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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mai 1999

• 0914

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Bonjour tout le monde.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude sur les phoques. Avant cela, toutefois, nous avons deux ou trois choses à régler.

• 0915

Premièrement, il y a la lettre que j'ai reçue de John Cummins, notre vice-président. La décision qui a été prise à la réunion qui s'est tenue la semaine dernière, à propos de M. Chapple et de la Pacific Salmon Commission, a beaucoup contrarié John. Je lui ai parlé la semaine dernière personnellement et j'ai essayé de lui expliquer ce qui est arrivé.

Peut-être devrais-je vous donner la parole, John. Je pense que tous les membres du comité ont une copie de votre lettre. J'ai également ici, John, une copie du procès-verbal. Avez-vous lu le procès-verbal de la réunion où cette question a été soulevée?

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Avec le message d'amour du secrétaire qui est là-bas, de l'autre côté.

Le président: Le ministre en second.

M. John Cummins: Je sais.

Le président: John, vous avez la parole.

M. John Cummins: Je pense que c'est en février que cette question a été soulevée; j'ai demandé que M. Chapple comparaisse devant le comité. Il venait d'être nommé par le ministre. J'estimais qu'il y avait des raisons de lui demander de comparaître devant le comité. Il a dit oui, et le comité était d'accord pour qu'il vienne. Il a dit oui et ensuite, il n'a pas pu venir, pour des raisons d'ordre médical, je pense.

La deuxième option était une téléconférence. Je n'aimais pas trop l'idée d'une téléconférence pour entendre M. Chapple, mais j'ai accepté cette solution. On a fait les arrangements nécessaires et au dernier moment, il a refusé de participer.

Il s'agit selon moi d'une question importante, et je crois que l'on devrait insister auprès de M. Chapple pour qu'il comparaisse devant le comité. J'aimerais le voir ici avant la fin du mois de mai, en tout cas, d'ici quinze jours.

Le président: En bref, juste pour lancer la discussion sur ce sujet, comme je l'ai indiqué à John, j'ai reçu un appel de M. Chapple la veille de la téléconférence, et il m'a dit qu'il hésitait à participer. C'est à cause de problèmes de santé qu'il n'avait pas pu venir à Ottawa, comme c'était prévu au départ, et la vidéoconférence était la deuxième option. Lorsqu'il a découvert qu'il était le seul des membres nommés pour siéger à la commission qui avait accepté de participer à nos audiences, ou qui souhaitait le faire, il s'est montré très hésitant, et il m'a demandé s'il était possible de remettre sa comparution.

Lorsqu'un ministre nomme quelqu'un, ce n'est pas la même chose qu'une nomination par décret. Dans le cas des nominations par décret, nous avons le droit d'exiger que la personne qui a été nommée comparaisse devant le comité. Mais dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'une nomination faite par le ministre. Plusieurs personnes ont été nommées, John. Il y a eu quatre ou cinq nominations, dont la sienne.

D'après ce qu'il m'a dit, même s'il a certaines réserves, il serait prêt à participer à une vidéoconférence, si on en organisait une autre. Mais le comité aimerait probablement qu'il ne comparaisse pas seul. Cet homme a traversé une situation stressante, il a eu des problèmes cardiaques et on vient de lui implanter un cardiostimulateur. En tant que président, je ne veux certainement pas le stresser davantage en lui demandant de comparaître devant un comité.

Voilà donc les deux points que je voulais souligner. Si les autres membres...

M. John Cummins: Si je peux me permettre de faire une observation, monsieur le président, je suis sensible au fait que M. Chapple a un cardiostimulateur. Sans vouloir me montrer dur à son égard, c'est une chose avec laquelle il va falloir qu'il apprenne à vivre.

D'un autre côté, les raisons pour lesquelles j'aimerais que M. Chapple comparaisse devant le comité sont fondées, et c'est la raison pour laquelle la demande a été faite. Je ne pense pas que ce devrait être d'autres facteurs qui l'empêchent de venir.

Le président: Monsieur Cummins, parmi les personnes qui ont été nommées membres de la Pacific Salmon Commission, est-il le seul que vous souhaitez entendre? Si nous adoptons votre point de vue, devrions-nous inviter les autres membres de la commission?

M. John Cummins: Pour le moment, discuter avec les autres membres de la commission ne m'intéresse pas. C'était la nomination de M. Chapple qui m'importait, et j'avais quelques questions à lui poser. J'estime que ce sont des questions qui ont quelque importance. J'aimerais les lui poser, et c'est la raison pour laquelle nous avons fait cette demande. Pour le moment, je n'ai aucune raison de poser des questions aux autres membres de ce comité.

• 0920

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Mais, monsieur le président, cela pose-t-il un problème si deux membres de la commission, M. Chapple et une autre personne, comparaissent devant le comité? Vous êtes libre de questionner qui vous voulez. Si cela facilite sa comparution devant le comité...

M. John Cummins: C'est à M. Chapple que je veux poser des questions, et cela n'a donc aucune importance qu'il soit là tout seul ou qu'il vienne avec sa femme et sa fille, ou qui que ce soit d'autre. Pour moi, qui l'accompagne n'a aucune importance.

M. Wayne Easter: Je pense que la décision qui a été prise la semaine dernière n'était pas d'annuler cette comparution; nous avons décidé de la retarder. Ayant été nommé, M. Chapple a l'obligation de comparaître. J'en suis convaincu, qu'il s'agisse d'une nomination par décret, d'une nomination du ministre ou autre. Mais je suggère que nous invitions un autre membre de la commission à comparaître avec lui.

M. John Cummins: Je ne vois pas pourquoi, pour le moment, nous devrions imposer à quelqu'un une comparution devant le comité. Je pense que cela devrait être simple. Si M. Chapple souhaite amener quelqu'un avec lui, c'est son problème, mais je ne crois pas que le comité devrait demander à quelqu'un d'autre de nous consacrer un peu de temps juste pour faire plaisir à un témoin. À mon avis, cela ne facilite tout simplement pas le processus. Le fait est que j'aimerais voir M. Chapple comparaître devant le comité, et M. Chapple uniquement.

Le président: Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le président, peut-être suis-je le seul à me poser cette question, mais je ne me rappelle pas que l'on ait dit auparavant en quoi la comparution de M. Chapple revêt de l'importance et quelle priorité cela devrait avoir. Est-ce que cette comparution est justifiée à cause de sa pertinence par rapport aux travaux du comité à l'heure actuelle et par rapport à la priorité de...?

M. John Cummins: M. Chapple a été nommé membre de la Pacific Salmon Commission, et cette commission joue un rôle essentiel dans la gestion des stocks de saumon du Pacifique. C'est une question de grande importance pour les pêcheurs marchands, les adeptes de la pêche sportive, les pêcheurs autochtones et quiconque profite de la ressource que représentent les saumons de la Colombie-Britannique. Cette nomination soulève pour moi quelques sujets de préoccupation, et j'aimerais que M. Chapple réponde à certaines questions. Je pense qu'il devrait y répondre devant le comité.

M. Carmen Provenzano: Ce que je ne comprends pas, monsieur Cummins—pensez-vous qu'il devrait comparaître immédiatement, que c'est une chose qui devrait avoir lieu très prochainement, ou que l'on devrait inscrire cela à l'ordre du jour du comité pour que la question soit traitée en temps opportun?

M. John Cummins: Non. J'ai demandé en février—je pense que c'était le 17 février—que M. Chapple comparaisse devant le comité. C'était convenu. Il a annulé une fois ou a demandé que sa comparution soit retardée. Nous avons accepté. Une date a été fixée et, quelques jours avant sa comparution, il s'est décommandé. Or, la saison de la pêche au saumon approche à grand pas, et je pense que cette nomination—j'aimerais questionner M. Chapple avant qu'il ne soit trop pris, l'été prochain, par la gestion du poisson de la Colombie-Britannique. C'est pour cette raison que j'aimerais qu'il vienne et que ce soit maintenant et non plus tard.

Le président: Monsieur Cummins, peut-être pourriez-vous expliquer au comité... Il y a cette commission et cinq personnes en ont été nommées membres; pourquoi en distinguer une en particulier? Je ne vois pas en quoi ce monsieur a plus d'autorité ou de pouvoir, si je peux m'exprimer ainsi, que tout autre membre de la commission. Est-ce la décision du ministre que l'on remet en question, pour ce qui est du choix...?

M. John Cummins: J'ai certaines questions à poser à M. Chapple. Je pense qu'il est tout à fait clair qu'il n'est qu'un membre du comité parmi d'autres. Il a été nommé par le gouvernement pour siéger à ce comité. Les nominations qui ont été faites auparavant—il y a seulement deux ou trois ans, je pense—étaient des nominations par décret. Cette règle a été modifiée récemment. Mais il reste que toute personne qui siège à ce comité est en position d'exercer beaucoup d'influence. Il y a des questions auxquelles M. Chapple doit répondre, je pense, de façon à ce que les gens de la Colombie-Britannique puissent être assurés qu'il a les capacités voulues pour siéger à ce comité et prendre des décisions qui affecteront les pêcheries de la Colombie-Britannique.

• 0925

Le président: Mais enfin, pour dire les choses clairement, parmi toutes les nominations qui ont été faites par le ministre, c'est la seule qui vous préoccupe, vous et votre parti.

M. John Cummins: C'est la seule qui me préoccupe pour l'instant.

Le président: Vous vous demandez si cela convient, étant donné le rôle de cette commission.

M. John Cummins: Si vous voulez. Je pense qu'il y a certaines questions que l'on devrait poser à M. Chapple, et c'est ce que j'aimerais faire.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur le président, cela ne me pose aucun problème que le comité l'invite à comparaître. Mais je me demande si M. Chapple a été nommé plus récemment que d'autres, s'il a été le seul à être nommé ou si d'autres l'ont été en même temps? Pourquoi nous intéressons-nous plus particulièrement à M. Chapple?

Moi aussi, j'aimerais l'entendre et lui poser des questions, mais je ne sais pas pourquoi c'est la personne à qui il serait préférable de poser des questions. Peut-être pourriez-vous être un peu plus précis. Il se peut que nous ayons les mêmes raisons que vous de le questionner. Peut-être devrions-nous savoir cela avant de nous montrer un peu plus persistants.

M. John Cummins: Tout ce que je dis, c'est que M. Chapple a été nommé membre de ce comité. Cela fait un certain nombre d'années qu'il oeuvre dans l'industrie de la pêche en Colombie-Britannique. Il est le seul membre de ce comité qui soit nouvellement nommé, je crois; dans les autres cas, il s'agissait de renouveler une nomination. Je pense qu'il est logique qu'il comparaisse devant le comité et réponde à certaines questions concernant son attitude et sa capacité à s'acquitter de sa tâche.

M. Paul Steckle: Lorsqu'il a été nommé, cette nouvelle a-t-elle été bien reçue par les pêcheurs de saumon du Pacifique ou bien est-ce que cela leur pose un problème quelconque? Je ne sais pas. C'est simplement pour m'informer que je demande cela.

M. John Cummins: Je pense que cela soulève quelques préoccupations dans certains secteurs, oui. Partant, à mon avis, M. Chapple devrait venir et répondre à certaines questions.

M. Paul Steckle: Cette commission a-t-elle été appelée à comparaître devant le comité à un moment donné il n'y a pas longtemps?

M. John Cummins: Est-ce que les nominations des membres de cette commission...?

M. Paul Steckle: Non. La commission s'est-elle récemment présentée devant le comité?

M. John Cummins: Pas que je sache. En revanche, certains membres de la commission ont déjà comparu.

Le président: Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, juste pour être sûr du processus à suivre, nous avons convenu auparavant de l'inviter. Avons-nous besoin d'une motion? Quelle est la procédure à suivre pour régler cette question?

Le président: Monsieur Easter, je pense que nous pouvons la régler s'il y a consensus, mais étant donné la façon dont l'opposition voit les choses, il pourrait s'avérer difficile d'en arriver à un consensus.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, je reviens à ma première proposition, c'est-à-dire d'inviter M. Chapple à témoigner en compagnie d'un autre membre de la Pacific Salmon Commission. Le comité devrait peut-être s'intéresser aux responsabilités et aux fonctions des membres de cette commission et, comme le dit John, à leurs compétences. Un député a certes le droit de remettre des nominations en question, et cela ne me pose aucun problème. Mais je suis convaincu que nous devrions inviter deux personnes.

Le président: John, seriez-vous d'accord avec cela et accepteriez-vous que nous invitions, au minimum, deux membres de cette commission, dont M. Chapple?

M. John Cummins: Bien sûr. On pourrait, par exemple, inviter les nouveaux membres et peut-être aurait-on des questions à poser à d'autres qu'à M. Chapple. Je pense qu'il y a au moins un autre nouveau membre.

Le président: Donc, nous sommes d'accord et nous allons essayer d'organiser... D'après le greffier, nous ne pouvons nous libérer avant le 25 mai et nous allons donc faire les arrangements nécessaires pour tenir une vidéoconférence avec des membres de la Pacific Salmon Commission le 25 mai.

John, est-ce que cela vous convient?

M. John Cummins: Oui, le 25 mai, c'est très bien.

Le président: Bon. Merci.

• 0930

M. John Cummins: Puis-je poser une autre question à propos des comparutions devant le comité? Cela concerne le MPO. Nous avons demandé que des responsables du ministère viennent faire un exposé sur l'impact qu'aura le Traité Nishga sur la gestion des pêcheries. La question est débattue à l'heure actuelle à la Chambre. Le ministre en parle. J'aimerais savoir quand nous pouvons espérer un rapport d'information du MPO sur cette question.

Le président: Monsieur Easter, pouvez-vous renseigner le comité?

M. Wayne Easter: En l'occurrence John, je ne sais pas trop où en sont les choses, mais nous pouvons nous renseigner et vous rendre la réponse jeudi. Je ne sais pas trop où ils en sont. Je vais vérifier et je vous dirai ce qu'il en est jeudi.

Le président: Pour revenir encore une fois sur la réunion de la semaine dernière, l'autre sujet en suspens est le dossier de l'aquaculture. Nous n'avons encore tiré aucune conclusion. J'ai parlé au Comité de l'environnement, ou plutôt à son président, et il semble maintenant que le comité aimerait participer mais voudrait reporter la chose à plus tard. Je sais que pour de nombreux membres de notre comité, c'est une question assez urgente.

La semaine dernière, j'ai suggéré que l'on envisage la création d'un comité. On a proposé que ce comité se compose de neuf membres, cinq libéraux et quatre députés de l'opposition, ce qui correspondrait presque à ce comité-ci, quand il est au complet. Regardez ce qui se passe ce matin, il y a sept membres du gouvernement et un seul député représentant l'opposition. Que les partis de l'opposition...

M. John Cummins: Nous n'en comptons pas moins, je peux vous l'assurer.

Le président: Que les partis de l'opposition soient prêts ou non à consacrer le temps et l'attention voulus à la participation à un autre sous-comité, je n'en sais rien.

Jeudi, il va falloir que nous décidions comment ce comité pourrait être établi. Par exemple, un comité de cinq membres regrouperait trois députés du gouvernement et deux de l'opposition, si cela est jugé acceptable. Je n'en sais rien. Mais jeudi, nous allons essayer de prendre des décisions. L'année est déjà bien avancée, et nous ne sommes pas loin de la période de congé qui commence en juin.

L'autre question qui se pose, bien entendu, c'est la possibilité que le comité voyage, et nous aimerions savoir, John, si votre parti est prêt à appuyer une demande de fonds pour les voyages au Comité de liaison. J'imagine que nous irions probablement sur la côte Ouest, chez vous, à cause des entreprises d'aquaculture qui existent là-bas, au Québec et probablement dans les provinces maritimes.

Si donc vous pouviez éclaircir certaines de ces choses d'ici jeudi, nous pourrions prendre une décision à ce propos.

Je prie nos témoins de l'Institut canadien de la fourrure de bien vouloir nous excuser de leur faire endurer la revue de toutes ces questions administratives que nous devons parfois faire. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Alison Beal, la directrice générale de l'Institut canadien de la fourrure, et à Brian Roberts, président. Ils ont probablement suivi avec une certaine appréhension nos discussions sur la chasse aux phoques. Il est certainement juste de ne pas limiter l'industrie de la fourrure à l'exploitation des phoques... Je sais que, de temps en temps, mon bureau reçoit votre petite brochure.

L'industrie de la fourrure a joué un rôle essentiel dans l'histoire du Canada. De fait, le commerce de la fourrure que l'on pratiquait dans bien des régions du Canada a été ce sur quoi notre nation s'est bâtie. Aujourd'hui, naturellement, ce qui s'est passé a été la source de préoccupations et d'une certaine appréhension pour l'Institut de la fourrure et l'industrie de la fourrure.

Bref, nous aimerions vous souhaiter la bienvenue au Comité. Nous allons consacrer environ dix à quinze ou même vingt minutes à votre exposé, qui sera suivi par une période de questions posées par les membres du comité.

Bienvenue, madame Beal et monsieur Roberts. Vous avez la parole.

Mme Alison Beal (directrice générale, Institut de la fourrure du Canada): Merci, monsieur Hubbard, et à vous tous, de nous donner l'occasion de nous exprimer.

Aux fins du compte rendu, nous ne représentons pas l'Institut canadien de la fourrure mais l'Institut de la fourrure du Canada.

Nous sommes très heureux d'être parmi vous. Cela pourrait paraître un peu étrange de voir que, dans le contexte d'une discussion sur les phoques, on traite séparément la question de la fourrure. La raison pour laquelle nous sommes ici est très précisément pour vous parler de certaines questions que nous avons dû régler, nous qui faisons le commerce de la fourrure, lorsque certains pays de l'Union européenne ont proposé d'interdire l'importation de nos produits. Mon collègue, M. Roberts, va explorer cela de façon un peu plus approfondie.

• 0935

J'aimerais tout d'abord vous donner une petite idée de ce qu'est notre organisation. Elle a été créée en 1983 et sa mission a été définie par le Conseil canadien des ministres responsables de la faune, qui réunit tous les ministres de la faune des provinces et territoires et, bien entendu, le ministre fédéral de l'Environnement; ce conseil a décidé qu'il fallait créer une organisation nationale non partisane pour défendre les intérêts de ceux qui pratiquent le commerce de la fourrure au Canada.

Le mandat défini par les ministres était le suivant: organiser un institut multisectoriel dont tous les membres chercheraient à défendre les intérêts supérieurs de la profession et assurer que parmi les adhérents soient représentés les gouvernements des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral, les associations de trappeurs, les éleveurs d'animaux à fourrure, les Autochtones, les organismes de conservation, les organismes de protection des animaux—ceux qui défendent les droits de l'animal ne partageant manifestement pas nos buts ni nos objectifs—et tout le secteur en aval du commerce de la fourrure, y compris les fabricants, les maisons de ventes aux enchères, les apprêteurs et les teinturiers et, naturellement, les détaillants.

Au Canada, le commerce de la fourrure a une envergure internationale. De fait, étant donné que le marché canadien est si limité, puisqu'il ne représente que 29 à 30 millions de consommateurs, il faut que nous vendions notre produit à l'étranger. Nos opérations sont très rentables dans la plupart des régions du monde où il y a des hivers et même dans beaucoup d'endroits où ce n'est pas le cas. La fourrure est encore considérée—et je présume qu'il va continuer d'en être ainsi—par certains, comme une façon de se protéger du froid et par d'autres, comme un accessoire de la beauté, et à notre avis, c'est très bien ainsi.

Notre organisme est une association nationale à but non lucratif. Nous comptons à l'heure actuelle 102 membres ayant le droit de vote. Il ne s'agit pas de particuliers, mais d'organismes. Donc, essentiellement, nous sommes un organisme cadre et parmi nos adhérents, on trouve les associations de chasseurs de phoques et naturellement, le gouvernement de Terre-Neuve.

Notre financement est assuré par tous les gouvernements des provinces et des territoires, par le gouvernement fédéral en ce qui concerne les frais administratifs de base et bien sûr, par le secteur du commerce de la fourrure.

Au cours des dix dernières années, le programme auquel nous avons consacré le plus de fonds est celui dans le cadre duquel nous avons entrepris des travaux de R-D portant sur les pièges, un programme qui s'est acquis une réputation internationale étant donné le leadership dont nous avons fait preuve pour améliorer les techniques de piégeage.

Les comités que nous avons mis sur pied sont les suivants: le Comité de recherche et développement sur les pièges, le Comité de communication avec les Autochtones, le Comité des affaires nationales et le Comité des affaires internationales.

Au cours des dix dernières années—en fait, depuis un peu plus longtemps—l'institut s'est engagé dans une bataille dont le but était d'empêcher l'Union européenne d'interdire l'importation de produits en fourrure d'animaux sauvages en Europe. Cette interdiction était l'aboutissement des initiatives prises par les défenseurs des droits de l'animal qui, en 1987-1988, avaient essayé de faire adopter par le Parlement britannique un projet de loi qui nous aurait obligés à mettre sur les manteaux de fourrure une étiquette où serait inscrit un message que nous trouvions plutôt odieux et qui aurait pu porter préjudice à nos activités commerciales. Le Canada est intervenu pour demander que cette question d'étiquetage ne soit pas traitée par le Parlement britannique, et c'est effectivement ce qui s'est passé. L'examen de la question a été confié à l'Union européenne. Brian va vous donner beaucoup plus de détails sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous avons eu plus de chance que les chasseurs de phoques et nous avons réussi à éviter que l'importation de nos produits en fourrure en Europe soit interdite.

Nous avons bénéficié d'un appui extrêmement solide de la part du gouvernement canadien, du premier ministre, du Cabinet, de nos ambassades à l'étranger, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l'Environnement et du ministère des Affaires indiennes qui ont tout mis en oeuvre pour s'assurer qu'une telle interdiction n'entrerait pas en vigueur. Cette action concertée n'aurait pas été possible s'il n'avait pas existé un institut regroupant toutes les parties prenantes. Nous avons réussi à faire en sorte qu'elles laissent toutes de côté leurs divergences et se concentrent exclusivement sur les interventions nécessaires pour empêcher l'interdiction de l'importation de notre produit dans les pays de l'Union européenne, ce qui aurait fait grand tort à notre commerce, comme on avait déjà pu le voir dans le cas de l'industrie de la chasse aux phoques.

• 0940

En bout de ligne, et pour résumer, nous nous sommes assurés que les décisions concernant l'industrie de la fourrure au Canada étaient des décisions fondées sur des données scientifiques, des faits et des connaissances, et non sur des opinions et un discours à caractère émotif.

Brian Roberts—que je suis très heureuse de présenter—préside notre Comité des affaires internationales. Il est l'un des deux représentants élus par le gouvernement fédéral pour siéger à notre conseil d'administration.

Si vous me permettez de revenir brièvement en arrière, notre conseil d'administration est structuré de façon à ce qu'aucun organisme ni groupe d'intérêt puisse jamais contrôler toute l'organisation. Nous nous assurons donc de toujours représenter tous les intérêts du secteur pour éviter de devenir une organisation dont le mandat serait étroitement défini.

Brian fait partie de notre conseil d'administration à titre de représentant élu du gouvernement fédéral. Il siège au conseil depuis 1987 et au comité exécutif depuis 1990. Brian et quelques-uns de ses collègues ont contribué à faire avancer nos pourparlers avec l'Union européenne et à nous assurer de l'appui du gouvernement du Canada en la matière.

Brian.

M. Brian Roberts (président, Institut de la fourrure du Canada): Merci, Alison. Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

Le but de cette invitation... comme Alison y a fait allusion, nous avons une certaine expérience en la matière. Dans une certaine mesure, c'est une coïncidence si l'Institut de la fourrure a été fondé en 1983, quelques mois après l'effondrement du marché européen de la fourrure de phoques blanchons et à dos bleu.

Je vais faire un rapide survol de ce que nous appelons deux études de cas concernant les phoques et les raisons pour lesquelles—du moins à mon avis, qui est partagé par les coauteurs du document que nous vous avons distribué—nous avons, dans un cas, essuyé un échec aussi retentissant alors que dans l'autre cas, ce qui est très surprenant selon moi, nous avons réussi à imposer notre point de vue, étant donné qu'essentiellement les deux situations mettaient en cause les mêmes protagonistes et antagonistes, l'Union européenne et le Canada, ainsi que les groupes de défense des droits de l'animal, et que la question était essentiellement la même: on tuait d'adorables petits animaux pour alimenter le commerce de la fourrure. Alors, pourquoi dans un cas, avons-nous essuyé un tel échec? Pourquoi dans l'autre cas, du moins du point de vue du Canada, avons-nous réussi?

Je vais très brièvement faire une comparaison entre les deux situations. J'espère qu'on vous a distribué un exemplaire de mon aide-mémoire. D'après ce que je comprends, il a également été traduit. Cela me surprend beaucoup. Quelle efficacité!

Mme Alison Beal: Cette efficacité ne vous surprend pas vraiment.

M. Brian Roberts: Ce n'est pas votre efficacité qui me surprend. Je suis surpris de constater que ce document vous a été transmis à 15 h 30 hier et qu'il est déjà traduit. Mes félicitations à votre équipe de traducteurs.

En 1983, il ne restait plus que 2,5 millions de phoques à capuchon. Comme de précédents témoins l'ont dit au comité, on estime que ce nombre a maintenant au moins doublé. Alors, pourquoi l'Union européenne a-t-elle interdit l'importation de produits fabriqués avec la fourrure de cette espèce animale qui n'est pas menacée d'extinction? On a fait croire aux politiciens européens qu'ils sauvaient une espèce menacée d'extinction. Il est toujours facile de s'opposer à la cruauté, surtout lorsqu'elle est motivée par l'appât du gain ou qu'elle ne sert qu'à permettre de fabriquer des objets de luxe. L'image de jolis bébés phoques est toujours attendrissante, c'est l'innocence sans défense qui est là, sur la glace. Qui ne voudrait pas les sauver?

Par ailleurs, une telle intervention de la part des députés du Parlement européen présentait l'avantage de ne mettre aucun emploi en péril dans leur circonscription. Il faut aussi prendre en compte le fait que le Parlement européen, comme l'a dit un commissaire à l'environnement il y a deux ou trois ans, n'est pas un véritable parlement. Cette dame va regretter cette déclaration toute sa vie. Ce n'est pas un véritable parlement en ce sens qu'il n'est pas habilité, par exemple, à proposer des lois. Il n'a pas de comptes à rendre. Il n'est pas tenu responsable de quoi que ce soit. Tout ce qu'il peut faire, c'est formuler des critiques.

Le Parlement européen fait donc face à un problème de crédibilité politique, et ce dossier était pour les parlementaires l'occasion rêvée d'avoir dans la presse une image... d'assumer pratiquement un rôle comparable à celui de Mère Teresa chaque fois qu'ils abordaient cette question. Je le répète, aucun emploi n'était en péril dans l'Union européenne, et il y avait la carotte que représentait cette couverture médiatique positive. Qui n'aurait pas sauté sur l'occasion d'avoir cette image?

Je pense que ce qui a été oublié, c'est l'énoncé même de la directive d'interdiction de l'UE. Nous nous rappelons tous les images choquantes, les campagnes. Je me souviens qu'au ministère des Pêches, nous avons battu tous les records le jour où nous avons reçu 8 000 lettres; j'ai d'ailleurs eu le plaisir de répondre à nombre d'entre elles. Mais ce n'était pas la question qui se posait selon la législation qui avait été adoptée. On n'y parlait pas de matraquage, de méthodes sans cruauté, de bébés phoques. Rien de tout cela n'a jamais été mentionné dans la loi adoptée par l'UE, et ce n'est toujours pas le cas. Tout tournait autour de l'inquiétude qu'inspirait la «conservation» des phoques à selle et à capuchon.

• 0945

Le Canada, comme le font si bien les gouvernements, a réagi en adoptant une approche totalement logique: importance de l'industrie locale, abondance de la population de phoques, méthode d'abattage sans cruauté—ou du moins aussi peu cruelle que possible. Mais ce que le Canada n'a pas saisi dans tout cela, c'est que les Européens nous disaient en fait: «Ce n'est pas ce que nous voulons. Pour nous, c'est d'autre chose qu'il s'agit. Nos électeurs nous disent qu'ils veulent que nous interdisions ce produit. À moins que le Canada ne nous donne des arguments pour leur répondre—et l'importance locale des emplois, la valeur que cela représente n'a aucune importance en Europe—il va falloir que nous fassions quelque chose pour réagir à ce que nous disent nos électeurs.» Et éventuellement, c'est ce qui est arrivé, à notre grande surprise.

J'aimerais vous rappeler qu'en 1981, le prix des peaux de phoque battait tous les records. Les prix n'avaient jamais été aussi élevés qu'en 1981. En 1982, ils étaient tombés à 10 p. 100 de ce qu'ils étaient l'année précédente et en 1983, même pour rien, personne ne voulait de peaux de phoque, pas seulement les peaux de phoque à selle ou à capuchon, mais tout produit en peau de phoque. À cause de l'effondrement du marché européen—et 90 p. 100 de nos peaux de phoque étaient expédiées en Europe à cette époque—il y a eu une réaction en chaîne sur les marchés du monde entier. Tous les phoques étaient mis sur le même pied que les blanchons et l'on considérait que toutes les espèces étaient menacées d'extinction.

Éventuellement, cette interdiction temporaire est devenue permanente. Elle est presque certainement contraire aux règles du GATT, mais rien n'a été fait à ce sujet.

Pour donner suite à une des recommandations de la Commission Malouf, le Canada a lui-même interdit la chasse au blanchon, en 1987 ou 1988, je crois. En fait, la Commission Malouf a également conclu que même si le Canada avait compris le message que les Européens voulaient lui transmettre, le débat s'était tellement polarisé qu'il aurait été impossible de le résoudre de façon satisfaisante. C'est ce qui a motivé la décision d'interdire la chasse au blanchon, même si pour tout un tas de raisons ayant trait à la gestion des ressources et à la recherche de méthodes d'abattage moins cruelles, c'était vraiment le meilleur moment de pratiquer cette chasse de façon plus humaine. C'est un animal qui n'est pas joli et qui ne peut être vendu.

Le succès retentissant de la campagne contre la chasse aux phoques a en fait surpris un grand nombre des adversaires de ce type de chasse eux-mêmes. Ils venaient de perdre leur principal source de revenu. Une nouvelle campagne devait donc être lancée, et ils ont cherché une image qui pourrait combler le vide laissé par la disparition de celle du blanchon, qui était maintenant sauvé, et ce qu'ils ont trouvé, ce sont les pièges à mâchoires utilisés pour capturer les animaux sauvages à fourrure.

Ainsi, les mêmes groupes qui avaient amassé des millions en tirant commercialement parti de l'abattage des bébés phoques se sont mis à travailler les députés du Parlement européen qui avaient si bien accueilli cette campagne auparavant et, en usant exactement des mêmes arguments, ils tentèrent d'obtenir une interdiction semblable des produits en fourrure.

En 1986-1987, le Comité des affaires autochtones avait publié un rapport sur la fourrure qui avait servi de base à l'élaboration de deux plans quinquennaux. Alison y a fait allusion. Il y avait un plan qui couvrait la période allant de 1987 à 1992 et un autre pour la période de 1992 à 1997, pour préparer que le gouvernement à une action de la part des Européens—personne ne savait trop quoi. Mais les plans se fondaient sur des recherches et avaient pour but de mettre de l'ordre dans nos propres activités dans ce secteur.

En 1991, la loi européenne qui a été élaborée et adoptée avait deux objectifs officiels, qui vont vous paraître familiers: assurer la conservation des espèces menacées d'extinction et promouvoir l'emploi de méthodes de piégeage moins cruelles; en outre, cette loi interdisait l'emploi de tous les types de pièges à mâchoires dans les pays de l'Union européenne. Naturellement, le véritable objectif était de tuer le commerce de la fourrure. Ce n'était pas un objectif déclaré du règlement, comme vous pouvez bien l'imaginer.

Le règlement devait s'appliquer, à partir du 1er janvier 1996, à tous les pays exportateurs de fourrures provenant de ces 13 espèces, à moins que—et c'était cela l'échappatoire—ces pays puissent prouver qu'ils avaient interdit tous les types de pièges à mâchoires ou qu'ils pratiquaient le piégeage conformément à une norme internationale en matière de piégeage sans cruauté. Malheureusement, une telle norme n'existait pas.

Le Canada a donc appliqué les leçons tirées de la guerre du phoque à la guerre de la fourrure. On s'est posé les questions suivantes: Qu'est-ce que l'Union européenne veut faire, au juste? Pénaliser le Canada? Nous avons conclu que non, pas vraiment. L'objectif de l'UE, en adoptant le règlement et en interdisant l'importation de produits en fourrure, était de prendre une mesure pour apaiser ou satisfaire le lobby des défenseurs des droits de l'animal, sans toutefois nuire aux intérêts de l'UE.

Lorsqu'il a décidé de s'opposer à l'interdiction éminente de l'UE, le Canada visait trois objectifs primordiaux qui avaient été fermement fixés dès le départ. Ces trois objectifs avaient été clairement définis lors de réunions de l'Institut de la fourrure qui rassemblaient des trappeurs, ainsi que des représentants de l'industrie et des gouvernements des quatre coins du pays.

• 0950

Premièrement, conserver l'accès à ce marché. En tant que pays exportateur de fourrures, nous exportons 90 p. 100 de notre production, et les trois quarts de ces exportations aboutissent sur un seul marché, l'Union européenne. Ce marché est également le centre mondial de la mode et même s'il y a des industries qui essaient de les imiter en Corée, en Chine et à Hong Kong, si les maisons de couture européennes arrêtaient d'utiliser de la fourrure d'animaux sauvages, devinez ce qui arriverait aux maisons de couture qui essaient de les imiter? On pouvait donc voir, en 1991, que la réaction en chaîne qui s'était produite lors de la guerre du phoque pouvait se répéter—et aboutir essentiellement à la disparition de l'utilisation de la fourrure des animaux sauvages. On ne peut pas faire passer un phoque pour ce qu'il n'est pas. Et c'est la même chose en ce qui concerne la fourrure des animaux sauvages. Donc, avant toute chose, il fallait conserver l'accès à ce marché.

Deuxièmement, les trappeurs ont dit très clairement: ne vous méprenez pas, le problème, ce n'est pas l'emploi de pièges à mâchoires. Comme dans le cas du matraquage des bébés phoques, si l'on n'avait pas remis en question l'emploi des pièges à mâchoires, on aurait utilisé le piège Conibear ou le collet ou encore un autre mécanisme. Il est toujours facile de présenter de façon horrible un mécanisme de piégeage ou un animal que l'on est en train de tuer. Alors, ne vous méprenez pas. Ne vous concentrez pas uniquement sur l'interdiction des pièges à mâchoires. Le mécanisme n'est pas important. C'est à l'idée qui est ainsi véhiculée qu'il faut s'intéresser.

Troisièmement, les trappeurs nous ont dit de trouver un moyen d'obliger les Européens à faire preuve de plus d'honnêteté. Tant qu'ils peuvent continuer à nous dire quoi faire, comme ils l'ont fait à propos des phoques, en nous répétant que ce n'est pas suffisant—il faut se montrer plus humain, il faut avoir plus de considération, il faut mieux gérer nos ressources, etc.—tant que nous les laisserons agir ainsi, nous ne les satisferons jamais. Ne vous y trompez pas.

Sur la question de la fourrure, nous jouissions de certains avantages que nous n'avions pas pu faire valoir lors de la guerre du phoque. Heureusement pour nous, les trappeurs européens prennent cinq fois plus d'animaux que ceux du Canada, une chose qu'ils ont été surpris d'apprendre, je peux vous le dire. Par exemple, les Pays-Bas dépensent 35 millions de dollars canadiens chaque année pour piéger 350 000 rats musqués. En passant, le rat musqué canadien... Cet animal a été introduit au Canada en 1907 par quelqu'un qui pensait pouvoir en faire l'élevage, mais ils se sont tous échappés. C'est une autre histoire. Le nombre de rats musqués piégés dans seulement trois pays d'Europe s'élève à un million. C'est plus que le total des animaux sauvages à fourrure, toutes 20 espèces confondues, que nous piégeons au Canada pour en faire le commerce. Donc, en Europe, le piégeage est une activité très répandue.

Les objectifs officiels du règlement ressemblaient beaucoup à ceux de la directive sur les phoques. Encore une fois, on s'inquiétait de la conservation des espèces. Le défi que le Canada avait à relever consistait à redéfinir la question de manière à ce que le Conseil de l'UE trouve un moyen de satisfaire ses besoins politiques. Là encore, le conseil ne cherchait pas à nuire aux intérêts du Canada, il essayait simplement de faire face à des pressions politiques. Donc, notre objectif était de trouver un moyen de redéfinir la question. On revint à ce que les trappeurs avaient dit: ne vous méprenez pas. Ce n'est pas le piège à mâchoires qui est en question, ce n'est pas l'image qui est projetée, c'est autre chose. Voyez ce qui se cache derrière tout cela.

Nous avons mis sur pied une campagne en trois étapes. J'ai mentionné le rapport du Comité permanent qui avait abouti à l'élaboration de deux plans quinquennaux. Or, il y avait dans ces plans un élément qui jouait un rôle presque central, c'était la question des collectivités autochtones.

Pour définir la première étape, nous sommes partis de l'idée que lorsqu'on fait face à des arguments illogiques et à charge émotive, il n'est guère utile d'avoir recours à la science. C'est le feu et l'eau. La première étape consistait donc à trouver une série d'arguments tout aussi séduisants parce qu'ils impliquaient les droits de l'homme. En conséquence, des dizaines de chefs autochtones sont allés en Europe et ont fait du lobbying dans les diverses capitales en disant essentiellement: Pourquoi essayez-vous de nous rayer de la carte? Pourquoi essayez-vous de priver nos enfants de leur patrimoine? Pourquoi nous haïssez-vous tant? Pourquoi n'avez-vous aucun respect pour nos droits? Tout d'un coup, vous avez là une série d'arguments à charge émotive, tout aussi mal définis mais tout aussi attirants que ceux des défenseurs des droits de l'animal. À quoi cela sert-il? Cela ne résout pas le problème, mais c'est une bonne façon de brouiller les pistes, garanti.

Ensuite, au milieu de tout cela, vous présentez votre série d'arguments logiques fondés sur le commerce, sur la science, sur le piégeage sans cruauté. Des choses qui peuvent être vérifiées. Mais de part et d'autre, il y a ces deux séries d'arguments qui vous touchent au coeur—il faut être bon envers les animaux, il faut être bon envers son prochain—ce qui sème la confusion.

La deuxième étape consistait à saluer l'intérêt nouveau de l'Union européenne à l'égard du piégeage sans cruauté. C'est nous qui, en fait, avons lancé en 1994 l'élaboration d'une norme ISO... Ceux d'entre vous qui connaissent la question des normes internationales ont entendu parler de l'ISO, l'Organisation internationale de normalisation. Cet organisme avait tenté d'élaborer une norme internationale sur le piégeage sans cruauté. L'initiative était louable, mais a échoué à cause de l'intervention des groupes de défense des droits de l'animal. Naturellement, ils considèrent le fait même de prendre des animaux au piège comme inhumain et c'est la raison pour laquelle cette initiative n'a pas abouti.

Au cours de l'hiver 1994, le Canada s'est trouvé dans l'obligation d'interdire tous les pièges à mâchoires. L'Union européenne ne nous écoutait pas. Elle ne voulait pas discuter avec nous de la question, de quelque façon que ce soit. Donc, pour attirer l'attention de l'UE, le Canada s'est adressé au GATT. Des consultations eurent lieu auprès de cet organisme. Le message que nous avons reçu était tout à fait clair: si vous voulez que nous résolvions la question, nous allons le faire, mais nous ne souhaitons pas intervenir; nous pensons qu'il y a d'autres moyens de résoudre le problème mais, avant toute chose, nous souhaitons confirmer quels sont vos objectifs.

• 0955

C'est la confirmation par l'Union européenne que l'objectif n'était pas de faire disparaître le commerce de la fourrure qui a joué un rôle clé. Les pays de l'Union européenne se disaient préoccupés par la question du bien-être des animaux. La réponse du Canada a été la suivante: «Quel soulagement de constater que vous souhaitez collaborer avec nous. Nous avons dépensé des millions de dollars et nous avons fait toutes les recherches. L'Institut de la fourrure est un chef de file mondial de la recherche en ce domaine. Nous pensions que nous étions les seuls à nous préoccuper de ce problème et maintenant, l'Union européenne souhaite compléter nos initiatives. Pour nous, c'est une excellente nouvelle. Voici nos recherches. Pouvez-vous nous transmettre les vôtres?» Naturellement, ils n'avaient aucune recherche à nous transmettre. Mais le fait qu'ils piégeaient cinq fois plus d'animaux que nous et qu'ils se disaient préoccupés par le bien-être des animaux nous donnait la clé qui ouvrait la porte à des discussions scientifiques.

Et c'est ainsi qu'éventuellement, nous sommes arrivés à la troisième étape qui consistait à offrir à l'Union européenne un moyen de se tirer de la situation épineuse dans laquelle elle s'était mise, étant donné qu'à l'origine, souvenez-vous, l'objectif était de résoudre la question des droits de l'animal ou d'apaiser le lobby des défenseurs du bien-être des animaux. Il fallait également, désormais, que les pays de l'Union européenne évitent l'embarras d'une contestation devant le GATT.

Juste quelques mois plus tôt, l'UE avait réussi à contester devant le GATT une loi américaine qui s'était soldée par une décision connue sous le nom de décision relative au thon et au dauphin. Nous avons dit à l'Union européenne que l'argumentation qu'elle avait présentée dans cette affaire était si bien pensée et si concise qu'il nous serait impossible de l'améliorer et que nous allions tout simplement prendre ce document et remplacer les mots «thon-dauphin» par l'expression «animal à fourrure» et soumettre à nouveau les mêmes arguments. Les pays de l'Union européenne se rendirent compte que cela pourrait être embarrassant.

Éventuellement, après tout le lobbying qu'avaient fait les Autochtones, après tous les arguments scientifiques que nous avions présentés, après tous les pourparlers, nous en sommes venus à un accord. Je ne vous ennuierai pas en entrant dans les détails, mais il est essentiel, je pense, de noter que l'objectif de cet accord était de faciliter le commerce et d'établir des normes de piégeage sans cruauté.

L'autre objectif était que les normes s'appliquent à toutes les activités de piégeage, pas seulement au piégeage pratiqué au Canada, pas seulement au piégeage des animaux à fourrure, mais à toutes les activités de piégeage concernant les espèces dont la liste avait été dressée. Ce qui importait, dans le cadre de ces trois objectifs, c'était de trouver un moyen d'impliquer les Européens dans le problème.

En vertu de l'article 13 qui, personnellement, est mon article favori, l'Union européenne garantissait de ne plus jamais interdire l'importation de produits canadiens faits de fourrure d'animaux sauvages. Je peux vous dire que les trappeurs adorent cet article lorsque je présente cet exposé dans les collectivités où l'on pratique le piégeage.

Enfin, les parties ont convenu de soumettre les pièges les plus communément employés à des essais et d'éliminer graduellement ceux qui seraient jugés cruels, c'est-à-dire qui ne respecteraient pas la norme.

Il y avait également une déclaration bilatérale, car il faut se rappeler que les Européens avaient besoin de remporter une petite victoire. Il fallait qu'ils démontrent, pour des raisons politiques, qu'ils avaient obligé le Canada à faire quelque chose. Donc, une entente fut élaborée, une déclaration subsidiaire, par laquelle le Canada s'engageait—et ces mots sont absolument essentiels—à interdire l'usage des «pièges à mâchoires conventionnels en acier». Ce point était extrêmement important pour l'Union européenne qui a pu ainsi publier des manchettes du genre: «Le Canada convient d'interdire les pièges à mâchoires», ce qui était vrai dans une certaine mesure. Mais le plus important, c'est que nous avions convenu d'interdire des pièges que nous n'avions pas utilisés depuis 20 ans; mais nous n'en avons rien dit. Les Européens avaient remporté leur victoire politique et ils pouvaient publier leurs manchettes: ils avaient obligé le Canada à faire quelque chose immédiatement.

Ce qui est ironique, c'est qu'au cours des quelques prochaines années, la mise en oeuvre de l'accord obligera les Européens à observer des normes de piégeage sans cruauté qui se situent au même niveau que les nôtres. L'ironie de la situation saute aux yeux, je pense. Nous leur avons dit que cette fois-ci, nous les laissions s'en tirer facilement, mais qu'ils n'avaient pas intérêt à recommencer.

Bref, qu'est-ce que l'Union européenne a accompli en signant cet accord? Eh bien, elle est parvenue à apaiser certains groupes concernés par le bien-être des animaux, pas les groupes de défense des droits de l'animal, comme Alison l'a fait remarquer—on ne parviendra jamais à les satisfaire. Les groupes qui sont vraiment concernés par le bien-être des animaux, par leur souffrance, ont été apaisés et convaincus, dans une certaine mesure, que des progrès concrets allaient être faits grâce à l'élimination de pièges inférieurs, de pièges non sélectifs, de pièges cruels. Graduellement, des améliorations allaient être apportées.

Deuxièmement, l'Union européenne a évité une contestation devant l'OMC qui se serait certainement révélée embarrassante.

Troisièmement, comme je l'ai mentionné, elle a obligé le Canada à abandonner l'utilisation de pièges à mâchoires conventionnels en acier pour la capture de 12 espèces.

Qu'est-ce que l'Union européenne s'est engagée à faire? À notre grande surprise, elle s'est maintenant engagée à effectuer des recherches pour rendre non cruels les pièges les plus communément utilisés pour chasser six espèces. Comme je l'ai dit, cela va rendre les pratiques employées dans les pays de l'UE conformes à notre norme de piégeage sans cruauté. Aucune interdiction ne vise le Canada, et il a été convenu que les pays de l'Union européenne n'interdiront plus jamais l'importation de produits canadiens ou russes faits de fourrure d'animaux sauvages.

• 1000

Qu'est-ce que le Canada a accompli? Nous avons réalisé les trois objectifs dont j'ai parlé au début. Nous avons conservé notre accès au marché. Nous avons réussi à redéfinir le problème de manière à ce qu'il ne soit plus question des «pièges à mâchoires cruels utilisés par ceux qui font le commerce de la fourrure», mais d'une «nouvelle fantastique, d'une percée permettant d'assurer le bien-être des animaux piégés.» Nous sommes très satisfaits d'avoir pu accomplir cela en intervenant auprès des Européens. C'est une victoire morale que nous avons remportée. Nous n'étions plus sur la défensive.

Troisièmement, ce qui est peut-être le plus important à long terme, nous avons impliqué l'Union européenne dans le problème. Des engagements concernant les recherches seront pris. Il y aura des réunions annuelles au cours desquelles nous comparerons nos travaux de recherche. Nous en avons déjà effectués et nous serons en mesure de les guider dans leurs recherches sur les pièges et de nous assurer qu'ils tiennent leurs engagements.

Et maintenant, le court épilogue. L'interdiction, la loi européenne, n'a pas disparu. Elle existe. Elle est entrée en vigueur en 1997. Vingt et un pays ont juré qu'ils ont interdit tous les pièges à mâchoires et que c'est la vérité—c'est ce qu'ils disent. Trois pays sont soustraits à l'application de cette loi parce qu'ils pratiquent le piégeage conformément à la norme internationale de piégeage sans cruauté. Ces pays sont le Canada, la Russie et les États-Unis.

L'ironie, encore une fois, c'est qu'au moment où tout cela se passait ces derniers mois et que l'on arrivait au moment où le conseil devait voter, certains groupes de défense des droits de l'animal, dont on vous a parlé auparavant, faisaient paraître tous les jours, dans six ou sept quotidiens nationaux des pays de l'Union européenne, des annonces qu'ils payaient de 75 000 à 100 000 $, pour exhorter les ministres à voter contre cette loi. Faites les calculs. Cela représente entre 700 000 $ et un million de dollars par jour pendant des semaines pour combattre cet accord. Lorsqu'il a été signé, ces annonces ont disparu. Aucune annonce contre le piégeage n'a été publiée depuis que l'accord a été signé.

L'attention s'est portée ailleurs, parce que l'image que l'on donne du piégeage est maintenant vérifiable. On ne peut plus montrer un animal dans un piège et dire simplement que c'est cruel, parce que maintenant, on peut également dire que ce piège est illégal ou qu'on ne l'utilise pas. On pourrait même dire, en fait, que ce piège est autorisé par l'Union européenne; que ce n'est pas un piège utilisé par le Canada. L'Union européenne est donc maintenant impliquée dans le problème. L'attention des groupes hostiles au commerce de la fourrure s'est donc portée sur autre chose, l'élevage des animaux à fourrure dans des fermes.

C'était là un très bref aperçu de la question. Il y a plus de détails dans le document. Comme je l'ai dit, j'en suis l'auteur, avec cinq autres personnes. Il s'agit d'un exemple fascinant qui permet de comparer comment se sont dénoués deux problèmes ayant trait à la faune—je l'ai dit au début, les protagonistes et les antagonistes étaient les mêmes et la question était aussi essentiellement la même, même s'il s'agissait de différentes espèces. Je ne sais pas quelle valeur cela peut avoir pour vous qui êtes chargés d'étudier la chasse aux phoques, mais je pense qu'il y a certainement des leçons à tirer de cette situation, si l'on se souvient des recommandations primordiales de la Commission Malouf.

Peu importe votre activité. Si elle concerne la faune, il y a trois questions que le consommateur va vous poser. Est-ce que l'espèce en cause est menacée d'extinction? Est-ce que l'animal est tué sans cruauté? L'utilise-t-on à des fins non frivoles ou pratiques? Répondre de façon satisfaisante à deux de ces questions sur trois n'est pas suffisant. Il faut répondre à ces trois questions à la satisfaction du consommateur, sinon, vous pouvez mettre la clé sous la porte. Peu importe que vous chassiez le phoque ou l'élan ou que vous piégiez des animaux à fourrure. Ces trois règles énoncées par la Commission Malouf s'appliquent. Je pense que lorsque nous avons traité avec l'Union européenne, nous avons essayé de tenir compte de ces trois principes; et c'est ainsi que nous avons abouti à l'accord qui existe actuellement.

Je remercie le comité; nous allons maintenant répondre aux questions.

Le président: Merci, monsieur Roberts.

John a pris beaucoup de notes; peut-être pourrait-il lancer la première série de questions?

M. John Cummins: Merci. J'ai trouvé votre résumé très impressionnant, monsieur Roberts. Je pense que vous avez mis le doigt sur l'essentiel du problème et de la solution brièvement, mais très clairement. C'est un exposé remarquable.

Vous dites que vous avez fait des pratiques de l'Union européenne une partie du problème et que ce faisant, vous avez réussi à trouver une solution. Est-ce que l'avenir s'annonce bien maintenant pour l'industrie de la fourrure ou y a-t-il d'autres obstacles à franchir à l'heure actuelle?

M. Brian Roberts: Il y aura toujours des obstacles à franchir. Nous avons réussi à maintenir l'accès au marché. Comme je l'ai dit à un certain moment, nous exportons quelque 90 p. 100 de notre production totale. Si ce marché avait disparu, la réaction en chaîne aurait eu des effets très marqués. Alors, oui, ce produit pose des problèmes. Avec les produits naturels, l'évolution est toujours cyclique. En l'occurrence, le commerce de la fourrure est tributaire de la mode, entre autres.

Du côté positif, il existe un marché qui peut être exploité. Sans l'accord, il n'y aurait pas de marché, et la discussion que nous avons en ce moment serait sans objet. Nous serions en train de parler d'un autre désastre.

C'est maintenant à l'industrie de trouver des moyens... Nous pourrions maintenant, si nous voulions recourir à cette méthode, commercialiser, par exemple, en Europe la fourrure en provenance du Canada en apposant une étiquette indiquant que l'animal a été piégé sans cruauté, selon une méthode pleinement sanctionnée par l'Union européenne. N'y aurait-il pas là une douce ironie?

• 1005

M. John Cummins: Les groupes de défense des droits de l'animal n'exercent en fait qu'une influence marginale, mais à l'heure actuelle, ils vous posent un problème?

M. Brian Roberts: Nous avons parlé des droits de l'animal et du bien-être de l'animal et naturellement, la différence qu'il y a entre les deux, c'est que les gens qui défendent les droits des animaux n'accepteront jamais que l'on piège ni que l'on utilise des animaux sauvages, un point c'est tout. C'est adopter une position extrême. Certains d'entre eux considèrent que les animaux familiers sont des esclaves. Il y a donc des extrémistes au sein de ce mouvement.

Parmi les modérés, on trouve des organismes membres de l'Institut de la fourrure du Canada qui se préoccupent du bien-être des animaux et qui estiment qu'ils peuvent être mieux traités. C'est une chose qui évolue constamment. Nous ne parviendrons jamais à procéder totalement sans cruauté. C'est l'objectif que nous cherchons toujours à atteindre, et je pense que nous parviendrons toujours à hausser un peu le niveau de satisfaction à cet égard. Certaines personnes sont satisfaites. Bien entendu, les trappeurs estiment que la charge que cela leur impose est énorme puisqu'ils sont obligés de changer leurs pièges, de chasser ailleurs. Ils ont tendance à marmonner que tout cela, c'est l'oeuvre de citadins à l'âme sensible, et ainsi de suite. Il y a toute une gamme d'opinions là-dessus.

Bien des gens qui n'ont jamais vu un piège, qui n'ont jamais vu un animal sauvage ne sauraient pas dire ce qui est acceptable, la mort en trois minutes ou la mort en trente secondes. L'évolution du contexte posera toujours des problèmes.

M. John Cummins: Vous avez parlé de trois règles ou de trois directives, trois points dont devaient tenir compte les gens qui font le commerce de la fourrure, en suggérant qu'ils soient également pris en considération par l'industrie qui vit de la chasse aux phoques. Si vous deviez donner quelques conseils à cette industrie, qu'est-ce que vous diriez?

M. Brian Roberts: Où commencer?

En dix mots ou moins, me dit Alison.

Vous vous heurterez toujours aux gens qui estiment que la capture des blanchons ou des jeunes phoques est inacceptable. Mais il y a aussi des gens qui adoptent une position de compromis et qui pensent qu'étant le seul prédateur en ce monde qui soit conscient de la dimension historique de son existence, l'homme est aussi la seule créature qui a la capacité et les connaissances nécessaires pour véritablement gérer les ressources. Parfois, nous le faisons bien et parfois, nous échouons lamentablement, comme le comité a pu le constater, j'en suis sûr.

Il reste que, si vous voulez voir les choses de cette façon, il s'agit d'une ressource. C'est une ressource qui reste bien gérée. Nous pouvons dire aux Européens: «Votre directive a eu un succès incommensurable. Merci beaucoup. Le problème de la conservation qui vous inquiétait tant il y a quinze ans... à cause de l'interdiction que vous avez imposée, la population a maintenant doublé, et nous tenons à vous remercier. Naturellement, nous comptons sur vous pour reconnaître que nous avons appliqué de bonnes méthodes de gestion et pour lever cette interdiction, de façon à ce que les collectivités concernées puissent à nouveau bénéficier de cette ressource que vous nous avez aidés à reconstituer.»

Il y a des façons d'exploiter la situation et de présenter les choses. Cela ne marchera pas si vous dites aux gens: «Il faut que vous achetiez mes phoques parce que nous avons le droit de vous les vendre.» Mais si vous pouvez vous mettre à leur place, si vous pouvez exploiter l'idée de l'utilisation durable... Tous les gouvernements du monde souscrivent maintenant aux recommandations du rapport Brundland, au concept de l'utilisation durable, à l'idée que l'on doit préférer les produits biodégradables aux produits synthétiques, etc. Il y a des arguments que l'on peut avancer plutôt que de se contenter de dire: «Il faut que vous achetiez mes phoques parce qu'ils mangent toute ma morue» ou «Je n'aime pas ces animaux-là».

Le président: Passons maintenant aux députés assis de l'autre côté; Wayne, avez-vous une question à poser?

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Avant tout, je vous félicite du succès que vous avez remporté, en ayant recours à la stratégie qui a permis à l'industrie de la fourrure du Canada d'être dans la position qu'elle occupe à l'heure actuelle.

Alison a mentionné que les décisions doivent s'appuyer sur des données scientifiques, des faits et des connaissances. Un des problèmes que nous pose le dossier des phoques a trait aux opinions scientifiques. En termes de durabilité, quelle doit être la taille d'un troupeau de phoques? C'est la première question qui se pose. Deuxièmement, combien compte-t-on de phoques sur notre territoire? Il y a tout un tas d'opinions à ce sujet, même parmi celles qui sont présentées au comité. Dans une perspective historique, le TPA en vigueur actuellement se fonde sur la présence d'un troupeau de 4,8 millions de phoques.

Un de nos témoins, je crois, a déclaré que d'après les dernières enquêtes, il semblerait qu'il y ait 5,2 millions d'individus ou plus dans ce troupeau. Selon le MPO, un TPA de 270 000 est essentiellement renouvelable. Mais la question que je me pose en réalité, c'est par rapport à quoi pouvons-nous dire que c'est une utilisation durable?

• 1010

D'un côté, nous nous préoccupons de la durabilité du troupeau de phoques. Mais de l'autre, à partir de quand la population de phoques menace-t-elle la chaîne alimentaire des poissons, la morue ou une autre espèce?

C'est une question intéressante dans le cadre des recherches que nous faisons. Nous sommes remontés jusqu'à une réunion du Comité des pêches qui a eu lieu en 1969, je pense, et au cours de laquelle Brian Davies a comparu. On lui a posé la même question à ce moment-là. Combien d'individus la population de phoques devrait-elle compter pour en assurer la durabilité? Il me semble qu'il a répondu 1,7 million. J'ai essayé de retrouvé ce renseignement dans les procès-verbaux, mais je n'ai pas pu.

Je ne sais pas jusqu'à quel point vous êtes au courant du dossier des phoques, monsieur Roberts ou vous, Alison, mais quel est votre point de vue sur ce sujet? En 1969, Brian Davies nous a dit que le troupeau de phoques devait compter 1,7 million d'individus. Aujourd'hui, nous disons 4,8 millions. Quel que soit le chiffre qui est fixé, cela va certainement avoir un impact sur le TPA, à part tous les autres facteurs dont on doit tenir compte—et une fois cela fait, il faut faire accepter cette façon de voir. Pensez, par exemple, au rapport annuel de l'International Fund for Animal Welfare, avec ses photos de phoques si jolis, qui ont l'air si innocent et qu'à mon avis, il est illégal de tuer... mais c'est la propagande qu'utilise l'IFAW. Ce sont des images, comme vous l'avez dit.

M. Brian Roberts: Je pense qu'une partie du problème est dû à la confusion créée par les termes qui sont utilisés. Je ne suis pas biologiste, mais une prise de 1 000 phoques par an est certainement renouvelable; 2 000 phoques par an, c'est toujours renouvelable. Le problème n'est pas de fixer le nombre idéal d'individus que devrait compter le troupeau. Le ministère des Pêches est-il satisfait si le troupeau de phoques compte six millions d'individus, cinq millions, trois millions ou deux millions?

Vous commencez à vous créer des problèmes si vous dites: eh bien, 275 000 est le TPA fixé pour prendre la durabilité de la ressource en compte. Bien sûr, c'est un niveau viable. Mais si vous portez le nombre de prises à 285 000, les gens vont dire: «Ah, vous ne savez pas gérer la ressource comme il faut, vous avez dépassé le quota» et c'est comme cela que vous finissez par avoir des problèmes.

Je ne sais pas quelle est la taille idéale d'un troupeau de phoques. Doit-il compter trois millions et demi d'individus? Quatre millions? Disons, en prenant en compte la relation entre cette espèce et d'autres, que selon nous, le nombre idéal de prédateurs de ce type devrait être fixé à tant. Cela dit, comme l'a déclaré Tina Fagan il y a deux ou trois semaines, vous ne voulez pas inonder le marché avec toutes sortes de produits. De l'autre côté, le ministère des Pêches pourrait dire qu'à son avis, à l'heure actuelle, le marché pourrait absorber—c'est du marché qu'il s'agit—tant d'animaux, 275 000, par exemple.

Si vous fixez la prise à 285 ou 290 000 ou à quelque niveau que ce soit, vous n'avez pas de problème maintenant. Vous avez peut-être un problème de commercialisation, mais vous n'avez pas de problème parce que vous avez dit qu'idéalement, le troupeau devrait compter quatre millions d'individus et que cela ne vous fait rien s'il est un peu réduit, car c'est toujours bien au-dessus de ce que vous considérez comme la taille idéale du troupeau.

C'est ainsi que l'on se retrouve pris dans un piège, car on se préoccupe davantage de la durabilité de la prise que de la durabilité du troupeau lui-même. Or, toute autre considération devrait être secondaire par rapport à cela.

M. Wayne Easter: Je suis heureux que vous ayez souligné cela, parce que je pense que c'est là que se situe le véritable problème. Quelle est la taille idéale du troupeau par rapport à 1) le troupeau lui-même et 2) les pêcheries sur lesquelles les phoques ont certainement un impact, qu'il s'agisse du capelan, de la morue ou d'une autre espèce quelconque? Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon d'en arriver là?

M. Brian Roberts: Comment en arriver là?

M. Wayne Easter: Oui, pour fixer ce nombre, si vous vous fondez sur votre expérience dans l'industrie de la fourrure.

M. Brian Roberts: Si je me fonde sur la façon dont les choses se passaient au ministère des Pêches, le TPA était censé correspondre au maximum des prises qui pouvaient être autorisées sans qu'il y ait un impact négatif sur le troupeau ou sur le stock, quel que soit le stock en question. S'il pouvait y avoir un moyen de faire une distinction, de dire: eh bien, d'après l'enquête la plus récente, on compte 5,2 ou 5,3 millions de phoques et, étant donné les relations de ce troupeau avec les autres espèces, ce nombre est trop élevé et alors, comment pouvons-nous...

M. Wayne Easter: Puis-je vous interrompre un instant. Je pense qu'il est facile pour nous de déterminer quel devrait être le nombre des prises de façon à assurer la durabilité du troupeau de phoques. Mais le grand problème, c'est de fixer le nombre de phoques dans ce troupeau pour protéger l'écosystème dans son ensemble, la morue, les crevettes, etc.

• 1015

Je pense qu'il est facile de déterminer—ce n'est pas si facile que cela, mais étant donné qu'il y a eu une bonne enquête cette année, nous allons voir quels sont les chiffres et avoir une idée de la taille du troupeau. Il est donc assez facile, étant donné le taux de natalité, les prises, etc. de déterminer quel devrait être le TPA pour assurer la durabilité de ce troupeau—c'est relativement facile. Mais par rapport à la pêcherie dans son ensemble, comment peut-on fixer ce chiffre? À mon avis, c'est le problème auquel nous ferons face. Et comment justifier cela?

M. Brian Roberts: Je suis d'accord avec vous et je n'ai pas de réponse à vous donner. Cela dépasse certainement mes compétences.

Mme Alison Beal: Juste une petite idée à ce sujet. Je me demande comment... Par exemple, aux États-Unis, le National Marine Fisheries Service explore actuellement exactement le même problème à propos de la population de phoques et d'otaries que l'on trouve sur la côte ouest des États-Unis. Cet organisme a déclaré qu'il allait éliminer certaines espèces que l'on trouve aux États-Unis parce qu'elles font concurrence à d'autres utilisateurs des ressources dans les régions concernées. On envisage la même chose en Écosse et en Irlande à propos des troupeaux de phoques qui vivent le long des côtes. On pourrait s'inspirer de ces initiatives. Il semble, en outre, que l'on en vient même à considérer la possibilité d'éliminer certaines espèces dans le pays le moins susceptible d'agir ainsi, l'Angleterre.

Je présume donc que si l'on pouvait savoir sur quoi se fonde certaines de ces initiatives, cela aiderait beaucoup le Canada à prendre les décisions qui s'imposent.

M. Wayne Easter: Je pense que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président, mais pourriez-vous nous donner les coordonnées des organismes concernés, Alison, pour que nous puissions nous en occuper plus tard?

Mme Alison Beal: Oui.

M. Wayne Easter: Merci.

Le président: Est-ce que d'autres députés ont...?

John.

M. John Cummins: Le dernier point soulevé par Alison est intéressant, car elle a tout à fait raison. En Californie, où les phoques et les otaries déciment diverses pêcheries au point où cela pose un problème... on enlève de ces endroits-là les autres stocks récoltables.

Peut-être y a-t-il là un moyen d'intervention auprès des pays de l'UE qui permettrait de les impliquer dans le problème. Je pense que ce que vous avez dit à ce propos est très intéressant car, à mon avis, il s'agissait probablement de l'élément clé qui manquait: comment les impliquer dans le problème?

Si ces pays en viennent au point où ils sont obligés d'éliminer certaines espèces pour d'autres raisons que les nôtres, il devient alors certainement plus justifiable que le Canada établisse certaines lignes directrices en la matière. Je pense qu'un autre point clé est celui qu'a mentionné M. Roberts lorsqu'il a dit que le plus important, c'était la taille idéale du troupeau lui-même plutôt que le TPA idéal qui peut être fixé.

De mon point de vue, voilà deux remarques qui s'avéreront utiles pour nous aider à résoudre le problème que nous examinons.

Le président: Monsieur Knutson.

Gar devrait en fait être de l'autre côté, du côté des libéraux, mais parce que ce matin, il y a trop de députés de notre parti... Il ne fait pas partie du NPD ni du Bloc québécois.

Gar, vous avez la parole.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Je me demande simplement si vous êtes au courant d'une intervention de la part du premier ministre. Il a mentionné une fois, en passant, qu'il s'était rendu dans le Nord, au moins pour une journée, en compagnie d'Helmut Kohl. Je me demande si cela a eu une quelconque influence sur la décision de l'UE.

M. Brian Roberts: Tout à fait.

M. Gar Knutson: Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

M. Brian Roberts: Bien sûr. Pendant plusieurs années, la fourrure faisait partie des mots qui suscitaient des frictions entre le Canada et l'UE—le poisson, la fourrure et la foresterie. La plupart du temps, c'était la cause de frictions numéro un, mis à part la question du turbot qui a fait surface pendant un certain temps.

Chaque fois que le premier ministre rencontrait ses homologues aux réunions du G-7, ou chaque fois que l'un de nos ministres se rendait à l'étranger, cette question revenait sur le tapis et le message qui était lancé était le suivant: le Canada a appris sa leçon lors de la guerre du phoque; cette fois-ci, nous n'allons pas nous laisser faire. Si vous voulez que la question soit résolue sur la place publique, à Genève, c'est ce que nous ferons, mais nous voulons résoudre le problème d'une autre manière. Chaque ministre, le premier ministre en tête, a saisi toutes les occasions de le dire.

M. Gar Knutson: Et c'est un facteur qui a eu beaucoup d'importance.

M. Brian Roberts: Tout à fait. Le volet politique du problème, du point de vue des Européens... Pourquoi le Canada déploie-t-il tant d'efforts pour défendre une industrie très marginale? Pourquoi le Canada est-il prêt à se battre pour défendre des exportations directes ne représentant que 20 à 25 millions du commerce bilatéral avec l'Europe? Pourquoi le Canada est-il prêt à endurer cela? Pourquoi le Canada ne veut-il pas interdire les pièges à mâchoires? Les Européens n'y comprenaient strictement rien.

• 1020

Chaque fois que le premier ministre ou les ministres du Commerce soulevaient cette question, les Européens étaient choqués de constater que le Canada ne cessait de répéter que la fourrure était en tête de la liste des causes de frictions—le poisson, la fourrure et la foresterie. C'était la même chose, chaque fois.

Mme Alison Beal: Il y a un point très intéressant et important à souligner à ce sujet: je ne pense pas que la fourrure aurait pu être la question numéro un sur la liste des causes de frictions du premier ministre, ni d'ailleurs sur la liste de qui que ce soit d'autre, si le secteur lui-même n'avait pas—au diable la modestie—si l'Institut de la fourrure n'avait pas fait pression et n'avait pas insisté continuellement sur l'importance de cette question pour le Canada. Nous reconnaissons volontiers qu'en réalité, le commerce de la fourrure n'est pas un élément majeur de l'économie canadienne. Mais c'est une question de principe qui est ici en cause. Il n'était pas question de renoncer à gérer une ressource qui était la nôtre, notre commerce de la fourrure, en cédant aux caprices et aux pressions exercées par certains groupes—et je vous donne là mon opinion personnelle—qui en fait, avaient inventé une deuxième industrie liée à la chasse aux phoques au Canada, une industrie qui se révélait beaucoup plus profitable que la première. On se démène beaucoup pour créer deux industries de la fourrure au Canada, encore une fois, deux industries dont l'une s'avérerait beaucoup plus profitable que l'autre.

Voyez ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays: les chasseurs de phoques ont un revenu—je pense que la valeur de cette industrie se chiffre à quelque chose comme 25 millions de dollars—alors que le mouvement des opposants à la chasse aux phoques, qui constitue une autre industrie, en tire des revenus beaucoup plus élevés chaque année. C'est évident quand on voit qu'ils peuvent se permettre de payer régulièrement des sommes incroyables pour faire de la publicité, ce qui n'est pas le cas des gens qui vivent de cette ressource. Si le gouvernement croit en ces industries, il faut qu'il ait le courage de ses opinions et fasse ce qu'il faut pour les défendre.

Le président: Gar, avez-vous une autre question à poser?

M. Gar Knutson: Non.

Le président: Vous savez, bien sûr, qu'en vous adressant à M. Knutson, c'est au secrétaire parlementaire du premier ministre que vous parlez.

Il y a encore au moins deux intervenants. Une idée me vient à l'esprit... Selon les règles de Revenu Canada, les organismes de bienfaisance... Pouvez-vous nous dire si certains de ces organismes qui cherchent à détruire une industrie canadienne peuvent être considérés comme des organismes de bienfaisance? Vous n'avez pas besoin de répondre. C'est juste une question qui m'est venue à l'esprit.

Étant donné la perspective dans laquelle se placent les gens qu'elle représente, Nancy n'est probablement pas prête à considérer que l'action de ces groupes, c'est de la bienfaisance.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Ma question porte en partie sur la page 9 du petit livret, pas tellement sur l'industrie associée à la chasse aux phoques, mais sur le contexte général. Vous avez un comité de communication avec les Autochtones. Comment ce comité mène-t-il des consultations avec les trappeurs des régions nordiques, que ce soit au Labrador, à Inuvik ou dans ma circonscription? Ma circonscription est-elle représentée parmi les membres de l'Institut de la fourrure?

Je dois admettre que même si j'ai entendu parler de l'Institut de la fourrure, je n'ai pas beaucoup d'autres informations à part ceci.

Je remarque que vous vous étiez donnés jusqu'au 31 mars pour consulter les collectivités, et j'aimerais savoir comment cela s'est passé.

Mme Alison Beal: Nous pouvons répondre l'un et l'autre à vos questions. Je vais vous donner quelques indications générales.

Nous avons établi, au sein de notre organisme, un Comité de communication avec les Autochtones. À l'heure actuelle, 16 de nos membres sont des organismes autochtones, et cela comprend les Inuits Tapirisat du Canada ainsi que le Congrès des Peuples Autochtones. Un grand nombre des autres organismes membres représentent des associations régionales de trappeurs ou des groupes autochtones provinciaux.

Nous veillons à garder constamment le contact avec les quatre groupes nationaux. Une chose est certaine, ces quelques dernières années, nous avons accumulé dans, disons, notre base de données beaucoup de noms de trappeurs ou d'organismes que cela intéresserait, selon nous, de recevoir des informations. Parallèlement, grâce à l'appui financier du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous avons pu organiser des séances d'information. Je ne décrirai pas ces réunions comme des consultations, mais plutôt comme des séances d'information organisées à l'intention de divers groupes—plus particulièrement des collectivités où l'on pratique le piégeage—dans le but de mieux les informer des dispositions de cet accord sur des normes internationales de piégeage sans cruauté et de leur donner des éclaircissements sur la façon dont cela va affecter les méthodes de piégeage au cours des dix prochaines années.

• 1025

C'est un processus long et difficile car, dans notre pays, les trappeurs autochtones sont plus difficiles à joindre—il n'y a pas nécessairement d'association.

M. Brian Roberts: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela. Le ministère des Affaires indiennes s'est engagé à fournir à l'Institut de la fourrure, au cours des deux prochaines années, les fonds nécessaires pour organiser ces consultations ou plutôt, comme l'a dit Alison, ces séances d'information. Je crois qu'il y en a eu douze jusqu'ici au cours des derniers 18 mois, dans toutes les régions du pays.

Même si, dans ce dossier, le ministère des Affaires indiennes n'a pas ciblé un groupe en particulier, il est passé par l'intermédiaire de l'Institut de la fourrure parce que notre organisme s'est engagé à communiquer avec tous les Autochtones, dans les réserves, hors-réserves, inscrits ou non, Inuits—peu importe—car tous sont également affectés par les changements que va connaître cette industrie. Du point de vue du ministère des Affaires indiennes, il n'était pas logique d'intervenir de façon morcelée et de financer uniquement le CPA, par exemple, ou l'AFN ou encore les ITC, etc. C'est donc la raison pour laquelle c'est le Comité des communications avec les Autochtones de l'Institut de la fourrure qui a joué le rôle le plus agissant dans l'organisation de ces interventions, ce qui, je dois le dire, n'a pas plu à certains organismes politiques autochtones.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Juste une petite précision; je remarque que vous dites qu'entre janvier et le 31 mars, vous avez organisé sept ateliers avec des Autochtones; or, Hay River est la seule collectivité que vous mentionnez pour ce qui est des Territoires du Nord-Ouest et il n'y a rien en ce qui concerne l'est de l'Arctique. Je me demande comment vous avez procédé pour informer les populations de l'est de l'Arctique.

M. Brian Roberts: Il y a une séance d'information qui n'est pas mentionnée, celle avec les Gwich'in-Sahtu, qui a eu lieu fin septembre, à Inuvik. Il y en a donc eu deux dans le Nord.

Le comité a organisé des réunions à l'échelle régionale à travers le pays. À l'heure actuelle, le comité évalue les réponses obtenues des diverses collectivités et ensuite, il présentera une proposition au ministère des Affaires indiennes en se fondant sur ce qu'il juge nécessaire de faire l'année prochaine, pour toucher les collectivités et les régions du pays où il n'est pas intervenu. Après un certain temps... naturellement, dans l'immédiat, certains groupes se montrent plus intéressés, et ce sont eux qui ont été consultés en premier. Au fur et à mesure que l'on va entendre davantage parler de cet accord, cela va susciter de plus en plus d'intérêt. Le comité va donc réagir à ces manifestations d'intérêt d'un bout à l'autre du pays, mais nous avons l'intention d'intervenir à l'échelle régionale.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Juste une autre question. Vous avez mentionné les Gwich'in, et c'est la réunion qui s'est tenue à Inuvik. Je ne vois aucune consultation avec les Inuits indiquée ici, dans le nord du Labrador, dans le nord du Québec ou au Nunavut.

Mme Alison Beal: Nous nous sommes rendus dans le Labrador au mois de mars, l'année dernière, pour y tenir ce genre de réunion. Cela s'est passé il y a un an, en mars. Nous avons organisé le même genre de réunion d'information à Iqaluit. Donc, cela ne s'est pas passé cette année.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Le président: Merci, Nancy.

Paul, vous avez quelque chose à dire.

M. Paul Steckle: J'aimerais m'associer aux mots de bienvenue qui vous ont accueillis tous les deux ce matin et vous remercier du message des plus positifs dont vous vous faites les interprètes. Entendre parler de la réussite d'un organisme ou d'un institut dont la plupart des gens ignoraient sans doute l'existence... Vous avez très bien défendu la cause. C'est peut-être grâce à votre mandat et grâce au fait que l'institut est composé d'un éventail de groupes représentatifs.

Étant donné que vous avez mentionné tout à l'heure, Alison, que le Fonds international pour le bien-être des animaux, l'IFAW ainsi que d'autres groupes similaires—les partisans du bien-être des animaux, les défenseurs des droits de l'animal, tout particulièrement, l'IFAW—ont tout l'argent qu'il faut pour s'attaquer à l'industrie de la fourrure, disposez-vous d'un financement suffisant pour accomplir votre travail de la manière dont vous le souhaiteriez? Vous n'êtes pas un organisme de bienfaisance. Devriez-vous l'être?

Mme Alison Beal: Non.

M. Paul Steckle: Je m'attendais à ce que vous disiez cela.

Comment cela pourrait-il changer, vu les restrictions budgétaires, ou alors recherchez-vous d'autres sources extérieures de financement? C'est en somme ma première question.

• 1030

Mme Alison Beal: Pour être clair, en ce qui concerne notre financement, nous recevons de l'argent des provinces et des territoires. Un petit pourcentage de nos besoins administratifs est couvert par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Nous recevons en général du gouvernement fédéral des crédits rattachés à des projets particuliers. Le gouvernement se montre très généreux pour ce qui est de soutenir notre programme de R-D sur le piégeage, par exemple. Nous bénéficions actuellement, et pour deux autres années, d'un financement de l'ordre de 400 000 $ par an pour notre programme de recherche sur le piégeage, subvention égalée par le secteur de la fourrure.

Cela dit, non, il n'y a bien sûr pas suffisamment d'argent pour contrer efficacement et de façon continue la propagande des groupes de défense des droits de l'animal, et je pense qu'il s'agit d'un besoin urgent.

C'est une opinion personnelle. Je trouve que le Canada a fait un excellent travail sur le dossier de la fourrure, et que les résultats dépassent actuellement tout ce que nous aurions pu imaginer dans nos rêves les plus fous.

Juste une anecdote. Il y a quelques semaines, les représentants des États européens se sont réunis à Bruxelles pour faire un tour d'horizon de leurs obligations découlant de cet accord international. La confusion était totale, car ils n'avaient pas la moindre idée du type d'animaux qu'ils piègent, de leur nombre, où, pourquoi, ce qu'ils en font. Aucune idée. Il leur reste par conséquent beaucoup de travail à faire, et ils seront subventionnés intégralement pour remplir leurs obligations.

Mais pour revenir à ce que vous disiez, non, nous ne souhaitons pas avoir le statut d'organisme de bienfaisance. Nous sommes une association à but non lucratif. Je suis persuadée toutefois qu'avec un financement suffisant, nous pourrions sérieusement contribuer à rétablir un certain équilibre dans les discussions aussi partiales que passionnées qui suscite l'utilisation des animaux au Canada. C'est un problème continuel. Il s'est posé à propos des phoques et on a perdu. Il s'est posé à propos de la fourrure et on a gagné. Mais il s'agit, dans le meilleur des cas, d'un équilibre des plus précaires. Si nous ne sommes pas en mesure de financer des communications efficaces, il ne nous sera pas possible, selon moi, de maîtriser le cours des choses.

M. Paul Steckle: Comment nous, qui représentons le gouvernement, pouvons-nous vu que l'IFAW a mené une campagne téléphonique il y a environ un an et demi, dans le cadre de laquelle ils téléphonaient aux gens au hasard et transféraient ensuite ces appels au député...? Nous recevions les appels téléphoniques; ils nous étaient transférés. Ces gens, qui ignoraient tout de l'industrie associée à la chasse au phoque, faisaient toutefois des commentaires à ce sujet. Ils recourraient à des tactiques qui, à mon avis, étaient moins qu'honnêtes.

Comment peut-on se battre contre eux? C'est un problème de communication. Si la population comprenait la véritable question de la viabilité et des fondements scientifiques d'un grand nombre de ces programmes... Je me rends bien compte que nous ne disposons peut-être pas de connaissances scientifiques aussi claires que nous le souhaitons sur certaines de ces autres espèces, mais il y en a une dont nous savons qu'elle se maintient année après année, et cela signifie quelque chose. Les connaissances traditionnelles nous éclairent.

Je me demande simplement comment nous pourrions nous battre contre ces gens. Peut-on les poursuivre à cause d'une information ambiguë et incorrecte, parce qu'ils utilisent de vieux films, éventuellement trafiqués, pour présenter les choses différemment de ce qu'elles sont?

Mme Alison Beal: Là encore, je vais vous donner une opinion très personnelle. Je pense qu'il arrive un moment où nous, qui sommes informés, devons faire ce qui est juste et non ce qui semble commode.

On a un exemple parfait aujourd'hui de ce à quoi vous faites allusion, monsieur Steckle, en Ontario, avec la décision du gouvernement Harris d'interdire la chasse aux oursons. La décision a été prise à la dernière minute suite à la distribution de 15 000 exemplaires d'un vidéo dans la région de la péninsule du Niagara, une vidéo qui n'était pas falsifiée, mais qui avait été tourné, en fait, lors d'une opération qui s'était déroulée en 1984 en Virginie Occidentale, où des agents préposés à la conservation savaient qu'il y avait un chasseur d'ours qui s'adonnait à son passe-temps de façon strictement contraire à toutes les règles. Quelqu'un est parvenu à mettre la main sur le vidéo, et il a été distribué dans le sud de l'Ontario comme s'il illustrait la façon dont se déroule normalement la chasse aux oursons.

• 1035

Le gouvernement Harris a fait l'objet de très fortes pressions. Je ne pourrais vous dire combien de milliers d'appels téléphoniques ont été faits tous les jours. On a offert de l'argent aux gens. Ce qui s'est passé a été tout simplement hideux. Malheureusement, les utilisateurs de la ressource ne se sont pas organisés comme il aurait fallu. À la dernière minute, le gouvernement a plié se disant, bon, il y a tous ces gens qui nous embêtent. Il y avait aussi la possibilité, je crois, d'élections prochaines, et Michael Harris ne souhaitait pas vraiment faire campagne dans la peau d'un tueur d'oursons. Et c'est comme ça qu'ils ont plié. Je ne suis pas politicienne. Je ne comprends pas pourquoi on peut prendre une telle décision juste parce que quelqu'un vous dit qu'il va vous faire passer pour le grand méchant loup.

Je pense qu'il est peut-être nécessaire d'avoir un peu plus de cran et de mieux comprendre que l'on doit faire ce qui est juste et pas ce qui est commode. Dans tous ces cas, il est très frustrant de constater que ce sont les gens qui ne savent pas de quoi ils parlent qui se font entendre. Il faut que nous puissions donner notre opinion, tous autant que nous sommes.

Le président: Merci, Paul. Y a-t-il autre chose?

M. Paul Steckle: Je pense que madame a dit tout ce qu'il y avait à dire. Nous allons suivre son conseil.

Le président: Il y a encore quelques autres intervenants.

Claude.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Vous disiez qu'on avait alloué un budget de 400 000 $ pour la recherche sur le piégeage. Au début de son allocution, M. Roberts nous a décrit certaines recherches qui ont été entreprises. En vue d'aider à la promotion de la chasse, il serait utile de prouver que des travaux importants ont été faits en ce sens. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce qui a été fait et que vous m'indiquiez où en sont rendues vos recherches sur le piégeage.

Mme Alison Beal: Au tout début, notre programme de recherche ne comportait malheureusement aucune ligne directrice et aucune norme. D'une certaine manière, nous pouvons dire que nous faisions alors de la recherche pure.

Après avoir réussi à établir certaines normes, nous possédions enfin un outil nous permettant de mesurer nos progrès. Nous avons examiné les différents pièges, leurs propriétés mécaniques et leur capacité de prise afin de prouver qu'on pouvait capturer ou tuer, selon le cas, un animal sans qu'il doive souffrir indûment et pendant plus longtemps que nous ne le jugions acceptable.

À ce jour, nous reconnaissons l'utilisation de 10 pièges pour la capture de huit espèces d'animaux, bien qu'au Canada, on fasse la trappe de 12 espèces d'animaux à fourrure à des fins commerciales. On ne saurait dire qu'il y a un piège pour une espèce animale, tout comme on ne peut dire que tous les automobilistes utilisent la même voiture pour se rendre au même endroit. Pour faire son travail, un trappeur a recours à plusieurs engins.

Notre travail consiste actuellement à évaluer tous les engins qu'utilisent communément les trappeurs et à déterminer s'ils respectent les normes. De plus, nous étudions la possibilité d'améliorer ces engins. Nous cherchons toujours à progresser. Nous travaillons en collaboration avec une équipe de recherche du Alberta Research Council qui oeuvre à Vegreville, en Alberta, et nous prévoyons que les dépenses relatives à notre programme s'élèveront à quelque 950 000 $ au cours de cette année. Notre équipe a actuellement suffisamment de travail.

Nous souhaiterions être en mesure de faire plus de travail dans ce domaine. Il ne faut toutefois pas oublier que le travail que nous faisons ici, au Canada, est unique puisqu'on ne le fait pas nulle part ailleurs. La Suède a mis sur pied un très modeste programme de recherche, tandis que les États-Unis font un peu de recherches sur les pièges de retenue, soit les pièges à patte.

• 1040

M. Claude Drouin: Merci. Avez-vous songé à faire une vidéo qui expliquerait votre travail?

Mme Alison Beal: Oui.

M. Claude Drouin: Vous pourriez démontrer ce qui se faisait avant et ce qui se fait maintenant, expliquer la recherche que vous poursuivez et souligner que vous êtes des pionniers dans ce domaine-là. Vous pourriez reprendre l'approche qu'on utilise pour la publicité en comparant la situation avant et après. Vous pourriez ainsi démontrer le sérieux de votre association et la volonté ferme de nos trappeurs de faire en sorte que les animaux souffrent le moins possible. Vous n'auriez pas nécessairement à dépenser des sommes importantes pour doter votre association d'un bon outil de promotion.

Mme Alison Beal: Je serais très heureuse de vous faire parvenir un exemplaire de cette vidéo dès cet après-midi puisqu'elle existe déjà.

M. Claude Drouin: Je l'apprécierais beaucoup.

Mme Alison Beal: D'ailleurs, cette vidéo faisait partie de la trousse d'information que nous avons utilisée lorsque nous avons défendu notre point de vue en Europe. Je dois vous dire que certains progrès ont été faits depuis. Nous sommes maintenant capables de faire, grâce à l'ordinateur, une simulation des mouvements de l'animal ainsi que de l'interaction entre l'animal et le piège.

M. Claude Drouin: Bravo. Félicitations. Merci.

Mme Alison Beal: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, Claude.

Wayne, vous aviez une autre question.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Vous avez mentionné dans votre mémoire que l'Union européenne piège cinq fois plus d'animaux que le Canada et que pourtant, nous avons été critiqués. On sait que des phoques sont massacrés dans d'autres régions du monde et pourtant, le Canada est critiqué par l'IFAW. Pour quelle raison? Avez-vous une idée de la raison pour laquelle le Canada est particulièrement visé? Est-ce parce que nous sommes un pays qui dépend tellement du commerce? Qu'en est-il?

J'aurai une autre question, monsieur le président.

M. Brian Roberts: Je peux essayer de répondre en partie. Le Canada a une assez bonne image à l'étranger, c'est un pays gentil, les gens sont sympathiques. Or, les arguments portent beaucoup plus facilement quand il est question d'un peuple si gentil qui commet des actes aussi horribles. C'est le premier point.

Deuxièmement, par stratégie, une des choses qu'une certaine personne qui est à la tête d'une grande organisation dont on parle sans arrêt, mais que je ne nommerai pas—je n'aime pas leur faire de la publicité gratuite... Quand les responsables du ministère des Pêches sont allés pour la première fois en Europe pour discuter de la directive sur les phoques, ils ont constaté que cette personne était assise à la droite du président du comité à titre de spécialiste des phoques. Il s'était rendu compte que pour stopper une activité, il ne faut pas s'adresser aux législateurs du pays où elle se déroule; il faut aller dans un autre pays. Il est toujours plus facile de critiquer les pratiques de quelqu'un d'autre et d'adopter une morale stricte pour tirer les gens vers le haut de façon à ce qu'ils soient aussi éclairés que vous l'êtes. C'est beaucoup plus difficile de le faire localement, au Canada, et de critiquer les Canadiens.

On se rend compte que cela ne fait aucune différence qu'il s'agisse des éléphants ou des baleines, ou de n'importe quelle espèce; les situations sont toujours présentées comme des problèmes qui se posent ailleurs. Ce n'est rien d'autre qu'une technique de marketing.

J'aimerais ajouter à cela, en ce qui concerne la transparence en matière de publicité, que lorsque je travaillais au ministère des Pêches au début des années 80, nous entendions constamment dire que les phoques étaient dépouillés vivants, ce qui paraissait plutôt radical. On pourrait penser qu'il est possible de voir si un animal est vivant ou non. En fait, on ne peut pas savoir. Pour commencer, il n'est pas possible de dépouiller un phoque vivant. Quand je traitais avec les médias, on me demandait s'il y avait différentes définitions de «vivant»? Je répondais: «Eh bien, supposez que vous avez désespérément besoin d'une transplantation cardiaque et qu'une victime d'un accident de la route arrive. Dans quel état de mort aimeriez-vous que soit cette personne avant que son coeur soit transplanté? Complètement mort ou juste mort cérébralement? Qu'est-ce qui vous satisferait?»

On en revient donc à la question de la transparence publicitaire. Le phoque, techniquement, selon la définition d'un hôpital, est mort cérébralement, mais est-il mort physiologiquement ou est-ce que son coeur bat toujours? Il y a donc ces différents degrés de mort. Si vous êtes assez intelligents, et ces groupes—je le répète, je ne mentionnerai pas leurs noms—sont extrêmement habiles dans ce domaine... Le marketing est leur profession. La communication est leur carte maîtresse.

• 1045

Une fois j'ai vu les déclarations de revenu soumises par cette organisation à l'IRS, et j'ai pu constater qu'elle consacre 77 p. 100 de ses revenus à recueillir des fonds et 23 p. 100 à l'administration. Faites le calcul—100 p. 100 essentiellement pour recueillir des fonds pour pouvoir poursuivre son activité. Tout cela était censé servir à l'éducation du public. Il est certain que ce groupe éduquait le public, si le fait de transmettre vos idées et de les voir reprises par quelqu'un d'autre est ce qu'on peut appeler de l'éducation. Je n'aime pas ce genre d'éducation en ce qui me concerne, mais je peux certainement apprécier votre frustration. Assez souvent, on se retrouve face à ces mensonges exaspérants que l'on ne peut circonscrire au sens légal pour dire qu'il s'agit d'un mensonge. Là est le problème.

M. Wayne Easter: Brièvement. Vous avez soulevé trois points à la fin de votre exposé, qui étaient, je pense, bien fondés. Est-ce que l'espèce est en voie de disparition? Est-ce que l'abattage est sans cruauté? L'autre portait sur l'utilisation principale du produit et la commercialisation.

Un de nos problèmes, en termes de marketing, est, comme vous le savez, le marché américain et la Marine Mammal Protection Act. Or, vous avez mentionné, je crois, qu'on élimine des otaries et d'autres espèces aux États-Unis.

M. Brian Roberts: C'est envisagé.

M. Wayne Easter: Il y a deux choses. La première, en ce qui concerne l'élimination des espèces aux États-Unis, abattent-ils les femelles? Est-ce la façon dont ils contrôlent les troupeaux? Deuxièmement, par quoi faut-il commencer pour faire quelque chose? Avez-vous des suggestions sur la façon d'aborder ce problème de marketing du fait de la Marine Mammal Protection Act aux États-Unis?

M. Brian Roberts: Je me demandais si vous alliez en venir à la Marine Mammal Protection Act.

Je fais faire un petit rappel historique. Cette loi a été adoptée en 1972.

J'ai une formation d'historien, alors, j'espère que vous me pardonnerez.

Elle a été adoptée en 1972, et à la fin des années 60 et au début des années 70, on pensait que pour sauver une espèce menacée—une espèce sera toujours menacée par le commerce, donc pour la sauver, pour la protéger, il suffit d'arrêter d'en faire le commerce. C'est simple.

Les Américains faisaient l'objet de certaines pressions de la part de particuliers et de groupes au sujet de la capture des bébés phoques au Canada—des pressions visant une interdiction. Cette interdiction a éventuellement vu le jour sous la forme de la Marine Mammal Protection Act (MMPA). L'idée était la suivante: pourquoi se contenter de sauver uniquement les phoques à selle? Sauvons tous les mammifères marins, qu'ils aient ou non besoin de l'être—car en arrêtant le commerce, vous sauviez automatiquement toutes les espèces.

C'était en 1972, et cela reflétait un courant de pensée du genre: «il y a nous d'un côté et de l'autre, l'environnement, et nous ne trouverons jamais un terrain d'entente.» Or, en 1973, une chose très intéressante s'est produite, une chose qui avait été préconisée dans la MMPA: on a élaboré un accord international sur le commerce et les espèces menacées d'extinction, plus connu sous le nom de Convention de Washington ou en abrégé, CITES—la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction. Cette convention a inversé la façon dont on envisageait les choses. Alors que le principe sur lequel repose la MMPA est que tous les mammifères marins, par définition, sont menacés d'extinction et que toute forme de commerce les met toujours davantage en danger, si bien que pour les sauver, il faut cesser d'en faire le commerce, les auteurs de la CITES ont dit: «Attendez une minute; nous allons partir du principe que les espèces, quelles qu'elles soient, ne sont pas menacées d'extinction, à moins que l'on ne démontre le contraire, et s'il y a des preuves que le commerce représente une pression ou une menace pour ces espèces, nous allons intervenir par étape et, premièrement, contrôler les activités dont la liste est donnée à l'annexe 3, restreindre celles de l'annexe 2 ou suspendre celles de l'annexe 1.»

À peu près au même moment, en 1975, les Américains ont signé la Convention CITES. Ils ont également adopté la Endangered Species Act. Or, ils ne sont jamais revenus en arrière pour harmoniser ou mettre à jour la MMPA. On se retrouve donc face à cette situation curieuse où le gouvernement américain, lorsqu'il prend part aux délibérations de forums internationaux comme le Conseil de l'Arctique et l'Union mondiale pour la nature ainsi qu'une foule d'autres organes, souscrit au concept de l'utilisation durable, des ressources biologiques, etc. Et pourtant, il ne considère pas que sa politique est incohérente parce que la MMPA est encore en vigueur car—et c'est une observation qui a été faite par d'autres—les mammifères marins entrent dans un catégorie spéciale. La MMPA reconnaît l'importance et la valeur de ces ressources et stipule qu'elles sont si importantes et qu'elles ont tant de valeur qu'elles doivent être protégées. Cependant—et c'est probablement parce que la population en général considère que les mammifères marins entrent dans une catégorie spéciale et ne devraient pas être exploités—personne n'est revenu en arrière pour harmoniser, mettre à jour ou consolider, si l'on veut, la MMPA pour que ses dispositions soient conformes aux autres engagements pris par les États-Unis. Cela va-t-il arriver dans le proche avenir... c'est fort peu probable. Il n'existe aux États-Unis, à ma connaissance, aucun mouvement favorable à une modification de cette loi.

Le président: Monsieur Roberts, globalement, quelle est la valeur de l'industrie de la fourrure au Canada—étant entendu que l'exploitation des phoques en fait partie—si l'on se fonde sur les dernières statistiques annuelles dont vous disposez? Quelle est la valeur de cette industrie pour l'économie canadienne? Vingt-cinq millions pour ce qui est des phoques. Quant aux autres fourrures...?

• 1050

Mme Alison Beal: Cela dépend de la façon dont on envisage la question, mais par rapport au PIB, cela se chiffre probablement—le dernier chiffre que j'ai date, je crois, de 1997—à environ 626 millions de dollars.

Le président: Combien de millions?

Mme Alison Beal: Six cent vingt-six millions de dollars.

Le président: En prenant en compte les revers que vous avez subis, à combien cette valeur devrait-elle s'élever si l'industrie avait progressé depuis 1980 ou 1981, disons, au même rythme qu'avant le début des années 80? Quelle serait sa valeur aujourd'hui si ce secteur avait pris autant d'expansion que la plupart des autres industries?

Mme Alison Beal: Oh là là, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre, parce qu'il y a eu aussi ce petit problème qu'on a appelé une récession économique et dont les effets n'ont pas été strictement liés à l'évolution du commerce de la fourrure. Mais je peux vous dire qu'en 1987, une année record pour le secteur, nous avons calculé que la valeur de cette activité se chiffrait à environ 1,1 milliard de dollars.

Le président: Donc, 1987 a été une année record?

Mme Alison Beal: Cela a été une année record dans notre secteur. Nous fonctionnons essentiellement comme les marchés des produits de base. Les peaux non traitées sont vendues aux enchères, ce qui entraîne de sérieuses fluctuations. Si vous vous souvenez, vers le milieu des années 80, les Japonais ont beaucoup spéculé à la hausse sur les marchés mondiaux et ils se sont lancés dans le commerce de la fourrure avec un grand enthousiasme, au point où c'était presque une comédie qui se jouait puisqu'en 1986, vous pouviez voir dans les salles des ventes des gens qui enchérissaient littéralement contre eux-mêmes et qui faisaient monter à 300 $ le prix d'une peau de vison qui, normalement, sur un marché raisonnable, aurait valu 40 $. Cette période de deux ans a donc certainement eu des effets bizarres sur notre marché.

Je suppose que cette année, les résultats du commerce de la fourrure ne seront par particulièrement bons. Cela est lié directement aux conditions qui existent sur le marché russe qui s'est complètement effondré. Nous exportons beaucoup de fourrures en Russie; c'est un peu la même chose que dire que l'on exporte du charbon à Newcastle, mais enfin, je ne peux aujourd'hui vous expliquer le pourquoi de la chose. Vous allez donc probablement voir que le prix de nos fourrures a un peu baissé cette année. Je pense qu'au cours des trois prochaines années, nous allons connaître une bonne reprise et que nous allons atteindre les 800 ou 900 millions de dollars.

Le président: On nous a fait une autre observation: la santé du troupeau de phoques est menacée. De fait, nous avons examiné les chiffres qui touchaient la reproduction et qui étaient cités: un troupeau comprenant, disons, 5 millions de phoques produit environ 600 à 700 000 petits par an.

La qualité est un facteur qui entre toujours en compte dans les ventes aux enchères dont vous parlez. Un bon négociant peut toucher les peaux et dire cela vaut tant. En ce qui concerne les peaux de phoques que vous vendez ou que vous essayez de commercialiser, avez-vous remarqué quelque chose qui puisse indiquer qu'il y a un problème de santé... parce qu'un troupeau qui n'est pas en bonne santé ne donne pas de la fourrure de bonne qualité. Ces dernières années, a-t-on eu des inquiétudes à ce propos?

Mme Alison Beal: Non.

Le président: Ce que je vous demande, c'est si la qualité est restée la même.

Mme Alison Beal: À ce que je sache—et il n'y a pas beaucoup de peaux de phoque qui sont vendues dans les salles des vente—de fait, la plupart des peaux de phoque vendues aux enchères viennent du nord-est de l'Arctique. Mais non, la qualité des peaux ne semble pas en question jusqu'ici. Il y a d'autres problèmes de production qui peuvent affecter la qualité des peaux avant qu'elles arrivent dans les salles des ventes, mais je ne suis pas au courant de quelque problème que ce soit qui soit lié à la santé du troupeau—même si je ne suis pas experte en la matière.

Le président: Bon, pour résumer—monsieur Roberts, avez-vous un...?

M. Brian Roberts: Je voulais juste ajouter quelque chose à propos de la commercialisation à l'échelle internationale. Il est important de noter, à propos de ce dossier sur la fourrure, que les deux espèces que l'Europe ne voulait pas interdire étaient le renard et le vison. Naturellement, je pense, c'est en Europe que l'on trouve le plus de fermes d'élevage de renard et de vison. Le petit pays qui est le Danemark produit, à lui tout seul, dix fois plus de fourrure que le Canada. Il s'agit donc d'un produit qui circule beaucoup à travers le monde. Même s'il y a des espèces sauvages de renard et de vison, l'Union européenne ne voulait pas y toucher pour éviter toute confusion.

• 1055

Le président: Je tiens à vous remercier d'être venus comparaître devant le comité ce matin. Chose certaine, votre exposé a été très utile. Comme vous pouvez vous en douter, nous sommes nombreux ici à être favorables à votre cause. Mais en même temps, je ne voudrais pas que vous nous quittiez sur l'impression que tous les Canadiens appuient vos initiatives.

Je me souviens d'un petit incident qui s'est produit à Vancouver, lors des audiences qui ont eu lieu l'automne dernier, et des difficultés que cette visite a provoquées. Une des journalistes est arrivée vêtue d'un vêtement en fourrure. Il s'agissait en fait d'une fausse fourrure, d'une de ces imitations qui sont fabriquées maintenant, mais elle a dû faire face à une foule hostile qui n'appréciait pas le fait qu'elle porte ce genre de cape en fourrure.

Quoi qu'il en soit, c'est un gros problème. C'est un problème important pour les régions rurales du Canada. C'est un produit qui assure en grande partie la subsistance des gens qui habitent nos régions nordiques et côtières. Je pense parfois que les gens qui vivent dans ces régions sont traités très injustement par les citadins, qui ne réalisent pas l'importance de l'industrie ni le rôle de premier plan qu'elle joue pour assurer la survie de ces collectivités.

Merci d'être venus. Continuez, vous êtes dans la bonne voie; avec un peu de chance, vous connaîtrez très prochainement la position que notre comité va adopter sur la chasse aux phoques.

Sur ce, je vous rappelle que la prochaine réunion aura lieu jeudi et que le ministre sera présent pour examiner le budget, John. C'est pratiquement une matinée qui va être consacrée à l'opposition, et vous allez tous être prêts à poser des questions à M. Anderson.

La séance est levée.