JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 mai 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte. Après un faux départ, nous accueillons de nouveau M. Phillips.
Impossible de se défiler.
Julien Delisle et Holly Harris, du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée du Canada, sont également de retour.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Bruce Phillips (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci, madame la présidente.
Nous vous avons fait distribuer notre mémoire. Il est plutôt long, mais je n'ai pas l'intention de le lire en entier. Je préfère être aussi spontané que possible, mais depuis ma dernière comparution devant votre comité, il y a eu des élections et par conséquent je vois de nouveaux visages autour de la table. Pour la gouverne de ceux que je n'ai pas encore rencontrés, j'ai pensé qu'il serait utile de vous donner un bref aperçu de ce qu'est le Commissariat.
• 1025
Tout d'abord, quelques mots au sujet de l'expression «vie
privée», qui est souvent mal interprétée. Dans une démocratie,
c'est une valeur qui nous semble tellement aller de soi dans notre
quotidien que nous n'y accordons pas vraiment l'importance qu'elle
mérite.
C'est le fondement de pratiquement tous les éléments de notre société qui nous sont chers: le vote secret, le secret professionnel des médecins et des avocats, la Loi sur l'écoute électronique, le caractère sacré de nos domiciles, etc. Tous ces éléments ont un rapport avec le concept de la vie privée. Il s'agit d'un droit civil et humain qui englobe tout. D'ailleurs, je reviendrai sur le sujet tout à l'heure dans un contexte quelque peu différent.
Je voudrais attirer votre attention sur les propos du juge LaForest, le saint patron de la vie privée à la Cour suprême. Il a dit récemment ceci: «La vie privée est au coeur même de l'État moderne.» Personnellement, j'ai toujours dit que c'est la mesure dans laquelle nous nous respectons à titre d'individus autonomes qui est le gage du respect de la vie privée dans notre société.
Le droit à la vie privée n'est pas un droit personnel qui s'exerce au détriment de la société dans son ensemble. C'est cette expression de respect mutuel qui nous rapproche les uns des autres. En fait, il importe d'accorder à la vie privée beaucoup plus d'attention que nous l'avons fait jusqu'à maintenant.
J'ai déjà dit dans plusieurs rapports précédents que nous avions atteint un point tournant pour ce qui est de préserver ce droit très précieux. En raison de la percée de la technologie moderne—et je sais que c'est un cliché que de le dire, mais il faut le répéter sans relâche—et en raison de l'acceptation sans réserve de cette technologie, le droit à la vie privée est menacé. Essentiellement, la technologie compromet les garanties et les mécanismes en place depuis des siècles.
J'ai aussi déjà dit qu'il était inutile de vouloir stopper le progrès. Nous devons accepter la technologie moderne, avec les avantages qu'elle comporte, mais en contrepartie, une protection juridique doit être assurée aux citoyens qui risquent de voir des données les concernant être recueillies, manipulées et communiquées sans leur consentement.
Le gouvernement du Canada s'est déjà penché sur la question. Dès 1971, les ministères des Communications et de la Justice ont mené une étude intitulée: «La vie privée et les ordinateurs». Le Commissariat à la protection de la vie privée est une retombée de cette étude.
Ses auteurs ont conclu, même en 1971, que les ordinateurs avaient une telle capacité d'altérer la nature des rapports des individus vis-à-vis de la société en général que certaines mesures s'imposaient. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée en 1978 pour y ajouter des dispositions sur les droits à la vie privée. L'actuelle Loi sur la protection des renseignements personnels a été adoptée peu de temps après.
La Loi sur la protection des renseignements personnels a pour objet de tenir le gouvernement fédéral responsable du traitement approprié des renseignements personnels des Canadiens. Cette responsabilisation se fait de deux façons. En premier lieu, toute personne a un droit d'accès à ses renseignements personnels détenus par les organismes gouvernementaux; ce droit est dans une grande mesure semblable au droit d'accès aux dossiers de renseignements généraux établi par la Loi sur l'accès à l'information.
Le deuxième aspect est à tout le moins aussi crucial, sinon plus, puisqu'il établit des normes gouvernementales régissant la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels. J'attire votre attention en particulier sur l'utilisation et la communication.
La loi est essentiellement un code de pratiques de gestion de l'information. Elle accorde au commissaire le droit de mener des enquêtes de conformité au code. En outre, elle donne aux particuliers le droit de porter plainte relativement aux pratiques gouvernementales du traitement de l'information, pas seulement relativement à la suite donnée à leur demande. En fait, quoique ces plaintes concernant la vie privée représentent environ le quart de notre charge de travail, elles nécessitent beaucoup d'efforts de la part de nos effectifs.
La loi ne s'applique pas aux sociétés d'État même si, assez curieusement, le Parlement s'est unanimement prononcé en faveur d'une motion en ce sens lors de la dernière session parlementaire. Elle ne s'applique pas non plus au Parlement, ou encore à moi. Elle ne s'applique pas non plus aux tribunaux et au secteur privé. Une loi assez analogue, quoique de portée plus vaste, s'applique à la plupart des gouvernements provinciaux et, dans le cas du Québec, au secteur privé.
• 1030
En résumé, la protection qu'assure cette législation disparate
couvre moins que plus.
Le Commissaire à la protection de la vie privée est un ombudsman indépendant qui voit à ce que le gouvernement fédéral se conforme à la loi. J'enquête non seulement sur les plaintes, mais pour reprendre une analogie dont l'un de mes employés est l'auteur, je suis en quelque sorte le canari dans la mine; j'attire l'attention en chantant.
Laissez-moi vous expliquer ce que je veux dire lorsque je parle de période cruciale en matière de protection de la vie privée au Canada. La gamme des diverses mesures législatives ne peut rivaliser avec la technologie de l'information entre les mains de ceux qui exercent des pressions au nom de l'accroissement de l'efficacité administrative, des économies, du regroupement des services gouvernementaux, sans égard aux conséquences sociales.
Sur une note positive, il y a aujourd'hui des propositions gouvernementales en vue d'assujettir le secteur privé à la réglementation fédérale. En 1996, M. Rock, le ministre de la Justice de l'époque, avait donné l'assurance aux commissaires à la protection des données nominatives et de la vie privée, comme on appelle ailleurs les commissaires à la vie privée, que le Canada aurait une loi s'appliquant au secteur privé d'ici l'an 2000.
Industrie Canada et le ministère de la Justice ont publié un document intitulé «Pour une économie et une société de l'information au Canada « La protection des renseignements personnels», dans lequel on reconnaît qu'une protection efficace de la vie privée est impossible si l'on fait abstraction du monde des affaires. Je suis très heureux de constater cette évolution.
Permettez-moi de vous relater une brève anecdote personnelle. Lorsque j'ai assumé mes fonctions il y a six ans ou plus, j'étais sceptique quant à la nécessité d'assujettir le secteur privé à la législation fédérale. Mais au fil des ans, devant la convergence de la gestion de l'information dans les secteurs public et privé, devant la réduction des effectifs et la privatisation, et surtout devant la libre circulation des renseignements entre le secteur public et les instances privées, j'en suis arrivé à penser que le régime actuel ne convenait plus et, au bout d'un moment, le gouvernement en est venu à partager ce point de vue.
De nombreux enjeux sont dignes de votre attention, entre autres, le débat actuel au sein du gouvernement sur l'utilisation du codage comme moyen d'assurer le respect de la vie privée dans le monde de plus en plus dominé par l'informatique vers lequel nous nous dirigeons. Je conviens que le codage est sans doute l'outil technique le plus prometteur pour assurer le respect de la vie privée dans le contexte de la gestion électronique de l'information.
Cela dit, je suis très réticent face aux propos que j'ai entendus de la part des représentants des forces policières. Ces derniers affirment qu'ils doivent avoir un accès illimité à tous les outils de codage susceptibles d'être mis au point. Je ne suis pas du tout certain que les policiers ont besoin de ce pouvoir. Ils ne l'avaient certes pas à l'époque du télégraphe ou des échanges épistolaires. Je ne vois pas pourquoi ils jouiraient d'un pouvoir illimité comme celui-là à l'ère de l'Internet.
Il y a un autre enjeu qui devrait intéresser votre comité et les députés au cours de l'année à venir, soit les efforts pour élaborer un réseau électronique national de données sur la santé. En bref, cette proposition aurait pour effet de rendre accessible collectivement aux gouvernements, aux compagnies d'assurance et aux hôpitaux et médecins, qui sont des entités disparates pour l'instant, la totalité des renseignements personnels des Canadiens en matière de santé et ce, pour assurer une prestation des soins de santé plus efficace et efficiente.
Les tenants de ce système affirment qu'il représente une grande économie et qu'il se traduira par une plus grande efficacité dans le système de prestation des soins de santé. Je suis personnellement mal placé pour dire si cette affirmation est exacte ou pas; mais elle est apparemment répétée par nombre d'experts dans ce domaine. Il faut se rendre compte que l'on touche ici à des questions très importantes du point de vue de la protection des renseignements personnels.
• 1035
On peut bien comprendre que des médecins discutent les uns
avec les autres de l'état d'un patient, mais c'est une autre paire
de manches lorsque l'information se retrouve sur un réseau
accessible non seulement à quelques médecins mais à des centaines
voire des milliers d'autres gens. Par conséquent, il faudrait
imbriquer dans le système des éléments de transparence et de
consentement individuel du patient. Ce ne sera certainement pas des
plus simples, mais si l'on veut que la population canadienne ait
confiance, il faut y inclure ces éléments.
Je note que l'Association médicale canadienne a signalé le problème lors de diverses assemblées récentes. L'AMC s'inquiète de ce qui semble être au fond une brèche énorme dans le secret professionnel entre le patient et son médecin et dans la protection des renseignements personnels.
J'espère que les nombreux organismes intéressés, notamment le Conseil consultatif national nommé par le gouvernement, s'assureront que le résultat de cette réflexion se traduira par un élément de protection suffisante des renseignements personnels intégrés au système. Et j'ai bien l'intention de faire rapport au comité et au Parlement, un peu plus tard au cours de cet exercice. L'amélioration du système de soins de santé ne devrait pas se faire au détriment de la protection des renseignements personnels.
D'un point de vue administratif, nous avons reçu l'an dernier 2 455 plaintes à la suite desquelles la loi m'oblige à faire une enquête. Nous n'en avions reçues qu'un millier l'année où j'ai assumé mes fonctions, ce qui vous donne une idée de la préoccupation accrue de la population canadienne. Nous avons terminé 1 821 enquêtes, et nous avons répondu à 10 330 demandes. Cela représente une explosion dans l'intérêt de la population à cet égard.
Mon bureau a un dossier ouvert en permanence de 1 700 cas. C'est beaucoup trop élevé pour la qualité de service que je souhaiterais offrir, et c'est évidemment très lourd pour mes enquêteurs. J'ai demandé des ressources supplémentaires, et on m'en a accordé quelques-unes, mais pas suffisamment.
Fait intéressant à noter, il y a une raison qui explique l'explosion de cette année: 900 des cas se rapportent à une seule question, celle des déclarations de douane E311 déposées par des voyageurs rentrant au pays, demandées par le gouvernement pour mettre en oeuvre les règlements d'assurance-chômage. Je crois avoir déjà attiré l'attention du comité sur cette question. Je ne vous en parlerai pas en détail aujourd'hui, mais je voudrais vous signaler qu'avec la collaboration du ministère de la Justice, nous avons enfin réussi à déposer les demandes appropriées à la Cour fédérale pour que cette question soit portée devant un tribunal compétent.
Nous avons également étudié le ministère du Développement des ressources humaines du Canada, qui est l'un des organismes principaux qui traitent, reçoivent, colligent, et enregistrent des renseignements personnels sur les Canadiens. Je me propose de rendre publics les résultats de cette étude en temps et lieu. Ce ministère s'intéresse à nombre d'applications technologiques innovatrices destinées à la gestion de l'information dont certaines, à première vue, ne se conforment pas complètement à la Loi sur la protection de la vie privée. Je n'en dirai pas plus là-dessus, avant de vous soumettre notre rapport final.
Enfin, j'aimerais aborder une question qui avait été soulevée par M. Grace, mon collègue, lors de sa dernière comparution. Et en toute fin, j'aimerais dans la mesure du possible vider une fois pour toute une question qui surgit de temps à autre: il s'agit de la notion selon laquelle la protection de la vie privée est l'envers de la Loi sur l'accès à l'information, et qu'il serait très simple de fusionner ces deux domaines, de n'avoir qu'un seul commissaire pour les chapeauter, ce qui permettrait beaucoup d'économies et simplifierait la vie pour les fonctionnaires. Or, rien n'est plus faux.
Permettez-moi de dire d'abord que le Conseil du Trésor et d'autres organismes l'ont à plusieurs reprises envisagé et que plus ils l'ont fait moins cela paraissait intéressant.
M. Grace dit qu'il aurait pu vous faire épargner 500 000 $. Il l'aurait pu s'il avait congédié la moitié du personnel. J'aimerais qu'il explique précisément comment il y serait parvenu.
Par ailleurs, pour ce qui est de deux ou trois points importants, vous n'avez pas été suffisamment informé ou l'avez mal été. On a dit que le modèle fédéral de commissaires indépendants est une anomalie, et qu'ailleurs on fait les choses autrement—on n'a qu'un commissaire. C'est faux. Les seuls qui le font sont des provinces au Canada.
• 1040
Le Royaume-Uni, par exemple, est sur le point d'adopter une
nouvelle loi sur la liberté d'information. Ce pays a déjà un
commissaire à la protection de la vie privée, et cela depuis de
nombreuses années. Après avoir examiné la situation dans le monde,
on a décidé que ces deux éléments devaient être distincts, parce
que la question de l'accès général aux dossiers gouvernementaux est
un droit administratif dont jouissent les Canadiens et qui est
établit par le Parlement.
La protection de la vie privée, qui concerne un vaste ensemble de droits de la personne touchant presque tous les aspects de nos vies, est un droit reconnu dans la Charte, et la Cour suprême du Canada l'a confirmé. Sauf pour la question très spécifique de l'accès aux dossiers gouvernementaux, il y a très peu de points communs. Ce qui nous intéresse, ce sont, par exemple, l'ADN, la science biomédicale, les applications technologiques et la protection de la vie privée, les dossiers de crédit, et ainsi de suite. Cela n'a rien à voir avec l'accès général aux dossiers gouvernementaux.
Un dernier aspect: nous sommes des spécialistes de la protection des droits du citoyen, et je ne vois pas comment un ombudsman peut se faire le défenseur de deux questions à la fois. Ces bureaux dans les provinces, pour des raisons pratiques, ont un champ de compétence beaucoup plus réduit, sont des bureaux où l'on émet des directives. Pas nous. Nous sommes des protecteurs des droits du citoyen. Mon rôle principal, en ce qui concerne le gouvernement du Canada, n'est pas d'ordonner à quelqu'un de faire quelque chose, mais d'essayer de faire mieux fonctionner le système. Quand on nous présente une plainte qui révèle une lacune dans la façon dont un service gouvernemental gère son information, je juge effectivement si le gouvernement a tort ou raison et j'évalue ce qu'on fait, mais ce qui importe beaucoup plus c'est de vider la question et de trouver une façon de remédier au problème.
Un ombudsman est on ne peut mieux placé pour faire ce genre de travail. Mais si on est entouré d'avocats parce qu'on doit rédiger une ordonnance exécutoire, la situation est tout autre. La fonction de l'ombudsman cadre bien dans le modèle fédéral, et je ne vois pas comment on pourrait remplir efficacement les deux fonctions. Si l'on voulait fusionner ces deux aspects, il faudrait prévoir des pouvoirs permettant de donner des directives, étant donné que dans ce cas le commissaire deviendrait un juge.
Certains ont dit qu'il était parfois déroutant pour les sous-ministres de faire affaire avec un commissaire à la protection de la vie privée et avec un commissaire à l'information étant donné qu'on peut obtenir des avis contradictoires sur une question donnée, habituellement une question d'accès. Il s'est produit de tels cas au cours des sept années pendant lesquelles j'ai occupé ce poste, mais je peux les compter sur les doigts d'une seule main. Quoi qu'il en soit, il me semble que les sous-ministres souhaiteraient prendre connaissance des deux versions de l'affaire. On les paye pour ça, pour prendre des décisions.
Enfin, quand on ne s'entend pas avec le commissaire à l'accès à l'information, c'est presque toujours sur la question de savoir dans quelle mesure on va divulguer des renseignements concernant la rémunération et le travail de fonctionnaire. Je pense que tous les cas ont porté sur cette question, et on peut facilement la régler en précisant dans la Loi sur la protection de la vie privée, par voie de modification, quels sont les renseignements précis qui doivent être rendus publics en ce qui concerne les fonctionnaires.
J'en arrive à ma conclusion, et me contenterai de faire deux observations. Je vous encourage à être vigilants en matière de questions relatives à la vie privé qui pourraient se trouver sournoisement tapies dans les projets de loi dont vous êtes saisis. Avec des moyens extrêmement limités, nous essayons, dans mon bureau, de passer en revue tous les projets de loi, mais nous ne parvenons pas toujours à dénicher l'anguille sous la roche, si l'on peut dire. Un des exemples qui me vient à l'esprit, c'est l'affaire NAV CANADA, lorsque le gouvernement a décidé de privatiser le système de contrôle du trafic aérien. Une question très importante de protection de la vie privée se posait à ce propos, mais elle a échappé à la tension de tous, y compris à la nôtre, et nous nous en sommes aperçus tout juste avant qu'il ne soit trop tard.
En second lieu—ce que je vais dire ne vise pas simplement à flatter un des membres de votre Comité—, je vous invite à examiner le rapport publié par le Comité des droits de la personne, présidé par Mme Finestone, et à l'examiner de près, au sein de votre comité, car il contient un grand nombre de recommandations fort judicieuses sur cette question. C'est l'un des meilleurs rapports jamais publiés par le Parlement, et j'invite le comité de la justice à en prendre connaissance et à s'en inspirer.
Je vous remercie.
La présidente: Allez-vous nous aider à prendre le temps de le faire?
M. Bruce Phillips: Pardonnez-moi si je me suis quelque peu étendu sur ce sujet.
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Madame la présidente, je crois figurer au compte rendu pour avoir demandé à notre comité de revoir ce projet de loi.
La présidente: M. Breitkreuz voudrait que nous revoyions la Loi sur le contrôle des armes à feu.
Je vous remercie, monsieur Phillips.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui devant nous.
Vous évoquiez la possibilité de fusionner le Bureau du commissaire à l'accès à l'information avec le vôtre. Vous dites textuellement, dans votre exposé:
-
Ce qui nous amène à l'éternelle question de la fusion du
Commissariat à l'accès à l'information avec le mien. Notion qui
semble d'ailleurs plus coriace que la proverbiale référence aux
neuf vies du chat.
Nous allons brièvement revenir là-dessus. D'après l'information dont nous disposons, le Canada, à l'heure actuelle, est la seule nation qui procède ainsi. Vous disiez que la seule exception était le Royaume-Uni, qui songe à s'engager dans notre voie. Mais est-il vrai qu'à l'heure actuelle le Canada soit la seule nation à procéder ainsi, à savoir avec deux bureaux distincts plutôt qu'un seul?
M. Bruce Phillips: Je crois effectivement qu'à ce jour le Canada est la seule nation à avoir un commissaire à la vie privée et un commissaire à l'accès à l'information. Un grand nombre de pays européens ont eu pendant longtemps, des commissaires à la vie privée, mais tous n'ont pas eu un commissaire à l'accès à l'information. Les lois d'accès sont propres au Canada, ainsi qu'à quelques autres États.
M. Paul Forseth: C'était là un des arguments invoqués par l'autre bord. Le Canada est le seul pays à procéder ainsi, mais peut-être nous pourrions rouvrir ce dossier.
Vous dites également qu'il existerait une tendance à adopter le modèle canadien; c'est du moins ce que j'ai compris. Avant de passer à ma question suivante, je me demande seulement si vous avez un argument décisif contre la fusion de ces deux commissariats?
M. Bruce Phillips: Cela me paraît très désastreux pour le commissariat à la protection de la vie privée à moins, bien entendu, que vous n'ayez l'intention de faire du Commissariat à l'accès à l'information une sorte de filiale du Commissariat à la protection de la vie privée, ce que je ne recommanderais pas non plus.
J'ai essayé d'expliquer à ce comité, monsieur Forseth, que l'accès aux données et dossiers gouvernementaux, ainsi que la notion de la protection de la vie privée, ont très peu à voir l'un avec l'autre. Imagine-t-on une proposition de fusionner une équipe de basket-ball et une équipe de base-ball, parce que toutes deux jouent à la balle—en l'occurrence, l'information—mais c'est bien la seule chose qu'elles aient en commun.
La seule chose que nous ayons en commun avec l'accès à l'information, c'est la question d'accès. Les Canadiens ont le droit d'accès à leurs dossiers personnels, mais la Loi sur la protection des renseignements personnels est beaucoup plus complexe et détaillée que la Loi sur l'accès à l'information. Il existe un dossier gouvernemental, vous consultez la loi et vous savez si vous pouvez l'obtenir ou non. Cela n'a rien à voir avec les droits du citoyen quant à la quantité d'informations que le gouvernement peut recueillir les concernant, quant à la façon dont cette information est emmagasinée, dont on s'en sert, dont elle peut être divulguée, quant aux moyens à la disposition du citoyen pour y apporter des corrections ou quant à ses droits de consentement à leur usage ultérieur. Ce sont là des questions qui font l'objet de la Loi sur la protection des renseignements personnels, des questions qui sont sans rapport avec l'accès aux documents gouvernementaux.
Au risque de me répéter, je ne voudrais certainement pas voir la fonction d'ombudsman réduite à celle d'un juge—une seule personne—qui décrète des édits, par lesquels il tranche des questions touchant aux droits des Canadiens.
Avec le système tel qu'il existe actuellement, nous avons un commissaire à la protection de la vie privée et des commissaires adjoints dans les divers ministères, qui peuvent négocier ces questions, dont certaines sont fort complexes, et équilibrer judicieusement le besoin du public d'utiliser l'information et le droit du citoyen à la protection des renseignements personnels le touchant.
• 1050
Vous paraîtrait-il préférable de confier cette tâche à une
seule personne, de lui enlever complètement la fonction de négocier
ces questions et de tirer de ces négociations des conclusions
raisonnables? C'est à cela que vous aboutiriez.
M. Paul Forseth: Je vous remercie de cette explication. C'est précisément la question à laquelle le gouvernement s'évertue actuellement à trouver une réponse.
Vous avez invoqué l'exemple de NAV CANADA, et je voudrais vous demander s'il existe des parallèles à la proposition actuelle de retrancher Revenu Canada de l'autorité normale du ministère et d'en faire une sorte de société d'État? Font-ils des parallèles entre l'exemple de NAV CANADA et la proposition visant Revenu Canada? En effet, cet organisme est détenteur des informations les plus délicates concernant chacun de nous.
M. Bruce Phillips: Ma réponse à votre question, si je comprends bien la situation, monsieur Forseth, sera très brève: oui, il y a effectivement des ressemblances. L'information en question n'est pas liée à l'information des contribuables, mais, pour alléger les effectifs de Revenu Canada, porte sur la section de douanes et accises.
Ceci dit, oui, il y a bien des similitudes, à commencer par le fait qu'un grand nombre de personnes actuellement employées par le gouvernement seraient par la suite employées par une entreprise privée, et leurs dossiers personnels cesseraient d'être couverts par la protection que leur offre la Loi sur la protection des renseignements personnels.
C'était également un problème qui se posait dans l'affaire NAV CANADA: 6 000 personnes jouissent maintenant d'une protection bien moins rigoureuse de leurs dossiers personnels que ce n'était le cas auparavant.
À la suite de l'affaire NAV CANADA et de cas semblables, le gouvernement a à présent adopté pour politique—mais il ne s'agit pas d'une loi—que dans toute privatisation ultérieure ou passation de contrats les employés de la nouvelle entreprise devraient jouir de protections équivalentes à celles contenues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.
C'est là un pas en avant. Si cette pratique est adoptée pour la privatisation de Revenu Canada, cela représenterait un progrès par rapport à ce qui s'est passé pour NAV CANADA.
M. Paul Forseth: Monsieur Delisle, avez-vous quelque chose à ajouter?
Une voix: Le ministère s'est engagé...
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Bruce Phillips: Le ministère nous a promis en fait d'étendre la protection de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. Paul Forseth: Ce sont là toutes les questions que j'avais à poser.
La présidente: En ce cas, je donne la parole à Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je vous remercie, madame la présidente. Je voulais également vous remercier, monsieur le commissaire, d'avoir bien voulu venir.
Ma première question est d'ordre général et vise à vous sonder. Vous parliez d'un besoin d'indépendance, non seulement dans la perception du public, mais également en termes pratiques. En quoi consiste ce besoin d'indépendance de votre commissariat?
Je voudrais ensuite que vous me disiez, en partant de là, si vous pensez qu'une personne nommée à votre poste devrait avoir des antécédents dans le secteur public, avoir une formation de fonctionnaire, ou s'il serait préférable que le commissaire ait une expérience professionnelle ailleurs qu'au gouvernement?
M. Bruce Phillips: Permettez-moi d'abord de répondre à la première partie de la question: Notre commissariat ainsi que quatre autres institutions, à savoir le commissaire de l'accès à l'information, le directeur général des élections, le vérificateur général et le commissaire aux langues officielles, sont considérés comme des hauts fonctionnaires du Parlement. Vous ne trouverez ce terme dans aucun document, mais on entend par là, je pense, que nous sommes hauts fonctionnaires du Parlement parce que nous faisons rapport directement au Parlement, et non à un gouvernement. Le mode de nomination est spécial, à savoir que la personne désignée par le premier ministre du jour doit recevoir l'approbation de la majorité des membres des deux Chambres.
L'objet de tout cela est très clair, à mon avis. C'est parce que nous avons un pouvoir d'enquête, c'est mon cas du moins, c'est-à-dire que nous enquêtons sur des plaintes déposées par des Canadiens au sujet de la façon dont divers ministères gèrent les renseignements les concernant. Nous risquerions certainement de paraître en conflit d'intérêts si nous étions assujettis à la supervision d'un ministère. Le but est donc de nous rendre indépendants, et je pense que c'est nécessaire.
• 1055
Le gouvernement demeure cependant notre bâilleur de fonds,
c'est-à-dire qu'il paye pour nos bureaux, et l'on pourrait soutenir
que c'est un élément de contrôle. Il y a d'autres commissions—je
pense à celle de la Colombie-Britannique et à celle de l'Ontario—
où le financement des commissaires à la protection de la vie privée
et à l'accès à l'information est décidé par un comité législatif.
Une telle mesure isolerait davantage le bureau de toute supervision
du gouvernement.
Personnellement, je n'ai pas constaté que c'était un problème. L'indépendance, après tout, dépend beaucoup de la personnalité du titulaire d'un poste. Vous pouvez entourer ces bureaux de toutes les mesures de protection que vous voulez, si vous n'avez pas la bonne personne en poste, ces garanties ne signifieront pas grand-chose.
En ce qui concerne la deuxième question, il me semble que le Parlement a le dernier mot au sujet de ces nominations. Vous avez toutes les possibilités de vous assurer que quel que soit le candidat, et quels que soient ses antécédents, vous saurez avant d'approuver la nomination que la personne en question exercera ses fonctions d'une manière équitable, efficace et impartiale.
M. Peter MacKay: Merci.
Puis-je vous poser une question, monsieur le commissaire, au sujet d'une mesure législative dont la Chambre est saisie actuellement, et qui concerne la banque de données génétiques? Vous y avez fait allusion dans votre exposé. Un amendement dont la Chambre est saisie actuellement vise à inclure dans le projet de loi la possibilité que votre bureau examine l'usage qu'on fera des données génétiques. Vous avez souligné la crainte que beaucoup de Canadiens ont au sujet de l'usage actuel des données génétiques.
Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette proposition d'amendement visant à ce que votre bureau examine la question. L'amendement mentionne un examen triennal, je pense, mais je croirais qu'il serait peut-être nécessaire de le faire plus souvent. Je n'oublie pas non plus ce que vous nous avez dit au sujet des ressources. Cela représenterait une énorme responsabilité supplémentaire. Pensez-vous que c'est une bonne idée, étant donné surtout l'indépendance que vous auriez, comparativement au commissaire de la GRC?
M. Bruce Phillips: Oui, je suis au courant du projet de loi. Il concorde certainement avec une suggestion que nous avons faite. Nous éprouvons des craintes quant à l'usage abusif qu'on pourrait faire des échantillons prélevés. Nous n'avons jamais eu d'objection à ce que les autorités de police aient le droit, dans les conditions stipulées dans la Loi sur les empreintes génétiques adoptée il y a quelques années, d'utiliser les données génétiques comme moyen pour identifier un coupable au cours d'une enquête sur un crime.
Nous sommes davantage préoccupés par le fait qu'on garde les échantillons, plutôt que les empreintes génétiques tirées des échantillons, parce que l'échantillon peut être réexaminé à des fins autres que l'identification. L'expérience générale nous montre qu'on voit graduellement de nouvelles fonctions se greffer à une technologie. Si la science permet de faire quelque chose, les gens veulent le faire, et la question de savoir si c'est bien ou mal est moins importante pour ces gens que la capacité de le faire.
Je peux très bien envisager que des pénologistes et des chercheurs, ainsi que des policiers, voudront aller voir ces échantillons pour toutes sortes d'autres raisons, pour vérifier, par exemple, si la personne est génétiquement prédisposée à manifester un comportement antisocial—des choses qui n'ont rien à voir avec la raison pour laquelle cette personne a été arrêtée en premier lieu.
Oui, je pense qu'il faut un bon système solide de vérification pour faire en sorte qu'on n'envahisse pas la banque d'échantillons et qu'on n'utilise pas son contenu pour des fins sans rapport avec l'objectif premier de cette banque.
M. Peter MacKay: Monsieur le commissaire, en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'article 60 vous permet, à titre de commissaire, d'effectuer des études spéciales si le ministre de la Justice vous en fait la demande. Au cours de votre mandat, cela s'est-il produit? Combien de fois cela s'est-il produit? Est-ce une disposition qu'il faudrait utiliser plus souvent?
M. Bruce Phillips: Oui, je connais l'article 60. C'est une belle disposition, elle est parfaite, et même virginale, si je puis dire, car le ministère de la Justice ne nous a jamais demandé d'effectuer une étude spéciale.
Au cours des ans, nous avons effectué un grand nombre d'études spéciales de notre propre chef, simplement parce que nous devions essayer de suivre de près le progrès dans certains domaines. Nous n'avons jamais reçu d'aide financière spécialement à cette fin.
Le ministère de la Justice convient avec nous que la Loi sur la protection des renseignements personnels a en effet besoin d'une révision pour tenir compte de l'évolution de la situation, et qu'il faudrait y inclure une fonction de recherche et d'orientation, ainsi qu'un mandat d'information du public.
Un élément crucial de notre problème de financement découle du fait que la loi ne nous donne essentiellement que quelques pouvoirs législatifs restreints—premièrement, enquêter sur les plaintes, et deuxièmement, examiner la question de la conformité des ministères—nous avons beaucoup de difficulté à convaincre le Conseil du Trésor de nous donner de l'argent pour faire ces choses. Je peux cependant vous dire que sans elles, je ne pourrais vous parler de rien d'autre aujourd'hui que de la question des enquêtes au sujet des plaintes déposées.
Le Conseil du Trésor est de notre côté, mais il ne peut pas se décider à nous donner les ressources suffisantes sans un mandat législatif. C'est là le problème.
M. Peter MacKay: Monsieur le commissaire, estimez-vous que d'une manière générale votre bureau est assez puissant, c'est-à- dire que vous avez suffisamment de pouvoir à votre disposition pour réagir comme il se doit aux plaintes sur lesquelles vous faites enquête? Ou estimez-vous que vos rapports avec la GRC sont assez bons pour que, le moment venu, au besoin, lorsque vous dénoncez quelqu'un, la police interviendra? Ou préféreriez-vous avoir une position plus indépendante lorsqu'il s'agit de faire respecter les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels?
M. Bruce Phillips: Je ne veux certainement pas plus de pouvoir. J'aimerais cependant que les Canadiens aient un peu plus de pouvoir dans ce domaine.
La Loi sur la protection des renseignements personnels a en effet besoin d'être corrigée. Ses dispositions d'exemption sont vraiment trop larges. Nous devons restreindre, limiter, les cas où le gouvernement peut refuser d'accorder l'accès à des documents. Il y a des dispositions de la loi où le libellé est tellement général qu'il constitue essentiellement une échappatoire totale pour tout bureaucrate inventif qui veut contourner les dispositions de la loi.
Par exemple, des accords conclus entre des ministères fédéraux et des gouvernements provinciaux, ainsi qu'entre le gouvernement du Canada et des gouvernements étrangers les dispensent essentiellement de l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, y compris de l'accès par des Canadiens. C'est vraiment trop général et facultatif.
Tout accord de mise en commun de l'information par le gouvernement du Canada et des gouvernements provinciaux et municipaux, ou avec n'importe qui d'autre en fait, devrait être assujetti à une sorte de révision pour qu'on détermine si des mesures raisonnables pour protéger les renseignements personnels des Canadiens seront prévues dans une telle transaction. Pour l'instant, de tels accords sont totalement exemptés.
Et bien sûr d'énormes quantités d'information circulent tous les jours entre le gouvernement du Canada et diverses autres entités, en vertu de dizaines, sinon de centaines d'accords de mise en commun de l'information.
• 1105
Je peux vous dire que ces accords posent des problèmes. De
temps à autre, nous recevons une plainte d'un citoyen et après
enquête, nous nous rendons compte que le problème est le résultat
d'un accord de mise en commun de l'information, en particulier dans
le domaine de l'impôt et du soutien du revenu, dans des cas où l'on
n'a pas suffisamment tenu compte des droits du particulier, ou
encore il s'agit d'un cas où parmi les renseignements transmis par
le gouvernement du Canada à un gouvernement provincial, ou
l'inverse, se trouvaient une foule de renseignements qui n'étaient
pas nécessaires aux fins de l'échange d'information. Il arrive bien
souvent qu'on envoie beaucoup plus de renseignements que ceux dont
on a vraiment besoin. Il faut que tout cela soit assujetti à une
sorte d'examen.
Il y a des dispositions dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme l'alinéa 22(1)a), qui permettent essentiellement à un ministère de refuser l'accès à des informations simplement parce qu'il est un organisme d'enquête. Le gouvernement ne devrait pas pouvoir refuser l'accès à des renseignements à moins qu'il puisse prouver que cela nuirait. C'est l'essence de la loi actuelle sur la protection des renseignements personnels. Dans la plupart des cas, lorsque quelqu'un se voit refuser l'accès à certaines informations, nous avons le droit d'aller examiner le dossier et de demander qu'on nous explique en quoi la divulgation des renseignements nuirait. Il faudrait lier à tout refus du droit d'accès un critère subjectif.
De même, dans le cas de documents confidentiels du Cabinet, ils sont tous exemptés du droit d'accès. Je ne m'y oppose pas nécessairement, mais je proteste contre le fait que c'est un bureaucrate du Bureau du Conseil privé qui décide si un document particulier fait partie ou non des documents confidentiels du Cabinet. Ce bureaucrate n'a qu'à dire: «Désolé, monsieur le commissaire à la protection de la vie privée, mais c'est un document confidentiel du Cabinet», et l'affaire est close. Ce sont les seuls qui ont ce privilège. N'importe qui d'autre au gouvernement doit donner les raisons pour lesquelles un document n'est pas remis. Nous devrions au moins pouvoir examiner le document pour nous assurer qu'il s'agit en réalité d'un document confidentiel du Cabinet.
À l'heure actuelle, tout ce qui se passe à l'intérieur de l'édifice Langevin peut essentiellement être décrit par un membre du personnel comme un document confidentiel du Cabinet, et nous n'avons absolument aucun moyen de le vérifier. L'affaire est close quand on nous dit qu'on est désolé, mais qu'il s'agit d'un document confidentiel du Cabinet et que nous ne pouvons pas le voir. Eh bien, les documents confidentiels du Cabinet ne sont pas définis dans cette loi d'une manière particulière et c'est donc essentiellement tout document que quelqu'un qualifie ainsi. Il faut définir plus précisément ce qui constitue un document confidentiel du Cabinet et ce qui n'en est pas un.
M. Peter MacKay: Merci beaucoup, monsieur le commissaire. Vous nous donnez des renseignements très convaincants.
Vous avez mentionné que l'ancien juge LaForest était le saint patron de la protection des renseignements personnels et que dans cette législature, nous avons la chance d'avoir Mme Finestone, qui est probablement notre sainte patronne de la protection des renseignements personnels.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Sainte Sheila.
L'hon. Sheila Finestone: Je pense que je vais passer la couronne à Bruce Phillips, car c'est à lui qu'elle appartient.
M. Bruce Phillips: Non, elle ne tiendrait pas bien sur ma tête.
L'hon. Sheila Finestone: Elle tiendrait mieux que sur la mienne.
La présidente: Oh, je me retiens d'ajouter un mot.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Derek.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur Phillips, je veux aborder trois questions, si j'en ai le temps. Vous avez parlé des deux premières dans vos remarques liminaires.
La première concerne le codage. Il s'agit en réalité d'une autre façon d'écrire pour qu'un autre être humain ne puisse pas comprendre. Vous avez reconnu que le codage pouvait aider à protéger les renseignements personnels. Il rendra les dossiers illisibles pour tout autre être humain qui ne comprend pas le code. C'est donc un élément positif.
Certains de nos corps de police ont fait savoir que si le codage doit proliférer, ils voudraient en posséder les clés, les codes, et je comprends pourquoi. S'il y a des données dans une langue étrangère, la police cherchera quelqu'un qui peut parler ou lire la langue en question, et c'est assez juste; nous ne nous plaignons pas de cela. Alors pourquoi vous opposeriez-vous à ce qu'un corps de police qui fait son travail habituel—je ne parle pas d'enfreindre des lois—veuille simplement avoir la possibilité de lire des données jugées nécessaires à la poursuite d'une enquête?
M. Bruce Phillips: Eh bien, monsieur Lee, je déteste répondre à une question par une question...
M. Derek Lee: Il n'y a pas de mal à cela.
M. Bruce Phillips: ... mais dans quel régime la police a-t- elle déjà eu la clé des communications privées de tout le monde?
M. Derek Lee: Nous parlons de dossiers.
M. Bruce Phillips: Nous parlons d'Internet, c'est-à-dire de communications dans le temps.
M. Derek Lee: Très bien. Si la police a besoin d'un dossier, elle a les moyens, un mandat ou un autre moyen, d'aller le chercher.
M. Bruce Phillips: C'est différent. Elle peut le faire en effet.
M. Derek Lee: Dans ces cas-là, n'aurait-elle pas besoin du code? Ne serait-il pas juste que la police ait la possibilité de décoder un dossier?
M. Bruce Phillips: Je pense que si la police avait un mandat pour obtenir la preuve d'une transmission par des moyens électroniques, elle a le pouvoir d'obliger quelqu'un à livrer cette preuve dans un langage compréhensible.
C'est une question très différente, monsieur Lee, de ce qui est demandé ici. La police veut pouvoir intercepter et décoder des communications faites sur Internet; c'est une question entièrement différente. Il s'agit, en réalité, de faire de l'écoute électronique sur Internet. Je me méfie un peu de cela. Et je pense que ce n'est pas seulement une question de l'exercice des pouvoirs de police, c'est-à-dire de savoir si cela pourrait nuire à une application efficace de la loi.
Internet promet de devenir le principal moyen de communication pour des dizaines de millions de personnes dans un avenir rapproché. C'est probablement le moyen de communication le plus libérateur qu'on ait jamais connu. Pour que les gens en général l'acceptent rapidement, il est essentiel qu'ils aient confiance dans la sécurité du système et dans la sécurité de leurs communications. Il y a déjà des cas aux États-Unis de gens qui refusent de donner des renseignements aux compagnies d'assurance, sur Internet, parce qu'ils craignent leur interception par la police.
Nous devons examiner très soigneusement les enjeux, à mon avis. Je suis très heureux de pouvoir dire que le gouvernement vient de montrer cette semaine, je pense, un juste équilibre en examinant les instances présentées par la police qui demande plus de pouvoirs pour faire des incursions dans la vie privée des gens, au moyen de la banque de données génétiques. Les policiers voulaient rouvrir toute la question des infractions pour lesquelles ils pourraient exiger des échantillons génétiques, et je suis heureux que le gouvernement ait résisté à cette demande.
M. Derek Lee: Bien, revenons-en au codage. Vous avez dit que si la police a un mandat pour obtenir des renseignements, elle devrait alors avoir aussi la possibilité de décoder ces renseignements. C'est assez juste, n'est-ce pas, si la police a un mandat?
M. Bruce Phillips: Si la police a obtenu un mandat parce qu'elle a convaincu un juge qu'elle devait voir un message encodé que quelqu'un a reçu, je pense qu'elle devrait avoir le droit légalement de forcer la personne à décoder le message.
M. Derek Lee: Ou d'être déjà capable de le décoder?
M. Bruce Phillips: Eh bien, je suis d'un avis différent à ce sujet.
M. Derek Lee: Bien.
Passons à la question des cartes de déclaration de Douanes Canada.
M. Bruce Phillips: Permettez-moi de résumer ainsi ma pensée: Si la police était capable de décoder le message, pourquoi aurait-elle besoin de voir le document?
L'hon. Sheila Finestone: C'est exact. Allons donc, Derek.
M. Bruce Phillips: S'il s'agit d'une transmission par Internet et si la police surveille les communications d'un suspect et si elle possède le code, elle peut alors enregistrer le message décodé.
M. Derek Lee: Si cette question n'est pas précisée—et c'est ce que vous signalez—, une foule d'organismes, des entreprises privées, des corps de police, et d'autres, seront tentés de confier en sous-traitance la collecte de données sur Internet. Pour l'instant, c'est assez limité.
M. Bruce Phillips: En effet.
M. Derek Lee: Je ne sais pas à quel point on s'attend à ce que les renseignements personnels soient protégés sur Internet, mais les attentes doivent être assez limitées.
Je veux maintenant passer à la question des cartes de déclaration de Douanes Canada.
M. Bruce Phillips: Avant d'en terminer avec cette question, je pense, monsieur Lee, qu'on peut faire une analogie dans l'histoire avec les communications télégraphiques. Les entreprises, par exemple, utilisent depuis des siècles leurs propres codes privés. On ne s'est encore jamais servi de cet argument pour dire que la police devrait toujours avoir droit aux clés de tous ces codages. La police a certainement le droit, lorsque c'est nécessaire pour faire respecter la loi, d'examiner des dossiers et d'exiger leur décodage, mais je pense que c'est tout à fait différent de donner à la police le droit de faire elle-même le décodage.
Ne nous laissons pas impressionner par la technologie. Qu'est-ce que cela signifie vraiment? Cela élargirait considérablement les pouvoirs de la police. C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
M. Derek Lee: D'accord; je comprends votre position.
Maintenant, au sujet des cartes de Douanes Canada, vous avez dû en venir à la conclusion que lorsqu'un particulier entre dans le pays ou en sort, c'est un acte privé, non pas un acte public. Est- ce bien ce que vous nous avez dit?
Si c'est un acte privé, tous les dossiers devraient rester là où ils sont. Si c'est un acte public, c'est un acte public. Personnellement, je ne sais pas très bien ce que j'en pense, mais, étant donné l'évolution de vos lois et notre histoire, j'ai tendance à penser qu'il s'agit d'un acte public, lorsqu'on quitte le Canada ou qu'on y revient. Je ne trouve donc pas anormal qu'une branche du gouvernement communique des informations à une autre branche du gouvernement sur un acte public.
Il y a certains secteurs d'activité du gouvernement que nous scellons hermétiquement. Nous scellons les informations dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Nous scellons tout ce qui se passe au Cabinet. Nous scellons ce qui a trait à la Loi sur les secrets officiels, du moins nous le faisions jadis, et également les informations personnelles, qui sont assez bien définies. Toutefois, le fait qu'une personne ait quitté le Canada ou soit revenue n'est pas encore dans cette catégorie. Ce qui ne vous plaît pas, ce n'est pas qu'on enregistre ce genre d'information, mais c'est qu'on communique ces informations relatives à ce que je considère être un acte public avec d'autres organismes du gouvernement. Que pensez-vous de ma façon de voir les choses?
M. Bruce Phillips: Je vois les choses d'une façon un peu différente...
M. Derek Lee: Soit dit en passant, je comprends très bien votre point de vue, je suis heureux de vous entendre l'exposer, j'ai beaucoup de respect pour ce point de vue. Mais je vous écoute.
M. Bruce Phillips: Le principe de la confidentialité est quelque chose de très individuel. Il y a des gens qui ne voient aucun mal à ce qu'on les identifie à la frontière, d'autres qui s'y opposent. Ce qu'une personne considère comme sa vie privée, une autre personne le considère comme une affaire publique. Je n'ai pas l'intention de décider au nom de mes 30 millions de concitoyens dans quelle mesure ils sont prêts à abandonner une partie de leur vie privée aux regards publics.
D'une façon générale, c'est un concept que les spécialistes appellent le concept des données sur la situation géographique. C'est une des raisons pour lesquelles on a enlevé les caméras radar sur l'autoroute 401. En effet, les gens avaient l'impression qu'on envahissait leur vie privée et qu'ils n'avaient pas à rendre compte de leurs déplacements à un organisme public.
La présidente: À mon avis, c'est surtout qu'ils ne voulaient pas être pris à faire de l'excès de vitesse.
M. Bruce Phillips: Peut-être pas.
M. Derek Lee: Pratique avant tout. Avez-vous enfin payé vos contraventions
La présidente: Je vais vous dire une chose: les nouvelles caméras sur l'autoroute 407 ne marchent pas très bien, car je l'ai empruntée gratuitement une vingtaine de fois.
Excusez-moi, allez-y.
M. Bruce Phillips: Voilà la situation: le gouvernement du Canada recueille énormément d'informations auprès des Canadiens. Ces informations sont communiquées sur une base de confiance. Le gouvernement a besoin de ces informations pour administrer ses programmes. Ce sont des programmes qui profitent à la population. Cela dit, le gouvernement, lorsqu'il recueille ces informations, s'engage à ne pas les utiliser à d'autres fins, à des fins pour lesquelles il n'a pas le consentement des gens.
Voilà la base du contrat qui existe avec le gouvernement du Canada, avec le gouvernement de n'importe lequel pays civilisé qui respecte ses citoyens lorsqu'il recueille des informations.
• 1120
Mon argument, c'est que la carte E311 dont vous avez parlé
trahit cette confiance. Les gens ne signent pas la carte E311 aux
fins de l'assurance-chômage. Ils la signent parce que lorsqu'ils
vont dans un pays étranger, ils se rendent compte que le
gouvernement doit savoir s'ils ramènent des biens sur lesquels un
droit de douane doit être perçu, doit savoir combien de temps ils
ont passé à l'étranger, combien d'argent ils ont dépensé, etc.
Toutes ces informations sont nécessaires à la saine gestion
publique, et c'est la raison pour laquelle les Canadiens les
communiquent. Par contre, ils ne fournissent pas ces informations
pour que quelqu'un, dans un autre ministère, s'en serve à d'autres
fins sans leur consentement.
M. Derek Lee: D'accord. Je suis d'accord quand vous parlez de saine gestion publique.
Ce que vous avez dit au sujet des informations échangées entre gouvernements m'a particulièrement frappé. Vous déplorez le fait que vous n'avez pas droit de regard sur toutes ces ententes intergouvernementales qui pourraient prévoir la communication d'informations personnelles. C'est bien ça?
M. Bruce Phillips: Oui. En fait, non, ces ententes n'échappent pas à mon examen ou à mes observations. Nous avons discuté de l'échange d'information entre les ministères. Le problème, c'est que les citoyens n'y ont pas accès. Les citoyens n'ont aucun moyen de découvrir quelles informations le gouvernement du Canada communique à d'autres parties, si cela se fait aux termes d'une entente provinciale ou internationale. Cela échappe à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. Derek Lee: Ils peuvent prendre connaissance de l'entente, mais ils n'ont pas accès aux informations qui sont communiquées aux termes de l'entente.
M. Bruce Phillips: Effectivement, monsieur Lee, c'est généralement le cas.
M. Derek Lee: C'est une préoccupation. Vous dites que le Parlement devrait étudier ces ententes, n'est-ce pas?
M. Bruce Phillips: Effectivement. Il me semble que pour être vraiment utile, une loi sur la protection des renseignements personnels ne doit pas exclure d'énormes secteurs d'information, ce qui est précisément la situation actuelle.
Les informations peuvent être échangées de façon tout à fait irréprochable, il n'y a peut-être rien à redire, mais dans l'ensemble, je pense que les gens devraient savoir ce que ces dossiers contiennent et quelles informations sont communiquées.
M. Derek Lee: D'accord. J'ai une suggestion; il s'agit de ce qu'on appelle, je crois, l'article vierge, l'article 60.
Supposons que vous soupçonniez l'existence d'une catégorie globale, d'un regroupement d'accords intergouvernementaux, et vous avez l'impression qu'aux termes de ces accords, on communique beaucoup trop d'informations ou des informations qui ne devraient pas être communiquées. Dans une telle situation, je pense que vous devriez regrouper toutes vos préoccupations avec des références aux accords en question, et rédiger un rapport spécial à l'intention du Parlement. En règle générale, le gouvernement peut approfondir ce genre de choses. Nous pourrions être limités par le temps et par les ressources, mais si c'est quelque chose qui vous préoccupe véritablement, je pense que vous pourriez procéder de cette façon-là pour nous donner une bonne idée d'ensemble.
M. Bruce Phillips: Oui. Merci beaucoup, monsieur Lee. C'est une suggestion intéressante.
Je vais vous demander si la solution suivante conviendrait: nous pourrions garder votre suggestion à l'esprit et l'étudier sérieusement. Nous aurions peut-être nous-mêmes des suggestions à faire sur toutes ces questions des accords relatifs à l'information. Un examen de toutes les ententes de partage d'information qui existent actuellement entre le gouvernement du Canada et d'autres entités serait pour mon bureau une entreprise considérable. Je n'ai certainement pas les ressources nécessaires à l'heure actuelle.
On pourrait peut-être résoudre le problème en modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et en imposant des normes pour négocier ces ententes, c'est-à-dire des normes de respect des renseignements personnels qui devraient être exigées par le gouvernement du Canada chaque fois qu'une telle entente de partage d'information est conclue. Ce serait probablement une autre solution.
Si vous le voulez bien, j'aimerais un peu de temps pour réfléchir à tout cela avant de vous en reparler.
M. Derek Lee: Certainement. En même temps, je vous invite à consulter la présidente de ce comité et les leaders à la Chambre des divers partis de façon informelle. Cela vous aidera probablement à mieux cerner la situation. En tout cas, c'est une invitation que je vous lance.
M. Bruce Phillips: Merci.
• 1125
Madame Cohen, j'ai une observation au sujet de ce que M. Lee
vient de dire, c'est-à-dire au sujet des communications entre mon
bureau et le Parlement en règle générale. Je ne suis pas satisfait
de la situation actuelle. J'accepte une large part de la
responsabilité, mais si la notion de haut fonctionnaire du
Parlement signifie vraiment quelque chose, il me semble crucial
d'améliorer le dialogue. C'est un problème pour mon bureau car
lorsque nous nous occupons d'une plainte, la loi exige que nous
fassions nos recherches en privé. Nous communiquons nos conclusions
aux ministères du gouvernement et aux auteurs des plaintes, et dans
les deux cas, ce sont des documents privés. Nous pourrions
peut-être trouver un moyen pour vous donner une meilleure idée de
ce que nous faisons, un moyen de communiquer plus fréquemment avec
vous sur certaines de ces questions, ou encore de vous soumettre
plus de documents d'information.
Je sais que vous êtes tous accablés et inondés de paperasse d'une manière ou d'une autre, mais je crois qu'il s'agit là de questions qui nous intéressent tous, et je tiens à améliorer de manière générale la qualité de la communication entre votre comité et l'ensemble du Parlement et mon bureau.
La présidente: Faudra-t-il pour cela modifier la loi?
M. Bruce Phillips: Non, je ne le crois pas.
La présidente: Merci.
Monsieur John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur le commissaire, je crois que vous méritez nos félicitations pour le renouvellement de votre mandat—nos félicitations ou nos sympathies. Je suis membre d'un groupe de travail qui se penche sur les institutions financières. L'un des griefs que nous entendons assez souvent, et qui suscite beaucoup d'aigreur, a trait à la question des ventes liées, qui se résume essentiellement à l'utilisation et à l'abus de renseignements personnels qui sont communiqués à une institution financière, ce qui profite à l'institution financière mais nuit au client. Dois-je croire, d'après votre témoignage, que cela ne relève pas de votre compétence?
M. Bruce Phillips: Pour le moment, non.
M. John McKay: Prévoyez-vous que les institutions à charte fédérale vont un jour relever de votre compétence?
M. Bruce Phillips: C'est possible, monsieur McKay, si le gouvernement s'acquitte de l'engagement qu'il a pris de proposer une nouvelle loi sur la protection de la vie privée à l'automne, projet qui figure à son calendrier actuel, et c'est un assez bon projet de loi, oui, dans la mesure où il permettra d'examiner la question des ventes liées qui font intervenir l'utilisation de renseignements personnels.
Si le client d'une institution financière donne sa permission, et j'entends par là qu'il s'agirait d'un consentement informé authentique, pour que l'on utilise ce genre d'information, c'est une chose. Les ventes liées peuvent toucher une multitude d'activités diverses. Je sais que les banques canadiennes s'opposent pour diverses raisons aux pratiques relatives aux ventes liées, et elles ont désigné un ombudsman qui essaie de voir clair dans tout cela. Mais si la pratique commerciale permet l'utilisation des renseignements échangés entre le client et l'institution financière à une fin précise et que ces renseignements sont utilisés à d'autres fins sans consentement, je crois qu'il y a lieu de s'opposer à cette pratique. Mais si les banques et les clients arrivent à s'entendre sur un modus vivendi quelconque, ce serait autre chose.
Oui, nous examinerions ces situations si la loi nous le permettait.
M. John McKay: Je dirais que c'est presque une question pointue en matière de protection de la vie privée, étant donné le regroupement des institutions financières et le pouvoir de négociation disproportionnée que détient l'institution par rapport au client. J'essaie seulement de réfléchir en termes organisationnels et systémiques pour voir si ce genre de grief pourrait relever d'un commissaire impartial et comptable devant le Parlement, ou si ce grief pourrait relever d'un ministère qui serait responsable de l'industrie.
M. Bruce Phillips: Restons-en à l'exemple hypothétique. Si vous obtenez une hypothèque de la banque, ou que vous demandez une hypothèque, et que le prêteur vous dit qu'il vous accordera l'hypothèque mais uniquement à la condition que vous achetiez l'assurance qu'il vend, je ne crois pas que cela relèverait de la protection de la vie privée. Cela serait peut-être contraire à une autre restriction commerciale quelconque.
M. John McKay: Mais si l'on utilise ces renseignements et qu'on les transmet à d'autres services qui font partie de votre entreprise...
M. Bruce Phillips: C'est une question différente.
M. John McKay: Une question différente.
M. Bruce Phillips: Absolument. Oui. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une transmission de renseignements qui pourrait fort bien relever de la Loi fédérale sur la protection de la vie privée, qui vise aussi les institutions financières.
M. John McKay: J'aimerais maintenant savoir si vous avez été obligé de faire appel aux avocats du ministère de la Justice dans l'affaire que vous avez intentée contre Développement des ressources humaines Canada?
M. Bruce Phillips: Non. En fait, il s'agit d'un cas intéressant. Une partie de cette cause dont est saisie la Cour fédérale fait l'objet d'un renvoi commun parce que le ministère de la Justice était d'accord avec nous pour dire que la question méritait l'intervention des tribunaux et il a coopéré avec nous en prenant les moyens voulus pour que la Cour soit saisie de cette question.
Le procureur général du Canada a le droit de demander aux tribunaux d'étudier une question. De manière générale, cela relève de sa compétence, pour une partie de cette cause, en tout cas. Mais, non, nous ne comptions pas uniquement sur lui. Ce que nous voulions ici, c'était faire intervenir les tribunaux avec le plus de célérité possible et faire entendre notre cause dans les meilleurs délais.
M. John McKay: Si le ministère de Justice n'avait pas prêté à cette question la même importance que vous, auriez-vous fait cavalier seul? Avez-vous l'autorité pour ce faire, et auriez-vous eu accès à des ressources pour ce faire?
M. Bruce Phillips: Nous nous serions sûrement adressés au tribunal. Mais les moyens que nous aurions pris ici auraient été plus limités.
M. John McKay: Auriez-vous été obligés de retenir les services d'un avocat de l'extérieur?
M. Bruce Phillips: De toute manière, pour une cause importante comme celle-là, nous retenons les services d'un avocat de l'extérieur. Notre avocat général a beaucoup à faire. Nous n'avons qu'un seul avocat.
M. John McKay: J'ai bien vu, oui.
M. Bruce Phillips: Nous nous serions adressés au tribunal.
M. John McKay: Ma dernière question nous ramène à cette question de l'ADN, que nous avons tous encore à l'esprit. Certains nous pressent de temps à autre de faire émettre une carte à empreintes génétiques dès la naissance, si vous voulez. J'aimerais savoir si vous pensez que c'est une bonne ou une mauvaise idée, comme vous voudrez.
M. Bruce Phillips: Tout dépend qui a la carte, n'est-ce pas?
M. John McKay: Tout dépend de l'utilisation ou de l'abus qu'on en fait.
M. Bruce Phillips: Bien sûr.
M. John McKay: Est-ce là le fond de la question?
M. Bruce Phillips: Oui.
Je me rappelle une proposition qu'on a faite en Grande-Bretagne il y a quelques années aux termes de laquelle on aurait obligé tous les parents à donner un échantillon d'ADN de tous les garçons à la naissance, échantillon qui serait conservé par Scotland Yard. Idée qui ne me plaisait pas beaucoup. Dire aux parents de Grande-Bretagne que leur fils, dès la naissance, serait considéré par l'État comme un criminel en puissance, n'est pas une idée très populaire à mon avis...
La présidente: Mais s'il ne s'agit que des hommes.
M. Bruce Phillips: Oui, d'accord. Merci, madame la présidente.
Quiconque veut faire faire une analyse génétique n'a qu'à aller voir son médecin et le demander, et seul vous et le médecin disposerez de cette information.
M. John McKay: C'est l'absence de consentement qui fait problème ici.
M. Bruce Phillips: Mais je ne vois pas pourquoi l'État obligerait tous les citoyens à faire faire une analyse génétique et à communiquer ces renseignements à l'État. Mon Dieu, ça, c'est la dictature à mon avis.
M. John McKay: Merci.
La présidente: Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci, madame la présidente.
Eh bien, Saint Bruce, je veux seulement savoir...
M. Bruce Phillips: On dirait que vous aimez cette image de sainteté, n'est-ce pas?
L'hon. Sheila Finestone: Pour M. Phillips, oui.
Tout d'abord, je tiens à vous dire combien les Canadiens sont heureux de vous voir conserver cette fonction, qui est à mon avis beaucoup plus un fardeau qu'une joie. Fonction qui ne vous vaudra pas de couronne mais qui vous donne certainement de beaux cheveux gris.
Qu'est-ce qui vous fait rire?
La présidente: Rien.
L'hon. Sheila Finestone: Retranchez cela du procès-verbal.
M. Bruce Phillips: Non, en fait, ce que vous dites me plaît.
L'hon. Sheila Finestone: J'ai une impression de déjà vu, mais j'apprends quelque chose chaque fois que vous venez nous voir.
Il y a tellement de domaines dans cette loi où nous devons apporter des changements importants. Faut-il proposer une nouvelle loi? Faut-il une nouvelle Loi sur la protection de la vie privée? Je pense qu'on avait parlé d'une loi sur le traitement des données de préférence à une loi sur la protection de la vie privée. Avons-nous besoin d'une nouvelle loi sur la protection de la vie privée et le traitement des données, ou la loi actuelle est-elle modifiable?
M. Bruce Phillips: Mon Dieu, j'espère que mon personnel ne m'en voudra pas de la réponse que je vais vous faire.
Essentiellement, l'actuelle Loi sur la protection de la vie privée est assez bien faite. On y définit les éléments qui constituent une bonne protection de la vie privée. La définition qu'elle donne des renseignements personnels est bonne. La loi contient aussi le code de pratiques équitables de traitement de l'information qui est aujourd'hui universel et qui se retrouve dans tous les documents de même genre. La loi telle qu'elle est peut survivre. Elle a cependant un grand besoin d'être améliorée et affinée. La définition des renseignements personnels, par exemple, devrait être mise à jour et inclure des éléments comme le commerce électronique, les analyses génétiques et ce genre de choses. Chose certaine, je n'irais pas trop vite en affaires, non.
La question plus pressante est de savoir si une loi visant le secteur privé—c'est-à-dire, les institutions financières, le transport et les communications—peut se marier aisément avec la Loi sur la protection de la vie privée, ou s'il faut adopter une loi distincte. Pour le moment, je ne me sens pas la compétence voulue pour vous donner une opinion sur cette question. Je me contenterai de dire que les rumeurs que j'entends m'inquiètent: à savoir, que le projet de loi que l'on envisage en ce moment pourrait être inutilement compliqué et tatillon. J'espère que non. À mon avis, ce qu'il faut, si jamais l'on...
L'hon. Sheila Finestone: Pardon. On ne vous a pas permis de faire une critique de l'ébauche de ce projet de loi?
M. Bruce Phillips: Nous n'avons toujours pas reçu de projet de loi. Ce que nous avons, c'est un document de discussion provenant du ministère de l'Industrie.
L'hon. Sheila Finestone: Le même texte qu'on a vu il y a deux ans?
M. Bruce Phillips: Non, vous avez reçu ce texte il y a environ trois mois. Mais si l'on me passe l'expression, je dirai que ce texte ne représente pas une grande amélioration par rapport à celui que vous avez vu il y a trois ans.
À mon avis, l'un des avantages du commissariat existant, c'est sa souplesse. Le processus est assez simple: les gens portent plainte; nous intervenons et faisons enquête. Nous examinons le système et tâchons de parvenir à des conclusions relevant du bon sens. Après tout, nous administrons tout cela avec 35 personnes.
Si l'on veut viser le secteur privé, je pense qu'il faut s'assurer de retenir ces éléments de simplicité et de souplesse parce qu'il y a des milliers et des milliers de types d'entreprises différentes, et si vous voulez un projet de loi qui couvre tous les cas imaginables, vous risquez de vous enliser pour toujours dans la boue bureaucratique.
Donc tâchons d'avoir une loi visant le secteur privé qui soit simple et qui permette d'établir une norme pour les entreprises. Les entreprises seraient obligées de faire affaire conformément à cette norme—essentiellement celle que l'on retrouve dans la Loi sur la protection de la vie privée, avec quelques changements—et si un citoyen porte plainte, on s'attendrait à ce que le citoyen et l'entreprise essaient d'abord de régler le problème entre eux, et si l'impasse persiste, on pourrait en appeler à un arbitre indépendant qui pourrait faire enquête.
• 1140
Il y a des questions qui se posent. Faut-il prévoir des
sanctions s'il y a mauvaise gestion des renseignements personnels?
Je pense qu'il faut prévoir des sanctions quelconques, mais j'irais
doucement ici. Je ne crois pas que de bonnes pratiques de
protection de la vie privée aient pour objectif d'assommer
l'entreprise; il s'agit de l'éduquer afin qu'elle fasse bien les
choses. Je crois que cette approche sera bien accueillie par la
plupart des entreprises. Chose certaine, pour l'entreprise, la
mauvaise publicité est un châtiment beaucoup plus efficace que la
simple amende.
Votre arbitre devrait disposer de certains pouvoirs pour faire enquête relativement à la façon dont les entreprises gèrent leurs informations, afin qu'il ait la certitude que les entreprises se conforment à la loi—quelques petites choses comme ça. Mais vous n'avez pas besoin d'une bureaucratique colossale.
L'expérience québécoise est riche d'enseignements. On y vise le secteur privé depuis trois ou quatre ans. Depuis lors, on a jugé nécessaire d'ajouter sept ou huit fonctionnaires. Ils en voudraient plus; ils estiment qu'ils ont besoin de quelques personnes de plus. Les activités relatives au secteur privé comptent pour environ 25 p. 100 du volume total de leurs activités. Je m'attendrais à quelque chose de semblable au niveau fédéral.
L'hon. Sheila Finestone: Et si vous ajoutez la nécessité d'un volet recherche pour ce qui est du personnel et du financement...?
M. Bruce Phillips: Julien Delisle a examiné la question. Je vais l'inviter à vous faire quelques remarques à ce sujet.
M. Julien Delisle (directeur exécutif, Bureau du commissaire à la vie privée du Canada): Nous avons pris connaissance des autres expériences qui ont été faites. Par exemple, si nous avions un mandat relatif au secteur privé, le ressort de notre commissaire ressemblerait beaucoup à celui de la Commission canadienne des droits de la personne, pour le secteur fédéral. La Commission nous dit que le secteur privé occupe environ 50 p. 100 de son temps. Comme Bruce vient de vous le dire, au Québec, c'est 75-25. On s'attend à ce qu'il y ait croissance de ce pourcentage entre 25 et 50 p. 100. Bien sûr, dans les premières années de notre mandat relatif au secteur privé, nous aurions besoin... Si on nous donne pour mandat d'éduquer le public, il y aurait beaucoup plus d'activité au début pour sensibiliser les gens.
Chose certaine, pour ce qui est de la recherche, ce serait nouveau pour nous, il nous faudrait un volet quelconque de ce côté. Donc nous nous attendons, ayant pris connaissance de ces chiffres jusqu'à maintenant, à ce que nous ayons besoin de deux agents de recherche de plus et de cinq agents de plus au niveau de ce que nous appelons le portefeuille ou la vérification, qui s'occuperaient de toute la question du respect de la loi.
L'hon. Sheila Finestone: Donc on parle d'environ sept ETP.
M. Julien Delisle: Donc on parle d'environ sept ETP. C'est pour la recherche et l'application de la loi. Du côté des plaintes, on envisage... À l'heure actuelle, nous avons 16 enquêteurs, plus quatre ou cinq de plus sur une base temporaire, le Conseil du Trésor nous ayant donné un peu plus d'argent pour expédier notre arriéré. Donc, de ce côté, on envisage entre cinq et dix enquêteurs de plus, ce que nous considérons comme raisonnable.
L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Phillips, ce qui me préoccupe—et j'étais heureuse de vous entendre répondre à ma question comme vous l'avez fait—, c'est le fait que vous considérez cela comme un droit de la personne. C'est la première chose. Voilà pourquoi le bureau de l'information ne me plaisait pas beaucoup non plus. Donc si on envisage la question comme étant un principe essentiel relativement aux droits de la personne et à la Loi sur la protection de la vie privée—et je ne suis pas sûre qu'on modifierait le nom de la loi pour l'appeler la Loi sur les données, même si à ce moment-là, j'étais convaincue que c'était une bonne idée—nous pourrions aller de l'avant.
Voilà pourquoi je suis allée parler au président et à l'agent de recherche, et j'étais heureuse d'entendre la suggestion de Derek. J'allais vous demander, si on a le temps et les ressources voulus, si vous pouviez nous proposer un nouveau libellé de certaines dispositions, ou si vous pouviez nous dire à tout le moins quelles dispositions devraient être changées dans cette loi.
Deuxièmement, étant donné que la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications s'inspirent de deux grandes hypothèses de travail et les mettent dans une grande loi générale, pourquoi n'aurions-nous pas une loi qui viserait l'industrie et le commerce, parallèlement à une loi qui traiterait du caractère individuel des droits de la personne, et ce serait une approche unique efficace, au lieu de ce modèle en deux étapes que l'on semble privilégier?
M. Bruce Phillips: D'accord. Oui, bien sûr.
L'hon. Sheila Finestone: Je pense que ce serait une tâche fascinante pour notre comité, madame la présidente, si l'on faisait cela au cours de la prochaine année, parce que d'ici à ce que le ministre reçoive le projet de loi, en temps opportun et bientôt, je pense qu'on aurait un texte qui serait utile pour le ministre, le ministère, et en particulier, pour la sensibilisation du comité, même si cela nous oblige à créer un sous-comité.
La présidente: Ou on pourrait tout simplement faire ça dans notre temps libre.
L'hon. Sheila Finestone: Je ne parle pas de votre temps libre, voyant comment vous monopolisez sept séances de notre temps pendant la semaine, après quoi vous ajoutez quelques petits comités spéciaux.
La présidente: Non.
L'hon. Sheila Finestone: Je tiens vraiment à ce qu'on ajoute cela.
La présidente: Nous n'avons pas de comités spéciaux.
M. John McKay: Nous savons que le ministre s'occupe de tout en temps opportun.
L'hon. Sheila Finestone: Non? Alors dites-moi ce que je fais au...
La présidente: Ce n'est pas un sous-comité de notre comité.
L'hon. Sheila Finestone: Ah, alors qu'est-ce que c'est?
La présidente: Si j'avais été seule à décider, ce comité n'existerait pas.
L'hon. Sheila Finestone: D'accord avec vous.
Mais parlons sérieusement, monsieur Phillips, ce serait possible, et je veux savoir, un tribunal est-il nécessaire, ou est- ce que cela pourrait faire partie du processus de renvoi au tribunal des droits de la personne?
Et pour ce qui est de cette sanction, je pense que nous avons parlé de sanction plus tôt, et si l'on ne prévoit pas de sanction à un point quelconque... Je sais que vous ne voulez pas de sanction excessive, comme le grand méchant loup, mais vous aurez peut-être besoin de certaines sanctions.
M. Bruce Phillips: Pour ce qui est du gouvernement du Canada, la situation n'est pas si mal relativement à la Loi sur la protection de la vie privée que nous avons. Par exemple, pour ce qui est de l'accès à l'information, nous pouvons intenter des poursuites contre un ministère.
J'aimerais que l'on élargisse un peu la possibilité que nous avons d'effectuer des renvois, pour inclure peut-être l'utilisation abusive et la divulgation aussi. Je pense qu'une autorité de dernier recours de ce genre serait utile, sinon nécessaire, dans le cas du secteur privé. Mais je ferais tout en mon pouvoir pour conserver le rôle de protecteur du citoyen, ce qui vaut mieux qu'un flic chaussé de bottes de sept lieues qui viendrait défoncer ma porte. Cela ne marche pas comme ça.
L'hon. Sheila Finestone: L'Office de la langue française... Vous vous êtes trompé; vous vous êtes trompé de province.
M. Bruce Phillips: Il y a toute une foule de problèmes relativement à la gestion de l'information que les gens ne voient tout simplement pas parce qu'ils ne réfléchissent pas à la protection de la vie privée. Un tel ou un tel pense qu'il peut faire ceci ou cela avec l'information, et ils vont de l'avant parce que la technologie leur permet de le faire. Ils ne pensent pas toujours au fait qu'ils pourraient ainsi porter gravement atteinte aux droits des gens. Quand on le leur fait remarquer, très souvent ils nous répondent: «Mon Dieu, je ne m'en étais pas rendu compte. On va arrêter de faire ça, et on va arranger ça.» À mon avis, on y arrive plus facilement en faisant intervenir un protecteur du citoyen et non un flic qui défonce votre porte et qui assomme tout le monde.
Je ne veux pas me vanter ici, mais je vais le faire quand même. À mon avis, ce que mon commissariat a fait de plus important au cours des sept dernières années, ça été de réaliser des centaines de petites améliorations, des améliorations graduelles dans la gestion ministérielle des informations—des centaines et des centaines.
L'hon. Sheila Finestone: Voilà l'étapisme de M. Chrétien. On tâche de bien faire les choses.
M. Bruce Phillips: Eh bien, comme vous voudrez.
Je pense que vous devez adopter la même méthode générale. Il y a un élément de vulgarisation ici, et il faut sensibiliser les gens à toute la question du respect des droits des gens en matière d'information. On y arrive par la patience, et en faisant beaucoup de compromis, particulièrement lorsqu'on a affaire à des entreprises dont les cultures sont très diverses. Voilà pourquoi je propose qu'on retienne l'idée d'un protecteur du citoyen. Ça a marché à notre niveau, et je pense que ça marcherait à ce niveau-là aussi.
La présidente: Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
La société se préoccupe beaucoup de sa sécurité et des délinquants qui sortent de prison et sur qui on a des informations. Beaucoup croient que les Canadiens doivent être mis au courant si un récidiviste dangereux s'installe près de chez eux. D'autres disent que ces délinquants ont payé leur dû envers la société et qu'il faut respecter leur droit à la vie privée dès qu'ils sont libérés.
Les choses prennent un tour intéressant ici lorsqu'on a accordé un pardon, et pourtant on peut se retrouver dans une situation où un délinquant sexuel, qui a récidivé, sollicite le poste de directeur du département d'athlétisme et d'entraîneur de l'équipe féminine de basket-ball, et lorsqu'on vérifie ses antécédents dans l'étude de sa demande, on ne voit que la mention «réhabilité».
• 1150
Donc on interroge la dame à ce sujet, et comme c'est une
délinquante astucieuse, elle ment en répondant à cette question;
elle dira: «Eh bien, je vais être très franche avec vous. On m'a
accordé un pardon parce que j'avais...», et ce qu'elle dit n'a rien
à voir avec qu'elle est vraiment. Donc nous y voici. La société
engage cette dame, qui a un problème, et on lui accorde l'accès à
des enfants.
Donc toute la question de la protection de la vie privée se pose ici, et je me demande seulement ce que vous en dites. Je pense qu'il en est question dans un projet de loi d'initiative parlementaire où l'on cherche à obtenir une exception pour le pardon lorsqu'il est question de pédophilie et d'agression sexuelle ainsi que d'accès aux enfants—ce genre de préoccupations.
Voilà un exemple, mais il y a aussi l'exemple des délinquants qui sortent de prison, où l'on donne avis à la population.
La présidente: Tout d'abord, soyons clairs pour ce qui est du cas hypothétique ici. On ne peut pas obtenir ces informations. On ne peut pas faire une demande et savoir si une personne a été déclarée réhabilitée, n'est-ce pas?
M. Paul Forseth: Oui. Le fait est que cela peut faire partie du formulaire de demande... Par exemple, je prends mon exemple à moi. Je ne peux pas représenter mon parti aux élections sans vérification judiciaire effectuée par l'association de ma circonscription. J'obtiens alors copie de mon casier judiciaire et j'en communique la teneur à l'association de ma circonscription.
L'hon. Sheila Finestone: Ça me semble être une bonne idée.
M. Paul Forseth: Donc, lorsqu'on fait une demande d'emploi, en Colombie-Britannique en tout cas, quiconque sollicite un poste de confiance ou quoi que ce soit d'autre, particulièrement si cette personne veut présider une société ou un club de garçons ou de filles, ou si cette personne aura accès aux enfants, on procède à une vérification du casier judiciaire. La personne peut avoir des antécédents horribles, mais s'il y a eu infraction—et condamnation—et que cette personne est libre depuis un certain temps et respecte toutes les conditions d'un pardon, tout ce que le dossier dit, c'est «réhabilité» et c'est tout. On doit alors se fier aux explications...
La présidente: Je ne pense pas que ça dit même «réhabilité», mais allons-y, écoutons la réponse à la question.
M. Paul Forseth: D'accord. Allez-y.
La présidente: Je ne crois pas que vous ayez raison.
M. Bruce Phillips: Je vais tâcher de répondre de mon mieux.
Dans le premier cas, bien sûr, l'accès au casier judiciaire de la personne exige le consentement de l'intéressé. Dans votre cas particulier, monsieur Forseth, j'ai la conviction que vous avez donné votre consentement.
J'avais toujours cru que, dans le cas des pardons, il y avait seulement la mention «aucun casier».
La présidente: C'est exact. Les seules fois où l'on voit la mention «réhabilité», c'est lorsque... Le service de police de Windsor, par exemple, avait une feuille qu'il me donnait à l'époque où j'étais procureur de la Couronne, et je voyais bien sur la feuille que la personne avait reçu un pardon pour ses infractions antérieures. Mais ce n'était pas un document public ou un document que l'on conservait en vertu de la Loi sur le casier judiciaire. Le document en vertu de la Loi sur le casier judiciaire ne dit rien. Il est dit qu'il n'y a pas de casier judiciaire.
M. Bruce Phillips: Je vais tâcher alors de donner une réponse plus générale à votre question. C'est une question troublante, et je vois à quoi vous voulez en venir.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la Loi sur la protection de la vie privée doit constituer un refuge pour les criminels dangereux; je n'ai jamais cru cela. C'est pour cette raison, par exemple, qu'il y a une disposition dans la Loi sur la protection de la vie privée qui autorise les divulgations dans l'intérêt public.
L'une des choses qui me troublait dans toute cette question de l'identification publique des personnes ayant un casier judiciaire, c'est que, du moins jusqu'à récemment, il n'existait aucun processus pour ce faire. On s'en remettait au jugement du policier, ici et là, qui décidait s'il y avait lieu de signaler au public la présence d'une personne ayant un casier judiciaire chargé.
Je suis heureux qu'on crée dans tout le pays des comités de notification communautaires. C'est au Manitoba que les premiers comités de ce genre ont été créés. Un groupe de citoyens se réunit et lorsque la police estime que la population doit être avisée de la présence dans le milieu d'une personne dangereuse, elle en avise le comité. Celui-ci étudie le cas et approuve ou désapprouve la présence de cette personne. Le système semble très bien fonctionner. Rien n'est parfait, monsieur Forseth, mais le système des comités de notification communautaires est assez bon.
• 1155
Ainsi, la police saurait si une personne du type que vous avez
décrit—quelqu'un à qui on aurait beaucoup à reprocher, mais qui
aurait obtenu un pardon de sorte qu'une enquête ne révélerait aucun
casier judiciaire... Au Manitoba, la police pourrait en aviser un
comité communautaire qui déciderait s'il convient de faire savoir
à la population que cette personne vit parmi elle.
Je pense qu'effectivement il y a peut-être de très bonnes raisons d'identifier les gens susceptibles de récidiver. J'estime cependant qu'il faut le faire de la façon adéquate. Voilà tout.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Maloney. Ce sera la dernière question.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Phillips, dans votre déclaration, vous avez fait ressortir que vous aviez certaines préoccupations au sujet de l'intégration du réseau de santé. Vous avez souligné le fait qu'avec l'avènement des régimes de soins de santé et des régimes provinciaux, la situation n'est plus aussi simple que lorsqu'il s'agissait simplement de relations patient-médecin. Le gouvernement fédéral propose l'intégration du réseau de santé à l'échelle nationale.
Vous avez aussi fait remarquer que ce système présente des avantages lorsqu'on est en dehors de sa localité ou même lorsqu'on est dans sa propre localité. Quelqu'un peut avoir des allergies et peut ne pas être conscient du fait que cela peut avoir une incidence sur le traitement dont il a besoin. Il y a aussi des gens qui souffrent de diabète ou d'hypertension, par exemple, qui peuvent être allergiques aux sutures. Comment concilier la protection de la vie privée et les avantages qu'offre l'intégration du réseau des soins de santé? Pourriez-vous nous donner des suggestions concrètes à ce sujet.
Enfin, j'aimerais savoir si un ministère vous a déjà consulté en prévision d'une loi dans ce domaine?
M. Bruce Phillips: Permettez-moi de répondre d'abord à votre dernière question. Je peux dire que j'ai été plus ou moins consulté.
Le gouvernement a créé l'an dernier, je crois, le conseil consultatif national dont la présidence a été confiée au Dr Noseworthy. Nous avons fait valoir au conseil, ce qu'ont aussi fait plusieurs de mes collègues provinciaux, que le conseil devrait compter quelqu'un qui connaisse bien la question du consentement des patients et de la transparence. Aucune personne ayant ces compétences n'a été nommée au conseil au moment de sa création.
J'ai discuté de la question par la suite avec le conseil, qui l'étudie à nouveau. On m'a demandé de recommander des noms. Voilà qui répond à cette question.
De façon générale, je pense que le patient doit être informé du fait qu'on transmet à une tierce partie de l'information personnelle. Sauf dans des circonstances extraordinaires, le patient doit aussi avoir le droit de refuser que cette information soit transmise. C'est sur ce principe de base que doit reposer un système de partage de l'information en matière de santé.
Je conviens que dans un système aussi complexe que celui auquel on songe, il sera peut-être difficile de respecter ce principe à tous les niveaux, mais je crois qu'on doit viser le plus possible la transparence, l'ouverture et la participation du patient.
Je vous recommande à cet égard le code de l'AMC. L'association a rédigé un code qu'elle a rendu public et qui repose sur le principe de la participation et du consentement du patient.
M. John Maloney: Vous recommanderiez que nous adoptions ce code si un réseau intégré des soins de santé à l'échelle nationale était créé?
M. Bruce Phillips: Il ne sera cependant peut-être pas possible de respecter tous les éléments du code dans tous les cas.
Je suis d'avis que si l'on ne peut pas respecter la vie privée des gens, on ne devrait pas mettre en oeuvre certaines mesures à moins qu'elles ne soient absolument nécessaires dans l'intérêt public. Nous sommes tous des être humains. Il s'agit d'un droit de la personne fondamental. On ne devrait pas y porter atteinte à moins que ce ne soit absolument nécessaire. La même chose vaut pour un système de partage de l'information en matière de santé.
M. John Maloney: Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Je vous remercie tous.
M. Bruce Phillips: En terminant, permettez-moi de remercier les membres du comité et les parlementaires de façon générale de me permettre de continuer encore pendant un certain temps d'enquiquiner les gens.
La présidente: Je vous remercie.
Je regrette que nous ayons commencé la réunion en retard. Nous devions discuter de nos travaux futurs et nous l'avons fait plus longtemps que prévu.
La réunion est levée.