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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 décembre 1997

• 0911

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Conformément à son ordre de renvoi en date du mardi 25 novembre 1997, le comité poursuit son examen du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada.

Notre premier témoin aujourd'hui représente Téléglobe. Nous accueillons parmi nous M. Guthrie Stewart, vice-président, Relations gouvernementales et externes. Si vous voulez bien commencer, allez-y, je vous prie.

[Français]

M. Guthrie J. Stewart (président et chef de la direction, Téléglobe Canada Inc.): Bonjour, madame la présidente, membres du comité.

[Traduction]

Bonjour. J'espère que vous avez reçu copie de mon discours.

[Français]

J'ai l'intention de parler dans les deux langues, selon la bonne tradition canadienne.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Madame la présidente, quand a-t-on reçu le document?

[Traduction]

La présidente: Le document vient tout juste d'être livré. Merci.

[Français]

La greffière du comité: Il y a deux minutes.

M. Guthrie Stewart: Je m'appelle Guthrie Stewart et je suis le président et chef de la direction de Téléglobe Canada Inc. Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Meriel Bradford, qui est vice-présidente aux Relations externes et gouvernementales.

Comme vous le savez, Téléglobe Canada est le télécommunicateur intercontinental en titre du Canada depuis 1950. C'est aussi une filiale de la société ouverte Téléglobe Inc.

[Traduction]

Je tiens à vous dire d'emblée que nous appuyons le projet de loi C-17 et que nous ne proposerons pas d'amendement. Durant les négociations de l'OMC et tout au long du processus d'élaboration du projet de loi, le gouvernement a pris soin de consulter et d'écouter les entreprises du secteur des télécommunications. Le projet de loi C-17 est conforme aux engagements du gouvernement à l'égard de l'OMC.

Le projet de loi prévoit des modifications importantes à la Loi sur Téléglobe, adoptée en 1987 lors de la privatisation de la société. Il constitue non seulement une étape cruciale, mais heureuse, dans l'histoire de Téléglobe. En vertu de la nouvelle loi, Téléglobe se retrouvera sur un pied d'égalité avec ses concurrents et aura accès aux marchés étrangers, deux conditions nécessaires à sa croissance et à sa réussite. Deux bonnes raisons d'appuyer le projet de loi C-17.

[Français]

Avant de poursuivre, il convient de rappeler quelques chiffres. Téléglobe emploie aujourd'hui quelque 1 200 personnes, dont près de 900 au Canada. En 1997, son chiffre d'affaires atteindra 2 milliards de dollars et son volume de trafic, 2,7 milliards de minutes. Téléglobe exploite l'un des réseaux de télécommunication les plus étendus au monde et son actif s'établissait à 2,3 milliards de dollars à la fin de 1996. Je crois bien que vous avez également reçu une copie de notre carte de réseau.

[Traduction]

Je pense que vous avez également reçu la carte de notre réseau, que vous trouverez peut-être intéressante. Cela vous donne une représentation en images de ce qu'est Téléglobe et de l'étendue de son réseau international.

[Français]

Tout au long de son histoire, tant à l'époque de son monopole d'État qu'aujourd'hui, alors qu'elle se prépare à la concurrence sur son marché intérieur, Téléglobe n'a jamais cessé de proposer des services innovateurs et avantageux aux Canadiens. À présent, nous entendons renouveler notre contribution au secteur des télécommunications canadiennes et jouer un rôle de chef de file dans un contexte où la réglementation laissera plus de latitude aux forces du marché.

• 0915

Dans moins d'un an, soit le 1er octobre 1998, le marché des installations de transmission intercontinentale sera complètement ouvert au Canada. Téléglobe prône cette ouverture depuis plus de deux ans car elle est d'avis que la concurrence profitera non seulement aux consommateurs, mais aussi aux entreprises qui, comme elle, nourrissent des ambitions internationales.

L'accord de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, porte sur 90 p. 100 du marché mondial, évalué à 880 milliards de dollars. Lors des négociations qui ont mené à cet accord, le gouvernement canadien a tenu compte de la concurrence mondiale et de ses avantages sans pour autant sacrifier les intérêts canadiens. Le projet de loi C-17 est entièrement consistant avec les objectifs de l'accord de l'OMC et essentiel pour les atteindre.

La nouvelle loi assure des possibilités d'un ordre de grandeur sans précédent pour Téléglobe. Son marché cible passera de 30 millions à 6 milliards de consommateurs. En volume de trafic, c'est un marché de 75 milliards de minutes, 100 milliards de minutes en l'an 2000, comparativement à un marché canadien de 2 milliards de minutes.

Téléglobe a amorcé le virage mondial en 1992, lorsque Charles Sirois a pris la tête de l'entreprise et renouvelé la haute direction. Alors qu'elle était auparavant cantonnée au marché canadien, Téléglobe exploite maintenant des installations dans les trois principaux marchés des télécommunications, soit les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Aussi, elle a ouvert une trentaine de bureaux un peu partout dans le monde. De plus, elle a des clients dans 70 pays et des accords d'exploitation avec la plupart des grands télécommunicateurs étrangers. Cet effort d'expansion a porté fruit puisque notre trafic non canadien a augmenté de 300 p. 100 en 1996 et qu'il devrait plus que doubler en 1997.

C'est dire que Téléglobe a réalisé 40 p. 100 de ses revenus sur certains des marchés les plus concurrentiels au monde.

Nous ne sommes pas aussi gros que certains de nos adversaires, comme AT&T, British Telecom, MCI et Sprint, mais nous avons l'avantage de nous concentrer totalement sur un créneau: les services internationaux. Avec ses 1 200 employés, Téléglobe n'a aucun mal à s'adapter et tirer profit des occasions dans son marché.

Cela dit, Téléglobe est tout de même le sixième télécommunicateur intercontinental au monde et exploite le deuxième réseau intercontinental en Amérique du Nord. De plus, nous avons récemment investi 25 millions de dollars dans la construction, à Montréal, d'un centre de gestion de réseau à la fine pointe de la technique.

Je veux insister sur le fait que notre expansion à l'international profitera aussi aux consommateurs canadiens. Téléglobe pourra répercuter sur ses tarifs les économies d'échelle qui en découleront. De toute évidence, Téléglobe a changé du tout au tout depuis sa privatisation il y a 10 ans. Il en est de même pour le marché des télécommunications. En fait, sous l'influence conjuguée de la concurrence et de la technologie, le secteur des télécommunications connaît actuellement une révolution sans précédent.

L'heure est à la privatisation, à la concurrence et à la déréglementation. Les frontières tombent au fur et à mesure des progrès de la technologie tandis que les arrangements bilatéraux traditionnels entre PTT sont en voie de disparaître. En phase avec le marché, Téléglobe a réduit ses coûts de distribution, négocié des taxes de répartition plus avantageuses, amélioré l'efficience de son réseau et trouvé de nouveaux moyens d'acheminement pour le plus grand bénéfice des consommateurs canadiens. Entre 1992 et 1997, Téléglobe Canada a réduit ses tarifs de 272 millions de dollars. Pour cette année seulement, nos réductions devraient surpasser 80 millions de dollars, soit beaucoup plus que prévu par notre régime de réglementation basé sur le plafonnement des prix.

Maintenant que les télécommunications canadiennes se tournent vers le marché mondial, il convient d'assurer la compétitivité de nos entreprises. C'est précisément la raison d'être du projet de loi C-17.

[Traduction]

Je vais maintenant traiter des modifications à la Loi sur Téléglobe. Depuis l'automne 1995, Téléglobe propose la fin de son monopole et l'établissement d'un environnement concurrentiel durable. Notre position à l'époque était que tous les télécommunicateurs devaient jouer selon les mêmes règles, sous la gouverne de la Loi sur les télécommunications. Nous demandions, en fait, l'abolition de la Loi sur Téléglobe. Nous plaidions également en faveur d'un meilleur accès aux marchés étrangers, notamment celui des États-Unis.

• 0920

Même si le projet de loi C-17 ne répond pas entièrement à notre demande initiale, nous en sommes satisfaits dans la mesure où il nous place sur un pied d'égalité avec les autres télécommunicateurs canadiens.

J'ai cru comprendre qu'hier un témoin a fait des observations au sujet de l'article 33, alors j'aimerais vous entretenir quelques instants de cet article. Permettez-moi de dire tout simplement que cet article a été conçu pour veiller à ce que Téléglobe fasse la transition vers le nouveau régime réglementaire qui sera mis en place par le CRTC lorsqu'il aura terminé le processus de consultation publique, correspondant à l'avis PN97-34 du CRTC.

Téléglobe croit que les ententes avec les télécommunicateurs étrangers devraient demeurer confidentielles. Cette approche permettra aux compagnies canadiennes de tirer profit des meilleures ententes commerciales possibles pour l'acheminement du trafic canadien. Si cela s'avère nécessaire, le CRTC pourrait exiger que les ententes soient déposées auprès de lui sur une base confidentielle.

J'aimerais maintenant parler des modifications à la Loi sur les télécommunications et en particulier du régime d'octroi de licences énoncé à l'article 3 du projet de loi C-17.

Avant de le faire, je crois qu'il serait utile de placer la question des licences dans son contexte. En février de cette année, lorsque Industrie Canada a fait connaître les détails de l'offre élargie du Canada aux négociations de l'OMC sur les services de base en télécommunication, le communiqué de presse comportait une annonce selon laquelle le CRTC, par la voie d'un nouveau régime d'octroi de licences, établirait les conditions d'exploitation applicables à toutes les entreprises offrant des services internationaux.

En mai, le CRTC a été informé par une lettre d'Industrie Canada que le gouvernement entendait modifier la Loi sur les télécommunications pour fournir au CRTC l'autorité statutaire pour exiger de tous les membres de chaque catégorie de fournisseurs de services l'obtention d'une licence et pour imposer les conditions de telles licences. Le gouvernement a donné suite à cette intention au moyen des dispositions contenues dans l'article 3 du projet de loi C-17.

Il est important d'insister sur le fait que l'instauration d'un régime international d'octroi de licences est nécessaire et souhaitable pour une prestation ordonnée des services internationaux de télécommunications. L'ouverture du marché canadien est le résultat des engagements du Canada dans le cadre de l'accord de l'OMC et le régime d'octroi de licences assurera le respect de nos politiques et règlements par tous les télécommunicateurs, particulièrement ceux de l'extérieur du Canada.

Et, je vous en prie, ne vous méprenez pas sur le fait que certains télécommunicateurs chercheront à tirer profit de notre marché si des conditions équitables ne sont pas mises en place pour tous les joueurs. Un exemple récent est celui de Hong Kong Telecommunications, mais il y a eu d'autres cas de non-conformité qui ont rendu la partie inégale pour la prestation des services internationaux au Canada.

Il a fallu des menaces de débranchement de la part de télécommunicateurs canadiens ainsi qu'une ordonnance du CRTC pour que cette entreprise apporte des changements à sa politique. La leçon qu'il faut tirer de l'exemple de Hong Kong Telecommunications est que nous avons déjà en place un régime réglementaire, sans régime d'octroi de licences, et que ce n'est pas suffisant pour se mesurer à un télécommunicateur étranger qui cherche à tirer un avantage indu. C'est ce genre d'abus du marché qu'il nous faut empêcher pour faire en sorte que les Canadiens bénéficient des avantages de la vraie concurrence.

J'aimerais également souligner que l'instauration du nouveau régime d'octroi de licences proposé dans le projet de loi C-17 n'imposerait pas un niveau de réglementation supplémentaire aux télécommunicateurs. Elle établirait plutôt un régime réglementaire beaucoup plus efficace et efficient. Il importe également de répéter que des régimes d'octroi de licences semblables existent dans les grands pays du monde, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Australie, pour ne nommer que ceux-là.

Par exemple, pas plus tard que la semaine dernière, la Federal Communications Commission a mis en oeuvre l'accord de l'OMC et a adopté ses propres règles d'ouverture du marché, qui entreront en vigueur le 1er janvier 1998. La FCC a maintenu des mesures de sauvegarde pour empêcher les télécommunicateurs étrangers d'utiliser leur force sur le marché pour fausser la concurrence aux États-Unis. Dans quelques minutes, je vais expliquer notre propre expérience avec le régime d'octroi de licences en place aux États-Unis.

Une dernière réflexion touche le fait que le régime d'octroi de licences des télécommunicateurs internationaux sera dramatiquement différent du régime de licences des radiodiffuseurs. La raison de cette différence est la disposition du projet de loi C-17 qui soumet au régime de licences toute une catégorie de fournisseurs de services de télécommunication. Par conséquent, au sein d'une même catégorie, chaque entreprise qui satisfait les critères établis par le CRTC obtiendra une licence. Comme le CRTC lui-même l'a établi—et tous les télécommunicateurs en conviennent—le régime d'octroi de licences ne sera pas une barrière, mais assurera plutôt que le régime réglementaire est respecté par tous les fournisseurs de services.

• 0925

Dans sa soumission en réponse à l'avis PN97-34 du CRTC, Téléglobe a plaidé en faveur d'un régime d'octroi de licences souple et rationnel, conçu pour n'imposer de fardeau à aucun des postulants et doté de conditions minimales d'obtention de licences. Un tel régime est nécessaire pour empêcher les abus du marché et faire en sorte que tous les joueurs connaissent les règles communes et s'y conforment. Ce régime assurera aussi que la concurrence est instaurée de la façon la plus avantageuse possible pour le consommateur canadien.

En conclusion, au fur et à mesure que nous approchons de la date du 1er octobre 1998, Téléglobe envisage l'avenir avec confiance, en ce qui concerne à la fois le marché canadien et les autres marchés. L'accord de l'OMC nous donne toutes les raisons d'avoir confiance dans nos possibilités d'élargir nos marchés.

J'ai pour ma part consacré plusieurs années à tenter de percer le marché américain. J'ai vécu le conflit commercial de la télévision Country Music entre le Canada et les États-Unis, pendant lequel l'octroi de licences de Téléglobe a été retardé même si nous étions dans un secteur d'activité différent. Et même si nous y détenons aujourd'hui les principales licences, nous attendons toujours des autorisations supplémentaires de façon à pouvoir mener nos activités de la façon la plus efficiente possible sur le marché américain.

[Français]

À l'échelle mondiale, Téléglobe est un petit joueur. Nous sommes agressifs et concurrentiels, mais nos concurrents ont plusieurs fois notre taille. On n'a qu'à regarder la récente acquisition de MCI par Worldcom au coût de 37 milliards de dollars pour comprendre ce à quoi nous nous heurtons.

En outre, la plupart de nos compétiteurs, AT&T, Sprint et les autres, sont déjà bien implantés dans le marché canadien de l'interurbain et font partie des grandes alliances mondiales.

Cependant, avec des règles qui favorisent une concurrence équitable, nous sommes confiants de pouvoir poursuivre notre croissance et continuer à bien servir le marché canadien et nos autres marchés.

Nous avons proposé l'instauration dans le marché canadien d'une concurrence durable qui favorisera l'entrepreneurship et l'innovation pendant plus de deux ans. Un régime rationnel d'octroi de licences est essentiel pour assurer l'égalité des chances et la concurrence durable dans le marché international.

[Traduction]

L'accord de l'OMC entre en vigueur dans moins d'un mois, soit le 1er janvier 1998. Le projet de loi C-17 doit être adopté rapidement. Les changements proposés à la Loi sur Téléglobe garantiront à l'entreprise d'être sur un pied d'égalité avec ses concurrents et de pouvoir poursuivre son expansion à l'échelle internationale tout en préservant sa base canadienne. Ces changements veilleront également à ce que la concurrence soit instaurée de la façon la plus avantageuse possible pour le consommateur canadien.

Merci de votre attention. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Stewart.

[Français]

Madame Lalonde, est-ce que vous voulez commencer?

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Oui. Merci d'être là et merci de votre présentation.

Madame la présidente, j'aurais bien aimé avoir tous les mémoires avant le début des auditions. J'espère que ce sera possible la prochaine fois, parce qu'il me semble que le fait d'avoir le mémoire à l'avance permet d'être éclairé sur le passage de chacun des témoins.

J'aimerais d'abord que vous nous racontiez l'épisode de Hong Kong Telecommunications, parce que je comprends qu'il est nécessaire...

M. Eugène Bellemare: Excusez-moi, madame Lalonde, de vous interrompre. Je suis d'accord sur votre critique et je crois qu'il fallait le mentionner. Cependant, pour être juste—et je sais que vous êtes toujours juste—, il faudrait savoir quand ils ont été avertis qu'ils devaient venir témoigner. S'ils ont été invités au dernier moment, c'était difficile de préparer un mémoire.

Mme Francine Lalonde: Vous avez raison. C'était une remarque d'ordre général. Nous aurions pu prendre trois jours de plus et vous donner un délai. C'était juste une remarque pour nous. On en reparlera entre nous.

[Traduction]

La présidente: Pour que les choses soient bien claires, nous demandons à tous les témoins de nous soumettre leur mémoire à l'avance et c'est le greffier qui leur en fait la demande. Certains sont en mesure de le faire, mais d'autres pas, selon les délais dont ils disposent pour préparer leur exposé.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup. Ce n'est pas une critique; c'est juste pour qu'on soit en mesure de mieux comprendre et de mieux réagir.

Il me semble que l'argument le plus fort ou le plus descriptif pour répondre à toutes les observations qu'on a entendues et à la recommandation de limiter les licences aux transporteurs internationaux, vient de Hong Kong Telecommunications. Est-ce que je me trompe? Pouvez-vous nous expliquer cela plus en détails?

• 0930

M. Guthrie Stewart: C'est exact. C'est un exemple dont je me suis servi. J'aimerais ne pas trop mettre l'accent sur cet exemple particulier, mais c'est un bon exemple pour illustrer le fait qu'en général, le Canada, comme plusieurs de ses partenaires commerciaux, est en avance sur d'autres pays en termes de libéralisation du marché.

Cette situation, par contre, va se corriger avec la mise en oeuvre de l'accord de l'Organisation mondiale du commerce. L'exemple est à la fois très pertinent et un peu dépassé par les événements. L'accord devrait corriger cette situation.

Par contre, en même temps, il va y avoir une période de transition où tous les pays ne seront pas nécessairement dans une situation uniforme. Ce que l'exemple illustre tout simplement, c'est que quand on a un concurrent fort comme Hong Kong Telecommunications, et ce peut être n'importe quel autre communicateur au monde qui vient d'un marché relativement fermé, cette compagnie peut s'installer au Canada avec une ouverture du marché sans avoir à suivre les règles du jeu et peut se trouver très avantagée parce qu'elle fait affaire avec elle-même dans son marché fermé. C'est essentiellement de cet exemple que j'ai parlé.

Encore une fois, je peux vous dire que la compagnie Téléglobe est très heureuse de l'accord de l'OMC. Je pense que le résultat de cet accord va corriger ces situations parce que tous les marchés vont s'ouvrir.

Mme Francine Lalonde: Je me permets d'insister pour vous demander de me confirmer qu'un pouvoir d'émettre des licences aux télécommunicateurs internationaux n'est pas suffisant parce qu'une compagnie d'un autre pays peut s'installer comme télécommunicateur national et, de là, aller vers d'autres pays.

M. Guthrie Stewart: Excellente question, madame Lalonde. Nous sommes un télécommunicateur international, intercontinental, et je peux vous dire que l'exemple que j'ai utilisé illustre une inquiétude qui est essentiellement au niveau international.

C'est une inquiétude relative à la situation où un transporteur d'un autre marché fait affaire avec lui-même dans d'autres marchés. C'est donc uniquement une inquiétude par rapport au contexte international.

Mme Francine Lalonde: Je ne comprends pas bien. Je vais poser une autre question et ce sera ma dernière pour ce tour, parce qu'on a une heure avec vous, ce qui est bien.

Dans la présentation que vous avez faite au CRTC et que j'ai parcourue—malheureusement je n'ai qu'un texte anglais et je vais encore me lamenter, mais c'est autre chose—, vous dites

[Traduction]

que dans un environnement concurrentiel dans le cadre duquel Stentor serait libre de faire migrer ses clients à un nouveau service d'appel direct à pays étranger, si Téléglobe n'était pas en mesure d'offrir le service aux détenteurs de cartes d'appel de Stentor, Téléglobe se trouverait confronté au risque de subir des pertes importantes et marquées au titre d'un service qu'il a mis au point et dans lequel il a beaucoup investi.

[Français]

Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Guthrie Stewart: Vous me donnez l'occasion d'argumenter dans un autre contexte, chose que je n'aimerais évidemment pas faire ici parce que c'est une question qui est posée au CRTC. Pour mettre cela en contexte, nous sommes en train de délibérer sur les modifications à la Loi sur les télécommunications qui vont établir le régime pour l'ouverture du marché.

En même temps, le CRTC se penche déjà sur la question de savoir quelles devraient être les règles du jeu qui permettront à de nouveaux joueurs d'entrer dans ce marché. À titre d'exemple, je vais vous donner les conditions du licence.

Je crois bien que vous soulevez un point qui est très important pour nous, mais plutôt dans un contexte intérieur, parce qu'on ouvre le marché intercontinental devant le CRTC et qu'en même temps, Téléglobe est en train de faire valoir sa position de transporteur intercontinental de longue date ayant joué un rôle de grossiste.

• 0935

Nous avons également besoin de considérer les mesures qui sont importantes pour nous et de faire en sorte que Téléglobe soit capable d'offrir ses services aux consommateurs canadiens de la façon la plus flexible possible. C'est essentiellement une question de l'ordre de celles qui intéressent le CRTC, comme les conditions d'interconnexion que nous aurons avec Stentor, par exemple, ou d'autres transporteurs canadiens.

Mme Francine Lalonde: Mais vous estimez que le régime de licences est plus favorable pour établir des règles de concurrence équitables dans ce cadre-là?

M. Guthrie Stewart: Oui, absolument. Encore une fois, les conditions de licences s'appliqueront au contexte international. Nous n'avons pas encore proposé les conditions de licences qui auront un impact sur le marché pour les transporteurs qui offrent des services intérieurs et non internationaux.

L'exemple que vous avez soulevé a vraiment rapport avec les conditions que Téléglobe cherche à obtenir avec les transporteurs intérieurs. Ceux-ci ne seront pas couverts par le processus de licences. C'est vraiment une question à part que le CRTC est en train d'étudier.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

[Français]

M. Guthrie Stewart: Je comprends que ce ne soit pas très facile à suivre.

Mme Francine Lalonde: Je vous remercie de vos réponses. Je reviendrai, madame la présidente. J'espère que nous en aurons le temps.

La présidente: Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: Monsieur Stewart, madame Bradford, bienvenue ce matin. C'est assez rare d'entendre des entreprises demander qu'on leur enlève leurs droits légitimes et qu'on change les règles du jeu. Il est certain que vous demandez ce changement à la loi pour vous favoriser et sûrement pas pour vous nuire.

Vous dites qu'un régime de licences serait plus efficace. Dans quel sens est-ce que cela serait plus efficace?

M. Guthrie Stewart: Je vais demander à un de mes collègues d'ajouter des détails plus intéressants et importants. Permettez-moi de vous répondre que, d'une façon plus générale, ce serait plus efficace parce qu'on aurait un régime assorti de conditions plus claires. La question n'est pas d'avoir beaucoup de conditions. La question est d'avoir des conditions qui se rapportent en particulier, comme je l'ai mentionné dans ma réponse à l'excellente question de Mme Lalonde, à la situation où nous avons des transporteurs internationaux qui s'implantent au Canada et qui peuvent avoir des liens privilégiés avec eux-mêmes, dans leur propre marché. La question est donc d'avoir une condition très simple, très claire et très transparente disant qu'on ne peut pas se favoriser soi-même.

Une règle transparente sera beaucoup plus efficace et plus facile à appliquer. À l'heure actuelle, pour régler cette situation, le compagnies doivent faire appel à toutes sortes de mesures obscures.

M. Eugène Bellemare: Revenons à l'octroi de la licence internationale. Par suite des délibérations, je crois comprendre que le gouvernement pense que l'on devrait modifier le point de licence; c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas avoir à la fois une licence nationale et une licence internationale. Si j'ai bien compris le sentiment de tous les membres du comité, je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'on devrait donner les licences sur une base strictement internationale.

Cela dit, je voudrais vous demander s'il y aurait vraiment des règles qui seraient correctes pour tous, «a level playing field» comme on dit en anglais, vis-à-vis des Américains. Vous dites que les Américains ont un système de licences internationales. Si nous avions une licence internationale, est-ce que les règles seraient les mêmes? Si vous aviez une licence internationale donnée au Canada et que vous vouliez vous établir aux États-Unis, est-ce que vous devriez demander une licence américaine?

• 0940

Est-ce que les règles sont les mêmes? Est-ce qu'il y a vraiment un level playing field?

M. Guthrie Stewart: Permettez-moi tout d'abord de souligner que, même si nous n'avons proposé aucune modification au projet de loi, nous approuvons la modification dont vous avez parlé, qui est de restreindre le processus de licensing au service international. Nous sommes d'ailleurs un transporteur international et nous nous sentons, bien entendu, concernés par cette situation.

Quant à la question des États-Unis, il faut préciser premièrement que le processus de licence internationale s'applique justement aux opérations entre le Canada et les États-Unis. Il faut se souvenir que, lorsqu'on parle de télécommunications internationales, les deux tiers de l'activité en télécommunications internationales du Canada se passent entre le Canada et les États-Unis. L'autre tiers concerne le reste du monde.

Les relations entre le Canada et les États-Unis sont très importantes, et c'est la raison pour laquelle on doit considérer cette activité de télécommunication comme internationale. De toute évidence, c'est une interprétation naturelle.

Vous m'avez posé une troisième question sur notre propre situation aux États-Unis. Après avoir parcouru ce terrain en long et en large, je peux vous dire que nous sommes très confiants d'avoir, avec le régime de licensing proposé, un level playing field avec les États-Unis.

[Traduction]

M. Eugène Bellemare: Dans le cadre d'un régime de licences, l'OMC et les États-Unis sont d'accord. Les règles vont-elles être les mêmes? Les Américains vont-ils dire à une compagnie: «Téléglobe, vous allez obtenir une licence, et voici quelles sont les conditions?» Les conditions applicables à vous seraient-elles les mêmes pour AT&T, par exemple?

M. Guthrie Stewart: Votre question illustre merveilleusement bien l'importance de l'accord de l'OMC.

La signification de l'accord de l'OMC—et le nombre de pays, les quelque 60 pays qui l'ont signé, menés, bien sûr, par le fameux quatuor, soit le Canada, les États-Unis, le Japon et la Communauté européenne—est que ces pays se sont engagés, en vertu d'un processus juridique, à ouvrir leurs marchés, de la même façon, à tous les signataires de l'accord, promettant de traiter les compagnies des autres de la même façon que les leurs. Nous sommes donc tout à fait satisfaits et je dirais même que nous portons des cicatrices qui nous amènent à réfléchir très sérieusement à la question que vous nous posez. L'effet fondamental de l'accord de l'OMC est que cela nous donne les assurances positives dont nous avions besoin.

M. Eugène Bellemare: Les États-Unis ont-ils adopté une loi semblable?

Mme Meriel V.M. Bradford (vice-présidente, Relations externes et gouvernementales, Téléglobe Canada Inc.): Par l'intermédiaire de la FCC, les États-Unis sont tout juste en train d'établir un nouveau système d'octroi de licences pour le service international de façon à respecter les exigences de l'accord de l'OMC. Il leur a fallu modifier leur propre régime de licences, et à Genève, la semaine dernière, les pays participants ont dû indiquer s'ils étaient ou non en train de s'organiser pour satisfaire les exigences. D'après ce que j'ai compris de ce que m'ont dit des porte-parole du gouvernement canadien, la FCC va s'y conformer.

M. Eugène Bellemare: S'il y a un paragraphe qui crée des problèmes pour vous sur le plan observation, de quel mécanisme disposez-vous pour venir vous plaindre à nous, pour nous dire: «Un instant, ils viennent de nous jouer un tour»? Existe-t-il un mécanisme?

M. Guthrie Stewart: Je suis certain que Meriel pourrait l'expliquer mieux que moi. Le premier et plus important mécanisme serait l'accord de l'OMC lui-même, avec le mécanisme international qui a pour objet de veiller à ce que les parties signataires respectent les conditions dont il est assorti. Encore une fois, les conditions de cet accord sont très claires. Il ne peut pas y avoir de discrimination à l'égard d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise d'un autre pays signataire de l'accord.

La présidente: Monsieur Bellemare, posez votre dernière question, je vous prie.

M. Eugène Bellemare: Une entreprise appelée ACC est venue l'autre jour, je pense. ACC est un revendeur.

M. Guthrie Stewart: Oui, c'est un important client à nous.

M. Eugène Bellemare: J'aimerais bien formuler la question, étant donné que vous me dites que cette compagnie compte parmi vos clients.

Des voix: Oh, oh!

M. Guthrie Stewart: Je devrais dire que nous considérons que tout le monde sur le marché est un client.

• 0945

M. Eugène Bellemare: J'ai été surpris. Je pense que nous avons tous été pris de court en constatant que le style américain c'est chacun pour soi. Il ne devrait y avoir aucun système d'octroi de licences: c'est là l'impression qu'ils nous donnent dans le domaine des affaires. Tout d'un coup, il y a ACC, qui est venu au Canada faire affaire sans licence, et tout d'un coup, ils veulent tout changer. Contrairement aux autres témoins que nous avons entendus jusqu'ici, les gens d'ACC disent que nous devrions avoir un système d'octroi de licences sur le marché national.

Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus? Étant donné que vous avez donné un élément de réponse, pendant que je posais l'autre question, en disant qu'ils comptent parmi vos clients, ma question vous met peut-être dans l'embarras. Si c'est le cas, je laisse tomber et je poserai la question à quelqu'un d'autre.

M. Guthrie Stewart: Je ne peux que spéculer—et ce serait de la pure spéculation—et dire que s'ils prônent un régime général de licences qui va au-delà du secteur international, alors ce qu'ils préconisent, en fait, c'est que des conditions de licence soient imposées à leurs concurrents, soit aux fournisseurs canadiens, à l'intérieur de notre marché national. Il me faut présumer que leur argumentation s'appuie sur leur désir d'asseoir leur propre position concurrentielle sur le marché intérieur, ce sur quoi je ne peux pas vraiment me prononcer étant donné, je le répète, que nous ne nous intéressons qu'au marché international et qu'à notre avis, sur ce marché, tout le monde devrait être visé par un régime de licences.

La présidente: Monsieur Axworthy, aviez-vous des questions?

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Je n'aurai en fait qu'une seule question à poser, et elle porte sur le dernier commentaire qui a été fait. J'allais vous demander ce que vous pensiez de la limitation des exigences en matière de licences aux seuls fournisseurs internationaux, mais je ne ferai pas cela, car c'est votre seul marché.

Vous êtes dans l'ensemble satisfait du projet de loi, mais y a-t-il autre chose qui pourrait vous faciliter la vie tout en étant dans l'intérêt des Canadiens? Y a-t-il d'autres changements que vous aimeriez voir apporter?

M. Guthrie Stewart: Pas pour l'instant. Pour l'instant, comme je l'ai dit au tout début, nous sommes très satisfaits du processus législatif et du projet de loi tel qu'il a été déposé.

Vous autres députés savez sans doute que cet accord de l'OMC est un processus sur lequel on reviendra sans doute d'ici deux ou trois ans. D'importantes questions monteront peut-être à la surface d'ici là, mais pour l'instant, nous sommes très satisfaits du processus.

M. Chris Axworthy: J'aurais une autre petite question à vous poser au sujet de la concentration de votre marché. Vous avez indiqué à quel point le marché nord-américain est important. Avez-vous une concentration accrue sur ce marché? Vous avez des activités dans d'autres pays, bien sûr. Votre intention est-elle de viser une expansion proportionnellement supérieure dans des marchés autres que le marché nord-américain?

L'un des problèmes—ce n'est peut-être pas un problème pour vous—mais l'un des problèmes que nous avons en tant que pays, avec tous les accords commerciaux que nous avons signés, est que nous dépendons de plus en plus du marché américain au lieu d'avoir une économie davantage internationale. J'aimerais tout simplement savoir quels sont vos plans à cet égard.

M. Guthrie Stewart: Dans notre cas, je dirais que la tendance, très clairement, est d'élargir nos activités sur d'autres continents. Nous sommes très fiers de notre patrimoine canadien et de notre base et de notre réseau canadiens, que vous avez vus sur la carte, et nous avons bien de la chance que le Canada, qui fait partie de l'Amérique du Nord, soit une plaque tournante tout à fait naturelle dans le monde des télécommunications internationales. Une part importante de l'activité entre l'Asie et l'Europe, par exemple, passe par le Canada, par l'Amérique du Nord, et il s'agit là, bien sûr, d'une chose que nous encourageons. Alors que nous partons à la conquête de l'Europe et de l'Asie, nous utilisons nos compétences canadiennes, notre réseau canadien, pour promouvoir précisément cette activité-là.

La présidente: Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je suis certain que votre graphique est très clair pour certains qui ne sont pas très calés dans ce domaine, et c'est mon cas.

Il a été question d'assortir le projet de loi d'une clause de temporisation, étant donné que celui-ci pourrait marquer l'ouverture de la saison pour l'octroi de licences. Je ne connais pas de pays qui aient des systèmes totalement décloisonnés et j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée d'assortir ce projet de loi d'une clause de temporisation, sans quoi ce sera tout simplement l'ouverture de la saison.

M. Guthrie Stewart: Ce que je dirais, c'est que cela est inutile. Encore une fois, le nombre de pays ayant signé l'accord de l'OMC est limité, et il y a donc d'autres pays à faire rentrer dans le rang.

• 0950

J'ai évoqué il y a un instant le fait que je sois convaincu que ce serait une ambition à viser la prochaine fois... et je vais laisser Meriel intervenir pour expliquer pendant quelques minutes quand la ronde suivante des discussions de l'OMC va vraisemblablement avoir lieu. Je pense que c'est à ce moment-là que votre question serait opportune, car à l'heure actuelle, c'est inutile.

Comme je l'ai mentionné, il est toujours possible que l'on se trouve confronté à de nouvelles modifications de la loi par suite de ce processus. Il me semble que c'est à ce moment-là qu'il serait plus indiqué et plus pragmatique de se pencher sur cette question.

Mme Meriel Bradford: J'encouragerais le gouvernement à continuer de surveiller cette ouverture de par le monde et la façon dont les choses progressent. Ce n'est pas la fin du processus que nous avons constaté à l'OMC; il s'agit d'un jalon en vue du démarrage d'un autre processus continu.

Tout d'abord, il nous faut intégrer des pays qui se trouvent encore à l'extérieur de la portée de l'OMC, de gros pays comme la Chine, les anciens pays membres du Bloc soviétique, et d'autres encore. Ce travail doit se poursuivre.

Deuxièmement, même si certains pays ont signé l'accord, cela ne veut pas dire qu'ils vont ouvrir leurs marchés dès le premier jour. Nombre d'entre eux ont échelonné cela dans le temps, l'ouverture ne devant se faire qu'au début du troisième millénaire. Pour l'Inde, par exemple, il est question de l'an 2004, et c'est le cas pour un certain nombre d'autres pays également.

Voilà pourquoi je pense qu'il est extrêmement important que le gouvernement conserve cet outil mais qu'il y revienne à la lumière de l'évolution des marchés.

M. Walt Lastewka: Ayant eu à me plier à des régimes de licences pendant de nombreuses années dans ma vie antérieure, j'ai toujours considéré les régimes d'octroi de licences comme créant un terrain de jeu et établissant les règles du jeu, car les gens sans licence veulent avoir leur jeu et leurs règles. Ce que vise ce processus, c'est d'établir les règles, avec un terrain de jeu qui change et qui s'élargit, de façon à ce que nous ne nous retrouvions pas tous devant les tribunaux, en train d'y dépenser de l'argent, et de leur demander de nous donner un cadre à l'intérieur duquel fonctionner.

Je pense que c'est là le message que vous avez tenté de nous communiquer vers le début de votre exposé.

M. Guthrie Stewart: Oui, absolument. Je n'aurais pas pu mieux dire les choses que vous.

M. Walt Lastewka: Merci.

La présidente: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente. J'ai quelques questions.

J'apprécie la perspective de M. Lastewka en matière de licences. Il me faudrait des éclaircissements au sujet d'un certain nombre de choses.

Au regard de votre exposé, il me semble que Téléglobe poursuit énergiquement des activités visant un marché de type mondial. Vous vous occupez déjà du trafic d'autres pays, ce qui n'a rien à voir avec le Canada en particulier. Vous offrez tout simplement vos compétences et cela augmente sensiblement vos revenus.

Il me semble qu'il y a eu une augmentation de 40 p. 100 en 1996, n'est-ce pas?

M. Guthrie Stewart: Environ 40 p. 100 de nos revenus sont attribuables à ces activités.

M. Eric Lowther: Formidable. J'imagine que cela va se poursuivre...

M. Guthrie Stewart: Oui.

M. Eric Lowther: ... d'une façon très dynamique.

J'ai regardé le texte qu'on nous a remis. Vous dites qu'à l'échelle mondiale, Téléglobe est un petit joueur, mais qu'il lui faudra affronter des concurrents qui auront plusieurs fois sa taille lorsque tout cela entrera en vigueur en octobre 1998. Or, il me semble que vous avez encore une année, en vertu de la loi, au cours de laquelle vous pouvez continuer d'asseoir votre position mondiale.

Serait-ce là un résumé juste de ce que vous visez?

M. Guthrie Stewart: Encore une fois, la loi détermine le squelette pour l'ouverture du marché. Oui, cela fait plusieurs années déjà que nous poursuivons notre plan d'expansion internationale. Au cours des trois dernières années, nous avons tenté de percer le marché américain. Il nous a fallu près de deux ans, en fait, pour obtenir des licences, ce qui est encore une autre illustration de l'importance qu'a l'accord de l'OMC pour nous si nous voulons avoir accès aux différents marchés.

Bien sûr que nous considérons qu'il est essentiel pour notre base d'activité canadienne qu'au fur et à mesure que le marché s'ouvre nous soyons en mesure d'élargir notre portée et d'utiliser les avoirs et la compétence canadiens dont nous disposons pour servir davantage de marchés à partir de notre base canadienne.

• 0955

Les concurrents s'en viennent. Il est clair que la concurrence aura une incidence sur nous, en tant qu'entreprise active sur le marché canadien. Nous acceptons cela. C'est bon pour les consommateurs, et nous acceptons que cela arrive sur le marché. C'est pourquoi notre stratégie est de croître comme entreprise sur d'autres marchés, en utilisant cette compétence et ces avoirs, ce qui bénéficiera également au marché canadien, car nous pourrons réduire nos prix en étalant nos activités sur une assiette plus large.

M. Eric Lowther: Vous avez encore une année, n'est-ce pas, pour élargir vos opérations sans concurrence, pour vous placer dans une meilleure posture en prévision d'octobre 1998? Vous n'êtes en vérité pas confronté à de la concurrence à l'intérieur du Canada, en provenance de services qui tentent de prendre du trafic canadien. Vous pouvez également foncer en tant que seule entité canadienne qui vende ces compétences, que vous possédez, sur le marché mondial. Ai-je raison?

M. Guthrie Stewart: Eh bien, pour replacer cela dans son contexte, encore une fois—et je ne suis pas vraiment certain de comprendre le sens de votre question—le Canada et les États-Unis, qui fonctionnent de façon tout à fait ouverte, concurrentielle et sans frontière pour ce qui est des télécommunications, représentent près de deux tiers de l'activité de télécommunication internationale qui touche le marché canadien. Il s'agit donc d'un marché extrêmement concurrentiel. C'est pourquoi bien que nous ayons à l'heure actuelle—et je pense que c'est là-dessus que portait votre question—l'exclusivité quant à la construction et à la propriété d'installations qui vont à l'étranger, si vous voulez, c'est-à-dire les câbles et les satellites que vous voyez sur la carte, il y a déjà des pressions concurrentielles énormes de l'autre côté de la frontière.

Cela se trouve bien sûr reflété dans notre barème de tarifs et dans les prix que vous voyez à l'échelle du marché canadien. Je ne pense pas que les consommateurs canadiens soient nombreux, si on compare leur situation à celle qui existe sur le marché américain, à dire qu'ils sont injustement traités sur le marché canadien. À l'heure actuelle, il n'y a qu'un seul télécommunicateur qui ait investi dans ces installations. Encore une fois, le marché nord-américain est très dynamique et très concurrentiel.

J'ignore, Meriel, si vous vous en souvenez, mais il y a une étude qui m'a été mentionnée hier encore et qui illustre, en des termes internationaux, que le Canada a les plus bas prix en matière de connexions de télécommunication parmi tous les pays membres de l'OCDE. En ce qui concerne les services d'Internet, par exemple—et l'Internet est un service international qui nous occupe beaucoup nous-mêmes—les Canadiens ont accès aux services d'Internet les plus abordables au monde.

M. Eric Lowther: Je suppose que ce à quoi j'essaie d'en venir ici—et je m'excuse de m'exprimer de façon maladroite, car certains de ces concepts sont difficiles à cerner... Vous faites état dans votre document de ces autres gros joueurs sur le marché mondial auxquels vous devez livrer concurrence, et avec lesquels vous êtes d'ailleurs déjà en concurrence à l'heure actuelle à l'extérieur du Canada.

On parle ici d'ouvrir le marché, d'ouvrir une fenêtre pour laisser entrer davantage de concurrents sur la scène canadienne. Or, je constate que vous avez augmenté votre base canadienne à l'extérieur du Canada de 300 p. 100 en 1996.

Je me pose tout simplement la question suivante: y a-t-il de nouveaux joueurs qui vont vouloir se joindre à la partie après octobre 1998? Ou bien la situation est-elle que vous avez encore une année pour vous renforcer ici, à l'échelle nationale, après quoi, une fois le couvercle enlevé, on verra les MCI et les Sprint et tous les joueurs existants avoir accès au marché canadien? Il n'y a en fait pas de nouveaux joueurs. C'est tout simplement que Téléglobe a l'occasion de devenir plus fort de façon à pouvoir concurrencer les gros joueurs existants. Si vous pouviez m'expliquer un petit peu mieux cela, ce serait utile.

M. Guthrie Stewart: Il y aura certainement de la nouvelle concurrence en ce sens que, encore une fois, étant donné que nous avons à l'heure actuelle l'exclusivité quant à la construction et à la propriété de ces installations, l'effet de l'ouverture du marché sera, bien sûr, de permettre à n'importe qui d'investir et de posséder des installations.

Quant à savoir quels seront ces nouveaux concurrents—je pense que vous avez raison de dire que parmi les plus évidents, il y aura des joueurs qui sont déjà établis sur le marché canadien, comme Stentor, les membres de l'alliance Stentor, AT&T Canada, Sprint Canada—et la liste est longue—, avec ACC, etc. Nombre de nos clients existants vont, d'ailleurs, s'interroger pour savoir s'il est logique pour eux d'entrer dans le marché.

Je pense que vous allez entendre M. Kedar aujourd'hui, si ce n'est déjà fait. Il représente un tout nouveau concurrent qui compte s'établir dans ce même marché.

• 1000

La présidente: Merci, monsieur Lowther.

J'aimerais rappeler aux membres du comité que d'autres témoins doivent encore comparaître et je vous demanderai par conséquent d'être aussi brefs que possible dans vos questions.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente. Je serai très bref.

Je pense que j'ai assez bien suivi la logique de M. Lowther. Vous avez déjà une base assez impressionnante, si l'on regarde la carte que vous nous avez fournie, et je suppose que lorsqu'on parle de transmission par satellite et de câbles sous-marins il vous faut investir beaucoup de capitaux.

Pourriez-vous nous dresser brièvement le tableau de l'évolution que vous envisagez une fois que tout cela sera en place? Pensez-vous avoir solidement assis votre position un peu partout dans le monde de façon à être compétitif, ou bien allons-nous voir intervenir des compagnies aux poches très profondes? Va-t-on voir des fusions d'entreprises pour se retrouver, peut-être, avec un tout petit nombre de personnes qui contrôleront la transmission internationale des télécommunications?

Si je vous ai bien compris, vous avez des alliances avec presque tous les grands télécommunicateurs dans le monde. Certains d'entre eux sont peut-être d'anciens PTT, basés dans des pays où il y a eu déréglementation et où tout a peut-être changé.

Pourriez-vous nous dresser rapidement un tableau montrant l'évolution que vous envisagez?

M. Guthrie Stewart: Je vais tenter de le faire. Il s'agit là d'un thème très important pour notre entreprise et c'est une question vis-à-vis de laquelle notre réponse nous distingue, si vous voulez, des grosses compagnies. Non seulement nous nous distinguons par notre orientation dans ce que nous faisons dans le domaine international, tandis que la plupart des grosses entreprises s'efforcent d'offrir tous les types de services à tout le monde—nous pensons donc que notre orientation sera un élément clé pour notre réussite—mais nous nous distinguons également de par notre approche à l'égard du marché.

Nous ne croyons pas que le marché sera dominé par un petit nombre de conglomérats. Nous croyons que l'impact de la concurrence—et nous pensons que nous allons voir cela avec l'ouverture de notre propre marché—c'est qu'il y aura de nouveaux joueurs. Il y aura les Mike Kedars. Il y en aura d'autres qui s'établiront sur le marché. Nous allons voir une plus grande fragmentation, comme ce que l'on a vu dans le secteur de l'informatique, par exemple, où, il me semble, si nous nous étions posé cette même question il y a dix ou 15 ans, nous aurions peut-être répondu qu'il y avait un danger qu'IBM domine l'informatique, alors qu'aujourd'hui l'on voit clairement qu'avec les nouvelles possibilités technologiques, et cela s'accuse de plus en plus dans le domaine des télécommunications avec l'ouverture des marchés... Vous avez tout à fait raison de dire que, traditionnellement, nos principales relations commerciales ont été avec ce que l'on appelait les PTT, les services de postes et de télécommunications, et leurs exploitants partout dans le monde.

De plus en plus, notre croissance, la croissance dont nous avons parlé relativement aux nouveaux marchés, n'est pas attribuable aux joueurs établis. Nous sommes un grossiste. Notre principal rôle est d'aider les nouveaux concurrents. Notre principal rôle est de permettre à un nouveau concurrent—et à un concurrent sur le marché canadien, par exemple—d'accéder au marché international grâce à notre réseau. Nous vendons à quiconque veut utiliser nos services, même si celui-ci doit nous livrer, en partie, concurrence.

Notre principale activité est d'aider de nouveaux concurrents, et nous sommes pour cette raison tout à fait en faveur de l'ouverture de marchés. Comme je le disais, nous avons une vision tout à fait différente en ce qui concerne le scénario final. Il n'y a aucun doute qu'il y aura poursuite de création de fusions et d'alliances, comme on l'a constaté autour de certains joueurs clés dans le secteur. Mais notre philosophie veut que ce soit là davantage un effort de protection de la part de certains des gros joueurs et que les forces de la concurrence vont de toute façon venir ouvrir ces marchés. Il y aura de nouveaux joueurs, et c'est sur cela que nous nous concentrons.

M. Ian Murray: Merci beaucoup.

La présidente: Madame Lalonde, vous aviez une dernière question à poser.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Pensez-vous que si on limitait les licences aux transporteurs internationaux, le CRTC disposerait de tous les moyens nécessaires pour empêcher qu'on passe outre l'inforoute canadienne, c'est-à-dire qu'on passe par les États-Unis pour revenir au Canada? Par exemple, on arrive à Montréal, puis on doit aller à Chicago avant de revenir à Calgary. Est-ce qu'on dispose de tous les moyens pour empêcher cela?

• 1005

M. Guthrie Stewart: Nous croyons que le CRTC aura tous les moyens pragmatiques et raisonnables pour surveiller la situation. Nous croyons aussi, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, et c'est d'ailleurs l'engagement du gouvernement un an après l'ouverture du marché, qu'il faut de toute façon que le marché canadien soit équilibré et pleinement ouvert avec le marché américain. Je crois aussi que la seule façon de vraiment répondre à cette question, c'est de faire en sorte que nos compagnies de télécommunications soient aussi concurrentielles que n'importe quelle compagnie américaine qui vient ici.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bellemare, auriez-vous une dernière question?

M. Eugène Bellemare: Oui.

À quelles barrières d'accès au marché vous êtes-vous trouvé confronté lorsque vous tentiez de vous établir à l'extérieur du Canada, et de quelle façon le projet de loi C-17 vous aidera-t-il à avoir accès aux marchés d'autres pays?

M. Guthrie Stewart: Je suis certain que nombre d'entre vous sont encore plus au courant de toutes les nuances des barrières d'accès aux marchés. Ces barrières peuvent prendre diverses formes. Aux États-Unis, par exemple, avant l'accord de l'OMC, il y avait un processus d'octroi de licences et aucune barrière apparente. Une barrière, c'était le temps. C'était un processus fort long, qui demandait bien plus d'un an.

Deuxièmement, avant l'accord de l'OMC, les Américains avaient certaines clauses d'intérêt public qu'ils pouvaient invoquer pour diverses raisons. J'ai parlé tout à l'heure du cas de la musique country. On a tout simplement été happé par un décret dans le cadre du différend commercial aux prises avec lequel était le Canada relativement aux licences pour la musique country en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Nous sommes convaincus que ce problème-là a lui aussi été réglé et que l'accès au marché américain ne sera pas un problème.

Sur d'autres marchés, les barrières sont aussi variables que le sont les tarifs. Une possibilité est que le Gouvernement décide d'imposer des droits pour l'entrée sur le marché. Au moment où nous parlons, je dirais que, dans l'ensemble, cela n'est pas un gros problème en ce qui concerne les pays en développement.

L'autre question plus pragmatique dont vous avez entendu parler dans le contexte du débat sur la concurrence au Canada est l'accès au télécommunicateur national dominant. Un nouveau joueur arrivant sur le marché fera construire des installations mais sera, pendant longtemps, et peut-être pour toujours, très dépendant d'un accès aux installations du joueur existant pour pouvoir offrir des services sur le marché.

Par exemple, certains d'entre vous choisiront peut-être de vous abonner aux services d'interurbain d'une entreprise qui est différente de votre entreprise de service local. Votre entreprise de service local, aujourd'hui, sauf dans certaines circonstances très limitées, c'est votre compagnie de téléphone locale, et vous avez le choix en ce qui concerne le service d'interurbain. Bien sûr, ce fournisseur doit avoir accès au fournisseur provincial. C'est là un autre obstacle.

En vertu de l'accord de l'OMC, les différents pays sont en train de créer des organismes de réglementation. Je pense que c'est là encore une question au sujet de laquelle je peux faire un peu de publicité pour le CRTC. Le Canada peut, à juste titre, être fier du CRTC. En fait, l'une des choses que l'on constate par suite des travaux de l'OMC, est que d'autres pays viennent en visite ici en vue de reproduire ce que nous avons sur le plan réglementation. Cela rejoint, bien sûr, la dernière question, relativement à l'interconnexion, que je viens d'évoquer.

La présidente: Merci.

Je voudrais vous remercier, monsieur Guthrie et madame Bradford, d'avoir été des nôtres ce matin. Votre exposé nous a bien sûr beaucoup renseignés et a suscité beaucoup d'intérêt. Nous pourrions sans doute poursuivre pendant encore une heure, mais nous n'en avons malheureusement pas le temps ce matin.

Merci beaucoup d'être venus.

M. Guthrie Stewart: Merci à vous.

La présidente: Les témoins suivants représentent la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et le Centre pour la promotion de l'intérêt public. Nous allons entendre les deux témoins en même temps.

Souhaitons donc la bienvenue à Marie Vallée, analyste pour la fédération, et à Philippa Lawson, conseillère juridique auprès du Centre pour la promotion de l'intérêt public, et j'aperçois encore une troisième personne.

• 1010

Je vous laisse vous présenter vous-mêmes.

[Français]

Mme Marie Vallée (analyste, Politiques et réglementation, Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec): Bonjour, madame la présidente.

Madame la présidente, membres du comité, nous vous remercions de nous donner l'occasion aujourd'hui de nous présenter devant vous et d'exprimer notre point de vue sur les amendements proposés à la Loi sur les télécommunications.

Comme vous l'avez mentionné, je m'appelle Marie Vallée. Je suis analyste et porte-parole à la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec en matière de télécommunications, d'inforoute et de protection des renseignements personnels.

Je suis accompagnée de Me Philippa Lawson, qui est du Centre pour la défense de l'intérêt public, et de Mme Marnie McCall, directrice générale de l'Association des consommateurs du Canada.

L'Association des consommateurs du Canada est une organisation nationale à but non lucratif qui représente les consommateurs résidentiels partout au Canada. La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec représente plusieurs groupes de consommateurs résidentiels du Québec et le Centre pour la défense de l'intérêt public est un organisme national sans but lucratif qui défend les intérêts des consommateurs résidentiels depuis près de 20 ans devant le CRTC et dans d'autres forums.

Nous sommes ici premièrement pour apporter notre soutien aux amendements proposés, en particulier aux amendements qui donneront au CRTC et au Cabinet des pouvoirs plus larges pour atteindre les objectifs de la politique canadienne de télécommunications, tels une qualité élevée de service et un service fiable à des prix abordables, cela dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Nos commentaires porteront évidemment sur certains articles seulement.

Avant de poursuivre, j'aimerais mentionner que si nos commentaires et suggestions peuvent refléter un manque de connaissance au sujet des diverses forces qui ont conduit aux amendements proposés, nous nous en excusons. Contrairement aux représentants de l'industrie, les représentants des consommateurs n'ont pas été consultés par le gouvernement lors de la préparation de cette loi, ce qui est extrêmement surprenant puisque nous ne sommes pas des nouveaux venus. Ça fait plus de 20 ans que nous intervenons. Nos commentaires sont donc simplement basés sur les mots du texte de loi tels que publiés le 30 octobre dernier après la première lecture.

Je passe maintenant la parole à Mme Lawson.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson (conseillère juridique, Centre pour la promotion de l'intérêt public (CPIP)): Nous appuyons les nouvelles dispositions qui conféreraient au gouvernement le pouvoir de contrôler la qualité, la sécurité et les normes techniques applicables au matériel de télécommunication vendu au Canada. Sur un marché de plus en plus mondial, ces normes seront essentielles si nous voulons maintenir la qualité de service que nous avons obtenue dans le cadre d'un système de monopole réglementé.

Nous appuyons également les dispositions élargissant les pouvoirs du Conseil pour inclure le contrôle réglementaire de l'administration par un tiers de questions telles le numérotage, que nous reconnaissons également comme étant un nouveau pouvoir accordé au conseil, et l'administration d'un fonds destiné à appuyer le maintien de l'accès par les Canadiens aux services de télécommunication de base.

La création et l'administration d'un fonds visant à appuyer l'accès aux services de télécommunication de base dans un environnement concurrentiel sont essentielles si nous voulons respecter les objectifs en matière de politique énoncés à l'article 7 du projet de loi. Il est vraiment ironique que l'un des premiers effets, et en même temps l'un des plus tangibles, de la concurrence dans ce secteur a été l'augmentation des tarifs pour le service téléphonique résidentiel de base. Nous félicitons le Conseil d'avoir reconnu la nécessité de créer un fonds grâce auquel veiller à ce que les Canadiens qui vivent en région à coûts élevés puissent payer des prix abordables pour le service de base, et d'avoir recommandé qu'un autre fonds, ou que le même, puisse éventuellement être utilisé à l'avenir pour assurer que les Canadiens à faibles revenus peuvent continuer de pouvoir s'offrir le service de base.

• 1015

Le Conseil doit avoir un pouvoir de réglementation sur tout organisme qui sera créé en vue d'exploiter ce ou ces fonds; partant, nous appuyons pleinement l'inclusion de l'article 46.6.

Au moment où nous parlons, l'on peut dire que les ressources en matière de numérotage et le financement pour les régions à coûts élevés sont des questions pour lesquelles il vaudrait mieux s'en remettre à un tiers qui serait surveillé par le conseil, ce de façon à veiller à ce que les objectifs de notre politique soient réalisés de la façon la plus efficiente et la plus efficace possible. Cependant, il se pourrait que surviennent à l'avenir d'autres questions pour lesquelles l'exercice et (ou) la délégation de pouvoirs par le Conseil seraient indiqués.

Par exemple, il est clairement dans l'intérêt public d'avoir une seule base de données exhaustive pour l'assistance annuaire, et qui serait à la disposition de tous les fournisseurs de service et de tous les consommateurs. C'est peut-être un tiers neutre qui serait le mieux en mesure d'administrer de façon juste et efficiente une telle base de données. Comme c'est le cas du numérotage, de la transférabilité des numéros et des subventions, cela n'est pas explicitement prévu dans la loi.

De la même façon, la prestation de services d'urgence 911 dans un environnement concurrentiel devrait peut-être relever d'un organisme indépendant, assujetti au contrôle du conseil, mais la loi actuelle ne semble pas prévoir une telle approche, même si c'est ce qui serait le plus efficient.

Un autre exemple est celui de l'arbitrage de différends entre télécommunicateurs concurrentiels. Au fur et à mesure qu'augmentera la concurrence, les différends entre exploitants se multiplieront.

Les groupes de travail industriels auxquels nous participons sont en train d'envisager des approches différentes en matière d'arbitrage des différends. L'une des possibilités serait que le Conseil impose le recours à un arbitre privé dans le cas, par exemple, de différends relativement au transfert de clients. Si cette formule était retenue, le Conseil voudrait peut-être déléguer ses pouvoirs en matière d'arbitrage de différends.

Ce ne sont là que quelques exemples d'activités tout à fait valables auxquelles nous pensons aujourd'hui mais qui ne seront peut-être pas permises en vertu de la loi. Qui sait ce qui peut se passer à l'avenir? Étant donné le rythme accéléré auquel évolue ce secteur, nous pouvons supposer que de nouvelles questions faisant intervenir la prestation de services de télécommunication et pour lesquels les pouvoirs existants du Conseil sont insatisfaisants surviendront et exigeront des mesures.

S'il n'y a aucune disposition prévoyant l'administration de telles nouvelles activités par le Conseil ou la délégation par le Conseil de pouvoirs autres que ceux visant le numérotage et l'administration du fonds, alors nous serons peut-être limités à un environnement de télécommunications moins efficient, moins ordonné et moins concurrentiel. C'est pour cette raison que nous appuyons l'alinéa 46.1(1)b).

Par ailleurs—et je souligne bien les mots «par ailleurs»—nous pensons que les pouvoirs de délégation énoncés à l'article 46.2 doivent eux aussi être élargis pour couvrir tous les pouvoirs existants du conseil, et pas seulement ceux correspondant au numérotage ou aux nouvelles activités découlant du nouvel alinéa 46.1(1)b).

Pour passer maintenant à une autre question au sujet de laquelle nous voulons exprimer notre appui, soit l'octroi de licences aux revendeurs, nous appuyons fermement l'idée d'utiliser cette possibilité pour assurer au Conseil le pouvoir de réglementer les revendeurs, que ce soit par le biais de licences ou autrement. Du point de vue du consommateur, il n'y a aucune justification pour l'établissement de distinctions entre différents types de fournisseurs de services de télécommunication lorsqu'on parle de mesures de protection de base pour les consommateurs.

En vertu de la loi existante, le Conseil estime ne pas être habilité à réglementer directement les activités des revendeurs. Par conséquent, bien que les fournisseurs de services propriétaires d'installations soient tenus de respecter les règles protégeant la vie privée des consommateurs, de fournir certains renseignements importants aux consommateurs avant que ceux-ci ne signent un contrat de service, et de suivre certaines procédures lors de l'abonnement de clients de façon à éviter de transférer des clients contre leur gré, les fournisseurs de service qui ne sont pas propriétaires d'installations sont libres d'ignorer ces exigences. Cette disparité en matière de protection du consommateur entre les revendeurs et les exploitants propriétaires des installations ne tient pas debout. En règle générale, les consommateurs ignorent si l'entreprise avec laquelle ils font affaire possède ses propres installations, et cela leur est de toute façon égal. Et les entreprises propriétaires d'installations et les revendeurs sont occupés à faire la même chose, avec les mêmes risques en ce qui concerne la protection de la vie privée des clients, le même potentiel en matière de renseignements insuffisants ou trompeurs, et le même risque d'erreurs lorsqu'il s'agit de transférer la ligne d'un client. Lorsqu'existent les mêmes problèmes potentiels, les mêmes régimes de protection du consommateur devraient s'appliquer. Il n'y a aucune raison pour laquelle les revendeurs ne devraient pas être assujettis aux mêmes exigences en matière de protection du consommateur que nos autres fournisseurs de services en activité au Canada. Il est par conséquent essentiel, selon nous, que le Conseil se voie doté des outils nécessaires pour imposer aux revendeurs des exigences en matière de protection du consommateur.

• 1020

Le pouvoir d'octroi de licences proposé, visant, dans son libellé, à couvrir et les revendeurs nationaux et les revendeurs internationaux ainsi que les exploitants propriétaires d'installations, offre cette possibilité et jouit par conséquent de notre appui. Nous ne croyons pas que cette disposition doive être resserrée pour ne couvrir que les fournisseurs de services internationaux. Cela laisserait le Conseil dans une position fort étrange: celle de pouvoir réglementer les fournisseurs propriétaires d'installations et les revendeurs de services internationaux, mais non pas les revendeurs de services nationaux. Nous ne croyons pas non plus que la disposition en matière d'octroi de licences devrait être réduite pour ne couvrir que les seuls revendeurs. Le Conseil devrait disposer d'autant de souplesse que possible pour déterminer la façon la plus efficiente et la plus efficace de réglementer, le cas échéant, les fournisseurs propriétaires d'installations.

Si le libellé définissant le pouvoir d'octroi de licences devait être rectifié afin de couvrir les seuls fournisseurs de services internationaux, nous pensons que l'article 24 tel qu'il existe à l'heure actuelle devrait être élargi pour couvrir les revendeurs ainsi que les fournisseurs propriétaires d'installations. De cette façon, le Conseil serait en mesure d'imposer directement aux revendeurs des exigences en matière de protection du consommateur. L'écart relativement au revendeur national serait ainsi comblé.

Il est essentiel, du point de vue du consommateur, que le Conseil soit habilité à imposer des conditions directement aux revendeurs ainsi qu'aux exploitants propriétaires d'installations. Le Conseil devrait avoir le pouvoir d'imposer ces conditions, que ce soit par le biais de révocations de licences, d'ordonnances de la cour, de poursuites, ou autres.

Marie.

[Français]

Mme Marie Vallée: Merci, Philippa.

En dernier lieu, nous ne pouvons pas nous empêcher de remarquer une omission assez béante, à savoir l'omission de définir le nouveau terme «services de télécommunication de base». Soit dit en passant, au cas où on vous ne l'aurait pas déjà mentionné, dans le texte français, on a oublié terme le «de base».

Nous croyons que la raison de cette omission est que ce concept est en constante évolution et ne doit donc pas être coulé dans le bronze. Nous sommes d'accord sur le fait que le Conseil doit avoir la liberté de définir le concept comme il le juge approprié à un moment donné dans le temps.

Nous croyons pertinent de préciser cela dans la partie des définitions du texte de loi. Pourquoi ne pas être plus explicite sur la notion de concept en évolution continue et sur le rôle du Conseil pour en assurer la définition? On pourrait par exemple déclarer dans la loi que les services de télécommunication de base doivent être définis par le Conseil périodiquement, sur demande d'une partie intéressée ou à sa propre initiative, et devraient inclure les services nécessaires pour qu'une personne puisse participer pleinement à la société canadienne.

De cette manière, on ferait en sorte que le concept soit clairement ancré dans un principe de base qui est l'accès—je suis certaine que ce n'est pas un nouveau mot pour personne dans la salle—, que les composantes du service de base soient modifiées de temps en temps et que le Conseil ait le devoir de s'assurer que la définition du service de base demeure actuelle.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Vallée.

Monsieur Lowther, avez-vous des questions?

M. Eric Lowther: Oui, j'aurais quelques questions à poser.

Je constate qu'à la page 3 de votre mémoire vous parlez de la nécessité pour le Conseil d'avoir ces pouvoirs afin que nous ayons un environnement plus ordonné, plus efficient, plus concurrentiel, etc. Vous dites que l'exercice d'un certain contrôle par le CRTC amènera un environnement plus efficient, plus ordonné et plus concurrentiel.

• 1025

C'est là la position que vous esquissez, telle que je la comprends. Je vois que vous faites signe que oui, alors j'en déduis que je ne me trompe pas.

Or, vous voulez que le CRTC intervienne en vue de protéger les clients, d'empêcher qu'ils s'abonnent contre leur gré, de sauvegarder leur vie privée, de faire en sorte qu'ils ne soient pas inscrits à un service sans qu'ils ne soient au courant. Je dirais que d'autres lois existent pour protéger les clients contre la représentation déformée de ce qu'ils achètent ou de ce à quoi ils s'abonnent, et contre le fait qu'ils ne soient pas tout à fait au courant des tarifs. Des lois en ce sens sont déjà en vigueur.

Je dirais que si vous voulez superposer ce nouveau régime d'octroi de licences et de contrôle accru par le Conseil en vue de protéger les consommateurs et d'assurer la rentabilité de services meilleur marché pour les consommateurs, l'établissement de la structure d'octroi de licences va supposer un certain nombre de coûts. Il y aura des coûts du fait que la commission ait à régler tous les différends entre parties détentrices de licences qui disent: «Eh bien, il ne respecte pas sa licence, au contraire de moi, et nous voulons que le CRTC intervienne, réglemente tout cela et joue le rôle d'arbitre». Tous les coûts attribuables à l'imposition d'un nouveau palier en matière de licences, de contrôle et d'arbitrage vont être couverts par une nouvelle taxe ou être répercutés sur les consommateurs puis sur ceux qui doivent acheter ces licences.

Il semble que cela aille à l'encontre des intérêts du consommateur. Le fait de réclamer plus de contrôle et plus de pouvoirs en matière d'octroi de licences pour le CRTC va selon moi militer contre vos intérêts à long terme. J'aimerais savoir comment vous réagissez à cela.

Mme Philippa Lawson: Pour commencer, sauf le respect que je vous dois, votre interprétation de la loi existante n'est pas tout à fait exacte. Il n'existe à l'heure actuelle aucune loi protégeant la vie privée du consommateur. Il n'y a aucune loi protégeant les consommateurs contre le transfert contre leur gré. Les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives à la publicité trompeuse ne semblent pas être utilisées ou être particulièrement efficaces dans le domaine des télécommunications. J'ignore si c'est parce qu'il s'agit d'une zone grise, s'il est incertain que la Loi sur la concurrence s'applique à une industrie réglementée, ou quoi. Quoi qu'il en soit, il y a des questions comme la protection de la vie privée des consommateurs et le pillage dans l'industrie, où l'on transfère des clients sans leur accord, qui ne sont pas couvertes par la loi existante et pour lesquelles le CRTC est le seul organisme auquel peuvent recourir les consommateurs.

L'autre aspect est que toutes ces questions sont déjà réglementées par le biais de l'intervention de l'industrie, de l'autoréglementation, et du contrôle exercé par le CRTC. L'on parle ici de niveler le terrain de jeu. On est en train de dire qu'il existe des règles qui s'appliquent à tous les autres; le problème est qu'elles ne s'appliquent tout simplement pas à la catégorie des revendeurs, et que ce devrait être le cas.

On ne parle donc pas en fait de plus de dépenses ou de plus de réglementation. Tout ce que nous disons c'est que si vous allez avoir des règles, il faut qu'elles s'appliquent à tout le monde. Nous pensons bien sûr que vous devriez vous doter de ces règles.

• 1030

Mme Marnie McCall (directrice exécutive, Association des consommateurs du Canada): La seule chose que j'aimerais ajouter est que si ces mesures de protection ne sont pas là pour les consommateurs, alors, à long terme, le coût sera sensiblement supérieur. Nous avons l'occasion ici de faire un tout petit pas qui apportera d'importants avantages, et les risques si l'on ne franchit pas ce pas sont bien plus grands.

M. Eric Lowther: Le seul commentaire que je ferai est que nous travaillons depuis quelque temps déjà sans régime de licences applicable aux revendeurs. D'après ce que j'ai compris, les lois en matière de protection du consommateur visant les renseignements fournis au consommateur et la protection de la vie privée couvrent une vaste gamme d'activités commerciales. Je ne suis au courant d'aucun problème criant que l'on tente de corriger grâce à une nouvelle réglementation. Il me semble que ce que l'on est en train de dire c'est que telle chose pourrait arriver, alors il faudrait que ce soit couvert dans le système d'octroi de licences, au lieu de dire: «On a un problème et la seule façon de le régler c'est par le biais de l'octroi de licences». C'est un petit peu comme l'histoire de la poule et de l'oeuf, il me semble, mais je vais m'arrêter là.

La présidente: Monsieur Bellemare.

[Français]

Mme Marie Vallée: Un instant, s'il vous plaît. J'aimerais mentionner au député que les lois de protection du consommateur sont de juridiction provinciale et qu'à la FNACQ, nous avons eu des plaintes de consommateurs qui ont eu des problèmes avec des revendeurs d'interurbains et qui ont téléphoné à l'Office de protection du consommateur pour se faire répondre que c'était de juridiction fédérale et que l'Office ne s'occupait pas de cela et donc ne protégeait pas les consommateurs. Je ne sais pas comment c'est dans les autres provinces, mais je peux vous dire qu'au Québec, c'est comme cela.

Mme Francine Lalonde: Dans les communications.

Mme Marie Vallée: Les communications sont de juridiction fédérale; on ne s'en occupe pas.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: J'aimerais dire encore autre chose en réponse à l'observation que vient de faire le député.

En fait, il y a eu de nombreux problèmes de consommateurs avec les revendeurs. Plus particulièrement, lorsque de nouvelles compagnies tentent de se lancer et partent à la recherche d'une clientèle, il y a énormément de confusion et de frustration chez les consommateurs, et pire encore. Beaucoup de gens se font changer de service non seulement sans avoir donné leur autorisation, mais même sans le savoir.

Il y a beaucoup de confusion chez les consommateurs et il y a beaucoup de problèmes sur le marché, et lorsque vous regardez le marché plus concurrentiel en matière de télécommunications qui existe chez notre voisin du Sud, il est très frappant de constater que les clients ont souvent beaucoup plus de problèmes avec les revendeurs qui sont de petits joueurs qu'avec les entreprises plus importantes et mieux établies. Si vous regardez les statistiques, c'est assez frappant. Il y a beaucoup de problèmes.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Je vous félicite pour votre très bonne présentation et je vous remercie d'avoir souligné le fait que le gouvernement n'a pas pris contact avec vous à ce sujet. Il semble que ce projet de loi aide l'industrie canadienne, mais on a peut-être oublié, dans le jeu, le point de vue du consommateur.

J'aimerais, madame la présidente, que notre attaché de recherche nous donne ses commentaires à une autre réunion sur les différents points que la Fédération nationale des associations des consommateurs du Québec et le Centre pour la défense de l'intérêt public ont soulevés ce matin afin que nous puissions recommander, si nécessaire, des amendements à ce projet de loi afin de protéger les consommateurs.

Si les fonctionnaires du ministère sont ici—je crois qu'ils le sont, du moins, ils devraient l'être—, j'aimerais qu'ils prennent bonne note du fait que dorénavant, les consommateurs sont les Canadiens. L'industrie canadienne est bel et bien canadienne, mais si on n'avait pas de consommateurs, on n'aurait pas d'industries. Les commentaires, les questions et les inquiétudes des consommateurs, surtout des groupes bénévoles comme ceux qui sont ici aujourd'hui, devraient toujours être entendus. C'est un reproche que je fais à notre ministère.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux services de base, vous avez dit que dans le texte français, il manquait peut-être deux mots, soit «de base». Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Marie Vallée: C'est bien ce que je vous ai dit.

• 1035

M. Eugène Bellemare: Y a-t-il des erreurs à d'autres endroits?

Mme Marie Vallée: Non, c'est tout ce que j'ai noté personnellement, et je l'ai lu attentivement.

M. Eugène Bellemare: J'aimerais, madame la présidente, qu'on en prenne bonne note et qu'on fasse la correction.

Mme Marie Vallée: C'est à l'article 46.6 proposé.

M. Eugène Bellemare: En ce qui a trait aux annonces publicitaires, vous avez abordé le problème de la confusion chez le consommateur. Nous avons tous eu l'expérience en regardant la télévision, que ce soit des films animés, des actualités ou une sitcom, de nous faire apostropher—c'est le cas de le dire—par les annonces publicitaires sur les services interurbains. Maintenant nous aurons des services internationaux et nous allons encore nous faire assommer avec toutes ces choses.

Hier soir, j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de plusieurs entreprises de télécommunication qui ont admis que les consommateurs étaient confus lorsqu'on disait: Si vous venez chez nous, vous paierez seulement 10 cents pour chaque 10 minutes d'appel. Une autre annonce pourrait dire: On peut faire mieux; vous paierez seulement cinq cents si vous passez toute la fin de semaine au téléphone. On commence à être mêlés. Qu'est-ce que cela veut dire au juste? On sait que, si l'on ne paie que cinq cents pour téléphoner la fin de semaine, il faudra peut-être s'engager à payer une fortune pour le reste de la semaine.

J'ai rencontré le directeur—je ne le nommerai pas parce qu'il n'est pas ici pour donner des explications—d'une des compagnies téléphoniques d'une province autre que la mienne, qui m'a dit que les gens étaient absolument confus, qu'ils changeaient souvent de contrat pour faire des appels interurbains et que la compagnie devait ensuite poursuivre le client pour lui dire: Tu as fait une erreur; tu as mal compris ce que l'on t'a dit; notre programme est meilleur. Elle pouvait même lui dire: On peut même modifier notre programme pour t'accommoder étant donné que tu es un bon client.

On va maintenant voir ce même problème surgir sur une différente échelle, sinon une plus grande échelle, lorsqu'on va adopter cette nouvelle Loi sur les télécommunications. Est-ce que vous avez des commentaires en ce qui a trait à ce problème-là?

Auriez-vous des recommandations à nous faire, qui nous permettraient de modifier encore la loi pour protéger le consommateur quant aux renseignements qu'il reçoit?

Mme Marie Vallée: Nous avons déjà fait des recommandations au CRTC en ce qui a trait au service local et nous croyons que lors de l'entrée en concurrence dans le service local, ce sera assez infernal pour les premières années parce qu'il y aura beaucoup de confusion dans l'offre. Les offres de service interurbain ne se comparent pas facilement et les offres de service local ne se compareront pas facilement. Si on a de la concurrence pour les services internationaux, ce sera la même chose: cela ne se comparera pas facilement.

Nous avons suggéré au CRTC de mettre en place une formule qui permettrait aux consommateurs—il faut quand même que les consommateurs fassent leur part—de faire leur magasinage facilement et de comparer ce qui est équivalent, ou ce qui se compare, d'un service à un autre.

Je pense qu'avec ces recommandations, on n'a pas besoin d'ajouter à la loi. Il y a beaucoup d'initiatives et de discussions qui sont en cours pour faire en sorte que les transitions vers un marché beaucoup plus concurrentiel se fassent dans l'ordre, tant pour les entreprises, ce qui va diminuer leurs risques, que pour les consommateurs, qui sont censés être les premiers privilégiés par cette chose-là.

Donc, je pense qu'il y a énormément de confusion. Cinq ans après l'entrée en concurrence du service interurbain, nous recevons encore tous les jours des demandes de consommateurs: Dois-je rester chez Bell? Dois-je aller chez Sprint? Dois-je aller chez AT&T? Dois-je prendre tel service plutôt que tel autre? Ce n'est pas facile. C'est un nouveau monde, et on doit beaucoup mettre l'accent sur l'information aux consommateurs.

• 1040

[Traduction]

La présidente: Madame Lawson, auriez-vous une observation à faire?

Mme Philippa Lawson: Pour renchérir sur les observations faites par Marie, la question que vous soulevez est une question de renseignements aux consommateurs, et cela est absolument critique si l'on veut que le marché concurrentiel fonctionne.

Quelles sont les forces du marché? En théorie, les forces du marché ce sont les consommateurs qui agissent sur la base de renseignements complets. Il est absolument essentiel que le CRTC, le gouvernement et les représentants de consommateurs comme nous fassent tout en notre pouvoir pour veiller à ce que les clients soient aussi bien renseignés que possible sur les possibilités qui s'offrent à eux.

Comme vous l'avez souligné, il est difficile de faire des comparaisons, et nous comprenons qu'il est difficile ne serait-ce que d'établir un tableau qui vous permette de comparer des services. Le Bureau de la concurrence pourrait sans doute jouer ici un rôle plus actif pour contrecarrer la publicité trompeuse.

Nous comptons travailler plus étroitement avec le CRTC pour l'aider à diffuser ces renseignements nécessaires, et peut-être même avec le Bureau de la concurrence. Nous entendons être un petit peu plus actifs et faire quelque chose pour contrer la publicité trompeuse et mensongère qui se fait dans ce secteur.

La présidente: Merci, monsieur Bellemare.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Merci infiniment pour votre mémoire et votre témoignage. Je dois vous dire que cela me réconforte, parce que j'ai soulevé à plusieurs reprises cette question de la protection des renseignements personnels. D'ailleurs, j'avais dit en deuxième lecture que le Bloc québécois appuyait d'une façon générale cette loi parce qu'il y avait un pouvoir accru de réglementation dans cet univers qui bouge extrêmement rapidement et j'avais souligné l'extrême importance d'une loi sur la protection des renseignements personnels. J'ignorais à ce moment-là la réponse que vous a donnée l'Office de protection du consommateur, et cela me donne un argument supplémentaire.

Vous nous dites qu'il faut s'occuper de cela. Pensez-vous que c'est dans cette loi-ci qu'on devrait le faire ou par une loi générale sur la protection des renseignements personnels, en respectant, bien sûr, les juridictions? Dans les domaines qui sont actuellement de juridiction fédérale, ne ferait-on pas mieux d'avoir une loi générale? Cependant, je sais qu'il ne faut pas prendre de chances, non plus.

Mme Marie Vallée: Madame Lalonde, l'un des objectifs qui sont déjà dans la loi est de protéger le plus possible les renseignements personnels dans le domaine des télécommunications.

Par ailleurs, on connaît l'intention déclarée de ce gouvernement d'adopter une loi avant l'an 2000. Donc, nous croyons qu'une loi sur la protection des renseignements personnels devrait être une loi cadre dont les applications se développeraient secteur par secteur. Je pense que les protections actuelles offertes dans la Loi sur les télécommunications devraient suffire, compte tenu que le CRTC a déjà manifesté une certaine bonne volonté à admettre que les renseignements personnels, dans le secteur des télécommunications, doivent être protégés.

Pour le moment, cela nous convient. On va évidemment être vigilants et voir comment les choses vont se déployer.

Mme Francine Lalonde: Mais dans la mesure où on protège les consommateurs des revendeurs.

Mme Marie Vallée: Pourvu que les règles s'appliquent à tous les joueurs et que les règles soient les mêmes pour tous. Ce n'est pas parce qu'on est propriétaire ou pas de fils de câble et de commutateurs qu'on a moins d'obligations envers nos clients. C'est dans ce sens-là que nous avons appuyé la question des licences pour les revendeurs.

Mme Francine Lalonde: D'accord. Cela me guide, parce que cela veut dire que si, du côté du gouvernement, on songe à abandonner cela, il va absolument falloir couvrir les revendeurs.

• 1045

J'espère que mes collègues d'en face sont là et vont en tenir compte, parce qu'il est certain qu'on passe en quelques années d'un marché extrêmement réglementé à un marché où, malgré l'existence du CRTC, les joueurs vont être extrêmement nombreux, du moins dans un premier temps, avant que tout cela se régularise de la manière dont cela se fait généralement dans les marchés capitalistes dans ces grands domaines-là. Cependant, il est clair qu'il faut trouver le moyen de protéger les consommateurs.

J'aimerais maintenant parler des services de base. Vous avez une proposition d'amendement à la fin. Il faudrait voir si on pourrait l'adopter telle quelle. En tout cas, moi, j'envisage de le faire. J'avais remarqué aussi, à 46.6, que le mot «basic» qui apparaît dans le texte anglais n'était pas reproduit en français. Cependant, à l'article 2, en français, on identifiait les services de télécommunication de base.

J'aimerais que vous insistiez sur ce que vous voulez dire, à savoir que compte tenu des changements survenus, la hausse des tarifs, notamment dans la téléphonie de base, a fait en sorte que des gens, surtout à très faible revenu, peuvent maintenant avoir de la difficulté à assumer les coûts additionnels, même si cela peut paraître peu pour quelqu'un qui gagne un salaire moyen ou plus.

Il reste que, sur une période d'années relativement courte, on a eu un changement assez brutal. C'est donc de cela que vous parlez. Vous profitez de ce projet de loi pour dire qu'il faudrait prévoir ce qui se passe dans l'évaluation des services téléphoniques de base et couvrir ces services, ce qu'on fait à 46.6.

Mme Marie Vallée: Nous croyons qu'il devrait y avoir une définition du service de base et nous croyons que le service de base devrait inclure tous les services nécessaires pour fonctionner pleinement dans la société canadienne, ce qui veut peut-être dire une chose aujourd'hui, mais qui voudra probablement dire autre chose dans deux ans et certainement autre chose dans cinq ans.

Par ailleurs, nous voulons qu'il y ait une définition, parce qu'au cours des cinq dernières années, nous avons assisté à une érosion importante du service de base. Je pense par exemple au 411, à l'assistance annuaire et à d'autres services comme ceux-là. Les services de réparation sont maintenant surfacturés, etc. Si vous voulez, on pourra vous soumettre un extrait de mémoires qu'on a présentés dans le passé au CRTC.

Nous croyons donc que le Conseil devra définir de temps à autre, quand il le croira nécessaire ou à la demande d'une partie, ce qu'est le service de base. Si on doit subventionner à prix élevé les régions ou les gens plus économiquement défavorisés, il faut savoir exactement ce qu'on subventionne et il faut aussi mettre un frein à l'érosion des services et peut-être même ajouter des services.

C'est dans ce sens-là que nous croyons qu'il est important d'inclure dans la loi une définition et d'y dire que cette définition sera révisée et que ce sera au Conseil de s'assurer que qu'elle est toujours à jour.

[Traduction]

La présidente: Ce sera la dernière question.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Hier, l'Association du Barreau canadien est intervenue en disant qu'à son sens, il était dangereux d'outrepasser à l'article 46 le principe delegatus non potest delegare, parce qu'ils disent que le CRTC se voit déléguer des pouvoirs et ne peut à son tour les déléguer à d'autres.

• 1050

On peut comprendre cette crainte si le pouvoir est délégué sans surveillance. Or, il n'y a rien dans la loi actuelle qui prévoit qu'une fois que le pouvoir est délégué, le lien de surveillance existe. J'aimerais donc que vous regardiez cela et que vous m'aidiez à formuler quelque chose à cet égard, parce que la notion dont vous nous avez parlé en est une de délégation sous surveillance à un organisme neutre. J'ai compris, par les audiences, qu'on pouvait penser à une entreprise privée plutôt qu'à un organisme neutre dans certains cas.

Il me semble que le pouvoir de déléguer devrait être davantage encadré. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Nous n'avons pas proposé d'amendement précis là-dessus. Il ne faut pas oublier que l'article 46.2, dans son libellé actuel, autorise le Conseil à examiner toute décision du délégataire en vertu du paragraphe (3), car toute décision du délégataire est traitée comme étant une décision du Conseil et est donc assujettie à l'examen et à la révocation par celui-ci.

Mais je pense que ce que vous demandez c'est s'il ne serait pas possible que le Conseil exerce un pouvoir de contrôle préliminaire plus important. C'est une chose sur laquelle il nous faudrait nous pencher, et je vous reviendrai avec notre réponse.

[Français]

Mme Francine Lalonde: On prévoit que le Conseil peut révoquer la délégation, mais il n'y a pas de surveillance dans le processus. Si c'est ce que vous estimez souhaitable, il me semble que ce pourrait l'être. Autrement, le Conseil est un intermédiaire et il peut, à terme, après une certaine période, révoquer. Cependant, ce n'est pas du tout la même chose qu'un organisme qui agirait sous la surveillance du Conseil.

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Vous avez raison et nous n'avons pas de proposition précise. Notre point de vue, de façon générale, est que le Conseil devrait disposer de la flexibilité dont il a besoin pour établir les structures ou les modes de fonctionnement les plus efficients, les plus rationnels et les mieux susceptibles de créer un environnement concurrentiel. Nous craignons simplement que surgisse un problème juridique résultant de son incapacité à déléguer.

Nous pourrions peut-être y réfléchir d'un peu plus près et, si nous avons une proposition plus détaillée à faire, vous la communiquer ultérieurement.

La présidente: Je vous remercie, madame Lalonde.

Nous devons passer à nos témoins suivants, mais je vous suis reconnaissance d'avoir comparu et d'avoir pris le temps de préparer votre exposé. Il était très intéressant. Merci beaucoup.

Mme Philippa Lawson: Je vous remercie.

Mme Marie Vallée: Merci.

La présidente: Tout le monde devrait avoir en main le mémoire de GeoReach Telecommunications. Tout le monde l'a-t-il?

Monsieur Tacit, dès que vous êtes prêt, allez-y.

M. Christian Tacit (Tacit and Traynor, (avocats), conseiller, GeoReach Telecommunications Inc.): Je vous remercie, madame la présidente. Je me nomme Chris Tacit, j'appartiens au cabinet d'avocats Tacit et Traynor, et nous sommes les conseillers externes de GeoReach Telecommunications Inc.

• 1055

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas la société, GeoReach est, ou sera très prochainement, un nouvel arrivant sur le marché des télécommunications internationales. La compagnie a été fondée par M. Michael Kedar, que vous connaissez peut-être. Il a également pris part au lancement d'autres sociétés, dont certaines ont acquis une assez grande notoriété, telles que Call-Net et MicroCell.

Je veux tout d'abord remercier la présidente et les membres du comité de leur invitation à comparaître au nom de GeoReach et exprimer d'emblée notre soutien à la libéralisation du commerce des services de télécommunication et aux initiatives prises par le gouvernement à cet égard.

De ce point de vue, nous souscrivons certainement au projet de loi C-17. Cependant, nous formulons une réserve concernant le texte actuel de celui-ci. Plus précisément, nous partageons la préoccupation exprimée par diverses parties concernant le régime de licences proposé à l'égard des fournisseurs de services de télécommunication.

Je ne veux pas trop m'attarder là-dessus—je sais que beaucoup d'autres ont déjà fait valoir le même point de vue—et soulignerai plutôt un certain nombre d'autres facteurs que nous jugeons importants.

Pour ce qui est du contexte des services de télécommunication internationaux, nous pensons, chez GeoReach, qu'il faut bien réaliser que ces services font déjà l'objet d'une forte concurrence. Bien que nous ne les considérions pas comme telles, les télécommunications entre le Canada et les États-Unis sont elles aussi internationales et, dans cette mesure, les règles actuelles fonctionnent bien. Le fait que l'on ajoute maintenant le trafic intercontinental ne justifie pas, à notre sens, une modification du cadre législatif au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour remplir les obligations du Canada en vertu du GATS.

Nous faisons observer, en outre, que le ministre possède déjà des pouvoirs de régulation des câbles sous-marins internationaux, en vertu de la Loi sur les télécommunications, et des stations terriennes de télécommunication par satellite, en vertu de la Loi sur la radiocommunication. Nous nous demandons pourquoi il serait nécessaire de superposer encore un autre régime de licences.

Traditionnellement, les services de télécommunication au Canada étaient assurés par des monopoles en l'absence de tout régime de licences. Avec l'introduction de la concurrence dans divers créneaux du marché, le Conseil a utilisé les pouvoirs qu'il détenait initialement en vertu de la Loi sur les chemins de fer, puis ceux qu'il détient aujourd'hui en vertu de la Loi sur les télécommunications, pour établir les conditions d'une concurrence juste et durable dans ces marchés.

Si chacun est libre de penser ce qu'il veut des diverses décisions prises par le conseil—et nous savons avez quelle efficacité il fait les choses dans certaines situations—je ne pense pas que l'industrie considère, dans l'ensemble, que le Conseil manque de pouvoirs pour faire son travail. Dans ce contexte, nous nous demandons pourquoi il est nécessaire, à ce stade, d'ajouter un nouveau régime de licences. Nous pensons que c'est inutile.

Plus précisément, le Conseil a usé de ses pouvoirs actuels pour réglementer la concurrence dans divers segments du marché au moyen de deux mécanismes. Le premier est celui de l'interconnexion, par lequel le Conseil a autorisé de nouveaux entrants à se brancher sur les réseaux déjà établis d'autres télécommunicateurs. Le deuxième mécanisme est la revente et le partage d'installations et de services offerts par les titulaires.

Outre les pouvoirs de contrainte prévus dans le projet de loi, qui permettent au Conseil d'assurer le respect des exigences de la loi et des décisions du Conseil par les télécommunicateurs, le Conseil tient en main un très gros bâton, puisqu'il peut imposer la déconnexion des fournisseurs contrevenants, comme sanction ultime de la non-observation. Cela me paraît très proche d'une révocation de licence.

De la même façon, en ce qui concerne la revente et le partage, le Conseil peut ordonner aux sociétés fournissant les services à un revendeur d'arrêter ces services. Là encore, cela semble très voisin d'une révocation de licence.

Ainsi, le Conseil possède implicitement la capacité—même si elle ne porte pas le nom de pouvoir d'attribution de licences—d'immobiliser une société qui ne respecte pas les conditions qu'il juge bon de lui imposer.

• 1100

En 1993, lorsque la Loi sur les télécommunications a été promulguée, on a délibérément décidé de ne pas y englober les revendeurs. Je pense qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette décision à ce stade. Il n'y a pas de raison convaincante de le faire. Comme nous le disons, le Conseil a des pouvoirs réglementaires suffisants sur les revendeurs, même s'il ne peut les exercer que de manière un peu détournée. Nous ne souscrivons donc pas à la modification de l'article 24 de la loi pour y englober les fournisseurs de services de télécommunication ni à l'introduction d'un régime de licences général.

Les deux autres raisons par lesquelles d'aucuns essaient de justifier l'introduction d'un régime de licences sont de portée un peu plus étroite. Certains disent que d'autres pays ont des télécommunicateurs monopolistiques et que si nous n'avons pas un outil pour réglementer ces derniers et leur interaction avec nous, nous risquons de devenir victimes d'abus de leur part, particulièrement s'agissant de pays non membres de l'OMC.

Là encore, je rétorque que le conseil, de par son pouvoir en matière d'interconnexion, dispose des moyens voulus pour prévenir ce genre d'abus. La réalité est que si des moyens indirects sont utilisés pour contourner la législation canadienne, tous les pouvoirs d'attribution de licences du monde ne pourront pas nécessairement résoudre le problème; et si des moyens directs sont utilisés, le Conseil dispose déjà des instruments voulus.

L'autre argument avancé est que le Conseil pourrait vouloir autoriser des revendeurs à concurrencer les fournisseurs de services locaux et qu'il a besoin pour cela de moyens de les contrôler. La réalité est que le CRTC, dans sa décision sur la concurrence locale, a largement favorisé la concurrence entre propriétaires d'installations plutôt qu'entre propriétaires et revendeurs. Néanmoins, dans la mesure où le Conseil estime appropriée la mise en concurrence de revendeurs, il dispose encore une fois des outils nécessaires pour réguler cette concurrence, tout comme dans le cas de la revente d'autres services.

Enfin, il n'existe pas de besoin particulier d'imposer un régime universel, car nous ne croyons pas que les télécommunications internationales, du point de vue des pouvoirs du conseil, soient qualitativement si différentes des télécommunications intérieures. Si des problèmes très particuliers se posent, ou si le Conseil a besoin d'un pouvoir bien précis pour rectifier une situation, alors c'est cela qu'il y aurait lieu de prévoir dans le projet de loi, plutôt qu'un régime de licences généralisé.

En conclusion, les deux messages que nous voulons transmettre sont que le ministre possède déjà les pouvoirs de régulation voulus en matière de services internationaux, par le biais des licences de câbles sous-marins et de stations terriennes de télécommunication par satellite. Le Conseil dispose de tous les outils de contrôle dont il a besoin de par la Loi sur les télécommunications et de par le fait qu'il peut imposer les conditions d'interconnexion, de revente et de partage. Si l'on veut véritablement laisser jouer au maximum les forces du marché et assurer une régulation efficace là où elle est nécessaire, ainsi que l'exige la Loi sur les télécommunications, je ne pense pas que la superposition d'un autre régime de licences soit nécessairement la bonne façon de procéder.

Merci beaucoup de votre temps et de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Tacit.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Votre exposé m'a beaucoup intéressé.

Si j'ai bien compris, GeoReach est l'une des entreprises désireuses de livrer concurrence sur le marché des télécommunications internationales.

M. Christian Tacit: C'est juste.

M. Eric Lowther: Êtes-vous déjà implanté sur ce marché dans d'autres pays?

M. Christian Tacit: Non. GeoReach a des filiales étrangères, mais elle-même n'est en concurrence nulle part.

M. Eric Lowther: La substance de votre intervention aujourd'hui—et je vous demande confirmation pour la gouverne de tout le monde, et particulièrement de la mienne car je n'ai pas bien suivi tout ce que vous avez dit ce matin—est qu'un régime de licences n'est pas réellement nécessaire, car nous avons déjà en place tous les pouvoirs administratifs, aux mains du CRTC et dans la loi actuelle, pour contrôler les abus. Et que si des problèmes précis se posent, il faut plutôt prévoir des mesures ponctuelles pour les régler au lieu d'établir toute une nouvelle infrastructure, avec tous ses coûts et ses lourdeurs, pour contrôler quelque terrible circonstance inconnue qui pourrait survenir. Ai-je bien suivi?

• 1105

M. Christian Tacit: C'est juste. Voilà en gros le message. Le Conseil a les pouvoirs dont il a besoin et il s'en sert déjà. Dans la mesure où certaines choses sont difficiles à contrôler, elles ne seront pas plus faciles à contrôler parce que quelqu'un détiendra une licence. Si ce sont des choses contrôlables, en quelque sorte, le Conseil peut déjà ordonner aujourd'hui la déconnexion ou ordonner à un télécommunicateur propriétaire des installations de cesser d'offrir les services et installations à un revendeur s'il estime que les infractions sont suffisamment graves. En ce sens, ces pouvoirs sont déjà implicites dans la compétence du conseil.

M. Eric Lowther: Avez-vous une position sur les pouvoirs administratifs élargis que prévoit le projet de loi, en particulier en ce qui concerne le système de numérotation nord-américain et le financement pour l'autre aspect?

M. Christian Tacit: Nous préférons certainement que ce soit en des mains neutres et aux mains d'un organe comme le conseil, qui doit privilégier l'intérêt public, plutôt que de voir la numérotation sous le contrôle, par exemple, de l'un des concurrents sur le marché. Donc, dans la mesure où ces pouvoirs sont nécessaires, nous préférons qu'ils soient aux mains du Conseil plutôt que de voir la numérotation, par exemple, aux mains de Stentor.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lowther.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Je comprends votre position, mais si nous adoptons le projet de loi tel quel, avec le régime de licences, est-ce que cela causerait des problèmes majeurs à votre client? Est-ce que cela érigerait de réels obstacles sur son chemin ou bien est-ce uniquement le désagrément d'avoir à demander une licence?

M. Christian Tacit: J'aborde cela dans l'optique inverse. S'il y a un besoin avéré d'un régime de licences, alors il faut le mettre en place. Mais je ne pense pas qu'il faille partir de la prémisse inverse, en disant: «Ayons un régime de licences» à tout hasard, du moment que cela ne gêne pas trop.

La réalité est que tout régime de licences, même justifié, représente un facteur d'inefficience et un fardeau pour l'économie et les entreprises concernées, même si tout ce qu'il fait c'est retarder l'entrée sur le marché ou l'expansion ou engendrer des coûts de participation au processus, le coût de suivre ce que font tous les autres dans ce processus d'octroi de licences... car alors cela devient une espèce de jeu administratif où tout le monde surveille tout le monde, ce genre de choses. Pourquoi le faire, s'il n'y a pas au départ un besoin avéré?

M. Ian Murray: Certes, sauf qu'il existe une autre école de pensée qui considère que ce régime de licences est nécessaire. J'en reviens à ma question de savoir quelles seraient les répercussions pour votre client?

M. Christian Tacit: L'impact sur nous est très incertain, et l'incertitude est un très gros problème pour une société nouvelle comme GeoReach lorsqu'il s'agit d'attirer des capitaux.

M. Ian Murray: Ne serait-ce pas plus facile pour elle si elle peut obtenir une licence?

M. Christian Tacit: Pas nécessairement. Par exemple, en fin de compte, ce projet de loi—s'il est adopté tel quel—dit au Conseil de déterminer quelles catégories de services et fournisseurs il veut astreindre à une licence et lui donne carte blanche à cet égard. Pour une société qui cherche un financement aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement un message très rassurant. Il y a là beaucoup d'incertitude et rien n'est pire dans les affaires que l'incertitude.

Nous savons ce que sont aujourd'hui les pouvoirs du conseil. Nous avons la jurisprudence qui montre comment il les a exercés et, de cette façon, les parties, les consultants et les avocats peuvent raisonnablement conseiller leurs clients sur les risques réglementaires de l'activité commerciale au Canada. Mais ceci introduit une nouvelle strate de coûts et de complexité et cela pourrait interférer avec la capitalisation des nouveaux entrants. Cela ne fait aucun doute.

M. Ian Murray: Je suppose que quelque chose m'échappe. Je ne vois pas pourquoi cela est un si gros problème pour une entreprise qui aspire à se lancer dans ce secteur. Voulez-vous dire que les sociétés qui sembleraient non compétitives aux yeux du CRTC n'auraient pas la possibilité de se mettre sur les rangs, parce qu'elles se verraient exclues dès le début?

• 1110

M. Christian Tacit: C'est plus élémentaire que cela. Comme je l'ai dit, il y a l'incertitude quant à la façon dont cette législation sera mise en oeuvre si elle est adoptée sous sa forme actuelle. En outre, si l'on veut qu'elle soit correctement appliquée, le Conseil va devoir mettre en place un processus. Il va tenir des audiences publiques sur les catégories de licences, sur les conditions de licence et sur les fournisseurs de services qu'il conviendrait d'avoir. D'une certaine façon, cela va reproduire en double le processus déjà suivi actuellement par le Conseil au sujet de l'introduction de la concurrence dans les télécommunications internationales, sauf qu'il y aura le retard supplémentaire imposé par le redémarrage du processus.

La concurrence devrait être introduite en octobre 1998 et nous ne pensons pas qu'il soit raisonnable d'imposer aux candidats un retard supplémentaire. Cela va à tout le moins retarder l'entrée sur le marché. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.

M. Ian Murray: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Bonjour. Votre mémoire n'a été soumis qu'en anglais et cela me fâche. Je suppose que vous n'êtes pas une petite compagnie et que vous avez sûrement les moyens de vous adresser aussi aux parlementaires qui sont de langue française.

J'aimerais savoir qui est cette compagnie.

M. Eugène Bellemare: Ce n'est pas correct.

Mme Francine Lalonde: Quoi?

[Traduction]

La présidente: Mme Lalonde pose une question, je vous en prie.

M. Eugène Bellemare: Mais elle a fait une remarque sur la langue que je n'apprécie pas. Les gens qui viennent ici, quels qu'ils soient, s'ils ne représentent pas une institution fédérale, peuvent présenter leur mémoire soit en anglais soit en français.

[Français]

Si c'était un organisme francophone qui n'avait pas la capacité de faire traduire son texte en anglais, ce serait à nous d'y voir. Mais dire à un Canadien...

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas un Canadien; c'est une compagnie, monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: ...ou à une une compagnie canadienne qu'elle doit absolument faire plaisir à Mme Lalonde... C'est plutôt à nous, ici, d'avoir des services de traduction. Les gens qui viennent devant nous ont le droit de faire leur présentation dans une des deux langues officielles. S'ils ont la capacité de nous présenter des rapports dans les deux langues, tant mieux, et c'est ce que je préférerais, mais on ne doit pas les apostropher lorsqu'ils ne le font pas.

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur Bellemare. Moi, je respecte votre liberté de parole et je vous prie de respecter la mienne. Je maintiens qu'une compagnie qui prétend faire du transport international dans les communications est capable de soumettre son mémoire en français, et je vais le dire. Je ne l'ai pas dit hier à un monsieur dont j'ai oublié le nom, à cet éminent professeur d'université, parce que c'était un particulier. Mais pour ce qui est d'une compagnie, je regrette, mais je m'attends à ce qu'elle le fasse.

[Traduction]

M. Christian Tacit: Mon français n'est pas très bon.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Cela ne me dérange pas, monsieur.

[Traduction]

M. Christian Tacit: J'ai terminé cela hier soir. Si cela peut aider le comité, je peux fournir une traduction.

La présidente: Madame Lalonde, juste pour préciser les choses, chaque témoin a le droit de comparaître devant nous et de présenter un mémoire dans l'une ou l'autre langue officielle. Il n'est pas nécessaire que ce soit dans les deux langues.

Il y a un problème—le greffier et moi en avons parlé—avec la règle voulant que nous essayions de fournir une traduction. Il est très difficile de faire traduire les mémoires soumis dans une seule langue, car cela prend du temps. En raison des délais serrés... nous savons que vous êtes l'un de nos derniers témoins et vous n'avez pas eu le temps de faire cela. Je vous prie d'excuser l'absence de traduction.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur, expliquez-moi qui est GeoReach Telecommunications Inc.

[Traduction]

M. Christian Tacit: GeoReach Telecommunications est une société fondée par M. Mike Kedar dans le but de fournir des services de télécommunication internationaux une fois que le monopole de Téléglobe prendra fin.

Elle a pris part au processus de consultation lancé par Industrie Canada par un avis dans la Gazette du Canada, au cours des deux dernières années, et préconisé une plus grande libéralisation de ces marchés et l'ouverture à la concurrence. Elle participe actuellement à la procédure réglementaire du CRTC qui déterminera les conditions de la concurrence dans ce créneau du marché.

• 1115

[Français]

Mme Francine Lalonde: Êtes-vous déjà détenteur de câbles sous-marins ou si vous vous proposez d'utiliser...

[Traduction]

M. Christian Tacit: Pas GeoReach elle-même, mais l'une de ses filiales, TeleBermuda International, en possède.

[Français]

Mme Francine Lalonde: D'accord. J'aimerais questionner ce que vous dites relativement à la non-nécessité de licences, notamment pour les revendeurs. Vous dites que le CRTC, ne serait-ce qu'indirectement, a le pouvoir de débrancher s'il y a un manquement grave.

Gouverner, c'est prévoir. Le législateur doit prévoir. Or, notre responsabilité à nous est de nous assurer qu'en cette période de grands changements, les consommateurs n'aient pas de problèmes. Ce n'est pas de dire: S'il y a de graves problèmes, il pourra y avoir débranchement. Ce n'est pas une perspective qui peut être adéquate, d'autant plus que les Québécois et les Canadiens sont habitués à des services dans un régime qui est antérieur aux monopoles. Donc, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

[Traduction]

M. Christian Tacit: La réalité est que, qu'il y ait un régime de licences ou non, le Conseil doit décider à partir de quel moment l'intérêt du consommateur est suffisamment compromis pour justifier son intervention. Il est donc inévitable que le Conseil se dote d'un processus et fasse cette détermination, qu'il y ait un régime de licences ou non.

Je suis d'accord avec vous: il faut protéger le consommateur. Lorsque je dis «suffisamment compromis», je ne veux pas donner à entendre qu'il y a des façons moins graves de compromettre le consommateur. Ce n'est pas ce que je veux dire. Tout ce que je dis, c'est qu'un manquement, une conduite préjudiciable ou une négligence, tout ce que vous voulez, peut donner lieu à un éventail de sanctions, allant d'une réprimande jusqu'au débranchement. Si quelqu'un cause délibérément un préjudice aux consommateurs, nous ne nous attendons certes pas à ce que le Conseil le tolère, quel que soit le régime adopté.

Donc, si d'aucuns considèrent le régime de licences comme une solution facile, je ne suis pas d'accord car l'équité procédurale et la justice naturelle exigent de toute façon que le Conseil accorde une audition avant de révoquer la licence de quelqu'un. Il y a toutes les chances que d'autres parties veuillent intervenir aussi. Ce n'est donc pas un mécanisme automatique où le Conseil dirait: oh, vous vous êtes mal conduit, demain on vous ferme. Quel que soit le régime, il y a toujours une décision à prendre. Nous ne contestons pas que le Conseil devrait avoir le pouvoir de prendre cette décision, nous disons simplement qu'il en a déjà les moyens et qu'un mécanisme supplémentaire n'est pas nécessaire.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question, parce que c'est juste un cas de manquement grave. Quand on octroie une licence, on octroie un privilège à une entreprise contre des engagements. Elle sait, quand elle a une licence, quelles conditions elle doit remplir. Donc, ce n'est pas la même chose qu'un marché où, tant qu'on n'est pas vu, on n'est pas pris, un marché où tant qu'il n'y a pas suffisamment de plaintes, on reste en affaires. Il me semble que dans un domaine aussi important pour la protection des renseignements personnels, les règles du jeu doivent être claires et que ce n'est qu'à cette que condition que les services privés, qui partent d'un bien public, peuvent être utilisés.

D'ailleurs, ACC est venu nous demander que les revendeurs soient couverts par une licence. C'est, quant à eux, la bonne façon de s'assurer que le marché soit équitable.

[Traduction]

M. Christian Tacit: Votre question contient deux parties et je vais essayer d'y répondre tour à tour.

Tout d'abord, les télécommunicateurs concurrentiels sont obligés aujourd'hui de s'identifier en s'enregistrant auprès du Conseil et auprès des autres télécommunicateurs dont ils achètent les services.

• 1120

Je ne pense donc pas que le fait de posséder une licence ou non permette aux télécommunicateurs de se cacher. Tout transporteur non déclaré enfreindrait la loi de toute façon, et ce moyen de contrôle existe donc déjà. Le seul fait qu'il possède un bout de papier ni ne facilite ni ne complique le contrôle d'application. Cela ne donne pas automatiquement au Conseil la faculté de voir plus clairement ce que font les titulaires.

Et les règles du régime actuel sont connues. Un régime est en place. Il est relativement clair. Je le connais, c'est mon métier de conseiller, et je peux dire à mes clients en quoi il consiste. Mais je ne peux pas leur dire ce que ce régime de licences signifiera pour eux, et c'est là tout le problème de mon client.

Pour ce qui est de la requête particulière d'ACC, nous n'avons certainement aucune objection à ce que les marchés locaux soient ouverts aux revendeurs. Ce n'est pas notre position et nous n'avons aucune objection à cela. Je pense que le problème d'ACC vient du fait qu'elle estime avoir été laissée sur la touche par la décision sur la concurrence locale et elle cherche un moyen de réintégrer la partie. Il appartiendra au Conseil de décider si, en tant que revendeur, cette société pourra participer ou non à ce marché de telle ou telle façon.

Je ne pense pas qu'un régime de licences soit nécessaire pour cela, d'une façon ou d'une autre. De fait, ACC a déposé devant le Conseil une demande de révision et de modification de la décision sur la concurrence locale de façon à lui permettre de livrer concurrence sur ce marché dans des conditions de plus grande égalité par rapport aux télécommunicateurs propriétaires des installations. Si sa demande aboutit, une licence sera redondante et si elle n'aboutit pas, cela m'indique que le Conseil est peu susceptible de créer une catégorie de licences qui permette à la société de faire ce qu'elle souhaite, de toute façon. Encore une fois, je ne vois pas l'avantage.

[Français]

La présidente: Merci, Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Merci, Monsieur.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Tacit, je tiens à vous remercier d'être venu nous voir. Je sais que vous n'avez eu qu'un bref préavis et nous apprécions votre exposé. Il a jeté un nouvel éclairage sur le sujet.

M. Christian Tacit: Thank you very much. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Puis-je demander à M. Denton, de l'Association canadienne des fournisseurs Internet de venir prendre place à la table des témoins? Je crois savoir que le greffier est en train de reproduire le mémoire de M. Denton et les copies ne sont pas encore arrivées. Nous les aurons sous peu.

Là-dessus, monsieur Denton, je vous invite néanmoins à commencer. Nous avons pris un peu de retard.

M. Timothy Denton (conseiller, Association canadienne des fournisseurs Internet): Bonjour, mesdames et messieurs. Good morning, ladies and gentlemen. Je suis Timothy Denton et je suis le conseiller en matière de réglementation de l'Association canadienne des fournisseurs Internet. L'association est couramment connue dans le milieu sous son sigle ACFI.

Fondée début 1996, l'ACFI est la principale organisation nationale représentant les fournisseurs commerciaux de services Internet. Nous englobons tous les grands fournisseurs nationaux et régionaux de services Internet du pays. Nous comptons aujourd'hui plus de 80 entreprises adhérentes, qui assurent probablement environ 80 p. 100 du trafic Internet du pays. Nos membres sont des compagnies de téléphone, des filiales de compagnies de téléphone, des fournisseurs de services Internet indépendants et des câblodistributeurs et d'autres désireux d'offrir des services d'accès à l'Internet.

Vous trouverez sur notre site Web, à l'adresse «caip.ca» des renseignements complets sur nos adhérents, nos politiques, notre conseil d'administration, nos réunions et tout ce que vous voudrez savoir. Notre mémoire vous renseignera également, lorsque vous le recevrez.

Vu les contraintes de temps, je vais aborder les préoccupations des membres de l'ACFI par rapport au projet de loi C-17. Nous ne traiterons pas de la réorganisation et de l'aliénation de Téléglobe Canada, ni des parties relatives à la certification du matériel. De même, nous n'aborderons pas le pouvoir conféré au CRTC relativement au plan de numérotation nord-américain.

Quelle est donc notre préoccupation? Nous sommes préoccupés par le régime de licences qui est au coeur de la nouvelle Loi sur les télécommunications proposée. On le trouve aux projets d'articles 16.1 et suivants du projet de loi C-17. Nous avons trois remarques à faire valoir concernant le projet de loi.

• 1125

Premièrement, le régime de licences inverse la politique antérieure de libre accès au marché. Le projet de loi va à l'encontre de l'orientation introduite par l'ancienne Loi sur les télécommunications de 1993, qui libéralisait l'entrée sur le marché des télécommunications. Sous ce régime, celui que le projet de loi C-17 remplacerait, si une personne souhaite s'établir dans le secteur des services de télécommunication, il lui suffit de se conformer aux règles de propriété canadienne. La personne n'a pas besoin d'une autorisation de l'État. En ce sens, le projet de loi va à l'encontre de la tendance générale à la libéralisation du commerce. Nous n'avons connaissance non plus d'aucun débat public sur l'opportunité de remplacer la clé de voûte de l'ancienne loi, sur les raisons de recourir à ces instruments et sur la nature du problème que l'on veut résoudre.

Deuxièmement, le projet de loi élargit considérablement le potentiel de régulation des services basés sur l'ordinateur. Le projet de loi dit qu'une licence n'est requise que si la personne souhaite offrir des services de base, mais le sens de cette expression n'est pas défini dans le projet de loi. «Service de base» est défini dans les traités que le Canada a signés et le CRTC a également attribué un sens au terme. De manière générale, dans le secteur des télécommunications, le terme a le sens de communications en temps réel, où le contenu dans la transmission n'est manipulé en aucune façon au-delà de ce qui est nécessaire pour que le signal puisse être envoyé ou reçu.

Au service de base s'oppose le «service amélioré», qui est généralement défini comme tout ce qui est en plus du service de base. Le genre de services offerts par les fournisseurs Internet, au long de leur courte existence, ont toujours été considérés comme des services améliorés.

Pourquoi sommes-nous préoccupés, dans ce cas? La première raison est que la notion de service de base est un concept réglementaire et politique flexible susceptible d'élargissement. Nous avons relevé, par exemple, que dans le rapport final du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, en 1995, la définition de «service de base» est considérée comme pouvant être élargie. En outre, comme l'Accord de libre-échange canado-américain le prouve, «service de base» a le sens que lui attribue l'autorité réglementaire. L'autorité réglementaire compétente définit le terme. Nous n'avons donc aucune assurance que le CRTC continuera à appliquer les limites actuelles à la notion de «service de base».

Les fonctionnaires vont et viennent mais la loi demeure. L'absence de définition dans le projet de loi donne au CRTC carte blanche pour étendre ses activités réglementaires comme bon lui semble. Notre crainte d'un élargissement du champ réglementaire autorisé par le projet de loi est encore confirmée par la nouvelle définition de «fournisseur de services de télécommunication». On lit dans le projet de loi:

    «fournisseur de services de télécommunication»: la personne qui fournit des services de télécommunication de base, y compris au moyen d'un appareil de transmission exclu;

Je ne citerai pas la définition de «appareil de transmission exclu» de la Loi sur les télécommunications. En substance, il s'agit des ordinateurs. On peut simplifier en disant que la Loi sur les télécommunications actuelle exclut les ordinateurs du champ d'application de la loi. Ils ne sont pas considérés comme une installation de transmission, le terme technique qui est au coeur de ce que le CRTC est autorisé à réglementer.

Si l'on considère ces deux facteurs ensemble—une définition flexible de «service de base» laissée à la discrétion de l'autorité réglementaire et l'élargissement de la Loi sur les télécommunications aux ordinateurs, soit aux «appareils de transmission exclus»—le potentiel d'une expansion réglementaire devient énorme.

Nous en venons ainsi, troisièmement, à la nature du problème. La question clé à poser est de savoir pourquoi. Quel est le problème à résoudre? Du côté gouvernemental on nous dit qu'il faut contrôler les revendeurs internationaux afin que les Canadiens n'envoient pas leur argent à l'étranger sous forme de grosses subventions cachées à des compagnies téléphoniques étrangères inefficientes. C'est bien joli, mais pourquoi choisir ces outils-là? La renégociation des taux de règlement internationaux serait peut-être une mesure plus appropriée.

• 1130

Ce qui inquiète l'ACIF, c'est l'absence de liens apparents entre les objectifs implicites de la législation et l'expansion potentiellement énorme de l'activité réglementaire rendue possible par ce libellé excessivement vague. Nous ne voyons aucune raison convaincante de remplacer soudainement le régime de télécommunication libéralisé établi en 1993 par un régime de licences qui, du moins potentiellement, pourrait être élargi aux services basés sur l'ordinateur.

Voilà qui conclut mon exposé, mesdames et messieurs. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

[Français]

Je suis disponible pour répondre aux questions que vous aurez à me poser.

[Traduction]

Je vous remercie, mesdames et messieurs.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Denton.

Je pense que le greffier va vous demander votre exemplaire pour faire de nouvelles copies. Il n'en avait fait qu'une pour les interprètes.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Monsieur Denton, vous vous êtes surtout concentré, dans votre intervention, sur le régime de licences. Vous avez demandé quel besoin légitime existe à cet égard? Je n'ai pas très bien saisi si vos remarques intéressent les licences intérieures ou internationales. Contestez-vous la nécessité de licences même au niveau international?

M. Timothy Denton: Je pense que la question des licences internationales est en dehors du champ des intérêts commerciaux ou autres de l'ACFI. Je ne pense pas qu'il soit opportun pour moi de sortir du champ de notre mandat particulier.

M. Eric Lowther: Bien.

M. Timothy Denton: Il peut y avoir des raisons légitimes d'avoir ces licences, mais je ne les connais pas. On nous les expliquera peut-être.

En ce qui concerne l'entrée sur le marché intérieur des sociétés canadiennes ou des fournisseurs de services Internet, nous recherchons un régime de libre accès au marché des services Internet. La législation actuelle, ou l'absence de réglementation actuelle, est parfaitement appropriée.

Ce que je veux faire ressortir dans tout cela, c'est que tout le développement de l'informatique et de la télématique et les progrès technologiques fantastiques que nous avons vus sont intervenus dans un environnement totalement libre de réglementation étatique. Toute l'évolution des ordinateurs, et l'Internet n'est rien d'autre que des ordinateurs reliés entre eux—est intervenue en dehors du champ réglementaire. Il vaut la peine d'y réfléchir lorsqu'on songe à la différence entre le secteur téléphonique traditionnel, qui connaît une mutation rapide pour s'adapter à cette révolution dans les affaires, et le secteur informatique qui est à l'origine de tout cela. Nous n'aimerions pas voir ces formes d'innovations et de progrès soumis de quelque manière à un régime de licences.

La présidente: Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: J'aimerais que vous reveniez en arrière et m'expliquiez le point ou les deux points principaux sur lesquels nous devrions nous concentrer, de l'avis de votre association.

M. Timothy Denton: Ce qui est à retenir, c'est que nous ne voulons pas que l'entrée sur le marché des services Internet soit réglementée, d'aucune manière. C'est pourquoi nous sommes très préoccupés par la définition de service de base dans le projet de loi, c'est-à-dire l'absence de définition. Ce qui est considéré comme service de base peut être étendu au fil du temps. On considère aujourd'hui certaines parties de la câblodistribution, par exemple, comme service de base. C'est un ballon de pouvoirs réglementaires gonflable. Le CRTC décide lui-même ce qu'est un service de base. Il le fait parce qu'il n'y a pas de définition dans la loi. Par conséquent, il peut décider du jour au lendemain qu'un certain niveau de service Internet est un service de base et voilà, nous sommes soumis à un régime de licences. Donc, notre premier souci est d'obtenir une définition de service de base.

• 1135

M. Walt Lastewka: Est-ce que le CRTC définit ce qu'est un service de base, à l'intention de vous-même et d'autres usagers?

M. Timothy Denton: L'expression a un sens dans la profession. Mais je n'ai pas encore vu de définition juridique. Les définitions dans les divers traités peuvent légèrement différer. En gros, on admet qu'il s'agit de la communication en temps réel d'un signal par un canal de transmission, sans modification autre que ce qui est nécessaire pour l'acheminer. Il n'y a pas de valeur ajoutée, on ne fait que transmettre un signal.

Encore une fois, du fait de l'absence de toute définition de ce terme, on pourrait à l'avenir y englober de nouvelles gammes de services dont les Canadiens bénéficient au domicile ou dans l'entreprise. Nous avons déjà vu que lorsque le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information a publié son rapport en 1995, il a fait valoir les possibilités d'élargissement du terme «de base», notant qu'un service considéré aujourd'hui comme entièrement optionnel ou encore tout à fait inconnu pourrait devenir classé service de base au fur et à mesure que davantage de ménages s'y abonnent.

Chaque fois que l'on délègue des pouvoirs à un organisme réglementaire, c'est une sorte de programme de gouvernement. Il convient, à mon sens, de donner à cet organisme une idée claire de ses limites, si l'on veut avoir une loi claire. Il ne s'agit donc pas que ce ballon gonflable de «service de base» puisse devenir le prétexte à un élargissement de compétence. Il faudrait se demander dans ce cas pour quelle raison accroître les pouvoirs de cet organisme, et il m'apparaît nécessaire d'avoir une loi claire.

Cela répond-il à votre question?

M. Walt Lastewka: Oui. Y a-t-il d'autres aspects sur lesquels vous voulez attirer l'attention du comité?

M. Timothy Denton: Je pense que le principe d'un régime de licences et le ballon gonflable de la définition de «base» sont les deux éléments essentiels.

M. Walt Lastewka: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie.

[Français]

Madame Lalonde, avez-vous une question?

Mme Francine Lalonde: L'Internet lui-même est un réseau qui devient de plus en plus puissant, et même les normes récemment décidées par le ministre montrent que le but visé est éventuellement de transmettre à partir de la télévision.

On sait que la politique, c'est la convergence. De plus en plus, l'Internet ne sera plus cette communication entre deux personnes qui, dans leurs sous-sols respectifs, jouent sur leurs ordinateurs.

Je comprends l'article 1 de cette manière, d'autant plus que «appareil de transmission exclu» comprend la commutation des télécommunications. Quant à moi, c'est beaucoup plus large que cette communication entre deux appareils privés. Les commutateurs sont un ensemble d'ordinateurs, c'est vrai, mais les commutateurs, surtout avec le développement rapide, doivent être compris dans l'article 1 à titre d'installations physiques.

Pourriez-vous définir de façon plus précise ce que vous voudriez voir exclu?

[Traduction]

M. Timothy Denton: Du régime de licences prévu?

Mme Francine Lalonde: Oui.

M. Timothy Denton: Je pense qu'il faut définir les services de base, car la loi vise les services de base. Je pense donc qu'il faut une plus grande précision. Vous avez mis le doigt sur le noeud du problème. Si les appareils de transmission exclus sont réellement, pour schématiser, les ordinateurs et si vous avez une définition de «service de base» susceptible d'être élargie pour englober les appareils de transmission, vous pouvez voir qu'il y a là un effet de gonflement potentiel énorme du contrôle réglementaire gouvernemental. Il s'agirait alors de savoir, tout d'abord, quel est le problème que l'on veut résoudre, puis de quelle manière ces instruments règlent le problème, et par voie de conséquence l'opportunité de cette législation.

• 1140

[Français]

Pour ma part, je n'ai pas entendu d'arguments convaincants quant à la nécessité de ce régime. On n'a pas encore eu un débat public sur cette question. On n'a pas vu, dans des rapports gouvernementaux, d'efforts pour persuader la nation que le gouvernement a besoin de ces pouvoirs. Si, par exemple, comme vous l'avez dit, l'Internet devenait un moyen d'envoyer des signaux de télévision, il se pourrait que le gouvernement, à l'avenir, ait besoin de réglementer la télévision par les systèmes d'ordinateurs, mais je voudrais qu'il y ait un débat public parce que c'est énormément important. On n'a pas encore eu une explication de l'octroi de ces pouvoirs au CRTC.

Ai-je répondu à votre question?

Mme Francine Lalonde: Il me semble que vous dites que c'est possible qu'il y ait un besoin, mais que vous aimeriez qu'il y ait d'abord un débat. Vous ne dites pas qu'il n'y a pas de besoin.

M. Timothy Denton: Je ne prends pas position là-dessus. J'ai mes vues, mais je me contenterai de signaler que c'est une question importante.

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie, madame Lalonde.

Merci beaucoup, monsieur Denton, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous apprécions vos remarques sur l'Internet et vos connaissances.

M. Timothy Denton: Je vous remercie, madame la présidente, et merci messieurs.

La présidente: Nos prochains témoins représentent le CRTC.

Tout le monde a-t-il le texte de leur mémoire? Le mémoire est bilingue, si vous le retournez. Le recto est en anglais et le verso en français, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué.

Le CRTC est représenté par plusieurs témoins aujourd'hui. J'ai cinq noms et je vois quatre personnes, et je vais donc vous demander, monsieur Colville, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, je vous prie. Allez-y, lorsque vous serez prêt, et prenez votre temps.

M. David Colville (vice-président, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Bonjour. Je me nomme David Colville et je suis le vice-président chargé des télécommunications du CRTC. Je suis accompagné ce matin de mon conseiller juridique, Allan Rosenzveig, du conseil; de Leo Mevel, de la Direction des télécommunications du CRTC; et de Cynthia Stockley, également de la Direction des télécommunications du conseil.

Je tiens d'abord, au nom du conseil, à vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Je veux souligner d'emblée que le Conseil souscrit sans réserve aux dispositions du projet de loi dans leur libellé actuel, en particulier aux modifications relatives aux pouvoirs et fonctions du Conseil de la Loi sur les télécommunications.

• 1145

Comme vous le savez, le Conseil a pris ces dernières années des mesures importantes afin d'ouvrir le marché des télécommunications à la concurrence, non pour le plaisir de la concurrence mais bien en raison des avantages que cette dernière apportera aux consommateurs canadiens et à l'économie canadienne en général. L'entrée en vigueur de l'AGCS dans le secteur des télécommunications de base marquera l'avènement d'un nouvel environnement de plus en plus concurrentiel pour l'industrie des télécommunications internationales au Canada, avec l'arrivée sur la scène de nombreux nouveaux acteurs. Le nouveau régime de licences qui est proposé dans le projet de loi donnerait au Conseil les outils dont il a besoin pour assurer que les objectifs de la Loi sur les télécommunications continuent d'être atteints dans ce nouvel environnement. Il permettrait en particulier au Conseil d'assurer que les entreprises de télécommunication étrangères sont assujetties aux mêmes règles que les entreprises canadiennes, ces règles étant conçues de manière à n'avantager personne. De plus, il permettrait au Conseil d'exécuter cette tâche avec le minimum d'interventions dans le marché.

Le régime de licences qui est proposé consiste en un pouvoir d'autoriser des catégories de services et de fournisseurs de services. Nous pensons que ce pouvoir s'impose pour remplacer des outils plus classiques qui deviendront inefficaces avec la fin du monopole de Téléglobe sur les installations de transmission Canada-outre-mer.

Les dispositions du projet de loi prennent également en compte l'évolution de l'environnement canadien. Par exemple, avec l'avènement de la concurrence, il n'est plus approprié que les compagnies de téléphone gèrent la numérotation. Il conviendrait mieux qu'une tierce partie se charge de cette fonction sans incidence sur la concurrence, conformément aux engagements du Canada dans le cadre de l'AGCS.

L'industrie elle-même élabore des mécanismes à cette fin, mais elle a dû emprunter pour cela des moyens détournés sous le régime de la loi actuelle. En particulier, étant donné que les tierces parties qui géreraient les codes de centraux et la transférabilité des numéros, éléments essentiels de la concurrence locale, ne sont pas des entreprises de télécommunication canadiennes, elles ne sont pas du ressort direct du conseil. Les fonctions qu'elles assument sont indispensables pour le maintien de télécommunications efficientes et efficaces au Canada. Il est donc important de préciser, comme le prévoit le projet de loi, que le Conseil a le pouvoir d'assurer que ces services fondamentaux sont gérés dans l'intérêt public, à l'avantage de tous les Canadiens.

Je passe maintenant à l'alinéa 46.1(1)b), qui habiliterait le Conseil à gérer certaines autres activités désignées par décret.

Tout comme il a fallu établir un mécanisme sans incidence sur la concurrence pour les ressources relatives à la numérotation et un fonds pour appuyer le maintien de l'accès au service téléphonique de base, il se révélera probablement nécessaire, dans cet environnement en mutation rapide, d'établir des mécanismes semblables pour d'autres questions. Comme vous le savez, le Conseil a rendu cette année une décision historique établissant un cadre de concurrence dans la fourniture du service téléphonique local au Canada. Cette évolution dans le marché a exigé une restructuration de la manière dont certains services de télécommunication étaient offerts jusqu'ici. Par exemple, des bases de données sur les abonnés servent à produire les annuaires téléphoniques et à fournir le service d'assistance-annuaire. Ce sont les compagnies de téléphone qui, dans le passé, ont constitué et tenu à jour ces bases de données. Avec l'avènement de la concurrence dans la téléphonie locale, il pourrait falloir repenser cette approche. Certaines parties examinent déjà la possibilité de créer une base de données nationale.

Deuxième exemple, les compagnies de téléphone tiennent actuellement une base de données pour filtrer les numéros, qui sert à prévenir l'utilisation frauduleuse du réseau téléphonique. Il se pourrait fort bien qu'une base de données nationale s'avère un mécanisme plus efficace pour fournir de tels services à toutes les entreprises de télécommunication. Peut-être que ces bases de données ne devraient pas être gérées ou administrées par un seul fournisseur de services.

• 1150

Le fait qu'une compagnie de téléphone ne puisse plus gérer ces services n'atténue en rien l'importance que le Conseil soit en mesure de faire en sorte que ces services essentiels soient fournis dans l'intérêt des Canadiens. Le service 911 pourrait constituer un troisième exemple. Dans l'avenir, avec la présence de nombreux concurrents dans le marché local, une gestion centrale pourrait s'imposer, de façon à garantir l'accès universel et fiable à ce service d'urgence crucial.

Comme mes observations l'auront fait ressortir, du moins je l'espère, il y aura probablement dans l'avenir d'autres fonctions qui exigeront une démarche semblable à celle qui a été proposée pour la gestion des ressources relatives à la numérotation et du fonds central, une démarche qui ferait appel à un tiers administrateur, neutre à l'égard des concurrents, et assujetti à la surveillance du conseil. Il s'agit ici d'établir une micro-réglementation moindre de la part du conseil. Ainsi, une tierce partie pourrait, le cas échéant, se charger de certaines activités, sans déformer la concurrence, et sous la supervision générale du conseil. Cette disposition n'est pas trop générale. Elle précise bien que les activités doivent être liées à la fourniture de services de télécommunication par des entreprises canadiennes.

Pour ce qui est de l'article 46.6, qui porte sur le fonds, je tiens à souligner que ce fonds de l'industrie remplira deux fonctions fondamentales et importantes. Premièrement, il fournira un appui, de sorte que les tarifs du service téléphonique local de base puissent rester abordables. Deuxièmement, il incitera les entreprises à offrir un service local fiable et de haute qualité dans les régions rurales et isolées.

Avec l'avènement de la concurrence locale, il est approprié que les subventions qui passent de certains services de télécommunication et fournisseurs de services jusqu'aux fournisseurs de service de base local soient administrées par une tierce partie neutre plutôt que par les compagnies de téléphone elles-mêmes.

En dernier lieu, je voudrais signaler l'article 22, qui modifierait la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada relativement aux accords ou ententes de Téléglobe avec des télécommunicateurs étrangers. Cette disposition assurera la continuité en portant que Téléglobe n'a pas besoin d'obtenir l'approbation préalable du Conseil pour les accords ou ententes déjà en place au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi. Elle n'empêcherait toutefois pas le Conseil de réexaminer ces accords ou ententes, le cas échéant.

Voilà les remarques initiales que je voulais faire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Colville.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Oui. J'aimerais attirer votre attention sur l'article 46.1 proposé. Je crois que vous venez d'en faire état. J'aimerais que le Conseil nous dise pourquoi il est formulé de manière aussi floue. Je veux même vous lire une partie de son libellé, là où il est dit que «Le Conseil peut gérer», après quoi on trouve une série d'éléments. Passons à l'alinéa 46.1(1)b):

    b) toutes autres activités liées à la fourniture, par une entreprise canadienne, de services de télécommunications désignés par règlement du Gouverneur en conseil.

Cela ouvre tout grand les portes.

Voyons plus loin le projet de paragraphe 46.1(2) qui dit également que le Conseil «peut trancher toute question et rendre toute ordonnance en ce qui touche...». On lit plus loin, «... les activités au paragraphe (1)». Si on remonte à ce paragraphe (1), cela signifie toutes les activités liées à la fourniture de services de télécommunication. Donc, en gros, cela s'applique à tout décret, tout service.

Très brièvement, et si vous me le permettez, madame la présidente, passons au projet de paragraphe 46.2(1), qui dispose:

    Le Conseil peut, par écrit et aux conditions qu'il précise, déléguer à toute personne qu'il désigne, y compris tout organisme qu'il crée à cette fin, tout pouvoir que lui confère l'article 46.1.

Ensuite, s'agissant de cet organisme, on lit dans le paragraphe suivant:

    Pour l'application des articles 62 et 63, toute décision du délégataire est réputée être une décision du Conseil.

Cela me paraît être un pouvoir énormément vaste qui est conféré au conseil, pouvoir qui n'est circonscrit par rien et qui, en outre, peut être délégué à quiconque ou à n'importe quel organisme que le Conseil décide de créer.

• 1155

Dans la pratique, cela revient à créer, ou à autoriser dans la loi, toute une nouvelle série de mini-CRTC, comme des intervenants précédents l'ont souligné. Cela me paraît être un pouvoir écrasant que vous inscrivez dans la loi et je ne comprends pas pourquoi il est si large. Pouvez-vous nous donner une idée de la raison pour laquelle vous avez fait cela?

M. David Colville: La meilleure approche serait peut-être de vous expliquer ce que sont nos préoccupations et nos objectifs à cet égard.

Comme nous l'avons indiqué, nous essayons de rendre l'environnement canadien plus concurrentiel. Parallèlement, nous essayons d'établir un cadre où le Conseil lui-même intervient moins dans les décisions administratives et techniques au jour le jour. Nous pensons donc, de manière générale, qu'il faut laisser l'industrie elle-même s'occuper de l'administration au jour le jour de tous ces éléments—j'entends par là les acteurs de l'industrie en concertation entre eux.

De fait, suite à notre décision sur la concurrence locale, nous avons mis sur pied un certain nombre de comités—de comités de l'industrie—dans lesquels les entreprises se retrouvent pour régler bon nombre de ces questions. Je signale d'ailleurs que cela fonctionne extrêmement bien et je pense que tous les intéressés du secteur privé le reconnaîtront. En gros, il s'agit donc de permettre que cette concertation s'opère sur le marché, en quelque sorte, et nous pensons que c'est une approche préférable.

Dans la loi, nous réservons un sort particulier au numérotage, et c'est manifestement là un domaine où il faut intervenir si l'on veut que la concurrence locale puisse jouer, par exemple en permettant que les numéros de téléphone soient transférés d'un concurrent local à un autre.

Il y a donc, comme je le disais dans ma déclaration liminaire, plusieurs autres domaines dont nous savons que nous devrons nous occuper, et nous le ferons par le biais du même type de structure: la gestion des diverses bases de données, qui devront être gérées à l'échelle nationale et dans un environnement plus concurrentiel, des choses comme le 911. Il y a d'autres domaines encore qui vont probablement surgir prochainement, par exemple les logiciels commandant les échangeurs qui permettent l'interconnexion de ces différents réseaux.

Nous pensons donc qu'il nous faut posséder le pouvoir, la capacité, d'englober ce genre de choses dans ce même cadre, permettre à l'industrie de régler ces questions par concertation tout en laissant au Conseil le pouvoir de supervision voulu pour assurer que les choses se font.

M. Allan Rosenzveig (avocat général, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Si je puis ajouter un petit mot, une précision juridique, à moins que la loi n'autorise expressément le Conseil à déléguer ses pouvoirs, il ne peut le faire dans les règles. Si nous voulons mettre en place un système où une tierce partie neutre, plutôt que les compagnies téléphoniques elles-mêmes ou le Conseil lui-même, assure le travail au jour le jour, il nous faut ce pouvoir de délégation exprès. Le fait qu'il s'agisse d'une décision du Conseil donne aux gens un recours auprès du conseil, la décision devient un document public comportant ce genre de conséquences.

M. David Colville: Je comprends que vous trouviez l'alinéa 46.1(1)b) quelque peu flou. Le problème est en partie dû au fait que les domaines que nous voulons couvrir ne se limitent pas à la numérotation. Cette dernière est couverte dans l'alinéa 46.1(1)a).

• 1200

Le problème est qu'il est difficile à ce stade de définir précisément ces autres domaines qu'il faudra couvrir, si l'on veut que cet environnement concurrentiel puisse fonctionner de manière équitable pour tous les acteurs du marché et pour que des services, comme le service d'urgence 911, par exemple, continuent d'être offerts au public.

Comme je l'ai dit, généralement parlant, il s'agit d'aspects tels que les bases de données, la gestion des systèmes de logiciels, etc., qui permettent l'interconnexion et l'interopérabilité de ces réseaux.

Je ne pense pas que nous soyons en mesure de prendre des décisions sur beaucoup de ces choses. Il vaut mieux s'en remettre à l'industrie. Nous pensons simplement qu'il nous faut ce pouvoir général de surveillance.

M. Eric Lowther: J'aimerais répondre brièvement à cela.

Ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je ne mets pas en doute les motifs du CRTC. La raison de nos critiques ici, au comité, est qu'il s'agit là d'un texte de loi et, comme quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, les acteurs vont changer au fil du temps. Ma préoccupation tient au fait que cette loi peut être interprétée de façon tellement variable, d'une manière qui laisse le champ libre à l'industrie, mais elle peut aussi être interprétée dans un sens totalement différent, sana aucunement contrevenir à sa lettre. Cela me soucie réellement.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lowther.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour. Merci pour votre présentation. J'ai quelques questions à vous poser, qui découlent de présentations d'autres témoins que nous avons entendus depuis quelques jours.

Les entreprises canadiennes qui sont sur le marché canadien ont soulevé une réserve quant à l'application du régime de licences non seulement au marché international, mais également au marché canadien. Elles ont suggéré, autant pour un régime international que pour un régime intérieur, qu'il y ait ce qu'ils ont appelé un «sunset clause»; c'est-à-dire que le pouvoir du Conseil d'établir un régime de licences prendrait fin en 1999, si je ne me trompe pas. Ce serait un pouvoir qui existerait seulement pour deux ans au maximum. J'aimerais savoir si vous avez des commentaires à cet égard.

Un autre témoin a soulevé la question des contrats existants de Téléglobe et a dit qu'il s'inquiétait de ce que le CRTC n'ait pas vraiment le pouvoir de réexaminer ces contrats après l'adoption et la proclamation de C-17.

Ils ont suggéré, en ce qui a trait à Téléglobe, le «grandfathering» de certains contrats. L'entreprise étant un monopole, ils n'ont pas accès aux contrats dont Téléglobe dispose actuellement ou qu'elle a déjà conclus avec d'autres entreprises au niveau international. Ils n'ont aucune façon de vérifier si l'existence de ces contrats pourrait défaire l'objectif même du projet de loi C-17, dans le sens que le marché international serait un monopole pendant un certain nombre d'années après la proclamation de cette loi.

Donc, ils étaient très préoccupés par le fait que, possiblement, le Conseil n'aurait pas le pouvoir, dans l'intérêt public, de réexaminer ces contrats, d'ordonner des changements, etc. J'aimerais que vous commentiez cette question-là.

Ma troisième question a trait aux revendeurs. On a reçu des représentants de revendeurs, ou du moins d'une compagnie qui souhaitait être réglementée, contrairement aux compagnies qui sont déjà «réglementées» au niveau international et aux compagnies intérieures qui ne souhaitent aucunement être réglementées. Il s'agit de Téléglobe. Les compagnies qui travaillent seulement dans le marché intérieur ne souhaitent aucunement être réglementées et voudraient que le marché reste libre et que la concurrence détermine les «règlements» de ce marché. Donc, j'aimerais entendre vos commentaires sur cette question-là, plus particulièrement en ce qui a trait à la question des revendeurs.

• 1205

On nous a fait des présentations disant que, sans qu'on étende la juridiction qu'accorde la loi actuelle au Conseil, ce dernier avait déjà le pouvoir de réglementer les revendeurs s'il le souhaitait.

[Traduction]

M. David Colville: Bon, je vais essayer de répondre dans l'ordre.

Votre première question porte sur la temporisation.

Mme Marlene Jennings: Oui.

M. David Colville: Je comprends le point de vue de ceux qui aimeraient une clause de temporisation, mais le problème que l'on rencontre, lorsqu'on ouvre un nouveau marché à la concurrence, c'est qu'une fois que l'on a laissé le génie sortir de la bouteille, on ne sait pas où il va aller, ni à quelle vitesse.

Lorsque nous avons ouvert le marché interurbain à la concurrence en 1992, beaucoup de gens pensaient qu'il faudrait une quinzaine d'années avant que certains des nouveaux entrants atteignent une envergure telle que l'on ait véritablement une concurrence viable dans ce marché. En réalité, les choses sont allées beaucoup plus vite que prévu. Les concurrents se sont taillé une part de marché plus grande que prévue et beaucoup plus vite que prévu et les prix sont tombés beaucoup plus vite que prévu.

La difficulté qu'il y a à définir une limite de temps, quelle qu'elle soit, c'est que nous n'avons aucune idée de la rapidité avec laquelle ce marché va devenir concurrentiel. De fait, nous allons rendre sous peu une décision concernant la non-application de la réglementation aux compagnies de téléphone et aux télécommunications interurbaines. Rares sont ceux qui auraient pensé que nous serions amenés à nous pencher sur cette question après si peu de temps.

Il reste à voir quelle sera la rapidité d'évolution de ce marché, si nous aurons le degré de concurrence permettant au Conseil de s'abstenir de réglementer et de laisser faire le marché, ou bien s'il faudra attendre beaucoup plus longtemps pour que ce marché soit régulé par la concurrence et puisse se passer d'une supervision réglementaire. Ce serait donc un problème réel si l'on fixait un couperet, sous forme de clause de temporisation, car on ne sait pas si le marché sera devenu suffisamment concurrentiel à ce stade. À l'inverse, il pourrait même le devenir plus tôt.

En ce qui concerne la deuxième question, les contrats actuels de Téléglobe, nous n'y voyons pas de problème particulier, si j'ai bien saisi votre question. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, le fait d'avaliser les contrats actuels ne nous empêche pas de réexaminer ces contrats ou ententes, le cas échéant. Nous avons connu la même situation lorsque le Conseil a assumé la réglementation de ce qui était alors des compagnies de téléphone provinciales et il n'y a pas eu de problème. Je ne prévois donc pas de problème qui nous empêcherait de réexaminer ces contrats.

Pour ce qui est de la dernière question, concernant les revendeurs, si j'ai bien saisi votre question—ou ce qu'implique votre question car nous avons essayé de suivre les témoignages faits ici ces derniers jours et les vues des différentes parties—un certain revendeur s'inquiète de sa capacité à se conformer aux règles que nous avons énoncées dans notre décision récente sur la concurrence locale, en raison de sa structure de propriété particulière. Cette question est en cours d'examen car cette société a interjeté appel de notre décision à cet égard, et il serait donc inapproprié que j'aborde ici ce cas particulier, mais j'ai l'impression que ce problème pourra probablement être réglé dans le contexte de la...

• 1210

Mme Marlene Jennings: Législation actuelle. Bien.

Merci beaucoup. Mes questions sont motivées par le fait que, d'autres témoins les ayant soulevées, nous, tous les membres du comité, cherchons à cerner la situation. Ce que vous avez dit sur la clause de temporisation est très utile, par exemple le fait que lorsque le marché interurbain a été ouvert, les choses sont allées tellement vite que s'il y avait eu un régime de licences et une clause de temporisation, cela aurait été superflu car les choses sont allées tellement vite que vous n'auriez probablement pas pu réagir à temps. Étant donné cette expérience, une clause de temporisation n'est pas nécessairement ce qu'il y a de mieux.

Qu'en est-il d'une date de réexamen? C'est une autre solution qui a été suggérée: en l'absence d'une clause de temporisation qui mette fin à ces pouvoirs ou à ce régime à une date donnée, il y aurait un réexamen à une certaine date pour déterminer dans quelle mesure ces pouvoirs particuliers sont encore nécessaires pour protéger l'intérêt du public et remplir les objectifs de la loi.

M. David Colville: Comme dans le cas du régime actuel établi par la Loi sur les télécommunications actuelle, toute partie a la possibilité de saisir le Conseil lorsqu'elle estime que le paysage concurrentiel est parvenu à un stade où les règles devraient changer. On peut alors déterminer quelles modifications s'imposent et si le Conseil devrait s'abstenir totalement ou partiellement de réglementer.

La possibilité existe donc de faire cela à tout moment. Je pense que l'on crée des problèmes si l'on fixe une date précise, car alors cela pourrait empêcher de le faire plus tôt. Comme je l'ai dit, dans le cas du téléphone interurbain, nous avons aboli la réglementation beaucoup plus tôt que n'importe qui aurait pu le prévoir.

La présidente: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai au moins deux questions. À la première page, il y a une phrase qui peut être entendue dans deux sens. J'aimerais que vous en précisiez le sens.

On dit que le nouveau pouvoir de licence permettrait en particulier au Conseil de voir à ce que les entreprises de télécommunications étrangères soient assujetties aux mêmes règles, sans incidence sur le plan de la concurrence, que les entreprises canadiennes.

Cela peut vouloir dire ou bien que toutes les entreprises peuvent être sous licence, ou bien que seules les entreprises de télécommunications étrangères devraient être sous licence. Or, vous comprenez que cela a été le coeur du débat pendant une partie des audiences. À mon sens, votre phrase veut dire l'une ou l'autre chose. Est-ce qu'elle est politique? Si c'est le cas, vous ne voudrez pas préciser, mais j'aimerais que vous répondiez. Quel est le sens de ce que vous dites?

[Traduction]

M. David Colville: Je ne suis pas sûr de comprendre la question.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Voulez-vous que je précise? Vous savez que plusieurs intervenants sont venus nous dire qu'après «fournisseur de services de télécommunication», il faudrait lire «international».

Cette phrase pourrait vouloir dire que vous êtes d'accord sur cela ou elle pourrait dire qu'il faut un pouvoir de licence pour que tout le monde soit sur le même pied. Éclairez-nous, parce que nous nous sommes débattus avec les arguments d'un côté comme de l'autre.

Aujourd'hui, le monsieur de GeoReach est venu dire qu'il ne fallait pas de licence pour les internationaux parce que le CRTC avait déjà tous les pouvoirs. Cependant, ceux du marché dit domestique disent que les internationaux doivent être couverts pas une licence. Téléglobe accepte une licence internationale, mais GeoReach dit qu'il ne faut pas de licence du tout.

• 1215

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, il semble que le sens soit clair en anglais mais pas dans votre traduction française, et vous pourriez peut-être expliquer l'équivoque.

M. David Colville: Je pense comprendre votre question. Je réfléchis simplement à la réponse.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je ne peux vous la répéter en anglais.

[Traduction]

M. David Colville: Manifestement, les dispositions mises en jeu par la question, hormis celles qui intéressent le marché intérieur, la numérotation etc., sont largement déterminées par...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je n'ai pas entendu l'interprétation.

[Traduction]

M. David Colville: ... les accords du GATT et le rôle canadien...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Sur les services.

[Traduction]

M. David Colville: ... dans les télécommunications internationales. Une partie du problème est l'application de la politique en matière de télécommunications énoncée dans la loi, en particulier l'article où il est question de promouvoir l'utilisation des installations canadiennes. Un problème à cet égard est le contournement des installations canadiennes.

Il est clair que ce sont essentiellement les télécommunications internationales qui sont visées par la réglementation, mais il faut voir dans quelle mesure on remplit cet objectif de la politique et cela peut avoir des répercussions sur les fournisseurs nationaux.

Si je puis peut-être raccrocher une autre réponse à la question sur le régime de licences, comme je l'ai dit précédemment, l'intention du Conseil ces dernières années a certainement été d'ouvrir ce marché davantage à la concurrence et aussi de se désister d'une réglementation pointilleuse. C'est ce qui sous-tend toute notre stratégie, du point de vue de la décision sur la concurrence locale, qui consiste à confier au marché bon nombre d'aspects qui auraient pu faire l'objet d'une réglementation afin de laisser les experts privés s'en occuper.

Le Conseil va clairement dans le sens d'une plus grande sujétion des télécommunications aux forces du marché et d'une réglementation moins détaillée de ce secteur.

Toute cette question des licences, au lieu de représenter une nouvelle strate de réglementation de ce secteur, permet au contraire de ne plus utiliser toute la panoplie réglementaire de la Loi sur les télécommunications et de nous concentrer uniquement sur certaines catégories de titulaires, sur certains aspects, au lieu de faire peser tout le poids de la Loi sur les télécommunications.

Donc, loin d'ajouter une nouvelle strate, comme d'aucuns nous le reprochent, cela nous permet de libérer ces fournisseurs de tout le poids de la Loi sur les télécommunications et de ne plus laisser subsister qu'un régime de licences très étroit, très clair et très circonscrit qui lèverait certaines des incertitudes dont il a été question ici ce matin.

On nous parle tout le temps de l'incertitude qui règne sur le marché, en particulier dans l'esprit des investisseurs, et nous pensons que ce type de régime de licences apporterait le genre de certitude, le genre de définition claire dont les acteurs ont besoin et dont les investisseurs ont besoin pour pouvoir investir avec confiance.

[Français]

Mme Francine Lalonde: En ce qui concerne les revendeurs, vous avez répondu que le problème de ACC serait réglé autrement, mais en ce qui avait trait à la question générale de la nécessaire couverture des revendeurs, je sais que si vous dites qu'il faut des licences pour tout le monde, le problème est réglé.

J'aimerais quand même souligner que la question de couvrir nécessairement les revendeurs dans la Loi sur les télécommunications est venue des associations de consommateurs, qui ont exprimé les problèmes causés par les revendeurs et qui craignent que ces problèmes ne se multiplient. Donc, pour les consommateurs, il n'y a pas de raison que les revendeurs ne soient pas soumis à la loi. Êtes-vous d'accord là-dessus?

• 1220

[Traduction]

M. David Colville: Je n'ai pas connaissance des problèmes particuliers dont les consommateurs ont fait état sous le régime actuel, ni sur le marché de l'interurbain ni sur le marché local maintenant ouvert à la concurrence. Franchement, nous n'avons certainement pas décelé de problèmes majeurs au niveau de l'activité des revendeurs qui exigeraient une réglementation serrée de notre part.

Il y a eu le cas particulier d'ACC, je crois, qui avait un problème particulier en raison de sa structure de propriété et de la définition de télécommunicateur du point de vue de la concurrence locale. Nous avons cerné ce problème. Comme je l'ai indiqué, la compagnie a interjeté appel.

Mais pour ce qui est de la revente sur le marché intérieur, tant interurbain que local, je ne pense pas qu'une supervision réglementaire tatillonne s'impose.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Dans le cadre de votre pouvoir de licence, les revendeurs pourraient-ils constituer une catégorie?

[Traduction]

M. David Colville: Oui, les revendeurs pourraient former une catégorie à part. Mais je ne suis pas certain que l'on veuille nécessairement couvrir des activités du marché intérieur qui n'ont pas posé de problème jusqu'à présent.

[Français]

Mme Francine Lalonde: On a soulevé, de différents angles, la question des services de télécommunication de base. Les consommateurs ont souligné que ces services avaient été érodés au fil des années. D'autres craignent qu'on élargisse la définition de manière qu'elle inclue les services Internet. Cependant, une chose est certaine. C'est que, du point de vue des consommateurs, il y a une volonté.

Je vais vous dire que je partage l'idée de définir et sans doute de revoir au fil du temps ce que sont les services de télécommunications de base. Il y a la question des tarifs, mais il y en a d'autres. Dans le fond, votre mémoire ne va pas les rassurer. S'il faut payer les annuaires, par exemple...

[Traduction]

M. David Colville: Voici notre point de vue sur toute la question de la définition du service de base. Le terme est utilisé dans la loi actuelle, mais n'y est pas défini.

Franchement, je me suis débattu avec cette question déjà longtemps avant d'arriver au CRTC. Je travaillais auparavant pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Nous avons eu des réunions avec le gouvernement fédéral au fil des ans où nous discutions de toute cette question de la définition du service de télécommunication de base, dans la perspective de l'ouverture du marché à la concurrence.

Franchement, c'est l'une de ces questions où vous pourriez mettre un groupe de sages en haut d'une montagne et les laisser travailler là pendant des années jusqu'à ce qu'ils trouvent une jolie définition, bien ficelée, mais d'ici qu'ils redescendent de leur montagne, toute la situation aurait déjà changé.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Là elle serait dépassée?

[Traduction]

M. David Colville: Notre point de vue est que l'environnement évolue si vite que la notion de service de base va probablement être élargie. L'expérience accumulée au fil du temps montre que les gens s'attendent à plus dans le cadre de leur service de base.

Par exemple, le service de base auparavant était le téléphone à cadran. Aujourd'hui, si l'abonné veut accéder à divers services d'information ou au courrier vocal ou Dieu sait quoi, il lui faut un téléphone à touches. Le téléphone à touches est devenu un service de base.

Je pense donc que l'on va voir la définition du service de base s'élargir au fil du temps. Qu'un service soit défini comme de base ou non ne détermine pas nécessairement s'il va être gratuit ou englobé dans un forfait. Il se peut donc qu'il faille payer pour ce qui est considéré comme un service de base.

• 1225

Je dis toujours que le travail du Conseil doit se faire au jour le jour. Il s'agit de maintenir un équilibre délicat entre des intérêts concurrents.

Prenez le sujet qui a été soulevé ce matin, l'Internet. Ce n'est certainement pas notre intention, ni celle du gouvernement, je pense, lorsqu'il a rédigé cette loi, d'englober l'Internet ou les services basés sur l'ordinateur dans le service de base.

Cela dit, je pense que l'accès à l'Internet par le biais de l'infrastructure de télécommunication, et je me place là dans la perspective du consommateur, constitue et restera un enjeu. Cela nous ramène à la question de savoir s'il faut inclure cela dans la définition du service de base ou non.

M. Manley a organisé le sommet sur la connaissance qui s'est tenu hier, où l'on débattait de la question de savoir comment nous pouvons mettre cette capacité à la disposition de la population dans tout le pays. C'est, je suppose, l'un des objectifs fondamentaux vers lesquels nous travaillons. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons ouvert le marché local à la concurrence. Nous pensons que cela va non seulement autoriser une concurrence dans le service téléphonique local, mais aussi inciter et autoriser davantage d'acteurs à offrir à davantage de consommateurs un service local à larges bandes donnant accès à l'Internet. Les consommateurs finiront par l'exiger. Cela va donc se développer au fil du temps, mais notre intention n'est certainement pas de réglementer l'Internet par le biais de ce projet de loi.

La présidente: Monsieur Bellemare.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Monsieur Colville, le CRTC devrait-il faire une distinction entre les membres et les non-membres de l'Organisation mondiale du commerce en ce qui a trait à la réglementation de leur exploitation du marché canadien et de leurs relations avec les fournisseurs de services canadiens?

[Traduction]

M. David Colville: C'est une bonne question. Je n'y ai pas réfléchi et je vais peut-être devoir la déférer à mon conseiller.

Généralement parlant—et vous me reprendrez si je me trompe, j'en suis sûr—nous avons cherché à établir dans ce pays un environnement concurrentiel non discriminatoire où divers fournisseurs peuvent se livrer concurrence sur le marché. Je ne suis pas particulièrement familiarisé avec les détails de l'accord de l'OMC pour savoir si ce que nous faisons ici pourrait pénaliser certains de ces acteurs. Mais pour ce qui est des entreprises de télécommunication qui veulent livrer concurrence sur le marché canadien, nous voulons nous assurer que toutes sont traitées de manière équitable par la réglementation.

M. Eugène Bellemare: Il faut une certaine justice. Nous voulons déréglementer et ouvrir le marché à l'échelle internationale. Nous sommes entrés à l'OMC et, par ce projet de loi, nous allons conclure des accords avec tous ces pays. Mais si des non-signataires de l'OMC veulent se brancher sur le circuit pour faire des affaires, n'allez-vous pas les traiter différemment? Ils ne font pas partie de l'équipe et ne veulent pas faire partie de l'équipe. Ils veulent simplement faire de l'argent.

M. David Colville: Cela vient d'être porté à mon attention. On nous a demandé ce matin si nous allions lancer un autre processus au sujet de ces licences. En prévision du moment où le Conseil sera en mesure de s'attaquer à cette question de la réglementation des services internationaux, nous avons émis en date du 2 octobre un avis public sollicitant des observations sur le régime à mettre en place. L'une des questions posées invite justement les parties à se prononcer sur la question de savoir si le Conseil devrait ou non distinguer entre membres et non-membres de l'OMC, du point de vue des conditions etc. Donc, dans la procédure que nous avons ouverte, nous demandons aux parties leur avis sur cette question même.

• 1230

M. Eugène Bellemare: Quelles parties?

M. David Colville: Il s'agit d'un avis public, donc chacun est libre d'intervenir.

M. Eugène Bellemare: Mais vous n'obtiendrez peut-être pas de réaction, soit par accident soit pour quelque raison inconnue aujourd'hui. Vous attendez une réaction, mais vous n'en aurez peut-être pas et vous direz alors que c'est un accord tacite. Cela pourrait s'avérer regrettable, car ces non-membres veulent peut-être s'implanter sur notre marché mais en jouant la partie selon leurs propres règles. Pourquoi leur permettrait-on de concurrencer les entreprises canadiennes et celles de pays membres de l'OMC alors qu'ils ne veulent pas du tout respecter nos règles du jeu?

M. David Colville: Je comprends votre question. Je suppose qu'il nous faudra attendre de voir si les intéressés ont des avis. Dans la négative, l'un des facteurs que l'on voudra peut-être considérer, indépendamment de savoir qui a signé ou n'a pas signé l'accord de l'OMC, sont les paramètres de l'accès au marché de cet autre pays. De manière générale, même dans le cas des non-signataires de l'OMC, il s'agira peut-être de voir si les conditions imposées par l'accord de l'OMC sont appliquées sur cet autre marché.

M. Eugène Bellemare: Le mot clé, pour obtenir une licence, sera donc la réciprocité. C'est indispensable, car vous pourriez avoir une entreprise d'un pays donné où elle bénéficie d'un protectionnisme scandaleux qui vient s'établir chez nous, sans aucune réciprocité. Je pense que le mot clé est «réciprocité». Allez-vous envisager ce critère?

M. Allan Rosenzveig: M. Colville m'avait indiqué qu'il se tournerait peut-être vers moi, son conseiller juridique.

Je voulais dire ceci. Nous entendons votre préoccupation, mais c'est un point dont le Conseil aura à trancher dans le cadre de la procédure réglementaire enclenchée. Je pense que vous comprendrez—ou j'espère que vous comprendrez—qu'il serait difficile à M. Colville, qui va devoir rendre une décision à cet égard, d'en débattre à cette tribune. C'est une procédure en cours, dans le cadre de laquelle le Conseil devra déterminer cette question, parmi d'autres, dans un avenir proche.

M. Eugène Bellemare: Excusez-moi, mais va devoir déterminer ou va déterminer?

M. Allan Rosenzveig: Eh bien, c'est une question que nous avons posée aux intervenants et il y a de bonnes chances que nous fassions une détermination.

M. Eugène Bellemare: Encore une fois, c'est là le mot clé, «chance». Il n'y a pas de certitude.

M. David Colville: Je ne veux pas éluder votre question, mais la question a été posée dans l'avis public et nous prendrons une décision.

M. Eugène Bellemare: D'accord.

J'ai une dernière question sur ce projet de loi. Au troisième paragraphe de votre mémoire, vous parlez de concurrence. La nouvelle philosophie du CRTC est l'ouverture à la concurrence. C'est parfait.

Vous dites également que le consommateur doit être protégé ou que la concurrence doit être à l'avantage du consommateur. C'est, en substance, le sens de votre troisième paragraphe. Avez-vous consulté les associations de consommateurs sur ce projet de loi particulier?

M. David Colville: Ce n'est pas notre projet de loi...

[Français]

Mme Francine Lalonde: C'est le vôtre.

[Traduction]

M. David Colville: ... mais je vous signale que dans la procédure engagée, nous cherchons à définir les paramètres. En examinant le régime de licences selon la perspective du conseil, pour voir comment il fonctionnerait, quels en seraient les paramètres, quels sont les divers intérêts au niveau de l'industrie et des consommateurs etc., l'émission de cet avis public a précisément pour but d'entendre le point de vue des consommateurs sur le régime réglementaire à mettre en place, en supposant que ce projet de loi soit adopté.

M. Eugène Bellemare: J'apprécie votre réponse. L'absence de consultation des consommateurs ou groupes de consommateurs est de la faute du ministère de l'Industrie.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Bellemare.

• 1235

Monsieur Lastewka, je vais vous donner la parole brièvement, car nous avons largement dépassé l'heure prévue.

M. David Colville: Je suis désolé. C'est probablement ma faute, avec mes longues réponses.

La présidente: Non, ce n'est pas votre faute. Nous accumulons du retard.

M. Walt Lastewka: Je serai très bref.

Si l'on en croit votre mémoire, le but de ce projet de loi est de respecter les accords de l'OMC etc. En soulignant le mot «international» et en indiquant dans votre paragraphe au bas de la page 1 qu'un certain nombre d'autres choses vont devoir être réglées également, je suis amené à penser que votre intention, tout au long de votre mémoire et de vos interventions ce matin, n'est pas tant d'introduire de nouvelles licences sur le marché interne ou dans certaines catégories de services—ce qui a donné lieu à certaines interprétations erronées—mais plutôt de focaliser sur la suppression du monopole de Téléglobe. Nous sommes maintenant dans une situation internationale et il nous faut mettre en place certaines règles. C'est l'impression que je retire de votre rapport. J'aimerais simplement que vous confirmiez que c'était bien là votre intention.

M. David Colville: Il y avait deux intentions. Celle-ci en était une. L'autre était de doter le Conseil des pouvoirs voulus pour régler les questions de la numérotation et de l'administration du fonds. Je qualifierais cela de problème interne, si vous voulez, en ce sens que nous avons maintenant mis en place le régime de concurrence locale et qu'il nous faut introduire certains mécanismes pour en assurer le fonctionnement.

Il n'est pas établi que les pouvoirs que le Conseil possédait jusqu'à présent... parce que dans la loi actuelle, l'administrateur de la numérotation n'est pas défini comme un télécommunicateur. S'il n'est pas un télécommunicateur, notre capacité à superviser cela est sujette à caution. Nous ne voulons pas assurer cette administration nous-mêmes. Comme je l'ai dit, nous essayons de ne plus micro-gérer cette industrie. Nous pensons qu'il vaut mieux laisser faire l'industrie. Mais nous pensons néanmoins avoir besoin du pouvoir de surveillance.

Il y a donc deux aspects. Le premier est celui que vous avez mentionné. Le deuxième consiste à acquérir la faculté de faire ces autres choses.

La présidente: Je vais me laisser aller à poser une question. M. Lastewka m'a un peu perdue. Dites-vous que vous êtes partisan d'ajouter le mot «international» dans le projet de loi, ou non?

M. David Colville: Nous n'y serions pas opposés.

La présidente: Mais sur la question des pouvoirs, vous avez répondu tout à l'heure à Mme Jennings que vous ne voyez pas de problème dans les contrats antérieurs de Téléglobe. Si nous réduisions vos pouvoirs dans l'article sur les pouvoirs, les pouvoirs que vous auriez, cela poserait-il un problème dans l'éventualité où vous voudriez revoir les contrats de Téléglobe?

M. David Colville: Excusez-moi... si vous réduisiez les pouvoirs?

La présidente: Limiter les pouvoirs que... enlever la clause disant que vous pouvez faire d'autres choses. Cela vous poserait-il un problème dans le contexte...

M. David Colville: Pourriez-vous m'indiquer l'article? Je pense que cela pourrait être un enjeu assez important.

La présidente: C'est le projet d'alinéa 46.1(1)b), et le projet de paragraphe 46.1(2), mais plus particulièrement l'alinéa 46.1(1)b), où il est question de «toutes autres activités liées à la fourniture...»

M. David Colville: Excusez-moi; je n'ai pas saisi votre question. Pourriez-vous la répéter? J'étais en train de réfléchir à quelque chose d'autre lorsque vous l'avez posée.

La présidente: Si nous limitions les pouvoirs du CRTC en enlevant le paragraphe...

M. David Colville: Je comprends la préoccupation de certaines parties...

La présidente: Veuillez m'excuser. Je télescopais la question de Téléglobe avec celle-ci et ce n'était pas mon intention.

M. David Colville: Lorsque vous avez commencé à poser la question, je réfléchissais au problème de Téléglobe dont nous avons parlé...

La présidente: Veuillez m'excuser. Je ne voulais pas mélanger les deux choses.

M. David Colville: Bien, si nous regardons l'article 46.1 du projet de loi, et en particulier l'alinéa 46.1(1)b), votre question est de savoir si un texte plus restrictif nous poserait un problème?

La présidente: Oui.

M. David Colville: De manière générale, je répondrais non, mais il ne s'agirait pas de définir nos pouvoirs de façon si étroite qu'ils seraient confinés à l'alinéa 46.1(1)a). Comme je l'ai indiqué, nous avons déjà connaissance d'un certain nombre d'autres aspects qu'il nous faudra réglementer pour assurer la bonne marche de la concurrence au niveau local et permettre l'interconnexion et l'interopérabilité de tous ces réseaux et permettre aux nouveaux entrants d'accéder aux bases de données de numérotation, qu'il s'agisse des bases de données sur les abonnés, de partager la capacité d'exploiter le 911, par exemple, et—comme je l'ai indiqué—peut-être même partager les logiciels qui permettent l'interconnexion des réseaux.

• 1240

Donc, si on spécifiait bien que nous avons le pouvoir de faire ce genre de choses, nous n'aurions pas de problème.

La présidente: D'accord. C'est justement ma préoccupation directe. Vous l'avez indiqué, et je sais que c'est un problème dans les régions isolées, les régions rurales, dans le nord du Québec, le nord de l'Ontario, au Canada atlantique, partout où il y a des régions isolées ou rurales—toutes les régions du Canada considérées comme isolées. C'est la première fois que l'on nous dit ici que le 911 pourrait devenir un problème, et ces régions se battent pour être couvertes par le 911. Je vis dans une région qui n'est pas réellement isolée, mais nous n'avons obtenu la couverture 911 qu'en janvier dernier.

Je suis donc très inquiète de voir que c'est la première fois que l'on nous en parle. On nous demande de limiter ces pouvoirs, on nous dit que c'est conférer trop de pouvoirs au gouvernement, ou donner trop de pouvoirs d'élargir... Comme vous l'avez dit dans votre exposé, les choses évoluent très vite. Qu'il se pose un problème avec la couverture 911, sans que le gouvernement puisse réagir rapidement, serait très inquiétant.

M. David Colville: Si vous me permettez de répondre, je pense qu'il y a là deux questions. L'une est la fourniture du service. Deuxièmement, le problème à nos yeux, sur le plan de l'instauration de ce régime concurrentiel, est que nous serions très préoccupés, tout comme les usagers, si l'un des concurrents—en l'occurrence, les compagnies de téléphone—pouvait assurer le service 911 et pas les autres concurrents, parce qu'ils n'auraient pas accès aux bases de données voulues.

Donc, si nous voulons avoir un environnement concurrentiel équitable, alors tous les acteurs devront être en mesure de fournir ce genre de service sur un pied d'égalité.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lastewka, vous vouliez dire un mot.

M. Walt Lastewka: Je veux signaler que c'est à cela que je voulais en venir. Si nous supprimons le monopole de Téléglobe—et nous avons pris toute une série de mesures au niveau intérieur pour établir la concurrence—divers aspects vont surgir de temps à autre dont il faudra s'occuper, pour rendre tout le système efficient et concurrentiel.

Vous avez nommé deux ou trois aspects aujourd'hui, mais d'autres surgiront dont il faudra s'occuper. Ce sont ces autres activités qu'il faudra être en mesure d'entreprendre, et cela ne doit pas être interprété comme ouvrant la porte à des licences additionnelles ou une réglementation additionnelle ou une ingérence additionnelle.

Ce que vous cherchez à faire, je l'espère, c'est assurer l'existence d'un moyen efficace de faire fonctionner tout le système de manière efficiente et concurrentielle.

M. David Colville: Absolument.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lastewka.

Madame Lalonde, vous avez une question.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je voudrais répéter la question dont je n'ai pas compris la réponse, ni en anglais ni en français. Si on ajoutait «international» à «fournisseur de services de télécommunications», est-ce que cela vous causerait des inquiétudes?

[Traduction]

M. David Colville: Si vous parlez de l'amendement à l'article 16, et si la question est de savoir si le Conseil serait opposé à ce que le mot «international» soit ajouté là, ma réponse est non.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Et à l'article 1?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Colville, pour que ce soit clair, parlez-vous de l'article 3, le projet d'article 16.1?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je parle de l'article 1 de la loi, qui modifie le paragraphe 2(1) en ajoutant la définition de «fournisseur de services de télécommunication».

[Traduction]

M. David Colville: Permettez-moi de répondre à une question à la fois.

La présidente: Allez-y. Je pensais que Mme Lalonde parlait du projet d'article 16.1. Elle parle de...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il m'a dit que cela ne lui causait pas de problèmes.

[Traduction]

La présidente: J'essayais d'établir de quoi il parlait.

M. David Colville: L'autre question, si je comprends bien, intéresse le projet d'article 16.1, soit la définition de fournisseur de services de télécommunication.

• 1245

Le problème, si vous restreignez cela aux télécommunications internationales, c'est que vous négligez l'autre moitié du problème que veut régler ce projet de loi, soit toute la dimension intérieure. Si un fournisseur de services de télécommunication est défini, aux fins du fonds, de la numérotation ou de toutes ces autres choses, comme un fournisseur de service de télécommunications internationales, alors nous perdons toute la capacité de régler ces problèmes internes. Si vous ajoutez international au 16, je pense que cela résoudrait...

La présidente: Monsieur Rosenzveig, vouliez-vous répondre également?

M. Allan Rosenzveig: Je voulais apporter un éclaircissement. M. Colville, dit en fait que la définition, si elle est modifiée au début... ces mêmes termes se retrouvent ailleurs. Par exemple, au paragraphe 46.6(1), relatif au fonds, seuls les fournisseurs de télécommunications internationales, et non plus les télécommunicateurs canadiens, paieraient. Ce serait donc un problème chaque fois que ce mot est employé dans les articles suivants.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lowther, une dernière remarque.

M. Eric Lowther: Je reconnais que vous n'êtes pas les auteurs de ce projet de loi, mais l'ayant examiné, est-il exact de dire que toutes ces mesures ne portent pas seulement sur l'aliénation de Téléglobe et l'entrée sur ce marché; il y a toute une série de mesures prévues dans cette loi. Premièrement, il y a Téléglobe. Ensuite, il y a les droits de licences intérieures. Ensuite il y a la certification du matériel de télécommunications. Ensuite il y a les inspecteurs pour assurer la conformité. Il y a donc toute une combinaison de choses qui ne sont pas toutes liées à la composante Téléglobe. Est-ce vrai?

M. David Colville: C'est vrai. On pourrait dire que toutes ces mesures visent à nous faire passer dans un environnement plus concurrentiel. Deux des éléments de la série, si vous voulez, qui nous concernent, et dont nous sommes venus parler ici, sont la question des télécommunications internationales, qui nous ramène directement à la question de Téléglobe... Le deuxième élément intéresse notre faculté de régler certaines des situations concurrentielles intérieures, telles que la question de la numérotation etc.

M. Eric Lowther: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu cet après-midi. Nous apprécions le temps que vous nous avez consacré. Excusez le retard avec lequel nous avons commencé. C'est arrivé ce matin. Nous apprécions que vous soyez restés plus longtemps que prévu.

M. David Colville: Je vous remercie et j'espère que nos observations ont été utiles.

La présidente: Elles ont été extrêmement utiles, monsieur Colville.

La séance est levée jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.