'accord avec cela. J'ai clairement établi que M. Martin n'a en aucun cas participé à l'examen de cette question. C'est le secrétaire d'État qui a pris toutes les décisions. Il n'y avait donc pas de véritable conflit d'intérêts. Néanmoins, M. Martin a parrainé le projet de loi, et certains membres ont exprimé l'avis que ce fait constitue un conflit d'intérêts apparent.
Si l'on m'avait informé à l'avance de l'affaire, avant le dépôt du présent projet de loi ou de son prédécesseur, le C-69, il y aurait eu des discussions sur la meilleure façon de régler la question du dépôt du projet de loi au nom du ministre des Finances qui est responsable pour toute législation ayant trait à l'impôt. Il y aurait eu, me semble-t-il, trois choix: premièrement, que M. Martin dépose le projet de loi, comme cela s'est effectivement passé; deuxièmement, nous aurions pu conclure qu'un autre ministre devait déposer le projet de loi; troisièmement, le ministre aurait pu déposer le projet de loi, mais inclure à ce moment une note du ministère, expliquant le contexte dans lequel se situaient les modifications proposées, et le fait qu'il s'agissait d'une question dont s'occupait exclusivement le secrétaire d'État.
Sachant ce que je sais maintenant, à savoir que lesdites modifications étaient seulement de nature technique, qu'elles faisaient l'objet de discussions ouvertes depuis 1995, le fait que c'était une organisation de la côte Ouest qui cherchait à obtenir ces éclaircissements, et le fait que le ministère avait exclu le ministre des Finances de toute participation, j'en aurais conclu, je crois, que cette troisième option était celle qui convenait le mieux dans les circonstances. Après tout, nous avons affaire ici à un projet de loi omnibus qui contient de nombreuses modifications, dont aucune, hormis l'article 241, ne suscite la moindre suggestion ou apparence de conflit. Toutefois, cet examen préalable des options possibles n'a pas été fait, comme cela aurait dû être le cas.
À la demande de M. Martin, le ministère et moi avons passé en revue les procédures internes de ce dernier et nous avons convenu que toutes questions qui pourraient toucher directement ou particulièrement les intérêts que possède M. Martin dans des sociétés soient renvoyées au sous-ministre adjoint et conseiller juridique du ministère des Finances, M. Mark Jewett, qui discutera de la question avec moi lorsqu'il le jugera nécessaire, comme il l'a déjà fait par le passé.
[Français]
Avant de terminer, monsieur le président, je voudrais dire que, dans la série de documents que je remets au comité par l'entremise de la greffière, il y a le texte de la présente déclaration d'ouverture, les déclarations publiques de M. Martin, dont le texte de son accord de gestion sans droit de regard, le Code régissant les conflits d'intérêts et quelques questions et réponses que j'ai établies en mars 1994, lorsque M. Martin s'est conformé pour la première fois aux dispositions du Code. Ces questions et réponses ont été largement diffusées à l'époque, de sorte qu'il n'y avait aucun doute, publiquement, quant aux mesures particulières que M. Martin avait prises pour respecter la lettre du Code, et surtout son esprit. Il me reste un autre commentaire à faire. Les déclarations publiques de M. Martin, dont je vous ai remis le texte, sont examinées chaque année pour vérifier si elles sont à jour. En outre, M. Martin a fait plus que respecter les exigences de divulgation du Code: il a mis à la disposition du public, pour que ce dernier en puisse faire l'examen à mon bureau, d'importants détails supplémentaires sur les intérêts qu'il a dans des sociétés, ainsi que sur les affaires que font ces dernières avec le gouvernement fédéral. Ce document est mis à jour chaque année.
• 0920
En conclusion, c'est une organisation de la côte
ouest, désireuse de voir des sociétés de transport maritime
étrangères établir leur siège social au Canada, qui a
demandé cette mesure. À cette fin, la Loi de l'impôt
sur le revenu a été modifiée en 1991. Les
modifications faisant l'objet des discussions courantes
en vertu du projet de loi C-28 ont été, dès le départ,
prises en main exclusivement par le secrétaire d'État
aux institutions financières internationales.
M. Martin n'avait rien à voir avec la question. Les
mesures prises pour éviter de mettre ce dernier dans
une situation de conflit d'intérêts apparent ont
fonctionné, sauf que j'aurais dû être mis au courant de
l'affaire au préalable afin que je puisse envisager la
meilleure façon de régler la question du dépôt du
projet de loi.
À cet égard, nous avons examiné les procédures internes du ministère à
la demande du ministre. Mais une chose est claire: les
allégations sont dénuées de fondement. M. Martin ne
se trouve pas en situation de conflit d'intérêts.
[Traduction]
Monsieur le président, ma conclusion vaut la peine d'être répétée. C'est une organisation de la côte Ouest, désireuse de voir des sociétés de transport maritime étrangères établir leur siège social au Canada, qui a demandé cette mesure. À cette fin, la Loi de l'impôt sur le revenu fut modifiée en 1991.
Les modifications faisant l'objet des discussions courantes en vertu du projet de loi C-28 ont été, dès le départ, prises en main exclusivement par le secrétaire d'État (Institutions financières internationales). M. Martin n'avait rien à voir avec la question. Les mesures prises pour éviter de mettre ce dernier dans une situation de conflit d'intérêts apparent ont fonctionné, sauf que j'aurais dû être mis au courant de l'affaire au préalable afin que je puisse envisager la meilleure façon de régler la question du dépôt du projet de loi.
À cet égard, nous avons examiné les procédures internes du ministère à la demande du ministre. Mais une chose est claire: Les allégations sont dénuées de fondement. M. Martin ne se trouve pas en situation de conflit d'intérêts.
Je remercie le comité de m'avoir donné cette occasion d'expliquer le contexte de cette affaire et les questions qui sont en cause, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson.
Passons maintenant aux questions et aux réponses. Monsieur Ritz, avez-vous une question?
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Wilson, de votre exposé.
Si j'ai bien compris, le but de ce projet de loi est d'appliquer un traitement fiscal équitable, entre autres, aux sociétés de transport maritime étrangères. S'agit-il bien d'une des dispositions dont vous parlez ce matin?
M. Howard Wilson: Loin de moi l'idée de faire croire au comité que je suis un expert en matière fiscale. M. Farber, qui a témoigné devant vous la semaine dernière, a traité de cette question, mais je crois savoir, d'après ce que le ministère m'a dit, que cette mesure vise à permettre aux sociétés de transport maritime étrangères d'établir leur siège social au Canada.
M. Gerry Ritz: Puisque le Canada a signé des accords de réciprocité avec les autres pays, des accords qui établissent que l'impôt s'appliquera également à tous, je me demande pourquoi une société irait s'enregistrer ailleurs qu'au Canada.
M. Howard Wilson: Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question. Comme je l'ai dit, je ne suis pas un expert des questions fiscales. On m'a demandé de traiter les allégations de conflit d'intérêts.
Le président: Merci, monsieur Wilson.
Monsieur Ritz, vous pourriez peut-être concentrer vos questions sur l'exposé de M. Wilson et sur le sujet dont il a traité.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bonjour, monsieur Wilson, et bienvenue au Comité permanent des finances. Pour les raisons mêmes qu'a invoquées M. Wilson, je trouve que son exposé manque de crédibilité. Lorsqu'il parle de détails techniques et dit s'être entretenu avec les dirigeants de la compagnie qui l'ont assuré qu'il n'y avait aucun problème avec le projet de loi et que ses dispositions ne les touchaient pas, il y a un problème parce qu'il vient d'avouer qu'il n'est pas un expert en planification fiscale. Et je ne pense pas qu'il soit un expert en planification fiscale dans le transport maritime international non plus.
Alors, comment peut-il, et ce sera l'objet de ma première question, se faire le juge de ce que des gens de la CSL lui disent lorsqu'ils affirment ne voir aucun intérêt à appliquer les dispositions que propose l'article 241 du projet de loi en vue de modifier les alinéas 250(6)a) et b), puisque «cela nécessiterait une vaste réorganisation et des coûts énormes sans aucun avantage correspondant»? Comment peut-il affirmer cela, alors qu'en réponse à la question de mon collègue du Parti réformiste, il concédait ne pas être un expert en fiscalité? Comment peut-il accepter les explications des dirigeants d'une telle compagnie sans creuser davantage?
[Traduction]
M. Howard Wilson: Monsieur le président, j'ai deux réponses à cette question. Premièrement, je puis fournir au comité un peu plus de détails sur ce que la société m'a dit au sujet de ces mesures. J'ai parlé la première fois à ses représentants le 3 février 1998. Ils m'ont dit qu'ils ne se prévalent pas de cette disposition et qu'ils n'avaient aucune intention de le faire à l'avenir. J'ai également eu d'autres discussions avec eux pour mieux comprendre ce que signifiaient ces mesures. Après avoir discuté avec leurs avocats et leurs comptables, ils m'ont dit qu'il s'agit d'une disposition déterminative, qui permettrait à une entreprise étrangère qui établirait son siège social au Canada d'être considérée comme une entreprise d'appartenance étrangère.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Wilson, entre ce que vous disent les gens...
[Traduction]
Le président: À l'ordre.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je m'excuse, mais j'ai posé une question. Est-ce qu'il est habilité ou non...
Le président: Non.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, vous allez me laisser du temps. Vous avez réduit le temps de comparution de M. Wilson de deux heures en moins de deux jours. J'ai une question à poser à M. Wilson et je n'ai pas eu de réponse. Comme le premier ministre, il part sur une autre «track». Je veux savoir s'il est un expert en planification fiscale....
Le président: Monsieur Loubier...
M. Yvan Loubier: S'il vous plaît. Est-il, oui ou non, habilité à juger de la pertinence des informations qu'il reçoit de CSL?
Le président: À l'ordre!
[Traduction]
Monsieur Loubier, laissez-moi vous dire quelque chose. Si vous croyez pouvoir bousculer le président parce que vous vous êtes levé du mauvais pied, eh bien, allez vous recoucher.
Monsieur Wilson, vous pouvez répondre aux questions comme bon vous semble. Vous pouvez revenir à la question initiale.
M. Howard Wilson: Merci.
Comme je l'ai dit, il y a deux éléments sur lesquels j'insisterai en réponse à la question de M. Loubier. Je ne puis que répéter ce que l'entreprise a dit. La société est maintenant structurée. Ses conseillers m'ont dit qu'il n'y aurait aucun avantage à fermer les installations de Boston pour transférer cette partie de l'exploitation au Canada, à des coûts considérables.
C'est un élément que le comité doit prendre en considération. Peu importe que CSL profite ou non de cette mesure, cela n'a aucun rapport avec les allégations de conflit d'intérêts. Toute mesure qui constitue une réduction d'impôt profitera à CSL. Si l'impôt augmente, ce sera probablement à son détriment, mais l'entreprise sera loin d'être la seule dans ce cas. Le gouvernement du Canada et les mesures qu'il prend influent sur son rendement. Ce que nous devons faire, pour éviter les conflits d'intérêts, c'est garantir que le ministre des Finances ne traite pas lui-même des questions qui ont un intérêt particulier pour l'entreprise. Le comité doit comprendre que c'est cela qui est lié au conflit d'intérêts.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Donc, vous jugez, monsieur Wilson, que vous n'êtes pas un planificateur fiscal ou un expert dans ce domaine. La semaine dernière, on a posé la question à un vrai spécialiste, M. Farber, auquel nous avait dirigé le ministre des Finances dès sa sortie du 5 février. Si vous mentionnez dans votre document que M. Martin ne doit s'entretenir d'aucune façon de ses compagnies de bateaux et des dispositions fiscales, je vous rappellerai qu'il l'a fait allègrement le 5 février, lorsqu'il est sorti de la Chambre devant les caméras en disant que cela ne le touchait pas, etc. Premièrement, comment pouvait-il savoir que cela ne le touchait pas s'il n'avait pas suivi le processus et ne s'était pas penché sur ce projet de loi?
Deuxièmement, comment se fait-il que, contrairement aux allégations de la compagnie et du ministre, lorsqu'on a présenté à M. Farber une structure d'entreprise exactement comme celle de M. Martin, il a été obligé d'avouer que cette disposition-là pouvait bénéficier à la CSL? Et vous me dites que ce n'est pas important que cela bénéficie ou non à la CSL? J'ai mon voyage!
Cela veut dire que n'importe quel législateur—et vous l'avez reconnu dans ce document-là—qui parraine un projet de loi qui peut toucher des biens visés par un accord de fiducie sans droit de regard peut être en situation apparente de conflit d'intérêts, en conflit d'intérêts potentiel ou en conflit d'intérêts réel. Alors, comment pouvez-vous concilier tout cela, en reconnaissant que le ministre parraine le projet de loi et en disant qu'il n'est pas important, que cela touche ou non la CSL, que l'armateur soit aussi le législateur? Cela veut dire que votre code d'éthique bat assez clairement de l'aile.
[Traduction]
M. Howard Wilson: Non, à mon avis, le code fonctionne bien. Nos méthodes donnent de bons résultats.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ah, oui? Il fonctionne bien en votre faveur.
[Traduction]
M. Howard Wilson: La question que j'ai énoncée et à laquelle j'ai répondu consistait à savoir si j'aurais dû être informé du dépôt de cet amendement, qui touche plus précisément les sociétés de transport maritime étrangères. J'ai dit clairement que j'aurais dû en être informé, et le ministère est d'accord avec moi. Si j'avais été informé, nous aurions pu décider comment l'amendement devrait être déposé, comme nous l'avons fait dans le passé à l'égard d'autres mesures. J'ai dit dans mon exposé que la troisième option aurait été la plus raisonnable; il s'agit de l'option voulant que le ministre dépose le projet de loi et que le ministère fournisse une note d'explication.
Ce qui importe, dans ce cas-ci, c'est que le ministre ne s'est pas occupé de cette affaire; il n'était même pas au courant de son existence.
Pour ce qui est de l'entreprise, je ne puis que répéter ce que ses représentants m'ont dit à peine hier sur cette mesure... elle est déjà installée là. Il y a déjà une entreprise de propriété étrangère établie à Boston; la déménager ici et la restructurer représenteraient une dépense énorme à laquelle ne correspondrait aucun gain.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je suis quand même heureux de voir la démonstration que vous faites à la page 7 et au premier paragraphe de la page 8 de votre document. Vous reconnaissez tout de même que les choses se sont mal passées et que si c'était à recommencer, vous n'agiriez pas de cette façon-là. Vous reconnaissez aussi qu'il y a apparence de conflit d'intérêts pour le ministre des Finances face à l'article 241 du projet de loi C-28.
J'ai une question à vous poser. On vient de reconnaître qu'il y a apparence de conflit d'intérêts, chose que le premier ministre, le vice-premier ministre et le ministre des Finances nient eux-mêmes depuis deux semaines. Vous, vous l'écrivez et je trouve que c'est un pas raisonnable dans la bonne direction. Mais ne trouvez-vous pas un peu spécial—et vous ne l'avez pas mentionné dans votre document—que dans un projet de loi de 464 pages, il y ait une clause qui touche le transport maritime international de façon spécifique et que cela occupe une page et demie sur 464 pages? Ne trouvez-vous pas qu'il y a là de quoi semer le doute dans notre esprit dès le départ et plus tard? Les réponses que vous m'avez données ne me convainquent pas, bien au contraire, de l'absence de conflit d'intérêts apparent.
[Traduction]
M. Howard Wilson: Eh bien, j'ai déjà passé un temps considérable à étudier cette question, depuis que vous l'avez soulevée. J'estime que c'est une question sérieuse. Je l'ai examinée sérieusement, et j'en ai conclu que le ministère a bien fait de ne pas mêler M. Martin à cette affaire. M. Martin ne s'en est pas occupé. J'ai examiné cette question et j'en ai tiré des leçons... il faut se demander si nos méthodes ont fonctionné aussi bien qu'elles l'auraient dû. À mon avis, ce n'est pas le cas, elles n'ont pas fonctionné comme elles l'auraient dû.
Nous avons mis en place des mesures pour que de tels cas ne se reproduisent pas. Le point essentiel, c'est que M. Martin ne s'est pas occupé de cette question. Vous avez soulevé cette question le 2 février, et je suis venu vous rencontrer pour fournir des explications sur une question sérieuse.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous reconnaissez qu'en raison de la façon dont les choses se sont présentées, il peut y avoir une apparence de conflit d'intérêts. M. Martin est ministre des Finances. C'est lui qui est le législateur, lui qui fait les lois de l'impôt et lui qui a présenté une loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu dont certaines des dispositions concernent strictement le transport maritime international. Et, comme vous le mentionnez dans votre document, il a périodiquement des informations sur son holding, y compris tous les renseignements lui permettant de faire son rapport d'impôt. Ne croyez-vous donc pas qu'il sait ce qui lui manque pour se sécuriser au niveau de l'impôt? C'est ce que fait l'article 241: il sécurise les revenus générés par les holdings détenus à l'étranger par des Canadiens, ce qui est exactement la structure d'entreprise de M. Martin.
Ne croyez-vous pas qu'il a ces informations sur son cas personnel, qu'il est législateur, qu'il légifère dans un secteur où il est parfaitement au courant de ce qui se passe au niveau de ses revenus, de l'évolution des revenus, de ses coûts, etc.? Il parraine un projet de loi, il le dépose, il nie toute apparence de conflit d'intérêts et, encore plus, qu'il y ait conflit d'intérêts, et il sort le 5 février pour expliquer que ça ne le touche pas. Il est donc au courant de ce qu'il y a dans ce projet de loi-là.
Il y a trois versions contradictoires: celle que vous avez rapportée, selon laquelle MM. Hyndman et Préfontaine ont déclaré que la compagnie n'avait pas l'intention d'utiliser la loi; celle de M. Martin qui dit: «Ça ne me touche d'aucune façon puisque mes compagnies sont canadiennes et que les dispositions du projet de loi visent les entreprises étrangères de propriété canadienne»; et celle de M. Préfontaine lui-même qui dit qu'il n'y a pas de problème puisqu'on ne s'est jamais prévalu de cela.
• 0935
Ne croyez-vous pas que tout cela mis ensemble, étant
donné ce que vous venez de reconnaître sur l'apparence
de conflit d'intérêts, fait qu'il y a un fichu problème à
l'heure actuelle? Et étant donné la haute
intégrité dont on doit faire preuve dans
cette fonction, il y a un fichu problème à
poursuivre dans la même voie avec M. Martin comme
ministre des Finances sans qu'il y ait un doute qui
persiste. Vous venez vous-même d'alimenter le doute
durant votre comparution.
[Traduction]
M. Howard Wilson: Laissez-moi revenir à la question initiale que vous avez posée, c'est-à-dire que cette mesure occupe une page et demie de ce très gros projet de loi. Vous avez demandé s'il serait alors possible à M. Martin, dans le traitement de cette mesure législative, de garantir que son entreprise tire profit de l'amendement.
M. Loubier ne peut avoir raison, puisque M. Martin ne s'est pas occupé de cette affaire. C'est le ministère qui a soulevé cette question, à la suite des amendements que cet organisme de la côte Ouest avait proposés à M. Martin en 1991. Mais M. Martin n'a jamais répondu à cette lettre. Le ministère y a répondu par le truchement du secrétaire d'État. C'est le secrétaire d'État et lui seul qui a tenu toutes les discussions avec cette entreprise et qui a déterminé que cet amendement était conforme à l'intérêt national. L'amendement a donc été présenté. M. Martin n'a pris part à aucune étape du processus.
D'après ce que me disent les représentants de l'entreprise et ses comptables, il serait totalement illogique pour CSL de se prévaloir de cette disposition, compte tenu de la structure dont elle s'est dotée depuis 1992. Il faudrait pour cela qu'elle subisse une restructuration fondamentale et paie des coûts considérables pour obtenir un résultat qui existe déjà de par sa structure actuelle. Mais M. Martin n'a aucune part dans cette affaire, et les éléments fondamentaux de votre position sont contredits par les faits.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je prétends que ma proposition est encore davantage fondée parce que vous venez d'ajouter des cordes à mon arc. Vous venez de contredire votre propre code d'éthique. À la page 2 de votre code d'éthique, où l'on énonce les principes auxquels doit se conformer le titulaire d'une charge publique, on dit que:
-
(5) Dès sa nomination, il
doit organiser ses affaires personnelles de
manière à éviter les conflits d'intérêts réels,
potentiels ou apparents;
Vous venez d'avouer dans votre document et dans vos propos qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts. Est-ce qu'il n'y a pas une disposition de votre code d'éthique de juin 1994 qui vient d'être foulée du pied d'après votre propre démonstration? Est-ce que le ministre des Finances ne s'est pas mis les pieds dans les plats avec une apparence de conflit d'intérêts et est-ce qu'il ne transgresse pas directement une des dispositions de votre code d'éthique?
[Traduction]
M. Howard Wilson: Le ministre des Finances n'était pas en situation de conflit d'intérêts. Le ministre des Finances n'a aucunement participé à tout cela.
J'ai déclaré cependant que le fait que le ministre ait déposé le projet de loi a soulevé la question d'un conflit d'intérêts apparent. Si nos procédures avaient tout à fait fonctionné, nous nous serions penchés sur la question. Nous aurions conclu, je crois, compte tenu de la nature de la modification, puisqu'il n'a pas participé dès le départ, qu'il aurait très bien pu déposer le projet loi. Cependant, il aurait été préférable que le ministère fournisse une explication du contexte.
Dans mon exposé de ce matin, je me suis efforcé de fournir tous ces détails au comité.
Le président: Merci. Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je dois tout d'abord dire que nous vous sommes très reconnaissants de vos déclarations de ce matin, monsieur Wilson, étant donné que vous nous fournissez des précisions sur toute une série de questions. Nous devons également être reconnaissants à M. Loubier d'avoir su être aux aguets.
J'aimerais bien être avocat ce matin pour être en mesure de mieux approfondir la question. Cependant, je n'en suis pas un. Le profane que je suis devra faire de son mieux.,
Tout d'abord, vous nous dites que M. Martin a déposé un projet de loi au sujet duquel il ne connaissait présumément rien. Vous dites qu'il n'était pas au courant de l'aspect qui touchait ses intérêts. Il est tout de même fort révélateur de constater que le ministre des Finances dépose une mesure législative dont il ne sait rien, du moins en partie.
Vous nous dites, monsieur Wilson, que les sociétés de M. Martin, compte tenu de leur structure actuelle, ne se prévaudraient pas de la disposition. Fort bien. Mais nous parlons de la structure actuelle. Elles pourraient très bien s'en prévaloir à l'avenir, mais elles n'ont pas de plan à cet égard, vous ont-elles dit. Nous devons bien accepter cela, évidemment. C'est tout ce dont nous disposons. Ces sociétés sont peut-être bien satisfaites de la nouvelle structure. À l'heure actuelle, aucun changement n'est prévu, pour des raisons évidentes. Nous vous sommes donc reconnaissants de votre commentaire.
• 0940
Également, vous dites ne pas avoir été informé alors que vous
auriez dû l'être. Plus loin, à la page 8, vous dites même qu'on
aurait dû normalement vous informer. Vous ajoutez
-
[...] que toutes questions qui pourraient toucher [...] les
intérêts que possède M. Martin dans des sociétés, soient renvoyées
au sous-ministre adjoint et conseiller juridique du ministère des
Finances, M. Mark Jewett, qui discutera de la question avec moi
lorsqu'il le jugera nécessaire.
Après quoi vous ajoutez que cela s'est fait par le passé. Il s'agit donc d'une procédure bien connue. Elle a déjà été appliquée par le passé mais, pour une raison quelconque, elle ne l'a pas été cette fois-ci. J'imagine que cela vous cause un léger—ma foi, pas à vous, mais que cela remet en question le processus dans une certaine mesure. On y a fait appel par le passé, comme vous l'avez dit, mais pas cette fois-ci. Fort bien. Vous signalez qu'on aurait dû le faire, mais qu'on ne l'a pas fait.
Et puis, monsieur Wilson, plus loin vous dites qu'il n'y a donc pas véritablement de conflit d'intérêts. Je ne sais pas jusqu'à quel point vous avez bien pesé vos mots. Il semble bien y avoir un conflit d'intérêts, mais il n'y a peut-être pas de «véritable» conflit d'intérêts.
Et cela, monsieur le président, soulève toute une série de questions sérieuses. Pourquoi n'a-t-on pas suivi la procédure? Pourquoi le ministre a-t-il déposé un projet de loi dont il ne connaissait pas du tout les dispositions qui touchaient de toute évidence ses sociétés? Comme vous l'avez dit, le ministre n'était vraisemblablement pas au courant, mais cela, nous ne le savons pas vraiment. Je veux dire par là que c'est ce que vous comprenez de la situation.
Voilà qui soulève un ensemble de questions. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser à la suite de ce que vous avez dit, puisque vous avez fait ce que vous deviez faire et que vous l'avez bien fait. Cependant, tout cela oblige notre comité à s'interroger. En effet, nous suffit-il de dire qu'il n'y a pas véritablement conflit d'intérêts, alors que l'on n'a pas suivi les procédures normales, d'autant plus que les sociétés du ministre auraient pu être avantagées? Il me semble que nous ne pouvons tout simplement pas faire comme si de rien n'était et passer à autre chose.
Je m'en tiendrai à cela, monsieur Wilson, et je vous remercie d'avoir levé le voile sur toute une série d'incohérences. Je suis plutôt étonné de constater que le ministre des Finances puisse déposer une mesure législative dont il dit ne rien savoir. Il y a vraiment de quoi s'interroger et je tiens tout simplement à vous remercier de l'immense service que vous nous avez rendu ce matin. Merci.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur Wilson, vous avez bien dit qu'on aurait dû vous mettre au courant plus tôt, que certains précédents à cet égard existaient déjà et qu'on vous avait déjà mis au courant dans d'autres situations où il existait tout au moins une apparence de conflit d'intérêts éventuel. Pourquoi n'avez-vous pas été mis au courant dans ce cas-ci?
M. Howard Wilson: Je crois qu'on ne voyait dans cette mesure qu'une modification de nature technique. C'est en 1991 que la loi a été modifiée en profondeur. Il s'agissait de précisions souhaitées par une organisation de la côte Ouest qui voulait éliminer des incertitudes liées aux changements de 1991. Puisqu'on voyait là des changements d'ordre technique tout simplement, on a conclu qu'il ne s'agissait pas d'une question de fond.
La question a fait l'objet d'une très longue discussion à partir du 2 décembre. J'estime donc qu'il importe d'aller au fond des choses.
J'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y avait véritablement pas conflit d'intérêts, mais certains ont tout de même soutenu qu'il y avait au moins apparence de conflit. Voilà pourquoi j'ai voulu donner des explications détaillées. J'ai dit que cela était vrai, mais que l'allégation était dénuée de fondement, c'est-à-dire que le processus a donné de bons résultats.
Il est certainement nécessaire que nous nous interrogions sur la possibilité de conflit d'intérêts et je dois pour ma part être en mesure de répondre avec autant d'exactitude que possible à toute allégation d'apparence de conflit. Dans le cas qui nous intéresse, je suis en mesure de répondre que le ministre n'a été en conflit d'intérêts ni de près ni de loin.
M. Scott Brison: En deuxième lieu, vous avez dit et répété qu'il s'agit de savoir si M. Martin a été mêlé au processus, et non pas si la mesure a des répercussions sur CSL ou d'autres intérêts qu'il détient. Vous dites même que de telles répercussions n'ont rien à voir avec un conflit d'intérêts et que ce qu'il faut évaluer, c'est la participation de M. Martin à la mesure législative. Est-ce exact?
M. Howard Wilson: En effet, c'est exact, et il vaut la peine d'essayer de comprendre. Le secteur du transport maritime canadien entretient de nombreux rapports avec le gouvernement du Canada et il se peut bien que certains de ses représentants souhaitent soumettre des observations au gouvernement du Canada en vue de faire changer la loi. Même si le ministre des Finances détient certains intérêts dans le secteur du transport maritime, le gouvernement doit tout de même être en mesure d'accueillir de telles propositions et de décider si, oui ou non, il va leur donner suite.
Comment faire en sorte, alors, qu'il n'y ait pas conflit d'intérêts? Il s'agit de veiller à ce que M. Martin ne participe ni de près ni de loin aux discussions. Lorsqu'il est question de politique de transport maritime, il ne participe pas aux réunions du Cabinet. Il ne participera pas non plus aux discussions et aux décisions de son ministère sur de telles questions. Voilà comment nous traitons les situations de ce genre.
M. Scott Brison: Puisque c'est la participation de M. Martin qu'il importe d'évaluer, pourquoi alors avez-vous discuté avec les représentants de CSL des répercussions éventuelles de la mesure sur cette société? En quoi cela serait-il pertinent?
M. Howard Wilson: Eh bien, le matin du 3, j'ai été saisi d'allégations formulées la veille à la Chambre des communes par M. Loubier. Je n'avais à ce moment-là aucune information sur le sujet, un sujet fort technique d'ailleurs. Je n'en savais rien. Je suis constamment en communication avec la société. Je suis la personne qui conclut des ententes avec elle. La société ne traite pas avec le ministre. J'ai donc demandé à mes interlocuteurs de déterminer si ces mesures les touchaient d'une façon ou d'une autre. Je cherchais à obtenir des renseignements, monsieur.
M. Scott Brison: Mais vous avez dit que cela n'était pas important. Ensuite, vous avez déclaré que cela pourrait avoir ou ne pas avoir un effet positif sur CSL. Vous avez dit que les responsables de cette société ne se prévalaient pas à l'heure actuelle de la disposition ou n'adaptaient pas leur structure pour en tirer parti mais que, cependant, s'ils choisissaient de le faire à l'avenir, ils pourraient en tirer profit. Je trouve cela plutôt inconséquent compte tenu du fait que vous dites que la seule vraie question est celle de la participation de M. Martin, tout en passant même assez de temps à évaluer les répercussions sur ses intérêts.
M. Howard Wilson: Permettez-moi de vous expliquer. Selon l'accusation, la société allait être très nettement avantagée. Tel était le contexte politique du débat. J'ai jugé important d'obtenir, de la société, des précisions sur cette mesure que je ne connaissais absolument pas.
Sur le plan du conflit d'intérêts, il importe de déterminer s'il a été mêlé ou non au processus. Il n'y a là aucun illogisme mais, en raison du contexte politique, je m'efforçais d'établir les faits dans la mesure du possible.
M. Scott Brison: Pour savoir si telle ou telle mesure législative risque d'être avantageuse pour une société comme CSL, il me semble qu'il faut interroger d'autres sources que CSL. Je ne suis pas fiscaliste. Je proviens du monde des affaires. Si j'étais l'un des dirigeants de CSL, je ne ferais peut-être pas preuve de la même objectivité que bien d'autres personnes sur cette question.
Tout d'abord, si tout gravite effectivement autour de la participation de M. Martin et non pas des répercussions, je continue pour ma part à avoir de la difficulté à comprendre la pertinence ou l'importance d'un échange avec les représentants de CSL.
En deuxième lieu, permettez-moi de vous dire que CSL ne me semble pas être la bonne source pour obtenir des précisions sur une question de ce genre, compte tenu de la subjectivité des réponses qu'elle pourrait fournir au sujet des répercussions de la disposition législative.
M. Howard Wilson: Il est évident que la raison pour laquelle il n'a pas été nécessaire d'obtenir l'avis de quelqu'un d'autre au sujet des avantages possibles pour CSL est simplement que c'est en définitive la mesure dans laquelle M. Martin a participé à la décision qui détermine s'il y a ou non conflit. Il me semblerait fort étrange, monsieur le président, de devoir analyser toutes les mesures prises par le ministère des Finances pour déterminer quels pourraient en être les avantages possibles pour CSL. Il ne me semble pas que c'est à cette aune qu'on peut équitablement évaluer le conflit d'intérêts. On peut le faire en définissant certains aspects particuliers qui touchent le secteur, pour lesquels M. Martin ne doit pas participer. C'est ce qu'on avait fait au ministère, et M. Martin n'a pas été mêlé au processus.
Le président: Merci, monsieur Brison et monsieur Wilson. Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour éviter toute ambiguïté, monsieur Wilson, vos enquêtes vous ont-elles tout à fait convaincu que le ministre n'a nullement participé à la préparation ou à la présentation de ces modifications?
M. Howard Wilson: J'en suis tout à fait convaincu. C'est ce qu'on m'a dit clairement au ministère et au Cabinet du ministre et c'est ce que m'a dit lui-même le ministre à plusieurs reprises.
M. Tony Valeri: Votre enquête vous a-t-elle permis de conclure que l'ensemble du processus a été mené par le secrétaire d'État?
M. Howard Wilson: En effet, il n'y a aucun doute dans mon esprit à cet égard.
M. Tony Valeri: Êtes-vous donc convaincu que toute accusation de conflit est sans fondement aucun?
M. Howard Wilson: C'est exact.
M. Tony Valeri: Monsieur Wilson, tout en sachant que le conflit d'intérêts aurait trait plus particulièrement à la participation du ministre à la préparation des modifications, avez-vous été persuadé par vos communications avec CSL que cette société ne se prévaut pas de ces dispositions?
M. Howard Wilson: Oui, monsieur Valeri, mes communications avec la société m'en ont convaincu. Elle se prévaut d'autres dispositions. Ses représentants m'ont déclaré que, il y a quelques années, alors qu'ils étaient à planifier leurs opérations internationales, ils avaient envisagé la possibilité de se prévaloir d'une telle disposition mais l'avaient rejetée pour des raisons que seuls des fiscalistes et des comptables seraient vraiment en mesure de comprendre.
M. Tony Valeri: Avez-vous eu l'impression, monsieur Wilson, que même si la société voulait se prévaloir de ces dispositions, elle devrait subir une restructuration si radicale qu'elle ne serait plus du tout la même et que les désavantages l'emporteraient nettement sur les avantages?
M. Howard Wilson: C'est certainement ce que m'ont déclaré les représentants de la société, monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Est-il vrai, également, que la question de conflit d'intérêts soulevée par le Bloc a peu à voir, en réalité, avec les répercussions de ces changements sur la société qui, comme nous le savons, sont pratiquement inexistantes, mais a plutôt trait à la participation du ministre à ces changements? Et n'est-ce pas justement ce sur quoi vous avez mis l'accent ce matin?
M. Howard Wilson: C'est exact.
M. Tony Valeri: Cela étant dit, ai-je raison de comprendre qu'il n'existe selon vous aucun conflit d'intérêts?
M. Howard Wilson: C'est la conclusion à laquelle je suis arrivé.
M. Tony Valeri: Ai-je raison de dire que vous estimez que le ministère aurait dû vous consulter mais que le ministre, en veillant à ce que les modifications soient confiées au secrétaire d'État, s'est comporté exactement comme il aurait dû le faire?
M. Howard Wilson: Le ministre s'est comporté exactement comme il aurait dû le faire.
M. Tony Valeri: Enfin, monsieur Wilson, la question du conflit d'intérêts n'a-t-elle pas trait, en définitive, au fondement même des allégations? Et n'êtes-vous pas convaincu désormais que de telles allégations de conflit sont sans fondement aucun?
M. Howard Wilson: Monsieur Valeri, en cas d'allégations de conflit d'intérêts, il importe d'aller au fond des choses et d'en arriver à une conclusion. Si j'ai donné des détails, c'est pour convaincre le comité que j'avais examiné la question en profondeur et que je n'avais constaté aucun conflit.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.
Monsieur Wilson, pouvez-vous nous décrire les caractéristiques de votre bureau en précisant quelles sont les ressources dont vous disposez pour mener ce genre d'enquête. Quelles sont les compétences dont vous disposez? La chose me semble importante. En effet, à diverses reprises, vous dites avoir fait quelque chose. J'imagine que vous parlez de vous et de vos collaborateurs. Il me semble important que nous comprenions à quelles ressources et à quelles compétences vous faites appel pour évaluer un portefeuille d'investissement, les implications qui en découlent, etc.
M. Howard Wilson: En effet, je serais fautif si je vous disais que j'ai fait tout cela moi-même. Mon bureau compte 22 personnes. Plusieurs de ces personnes travaillent dans le domaine des conflits d'intérêts depuis beaucoup plus que 15 ans, dans divers contextes qui ont changé à mesure que les codes en la matière ont évolué.
Pour ma part, je ne fais partie du bureau que depuis le printemps de 1993, mais notre bureau, grâce aux relations qu'il entretient avec ses homologues provinciaux et d'autres à l'étranger, a réuni un ensemble de compétences fort enviables en matière de conflits d'intérêts. Lorsque je suis invité à me pencher sur un cas, je suis en mesure de m'appuyer non seulement sur mes ressources internes, mais aussi sur celles du gouvernement du Canada dans son ensemble.
M. Paul Szabo: Merci. Voilà qui me semble fort utile.
La question particulière qui touche le ministre des Finances n'est pas dénuée d'intérêt, mais je m'intéresse davantage à une question qui a rapport au processus. Lorsque vous faites enquête, êtes-vous tenu d'après vos fonctions de formuler et de transmettre à toutes les parties intéressées des recommandations au sujet de ce qui s'est passé, de ce qui a semblé se passer, et de ce qui aurait dû se passer?
M. Howard Wilson: Au ministère des Finances, oui. J'en ai discuté avec le ministre. J'en ai discuté avec le conseiller juridique du ministère, qui a veillé à ce que l'avocat général soit mis au courant de cas semblables pour que lui et moi, si nécessaire, puissions en discuter. Lui et moi, comme je l'ai dit, travaillons en étroite collaboration depuis plusieurs années et il nous arrive souvent de parler de ce genre de choses. Nous n'avons pas discuté de ce cas précis.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci.
Une question a été posée à propos du fait qu'un ministre puisse déposer un projet de loi sans en connaître tous les détails. J'imagine que le genre d'examen dont il est question pour le ministère des Finances existe aussi ailleurs. Comment peut-on éviter les conflits d'intérêts dans le cas de textes de loi aussi volumineux, qui modifient tant de lois?
M. Howard Wilson: On me dit au ministère des Finances que dans le cas de textes techniques comme celui-ci, le ministre est informé en termes généraux de sa teneur. Dans le cas présent, il aurait été incorrect pour les fonctionnaires de lui signaler la chose, puisqu'il n'y avait pas été mêlé, et que le feu vert politique avait été donné par le secrétaire d'État.
Le président: Merci, madame Redman et monsieur Wilson.
C'est M. Solberg qui posera la dernière question.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Wilson, je vous remercie d'être venu. Vous avez demandé aux représentants de CSL quelles étaient les conséquences de cette modification pour la société. D'après ce que j'ai compris, ils vous ont dit que cela ne présentait aucun avantage pour eux à court terme, mais l'avez-vous vérifié auprès de fiscalistes ou de quelqu'un d'autre qui sauraient si cela pourrait être avantageux pour la société? Dans la négative, pourquoi? Cela donnera l'impression que vous fonctionnez en vase clos. Il me semble qu'il serait bon que quelqu'un de l'extérieur—vous-même avez dit que vous n'êtes pas fiscaliste—puisse vérifier les effets que cela aura sur CSL.
M. Harold Wilson: Je me suis renseigné à deux sources. La première était le ministère des Finances, qui a déclaré...
M. Monte Solberg: Mais ce n'est pas à l'extérieur.
M. Howard Wilson: Pardon. Laissez-moi répondre à votre question. J'avais posé la question à CSL pour ma propre gouverne parce que, dès le début, ce qui comptait à mes yeux était de savoir si le ministre était en cause ici. C'est surtout cela que je voulais vérifier, et j'ai pu m'assurer qu'il ne l'était d'aucune manière.
Je suis moins troublé par une loi venant du Parlement qui pourrait avoir des conséquences avantageuses pour les intérêts d'un ministre, mais si elle est reliée directement à ce secteur, je tiens absolument à savoir si le ministre est en cause. C'est ce qui a été décidé en 1994. C'est l'essence même de l'évitement du conflit d'intérêts, réel ou apparent.
• 1000
J'ai posé la question à cause du contexte politique. Le débat
portait là-dessus. J'ai soutenu ici que ce n'était pas la question
à poser pour établir s'il y a conflit. Cela a toutefois continué à
entourer les débats du comité et la discussion de la semaine
dernière. J'ai cherché à obtenir des éclaircissements. J'ai demandé
à la société de me donner le plus de détails possible et ses
représentants m'ont expliqué en détail pourquoi cette idée n'aurait
absolument aucun sens ou, chose plus importante encore, combien
cela leur coûterait cher de se restructurer pour profiter de ces
changements. Je considère cela tout à fait suffisant pour ce qui
était davantage une question politique qu'une question réelle de
conflit d'intérêts.
M. Monte Solberg: Mais il n'y a eu aucune vérification de l'extérieur?
M. Howard Wilson: Non.
Le président: Monsieur Wilson, je vous remercie beaucoup de cet exposé très complet. Vous avez abordé des questions majeures, qui importent à tous les membres du comité.
[Français]
Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je veux remercier M. Wilson, mais pas de façon trop définitive, car j'aimerais bien qu'il revienne au Comité des finances pour que nous puissions approfondir davantage cette question.
Ce matin, loin d'avoir apaisé nos appréhensions et contredit nos allégations, il a plutôt confirmé certains points. Premièrement, il vient de reconnaître qu'il avait accepté la version de CSL disant que la compagnie n'en profiterait pas et il a simultanément avoué qu'il n'était pas un spécialiste en planification fiscale.
Deuxièmement, il déclare qu'il n'est pas important que le ministre en profite ou non, du moment qu'il n'a pas participé à l'élaboration du processus. Cela dépasse l'entendement. Le ministre des Finances peut s'assurer la sécurité vis-à-vis de ses impôts. C'est lui qui adopte les lois fiscales; il n'aura donc pas de problème à les invoquer pour justifier son dossier devant Revenu Canada. Il n'aura aucun problème.
Troisièmement, il a reconnu dans son document que c'est M. Martin qui a parrainé le projet de loi, ce qui a toujours été nié à la Chambre des communes au cours des deux semaines pendant lesquelles on a interrogé le premier ministre et le vice-premier ministre là-dessus.
De plus, il a reconnu, à la page 7 de son document, qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts. Qu'il y ait apparence de conflit d'intérêts, cela va directement contre son code d'éthique de juin 1994. Nous n'avons donc pas fini de le questionner.
Les partis d'opposition—je conclus là-dessus, monsieur le président—ont accepté la semaine dernière de signer une lettre vous demandant de mettre sur pied un sous-comité spécial du Comité des finances pour faire toute la lumière sur la modification apportée au paragraphe 260(6) par l'article 241 du projet de loi. Je vous en ai distribué une copie en français et en anglais
Je vous demande d'accepter notre proposition parce que nous sommes loin d'avoir fait la lumière ce matin. Il reste encore des points obscurs à éclaircir. Il y a aussi des contradictions entre le témoignage de M. Wilson et ce qui s'est dit depuis deux semaines.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je rappelle aux membres du comité, qui le savent sans doute déjà, puisqu'ils siègent depuis longtemps à des comités, que le point que vous avez soulevé porte le numéro quatre à l'ordre du jour. Nous allons en discuter comme il se doit après l'exposé de M. Wilson.
Encore une fois, merci beaucoup, monsieur Wilson, d'un exposé très complet.
Deuxièmement, après avoir entendu les autres témoins—nous recevons un deuxième groupe ce matin—nous allons discuter du point que vous venez de soulever conformément à l'ordre du jour.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vous demande de prendre une décision immédiatement. Nous n'allons pas passer à autre chose pour revenir ensuite à l'article 241. La semaine dernière, nous avons perdu notre temps autour de cette question. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous acceptez de créer un sous-comité qui approfondisse la question, non seulement avec M. Wilson, sur le plan de l'éthique, mais aussi avec des planificateurs fiscaux, avec des...
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, vous savez...
[Français]
M. Yvan Loubier: J'aimerais qu'on prenne une décision avant la comparution des autres témoins qui vont traiter de sujets totalement différents.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, vous savez aussi bien que moi que pour créer un sous-comité, le comité plénier doit en prendre la décision. J'inscris la question à l'ordre du jour pour que nous puissions en discuter. C'est la façon directe de procéder, et c'est ainsi que je vais procéder.
• 1005
Nous allons maintenant passer au prochain groupe de témoins:
le chef Waquan, chef de la direction; Laurence Courtoreille; Ian
Taylor, directeur du développement économique; et Peter Ranson,
comptable, de la Première nation crie Mikisew.
Bienvenue, messieurs. Nous serons heureux de vous écouter, ce qui nous aidera sûrement dans notre examen du projet de loi C-28. Comme vous le savez, vous avez une quinzaine de minutes pour faire votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions. Soyez les bienvenus.
Le chef Archie Waquan (Première nation crie Mikisew): Merci, mesdames et messieurs les membres du comité. Bonjour. Je suis le chef des Cris Mikisew. Je suis ici aujourd'hui pour discuter du projet de modification de l'alinéa 149(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je suis accompagné également de spécialistes qui seront heureux de m'aider à répondre à vos questions après mon exposé.
La Première nation crie Mikisew habite l'extrême nord-est de l'Alberta, en bordure et à proximité du lac Athabasca. La partie principale du territoire de la réserve se situe de part et d'autre du hameau de Fort Chipewyan. Érigé en 1788, c'est le plus ancien établissement permanent de l'Alberta.
Neuf mois sur douze, il n'est possible d'avoir accès à notre collectivité que par l'avion ou le bateau. Pendant l'hiver, il est possible de construire une route temporaire qui nous permet de stocker les fournitures essentielles pour le reste de l'année. Malheureusement, cette année, ce pilier de notre économie a été impossible à réaliser et notre autorité régionale a déclaré une urgence locale. C'est par avion que nous parviennent à grands frais le combustible et la nourriture.
La Première nation crie Mikisew est de loin le groupe qui a le plus d'influence dans la région, sur le plan de la population, de l'organisation et de l'innovation. En quelques années seulement, nous nous sommes dotés d'un ensemble de structures de société nous permettant de compenser les désavantages économiques que nous impose le fait d'être l'une des collectivités les plus isolées du pays.
Depuis 1985, les Cris Mikisew ont effectué des changements audacieux. Sous la direction de nos membres, nous avons créé un certain nombre d'entreprises. Nous avons en effet créé des sociétés chargées de gérer la distribution du combustible, les liaisons aériennes, la construction, les matériaux de construction, les services de main-d'oeuvre pour la mise en valeur des sables pétrolifères au sud, c'est-à-dire à Fort McMurray.
À la différence des structures d'entreprise dans le reste du pays, les nôtres n'ont pas pour but de rapporter des bénéfices ou un dividende aux actionnaires. Leur but est plutôt d'offrir à nos membres des possibilités d'emploi et de formation et d'assurer la prestation des services essentiels à la vie de notre collectivité. Nous voulons réduire notre dépendance envers les matériaux, les compétences et les capitaux venant de l'extérieur ainsi qu'envers les paiements de transfert de l'aide sociale.
• 1010
C'est dans cette perspective d'autodéveloppement que se situe
la modification proposée de l'alinéa 149(1)d), très importante pour
nous.
Les grandes entreprises pétrolières viennent d'annoncer des investissements de plus de 20 milliards de dollars dans les sables pétrolifères, et nous nous préparons à lancer une opération dynamique destinée à nous préparer à participer à ce qui, au dire de tous les observateurs, sera une période soutenue de croissance et de prospérité pour toute la région.
La participation à ces nouveaux travaux dans les sables pétrolifères nous rapportera dans 10, 15 ou 20 ans. Ces recettes seront réinvesties dans la formation, l'emploi et la planification pour la consommation durable de nos richesses naturelles, comme le tourisme, la pêche et l'exploitation forestière contrôlée. Ces nouvelles industries assureront le développement pour nos enfants et nos petits-enfants pendant 50, 100 ou 150 ans.
Si les modifications à l'alinéa 149(1)d) du projet de loi C-28 sont acceptées, tout le développement économique de notre collectivité et de celle de beaucoup d'autres Premières nations en pâtira. Nous avons besoin des exemptions qui figurent à l'alinéa 149(1)d) pour assurer notre autosuffisance.
La Loi de l'impôt sur le revenu repose sur la Constitution canadienne. Pour cette raison, elle ne peut être modifiée que par le Parlement au su de toute la population canadienne. Je ne saurais trop insister là-dessus. En vertu de l'alinéa 149(1)d), une Première nation qui est organisée, contrôlée et qui fonctionne comme un véritable gouvernement bénéficie de la même dispense d'impôt que les autres ordres de gouvernement canadiens.
Lorsqu'une Première nation veut concevoir et édifier ses structures institutionnelles et de gestion en vertu de cette disposition, il se produit deux choses importantes. Premièrement, il y a un essor économique grâce aux investissements, à la construction et à la création d'emplois avec l'assurance que toutes les recettes seront réinvesties dans la collectivité et ne seront pas dilapidées sous forme de dividende, de bénéfice ou d'impôt. Cela a pour effet de créer un ensemble de capitaux destinés au développement et au réinvestissement. À long terme, cela augmentera l'autodéveloppement.
Deuxièmement, en se dotant des structures de gestion et d'administration nécessaires pour avoir droit aux exemptions, les Premières nations jettent les bases de l'autonomie gouvernementale. À cet égard, ma Première nation, les Cris Mikisew, ont fait de réels progrès et ont pris des règlements pour la gestion du territoire, l'utilisation du sol, le contrôle financier interne et externe ainsi que la reddition de comptes stricte et transparente vis-à-vis de la collectivité.
Les Mikisew sont en bonne voie de se doter d'une constitution, y compris un ensemble complet de règlements municipaux qui donneront aux Cris Mikisew exactement la même protection que la Constitution du Canada assure au reste de la population.
• 1015
C'est précisément ce que le gouvernement canadien et toutes
les parties représentées ici essaient de faire depuis des années:
la création d'un gouvernement autochtone légitime respectueux de
l'esprit et de la lettre de la Constitution canadienne.
Sans la protection de l'alinéa 149(1)d) à peine une poignée de Premières nations pourront profiter du territoire, des richesses naturelles, de leur emplacement ou du potentiel d'emplois nécessaires à l'autosuffisance et à l'autonomie gouvernementale. Si les changements proposés à la Loi de l'impôt sur le revenu sont adoptés, ces progrès seront réduits à néant.
Avec tout le respect que je dois à la sagesse et au savoir du comité, je vous demande aujourd'hui d'envisager l'ajout d'un paragraphe au projet d'amendement. Il se lirait comme suit:
-
Par précision, la règle des 90 p. 100 du capital nécessaire pour
avoir droit à l'exemption visée à l'alinéa 149(1)d) ne s'applique
pas aux municipalités, commissions ou associations des Premières
nations indiennes, telles que définies dans la Loi sur les Indiens
ou les lois sur l'autonomie gouvernementale lorsque celles-ci:
-
1) appartiennent ou sont contrôlées à 100 p. 100 par une ou
plusieurs bandes indiennes ou des Premières nations;
-
2) emploient les recettes à la promotion de la formation, de
l'instruction ou de l'emploi d'Autochtones; et
-
3) favorisent l'administration de la bande, la création de
l'infrastructure de la réserve ou l'autodéveloppement.
Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter. Nous serons maintenant très heureux de répondre à vos questions, si vous en avez. Je suis aussi accompagné de spécialistes.
Je ne connais pas toutes les réponses, mais avec mes connaissances et toutes mes années comme chef d'une Première nation, je suis certain de pouvoir essayer de répondre à vos questions. Si je n'y arrive pas, les personnes qui sont avec moi pourront m'aider à répondre à votre interrogatoire serré.
Le président: Je vous remercie de cet exposé très instructif et de nous avoir fait connaître vos sujets de préoccupation.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Ritz.
M. Gerry Ritz: Merci, messieurs, de votre exposé.
Une idée me vient. Comme législateurs, il faut toujours être très circonspects lorsque nous traitons d'avantages fiscaux accordés à certains groupes et non à d'autres. L'ensemble de la population doit être convaincue du bien-fondé de cet avantage.
Cet avantage serait-il temporarisé, une fois que vous auriez obtenu l'autodéveloppement que vous cherchez? Vous imaginez-vous un jour devenir des contribuables canadiens comme les autres ou cette situation durerait-elle à perpétuité?
M. Peter Ranson (comptable, Première nation crie Mikisew): Oui. En un mot, oui. C'est ce que nous prévoyons pour plus tard.
Avons-nous une date précise en tête? Ce serait difficile. Pourquoi? Parce que les différentes bandes indiennes ou Premières nations sont à des degrés divers de développement. Certaines sont en très mauvaise posture, alors que d'autres sont plus avancées.
Cela est évident en Colombie-Britannique lorsque l'on voit les revendications territoriales globales en cours de discussion avec les Nishgas. Mais il y a d'autres Premières nations dans la province qui sont loin derrière. Elles en sont à un tout autre stade.
Je pense donc que oui. Est-ce qu'on peut fixer une date? Non, c'est trop difficile. Mais toutes les Premières nations, peu importe le stade où elles sont, ne sont pas contre l'idée d'examiner la chose, et de dire qu'à un moment donné il ne sera plus nécessaire...
• 1020
Ce que nous demandons, c'est de donner les mêmes chances à
tout le monde ou en tout cas nous permettre d'égaliser les chances.
C'est cela la solution. Ensuite, nous pourrons nous mettre sur le
même pied que les autres à un moment donné.
M. Gerry Ritz: À la fin de votre texte, vous parlez de nous fournir un document technique: c'est peut-être là-dedans que pourraient être abordées ces questions.
M. Peter Ranson: Oui, et ce sera fait.
M. Gerry Ritz: Merci.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci.
Chef, pourriez-vous nous donner un exemple précis de ces entreprises qui seraient touchées par le projet de texte? Pourriez-vous nous donner des précisions sur ces entreprises?
M. Ian Taylor (directeur du développement économique, Première nation crie Mikisew): Monsieur Riis, nous exploitons une entreprise appelée Contact Air ou Air Mikisew. Au début, c'était le seul fournisseur de services aériens, voyageurs et fret, à destination et en provenance de notre collectivité.
Comme l'entreprise assure un service essentiel et est contrôlée à 100 p. 100 par le gouvernement de la bande, elle devrait tomber sous le coup du paragraphe 149(1).
D'après le nouveau texte, parce la plus grande partie du capital de cette entreprise provient de l'extérieur de nos limites géographiques—puisqu'il s'agit d'un aéroport administré par Transports Canada, ce qui est à l'extérieur de la réserve—elle n'aura pas le droit à cette exemption.
M. Nelson Riis: Merci.
M. Ian Taylor: Ce qui signifie que des services essentiels sont frappés d'impôts.
M. Nelson Riis: Merci. Cette précision est importante.
Chef, au début vous avez dit que la réserve de votre nation est proche de Fort Chipewyan. Vous avez dit que c'était le premier établissement. Qu'est-ce que ça signifie?
Le chef Archie Waquan: Cette année, le Fort Chipewyan célèbre cette année à peu près 210 ans d'existence. Avant, on le connaissait sous le nom de Little Athens. C'était le centre de l'industrie de la fourrure. C'est ce qui a permis de bâtir notre pays. Toutes les fourrures qui allaient à l'étranger venaient de cette région.
M. Nelson Riis: Chef, avant la traite des fourrures—je sais que je m'écarte un peu—n'y avait-il pas d'autres établissements permanents en Alberta?
Le chef Archie Waquan: Il y avait ce que l'on appelait... Comment ça s'appelait?
Un témoin: Des établissements blancs.
Le chef Archie Waquan: Des établissements blancs.
M. Nelson Riis: Merci.
M. Scott Brison: Merci encore. Je me joins à mes collègues pour vous remercier de votre exposé fort instructif.
En tout, quelles sont les recettes des entreprises visées? Un chiffre approximatif pour les Mikisew nous suffirait.
M. Ian Taylor: Au début c'était une entreprise à but lucratif. Maintenant, ça ne l'est plus. Elles n'ont pas été conçues comme ça; c'est arrivé comme ça.
Des voix: Oh, oh.
M. Ian Taylor: Les mouvements de trésorerie des trois compagnies exploitées et gérées par la Première nation crie Mikisew sont inférieurs à 20 millions de dollars.
M. Scott Brison: Quelle est la taille de votre population?
Le chef Archie Waquan: Près de 2 000. Exactement, c'est 1 931.
M. Peter Ranson: Il faut aussi préciser que ce sont les recettes brutes. Cela représente toutes les dépenses de fonctionnement des diverses entreprises. Les Mikisew, par exemple, n'empochent pas 10 millions de dollars.
Une voix: Évidemment.
M. Peter Ranson: De toute évidence, c'est beaucoup moins.
M. Scott Brison: Ce que vous proposez semble tout à fait raisonnable, mais ça s'applique à énormément de choses et cela ne touche que les Mikisew. Avec un dégrèvement fiscal comme celui-là, vous pouvez soutenir la concurrence avec quiconque, dans n'importe quel secteur.
Comme certaines décisions gouvernementales ont des conséquences imprévues, il faudra être capable de défendre une décision comme celle-là devant tous ceux qui possèdent une petite entreprise.
Est-ce que...? Par exemple, vous avez parlé de Air Mikisew. C'est un service essentiel et peut-être pourrait-il être exempté pour cette raison ou une autre. On pourra aussi examiner les neuf entreprises. Certaines assurent un service essentiel, d'autres seraient plutôt à but lucratif et n'auraient peut-être pas droit à cette exemption.
M. Laurence Courtoreille (chef de la direction, Première nation crie Mikisew): Il faut bien comprendre, tout d'abord, que nous formons un gouvernement.
Tout le monde ici a dit que les Premières nations devraient assurer leur propre développement et ne pouvoir compter que sur elles-mêmes. Notre situation est la même que celle des administrations municipales, sauf que nous assurons l'enseignement, l'aide sociale, les soins de santé, ce que ne font pas les municipalités au pays. C'est la seule différence.
De plus, nous avons de sérieux doutes concernant le moment choisi pour déposer ce projet de loi. Je ne veux pas entrer dans les subtilités juridiques, mais dernièrement les tribunaux, dans l'affaire Otinaka au Manitoba, en sont arrivés à la conclusion que les Premières nations s'apparentent à un gouvernement et devraient donc être assujetties à l'article 149.
Par coïncidence, le ministère des Finances vient de déposer un projet de loi qui stipule que les administrations municipales doivent maintenant produire 90 p. 100 de leurs recettes à l'intérieur des limites géographiques de leur territoire pour être exonérées d'impôts. La plupart d'entre vous savent que les réserves des Premières Nations ne font qu'un mille de largeur sur un mille de longueur et que cela leur sera impossible.
Par contre, les municipalités, surtout en Alberta—et je suis conseiller municipal à Fort McMurray—ont fusionné dans leur région pour former la municipalité de Wood Buffalo. Elle est plus grande que l'Île-du-Prince-Édouard et une autre est en cours d'être formée. C'est donc dire que leur territoire s'étend tandis que le nôtre est très étroit et très peu étendu. Pourtant, on s'attend à ce que l'on soit autonome et autosuffisant à l'intérieur de ce territoire.
Pour que l'on cesse de dépendre de l'aumône, comment peut-on créer les entreprises qui nous permettront d'être autonomes alors que dès qu'on met le pied hors de la réserve on nous enlève tous les bénéfices que nous produisons pour créer du logement, des programmes sociaux et des cours pour nos concitoyens?
Ou bien... Si vous allez de l'avant avec ce projet de loi, aussi bien continuer à nous envoyer des chèques d'assistance sociale.
Une voix: C'est juste.
Le chef Archie Waquan: J'aimerais ajouter quelque chose. Comme chef, j'ai certaines idées que j'aimerais vous soumettre. Il me semble très sensé pour nous d'aller dans cette direction, grâce à Laurence qui est ici.
Il a beaucoup été question par le passé de transparence et de comptes à rendre. Il n'y a pas d'autre Première nation au Canada qui donne autant d'explications à ses membres que les Mikisew. C'est un fait. Tout ce qui se fait dans mon gouvernement, la population le sait—tout. C'est pourquoi les règlements pris pour protéger le gouvernement, les Cris Mikisew, sont bien vus de nos membres, mes électeurs.
Pour ce qui est de l'autonomie, nous avons l'occasion ici de montrer aux contribuables canadiens que nous avons peut-être une solution, si vous voulez changer la loi.
Il est pas mal difficile de trouver des solutions pour les Premières nations. Je le sais, mais vous avez ici une idée. Il est dans votre pouvoir d'apporter des changements dont les Premières nations ont besoin.
Nous détestons nous adresser au gouvernement pour recevoir l'aumône. C'est trop s'abaisser. Ce n'est pas ce que vous voulez non plus. Comme chef d'une Première nation, je ne veux pas le faire.
• 1030
Nous voulons donc être indépendants. Ce projet de loi pourrait
changer les choses, ouvrir la porte aux Premières nations du pays.
Il faut aller vers le Sud. Il faut que je passe les frontières pour survivre parce que nous sommes une petite réserve. Très petite. Je lis les journaux et je me demande comment il se fait que les Premières nations choisissent des territoires qui ne valent rien pour elles. Aujourd'hui, il faut sortir de notre territoire pour que nos gouvernements réussissent.
Je tenais à vous le dire parce que je pense que c'est très important.
M. Peter Ranson: Monsieur Brison, vous avez posé la question de la concurrence avec les autres. Dans notre genre d'activités, nous ne faisons pas la concurrence à qui que ce soit. Il ne s'agit pas d'entreprises qui appartiennent à un seul propriétaire.
Personne d'autre n'assurerait la liaison aérienne avec Fort Chipewyan. Il y a une autre entreprise qui s'occupe de bâtir des logements sur la réserve à Fort Chipewyan. Il n'y a pas de concurrence.
Nous voulons l'exemption dans les cas où il y a un lien réel avec le gouvernement ou lorsque l'on fournit un service à la Première nation.
Nous ne demandons pas d'exonération générale pour toutes les entreprises appartenant à des Autochtones. Ce n'est pas du tout ce que nous demandons.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à M. Szabo.
M. Paul Szabo: Je voudrais revenir à un exemple donné par Ian. Je crois qu'il est important de bien comprendre de quoi il s'agit.
Ce que vous recommandez, c'est que lorsque 100 p. 100 du revenu des entreprises appartiennent à des Autochtones, elles soient exonérées, peu importe où les recettes sont produites...
M. Ian Taylor: Avec certaines réserves.
M. Paul Szabo: Désolé, à condition qu'elles soient contrôlées à 100 p. 100. Les deux autres sont moins radicales. Ce sont des dispositions de nature générale.
Y a-t-il des entreprises qui sont contrôlées à 100 p. 100 dont la principale activité est de produire des recettes plutôt que de desservir la collectivité? Comprenez-vous ce que je veux...
M. Ian Taylor: Oui.
M. Paul Szabo: Comment allons-nous faire la distinction?
M. Ian Taylor: Tout à fait. Quand nous avons rédigé ces trois modifications, c'est ce que nous avions en tête.
La quasi-totalité des structures de compagnie que nous avons bâties au fil des années ont grandi peu à peu pour répondre aux besoins de la collectivité. Lorsque des entreprises ont été créées à but exclusivement lucratif, elles ont été vendues.,
Des membres de la bande sont en affaires et vendent des chips et des boissons gazeuses ou encore des hot-dogs ou font du cirage de chaussures. Les entreprises de services qui sont créées le sont par des particuliers. On les encourage à le faire et ils s'occupent de l'impôt tout seuls.
La Première nation décide de circonscrire ses placements et son organisation afin de ne soutenir que les services qui respectent ces critères essentiels, à savoir l'aide communautaire et l'affranchissement croissant face aux contributions extérieures.
M. Paul Szabo: Certaines de ces entreprises, ou peut-être la majorité, seraient constituées en sociétés?
M. Ian Taylor: Oui.
M. Paul Szabo: Ce qui veut dire que les états financiers pourraient être en fait... Comment allez-vous distribuer les revenus pour ces fins?
Disons que l'entreprise se constitue en société, par exemple, pour offrir des services de transport aérien, et que cette activité génère des profits. Vous voulez maintenant que ces profits servent à promouvoir comme il se doit l'éducation, la formation, le développement, etc. Comment allez-vous distribuer les ressources sur le plan financier?
En théorie, vous devriez verser des dividendes aux propriétaires qui, alors, paieraient des impôts sur ces dividendes à titre de particuliers? Si votre entreprise est constituée en société, vous pouvez obtenir une exonération fiscale. Mais si vous versez des dividendes à un particulier, l'impôt sur le revenu des particuliers intervient. Vous pouvez peut-être donc nous donner des explications ici.
M. Ian Taylor: La Première nation crie Mikisew et le chef et le conseil de la Première nation crie Mikisew possèdent et contrôlent tous les biens des Cris Mikisew dont ils sont les fiduciaires pour toute la Première nation. En tant que tels, ils sont les actionnaires de presque toutes les entreprises. C'est donc l'instance décisionnelle ultime pour toutes les opérations commerciales. En conséquence, il ne s'agit pas pour nous de distribuer les revenus provenant d'une seule source. Tout aboutit à la même place, et l'on répartit les ressources selon les besoins communautaires.
M. Paul Szabo: Une dernière question. Pouvez-vous me dire quel pourcentage des membres de votre bande vivent hors de la réserve?
M. Ian Taylor: Hors de la réserve, ce serait à peu près...
Laurence.
M. Laurence Courtoreille: Je vais vous faire un bref historique de notre collectivité. La gestion d'une réserve est une nouveauté pour nous. En 1986, après 65 ans de négociations, nous avons obtenu un règlement de notre revendication territoriale.
La plupart d'entre nous vivent dans la localité de Fort Chipewyan. C'est le ministère des Affaires indiennes qui nous avait établis dans la localité de Fort Chipewyan. Planification faite, nous nous sommes enfin installés sur la réserve, mais je dois vous dire quelques mots à ce sujet.
En 1986, lorsque nous avons finalement obtenu notre réserve, 90 p. 100 de nos gens vivaient à l'extérieur de la réserve. Revenu Canada s'est immédiatement précipité chez nous pour nous dire que si nous vivions à l'extérieur de la réserve, nous n'avions plus droit à l'exonération fiscale à titre d'Indiens assujettis à un traité.
Nous sommes donc aux prises avec tout ce processus, et il faut compter le fait ici que certaines de nos structures étaient hors réserve avant que soit réglée notre revendication territoriale.
Nous négocions maintenant sérieusement avec Revenu Canada, qui s'est jeté sur nous immédiatement et nous a dit que nous étions hors réserve désormais. On nous a dit, d'accord, si vous avez 10 milliards de dollars, nous pouvons installer toutes les maisons sur la réserve si vous voulez.
Au cours des dernières années, nous avons mis en oeuvre un programme qui nous permet littéralement de transplanter nos maisons sur la réserve, et il s'agit d'un programme unique que nous avons négocié avec un ministère. À l'heure actuelle, à peu près 50 p. 100 de nos logements sont encore hors réserve.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Ranson.
M. Peter Ranson: Je voulais seulement faire quelques observations sur un aspect qui a trait à la question des sociétés.
Il doit distribuer... Les dividendes d'entreprises doivent être versés, mais en vertu de certains critères énoncés à l'article 87 de la Loi sur les Indiens et à l'alinéa 149(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ces revenus bénéficieraient d'une exonération dans le cas de la Première nation Mikisew.
L'autre problème a trait à la création de ces entreprises. Dans tous les cas, on cite l'exemple de la Première nation Mikisew, mais son modèle est en fait très répandu dans les bandes indiennes du pays. On impose la nécessité de créer des entreprises, et cela ne correspond pas à une volonté, comme dans bien des cas. En termes simples, on se demande si une bande indienne est une personne morale au sens de la loi. En conséquence, bon nombre d'entités hésitent à faire affaire avec une bande indienne, qu'il s'agisse d'une inquiétude légitime ou d'une perception. Elles craignent ce qu'elles croient être des problèmes ou des questions politiques.
Souvent, ce sont des exigences administratives qui imposent la création de la société. Dans ma province, la Colombie-Britannique, le ministère des Forêts n'émet des licences d'exploitation forestière qu'aux entreprises. Cas classique.
Donc, souvent, ce n'est pas par choix, parce que ces entreprises seraient exonérées. Si la Première nation ou la bande indienne touche des revenus directement, ce revenu bénéficiera d'une exonération fiscale, et alors on lui impose la création d'une entreprise.
On les enferme donc maintenant dans une structure qui les oblige à composer avec ces autres aspects, d'où la nécessité de modifier l'alinéa 149(1)d).
M. Laurence Courtoreille: Sachez également, à titre d'information, que par suite de nos vérifications, le gouvernement a exigé que toutes nos entreprises et celles qui sont associées à la Première nation Mikisew soient intégrées dans notre vérification des états financiers. Donc, lorsque nous présentons les états financiers du gouvernement de la Première nation Mikisew, toutes nos entreprises sont également vérifiées et figurent dans le rapport de vérification.
Le président: Monsieur Iftody.
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Ce sont davantage des informations que je voudrais ici. On présume qu'avec ces changements... Je connais les Cris du Québec. Voilà pourquoi je vous ai demandé de quelle province vous étiez. On présume que la ligne aérienne Air Québec qui est propriété des Cris de la Baie James—mais dont le siège social se trouve à Val d'Or, au Québec—serait touchée de la même façon par ce changement. Le pensez-vous aussi?
M. Ian Taylor: Nous l'ignorons. Nous ne pouvons pas vous dire ce qu'Air Québec fera de ses dividendes ou de ses profits.
M. David Iftody: D'accord.
M. Ian Taylor: J'irais même jusqu'à dire que si l'entreprise canalise ses profits de la manière que nous avons expliquée ici, si l'entreprise leur appartient à 100 p. 100, par opposition à 51 p. 100 dans une entreprise conjointe, ou s'il s'agit de l'une de ces exploitations subsidiaires qu'on voit souvent...
• 1040
Il s'agit ici de cas où l'entreprise est contrôlée à
100 p. 100 par la Première nation et où il est prouvé que tous les
revenus sont consacrés à la promotion de la formation et de
l'éducation selon les conditions ou normes que Revenu Canada aura
imposées ou négociées. Si l'entreprise est contrôlée de cette
façon, et si elle encourage la prise en charge du gouvernement
autochtone, j'imagine qu'il existera aussi une disposition de ce
genre. Mais encore là, sans connaître les détails du fonctionnement
de cette structure, je ne peux pas répondre.
M. Laurence Courtoreille: Je me contenterai de vous dire que j'ai été élu au conseil municipal de Wood Buffalo. Tous nos revenus sont exonérés d'impôt.
M. David Iftody: Sur la réserve?
M. Laurence Courtoreille: Non, je parle de la municipalité de Wood Buffalo. Je siège au conseil municipal de Wood Buffalo, et tous les revenus que génèrent les services à notre population sont exonérés d'impôt.
M. David Iftody: Eh bien, l'Assemblée des premières nations a un bureau à Ottawa, mais techniquement, pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, le siège social est en fait situé sur une réserve en Ontario ou au Québec. Donc, les personnes qui travaillent dans ce bureau ne paient pas d'impôt sur le revenu des particuliers parce que, pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, on considère qu'elles vivent sur la réserve.
Prenons un cas évident. On considère que le chef Phil Fontaine, le chef national, vit dans la localité de Sagkeeng au Manitoba—même s'il travaille ici, son revenu est donc considéré comme un revenu qu'il aurait gagné sur la réserve.
Je veux dire que nous prévoyons toutes ces exceptions, n'est-ce pas, pour l'exonération des revenus des particuliers?
M. Laurence Courtoreille: Tout d'abord, je tiens à souligner le fait que nous ne sommes pas ici pour parler du droit à l'exonération fiscale qui est issu des traités. Nous sommes ici pour parler à titre de gouvernement, tout comme la municipalité de Wood Buffalo, comme la province de l'Alberta ou comme le gouvernement du Canada. Nous sommes un gouvernement qui fournit des services à ses citoyens.
Nous ne sommes pas ici pour parler du Traité no 8, qui dit expressément que nous n'avons pas à payer d'impôts sur le revenu. Nous ne sommes pas ici à titre individuel pour parler du droit à l'exonération fiscale qui est issu de notre traité. Nous ne parlons pas non plus du droit qu'a Phil Fontaine d'être exonéré de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous sommes ici pour parler d'un gouvernement en particulier, qui est reconnu par la Constitution canadienne, et qui fournit des services à ses citoyens. Voilà pourquoi nous disons aujourd'hui que notre gouvernement ne devrait pas être imposé. Nous devrions bénéficier de la même reconnaissance que les tribunaux ont accordée il y a un an.
Signalons une coïncidence: maintenant que les tribunaux ont dit que la bande de Le Pas ressemble à s'y méprendre à un gouvernement municipal, tout à coup on change les règles.
Signalons une autre coïncidence: nous avons trouvé les modifications à la loi sur un site Web. Nous nous sommes dit, mon Dieu, ils vont maintenant nous dire que nous devons réaliser tous nos revenus à l'intérieur des limites de notre réserve. C'est impossible. Nous sommes une entreprise, nous sommes un gouvernement, nous ne sommes pas des particuliers. Nous ne sommes pas ici pour parler des droits que donnent les traités.
M. David Iftody: Oui, Laurence, je ne voulais pas m'engager dans cette discussion, parce que c'est un sujet complexe même quand tout va bien, et il y a des...
Des voix: Ah, ah.
Une voix: Ça va bien aujourd'hui?
Une voix: Non, ça va bien.
Une voix: Ça va bien, oui.
M. David Iftody: Je dirai, à titre de clarification du point de vue de la politique gouvernementale, que nous avons apporté des innovations pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers. Je suis tout à fait favorable à ces mesures.
D'ailleurs, je suis aux prises avec une question qui fait intervenir une Première nation du Manitoba et une entreprise de ma circonscription qui livre du bois pour la construction de logements. Il se trouve que la ligne ferroviaire s'arrête à un huitième de mille des limites de la réserve. Il faut donc décharger le wagon, tout mettre dans un camion, et envoyer le chargement à la réserve. Maintenant on l'oblige à payer la TPS. Donc tout le monde s'est retrouvé devant le tribunal pour cette affaire. L'application de la lettre de la loi par Revenu Canada dans cette affaire particulière cause donc des complications.
Il y a une question que je voulais poser... J'ai un comptable agréé assis à côté de moi, et je pourrais lui laisser le soin de poser la question. Surtout que j'ai plus de cheveux que lui. Il disait tout à l'heure qu'il avait mal aux cheveux.
Est-ce qu'il y a un moyen de structurer tout cela? C'est pourquoi j'ai cité l'exemple cri. Je connais le chef Billy Diamond. C'est un bon ami à moi. Je vais d'ailleurs lui signaler cette situation cet après-midi, pour savoir ce que les Cris du Québec font, parce que la comparaison est très frappante. Il s'agit ici d'une ligne aérienne qui est la propriété d'une Première nation crie. Donc je vais lui signaler cette situation.
Je voulais savoir si cela pose un problème. Y a-t-il moyen, par exemple, de modifier la structure d'entreprise de votre bureau qui se trouve à un aéroport, au lieu de le classer comme holding? Est-ce qu'il y a moyen de diviser ce processus pour calmer les préoccupations du ministère du Revenu?
Peter, je ne sais pas, vous voulez peut-être répondre à cette question.
M. Peter Ranson: Il y a quelques éléments ici.
D'abord, pour répondre en quelques mots à l'autre question, dans le cas de la Première nation Mikisew, bon nombre d'employés paient l'impôt sur le revenu des particuliers. Ils ne bénéficient d'aucune exonération à cause de l'endroit où ils travaillent. Il convient de le souligner. Nous n'essayons pas d'obtenir une exonération ici. Il s'agit d'un cas séparé pour Revenu Canada.
Pour ce qui est des entreprises, le problème qui se pose à nous, c'est ce que nous devrons faire du point de vue de la responsabilité juridique. Prenez le cas d'Air Mikisew Ltd., l'un des problèmes que nous avons se situe au niveau des autorités administratives. Accepteront-elles une société en commandite? Accepteront-elles une fiducie commerciale où une entreprise agirait à titre de fiduciaire? Ensuite se pose la question de savoir ce qui va se passer si un avion tombe du ciel et tue 10 personnes? Toutes ces questions interviennent ici.
Malheureusement, diverses lois s'appliquent ici, qu'il s'agisse de la Loi sur les Indiens, du droit corporatif habituel, du droit sur la responsabilité délictueuse ou du droit sur des partenariats. Est-ce qu'une autre structure serait préférable? Oui, si nous pouvions permettre à la Première nation de toucher ces revenus. Malheureusement, nous nous butons à ces autres contraintes, et c'est là que nous avons un problème.
Si l'on pouvait créer un autre véhicule... Par exemple, dans le cas du Conseil des Indiens du Yukon, il existe des entreprises d'établissement, qui autorisent des exonérations fiscales pour la période où les localités essaient de trouver du financement. Mais nous n'avons pas ça, et c'est ça le problème. Nous devons encore vivre avec des entreprises.
M. Ian Taylor: J'ajouterai autre chose. Au fil des ans, nous avons consacré énormément de temps, d'énergie et de frais à adapter des structures de gestion pour qu'elles correspondent à l'évolution du climat administratif dans lequel nous vivons. En inscrivant cette exemption dans l'alinéa 149(1)d) de la loi, vous allez constituer un climat qui nous permettra de planifier à long terme. L'élément qui est peut-être le plus important dans la planification, c'est de savoir dans quel climat vous allez évoluer. Comme je l'ai dit, il nous a fallu beaucoup d'énergie pour créer des structures qui s'adaptent à ces divers climats. Cela nous aiderait beaucoup à réduire nos coûts, à créer une certaine uniformité et à faire ce que nous sommes censés faire.
Pour répondre à la question que vous avez posée un peu plus tôt sur ce que nous comptons faire, Revenu Canada a ses propres mécanismes pour les municipalités et les autres organismes qui bénéficient de la règle d'exonération que prévoit la loi en ce moment, et que contiendra vraisemblablement la loi modifiée. On nous appliquerait simplement le même mécanisme, et nous accepterions qu'on nous applique ce mécanisme et ces critères, que Revenu Canada appliquerait à n'importe quel autre organisme. Nous n'avons pas intérêt ici à être traités séparément mais à être traités équitablement.
M. David Iftody: Je n'ai plus de questions. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur Valeri, avez-vous une autre question?
M. Tony Valeri: Oui, très rapidement; je ne veux qu'une clarification. Dans la dernière partie de votre mémoire, vous dites que vous allez nous fournir un document technique détaillé. Pouvez-vous dire au comité quand il le recevra?
M. Peter Ranson: Demain.
M. Tony Valeri: Très bien, merci.
Le président: C'était un excellent exposé, merci beaucoup. Vous avez éclairé des aspects très intéressants que nous allons bien sûr étudier de nouveau lorsque nous aurons reçu votre document technique. Nous vous remercions de vos suggestions qui nous aideront sans doute à améliorer ce projet de loi. Encore une fois, au nom du comité, merci.
Nous passons maintenant à l'article 4 de notre ordre du jour, où l'on nous demande de créer un sous-comité qui étudiera l'article 241 du projet de loi C-28. Je tiens à dire à tout le monde, même si je suis sûr que vous le savez déjà, que j'ai reçu une demande écrite, signée par les quatre partis d'opposition, où l'on prie le Comité permanent des finances de créer un sous-comité spécial chargé d'examiner l'article 241 du projet de loi C-28. Il s'agit bien sûr du projet de loi dont notre comité est maintenant saisi.
Je crois comprendre que M. Loubier va maintenant nous expliquer de quoi il s'agit. Est-ce exact, monsieur Loubier?
[Français]
M. Yvan Loubier: Je peux annoncer, monsieur le président, que tous les partis d'opposition sont d'accord. Jusqu'à présent, les discussions que nous avons eues lors de l'analyse du projet de loi C-28 sur les dispositions des paragraphe 241(1) et (2), qui modifient les alinéas 250(6)a) et b), n'ont pas permis de faire toute la lumière sur l'ensemble de la question et sur la possibilité que le législateur qui a parrainé ce projet de loi ait été en conflit d'intérêts.
D'ailleurs, ce matin, le conseiller en éthique nous a confirmé que c'est le ministre des Finances qui parraine le projet de loi. Nous avons posé à ce conseiller en éthique des questions techniques. Il a reconnu qu'il n'avait pas la compétence pour y répondre. Par contre, il tenait pour vrais les dires des dirigeants de la CSL, du ministre des Finances et de ceux qui gravitent autour de lui.
• 1050
Il existe donc un problème quelque part. Ce que nous
demandons, c'est que les parlementaires aient la
possibilité de faire toute la lumière sur cette
question par l'entremise d'un sous-comité où pourraient
être invités toute personne, tout organisme ou toute
entreprise susceptible d'apporter un éclairage sur le
sujet.
Si mes collègues ont quelque chose à ajouter, je les invite à le faire.
[Traduction]
Le président: Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Monsieur le président, je me répète peut-être, mais je crois que c'est important si nous avons des doutes quant à l'existence d'un conflit d'intérêts. Dans l'intérêt du ministre, il serait logique d'étudier cette question un peu plus à fond, et de déterminer, en s'adressant à des gens ou à des experts du domaine—des experts de la fiscalité et autres—s'il est possible ou non que le ministre profite de cette mesure même à son insu. Pour son bien, je pense qu'il serait logique de procéder ainsi, nous sommes donc évidemment favorables à cette initiative.
Le président: La création d'un sous-comité?
M. Monte Solberg: Oui.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Monsieur le président, sachant qu'on a dit ce matin que la seule façon de déterminer s'il existe un avantage évident et tout le reste, et si le ministre a été mêlé à cela, c'est de téléphoner à son entreprise, et sachant qu'on a répondu que non, qu'on n'allait pas faire ça, et ainsi de suite, j'imagine qu'on s'attend à ce qu'il réponde: «Ah oui, nous n'attendions que cela», ou «Cela nous paraît bien», ou quoi que ce soit d'autre?
Je crois que nous avons en effet besoin de plus d'éclaircissements. Je présume—et je dis bien que je présume—qu'avec plus de précisions, le débat prendrait fin. Je pense que c'est nécessaire dans l'intérêt du ministre.
Je pense qu'on devrait lui demander s'il serait d'accord avec l'idée de créer un sous-comité rien que pour dissiper tous les doutes à ce sujet une fois pour toutes. Sachant le genre d'homme qu'il est, il serait d'accord. Parce que si l'on ne fait rien, on sait ce qui va arriver. Des soupçons pèseront sur toute cette affaire pour toutes sortes de raisons politiques évidemment. Dans l'intérêt non seulement du ministre, mais très franchement du gouvernement et du pays tout entier, si les choses sont bien ce qu'elles sont censées être, alors faisons la lumière sur tout cela, et procédons. Sinon, les soupçons continueront de planer.
Le président: Merci, monsieur Riis. Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit M. Loubier plus tôt, lorsqu'il a affirmé en présentant sa motion que le ministre avait piloté ce projet de loi. En fait, comme l'ont dit non seulement le conseiller en éthique ce matin, mais également M. Farber lorsqu'il était ici, le ministre n'a eu aucune part à la facture de ce projet de loi. Et il ne fait aucun doute que le conseiller en éthique ce matin a confirmé que le ministre n'avait pas piloté ce projet de loi, que c'était le secrétaire d'état. C'est une question totalement différente.
M. Wilson était ici ce matin à titre de conseiller en éthique, et non d'expert fiscal. M. Loubier lui a demandé si le ministre des Finances était en conflit d'intérêts. Le conseiller en éthique est la personne chargée de déterminer s'il existe des conflits d'intérêts, et il a clairement réaffirmé ce matin que ce n'était pas le cas.
Encore là, je veux que le comité se rappelle bien la réponse que le conseiller en éthique a faite ce matin à la question de savoir si le ministre avait pris part à la facture de ce projet de loi. Le conseiller en éthique a redit très clairement que le ministre n'y avait pris aucune part.
Nous avons entendu M. Farber, l'expert fiscal, et M. Loubier et d'autres députés lui ont posé les questions relatives à la fiscalité. D'ailleurs, j'ai demandé si l'organisation comme l'avait dit Le Soleil, pouvait profiter de cette disposition particulière. Il a répondu qu'il était inconcevable que cette entreprise puisse se restructurer rien que pour profiter de cette disposition particulière.
Enfin, j'aimerais rappeler aux membres du comité que le Comité permanent des finances a pour mandat non pas d'étudier les conflits d'intérêts imaginaires ou réels, mais d'étudier les dispositions du projet de loi C-28. Si les membres du comité veulent reprendre ce débat ailleurs, il leur est certainement loisible de le faire, mais le comité permanent a pour mandat d'étudier les dispositions du projet de loi C-28. Monsieur le président, à mon avis, c'est justement cela que notre comité doit faire: poursuivre son analyse du projet de loi C-28.
Le président: Monsieur Szabo, suivi par Mme Redman.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Il semble y avoir divergence d'opinion quant à ce qui constitue un conflit. Il semble que M. Riis, par exemple, veut approfondir la question de l'avantage. À mon avis, il ne s'agit pas de savoir si le ministre ou l'entreprise du ministre va en retirer un avantage. En fait, j'admettrais, et le ministre aussi je pense, que pour tout changement à la fiscalité en général, on pourrait probablement trouver un exemple où il existerait un avantage pour l'une de ses entreprises.
Ce n'est pas de sa faute si l'une de ses entreprises retire un avantage, ou perd quelque chose. Ce sont les risques, et c'est la raison pour laquelle on est en affaires. La question est de savoir s'il y a conflit d'intérêts.
M. Nelson Riis: Toutefois.
M. Paul Szabo: La question est encore de savoir s'il y a conflit d'intérêts; et je ne pense pas qu'on faciliterait les choses en cherchant à savoir s'il existerait un avantage pour une entreprise dont il serait le propriétaire, directement, indirectement, ou par n'importe quel autre mécanisme. Ça ne prouve pas qu'il y a conflit d'intérêts.
La question était de savoir s'il y a conflit d'intérêts. Nous avons entendu le témoignage. La recommandation a été faite.
Pour ce qui est de l'expérience et de la compétence—et on cherche encore la petite bête en interrogeant une personne qui est un expert—c'est une des raisons pour lesquelles j'ai demandé si on avait les ressources voulues. Le fait est que M. Wilson s'est servi de toutes les ressources à sa disposition pour déterminer s'il y avait conflit d'intérêts ou non.
Aller plus loin ici, ce serait dire que nous possédons ou pouvons obtenir des informations qu'il n'avait pas ce qui ne semble pas être le cas. Je ne pense pas qu'il y ait de trous ou de carences dans les informations qui nous permettraient de déterminer s'il y a conflit d'intérêts. Je ne crois donc pas qu'il serait productif pour notre comité de créer un sous-comité quelconque pour en savoir plus long.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Dans le même ordre d'idées, je dirai moi aussi que je ne vois pas très bien ce qu'on cherche à faire en créant un sous-comité. Il me semble qu'on met deux choses différentes dans le même sac, et il s'agit de savoir s'il y a ou non conflit d'intérêts. Je ne vois pas la nécessité de créer un sous-comité pour obtenir une réponse que nous connaissons déjà. On va simplement continuer à poser la même question dans l'espoir d'entendre une réponse différente, alors que nous avons clairement déterminé que le ministre des Finances n'est pas en conflit d'intérêts.
Le président: Merci, madame Redman.
D'autres observations? Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Je veux clarifier ce qu'a dit Paul. Le fait est que M. Martin, dont l'entreprise pourrait profiter de cette loi, a présenté lui-même ce projet de loi.
M. Tony Valeri: C'est inexact.
M. Nelson Riis: Inexact?
M. Tony Valeri: Vous affirmez que son entreprise va profiter de cette mesure. Ce n'est pas prouvé. Je vous rappelle ici le témoignage non seulement de M. Farber, je vous l'ai redit, mais aussi du conseiller en éthique, qui a consulté la CSL, qui lui a clairement répondu qu'elle n'était pas en mesure de profiter de la moindre disposition et qu'elle n'envisageait rien de ce genre. Pour en profiter, l'entreprise devrait se restructurer de fond en comble.
M. Nelson Riis: Sauf le respect que je vous dois, c'est qu'ils disent.
M. Tony Valeri: Eh bien, si je puis vous donner un autre exemple, monsieur Riis, si le gouvernement propose une loi qui profitera à l'exploitation des sables bitumineux, va-t-il alors restructurer son entreprise pour tirer partie des sables bitumineux? Chaque fois que le gouvernement adopte une politique, il y a des particuliers qui sont touchés. D'ailleurs, si le projet budget propose quoi que ce soit concernant l'éducation...
M. Nelson Riis: Je suis d'accord.
M. Tony Valeri: La question est de savoir s'il y a conflit d'intérêts, et c'est ce que M. Loubier cherche à savoir. Je vous réponds qu'il nÂy en a pas.
M. Nelson Riis: Tony, vous ne m'avez pas compris. Il se peut que nous débattions ici d'une question très technique, et j'imagine que c'est le cas. Il serait bon que l'on clarifie cela.
Tout d'abord, M. Wilson a dit que seulement dans ce cas, on ne s'est pas conformé aux formalités habituelles. À la page 7, il mentionne que par le passé, lorsque ce genre de conflits potentiels se posait, il en était informé, et que l'on intervenait alors par diverses filières habituelles. Il dit que cela ne s'est pas fait dans ce cas-ci.
C'est aussi le ministre lui-même qui a présenté cette mesure législative. N'importe quel autre ministre aurait pu la présenter, mais c'est lui qui l'a fait, et il semble qu'il pourrait y avoir un avantage évident pour sa grande société de portefeuille. Et pour le vérifier, le responsable en matière de conflit d'intérêts s'informe auprès de la société en question. Que pourrait-on y répondre d'autre que ce qu'on a dit: non, nous n'avons pas l'intention d'en profiter. Ceux qui ont répondu ont même ajouté, cependant, que dans sa structure actuelle, la loi ne leur est d'aucun usage. C'est peut-être le cas, mais il serait bien que quelqu'un d'autre qui n'a pas d'intérêt direct dans ce cas—par exemple un fiscaliste, nous le dise.
M. Paul Szabo: Mais il a les ressources nécessaires pour...
M. Nelson Riis: Mais il n'a pas été plus loin. Il l'a admis lui-même.
M. Paul Szabo: Ce n'est pas certain. Vous n'avez pas posé la question—vous n'avez pas demandé si outre le fait d'avoir appelé la société en question, il avait fait autre chose.
M. Nelson Riis: Je lui ai posé la question et il a répondu non, il a dit qu'il n'avait pas demandé de conseil de l'extérieur.
M. Paul Szabo: A-t-il demandé à ses fonctionnaires s'ils estimaient s'il fallait examiner la question plus à fond, ou ont-ils donné une opinion? On n'a pas déterminé si les spécialistes à sa disposition ont donné une opinion quant à la nécessité d'effectuer une analyse plus poussée.
M. Nelson Riis: Monsieur le président, nous pouvons discuter de cette question et je suppose que nous le ferons. Nous perdrons probablement le débat et c'est plutôt normal. Pensez cependant à M. Martin lui-même. C'est une personne qui a des aspirations politiques, je suppose. Pensez-vous que l'opposition sortira simplement d'ici en disant que ça va, nous avons réglé cette question et c'est tout? Il traînera ce boulet pendant longtemps—une apparence de conflit d'intérêts. Même le responsable en matière d'éthique dit qu'il n'y a pas de véritable conflit, mais que veut-il dire—il y a un conflit, mais ce n'est pas un vrai? Il s'agit là de subtilités. Pensez-vous que le ministre des Finances veut que cette affaire continue de faire l'objet de cette question comme celle que nous soulevons apparemment ici, et qu'on demande à des spécialistes d'autres opinions que le conseiller en éthique n'a apparemment pas cherché à obtenir? Par égard pour M. Martin, ne devrions-nous pas éclaircir cette affaire une fois pour toutes?
Le président: Nous discutons en réalité de l'établissement d'un sous-comité et je pense qu'il faudrait en tenir compte de temps à autre, au cours de la discussion.
M. Nelson Riis: Bien, oubliez cela... je vais m'arrêter ici.
Le président: Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.
Laissez-moi vous dire pourquoi je pense que nous devrions créer un sous-comité. Comme le conseiller en éthique l'a signalé, il est allé lui-même demander à la société si elle allait en retirer un avantage. Il pensait évidemment que c'était pertinent, que c'était important de le faire. Ainsi, selon lui, c'était un élément essentiel à la question de conflit d'intérêts. S'il pensait que c'était important, n'est-il pas normal que nous trouvions un tiers, quelqu'un qui serait indépendant?
Et nous lui avons posé la question, Paul. Nous lui avons demandé s'il l'avait fait et il a répondu non. N'est-il pas normal de convoquer une telle personne devant un sous-comité pour déterminer s'il y a une possibilité que la CSL soit avantagée? Il jugeait évidemment que la question était assez importante, car il l'a posée. Il a demandé aux représentants de la CSL si l'entreprise serait avantagée. Pour une raison quelconque, il a pensé qu'il pourrait y avoir un conflit d'intérêts. C'est mon premier argument.
Deuxièmement, nous devons nous rappeler qu'étant donné la façon dont est structuré le bureau du conseiller en éthique, cette personne n'est pas au service du Parlement, elle est au service du premier ministre. Je remarque à l'article 24 des lignes directrices en matière de conflit d'intérêts, que s'il y a désaccord entre le titulaire d'une charge et le conseiller en éthique, c'est le premier ministre qui tranche ce désaccord. Je soutiens donc que dans un certain sens, le conseiller en éthique se trouve lui-même en situation de conflit d'intérêts. Je pense que la seule façon de résoudre le problème est de permettre aux partis de l'opposition de participer à un sous-comité afin que nous puissions déterminer, en dehors de cette sphère politique fermée, s'il y a conflit d'intérêts.
Le président: Vous aviez bien commencé, lorsque vous avez essayé de répondre à la question, mais ensuite vous avez parlé de choses que nous n'aborderons pas, à mon avis—vous avez essayé de déterminer si le conseiller en éthique se trouvait lui-même en situation de conflit d'intérêts.
M. Monte Solberg: Monsieur le président, je pense que nous sommes maîtres de notre propre sort au comité. S'il est normal...
Le président: Sans dépasser les limites de la raison, cependant. Toujours dans des limites raisonnables.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Pour appuyer ce qu'a dit M. Solberg ce matin, comme la semaine dernière d'ailleurs, nous avons posé des questions auxquelles on a répondu, mais auxquelles on n'a pas répondu entièrement.
• 1105
Ainsi, le conseiller en éthique a écrit à la page 6 de
son document—à l'intention de M. Valeri qui ne sait
pas lire—que M. Martin «sponsored this bill».
«Sponsored» se traduit par «parrainé» en français.
M. Wilson a reconnu lui-même qu'il n'avait pas toutes les compétences pour évaluer l'impact direct ou indirect des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu sur la société CSL ou ses affiliés.
Alors, il se pose des questions sur la planification fiscale, auxquelles M. Len Farber a répondu en partie la semaine dernière en nous donnant raison. Toutefois, elles gagneraient à être approfondies.
Puis il y a un autre type de témoins que j'aimerais convoquer ici, devant le comité. Ce serait aussi un spécialiste en éthique, mais qui soit de l'extérieur. Il y a des professeurs d'université qui étudient l'éthique, qui sont capables de donner une évaluation peut-être plus objective que celle de M. Wilson sur ce qui est un conflit d'intérêts apparent, ou bien un conflit d'intérêts réel ou potentiel.
Ce matin, M. Wilson a dit qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts. Cela, vous le lirez comme il le faut, monsieur Valeri, parce que cela soulève des problèmes. Je pense qu'on n'a pas les mêmes textes. Pourtant, je lis la version en anglais et elle correspond exactement à la version française. M. Wilson a dit qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts.
Toutes ces questions requièrent la mise sur pied d'un sous-comité. Par le passé, on a créé des sous-comités pour des questions qui étaient beaucoup moins importantes que celle qui se pose à nous à l'heure actuelle.
[Traduction]
Le président: Monsieur Valeri, suivi de M. Pillitteri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Contrairement à vous, monsieur Loubier, je respecte mes collègues. Je pense que lorsque vous vous adressez à un collègue ou que vous faites des commentaires à son sujet, vous devriez éviter les remarques désobligeantes. Je pourrais ajouter qu'en vous lançant dans cette expédition, vous vous livrez seulement à une chasse aux sorcières, mais je m'en tiens généralement aux faits.
Le conseiller en éthique a dit ce matin que certains députés ont allégué une apparence de conflit d'intérêts. Il faisait certainement allusion à vous lorsqu'il a fait ce commentaire et je vous exhorte donc à écouter très attentivement et à vous en tenir aux faits.
Comme je l'ai dit tantôt, je souligne que le mandat du Comité permanent des finances n'est pas d'examiner les conflits d'intérêts apparents ou réels. Notre comité se réunit pour examiner une mesure législative, en l'occurrence le projet de loi C-28. Du point de vue technique, le projet de loi C-28 ne traite en aucune manière de la question des conflits d'intérêts. On peut examiner une telle question ailleurs, mais certainement pas à ce comité.
Un témoin est venu au comité ce matin à titre de conseiller en éthique. M. Solberg a mentionné que nous savions de qui relevait ce conseiller. Je rappelle à M. Solberg que dans notre régime parlementaire, le premier ministre du Canada relève en fin de compte du Parlement, et donc tout revient au Parlement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour détendre un peu l'atmosphère ce matin, je tiens à dire officiellement qu'il s'agit strictement de politique. Je serais en faveur de la création de ce sous-comité, mais si nous nous réunissions et consommions de mon vin, je suis persuadé qu'il y aurait matière à conflit d'intérêts. Je suis assez certain que je me trouverais dans une situation de conflit d'intérêts et je ne voudrais donc pas que nous étudiions la question ailleurs après l'avoir fait à cette table. En somme, pour des questions ou des motifs de nature politique, ils essayeront n'importe quoi. Si nous suivions leur initiative, en tant que parlementaires, nous risquerions de nous retrouver avec un groupe de gens aux idées biscornues qui représenteraient ici la population du Canada, sans qu'aucun d'entre eux n'ait la capacité de penser ou d'agir par lui-même, monsieur le président.
Je pense que mon commentaire est juste et que c'est ce que l'opposition voudrait nous voir faire. Je ne pense pas pouvoir appuyer une telle idée.
Merci.
Le président: J'ai omis tout à l'heure de donner la parole à Mme Torsney et je le fais donc maintenant.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
Je pense que le compte rendu devrait indiquer que M. Loubier essayait d'obtenir une bouteille de vin de M. Pillitteri. Je ne suis pas certaine de ce qu'on entend par des gens aux idées biscornues, mais j'ai trois choses à dire au sujet de la création du sous-comité.
Si vous regardez à la page 2 de l'exposé du conseiller en éthique, vous verrez clairement qu'il s'agit de modifications de forme. Il ne s'agit pas de modifications de fond à la Loi de l'impôt sur le revenu. Et si vous lisez un peu plus loin, vous verrez que ceux qui ont proposé cette mesure sont arrivés au gouvernement en 1990 et qu'il s'agissait d'une toute autre organisation. Ces gens n'avaient rien à voir avec la Canada Steamship Lines, il s'agissait d'un groupe de Vancouver. Et les modifications ont été apportées par un autre gouvernement, si bien que le ministre n'a absolument rien à y voir. L'article 241 représente donc en réalité une modification de forme.
• 1110
Deuxièmement, pour ce qui est de savoir s'il y a une question
de conflit d'intérêts, le conseiller en éthique a été très clair.
À la fin du premier paragraphe de la page 9, il dit: «les
allégations sont dénuées de fondement»—les allégations de
M. Loubier—«M. Martin ne se trouve pas en situation de conflit
d'intérêts». Il est donc clair que nous n'avons pas besoin d'un
sous-comité spécial pour en décider, puisque nous avons déjà réglé
la question au comité même.
Troisièmement, enfin, quant à savoir s'il faut un sous-comité, c'est-à-dire un sous-comité de notre comité—c'est le mauvais comité. Si vous voulez poser des questions au sujet du fonctionnement du bureau du conseiller en éthique, il faudrait le faire comparaître devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre ou un autre comité. Ce n'est pas l'affaire du Comité des finances. Notre comité a pour tâche d'examiner les subtilités des projets de loi dont nous sommes saisis.
M. Monte Solberg: Il n'y a pas de sous-comité en matière d'éthique—disons-le bien clairement.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je pense qu'il est inutile de poursuivre la discussion. Il est clair que vous ne voulez pas créer de sous-comité.
Je vous demanderais tout simplement de nous confirmer par écrit, cette semaine, le fait que vous, président du Comité des finances, après discussion avec l'ensemble des membres de ce comité, refusez de mettre un sous-comité sur pied. Il ne sert à rien de s'éterniser là-dessus. Nous voyons bien quelle orientation vous prenez. Nous ne sommes tout de même pas fous. Alors, répondez-nous par écrit, cette semaine, que vous n'acceptez pas qu'on crée un sous-comité, et puis that's it, on vient de régler le problème.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, si vous voulez qu'un sous-comité soit créé, vous devrez proposer une motion à cet égard.
[Français]
M. Yvan Loubier: Bon, d'accord. La lettre que j'ai déposée en français et en anglais, signée par mes trois collègues...
[Traduction]
Le président: Si vous proposez une motion officielle, il y aura un vote sera pris et vous aurez la réponse à votre question.
[Français]
M. Yvan Loubier: Nous, les quatre partis formant l'opposition, demandons que soit constitué dans les plus brefs délais un sous-comité spécial du Comité permanent des finances dans le but de clarifier la situation quant à l'interprétation de l'article 241 du projet de loi C-28. Cette disposition touche le transport maritime international et est parrainée par le ministre des Finances, qui possède des intérêts dans ce secteur d'activités. À cet égard, il nous semble essentiel que toute la lumière soit faite quant à la possibilité d'apparence de conflit d'intérêts ou de conflit d'intérêts réel. Le comité devra par ailleurs être investi du pouvoir d'inviter tous les témoins susceptibles d'aider le Comité des finances à faire cet examen, tels des fiscalistes et des praticiens du transport maritime.
C'est le sens de la motion, le même que celui de la lettre signée par les représentants des quatre partis d'opposition, et je la dépose.
Cependant, il ne s'agit pas tout simplement de voter sur une motion. Moi, je veux une réponse écrite de votre part à cette requête, et dès cette semaine, parce que la lettre vous était adressée.
[Traduction]
Le président: Vous obtiendrez votre réponse.
Voulez-vous un vote par appel nominal?
[Français]
Une voix: On veut une lettre écrite.
M. Yvan Loubier: Oui.
[Traduction]
(La motion est rejetée par 8 voix contre 5)
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, comme je l'ai mentionné, la motion que nous avons déposée devant cette chambre est extraite de la lettre qu'on vous a fait parvenir. Je m'attends, de même que mes collègues, à ce que vous nous écriviez dès aujourd'hui pour nous dire que vous refusez, comme président du comité, qu'un sous-comité du Comité des finances soit mis sur pied pour analyser l'article 241.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier...
[Français]
Une voix: Eh bien, oui! C'est pour cela que nous avons écrit une lettre.
[Traduction]
Le président: ... je comprends que vous aimiez recevoir des lettres de moi, mais voici ce qu'il en est: je peux vous écrire une lettre vous demandant de lire le résultat du vote comme un énoncé de la volonté du comité de ne pas créer de sous-comité. C'est ce que je vous dirais dans la lettre, si vous en voulez une.
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est cela. C'est cela.
[Traduction]
Le président: Comme vous le savez, je m'en remets aux membres du comité.
M. Yvan Loubier: C'est ce que je veux.
Le président: Bien.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur.
Le président: Portez-vous bien. Ayez une magnifique journée.
La séance est levée.