INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 novembre 1997
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mercredi 22 octobre 1997, une étude du projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives.
Pour commencer, nous recevons aujourd'hui des représentants du ministère de l'Industrie dans le cadre d'une séance d'information sur le projet de loi C-5. Je présume que tout le monde a reçu le classeur noir qui a été préparé. Nous avons maintenant devant nous une déclaration liminaire et une série de documents sur le projet de loi.
Monsieur Hains, veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Jacques Hains (directeur, Direction de la politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie): Je travaille à Industrie Canada dans le secteur des politiques, où j'ai été responsable de l'élaboration de ce projet de loi. Certains collègues m'accompagnent aujourd'hui pour m'aider à répondre aux questions des membres du comité. Il s'agit de M. Irving Miller, conseiller juridique d'Industrie Canada au ministère de la Justice; M. Lynden Hillier, directeur exécutif du Secrétariat aux coopératives à Agriculture et Agroalimentaire Canada—le ministère chargé de la liaison avec les coopératives canadiennes; Mme Jennifer Elliott, analyste juridique dans ma direction à Industrie Canada; et Mme Cheryl Ringor, agente de l'examen corporatif à la Direction générale des corporations à Industrie Canada, qui sera chargée d'administrer cette loi si le Parlement décide de l'adopter.
[Français]
Nous avons eu l'occasion, ces dernières semaines, de rencontrer certains membres du comité et des caucus des partis politiques, séparément et individuellement, pour leur faire quelques briefings sur le projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives. Nous avons également rencontré les recherchistes du comité pour leur expliquer le projet de loi dans le détail.
Je crois savoir que vous avez déjà reçu, de la part des recherchistes du comité, un très bon résumé du projet de loi. Je ne vais pas prendre trop de temps pour la présentation. Je proposerais plutôt de faire un énoncé très bref d'à peine quelques minutes, de façon à ce que nous puissions laisser le plus de temps possible aux membres du comité pour poser des questions de clarification ou autres concernant le projet de loi.
• 1540
Il y a deux points essentiels que j'aimerais
porter à l'attention du comité. Tout d'abord, comme tous
les députés qui se sont exprimés sur le projet de loi
lors du débat en deuxième lecture l'ont reconnu et souligné
dans leur intervention, je crois qu'il est important de rappeler
que ce projet de loi a été pensé, débattu et
proposé par le mouvement coopératif canadien, pour les
coopératives canadiennes. Je crois qu'il est très
important de rappeler de ce fait.
[Traduction]
Votre comité sera en mesure de vérifier auprès des deux associations coopératives nationales, la Canadian Cooperative Association et le Conseil canadien de la coopération, lorsqu'elles comparaîtront jeudi, que le processus a été long, approfondi et complet, et qu'il y a eu des tables rondes, des symposiums et des consultations qui ont duré plusieurs années et qui ont abouti à leur proposition qui constitue essentiellement la teneur du projet de loi C-5.
Je n'ai pas participé à ces discussions au cours des dernières années, mais parfois, le processus de consultation et de compromis a dû être difficile et délicat, car il s'agissait de proposer au Parlement des arrangements commerciaux et des outils législatifs permettant d'améliorer et d'enchâsser les principes régissant les coopératives. Reste à voir comment on pourra concilier et faire fonctionner ensemble les deux aspects.
Ainsi donc, comme je l'ai dit, les discussions ont dû être longues, difficiles et délicates au sein du mouvement coopératif même; mais le résultat final est le fruit d'un consensus. Une fois de plus, il ne m'appartient pas d'en juger. Vous pourrez le vérifier auprès des intéressés jeudi. Ces derniers ont réalisé un consensus qui est essentiellement le projet de loi C-5. La proposition a été présentée au gouvernement comme un consensus auquel ils tiennent, et le gouvernement a décidé de donner suite à plusieurs années de travail acharné sur la question.
Depuis que le projet de loi a été présenté en septembre dernier, une question en particulier a été portée à notre attention, et certainement à la vôtre, ou elle le sera immédiatement après la réunion. Elle porte sur la liberté d'opinion des membres. La question est particulièrement importante pour les groupements de producteurs de l'ouest du pays, et ils vont en parler dans un instant.
Je tiens à signaler aux membres du comité que nous sommes conscients de cette question et que, en travaillant en étroite collaboration avec les coopératives canadiennes pour élaborer ce projet de loi, nous nous efforçons, de concert avec elles et avec la Canadian Cooperative Association et le Conseil canadien de la coopération, de voir ce qu'on peut faire pour régler cette question.
J'espère, madame la présidente, que nous serons en mesure de faire quelque chose pour régler le problème si votre comité est d'accord.
Voilà le premier point que je voulais mentionner: le projet de loi émane des coopératives et vise à protéger leurs intérêts.
Le deuxième point que je tiens à souligner aux fins du procès-verbal porte sur l'objet du projet de loi C-5.
Il a trois objectifs principaux.
Le premier consiste à donner à nos coopératives des outils semblables à ceux dont disposent les autres entreprises pour leur permettre de rivaliser effectivement avec ces entreprises et les mettre sur un pied d'égalité. L'arsenal dont disposent les entreprises modernes pour fonctionner et prospérer sur le marché devrait être également accessible aux coopératives canadiennes, ce qui n'est pas le cas actuellement, madame la présidente. Tel est le premier objectif du projet de loi C-5 proposé par les coopératives mêmes.
• 1545
À cet égard, et c'est le plus important, nous voulons donner
aux coopératives canadiennes un accès à de nouvelles sources de
financement, qui sont essentiellement de deux types. Premièrement,
la capacité d'émettre des parts sociales sans valeur
nominale—capacité dont ne disposent pas actuellement les
coopératives et qu'elles aimeraient avoir; et deuxièmement, la
possibilité d'émettre des actions à la bourse pour attirer des
investisseurs et acquérir le capital nécessaire pour croître,
prospérer, rivaliser et créer la richesse.
Le deuxième ou troisième objectif clé du projet de loi C-5, selon la façon dont vous comptez, consiste non seulement à donner aux coopératives les outils dont disposent les entreprises modernes, mais aussi à faire en sorte que seules les coopératives puissent se constituer en coopérative en vertu de cette loi. Ainsi donc, seules des entités qui seront exploitées, administrées selon les principes coopératifs établis par la loi auraient le droit de s'incorporer en vertu de cette loi.
En outre, le projet de loi C-5 renforce considérablement et enchâsse le contrôle par les membres du destin de leur coopérative et leur donne de nouveaux recours au cas où ils ne s'entendraient pas sur les orientations que la majorité des membres veut adopter. Ces recours n'existent pas actuellement. Les dispositions actuelles relatives au contrôle par les membres sont très vagues. Le projet de loi C-5 vise à le préciser, le renforcer et lui donner force de loi, et c'est très important pour les coopératives canadiennes.
Je dirais donc que nous devrions probablement commencer par là. Ce projet de loi vise avant tout à donner force de loi aux principes régissant les coopératives, et les entreprises que l'on créera en vertu de cette loi devront s'y conformer en tout temps. Le projet de loi donne en outre des outils de type commercial.
J'ai dit que je serais bref. Je vais donc m'arrêter là, madame la présidente, afin que mes collègues et moi puissions répondre à vos questions.
La présidente: Monsieur Pankiw.
M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Hains, vous avez mentionné le droit à la dissidence, et vous dites que les différentes coopératives ont le droit de ne pas adopter les nouvelles options qu'on leur propose. Est-ce exact? Mais ce droit me semble évident, ne pensez-vous pas? Pourquoi est-ce un problème?
M. Jacques Hains: Le droit à la dissidence?
M. Jim Pankiw: Oui.
M. Jacques Hains: Le droit à la dissidence n'est pas prévu dans la loi fédérale qui régit actuellement les coopératives. En examinant les nombreux facteurs relatifs à la définition du contrôle des coopératives par les membres, on a jugé qu'il était très important de donner aux membres de la coopérative le droit de dire qu'ils n'aiment pas les orientations que leurs collègues veulent adopter. Il s'agit d'un droit de retrait, de la possibilité d'exprimer officiellement sa dissidence.
De nos jours, ce droit existe en droit corporatif pour les investisseurs, pour les actionnaires, qui ne sont pas propriétaires en tant que tels de leurs entreprises. Les membres des coopératives sont propriétaires. Ils ont estimé qu'il était très fondamental, afin de contrôler le destin des coopératives, d'enchâsser ce droit à la dissidence.
Cela n'a peut-être pas été si facile pour les membres des coopératives d'en arriver à cette conclusion au fil des ans, et je crois que certaines coopératives, les groupements de producteurs en particulier, y sont opposées, mais pas tant au droit même qu'à son incidence sur la capitalisation des coopératives. Cependant, vous pourrez leur demander des éclaircissements après cette séance.
M. Jim Pankiw: Il s'agit donc du droit de chaque membre à faire valoir sa dissidence à l'égard des décisions de la coopérative?
M. Jacques Hains: C'est exact.
M. Jim Pankiw: Que pourra-t-il se produire dans de tels cas?
M. Jacques Hains: Selon le projet de loi C-5, le droit à la dissidence est un droit fondamental. Les membres dissidents ont le droit de se faire rembourser toutes les sommes qu'ils ont investies dans la coopérative, y compris les gains réalisés sur cet investissement au cours des années. Dans les consultations que nous avons tenues partout au pays l'an dernier sur les propositions des coopératives, nous avons constaté que certains s'inquiétaient des effets que cela pourrait avoir sur la capitalisation des coopératives. Nous avons donc modifié les propositions initiales des coopératives pour y ajouter certaines mesures de sauvegarde réglant ce problème. Deux de ces mesures, plus particulièrement, permettent aux administrateurs de la coopérative, aux membres du conseil d'administration, d'effectuer ce remboursement sur une période de cinq ans, s'ils craignent que l'application de ce droit à la dissidence mette en péril la viabilité de la coopérative.
M. Jim Pankiw: Vous avez parlé de la valeur actuelle du remboursement et vous avez également mentionné le rendement qui aurait été obtenu sur cet investissement dans des années ultérieures. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. Jacques Hains: Oui. Ce qui est remboursé, ce n'est pas seulement les parts de membre, mais aussi les gains accumulés sur cet investissement.
Mme Jennifer Elliott (analyste juridique des politiques, Direction de la politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie): Les parts sont remboursées, quel que soit le montant des intérêts, à la date à laquelle la résolution est adoptée. D'après la formule de calcul, je crois, la coopérative rembourserait l'investissement initial, puis la juste valeur des parts de membre et autres...
M. Jim Pankiw: Selon leur valeur actuelle?
Mme Jennifer Elliott: Oui, c'est ce qu'on appelle la «juste valeur», mais cela équivaut à la valeur marchande.
M. Jim Pankiw: D'accord. On ne calcule donc pas ce que les parts de membre auraient rapporté à l'avenir. Est-ce que cela fait partie de la valeur actuelle?
M. Jacques Hains: Oui, à la date d'adoption de la résolution.
M. Jim Pankiw: Ou existe-t-il un autre élément à ce calcul de la valeur?
M. Jacques Hains: Non.
Mme Jennifer Elliott: Non, c'est la valeur à la date à laquelle la résolution est adoptée.
M. Jim Pankiw: Et c'est tout?
Mme Jennifer Elliott: Oui.
La présidente: Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'ai deux questions à poser. Il s'agit de questions qui ont été posées à la Chambre et j'aimerais obtenir quelques précisions pour le comité. Ce projet de loi a-t-il quelque effet que ce soit sur les coopératives provinciales, existe-t-il un chevauchement? Ma deuxième question porte sur un commentaire que j'ai entendu. Cette mesure législative aide-t-elle les coopératives plus petites à continuer d'appliquer les principes coopératifs ou leur nuit-elle à cet égard?
M. Jacques Hains: Pour répondre à la première question, à savoir comment ce projet de loi peut s'appliquer simultanément à d'autres mesures législatives provinciales semblables, la constitution en société des entreprises relève tant de la compétence fédérale que des provinces. Chaque province canadienne a sa propre loi sur les coopératives, de même que le gouvernement fédéral. Ce projet de loi remplacerait la loi fédérale de 1970 par une loi plus moderne.
Pour ce qui est des sociétés par actions, le gouvernement fédéral applique la Loi sur les sociétés par actions, et chaque province applique une loi semblable sur les sociétés ou les sociétés par actions. Ces lois sont appliquées simultanément. Cela signifie qu'une coopérative qui répond aux exigences de la loi fédérale pourrait se constituer en société au niveau fédéral ou encore au niveau provincial, comme le font les sociétés par actions. Elles ont le choix. Les deux régimes coexistent.
Pour répondre à votre deuxième question, à savoir si le projet de loi C-5 pourrait avoir des effets négatifs sur les petites coopératives, je répondrai que si ces coopératives choisissent de se constituer sous le régime de cette loi, elles doivent se conformer à ses exigences. Mais ce projet de loi contient plusieurs des dispositions importantes en matière de commerce qu'on trouve dans le droit, par exemple la possibilité de se financer par l'émission d'actions. Une fois la coopérative constituée sous le régime de la loi proposée, c'est aux membres qu'il incombe de décider s'ils veulent ou non se prévaloir de telles dispositions. Cela ne leur est pas imposé.
Compte tenu du caractère habilitant de bon nombre de ces dispositions de la loi, les petites coopératives qui souhaitent demeurer plus traditionnelles, si je puis m'exprimer ainsi, peuvent continuer de le faire. À mon avis, cette loi présente de nombreux avantages pour les petites coopératives puisqu'elle indique clairement que les entreprises constituées sous son régime doivent respecter les principes coopératifs reconnus, alors que la loi fédérale actuelle est assez floue à ce sujet.
La présidente: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Quand je vous avais rencontré, monsieur Hains, je vous avais demandé ce qui arrivait quand une coopérative qui est une fédération et qui a sa charte en vertu de la Loi C-5 était formée de coopératives venant de diverses provinces enregistrées sous des chartes provinciales. Que se passe-t-il dans ce genre de situation?
M. Jacques Hains: Si je vous comprends bien, vous faites allusion à l'obligation proposée dans le projet de loi C-5, à savoir que, pour pouvoir s'incorporer sous cette loi fédérale, il faut qu'une coopérative fasse affaire et ait un lieu d'affaires dans plus d'une province.
Mme Francine Lalonde: Mais cela ne concernerait que la coopérative principale. Est-ce que cette obligation-là concernerait aussi les coopératives filles, si je peux les appeler ainsi?
M. Jacques Hains: Non. Les coopératives filles étant elles-mêmes des entités coopératives, si elles satisfont à l'exigence de faire affaire dans plus d'une province, elles peuvent être considérées comme des coopératives fédérales. Donc, la fédération pourrait avoir des coopératives fédérales ou des coopératives provinciales si celles-ci ne font pas affaire dans plus d'une province. Elle pourrait avoir les deux. Mais la fédération elle-même pourrait tomber sous la loi fédérale parce qu'elle a des membres et fait des affaires dans plus d'une province.
Mme Francine Lalonde: Je n'ai pas eu de réponse à ma question. Si une fédération était composée de coopératives qui pourraient être elles-mêmes des fédérations provinciales, est-ce que l'enregistrement en vertu de la charte fédérale serait aussi exigé pour les coopératives filles?
M. Jacques Hains: Non.
Mme Francine Lalonde: Donc, on pourrait vivre un régime à deux paliers. Je pousse votre question un peu plus loin, monsieur Lastewka. Je pense que cela pourrait poser un certain nombre de problèmes.
M. Jacques Hains: Cela existe en ce moment. Il y a des fédérations de coopératives sous charte fédérale dont les coopératives membres peuvent être sous charte provinciale.
Mme Francine Lalonde: En ce moment, au Québec, il y a six coopératives qui ont une charte fédérale seulement. En tout cas, c'est une question que je vais creuser davantage. Je vous remercie de votre réponse.
J'ai une sous-question et je vais aller vite. Dans les principes coopératifs que j'ai vus ailleurs, on exigeait, au moment de l'enregistrement de la charte, que la charte comprenne l'objet de la coopérative, parce que si l'objet n'est pas précisé, il y a une série de dispositions qui n'ont pas de prise, y compris celles sur la gestion des administrateurs et la participation des membres. Généralement, on exige aussi que les membres aient un intérêt dans la coopérative et dans son objet, l'intérêt n'étant pas un intérêt matériel.
Ces dispositions-là n'existent pas dans ce projet de loi C-5. Pouvez-vous me dire pourquoi?
M. Jacques Hains: Je pense que vous devriez poser la question aux coopératives jeudi.
Mme Francine Lalonde: Je vais le faire.
M. Jacques Hains: Je pense qu'elles vous répondront que la façon actuelle d'obtenir une charte fédérale, qui est de mettre l'objet précis de la coopérative dans les statuts de la coopérative, est fort contraignante. Si on voulait entrer dans des sous-contrats avec des fournisseurs qui, par exemple ne peuvent pas s'inscrire dans le cadre de l'objet de la coopérative, on ne serait pas sûr de pouvoir le faire.
Il y avait donc toutes ces incertitudes commerciales qui se rattachaient au fait d'exiger que l'objet précis de la coopérative soit indiqué dans les statuts. Le mouvement coopératif propose plutôt de dire qu'on va s'incorporer afin d'obtenir les pouvoirs que toute autre entreprise commerciale peut avoir quand elle est incorporée sous d'autres lois d'incorporation, c'est-à-dire les pouvoirs d'une natural person, comme on dit en anglais, ce qui donne beaucoup plus de flexibilité aux coopératives pour entrer dans des relations contractuelles avec des fournisseurs. La Loi du Québec sur les coopératives stipule exactement la même chose d'ailleurs.
• 1600
Vous demandez si les membres, lorsqu'ils décident de devenir
membres d'une coopérative, savent ce qu'ils achètent.
Je crois que c'est à ce moment-là une espèce de
contrat.
Quand on devient membre d'une
coopérative forestière, on sait que c'est une coopérative forestière
et non pas une coopérative
d'habitation.
Si la mission de la coopérative forestière devait changer dans cinq ou dix ans, à ce moment-là, le membre pourrait décider de continuer d'être membre de cette coopérative-là ou de devenir membre d'une autre coopérative forestière parce que ce qui l'intéresse, c'est une coopérative forestière.
Mme Francine Lalonde: Mais il n'y a pas de prise sur cette coopérative. Merci. Vous avez répondu à ma question.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Ma question est d'ordre très général. Je crois savoir qu'une des nouveautés de ce projet de loi, c'est la possibilité de trouver d'autres sources de capitaux.
J'ai déjà été membre d'une coopérative, et je sais que nos collègues de l'Ouest s'intéressent vivement au mouvement coopératif.
On peut supposer que dans un marché boursier, un actionnaire ne s'intéresse pas à la coopérative elle-même. Autrement dit, il n'achète rien de la coopérative. Son but est d'obtenir un rendement sur son investissement. L'actionnaire n'est attaché à la coopérative qu'à titre de titulaire provisoire de certificat de placement.
Par contre, le mouvement coopératif a été fondé sur d'autres paramètres plus généraux, principalement la disponibilité de fournitures, de fertilisants, etc.
Ces deux principes me semblent quelque peu en conflit. Comment peut-on les concilier? Comment les coopératives peuvent-elles être à la fois une chose pour un groupe d'actionnaires et autre chose pour un autre groupe?
M. Jacques Hains: La meilleure façon de répondre à cette question est de considérer qu'il s'agit des besoins en financement et des besoins en investissement.
D'après ce que propose le projet de loi, la coopérative continuerait d'appartenir à ses membres, c'est-à-dire ceux qui utilisent ses services, et d'être contrôlée par eux. Plus les membres utilisent les services de la coopérative, plus ils reçoivent en ristournes. Le but premier d'une coopérative est d'offrir des produits ou des services à ses membres et aux clients de la coopérative.
Mais dans l'évolution d'une coopérative, surtout des plus grandes, il peut arriver que le financement interne, qui provient habituellement des parts des membres ou des emprunts contractés auprès d'établissements financiers, ne suffise plus parce qu'elles ont pris trop d'expansion et qu'elles sont confrontées à une trop dure concurrence. Elles ont besoin d'une injection massive de capitaux que les membres à eux seuls ne pourraient fournir pour leur permettre d'être concurrentielles. Ces coopératives et leurs membres auraient la possibilité dans un tel cas de se tourner vers les marchés boursiers pour obtenir ces capitaux.
Comme vous le savez sans doute, l'un des grands pools canadiens de l'Ouest a adopté cette solution, pour cette même raison, au cours des dernières années.
La décision reviendra aux coopératives et la loi leur permettra d'adopter cette solution. Cette décision pourrait représenter une étape importante pour les coopératives. Avant de la prendre, les coopératives évalueront sans aucun doute ses effets sur les principes coopératifs. Si elles décident d'émettre des actions sur le marché, elles demeureront des coopératives, mais les nouveaux actionnaires constitueront un partenaire important dont elles devront par la suite tenir compte.
M. Alex Shepherd: Existe-t-il dans cette mesure législative des dispositions évitant que le groupe d'actionnaires puisse prendre le contrôle de la coopérative? Car il faut voir qui a le contrôle. Si 30 p. 100 des actions sont entre les mains d'actionnaires non membres et que 70 p. 100 ont été acquises par les membres de la façon traditionnelle, serait-il possible que les 30 p. 100 contrôlent...?
M. Jacques Hains: Je vais demander à M. Hillier de répondre à cette question.
M. Lynden Hillier (directeur exécutif, Secrétariat aux coopératives, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Ce qui est essentiel, comme M. Hains l'a fait remarquer, c'est le contrôle par les membres. On trouve dans tout le projet de loi des dispositions garantissant que ce sont les membres qui prennent les décisions.
• 1605
Tout d'abord, lorsqu'une coopérative émet des actions et les
vend sur le marché boursier, elle opère un changement fondamental
dans son organisation. Pour cela, les membres de la coopérative
doivent aux deux tiers voter en faveur de la mesure. C'est la
première étape.
Plus tard au cours du processus, les membres doivent décider si les investisseurs de l'extérieur auront le droit de siéger au conseil d'administration. S'ils décident d'accorder des sièges aux investisseurs, on applique une limite voulant que le conseil d'administration ne compte pas plus de 20 p. 100 d'investisseurs non membres.
Ce qui est ressorti clairement des consultations effectuées auprès de tout le secteur coopératif canadien, c'est qu'il faut avoir un régime souple permettant de trouver de nouvelles sources de capitaux, tout en garantissant que les membres continuent de contrôler les coopératives. Nous avons donc inclus dans tout le projet de loi des dispositions garantissant que les membres prennent la décision d'adopter cette solution et continuent d'occuper une majorité des sièges du conseil d'administration, dont deux tiers des membres doivent être membres de la coopérative.
M. Alex Shepherd: Il est donc possible de conserver le contrôle...
La présidente: Merci, monsieur Shepherd, merci, monsieur Hillier.
Monsieur Solomon.
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci, madame la présidente.
J'ai quelques questions à poser, à commencer par une question générale. Quelles sont les principales différences entre la mesure législative qui nous est proposée et celle qu'avait proposée le mouvement coopératif?
M. Jacques Hains: Il y en a un certain nombre. D'après notre liste, 17 ou 18 de ces différences sont d'ordre technique.
Un certain nombre de différences portent toutefois sur le fond.
M. John Solomon: C'est celles-là que j'aimerais connaître.
M. Jacques Hains: Lorsque les coopératives ont présenté leur modèle de projet de loi au ministre Goodale, qui était ministre à l'époque, et au ministre Manley—l'an dernier—, nous avons rédigé un document de travail sur leurs propositions. Nous avons envoyé ce document aux plus grandes coopératives, aux 50 coopératives constituées sous le régime fédéral, à toutes les provinces, aux commissions de valeurs mobilières—à plus de 200 personnes au total—pour leur demander leur opinion sur la proposition qui était faite au gouvernement. Nous avons reçu un grand nombre de réponses. Nous avons ensuite voyagé dans tout le pays, de Moncton à Vancouver, et discuté en personne avec les gens qui nous avaient fait parvenir leurs observations, avec des homologues des provinces, etc. On nous a fait part d'un certain nombre d'inquiétudes et de commentaires quant à la proposition initiale.
Nous avons ensuite fait part de ces inquiétudes et de ces commentaires à la CCA et au CCC pour leur indiquer quel accueil était fait à leurs propositions. Nous leur avons dit qu'ils devraient peut-être les revoir.
Voici trois exemples de différences entre le projet de loi C-5 et les propositions initiales des coopératives. La première de ces différences est l'exigence, pour les coopératives qui veulent se constituer sous le régime fédéral, d'offrir des services dans plus d'une province. Cette mesure ne faisait pas partie des propositions initiales des coopératives. Mais lorsque nous avons voyagé dans tout le Canada, nous avons entendu de nombreuses personnes exprimer leurs préoccupations à cet égard. Nous en avons discuté avec la CCA et le CCC, qui ont revu leur position et déterminé en consensus que cette exigence devrait être incluse dans le projet de loi.
La deuxième différence, c'est la composition du conseil d'administration. La loi fédérale actuelle exige que tous les membres du conseil d'administration des coopératives soient membres de la coopérative. Les coopératives avaient initialement proposé qu'une majorité seulement des membres du conseil d'administration soient membres des coopératives. Là encore, dans nos consultations nationales, un bon nombre d'interlocuteurs ont dit que ce n'était pas suffisant, qu'on ne pouvait passer d'une totalité à une majorité, 50 p. 100 plus un. La CCA et le CCC en sont arrivés à un compromis voulant que les conseils d'administration soient composés aux deux tiers de membres, comme vous pouvez le voir dans le projet de loi C-5.
La troisième différence que je mentionnerai porte sur le droit à la dissidence. Les gens que nous avons rencontrés s'inquiétaient de l'effet de cette mesure sur la viabilité des coopératives. C'est pourquoi la CCA et le CCC ont accepté les mesures de sauvegarde qui sont incluses dans le projet de loi C-5 et qui laissent aux administrateurs des coopératives la possibilité d'effectuer le remboursement sur une période maximale de cinq ans, s'ils estiment qu'un remboursement immédiat mettrait en péril la viabilité de la coopérative.
Ce sont là trois de ces différences.
M. John Solomon: Merci, monsieur Hains.
J'ai deux autres questions au sujet du droit à la dissidence. Est-ce qu'on a décidé d'inclure cette disposition dans la mesure législative, s'est-on fondé sur la façon dont d'autres provinces ou pays ont traité cette question, à l'égard de sociétés ou d'autres coopératives d'autres pays, ou s'agit-il d'une disposition entièrement nouvelle?
M. Jacques Hains: Les deux. Nous avons étudié le droit corporatif pour voir comment y était traité le droit à la dissidence des actionnaires et nous avons essayé, dans toute la mesure du possible, de nous aligner sur les exigences quant à l'exercice du droit à la dissidence par les actionnaires en droit corporatif. Nous avons également étudié les lois des provinces pour voir s'il existait des droits à la dissidence et, lorsque c'était le cas, nous nous sommes inspirés de ce modèle pour produire la disposition proposée ici.
Dans la disposition proposée, les membres des coopératives doivent démontrer, pour exercer leur droit à la dissidence, que les décisions ou les actes de la coopérative leur nuiront. Ils peuvent alors exercer leur droit fondamental, soit exiger un remboursement de leur investissement et se retirer de l'entreprise.
Puis, il y a les sauvegardes que j'ai mentionnées, c'est-à-dire que pour protéger la viabilité des coopératives, les membres du conseil d'administration pourraient décider de ne pas effectuer un remboursement immédiat, si cela nuisait à la coopérative, mais de prolonger la période de remboursement sur cinq ans.
M. John Solomon: Une dernière question à ce sujet.
On nous a présenté un amendement au paragraphe 302(24), qui aurait pour effet de porter cette période de cinq ans à dix ans. Qu'en pense Industrie Canada? Vos collègues pourraient peut-être nous dire si, à leur avis, cette période de dix ans semble raisonnable ou non, si l'on tient compte des intérêts.
M. Jacques Hains: J'ai abordé cette question dans ma déclaration d'ouverture. Cette question a été soulevée après que le projet de loi C-5 ait été présenté. Nous travaillons actuellement avec les pools et surtout avec d'autres coopératives, par le truchement de la CCA et du CCC, pour voir comment ce problème peut être réglé.
Personnellement, j'estime que c'est une question très légitime, surtout pour les pools. Cela ne pose peut-être pas de problèmes pour la vaste majorité des coopératives, mais cela semble être un problème pour les pools; c'est pourquoi il faut trouver le moyen de le régler sans s'écarter des principes énoncés dans le projet de loi C-5, dont les mesures de sauvegarde constitueront désormais la norme. Le problème des pools peut être réglé au moyen d'une exception ou par d'autres mesures.
Nous sommes en train de chercher une solution avec eux, et nous espérons que lorsque le comité entreprendra son étude article par article, nous aurons déjà présenté une recommandation au ministre. Si celle-ci est acceptée, une modification sera proposée.
M. John Solomon: En fait, ma question est à deux volets, dont le premier porte sur ce sujet.
Le premier volet de ma question est le suivant: d'après les conversations que j'ai eues avec les représentants des syndicats du blé en Saskatchewan, l'inclusion d'une période de cinq ans à l'égard des remboursements effectués dans les cas de dissidence, ne semble pas un problème. Je ne suis pas certain de ce qu'en pensent les autres pools.
Voici l'autre volet: le projet de loi aborde certaines questions relatives aux coopératives de logement à but non lucratif. Ce projet de loi s'appliquerait-il à des coopératives de logement actuelles au Canada?
M. Jacques Hains: Permettez-moi de demander à M. Hillier de répondre à votre première question sur les raisons pour lesquelles l'un des pools ne partage pas les mêmes préoccupations que les deux autres.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir si cette mesure législative s'appliquerait aux coopératives de logement actuelles, eh bien, si elles répondent aux exigences imposées par le Parlement et si elles choisissent de se constituer sous le régime fédéral, cette mesure législative s'appliquerait bien à elles.
M. Lynden Hillier: Pour répondre à la question sur la différence entre les pools, il existe différentes structures de capital. Le Saskatchewan Wheat Pool s'est doté d'une nouvelle structure de capital qui diffère de celle des deux autres. Nous expliquerons la structure des deux autres plus en détail plus tard, mais le roulement de l'argent des membres est effectué sur une période plus longue, et c'est pourquoi cela leur pose un problème particulier, contrairement au Saskatchewan Wheat Pool.
La présidente: Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Madame la présidente, ma question s'adresse à M. Hains.
Vous dites que ce projet est proposé à la demande des coopératives et est le résultat d'un consensus. Consensus ne veut pas dire unanimité. Est-ce qu'il y avait des dissidents? Si oui, quelles étaient leurs inquiétudes?
M. Jacques Hains: Je pense que la meilleure façon de répondre à cette question est de mentionner que nous n'avons pas rencontré personnellement de personnes qui s'opposaient catégoriquement à cette proposition.
• 1615
Je ne connais pas de coopératives qui ne veulent
absolument rien savoir de cela. Cela ne veut pas dire,
comme vous l'avez souligné, monsieur Bellemare, qu'il y a
unanimité totale sur chacune des propositions du projet
de loi, mais je pense qu'en général, les coopératives
peuvent vivre avec.
Je terminerai ma réponse en disant que s'il y avait eu des coopératives férocement opposées à la proposition, elles auraient sans aucun doute demandé à comparaître devant votre comité.
M. Eugène Bellemare: Y a-t-il des conflits avec les lois des coopératives provinciales?
M. Jacques Hains: Y a-t-il des conflits, vous avez dit?
M. Eugène Bellemare: Oui. Il pourrait y avoir des conflits entre ce qui existe présentement dans les différentes provinces et la Loi régissant les coopératives.
M. Jacques Hains: Les propositions sont différentes. Le projet de loi qui est à l'étude maintenant va plus loin dans certains domaines et s'harmonise dans certains autres domaines avec les lois provinciales.
M. Eugène Bellemare: Il n'y a pas de conflit?
M. Jacques Hains: Je ne pense pas qu'il y ait de conflit, mais cela dépend ce que vous entendez par conflit, monsieur Bellemare. Si, par exemple, les provinces n'ont pas ressenti le besoin d'offrir à leurs coopératives, par des lois, cette option de financement qui est d'émettre des parts de financement sur les marchés, c'est leur décision. La proposition, ici, est de l'offrir aux coopératives. Est-ce qu'il y a un conflit? Je ne le crois pas. C'est quelque chose d'autre, mais ce n'est pas un conflit.
M. Eugène Bellemare: J'ai mon idée sur la dissidence. En fait, si quelqu'un veut être dissident, on peut lui dire de prendre la porte puisqu'il n'est pas content. C'est un peu ce que je comprends du projet de loi. Si vous êtes dissident, vous pouvez partir. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Jacques Hains: Personnellement, j'exprimerais cela de façon un peu différente. On ne dit pas au membre de prendre la porte s'il n'est pas content; c'est le membre lui-même qui s'en va parce qu'il ne n'est plus d'accord. Je pense que la nuance est importante.
M. Eugène Bellemare: Si la personne en question trouve que la décision que l'on prend n'est pas correcte, financièrement parlant, qu'elle n'est pas d'accord et qu'elle veut quitter la coopérative, elle ne peut pas récupérer son argent, qui est bloqué pendant au moins cinq ans. Les coopératives voudraient d'ailleurs garder l'argent plus de cinq ans, mais la loi dit qu'on peut garder son argent jusqu'à cinq ans. Mais si, au bout d'un an ou deux, la coopérative fait banqueroute ou se trouve dans de grandes difficultés financières, qu'est-ce qui protégera son argent et comment pourra-t-il le récupérer? Il savait dès le début qu'il y aurait des problèmes. Qu'est-ce qui arrivera à son argent, à son investissement?
M. Jacques Hains: Je crois que ce membre dissident qui a déjà exercé sa dissidence et qui attend d'être payé, sera un créancier, tout comme les membres à part entière de la coopérative seront des créanciers. Tous ces gens-là seront des créanciers lors de la faillite.
M. Eugène Bellemare: Mais ce n'est pas correct. Admettons qu'il y ait 10 membres dans l'administration et que le dissident ne soit pas une personne de l'administration, mais quelqu'un qui est au courant des affaires et qui s'aperçoit que la décision qui est prise n'est pas correcte. On lui dit alors de prendre son argent et de prendre la porte s'il n'est pas d'accord au sujet de la décision prise. Seulement, il ne peut pas récupérer son argent s'il veut partir. Alors, on lui dit qu'on lui donne une ligne de crédit et qu'on va le rembourser dans cinq ans.
Mais si, pendant ces cinq ans, il arrive une catastrophe économique dans la coopérative, si elle fait faillite et n'a plus un sou, qu'arrive-t-il à son argent? Est-ce qu'il est protégé? Est-ce que la loi indique que son argent est mis dans une fiducie quelconque ou bien si on s'en sert pour continuer?
M. Jacques Hains: Tout d'abord, il est important de rappeler que, pour décider que le membre dissident ne doit pas être payé immédiatement, il faut que le conseil d'administration de la coopérative ait déterminé que cette action mettrait la vie de la coopérative en jeu. C'est donc très important. Si vous êtes dissident et qu'on peut vous payer tout de suite, on va sûrement le faire. On ne le fera pas seulement si cela met la coopérative en danger et, à ce moment-là, on vous dira qu'on vous paiera dans cinq ans.
M. Eugène Bellemare: Ma question n'est pas...
M. Jacques Hains: Oh non, je comprends bien. Après cela, qu'arrive-t-il à cet argent que je vous dois mais que j'ai gardé parce que, si je ne l'avais pas fait, j'aurais mis ma coopérative en danger? Je l'utilise comme fonds de roulement. La loi n'exige pas que ces sommes-là soient mises dans un compte en fiducie. Si elle le faisait, cela annulerait le fait de donner une période de cinq ans, et la coopérative ne serait plus viable et ferait faillite immédiatement. Par contre, quand la coopérative essaie de s'en sortir de cette façon, même si elle fait faillite deux ans ou trois ans plus tard, le membre dissident n'est pas plus mal traité qu'un membre normal; c'est-à-dire qu'il est créancier comme les autres.
M. Eugène Bellemare: Je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Bellemare.
Merci, monsieur Hains.
Je rappelle aux membres que nous avons deux autres témoins à entendre à 16 h 30. Je laisserai donc la parole à M. Lowther et à M. Dubé.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.
Je ne sais pas lequel de nos témoins peut répondre à cette question. Vu les dispositions de ce projet de loi, il me semble que vous espérez mettre en place un régime équitable. Pourtant, les gens qui décident d'investir ou d'acheter des actions grâce à ces dispositions n'auront peut-être pas le même traitement que s'il s'agissait de sociétés entièrement financées par actions. Croyez-vous qu'il sera possible d'attirer des investisseurs dans un tel régime? Avez-vous fait une étude préliminaire à ce sujet?
M. Jacques Hains: À mon avis, les actionnaires éventuels des coopératives qui ont décidé d'émettre des actions ont les mêmes droits que ceux qui investissent dans des sociétés par actions. Ils peuvent vendre ou échanger leurs actions comme bon leur semble. La valeur de ces actions correspond à la valeur marchande cotée en bourse.
Je ne crois pas qu'ils soient traités différemment. Ils sont peut-être mieux traités dans une coopérative, puisqu'ils peuvent occuper jusqu'à 20 p. 100 des sièges du conseil d'administration. Mais c'est aux membres des coopératives d'en décider. Les actionnaires ne sont pas moins bien traités que s'ils investissaient dans une société par actions commerciale.
M. Eric Lowther: Mais n'y a-t-il pas un inconvénient du fait que ce sont les membres qui dirigent le conseil d'administration de la coopérative?
M. Jacques Hains: Oui, ce sont les membres qui contrôlent et qui prennent toutes les décisions. Mais il ne faut pas oublier que certaines coopératives sont fort lucratives.
M. Eric Lowther: Oui.
M. Jacques Hains: Ce serait très intéressant pour un investisseur de verser des fonds dans ces coopératives en sachant que ce sont les membres qui ont le contrôle.
Un professeur du centre coopératif de l'Université de la Saskatchewan a présenté un témoignage intéressant à ce sujet. D'après lui, bon nombre des grandes coopératives canadiennes sont plus prospères que les plus prospères des entreprises commerciales au Canada. Lorsque nous avons consulté les investisseurs—les grands investisseurs—nous avons constaté qu'ils seraient contents d'investir dans certaines de ces coopératives très prospères.
Pour conclure, je dirai qu'un pool de l'Ouest—je ne me rappelle pas lequel—a émis des actions sur le marché et n'a eu aucune difficulté à les vendre.
Le Saskatchewan Wheat Pool—merci, monsieur.
La présidente: Merci.
Merci, monsieur Lowther.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): J'ai une question qui n'est peut-être pas en rapport avec le projet de loi, mais j'ai entendu les différentes personnes qui sont ici et j'aimerais en profiter pour leur poser cette question. Est-ce qu'il y a au ministère une division strictement réservée pour les coopératives?
M. Jacques Hains: Dans le secteur des politiques du ministère de l'Industrie, où je travaille, nous sommes responsables de réviser les lois-cadres dans le domaine économique. Cela comprend la Loi sur la faillite, la Loi régissant les coopératives et la Loi sur les sociétés par actions. Tout cela est de notre ressort à Industrie Canada.
Là où ma collègue, Mme Ringor, travaille, on s'occupe de l'administration de ces lois-là, qu'elles aient été amendées ou non. Ce sont eux qui sont les administrateurs de la loi et qui s'occupent de l'incorporation. La Loi régissant les coopératives est du ressort du ministre de l'Industrie.
• 1625
Le Secrétariat aux coopératives est situé au
ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Le
ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est
responsable des liaisons, de la coopération et du partenariat
entre le gouvernement fédéral et les coopératives.
C'est la raison pour laquelle on peut dire que c'est
un projet conjoint entre mon collègue, M. Hillier, et moi
qui avons travaillé ensemble avec les coopératives à développer
ce projet de loi.
M. Antoine Dubé: Je sais que ma question peut sembler niaise, mais j'aimerais savoir si la frontière est mince entre une coopérative financière et une coopérative qui ne l'est pas.
M. Jacques Hains: C'est une excellente question, monsieur Dubé, et j'aurais dû le mentionner dans mon énoncé préliminaire. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui ne concerne que les coopératives fédérales non financières. Les coopératives financières à charte fédérale relèvent du ministre des Finances, comme les institutions financières relèvent du ministre des Finances.
M. Antoine Dubé: Et là on parle des coopératives qui font de l'épargne, du crédit?
M. Jacques Hains: C'est ça.
M. Antoine Dubé: Strictement.
M. Jacques Hains: Les credit unions, par exemple, ne relèvent pas de cette loi mais d'une autre loi qui est la responsabilité du ministre fédéral des Finances.
M. Antoine Dubé: Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Dubé.
Une dernière question de M. Solomon, avant que nous entendions nos autres témoins.
M. John Solomon: Merci beaucoup, madame la présidente. Je l'apprécie.
Ce projet de loi modifie-t-il de quelque façon que ce soit le statut fiscal des coopératives?
M. Jacques Hains: Nous avons demandé à nos collègues du ministère des Finances et de Revenu Canada d'étudier cette question et, d'après eux, la mesure proposée n'a aucune incidence fiscale.
M. John Solomon: Elle n'a aucune incidence fiscale.
Merci.
La présidente: Nous entendrons maintenant le représentant du Manitoba Pool Elevators, M. Anders Bruun, secrétaire général et conseiller général, ainsi que les deux représentants du Alberta Wheat Pool, M. John S. Pearson, premier vice-président, et M. Cam Mack, conseiller juridique.
Monsieur Pearson.
M. John Pearson (premier vice-président, Alberta Wheat Pool): Madame la présidente, je suis John Pearson. Je suis agriculteur et membre du Alberta Wheat Pool, dont je suis également premier vice-président. Je suis accompagné de mon collègue Cameron Mack, notre conseiller juridique externe. Anders Bruun, secrétaire général et conseiller général du Manitoba Pool Elevators, est également accompagné du conseiller juridique de son organisation.
Nous sommes contents de cette occasion de comparaître aujourd'hui devant le Comité de l'industrie. Nous estimons que le projet de loi est une mesure très progressiste et positive. L'industrie a travaillé de concert avec le gouvernement à son élaboration et nous trouvons son orientation encourageante.
Nous avons quelques petites préoccupations que nous vous expliquerons aujourd'hui. Puisque nous avons remis le texte de notre exposé, je me contenterai de mentionner les points principaux. Permettez-moi d'abord de vous présenter nos deux pools avant de commencer mon exposé.
• 1630
L'Alberta Pool et le Manitoba Pool Elevators sont des
coopératives constituées sous le régime provincial. Le Manitoba
Pool Elevators est constitué sous le régime de la Loi provinciale
des coopératives, et le Alberta Pool, sous le régime d'une loi
spéciale de la province. À eux d'eux, nos organismes comptent plus
de 70 000 membres et plus de 2 100 employés au Canada. Nous
transportons près de 55 p. 100 des céréales produites au Manitoba
et en Alberta.
Ce sont nos membres qui, par le passé, nous ont fourni la majeure partie de notre financement de base. Les surplus réalisés par nos coopératives au cours de l'année sont versés à nos membres. Une partie de ce montant est payée en espèces, une autre conservée comme mise de fonds permanente dans la coopérative et le reste est conservé sous forme de réserve ou peut être versé sous forme de parts.
D'une façon générale, cette mise de fonds ne rapporte pas d'intérêt et ne peut être retirée prématurément par les membres.
Nos deux coopératives, comme la plupart, ont un système de roulement pour une période étendue au cours de laquelle la mise de fonds est versée.
Pour conclure ma partie de l'exposé, l'utilisation des fonds investis par les membres est l'une des caractéristiques fondamentales des coopératives. Il est essentiel que cette mise de fonds soit stable tant pour les coopératives elles-mêmes que pour les membres qui en sont propriétaires.
Il nous est tous possible d'emprunter et d'utiliser des emprunts pour répondre à nos besoins financiers. Nous reconnaissons tous cependant que la mise de fonds qui est conservée à titre de réserve des membres constitue la force des deux coopératives que nous représentons.
Je vais demander à Anders de continuer.
M. Anders Bruun (secrétaire général et conseiller général, Manitoba Pool Elevators): Ce qui est important, entre autres, quant à l'amendement que nous proposons, c'est de bien comprendre les difficultés que pose le libellé actuel. Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour vous aider à mieux comprendre.
Il faut se rappeler que les capitaux de base des coopératives comme le Manitoba Pool et l'Alberta Pool ne proviennent pas d'investissement. Il s'agit des profits retenus sur les transactions entre les membres et le pool. Nos membres sont des consommateurs avertis; ils achètent chez nous parce qu'ils y trouvent de bons prix, un bon service, etc. Les profits que nous réalisons sont retenus sous forme de ristournes aux membres. Ces ristournes sont versées aux membres lorsqu'ils se retirent du secteur agricole ou qu'ils atteignent l'âge de 65 ans. Il ne s'agit donc pas d'un investissement en soi, mais plutôt d'une accumulation des profits gagnés sur leurs transactions avec la coopérative.
Sous le régime de l'article 302, les membres peuvent faire valoir leur droit à la dissidence et demander le remboursement de leur mise de fonds si la coopérative modifie ses statuts afin d'y étendre, modifier ou enlever certaines restrictions à ses activités commerciales ou si la coopérative fusionne avec une autre.
Par exemple, si les statuts d'une coopérative précisent que le but de l'entreprise est d'acheter les céréales des producteurs et de les vendre sur les marchés internationaux, et ce, à l'exception de toute autre activité, les membres de cette coopérative ne pourraient pas décider, de façon directe, de construire une meunerie pour transformer les céréales en farine et réaliser des profits sur un produit à valeur ajoutée. Ils en sont empêchés parce qu'un membre pourrait décider que tout ce qu'il veut, c'est être membre d'une coopérative de commerce de céréales. Il ne veut pas participer à une entreprise de meunerie, et il fait valoir son droit à la dissidence. Il veut qu'on lui rembourse son argent. Il continuera probablement de vendre ses céréales à la coopérative, mais il veut son argent maintenant. Cela peut se produire si de telles dispositions s'appliquent. Sous le régime de la loi précédente, le remboursement devait être immédiat. Le projet de loi dont vous êtes saisis prévoit une période de cinq ans. Nous estimons que cette période devrait être plus longue.
• 1635
Dans les faits, dans une hypothèse comme celle-là, si 20 ou
30 p. 100 des membres se rendaient compte qu'ils pourraient
reprendre leur participation en opposant leur dissidence, la
coopérative ne pourrait pas se lancer dans la mouture du blé. Ce
serait sans doute trop difficile.
Voici un autre exemple. Cela répond à l'exemple donné tout à l'heure à propos d'une coopérative en difficulté. Si deux coopératives connaissent des difficultés financières capables de les acculer à la faillite, et cela arrive—la façon de se remettre d'aplomb pourrait bien être de fusionner. Ces dernières années, à cause des pressions de l'économie, il y a eu toute une vague de fusions aux États-Unis.
Le résultat de la fusion est une entreprise viable. Non seulement la coopérative survit, mais elle prospère à cause de gains de rendement.
En vertu de l'article 302, des membres peuvent opposer leur dissidence à un projet de fusion et réclamer le remboursement de leurs avoirs. Si un nombre important d'entre eux en font autant, la fusion risque d'être impossible, ce qui laisse deux coopératives vacillantes.
Le texte du projet de loi prévoit un remboursement sur cinq ans, ce qui est court pour retrouver son aplomb financier. C'est ce qu'il a fallu à Chrysler.
Le texte prévoit également que la somme remboursée porte un intérêt de 10 p. 100, ce qui est largement supérieur aux taux du marché actuel. On peut emprunter à 6 p. 100. C'est une lourde charge pour une coopérative.
Si un nombre important de membres peuvent se faire rembourser leur participation, ils vont le faire, interdisant ainsi la fusion. Les deux coopératives vont chacun leur chemin, et finissent par faire faillite et tout le monde y perd.
Voilà des exemples illustrant ce que nous voulons dire. Il faut à la coopérative une période plus longue pour rembourser les membres dissidents. Les taux d'intérêt doivent être plus proches de ceux du marché.
Je vais maintenant céder la parole à M. Mack, qui vous esquissera la solution que nous proposons.
M. Cam Mack (conseiller juridique, Alberta Wheat Pool): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous rappelle d'abord que nous sommes en faveur du projet de loi dans son ensemble. Nous appuyons également le principe qui veut que les membres d'une coopérative jouissent d'un droit de dissidence et d'évaluation, comme M. Hains l'a expliqué tout à l'heure.
Dans son exposé, M. Bruun vous a exprimé—je vais vous le répéter, l'objet de notre principale préoccupation. Nous estimons que la période de remboursement échelonnée sur cinq ans est trop courte. Elle devrait être portée à dix ans, ce qui selon nous cadre mieux avec la viabilité des coopératives dans l'exemple que M. Bruun a donné. Il y en a d'autres. Cela correspond d'ailleurs aussi au renouvellement du capital dans les coopératives.
On a dit tout à l'heure que l'article 302 confère aux membres un droit fondamental et comporte une disposition d'exonération, ce qui autorise l'échelonnement sur cinq ans alors que selon nous il devrait être de 10 ans.
Le texte prévoit également que l'intérêt à payer pendant cette période serait de 10 p. 100. Ce sont surtout des considérations techniques qui nous inquiètent ici: je veux dire par là que c'est sans doute une erreur de rédaction législative d'inclure un taux d'intérêt dans une loi. Ce texte doit durer. Il est difficile de prédire ce que seront les taux d'intérêt dans quelques années. Il vaudrait mieux selon nous que ce taux soit fixé par règlement, comme nous le proposons.
• 1640
Nous avons exprimé au ministère de l'Industrie d'autres sujets
de préoccupation qui sont plutôt d'ordre technique. Je
n'accaparerai pas le temps du comité pour les énumérer, madame la
présidente. Je me ferai un plaisir d'en discuter avec vous si vous
avez des questions.
Pour terminer, je voudrais exprimer notre reconnaissance au personnel d'Industrie Canada pour son aide précieuse au cours des dernières semaines, ce qui nous a permis d'exprimer nos sujets d'inquiétude et de préparer nos exposés d'aujourd'hui.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mack.
[Français]
Madame Lalonde, vous avez une question?
Mme Francine Lalonde: Oui. Si cet amendement n'était pas adopté, est-ce que cela aurait de graves conséquences?
[Traduction]
M. John Pearson: Désolé, je n'ai pas compris.
La présidente: Voudriez-vous répéter la question, madame Lalonde?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Si cet amendement que vous nous proposez n'était pas adopté, est-ce que vous voyez dès maintenant que cela aurait de graves conséquences?
[Traduction]
M. John Pearson: Je ne vois pas de conséquences immédiates, mais cela nous paralyse et empêche les coopératives d'évoluer et de grandir.
Les conseils d'administration des coopératives protègent leur capital comme la prunelle de leurs yeux au nom de leurs membres.
Il faut être prudent. Il arrive que des membres dissidents veuillent que leurs investissements rapportent sur-le-champ et qu'ils ne comprennent pas vraiment les conséquences de leur action pour les autres membres qui, eux, recherchent la viabilité à long terme de l'organisation.
[Français]
Mme Francine Lalonde: En fait, vos coopératives sont d'énormes entreprises à propriété collective qui agissent dans un environnement qui est parfois hostile, et même très hostile. Alors vous pensez que cette disposition vous rendrait plus fragiles?
[Traduction]
M. John Pearson: Oui. Je ne peux pas le prédire avec certitude, mais dans l'ensemble les coopératives sont par définition très prudentes et protègent jalousement leur capital.
Les difficultés, comme les exemples de M. Bruun le montrent, c'est que si l'on craint que les membres dissidents retirent en vitesse leur participation financière, nous risquons de ne même pas envisager de prendre des décisions qui comportent le moindre risque.
Sur le marché actuel, il faut pouvoir prendre un peu de risques si bien que cela nous enlèverait peut-être un peu de flexibilité.
Monsieur Bruun, vous avez peut-être quelque chose à ajouter là-dessus.
M. Anders Bruun: Oui, je rappellerai que les trois pools des Prairies, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, ont négocié la fusion en 1988-1989. Le Manitoba Pool est assujetti à une loi provinciale qui comporte une disposition de dissidence qui, comme nous l'avons vu au début... on craignait qu'en cas de fusion il y aurait pour ainsi dire une ruée des investisseurs et qu'une grande partie du capital s'envolerait.
• 1645
Ce n'est pas la seule raison pour laquelle la fusion n'a pas
eu lieu à l'époque, il y en avait d'autres, mais c'en est une.
Par la suite, le Saskatchewan Wheat Pool s'est adressé au marché des capitaux et vend aujourd'hui des actions à la Bourse de Toronto. On ne peut donc faire des conjectures sur les possibilités qui ont été perdues. Chose certaine, à cause de cela, il ne sera plus possible d'avoir une coopérative à la grandeur des Prairies selon la formule traditionnelle de financement par les membres. Ce n'est plus possible.
Sur le plan pratique, les entités qui sont devant vous ont des reins, financièrement. Oui, nous sommes dans un monde hostile. Nous luttons contre d'énormes sociétés qui disposent de réserves gigantesques de capitaux et qui sont 100 fois plus grosses que nous. Nous menons cette lutte avec succès pour les agriculteurs des Prairies depuis très longtemps déjà.
J'imagine que dans la réalité, ce sont les petites coopératives qui vont le plus s'en ressentir parce qu'elles n'ont pas les moyens de comparaître devant votre comité ou d'obtenir des conseils juridiques sur un point comme celui-là ou sur les possibilités de fusion. Même s'il s'agit ici d'une question qui intéresse le gouvernement fédéral, au Manitoba je siège à un comité qui est en train de revoir la loi de cette province. Notre travail là-bas est très simple. Nous reprenons la démarche très minutieuse suivie par le ministère de l'Industrie et la Canadian Cooperative Association. Nous n'avons qu'à incorporer leurs idées à notre loi.
Ce que je veux dire, c'est que cette loi servira de modèle aux lois provinciales et aura donc des conséquences pour les petites coopératives. C'est surtout chez elles que se feront sentir les bienfaits de l'amendement que nous proposons, quoique j'avoue que cela nous aurait été très utile en 1989 de ne pas avoir à nous préoccuper du droit à la dissidence.
La présidente: Merci, monsieur Bruun. Merci, madame Lalonde.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie de votre exposé. J'ai une question à vous poser à propos de l'amendement proposé à l'article 302. Dans votre mémoire, vous donnez deux cas où le texte du projet de loi nuirait aux coopératives. Lorsque M. Hains est venu ici, il a déclaré qu'il y avait consensus général autour de ces articles; toutefois, la situation des pools est très différente de celle de la plupart des coopératives. C'est votre avis? D'après ce que je vois, ce que vous proposez ne touche pas exclusivement les pools ou ne crée pas d'exception pour eux.
M. Cam Mack: Madame la présidente, je veux qu'il soit bien clair que notre projet d'amendement ne vise pas exclusivement les pools. Les exemples que M. Bruun vous a donnés n'avaient que pour but de montrer l'effet de la disposition. Nous redoutons que cette disposition ne vienne tarir la source des capitaux. C'est pourquoi nous jugeons qu'il faut user de prudence.
Comme l'attestent les questions de tout à l'heure, les députés semblent bien au fait de l'importance des liens étroits que la coopérative doit entretenir avec ses membres à cause du capital de placement. Si la participation des membres devait chuter de façon spectaculaire en peu de temps, il sera peut-être nécessaire de remplacer ce capital au moyen d'emprunts classiques ou de placements institutionnels, ce qui compromettra le lien privilégié que la coopérative entretient avec ses membres.
Cet amendement ne fera pas disparaître ces situations, madame la présidente. Les exemples montrent seulement jusqu'où les choses peuvent aller dans les cas extrêmes. Grâce à l'amendement, nous espérons pouvoir gérer les décaissements de façon ordonnée de manière à stabiliser l'avoir propre des membres.
Mme Marlene Jennings: Je reviens à l'exposé de M. Hains. Il a dit que c'est à cause des préoccupations de l'Alberta Pool et du Manitoba Pool à propos de la dissidence et du retrait des capitaux que des discussions ont lieu. D'après ce qu'il a dit cette solution serait une exception pour le pool. C'est ce que j'ai compris. Je n'ai peut-être pas bien compris, mais j'ai cru comprendre que le paragraphe 302(24) sous sa forme actuelle resterait tel quel, mais qu'un mécanisme pourrait être trouvé pour accorder une dérogation aux pools.
M. John Pearson: Nous ne voulons pas être une exception. À notre avis, ce que nous proposons serait utile et une bonne idée pour toutes les coopératives. Les coopératives du Canada nous ont dit qu'en général elles sont en faveur de cet amendement. Nous voyons là un problème potentiel. Le texte se trouverait sans doute amélioré si l'on apportait ce petit changement.
Le président: Monsieur Solomon.
M. John Solomon: Mon père et les membres de ma famille ont appartenu au Manitoba Pool pendant plus de 40 ans. Pour cette raison, je connais un peu l'entreprise même si je viens de la Saskatchewan et que je représente une circonscription rurale de cette province.
J'aimerais poser un certain nombre de questions et comme je dispose de peu de temps, je vous invite à me répondre brièvement.
Est-ce que le pool a décidé de se constituer en société au niveau fédéral ou avez-vous décidé de chercher à obtenir des changements au niveau provincial? Peut-être n'avez-vous pris aucune décision sur ces deux points.
M. John Pearson: En ce qui concerne l'Alberta Wheat Pool, nous sommes actuellement en train d'étudier la loi fédérale et je crois savoir—je suis pas mal au courant puisque je suis aussi vice-président du Alberta Co-operative Council, qui examine la Loi sur les coopératives avec le gouvernement provincial de l'Alberta—que la Loi sur les coopératives en Alberta reprendra la loi fédérale. Aussi bien la loi fédérale que la loi provinciale seront utiles, et ce seront de bonnes lois pour nous prochainement.
M. Anders Bruun: Nous n'avons pas envisagé de possibilité de passer sous juridiction fédérale mais comme vous êtes de la Saskatchewan, vous savez sans doute que l'Alberta Pool et le Manitoba Pool avaient fait des projets ensemble sur ce point le printemps dernier et que ce serait sans doute tombé sous le coup de la loi fédérale sur les coopératives.
M. Cam Mack: Madame la présidente, pour que la réponse soit complète, je voudrais aussi préciser que les trois pools des Prairies ont aussi des intérêts dans la Western Co-operative Fertilizers Limited, qui est actuellement assujettie à la Loi fédérale sur les coopératives. Eux aussi s'intéressent à cette loi.
M. John Solomon: Merci.
À propos des amendements, pendant la préparation du projet de loi, avez-vous proposé cette période de 10 ans? Votre suggestion a-t-elle été écartée ou l'idée vous est-elle venue après coup?
M. John Pearson: Pour être honnête, ce n'est pas quelque chose que nous avons vu pendant les consultations. La question a pris de l'importance après avoir consulté le Manitoba Pool. Il s'agit donc d'une initiative récente.
M. John Solomon: Votre recommandation vient-elle de vos membres ou du siège de la coopérative?
M. John Pearson: Nous avons un système de délégués en Alberta et nous les avons consultés. Les délégués que moi j'ai consultés comme membre du conseil de l'Alberta Pool disent trouver cela sensé puisqu'ils ne veulent pas que notre capital soit compromis si nous décidons d'obtenir la personnalité morale au fédéral.
M. Anders Bruun: Madame la présidente, je voudrais donner des précisions là-dessus. Le Manitoba Pool a soulevé la question dès le début des consultations. Je crois qu'on peut même soutenir que ce droit à la dissidence ne convient pas du tout aux coopératives parce qu'il va à l'encontre du régime de renouvellement du capital qui leur est propre. Aux États-Unis, dans beaucoup d'États, on supprime le droit à la dissidence dans les lois parce qu'il empêche les coopératives de fusionner et de progresser.
• 1655
Si vous êtes d'avis que le droit à la dissidence ne devrait
pas exister, on peut dire qu'une période de 10 ans est un
compromis.
M. John Solomon: Quel effet cette disposition aurait-elle sur la période de cinq ans si elle était conservée ou sur la période de 10 ans si elle était modifiée? Quel effet aurait-elle sur ceux qui atteindront l'âge de 65 ans avant la fin de la période de 10 ou de cinq ans? Par exemple, si quelqu'un de 62 ans bénéficie d'une période de dissidence de 10 ans, la personne, à l'âge de 65 ans, pourrait-elle toucher son avoir dans la coopérative ou est-ce que la personne devrait suivre la règle de 10 ans?
M. Anders Bruun: Cette personne aurait un droit nouveau d'être remboursée à 65 ans. S'il était entendu qu'il faille payer 10 p. 100 tous les ans pendant dix ans, cette personne toucherait probablement ses 10 p. 100 et puis, à 65 ans, dans votre exemple, elle toucherait les 70 p. 100 qui restent.
M. John Solomon: Le pool de la Saskatchewan ne redoutait pas le problème que vos deux coopératives ont. Ses renseignements étaient justes et cela ne touche en rien la capitalisation—ou alors très peu—d'après le président.
Pour ce qui est du droit à la dissidence, comment allez-vous équilibrer les droits de la minorité qui fait dissidence et ceux de la majorité? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de procéder autrement que par l'adjonction à la loi de cette disposition de dix ans?
M. Anders Bruun: En ce qui concerne l'émission d'actions par Sask Pool, quand on émet des actions, on peut vendre et on peut ainsi trouver de l'argent sur les marchés financiers pour rembourser immédiatement les membres dissidents. On n'aurait pas de problèmes avec ça si on voulait émettre des actions à court terme. On n'aurait qu'à vendre des actions sur le marché pour rembourser ce groupe. Cependant, cela nous pose un problème si nous voulons conserver le caractère coopératif de notre entreprise.
Il s'agit ici essentiellement d'établir un équilibre, et dans une société à capital-actions, les droits de l'actionnaire revêtent une importance primordiale. L'actionnaire a des droits, et ce sont les droits individuels des actionnaires qui déterminent ce que fait une société à capital-actions.
Dans une coopérative, il y a une sorte d'équilibre entre les droits du capital et les droits du groupe pris dans son ensemble. Nous avons voulu établir une sorte d'équilibre en proposant cette modification. Rappelez-vous que le règlement peut préciser que le versement doit se faire sur dix ans, mais dans le cas d'une coopérative dirigée par des délégués, ceux-ci peuvent proposer une modification au règlement qui raccourcira ce délai.
Donc, les membres disposent d'un certain contrôle sur ça. On essaie d'établir un équilibre, ce n'est jamais parfait, mais chose certaine, on ne peut pas voir aux intérêts collectifs et aux intérêts individuels avec le même zèle, au même moment, quel que soit le genre d'entreprise...
M. John Solomon: Vous voyez maintenant le défi qui attend les politiciens.
La présidente: Merci, monsieur Bruun.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: J'ai bien aimé votre exposé, et je n'ai qu'une question. Votre proposition de modification visait-elle à faire passer le délai de cinq à dix ans? Est-ce que ça pourrait être cinq ans pour certaines coopératives et dix ans pour d'autres? Est-ce que les coopératives pourraient décider d'elles-mêmes?
M. Cam Mack: D'un point de vue technique, nous avons structuré notre proposition de telle façon que la règle fondamentale serait de cinq ans. Les coopératives disposeraient de la souplesse voulue dans leurs actes constitutifs pour allonger cette période jusqu'à dix ans, mais sans la dépasser, si tel est leur désir. Une coopérative déciderait que le délai légal de cinq ans est insuffisant et devrait alors inscrire un délai de dix ans dans ses actes constitutifs. Techniquement, c'est comme ça que ça marcherait.
M. Walt Lastewka: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Je devrais sans doute connaître la réponse à ma question, mais je ne la sais pas, et c'est pourquoi je vais vous demander un petit éclaircissement. Je suis d'accord avec la disposition de dix ans et le recours aux marchés financiers.
• 1700
Les membres actuels des coopératives—et je crois que vous
avez mentionné cela, monsieur Bruun—ne disposent-ils pas d'un
avantage supérieur à celui qu'ils avaient autrefois avec cette
option de remboursement qu'on propose, alors qu'auparavant ils
devaient attendre plus longtemps?
M. Anders Bruun: Oui. C'est avantageux pour eux en vertu de la loi fédérale à cet égard. Avec cette proposition, ils obtiendront davantage que ce qu'ils obtiennent aujourd'hui.
M. Eric Lowther: D'accord.
Je suis curieux. D'après vous, si cette loi n'était pas adoptée et que les choses restaient telles quelles, qu'adviendrait-il des coopératives d'ici quelques années? Et inversement, bien sûr, si l'on adopte cette loi, qu'adviendra-t-il des coopératives, disons, d'ici cinq ans?
M. John Pearson: Question intéressante. Les conseils d'administration des coopératives pensent beaucoup comme ça aussi. Ils essaient d'imaginer les choses et de voir ce qui peut arriver à long terme, selon le genre de structure qui va régir nos activités.
Si rien ne change, eh bien, votre avenir dépendra de la fertilité de votre imagination et de la solidité de votre assise financière. L'avantage de cette nouvelle loi, c'est qu'elle donne beaucoup plus de souplesse aux coopératives, qui auront ainsi toute une série d'options à leur disposition. Et ça, je pense que c'est très bon pour les coopératives.
M. Eric Lowther: Sans cette loi, sur les marchés d'aujourd'hui, certains joueurs seraient vulnérables et ils ne pourraient pas—et en fait n'auraient pas le droit—d'y être.
M. John Pearson: Je pense que c'est tout à fait possible.
M. Eric Lowther: D'un autre côté, avec cette loi, allons-nous assister à l'établissement de plus de relations et d'efforts coopératifs partout au Canada—à la création de plus grands conglomérats?
M. John Pearson: Voyez ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis, c'est sûrement la tendance qui s'annonce. J'imagine que les conditions du marché américain ne sont pas très différentes de celles qui existent au Canada, et l'on pourrait voir la même tendance se dessiner ici. Tout dépend du moment où l'on agit.
M. Eric Lowther: Quel avantage cela offre-t-il au consommateur alors?
M. John Pearson: J'ai été membre...
M. Eric Lowther: C'est une question facile pour vous.
M. John Pearson: ... d'une coopérative pendant longtemps. Je vais vous donner l'exemple de la situation qui s'est produite en 1972.
En 1972, les trois syndicats ont acheté des grains fédéraux. Un certain nombre de nos clients achetaient des grains fédéraux pour un an, et l'année suivante, ils sont devenus des clients du syndicat de l'Alberta. Je me rappelle encore une observation que m'avait faite un agriculteur très important du sous-district que je représente. Il m'a dit que l'expérience avait été tout simplement extraordinaire pour lui parce que dans son genre d'entreprise, le service était même meilleur dans certains cas. À la fin de l'année, m'a-t-il dit, il a reçu un chèque de la coopérative qui lui a permis d'emmener sa famille à Hawaii. Auparavant, sous le régime de la société de financement privé, il ne possédait pas d'actions dans cette société et il ne recevait essentiellement que des services, et à son avis, les nouveaux services étaient de qualité égale.
M. Anders Bruun: Si l'on me permet d'ajouter un mot, on s'inquiète sans le dire de voir les coopératives prendre tellement d'expansion qu'elles cesseront d'être à l'écoute des gens au niveau local. Je viens d'assister à notre assemblée annuelle. Les diverses résolutions des délégués m'ont bien rappelé d'où émane l'autorité dans notre organisation.
Nous avons un système qui protège les grandes coopératives de la concurrence des grandes sociétés de financement privées et qui veille à leurs intérêts. En outre, il nous faut aussi créer un climat très favorable à la création de nouvelles petites coopératives sur place, et il nous faut aussi satisfaire aux aspirations et aux besoins à ce niveau.
La présidente: Merci, monsieur Lowther.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: J'aimerais remercier l'Alberta Wheat Pool et le Manitoba Pool Elevators de m'avoir fait parvenir la version française de leur rapport. Je vous dis bravo! Vous êtes sûrement de fiers Canadiens.
Vous semblez avoir de la difficulté avec le taux d'intérêt fixé à 10 p. 100. Certains diraient que c'est beaucoup d'argent. Ce sont des espèces sonnantes et trébuchantes. C'est de l'argent comptant en main. C'est un bon rendement. Mais s'il s'agissait d'un emprunt ? Est-ce que ça ne serait pas un taux d'intérêt élevé? Dix pour cent ne seraient pas un taux d'intérêt très favorable pour une personne qui a pris des risques et emprunté pour entrer dans le syndicat, si je comprends bien la façon dont les syndicats fonctionnement, et je ne m'y connais pas beaucoup.
Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux, dans votre cas, à votre avis, et il ne serait-il pas avantageux pour tous—pour la personne aussi bien que pour les syndicats du blé—de dire que ce serait X p. 100? Ou, si l'on part du principe que 10 p. 100 est un bon chiffre, pourriez-vous dire que ce serait 5 p. 100 de plus que le taux préférentiel? Si le taux préférentiel fluctue, vous disposeriez de cette marge-là. Est-ce que ça ne serait pas une meilleure formule pour vous?
M. John Pearson: Chose certaine, de mon point de vue en tant que membre du conseil d'administration d'une coopérative, ce serait plus indiqué. La participation financière au syndicat de l'Alberta est volontaire pour le moment. Nous offrons le taux préférentiel plus 1,5 p. 100 ou le taux préférentiel plus 2 p. 100 aux membres qui ne veulent qu'investir dans l'organisation. C'est surprenant le montant d'argent que nos membres investissent ainsi. C'est presque comme une banque, dans la mesure où les investisseurs peuvent retirer cet argent très vite.
Nous avons aussi d'autres mécanismes qui ne sont pas aussi souples, qui obligent les investisseurs à nous confier leur argent pour plus longtemps. Cet argent est investi chez nous à titre d'actions privilégiées et l'on verse des dividendes. Nos investisseurs en retirent un avantage important de cette façon aussi.
À plusieurs égards, nos membres n'hésitent nullement à nous confier leur argent parce qu'ils savent que nous occupons une place très stable sur le marché.
Votre suggestion est bonne. Nous pensons que ce devrait être probablement un certain taux d'intérêt par rapport au taux préférentiel.
M. Eugène Bellemare: Je suis heureux d'avoir fait une suggestion intéressante.
Des voix: Ah, ah.
M. Eugène Bellemare: Comment se fait-il que ce n'est pas le ministère qui ait proposé cela?
M. John Pearson: Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre.
M. Eugène Bellemare: Je crois que les témoins du ministère sont encore ici.
Monsieur Hains?
M. Anders Bruun: Le libellé auquel nous songeons, et nous y travaillions encore hier, prévoit que ça pourrait être une de nos options.
M. Eugène Bellemare: Lorsque nous passerons à l'étude article par article, madame la présidente, est-ce que ce n'est pas quelque chose que M. Hains...
La présidente: Monsieur Hains, voulez-vous vous joindre à nous un instant?
Monsieur Bellemare, lorsque nous passerons à l'étude article par article, je crois savoir—je l'espère—qu'un amendement sera prêt sur lequel nous serons tous d'accord.
Vous pouvez peut-être répondre à cette question, monsieur Hains.
M. Jacques Hains: Tel est notre défi, madame la présidente, et notre but.
La présidente: D'accord.
M. Eugène Bellemare: D'accord. Donc si c'est l'orientation qu'on semble prendre, on pourrait parler du taux préférentiel plus 5 p. 100, et vous auriez encore votre 10 p. 100.
M. Jacques Hains: Il faudra mettre les détails au point...
M. Eugène Bellemare: Qui va mettre les...
M. Jacques Hains: Je peux dire à l'honorable député que nous allons discuter de ces détails avec les clients, avec les syndicats, mais aussi, chose très importante, avec les autres coopératives par l'entremise de leurs deux associations nationales.
Votre suggestion est très bonne, et je vous en remercie vivement. Chose certaine, nous allons étudier cette possibilité très sérieusement dans le cadre des options dont nous allons discuter, dans les prochaines 48 heures, je crois.
M. Eugène Bellemare: Je vous remercie d'avoir dit que j'ai fait quelque chose d'utile pour les gens de l'ouest, pour l'humanité.
M. Jacques Hains: Vous avez fait beaucoup!
M. Eugène Bellemare: Et maintenant, à propos de la protection des particuliers?
Reparlons de cela, monsieur Pearson. Si quelqu'un comme vous-même, un agriculteur, qui a pris trop de risques pour une raison quelconque—et c'est toujours en rétrospective qu'on s'aperçoit qu'on a pris trop de risques—et que vous devez vous retirer, est-ce qu'on va encore vous dire, oui, vous avez le droit de faire dissidence, vous pouvez vous retirer, tant pis pour vous? Ou est-ce que vous aurez des dispositions où vous pourrez dire, ah, ce gars-là va faire faillite?
M. John Pearson: Nous avons actuellement des dispositions dans notre organisation pour les agriculteurs qui se retirent, et nous leur faisons des paiements sur une période de 10 ans. Cela semble être satisfaisant dans certains cas, et j'admets que dans d'autres cas, un très petit nombre de cas, ça ne semble pas satisfaisant.
Nous avons des dispositions là aussi qui permettent aux gens de déplacer cet argent, cet avoir, et de le mettre dans une catégorie d'actions privilégiées que les gens conserveront jusqu'à l'âge de 70 ans. Vous allez peut-être penser que ça ne les intéresserait pas, mais nous avons des agriculteurs qui sont disposés à nous laisser gérer leurs fonds.
M. Eugène Bellemare: La loi vous oblige-t-elle à avoir une réserve pour protéger les investissements que les gens font, tout comme les caisses populaires sont obligées d'avoir des réserves?
M. John Pearson: Nous avons retenu des gains qui font partie de l'avoir permanent de l'organisation, et ces gains ont une valeur. Par le passé, lorsque les membres nous prêtaient de l'argent, nous avions une marge de crédit qui était garantie à la banque. Si les membres voulaient ravoir leur argent tout de suite, ils pouvaient l'obtenir immédiatement. Mais il ne s'agit ici que des fonds que les membres investissent chez nous et qu'on appelle les prêts des membres, et cela ne fait pas partie pour nous de notre avoir à long terme.
La présidente: Merci, monsieur Pearson, et M. Bellemare.
Pour ceux que ça intéresse, je crois savoir que la lumière est allumée pour le quorum, et pas encore pour le vote, mais nous allons confirmer cela dans un moment.
Monsieur Shepherd, vous aviez une petite question.
M. Alex Shepherd: J'imagine que ce qu'on essaie de faire, c'est de trouver un équilibre quelconque, comme vous l'avez dit.
J'aimerais avoir une clarification. À un moment ou l'autre, ces gens vont cesser de participer aux activités de la coopératives en tant que telles? Autrement dit, leur placement devient fixe et ne leur apporte aucun intérêt. C'est normal, s'ils n'exercent pas leur droit à la dissidence. Nous avons maintenant un groupe dissident qui, dans une certaine mesure, à mon avis, représente un capital de membres captifs car ils ne peuvent pas partir. Je peux entrevoir toutes sortes de problèmes où les gens feraient dissidence afin d'obtenir le taux d'intérêt de 10 p. 100. Je peux imaginer des problèmes des deux côtés.
Si vous insistez pour que ces gens vous restent fidèles, pourquoi ne leur offrez-vous pas aussi au moins de continuer à participer au capital social de la coopérative?
M. Cam Mack: Madame la présidente, si vous le permettez, il faut se souvenir qu'en vertu de la nature même d'une coopérative, le profit d'un membre est fonction de son apport. Donc le membre n'a pas un placement qui normalement apprécie de lui-même; le membre ne profite de la coopérative que dans la mesure où il y participe. Si le membre veut adhérer de nouveau à la coopérative, il reprend ses droits.
M. Alex Shepherd: Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est le cas d'un membre qui veut partir; or s'il n'a pas le droit de partir et qu'on ne lui verse aucun intérêt, vous vous retrouvez avec une injection de capital sur laquelle vous ne payez aucun intérêt, dans un sens, parce que vous n'êtes pas obligé de vous acquitter de la moindre responsabilité envers lui—responsabilité ou avoir, peu importe comment on considère les choses.
Donc, oui, un taux d'intérêt de 10 p. 100 est un taux artificiel, mais sachant que vous voulez que ces gens restent, est-ce qu'il ne serait pas normal qu'ils puissent alors toucher une part des profits futurs, même s'ils ne peuvent plus être clients?
M. Cam Mack: Madame la présidente, il convient de se rappeler que ce dont on parle, c'est d'une situation où les membres ont conclu un accord avec la coopérative sur la façon dont leurs capitaux seront gérés pendant un certain temps. C'est le genre d'accord que l'on trouve dans les règlements. On y dit que les capitaux du membre sont gérés, utilisés par l'organisation, et remis après un certain temps.
Nous parlons d'une situation où un membre considère la décision de gestion qu'a prise l'organisation, décision qui comporte un changement fondamental, et le membre décide alors qu'il ne veut plus faire partie de l'organisation et qu'il veut retirer ses capitaux. Dans les faits, les deux parties ont changé d'idée au sujet du contrat.
• 1715
Cette disposition vise à gérer avec soin ce processus et à
l'étaler dans le temps, afin de permettre au membre de se retirer
de cette situation mais aussi de protéger la coopérative d'une
hémorragie de capitaux dans un délai inacceptable.
Je tiens aussi à préciser que l'article, à cause des autres dispositions qu'on trouve dans la loi, ne peut être invoqué que par les administrateurs agissant—et je le dirai en un mot—raisonnablement. Les administrateurs ne peuvent décider d'étaler un paiement comme celui-là sans avoir de bonnes raisons de le faire, et s'ils font cela, le membre aura à sa disposition les divers droits qu'il a pour contester la décision du conseil d'administration.
M. Alex Shepherd: Quelle est l'alternative? Si je comprends bien, vous pouvez conserver cet argent pendant 10 ans, et vous ne pouvez pas dire, la 6e ou la 7e année, «Avez-vous une distribution au pro rata jusqu'à la 10e année?» Est-ce que ça ne serait pas plus raisonnable?
M. Cam Mack: L'article est souple dans la mesure où l'on permet au conseil d'administration de proposer diverses options de paiement dans le délai maximal de 10 ans. Selon le taux d'intérêt qui s'appliquera, le conseil pourra même décider d'investir ses capitaux sur le marché des prêts pour obtenir des conditions plus avantageuses que celles qu'il offre aux membres. Tout dépendra de ce que les règlements diront. L'article est donc souple également dans cette mesure.
Au bout du compte, le conseil d'administration voudra prendre la meilleure décision de gestion qui soit, et s'il juge qu'il peut disposer du capital du membre captif en recourant à d'autres moyens plus avantageux, il le fera, bien sûr.
M. Alex Shepherd: Le problème que je vois, c'est que le particulier n'a pas beaucoup de possibilités qui s'offre à lui. Si le conseil d'administration dit, «je vais garder votre argent pendant 10 ans», vous allez le faire, et c'est tout.
M. John Pearson: Qu'on me permette d'intervenir ici pour dire que d'après mon expérience, la plupart des membres des conseils d'administration agissent, comme mon collègue l'a dit, de manière très raisonnable et prennent très au sérieux l'intérêt des membres, l'intérêt des membres dissidents en particulier.
Nous ne voulons pas agir de manière insensée, ni tenir les gens à distance et profiter d'eux. Mon Dieu, ce n'est pas du tout pour ça que nos organisations ont été créées. Ce que nous voulons, c'est nous entendre avec chaque membre, mais au même moment, il nous faut des dispositions qui nous mettent à l'abri d'un groupe de membres qui voudraient profiter de nous en invoquant une autre loi quelconque.
M. Anders Bruun: Si vous le permettez, madame la présidente, j'invite le comité à songer à la situation suivante où la majorité des membres voteraient pour une fusion parce qu'ils pensent honnêtement qu'une fusion bien faite est le seul moyen qu'a l'organisation de prospérer et le seul moyen pour tous les membres de la coopérative de retrouver leur avoir dans un délai normal. Cette majorité a un intérêt ou un droit aussi.
La présidente: Je tiens à rappeler à tout le monde que jeudi matin, nous allons entendre les deux grandes associations de coopératives, et nous allons ensuite passer à l'étude article par article.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Cette question m'est venue à l'esprit en vous écoutant.
Vous voudrez peut-être y répondre, monsieur Hains.
En vertu du projet de loi, il pourra y avoir des actionnaires étrangers. Si des actions sont émises, les gens pourront devenir actionnaires mais non pas membres de la coopérative. Est-ce qu'on permettra ainsi à des étrangers de posséder des actions?
M. John Pearson: Oui. Si vous émettez à la Bourse des actions non participantes, pour autant que je sache, n'importe qui pourra posséder ces actions non participantes.
Mme Marlene Jennings: D'accord. Et cela ne vous inquiète pas?
M. John Pearson: Non, ce n'est pas un gros problème pour nous.
M. Anders Bruun: Ça peut même être avantageux, par exemple, d'avoir de notre côté une grande coopérative de meunerie japonaise.
Mme Marlene Jennings: C'est vrai. D'accord.
La présidente: Je tiens à remercier les témoins qui nous ont envoyé leurs mémoires à l'avance et qui ont accepté de répondre à nos questions aujourd'hui, ainsi que le ministère qui nous a lui aussi envoyé son mémoire et son cahier d'information à l'avance. Nos membres ont pu ainsi se préparer pour la séance. La discussion a été très intéressante.
La séance est levée.