JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 11 mai 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui est accompagnée de George Thomson, sous-ministre de la Justice, et de Judith Bellis, avocate-conseil, Service des affaires judiciaires.
Je vous souhaite la bienvenue. Je présume que vous avez une allocution d'ouverture à faire.
[Français]
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Oui, madame la présidente.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir réinvitée. Je suis toujours heureuse de venir témoigner devant votre comité.
Je ferai quelques remarques liminaires sur le contexte dans lequel a été rédigé et déposé le projet de loi C-37 et sur les objectifs que le gouvernement tente d'atteindre avec cette mesure législative.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): J'invoque le Règlement.
Je vous en ai touché un mot tout à l'heure, et encore une fois, nous nous retrouvons dans la même situation... Sauf tout le respect que je dois à la ministre, que nous sommes toujours très heureux d'accueillir, dans les petits partis—et je ne peux parler pour M. Mancini—il n'y a qu'un porte-parole en matière de justice.
• 1535
Comme le sait la ministre, on débat actuellement à la Chambre
d'un projet de loi très important, le projet de loi créant la base
de données génétiques. Nous sommes donc en situation de conflit.
C'est la deuxième fois que cela se produit. Cela s'est aussi
produit la semaine dernière au moment de la comparution de votre
collègue, le solliciteur général.
Je tiens à faire savoir publiquement que je déplore la situation. Je sais que c'est difficile. Notre comité a un horaire très chargé, mais il est malheureux que nous soyons confrontés à ce dilemme.
La présidente: Merci.
Monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): J'avais dit la semaine dernière, lorsque le solliciteur général était venu témoigner, qu'il était un peu inadmissible qu'on joue ce jeu-là. On n'est pas obligés d'être 20 députés à se trouver dans cette situation. Nous, les 44 députés du Bloc québécois, aimerions suivre le dossier le plus sérieusement possible. Or, notre critique ne peut pas se trouver à deux endroits en même temps pour travailler sur des dossiers semblables.
C'est la deuxième fois qu'un projet de loi important est présenté à la Chambre des communes pendant que le ministre se trouve ici. Je pense qu'il faudrait porter plus d'attention aux horaires et les réexaminer sérieusement pour comprendre ce qui se passe. Je crois qu'actuellement, il se pose un problème. Il ne faudrait pas que cela se reproduise.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Mancini, idem?
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Vous lisez dans mes pensées.
Je suis d'accord avec mes collègues. Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, qu'il est heureux que M. Bellehumeur, M. MacKay et moi-même ayons la capacité intellectuelle de passer si rapidement d'une mesure législative à une autre. Mais, sérieusement, je fais écho à mes collègues.
La présidente: Monsieur Ramsay, c'est la même chose pour vous?
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Oui, essentiellement, bien que nous ayons trois sièges à ce comité et que nous ne soyons pas aussi désavantagés que mes collègues qui viennent de prendre la parole.
Il est difficile de rendre justice à nos témoins d'aujourd'hui, plus particulièrement à la ministre qui a pris le temps de venir témoigner, tout en rendant justice au projet de loi très important dont on débat actuellement à la Chambre.
Je partage donc les préoccupations qui viennent d'être exprimées, mais j'ignore ce que nous pourrions faire, madame la présidente. C'est un problème, car cela nous empêche de bien faire notre travail.
La présidente: J'aimerais bien me plaindre moi aussi, car je voudrais bien être à la Chambre pour discuter du projet de loi sur la banque de données génétiques.
Mme Anne McLellan: Laissez-moi partir et vous pourrez aller à la Chambre.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Il y a bien des choses que j'aimerais faire, mais, malheureusement, notre programme, qui compte quatre grands sujets, est tel qu'il n'y a pas d'autre solution, à moins, bien sûr, que mes collègues collaborent avec moi en vue d'alléger un peu notre charge de travail. Je serais heureuse de faire cela, mais tant que je n'obtiendrai pas un peu de collaboration pour ce faire, les choses se poursuivront ainsi.
La ministre était libre aujourd'hui et c'est aussi aujourd'hui que nous avions prévu d'amorcer l'étude de ce projet de loi.
Peter, j'ai reçu votre note à la Chambre. En toute honnêteté, je n'ai pas regardé l'horaire de la Chambre pour voir ce qui y était prévu cet après-midi lorsque j'ai fixé la réunion d'aujourd'hui. Je tenterai d'y faire plus attention à l'avenir, mais j'ignore où nous trouverons d'autres créneaux, à moins que nous n'obligions nos employés à travailler en soirée et le week-end. Moi, je suis contre cela. Cela ne me plaît pas. Je préfère prononcer des discours sur le peu d'argent qu'ils gagnent pour tout le travail qu'ils font déjà, ce que j'ai fait trois fois la semaine dernière.
M. Peter MacKay: Madame la présidente, je comprends ce que vous dites, et de toute évidence nous avons jugé que le témoignage de la ministre était prioritaire, mais il n'en reste pas moins que c'est vous qui déterminez l'horaire du comité. Je comprends que notre horaire est très chargé, mais il me semble qu'il y aurait une façon d'éviter que se tienne en même temps la comparution d'un ministre et le débat sur un important projet de loi. Il doit y avoir une solution.
La présidente: Si un représentant de chaque parti était prêt à collaborer avec moi pour trouver une solution, nous pourrions le faire.
M. Peter MacKay: Je suis à votre entière disposition.
La présidente: Je vais tenter de trouver un moment où nous pourrions prévoir une réunion.
Très bien. Madame la ministre, vous avez la parole.
Mme Anne McLellan: Merci beaucoup.
Avant d'entrer dans les détails des modifications proposées à la Loi sur les juges, j'aimerais décrire à mes collègues le contexte de ce projet de loi.
J'ai récemment eu l'occasion d'exprimer mon point de vue sur l'importance de la magistrature qui constitue l'une des institutions fondamentales de notre démocratie. Depuis 1982, on demande aux juges canadiens d'assumer des fonctions constitutionnelles de plus en plus exigeantes et, ce faisant, de régler des questions d'une importance fondamentale pour tous les Canadiens.
• 1540
Je suis la première à reconnaître que, dans l'exercice de
leurs fonctions, les juges, et les décisions qu'ils rendent, ne
sont pas toujours populaires. Cela me semble inévitable étant donné
que nous, les législateurs, leur confions la tâche parfois peu
enviable de trancher certaines des questions économiques, sociales
et juridiques les plus difficiles et fractionnelles de notre
époque. Mais c'est précisément pour cette raison que nous ne
voulons pas de juges populaires. Il a toujours été essentiel pour
les Canadiens que les juges soient indépendants et libres de
prendre ces décisions difficiles et parfois peu populaires.
C'est le principe de l'indépendance judiciaire qui constitue le fondement d'une magistrature forte et courageuse. Comme on l'a souvent dit, l'indépendance de la magistrature est la pierre angulaire de notre société démocratique, un principe que reflètent et protègent bien les articles 96 à 100 de la Constitution canadienne.
Le 18 septembre 1997, dans le renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard, la Cour suprême du Canada a répété que la sécurité financière des juges est une exigence constitutionnelle établie précisément pour assurer la confiance du public dans l'indépendance et l'impartialité de la magistrature. En 1981, reconnaissant l'importance de l'indépendance des juges et le rôle constitutionnel unique qu'ils jouent, le Parlement a constitué une commission indépendante qu'il a chargée d'examiner le traitement et les avantages des juges.
[Français]
Dans la décision qu'elle a rendue récemment, la Cour suprême du Canada a souligné l'importance et la nécessité du rôle que jouent ces commissions indépendantes pour restaurer la confiance du public en l'indépendance et l'impartialité de la magistrature canadienne. Une partie importante de cette décision oblige le gouvernement à justifier publiquement sa décision de ne pas mettre en oeuvre ou de ne mettre en oeuvre que partiellement une recommandation d'une commission.
[Traduction]
La plus récente commission triennale, présidée par David Scott, conseiller de la reine, a entendu le témoignage d'un éventail d'organisations et de particuliers, y compris tous les ministres de la Justice et procureurs généraux des provinces et territoires, avant de formuler un ensemble réfléchi et exhaustif de recommandations. J'invite les membres du comité à lire le rapport Scott s'ils ne l'ont pas déjà fait. Ce rapport est lucide, direct et mérite l'attention de tous les parlementaires.
Notre gouvernement continue d'appuyer les principes qui ont mené le Parlement à instituer le processus d'examen du traitement des juges par une commission, il y a 17 ans. À la lumière de ces principes et du rôle constitutionnel accru que jouent les commissions indépendantes d'examen du traitement des juges par suite de la décision de la Cour suprême, nous avons examiné attentivement toutes les recommandations de la commission Scott. Il n'est pas étonnant que la question qui a suscité le plus d'intérêt depuis que nous avons rendu publique notre réponse et déposé le projet de loi C-37 soit l'augmentation salariale qu'on propose d'accorder aux juges.
La commission Scott a recommandé une augmentation graduelle de 8, 3 p. 100 à partir du moment où a été levé le blocage des salaires, le 1er avril 1997. Il semble y avoir eu malentendu a ce sujet pendant le débat en deuxième lecture, et je tiens à souligner que la commission Scott a recommandé des augmentations futures commençant le 1er avril 1997, soit six mois après le dépôt du rapport. Par conséquent, cette proposition est conforme à la position du gouvernement selon laquelle il ne serait pas raisonnable que les juges n'assument pas leur part des compressions budgétaires comme l'ont fait tous les Canadiens rémunérés par le gouvernement fédéral de 1992 jusqu'à tout récemment.
Je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec l'ancien juge en chef du Canada, l'honorable Brian Dickson, lorsqu'il a dit dans la décision Beauregard c. le Canada, une décision qui a fait autorité sur la sécurité financière des juges, que les juges canadiens sont des citoyens canadiens et, à ce titre, doivent assumer leur part du fardeau financier que représente l'administration du pays.
Dans la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada, le juge en chef, l'honorable Antonio Lamer, a fait écho à cette opinion:
-
Rien ne serait plus dommage pour la réputation de la magistrature
et l'administration de la justice que la perception que les juges
ne supportent pas leur part du fardeau en période de difficultés
économiques.
• 1545
Néanmoins, comme je l'ai dit sur d'autres tribunes, j'estime
que les juges canadiens ont droit à une rémunération juste qui
reflète autant l'importance de leur rôle que les exigences
personnelles de leur fonction.
Pour déterminer ce que serait une rémunération raisonnable, la commission Scott, à juste titre à mon avis, a reconnu la nécessité de prendre en compte toute une gamme de facteurs complexes, y compris la nécessité de prévoir des niveaux de rémunération qui permettraient d'attirer et de garder les meilleurs candidats au poste de juge.
Il importe aussi de noter que le gouvernement fédéral n'est pas le seul à accorder des augmentations salariales aux juges. Des gouvernements provinciaux ont réagi à la récente décision de la Cour suprême en accordant des augmentations salariales à leurs juges. D'ailleurs, dans certains cas, des augmentations rétroactives ont été accordées afin de compenser les réductions et les gels de salaire. Je ne suis pas disposée à envisager une telle mesure, mais le gouvernement est prêt à mettre en oeuvre la recommandation Scott en accordant aux juges une augmentation salariale graduelle de 4,1 p. 100 par année sur deux ans, à compter du 1er avril 1997.
Le projet de loi C-37 met aussi en vigueur la recommandation de la commission Scott de modifier certaines dispositions de la Loi sur les juges concernant la pension, y compris la règle du 80 qui permettra aux juges de prendre leur retraite lorsque la somme de leur âge et de leurs années de service équivaudra à au moins 80, à condition qu'ils aient 15 ans d'ancienneté. La commission Scott a envisagé mais rejeté une option plus généreuse qui aurait permis la retraite pour les juges dont l'âge et l'ancienneté totalisent 80.
À notre avis, la règle du 80 qui est proposée constitue une excellente mesure d'adaptation au profil démographique changeant de la magistrature. De plus en plus de juges sont nommés à ce poste à un plus jeune âge, et bon nombre de ces juges plus jeunes sont des femmes. La disposition actuelle, bien que fondée sur la règle du 80, fixe l'âge de la retraite à 65 ans. Un juge qui prend sa retraite avant 65 ans n'a pas droit à une pension. Celui qui a été nommé à 50 ans peut prendre sa retraite avec pension à 65 ans, après 15 ans de service, mais celui qui a été nommé à 40 ans doit avoir 25 ans d'ancienneté avant d'avoir droit à une pension, une situation qui, de plus en plus, est considérée injuste.
Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'elle a une incidence particulière sur les femmes juges qui constituent la majorité des juges nommés à un jeune âge. La règle du 80 permettrait aux juges plus âgés, qui ont beaucoup d'ancienneté, de prendre leur retraite lorsqu'ils le souhaitent, ce qui serait bon pour eux et pour l'institution des tribunaux.
La commission Scott a proposé une option différente pour les juges de la Cour suprême du Canada et recommandé qu'ils soient admissibles à la retraite avec pleine pension après avoir servi 10 ans à cette cour. Le gouvernement est d'accord avec la commission pour dire la charge de travail et les responsabilités considérables que représente la fonction de juge de la Cour suprême justifient cette disposition. Toutefois, le gouvernement propose de n'offrir cette option qu'aux juges qui ont au moins 65 ans.
Le projet de loi modifie aussi d'autres aspects de la pension des juges pour la rendre plus juste. Les conjoints de fait pourront recevoir une pension de conjoint survivant. De plus, les juges qui se marieront après avoir pris leur retraite pourront recevoir une pension réduite sur une base actuarielle qui continuerait d'être versée jusqu'à ce que le juge et son conjoint soient tous les deux décédés. Ce sont là des éléments qui font couramment partie d'autres régimes de pension. La disposition concernant les conjoints de fait, plus particulièrement, rendra la loi plus équitable et, comme l'ont laissé entendre des décisions rendues récemment, aurait dû être incluse à la loi il y a longtemps.
Le gouvernement a examiné attentivement toutes les recommandations de la commission Scott, mais il n'est pas disposé à les accepter toutes. Ainsi, la commission a recommandé que l'assurance-vie payée par le gouvernement pour le juge soit plus conforme à celle accordée aux sous-ministres. Toutefois, cela soulève des questions sérieuses et complexes qui nécessitent un examen plus approfondi avant que le gouvernement ne puisse donner suite à cette recommandation, y compris des questions d'équité découlant des incidences plus grandes sur les juges les plus jeunes, qui sont surtout des femmes, encore une fois, qu'aurait cet avantage imposable accru.
On a discuté des différentes options qui existent à ce chapitre, mais il faut examiner ces options et d'autres plus attentivement. Il serait peut-être indiqué que la nouvelle commission, une fois établie, se penche sur le sujet et formule une recommandation.
• 1550
Parmi les plus importants aspects du projet de loi C-37
figurent les améliorations qu'on apporte au processus de commission
d'examen de la rémunération des juges, conçues pour accroître
l'indépendance, l'objectivité et l'efficacité du processus comme
moyen de rehausser l'indépendance de la magistrature. La Cour
suprême du Canada, dans sa décision de septembre dernier, a donné
des lignes directrices pour ces améliorations. Afin d'être
indépendants, les membres de la commission doivent être nommés à
titre inamovible, et la magistrature choisit un membre. Pour être
objective, la commission doit se fonder sur des critères objectifs
pour formuler ses recommandations, et pour que la commission soit
efficace, les gouvernements doivent donner suite à ses
recommandations avec une diligence et une rapidité raisonnables.
Cela dit, la Cour suprême a expressément prévu que les détails relatifs à la structure de la commission seraient laissés à la discrétion de l'exécutif et des assemblées législatives, et que les provinces et territoires devraient pouvoir choisir les procédures et arrangements qui conviennent à leurs circonstances et besoins particuliers.
Dans le concept que nous proposons, les commissions ne seraient plus triennales mais bien quadriennales. La nouvelle commission mènerait une enquête semblable à celle qu'ont effectuée les commissions précédentes, y tiendrait des audiences publiques et solliciterait les témoignages de tous les intéressés, y compris du public. Étant donné qu'il semble y avoir malentendu quant à la nature de la commission, je tiens à apporter des précisions à ce sujet dès maintenant.
Il y aurait une commission permanente, en ce sens que chaque commission aura un mandat d'une durée déterminée, et les commissaires siégeront à temps partiel seulement. En règle générale, ils ne seront actifs que pendant les neuf premiers mois de chaque période de quatre ans, jusqu'à ce que leur rapport soit déposé. De plus, les commissaires ne recevront une indemnité quotidienne que pour les jours où ils s'acquittent de leurs fonctions de commissaire. La commission aura neuf mois pour parachever sont examen et remettre un rapport au ministre de la Justice. Pour plus de souplesse, la date de dépôt du rapport pourrait être reportée, avec l'accord du ministre et de la magistrature.
Il n'y a qu'une exception à la règle des neuf mois d'activité, à savoir lorsque le ministre décide de saisir la commission d'une question particulière, comme le permettent ces propositions. Cette disposition permettrait des changements à la rémunération des juges, au besoin, entre les dates fixées à tous les quatre ans. Cela est nécessaire à cause de la nouvelle exigence constitutionnelle imposée par la Cour suprême selon laquelle tout changement futur à la rémunération des juges ne peut se faire sans examen préalable par une commission d'examen de la rémunération des juges. Ce pouvoir de renvoi peut aussi, à l'occasion, être invoqué lorsqu'on a besoin d'un examen détaillé de questions d'orientation particulièrement complexes.
La commission serait indépendante, car un commissaire serait choisi par la magistrature et le second par le ministre de la Justice. Ces deux personnes, à leur tour, choisiraient le troisième commissaire qui présiderait la commission. Les commissaires seraient nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat fixe de quatre ans, à titre inamovible. Seul la révocation motivée serait possible. Le mandat pourrait être reconduit une fois.
Le projet de loi propose aussi que le ministre de la Justice soit tenu de répondre au rapport de la commission. Je souligne que, à ce sujet, la proposition du gouvernement diffère de la recommandation de la commission Scott à deux égards.
Premièrement, selon notre proposition, le ministre serait tenu de répondre dans les six mois plutôt que dans les trois mois, et ce, afin qu'il ait tout le temps nécessaire de bien examiner les rapports de la commission. Deuxièmement, le gouvernement ne peut accepter la recommandation Scott selon laquelle tout projet de loi devrait être déposé avant une date précise. Le contrôle du programme et des priorités législatives de la Chambre est une prérogative du gouvernement et seules des contraintes de temps rédhibitoires peuvent y faire obstacle.
On conservera le rôle du Parlement dans l'examen des recommandations de la commission puisque, comme c'est déjà le cas, le rapport de la commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux devra être déposé dans les deux Chambres du Parlement.
• 1555
J'aimerais maintenant parler de l'importance, pour le
Parlement, de traiter de ces propositions dans les meilleurs
délais. La Cour suprême du Canada a suspendu l'application de sa
décision du 18 septembre 1997 jusqu'au 18 septembre 1998 afin de
permettre à tous les gouvernements d'apporter les changements
nécessaires. Ce faisant, la Cour a reconnu ce que cela signifie, en
pratique, que d'apporter des modifications législatives.
Mais elle a aussi reconnu qu'il serait très perturbateur pour l'administration de la justice au Canada que ces nouvelles exigences ne soient pas appliquées immédiatement. La Cour suprême du Canada a donc fait la mise en garde suivante:
-
(...) cette suspension ne devrait pas être considérée comme une
autorisation de retarder l'observation des impératifs
constitutionnels exposés dans l'Affaire des juges des cours
provinciales.
Je sais très bien que, récemment, certains ont prétendu que les tribunaux exagèrent dans leur imposition d'échéances aux assemblées législatives qui exercent leurs pouvoirs législatifs. Toutefois, il m'apparaît important de réfléchir sur ce que font les tribunaux lorsqu'ils accordent une suspension après avoir jugé qu'il y a eu violation de la Charte ou de la Constitution, comme cela a été le cas en l'occurrence. En fait, ils permettent que se poursuivent des violations des protections et des droits constitutionnels fondamentaux des Canadiens dont les cours sont chargées d'assurer le respect.
En l'espèce, on a voulu donner au Parlement la chance d'adapter la loi en question au cadre constitutionnel. La Cour sait pertinemment, et nous ne devrions pas l'oublier, que ces violations ne devraient pas se poursuivre plus longtemps qu'il ne l'est absolument nécessaire, et ce, dans l'intérêt public. Il est donc important que l'on fasse l'impossible pour que les modifications à la Loi sur les juges prévues dans le projet de loi C-37 soient adoptées avant le 18 septembre 1998.
Il y a un élément clé du projet de loi C-37 qui semble jouir du soutien de tous les partis: la création de tribunaux de la famille à l'échelle du Canada. Ce soutien est naturel et tout indiqué puisque les tribunaux de la famille sont généralement reconnus comme étant la meilleure façon de mettre fin aux préoccupations selon lesquelles le système de droit de la famille est trop lent et coûteux, prête à confusion et intensifie et prolonge les conflits familiaux. Les retards, les conflits et la confusion découlent en grande partie des chevauchements de compétences et du fait que, traditionnellement, on préfère les recours judiciaires pour résoudre les problèmes familiaux.
Les tribunaux de la famille réduiront ces problèmes en permettant à un seul juge d'entendre toutes les questions liées à la famille relevant des lois provinciales et fédérales. De plus, les gens auront accès à toute une gamme de services qui mettront l'accent sur des solutions durables et acceptables pour tous aux conflits familiaux et sur l'amélioration de la situation familiale à long terme pour les enfants et leur famille.
Je suis donc très heureuse que le niveau de financement prévu au budget de 1997 permette l'ajout de 24 juges aux tribunaux de la famille. Cela signifie un coût continue de 4,4 millions de dollars pour les salaires et avantages des juges fédéraux. Trois postes sont déjà prévus aux termes de la Loi sur les juges, ce qui donnera un total de 27 nouveaux juges des tribunaux de la famille. Des candidatures ont été sollicitées dans toutes les provinces, et celles-ci se sont montrées très intéressées par ce concept du tribunal de la famille.
J'ai annoncé l'attribution de ressources judiciaires aux quatre provinces les ayant demandées: Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et l'Ontario. Les autres provinces et territoires se sont déjà dotées d'un tribunal de la famille, n'ont pas l'intention d'adopter ce modèle ou ne font que commencer à l'envisager à plus long terme.
Étant donné que j'ai déjà pris beaucoup de temps, j'espère que nous connaissons tous les avantages importants des tribunaux de la famille. Je passerai donc à la conclusion de mon exposé liminaire afin que nous puissions passer aux questions des membres du comité.
En conclusion, les modifications que j'ai décrites consolideront ce qui est déjà l'un des meilleurs systèmes judiciaires du monde en rehaussant l'indépendance des tribunaux et en améliorant l'accès à la justice. Les améliorations au processus de rémunération des juges permettront de garantir une confiance continue du public dans l'indépendance de notre magistrature. Des ressources judiciaires accrues pour les tribunaux de la famille, associées à l'engagement qu'ont pris les provinces à l'égard des services de soutien, permettront d'améliorer la façon dont les tribunaux aident les familles et les enfants en détresse.
• 1600
L'augmentation du nombre de juges des cours d'appel, dont je
n'ai pas parlé mais dont vous êtes certainement au courant, comme
on le propose dans le projet de loi, améliorera l'accès à la
justice en général. J'espère pouvoir compter sur le soutien de tous
les membres du comité afin que ces importantes modifications à la
Loi sur les juges soient adoptées le plus rapidement possible dans
l'intérêt de tous les Canadiens.
Je vous remercie de votre attention. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
Le vice-président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Merci, madame la ministre.
Nous commençons par des tours de huit minutes.
Monsieur MacKay, vous avez la parole.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et merci, madame la ministre, d'être venue. Je suis d'accord avec vous pour dire que ce projet de loi est important et opportun. Nous, de la Nouvelle-Écosse, sommes très heureux d'apprendre que le concept du tribunal de la famille s'étendra aux autres provinces. Si vous acceptez encore des candidatures, je propose celle de M. Mancini...
Mme Anne McLellan: Vous croyez vraiment pouvoir gagner ce siège?
M. Peter MacKay: Tout est possible.
Madame la ministre, vous avez parlé du rapport Scott tout au long de vos remarques. Je me demandais si vous ne pouvez pas nous en remettre des exemplaires.
Mme Anne McLellan: Vous devriez en avoir. Le rapport a été déposé et j'aurais cru que vous en aviez déjà un exemplaire.
Ils sont là.
M. Peter MacKay: C'est très bien.
En ce qui a trait à la commission Scott même, pourriez-vous nous dire quel genre de consultation elle a menée auprès des représentants de la magistrature?
Mme Anne McLellan: Je demanderai à Judith de vous donner plus de détails, mais je dirai d'abord, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, que la commission a fait l'impossible pour entendre des Canadiens de tous les secteurs de la société, y compris de la magistrature.
N'oubliez pas, toutefois, qu'il ne s'agit ici que des juges fédéraux. Généralement, les juges fédéraux, par l'entremise de leur conférence, choisissent des représentants qui sont chargés d'élaborer, en collaboration avec tous les juges fédéraux, les mémoires et propositions présentés à la commission.
Ainsi, j'ai rencontré le groupe de juges qui ont été choisis par leurs pairs pour transmettre leur message à la commission. Bien sûr, une fois que la commission m'aura remis son rapport et que je l'aurai déposé, ils auront l'occasion de me faire part directement de leurs préoccupations.
Je suis très fière que notre gouvernement ait pu répondre à ce rapport. Le gouvernement n'avait pas répondu au rapport des deux commissions précédentes. On peut donc s'imaginer la frustration de ces commissaires qui avaient agi de bonne foi. Des juges mêmes avaient présenté des mémoires mais il n'y avait eu aucune réponse officielle aux commissions triennales précédentes. Je suis donc très heureuse que notre gouvernement ait pu répondre d'une façon qui lui semble raisonnablement rapide à la commission Scott.
Judith, y a-t-il des détails que vous voudriez ajouter sur la façon dont les juges... Monsieur MacKay, je crois que vous étiez plus particulièrement préoccupé par...
M. Peter MacKay: La consultation actuelle et une consultation future.
Mme Judith Bellis (avocate-conseil, Unité des affaires judiciaires, ministère de la Justice): Je me permets de vous renvoyer à l'appendice A du rapport de la commission Scott où on retrouve entre autres la liste des commissaires, le mandat et les étapes que la commission a suivies pour faire paraître un avis public des audiences qu'elle a tenues.
À l'appendice A vous trouverez un exemplaire de l'avis qui a été publié dans les journaux au Canada. À l'appendice B, il y a une liste des mémoires que la commission a reçus.
Cela donne un aperçu de la démarche de cette commission par le passé.
La Conférence canadienne des juges, l'association des juges à laquelle la ministre a fait allusion, a présenté à la commission un assez long mémoire dont cette dernière a naturellement tenu compte ainsi que des observations orales.
M. Peter MacKay: Pouvez-vous dire au comité combien de juges ont répondu? Si je vous ai bien compris, cet avis au public ne visait pas nécessairement à attirer des juges. Il a dû y avoir une correspondance directe avec les juges.
Mme Anne McLellan: Si vous regardez à l'appendice B, la liste de ceux qui ont soumis des mémoires, vous trouverez la Conférence canadienne des juges qui représente tous les juges nommés par le fédéral au Canada.
Comme je l'ai dit, ils nomment un comité représentatif pour rencontrer les juges. Ils comparaissent ensuite devant la commission afin de présenter leurs observations au nom de tous les juges nommés par le fédéral.
Le Conseil canadien de la magistrature fait la même chose au nom des juges en chef du Canada.
Vous avez donc là les deux organisations qui d'une façon ou d'une autre représentent tous les juges nommés par le fédéral au pays.
M. Peter MacKay: En lisant le rapport, je m'aperçois qu'il y a également une légère différence entre les traitements des juges d'appel et ceux des juges de première instance au niveau de la Cour suprême. Y a-t-il une raison à cela?
Mme Judith Bellis: Le traitement des juges titulaires, des juges puînés a toujours été légèrement inférieur à celui des juges de la Cour d'appel et à celui des juges de la Cour suprême du Canada, mais l'augmentation qui est proposée est de 8,3 p. 100. Naturellement, cela augmenterait le traitement des juges d'appel de sorte qu'il y aurait toujours une différence de traitement. L'augmentation de 8,3 p. 100 est une augmentation générale de tous les traitements de base.
M. Peter Mackay: On n'a donc pas songé à égaliser leur traitement de façon à ce que tous les juges, qu'ils soient juges à la Cour suprême, à la Cour d'appel ou juges de première instance, soient au même niveau?
Je comprends ce que vous dites: les traitements demeurent les mêmes; l'augmentation a été appliquée uniformément.
Mme Anne McLellan: Exactement. Je vais vérifier pour voir si je me trompe, mais je crois qu'un mémoire a été présenté peut-être au nom de certains juges d'appel afin que l'on examine la possibilité de leur accorder une augmentation. La commission Scott n'y a pas donné suite.
Mme Judith Bellis: Elle n'y a pas donné suite. Les juges en chef des tribunaux de première instance et des tribunaux d'appel ont un salaire un plus élevé que les juges puînés. Les juges puînés des tribunaux d'appel reçoivent le même traitement que les juges des tribunaux de première instance de la Cour supérieure, si c'est ce que vous voulez dire. Cela continue à être le cas, et aucune recommandation n'a été faite afin que ce soit changé.
Mme Anne McLellan: Peter, il est possible qu'une commission future veuille revoir la question, mais, comme l'a souligné je pense la commission Scott, cela refléterait un changement assez important dans la culture entourant nos tribunaux et la façon dont nous voyons les juges, qu'ils soient nommés à la Cour d'appel ou au tribunal de première instance.
Il n'y a certainement rien qui empêche une commission future de recevoir des observations à ce sujet. Si les juges d'appel d'une province ou en général veulent présenter un tel argument, ils pourraient le faire devant une commission. Une commission pourrait en être saisie.
M. Peter MacKay: Très bien.
Si j'ai bien compris, lorsque cette future commission sera formée, elle fera encore une fois rapport au ministre plutôt que directement au Parlement. Si c'est le cas, quelle en est la raison?
Mme Anne McLellan: Non, le rapport est déposé devant les deux Chambres du Parlement. Il s'agit à mon avis d'une protection très importante, si vous voulez, pour les travaux du comité et pour l'indépendance de la magistrature. Ce rapport doit être déposé devant les deux Chambres du Parlement.
Mme Judith Bellis: Il doit être déposé dans les 10 premiers jours de séance. Il y a donc un délai qui est imposé et le ministre ne peut pas...
Mme Anne McLellan: Ne pas y donner suite. Non pas que je voudrais faire une telle chose—pas souvent.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, il y a quelques questions que j'aimerais aborder.
La première concerne la Commission d'examen de la rémunération des juges fédéraux. Si j'ai bien compris, trois personnes formeront la commission qui examinera le traitement: une personne sera nommée par la magistrature, une autre par le ministre de la Justice et une troisième sera choisie par les deux autres.
Est-ce qu'on a songé à avoir quelqu'un qui représente le Barreau à cette commission ou est-ce que des recommandations ont été faites en ce sens, particulièrement par l'Association du Barreau canadien? Je dirai tout d'abord que les personnes en mesure de savoir jusqu'à quel point certains juges travaillent fort et jusqu'à quel point certains autres ne travaillent pas très fort sont bien les membres du Barreau qui comparaissent devant la magistrature régulièrement.
• 1610
Je me demandais si l'une des associations d'avocats avait fait
une suggestion en ce sens. Je ne le sais pas. Si aucune suggestion
n'a été faite en ce sens, le gouvernement a-t-il songé à augmenter
le nombre des commissaires afin d'inclure des représentants de
l'association des avocats?
Mme Anne McLellan: Nous n'avons pas songé à la possibilité d'élargir la commission au-delà des trois commissaires dont j'ai parlé.
De toute évidence, l'Association du Barreau canadien, qui représente la grande majorité des avocats qui pratiquent au Canada, comme vous l'avez souligné, est une voix très importante. Comme les commissions passées, la commission et toute commission future prendront certainement très au sérieux les observations présentées par l'Association du Barreau canadien au comité.
Comme vous pouvez le constater, nous n'avons pas recommandé dans ce projet de loi qu'elle soit incluse comme commissaire. Nous sommes d'avis qu'un groupe de trois commissaires est un nombre facile à administrer. Il y a un représentant du gouvernement, un de la magistrature et un troisième commissaire impartial qui sera président. Comme vous le savez bien, il s'agit d'une méthode très commune qui est utilisée pour nommer les membres de divers comités, conseils et commissions.
M. Peter Mancini: La commission déciderait de quelle façon l'Association du Barreau pourra donner son avis.
Mme Anne McLellan: C'est exact.
Je comprends. Mon sous-ministre vient tout de juste de me rappeler que David Scott, qui était le président de la commission Scott, comparaîtra devant le comité mercredi. Soyez certainement bien à l'aise de demander à M. Scott si l'Association du Barreau canadien ou une association provinciale professionnelle a présenté à la commission des observations concernant la composition de toute commission future et si elle devrait inclure l'Association du Barreau canadien ou tout autre groupe qui représente des avocats—un représentant de la Fédération des professions juridiques du Canada ou autre, selon le cas.
M. Peter Mancini: Je vais maintenant passer à un deuxième point. Je voudrais avoir de l'information.
Le tribunal unifié de la famille, comme vous l'avez dit, je crois, a l'appui de tous les partis. Ma préoccupation et les observations qui ont été faites à la Chambre au moment de l'introduction initiale du projet de loi à l'étude concernent la façon dont les juges sont nommés. C'est une question qui a été soulevée à la Chambre à de nombreuses reprises et vous avez toujours dit que vous étiez prête à en parler, que vous étiez très ouverte à ce sujet.
Je remarque, par exemple, qu'en Nouvelle-Écosse, qui est ma province, huit nouveaux juges seront nommés au tribunal unifié de la famille. Seront-ils choisis parmi les juges du tribunal de la famille? Si c'est le cas, y a-t-il une façon de nommer ces juges à part la façon normale ou est-ce qu'ils seront nommés directement à la discrétion du ministre?
Mme Anne McLellan: Nous espérons nommer jusqu'à 75 p. 100 de ces nouveaux juges en les choisissant parmi les juges actuels de la Cour provinciale. Il sera important de travailler en étroite collaboration avec le juge en chef de la Cour provinciale—le juge en chef dans le cas de la Nouvelle-Écosse, de la section de première instance—avec le procureur général provincial et avec le procureur général fédéral afin de nous assurer que nous savons lesquels parmi les juges de la Cour provinciale qui siègent actuellement au tribunal de la famille sont pour nous clairement les meilleurs pour ce qui est de leur expérience, de leur réputation au sein de la communauté et de ce genre de choses. Nous choisirons parmi les juges qui se sont distingués et qui ont fait un travail exceptionnel comme juge provincial.
Le reste, soit 25 p. 100 des juges, seront nommés par nous, le gouvernement fédéral, selon notre processus de sélection habituel—comité judiciaire, processus de sélection, consultation avec les procureurs généraux provinciaux, les juges en chef, participation de quiconque souhaite me donner son avis, membres du grand public, etc. C'est ainsi que nous nommerons ensuite 25 p. 100 des autres juges du tribunal provincial de la famille.
C'est le processus qui a été utilisé par le passé en Ontario lors de la première tranche de l'expansion. Cela a semblé fonctionner raisonnablement bien, mais je suis toujours ouverte à d'autres suggestions.
M. Peter Mancini: Monsieur MacKay a fait une bonne suggestion tout à l'heure. C'était une bonne suggestion.
Mme Anne McLellan: Il se trouve que j'ai ici un formulaire de demande pour lui.
M. Peter Mancini: Je tiens à dire, peut-être plus sérieusement, que je pense qu'il y a au pays une préoccupation, même si elle n'est pas générale, au sujet de toute la façon dont la magistrature est nommée, et je tiens à déclarer publiquement que je ne suis pas en faveur d'une magistrature élue à l'américaine.
En Nouvelle-Écosse, nous avons un processus selon lequel toutes les personnes qui posent leur candidature voient leur demande examinée par un comité permanent qui tient compte de toutes sortes de critères. À mon avis, le projet de loi à l'étude serait l'occasion d'examiner ce processus de plus près ou de l'explorer, et nous ne l'avons pas fait. Pouvons-nous prévoir quelque chose de ce genre dans un avenir rapproché?
Il y a de bonnes choses dans ce projet de loi. Je l'ai dit, et je suis très franc ici, mais je pense qu'en modifiant la Loi sur les juges, nous avons ici manqué une bonne occasion d'aller un peu plus loin dans cette direction. Je crains que nous décidions maintenant de mettre tout cela sur une tablette en se disant que nous avons modifié la Loi sur les juges une fois et que nous n'allons pas nous pencher de nouveau sur la question avant un certain temps.
Pouvez-vous m'indiquer dans combien de temps nous pourrons revoir ce projet de loi, plus particulièrement en ce qui concerne cette question?
Mme Anne McLellan: Je suis toujours ouverte aux suggestions pour ce qui est de la façon dont nous pouvons rendre le processus de sélection de la magistrature plus transparent et plus efficace afin de pouvoir déterminer quels sont les meilleurs candidats aux postes de juge des tribunaux fédéraux du pays.
Je pense que le gouvernement précédent a changé le processus en 1987 ou en 1989, et ça été un changement pour le mieux. Puis mon prédécesseur, Allan Rock, a apporté d'autres améliorations.
Jusqu'à ce moment-là, le processus était improvisé et je pense que l'on peut dire qu'il était assez secret, et il manquait d'ordre ou de méthode. Le gouvernement précédent a mis en place un comité de sélection des juges dans chaque province et territoire, ce qui est tout à son crédit. Ces comités sont formés de membres qui représentent des groupes de particuliers, y compris des non-spécialistes dont on peut tous s'attendre à ce qu'ils soient représentés. Quiconque veut devenir juge et répond aux exigences constitutionnelles—pour les juges de cour supérieure c'est un minimum de 10 ans au Barreau—peut soumettre sa candidature à ces comités.
Je sais que vous avez abordé la question en détail l'autre jour lorsque M. Goulard était ici. Je pense que lorsque les gens comprennent quelle était la situation en 1987 et jusqu'à quel point nous avons fait du progrès au cours des 10 dernières années, pour mettre en place un processus qui est régularisé, un processus beaucoup plus transparent... Je ne vais pas prétendre que les membres du grand public peuvent assister aux délibérations de ce comité, car nous considérons le caractère confidentiel de ces délibérations comme étant un élément clé de ces comités et de leurs travaux lorsque quelqu'un pose sa candidature. Il faut traiter cette demande avec la confiance qu'elle mérite, avec respect et dignité.
Personnellement—et ce n'est un secret pour personne—je n'appuierai jamais ce véritable cirque qu'est devenu le processus de nomination des juges aux États-Unis. Ce processus discrédite la magistrature. Il discrédite à mon avis notre tradition d'une administration de la justice impartiale et équitable. Je suis donc entièrement ouverte aux autres possibilités pour améliorer le fonctionnement des comités de sélection des juges. J'ai été heureuse de constater que M. Goulard ait demandé à votre comité de faire des recommandations qui me seraient présentées, qui lui seraient présentées ou encore qui seraient présentées au premier ministre, sur la façon dont ces comités pourraient mieux fonctionner.
Je suis très heureuse que nous ayons le comité. Il a régularisé le processus. Quiconque veut devenir un juge sait qu'il existe un processus pour soumettre sa candidature et que sa demande sera étudiée.
Je tiens également à souligner que mon collègue Allan Rock a apporté d'autres changements aux comités en 1995 pour s'assurer qu'il y ait une représentation de non-spécialistes à ces comités. Je crois qu'à l'heure actuelle, trois des sept membres représentent le grand public, et c'est extrêmement important.
Lorsque je reçois des recommandations pour nommer quelqu'un à ces comités, je les prends très au sérieux et je m'assure que nous avons des représentants non-spécialistes, des gens qui ont une certaine crédibilité dans leur collectivité, des gens qui ont une force et une vision, et des gens qui peuvent exprimer clairement le point de vue du grand public plutôt que le point de vue des professionnels et de l'élite qui sont représentés par les associations professionnelles d'avocats, les juges et l'Association du Barreau canadien.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Mancini.
Juste à titre d'observation, les rapports que M. MacKay cherchait se trouvent dans vos cartables qui ont été livrés à vos bureaux vendredi.
Monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Justement, madame la ministre, lorsque le commissaire à la magistrature est venu témoigner devant ce comité, j'ai été surpris du nombre de candidatures d'avocats qui postulaient la fonction de juge à un tribunal de la Cour supérieure fédérale. J'ai été également surpris du pourcentage de recommandations. Il existe en effet trois catégories de candidatures: «sans recommandation», «recommandation moyenne» et «recommandation élevée». J'ai été surpris de voir qu'il y avait, malgré ce filtrage, un nombre assez important de «recommandations élevées».
Ce à quoi je veux en venir, c'est que les personnes qui demandent à devenir juges d'une cour supérieure connaissent le salaire rattaché à la fonction de juge. Tout ces membres de barreaux connaissent le salaire des juges qui, à l'heure actuelle, s'échelonne au fédéral de 162 300 $ à 208 200 $ pour le juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Aujourd'hui, vous venez nous vendre une bonne partie de votre projet de loi, qui porte sur l'augmentation de la rémunération des juges, en nous disant qu'il faut augmenter ces pauvres juges. Si on veut avoir des juges compétents et impartiaux, il faut les augmenter. Il faut donc conclure que, depuis 1992, tous ces gens qui demandaient à devenir juges étaient soit des incompétents, soit des personnes incapables d'être impartiales.
Parlons donc, madame la ministre, de ce qui se passe depuis 1993 au Parlement canadien: coupures dans les paiements de transfert, dans la santé, dans l'aide sociale, dans tout ce que vous voudrez, dans l'assurance-emploi. En même temps, dans certaines provinces, on réduit même les salaires des fonctionnaires et des juges, de 4,2 p. 100 dans le cas du Québec au cours des dernières années. On demande des efforts à tous les ministères. Certains ministres doivent couper dans des programmes extrêmement importants pour réussir à contrôler les dépenses de leur ministère.
Or, vous arrivez ici en nous disant que vous ne réclamez la rétroactivité que pour une faible partie, soit 4,1 p. 100 à compter du 1er avril 1997, et 4,1 p. 100 à compter du 1er avril 1998. Cela signifie, madame la ministre, pour un pauvre juge qui gagne seulement 162 300 $ par année une augmentation de 13 500 $. Quant au pauvre juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui ne gagne que 208 200 $, son augmentation sera de 17 500 $.
Je vous dirai, madame la ministre, que je ne vous suis pas du tout relativement à l'augmentation des juges de la Cour supérieure, surtout pas pour les raisons que vous me donnez. Donnez-m'en d'autres, madame la ministre. Il ne suffit pas de dire que cela est nécessaire pour avoir des juges compétents et des juges qui seront impartiaux, indépendamment du rapport Scott, parce qu'on sait ce que sont les rapports. Il y a eu le rapport de la Commission d'étude des indemnités des parlementaires. À ce que je sache, nous n'aurons pas d'augmentation, ce qui est justifié d'ailleurs.
Alors, donnez-moi un autre argument que celui de la compétence et de l'impartialité, parce qu'à l'heure actuelle, nous avons des juges extrêmement compétents et très impartiaux dans leurs jugements et dans le travail qu'ils accomplissent. Quand ils demandent de devenir juges, ils savent à quel salaire s'attendre.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: La principale raison est celle que j'ai soulignée, monsieur Bellehumeur, c'est-à-dire l'indépendance de la magistrature, un principe fondamental de notre structure constitutionnelle.
On l'a dit très clairement. Il s'agit d'un principe constitutionnel dans notre pays: le mécanisme indépendant par lequel le traitement des juges est établi—leurs salaires, leurs avantages sociaux et leur rémunération générale—constitue un élément clé de l'indépendance de la magistrature. Il me semble qu'il s'agit d'un principe évident. Si par exemple le Parlement devait débattre du traitement des juges, cela montrerait bien le genre de pression politique qui pourrait être exercée sur les juges et nous devons éviter cela à tout prix. Ce qui caractérise notre système, en fait, c'est que nos juges sont indépendants de ce genre de pression politique inacceptable.
• 1625
Par conséquent, pour moi, le mécanisme par lequel nous avons
pu prendre des mesures—que nous améliorons même davantage dans le
projet de loi à l'étude—pour garantir cette indépendance est celui
d'une commission. Ce n'est donc pas moi qui dit à David Scott que
les juges et les commissaires devraient recevoir ceci ou cela. Ils
entendent des observations provenant de toute une gamme de gens.
Ils examinent les circonstances économiques en général et décident
à partir de là ce qui à leur avis constitue une rémunération juste
et raisonnable pour ces gens qui jouent un rôle unique dans notre
cadre constitutionnel.
Je n'ai rien à redire à ce que M. Scott et sa commission aient recommandé les augmentations salariales dont vous êtes saisis et à ce que nous, en tant que gouvernement, estimions important d'accepter ces recommandations si nous voulions maintenir l'indépendance de la magistrature dans notre pays.
L'autre chose que j'ai dite—et je la répète encore une fois—c'est que je ne pense pas que des hommes et des femmes talentueux qui choisissent de servir leur pays comme juges devraient être pénalisés parce qu'ils sont juges. Il suffit de les comparer à un groupe équivalent comme celui des sous-ministres au sein du gouvernement du Canada pour ce qui est de l'éducation, de l'expérience, des responsabilités et des compétences. En fait, les juges ne sont pas rémunérés plus que ce groupe de référence au sein de la fonction publique fédérale. En fait, dans certains cas, il y a des juges qui sont moins rémunérés.
Nous ne parlons donc pas ici d'une proposition visant à accorder une rémunération excessive à un groupe. Je pense que nous parlons plutôt d'un mécanisme et d'une recommandation qui aident à maintenir l'indépendance de la magistrature et qui empêchent que l'on exerce une influence politique indue sur leur façon de gagner leur vie et de faire vivre leurs familles. Je crois que les recommandations Scott qui ont fait suite à ce processus—un processus qui est maintenant une exigence constitutionnelle—sont des recommandations justes et raisonnables à tous les égards.
N'oubliez pas que le traitement des juges a été gelé, comme celui de tout le monde, en 1992. Ce gel n'a pas été levé avant le 1er avril 1997 et il n'y a aucune rétroactivité. Nous parlons d'augmentations salariales pour l'avenir, contrairement à certaines des provinces qui ont choisi d'indemniser les juges rétroactivement pour les gels qui ont été imposés. Nous ne faisons pas cela, et je n'ai rien à y redire non plus.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Vous dites qu'il n'y aura pas de rétroactivité. Or, nous sommes en 1998. Si on remonte jusqu'au 1er avril 1997, ce serait alors une demi-vérité. Est-ce exact ou si je me trompe?
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Non, le rapport de la Commission Scott a été déposé six mois auparavant. Il a été déposé à la fin de 1996. En fait, la recommandation devait commencer à s'appliquer le 1er avril 1997.
Je serais la première à dire que oui, le temps a passé, et je pense que le gouvernement peut être critiqué—nous l'avons été par M. Scott et d'autres—pour ne pas avoir agi plus rapidement dans ce dossier. La recommandation a cependant été faite à l'automne 1996 et il est clair qu'elle ne s'applique qu'aux augmentations futures.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Madame...
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney): Votre temps de parole est écoulé, monsieur.
Monsieur Ramsay.
M. Jack Ramsay: J'aimerais remercier notre ministre et ses collègues d'être ici.
J'aimerais poser quelques questions dans les huit minutes dont je dispose. Je devrai ensuite m'excuser et retourner à la Chambre pour le débat pour le projet de loi C-3.
Pourriez-vous dire au comité quelles seraient à votre avis les conséquences si nous ne respectons pas le délai imposé dans ce projet de loi par la Cour suprême du Canada?
Mme Anne McLellan: Comme je l'ai dit dans mes observations, je pense qu'il est important pour nous tous de respecter ce délai. Je pense que la Cour suprême est sensible au fait que sa décision, si elle doit être appliquée et exécutée immédiatement, créerait beaucoup de difficultés.
N'oubliez pas, monsieur Ramsay, comme vous le savez j'en suis certaine, que la décision à l'automne concernait trois tribunaux provinciaux—non pas des tribunaux nommés par le fédéral—soit ceux de l'Alberta, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba. Les juges de la Cour suprême ont reconnu que si leur décision était immédiatement exécutoire, comme le sont la plupart des décisions dès le jour qu'elles sont rendues—cela créerait des circonstances extrêmement difficiles pour l'administration de la justice dans ces provinces.
M. Jack Ramsay: Quelles sont les conséquences?
Mme Anne McLellan: Eh bien, en fait, ce que la Cour a déterminé par rapport à ces structures provinciales, c'est essentiellement que le principe fondamental de l'indépendance de la magistrature n'était pas observé et avait été miné, ce qui remettait en question tout ce que les juges avaient fait depuis qu'ils siégeaient dans le cadre de ce régime législatif provincial particulier. Cela est très très grave pour l'intégrité de notre système judiciaire.
M. Jack Ramsay: Très bien, et c'est une question que j'aimerais aborder.
Mme Anne McLellan: À ce sujet, si vous me permettez de terminer, la Cour suprême mérite des félicitations pour avoir reconnu ce fait et accordé un sursis d'un an de façon à ce que tous les paliers de gouvernement puissent réagir à ce qu'a décidé la Cour suprême dans cette affaire et à ce que nous puissions tous mettre de l'ordre dans nos affaires. Voilà pourquoi je pense qu'il est important pour nous d'agir dans les délais.
M. Jack Ramsay: Eh bien, c'est la question qui me préoccupe dans ce projet de loi. C'est tout simplement que si les gouvernements du Canada ne réagissent pas en ce qui concerne la rémunération et les avantages, peu importe le scénario à l'avenir, cela pourrait être jugé comme étant une atteinte à l'indépendance judiciaire des tribunaux. C'est ainsi que je comprends la décision de la Cour suprême du Canada. Si c'est effectivement le cas, alors je pense que nous sommes au bord d'une pente glissante, car directement ou indirectement, les tribunaux peuvent alors imposer des choses au gouvernement en ce qui a trait à la rémunération et aux avantages.
Lorsque je lis les décisions, je suis très inquiet. J'estime qu'il y a un énorme conflit d'intérêt lorsque les juges tranchent des questions dans lesquelles ils ont un intérêt direct ou indirect, et j'ai lu l'opinion minoritaire dans ce cas particulier qui a produit et motivé le projet de loi à l'étude.
Est-ce que cela ne vous préoccupe pas? Si les juges de la Cour fédérale à n'importe quel palier ne reçoivent pas ce qu'ils considèrent comme étant une rémunération juste et équitable—une augmentation de salaire ou autre—ne craignez-vous pas alors que cela puisse être considéré comme une atteinte de la part du gouvernement à leur indépendance judiciaire?
Mme Anne McLellan: Monsieur Ramsay, les gens doivent comprendre ce que la Cour a voulu faire ici. Ce dont elle a parlé, c'est de l'importance d'un processus objectif et indépendant par lequel, entre autres, la rémunération des juges, mais aussi d'autres éléments de l'indépendance de la magistrature, seraient déterminés. En fait, c'est ce que nous avons fait et c'est ce que nous améliorons ici dans le projet de loi C-37. Il s'agit du processus. La Cour ne parle pas du résultat. Elle ne dit pas qu'il faudrait accorder aux juges une augmentation de 5, 6 ou 8 p. 100. Elle dit que l'indépendance de la magistrature passe par un processus—un processus objectif. C'est ce que nous avons eu, et c'est ce qu'était la commission Scott, et ce que nous faisons, c'est améliorer certains aspects du processus.
Je n'ai aucune idée de ce que la prochaine commission ou la commission d'après recommandera sur le plan de la rémunération. Aucun juge ne le sait non plus. Je suppose cependant que la magistrature et le gouvernement accepteront ce que la commission recommandera, à moins que l'on ne constate que les délibérations de la commission indépendante présentent une anomalie, ce qui nous inciterait à ne pas accepter la recommandation de la commission.
M. Jack Ramsay: Quelles sont les conséquences, cependant? Je pense que les conséquences sont claires si un gouvernement fédéral ou provincial au fil des ans choisissait de ne pas accepter les recommandations concernant les augmentations salariales. Est-ce que cela ne serait pas considéré alors comme une atteinte à l'indépendance judiciaire de ce tribunal en particulier?
Mme Anne McLellan: Des gouvernements précédents ont refusé de répondre à deux commissions et, en fait...
M. Jack Ramsay: Sauf votre respect, pas depuis cette décision.
Mme Anne McLellan: C'est vrai, et depuis cette décision c'est devenu plus clair. La Cour a clarifié pour nous tous—les provinces et le gouvernement fédéral—l'incidence et les caractéristiques d'une commission et son indépendance qui serait nécessaire dans ce domaine pour répondre à l'exigence fondamentale de ne pas miner l'indépendance de la magistrature.
• 1635
L'indépendance de la magistrature comporte différents
éléments. Il y a les éléments institutionnels; il y a les éléments
personnels entourant la rémunération sur le plan de l'emploi, et
tous ces éléments ont été éclaircis pour nous dans des cas
précédents de jurisprudence par la Cour suprême du Canada.
Vous avez raison lorsque vous dites qu'à l'automne, la Cour nous a aidés à comprendre quelle devrait être l'incidence d'une commission indépendante. Elle ne nous dit pas cependant ce que la commission devrait décider. En fait, je félicite la Cour d'avoir dit que l'un des facteurs dont une commission devrait tenir compte est celui des circonstances économiques globales dans la société en général, de sorte que s'il y a une récession et que tout le monde doit faire des sacrifices, alors une commission devrait refléter la situation d'une certaine façon dans ses recommandations au sujet de la rémunération.
Je pense que le tribunal nous a aidés non pas à établir des critères concrets peut-être, mais plutôt en donnant de l'information quant aux divers critères qui pourraient être utilisés par une commission et en parlant des caractéristiques institutionnels de cette commission pour assurer son indépendance.
M. Jack Ramsay: Oui, je comprends le processus, mais le processus est conçu pour donner un résultat. Je dis que si ce processus ne donne pas les résultats escomptés à partir de la décision de la Cour suprême, il pourrait être considéré comme constituant une atteinte à l'indépendance judiciaire des tribunaux.
Mme Anne McLellan: Effectivement, je pense qu'il y a clairement possibilité que si on établissait une commission indépendante et qu'elle faisait une recommandation concernant la rémunération et que celle-ci semblait être raisonnable...
Voici autre chose qu'il ne faut pas oublier. Nous pouvons nous appuyer sur un motif raisonnable pour refuser une recommandation. Ce motif doit être présenté aux tribunaux, mais la chose est possible. Ce n'est pas irrémédiable. Je pourrais, si je le voulais, invoquer que la recommandation de la commission n'est pas raisonnable dans les circonstances, qu'elle n'est pas justifiée. Je pourrais présenter des arguments dans ce sens et une décision serait rendue à ce moment-là.
M. Jack Ramsay: Mais le tribunal peut refuser d'accepter vos arguments.
Mme Anne McLellan: Vous avez tout à fait raison, monsieur Ramsay, car si au bout du compte, au moment critique, je rejetais arbitrairement une recommandation et que des membres de la magistrature décidaient de me poursuivre et de poursuivre le gouvernement du Canada, ou si quelqu'un d'autre, l'association des avocats de la défense, par exemple, en faisait autant, prétendant que du fait que je refuse d'accepter la recommandation, je porte atteinte à l'indépendance de la magistrature... Oui, ce serait possible. Alors, je présenterais mes arguments qui pourraient être rejetés par le tribunal. À limite, il faudrait que l'affaire soit entendue à la Cour suprême du Canada.
M. Jack Ramsay: C'était mes questions. Merci.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Ramsay.
Le timbre signale l'absence de quorum, pour les intéressés.
Monsieur Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
Madame la ministre, pour commencer, je voudrais parler des chiffres, pour que nous nous entendions bien quant aux propositions d'augmentation de traitement.
Si je comprends bien, d'après les chiffres qui figurent dans le projet de loi et dans le communiqué de presse, les augmentations pour 1997 et 1998 seraient de 2,1 p. 100 plus 4,1 p. 100 pour une année et 2,08 p. 100 plus 4,1 p. 100 pour l'année suivante. Si j'additionne tous ces chiffres, cela fait 6 p. 100 plus 6 p. 100, ou au total environ 13 p. 100. En somme, ai-je raison de dire que sur une période de deux ans, cela représente environ 12 p. 100?
Mme Anne McLellan: Il y a un indice pour l'ensemble des activités économiques qu'on appliquait autrefois aux juges et qui a été gelé en 1992. On l'a rétabli à partir du 1er avril 1997. Ensuite, il y a les recommandations Scott. Manifestement, M. Scott a pris en compte cet indice auquel il faut rajouter 4,1 p. 100 et les 4,1 p. 100 qu'il recommande de façon prospective pour 1997 et 1998.
Ces augmentations de traitement proposées ne sont pas déraisonnables quand on songe aux augmentations dont bénéficient les cadres supérieurs de la fonction publique fédérale.
M. Derek Lee: D'accord. Je ne disais pas que c'était déraisonnable: je voulais simplement savoir quel était le chiffre. Et quel est-il?
Mme Anne McLellan: Comme je vous l'ai dit, il s'agit de l'indice pour l'ensemble des activités économiques.
M. Derek Lee: Ainsi, c'est 2 p. 100 plus 4 p. 100...
Mme Anne McLellan: Au 1er avril 1997, 2,1 p. 100 et au 1er avril 1998, 2,08 p. 100.
M. Derek Lee: Ainsi, au total, c'est environ 12 p. 100, n'est-ce pas?
Mme Anne McLellan: Oui.
M. Derek Lee: Très bien.
Je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on se serve, pour calculer l'augmentation de traitement pour 1997 et 1998, de ce que les Canadiens appellent le coût de la vie, c'est-à-dire l'indice pour l'ensemble des activités économiques, dont nous-mêmes nous nous servons du reste. Précisément, je pense que le traitement des députés sera effectivement calculé en fonction d'un indice de 1,5 p. 100 à 2 p. 100, c'est-à-dire l'indice correspondant à l'ensemble des activités économiques. Mais si en réalité la commission a fait une recommandation prospective, à quoi donc correspondent ces 4,1 p. 100 plus 4,1 p. 100? Sur quoi ces pourcentages sont-ils fondés? Pouvez-vous me le dire? On ne peut certainement pas dire qu'ils sont tirés de l'indice de l'ensemble des activités économiques.
Mme Anne McLellan: Non, l'indice est un facteur à part.
M. Derek Lee: Comment donc est-on arrivé à 4,1 p. 100 et 4,1 p. 100?
Mme Anne McLellan: Il faudrait que vous le demandiez au commissaire, M. Scott, quand il comparaîtra devant le comité, mercredi, car c'est lui qui a entendu tous les arguments. À mon avis cependant, étant donné les augmentations de traitement dont bénéficieront les hauts fonctionnaires à partir du 1er avril 1997, ces augmentations ne sont pas démesurées et soutiennent très bien la comparaison. Je ne sais pas si M. Scott a fait une telle comparaison; il faudra le lui demander.
M. Derek Lee: D'accord. Quelqu'un autour de la table va sûrement poser la question.
Mme Anne McLellan: Le sous-ministre, George Thomson, veut ajouter quelque chose.
M. George Thomson (sous-ministre de la Justice): J'ajouterai que dans le rapport, figurent une gamme de facteurs que la commission a pris en compte. Après avoir considéré la durée du gel, la commission a décidé qu'elle estimait ce pourcentage une augmentation raisonnable étant donné la longueur de la période au cours de laquelle et les rajustements de traitement et l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques avaient été gelés.
M. Derek Lee: Alors je ne m'y retrouve plus. Si le gel n'avait rien à voir, pourquoi figure-t-il parmi les facteurs? Si tous les fonctionnaires, tous ceux qui sont payés à même les deniers publics, comme le dit le ministre des Finances, ont dû subir le gel pendant cinq ans, pourquoi celui-ci revient-il maintenant sur le tapis?
Mme Anne McLellan: Le calcul est fait de manière prévisionnelle.
M. Derek Lee: Très bien. Donc nous devrons nous renseigner pour savoir ce que sont ces 4,1 p. 100 plus 4,1 p. 100 établis de manière prévisionnelle?
Mme Anne McLellan: Oui.
M. Derek Lee: C'est une perspective emballante. Cela pourrait nous servir ici également.
Mme Anne McLellan: En fait, Derek, je n'en sais rien. Je ne voudrais pas mettre mon sous-ministre sur la sellette mais voici ce que j'ai à vous dire à propos de cette augmentation de 4,1 p. 100 pour chacune des deux années, 1997 et 1998: Je reviens à ce que je disais car si on considère le groupe de comparaison du point de vue des compétences, de l'expérience, des études, du niveau de responsabilité et du rendement attendu, vous constatez que les cadres supérieurs de la fonction publique avec lesquels on peut faire une comparaison reçoivent passablement plus que ces montants-là.
M. Derek Lee: D'accord. De façon générale, d'après les notes fournies, votre point de comparaison est la fourchette du niveau DM-3 des hauts fonctionnaires. Je vois.
Je voudrais aborder la question de l'arrêt de la Cour suprême et de ses conséquences pour le dossier des juges provinciaux. Je voudrais savoir quelle est la position du gouvernement là-dessus. Je comprends très bien pourquoi les tribunaux ont jugé nécessaire de recommander, voire d'imposer, un cadre dans ce cas-ci car à défaut de cela, on s'exposait à une dynamique potentiellement regrettable. Voilà pourquoi les tribunaux ont recommandé un cadre.
Je ne vois pas d'un très bon oeil un cadre qui imposerait à la Chambre, la Chambre des communes, l'obligation de réagir suivant un critère macroéconomique, suivant une macroenveloppe, à une recommandation d'une présumée commission indépendante. Je ne vois pas d'inconvénient à l'approche microéconomique selon laquelle, pendant quelques années, pendant quelques années à venir, le traitement et les avantages des juges doivent être rajustés pour être maintenus à un certain niveau. Je considère cela comme un microrajustement.
• 1645
Mais si la Chambre, qui en a le pouvoir et la responsabilité
constitutionnels, prenait la décision de réduire de 50 p. 100 le
traitement de tous les fonctionnaires, j'aurais du mal à accepter
que les juges soient considérés comme un groupe qui échapperait à
cette mesure. Dans l'arrêt de la Cour suprême, on ne reconnaît pas
le rôle de la Chambre et du Sénat quand il s'agit de prendre ce
genre de décisions plus globales.
Mme Anne McLellan: Derek, il n'y a rien dans l'arrêt de la Cour suprême qui me porte à croire que les juges seraient considérés comme un groupe exonéré de ce genre de considérations. Si vous songez ici par exemple à la situation qui existait du fait de la mauvaise administration financière du gouvernement précédent, si nous étions dans une situation où, à cause précisément de cette gabegie et du fait d'une récession générale au pays, on estimait que chacun doit faire sa part—et je suis moi-même d'une province qui a vécu cela, le gouvernement fédéral ayant imposé un tel gel, les juges n'échapperaient pas à de telles mesures, car le jugement de la Cour suprême est très clair là-dessus.
En fait, j'ai cité l'arrêt du juge en chef Lamer et celui de son prédécesseur le juge en chef Brian Dickson, qui tous deux disent très clairement qu'il serait inacceptable d'exempter les juges d'une mesure telle que celle que vous décrivez, si je vous ai bien compris, les juges échappant alors aux raisons macroéconomiques qui motivent ce genre de décisions.
Donc, si tout le monde voit son salaire bloqué, alors personne, surtout pas la Cour suprême du Canada, ne laisse entendre qu'ils ne devraient pas faire leur part, et il ne me viendrait jamais à l'idée de dire qu'un juge de la Cour supérieure n'aurait pas à faire sa part si jamais, en raison de circonstances imprévues, nous estimions qu'il faille revenir à une telle austérité économique. Mais j'ai pleine confiance en notre gouvernement qui, grâce à son bon sens et à sa gestion économique, fera en sorte que nous n'aurons pas besoin de recourir à de telles mesures draconiennes.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Lee, vous aurez de nouveau la parole au deuxième tour.
Monsieur Hilstrom, vous avez cinq minutes.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci.
Derek, vous avez bien déblayé le terrain. Je suis d'autre part préoccupé par l'indépendance totale d'une magistrature qui n'a de comptes à rendre à personne. Chose certaine, c'est ce qui semble ressortir de cette mesure.
Les autres employés de la fonction publique, dont les salaires avaient été bloqués, ont-ils obtenu une augmentation de salaire à compter du 1er avril 1997, à l'instar des juges?
Mme Anne McLellan: Je pense que ça dépend des catégories.
George, pourriez-vous nous dire un mot du groupe d'employés de la fonction publique auquel on peut raisonnablement comparer les juges?
M. Howard Hilstrom: Un instant, madame la ministre. Vous avez dit que si l'on imposait un blocage salarial à tout le monde, les juges ne seraient pas épargnés. Je parle donc de tous les autres employés.
Mme Anne McLellan:
[Note de la rédaction: Inaudible].
M. Howard Hilstrom: Vous dites que les sous-ministres sont l'équivalent des juges et j'accepte cela. Donc, les sous-ministres et les juges...
Mme Anne McLellan: George.
M. George Thomson: La réponse générale à votre question, monsieur, est que le blocage a été levé à compter de cette date. Pour certains groupes de la fonction publique, la négociation collective se poursuit encore et leur cas n'est pas encore réglé, mais dès qu'un règlement sera conclu, il y aura des rajustements remontant à la date à laquelle le blocage a été levé.
Mme Anne McLellan: C'est-à-dire le 1er avril 1997.
M. George Thomson: Il y a des groupes qui ne sont pas syndiqués, mais qui ont négocié avec le gouvernement et ont conclu des règlements comportant des rajustements rétroactifs au 1er avril 1997. C'est la date à laquelle le blocage a été levé.
M. Howard Hilstrom: Je soulève ces questions parce qu'il faut bien que quelqu'un défende le contribuable moyen, le simple citoyen, et je suppose que ce doit être nous, du côté de l'opposition. Je sais que lorsqu'ils ont traversé la période de blocage salarial, au cours des cinq ou six dernières années, certaines personnes qui gagnaient aussi peu que 24 000 ou 26 000 $ par année et jusqu'à 50 000 ou 60 000 $ ont eu énormément de difficulté à joindre les deux bouts, en comparaison du juge en chef qui gagne 208 000 $. Et je ne suis pas certain qu'ils auront tous une augmentation de 4 p. 100 à compter du 1er avril 1997.
• 1650
Par conséquent, il faudra certainement à l'avenir réexaminer
la perception de justice et d'équité émanant de cette commission.
La notion de coût de la vie, de salaire industriel moyen, etc., c'est une bonne idée et un bon point de départ. Mais ensuite, il faut se demander quel montant en sus de ce chiffre constitue une augmentation juste et équitable. À mes yeux, c'est là que se situe le problème.
Quoi qu'il en soit, pour passer à un autre sujet, pouvez-vous me dire si l'examen quadriennal est encore prévu?
Mme Anne McLellan: Nous avons eu des examens triennaux, mais nous proposons en fait de passer à un examen quadriennal. Une commission sera mise en place pour une période de quatre ans et l'on donnerait suite à ses recommandations. C'est là que se situe cette période de quatre ans. Il est toutefois possible qu'une fois que la commission aura fait ses recommandations, celles-ci portent sur une période de quatre ans ultérieure.
M. Howard Hilstrom: Pour ce qui est du report, il semble que la décision de reporter pourrait être prise par la commission. Est-ce bien le cas, ou cela relèverait-il du ministre de la Justice?
Mme Anne McLellan: La décision de reporter quoi?
M. Howard Hilstrom: L'examen quadriennal.
Mme Anne McLellan: Je ne peux pas le faire unilatéralement. Je ne suis pas autorisée à dire tout simplement que je ne créerai pas de commission, parce que cela minerait évidemment tout le processus indépendant qu'est censée représenter la commission.
Donc, si l'examen devait être reporté, il faudrait que la décision soit prise en accord avec les autres principaux intervenants.
M. Howard Hilstrom: D'accord, je craignais que peut-être la commission elle-même soit habilitée à reporter l'examen. J'ignore pourquoi elle pourrait décider de le faire, mais...
Mme Anne McLellan: Si elle est mise sur pied, elle a un délai, habituellement de neuf mois, au terme duquel elle doit mettre fin à ses délibérations et remettre son rapport.
Judith, je pense que ce délai de neuf mois ne pourrait être prolongé que dans des circonstances exceptionnelles.
M. Howard Hilstrom: Bien sûr, je ne suis évidemment pas expert en procédure parlementaire, mais pourriez-vous expliquer brièvement pourquoi la commission rendrait des comptes directement au ministre de la Justice, au lieu de s'adresser directement au Parlement? C'est ma dernière question.
Mme Anne McLellan: Eh bien, comme je l'ai dit, dans une certaine mesure, c'est probablement la même question que M. MacKay a soulevée. C'est le ministre de la Justice qui dépose le rapport à la Chambre, mais je ne peux pas en retarder le dépôt. Il m'est impossible de faire obstacle au processus ou de retarder de plus de dix jours le dépôt du rapport devant les deux Chambres du Parlement.
Donc, c'est vrai que le rapport m'est remis à moi, mais je suis légalement tenue de le déposer ensuite dans les dix jours. Cela représente deux semaines de session parlementaire.
M. George Thomson: Je voudrais seulement ajouter, madame la ministre, que le gouvernement est également tenu de répondre dans un délai donné. Il y a obligation de remettre un rapport au ministre, en l'occurrence le procureur général, le ministre de la Justice. Le dépôt de ce rapport déclenche le délai pendant lequel le gouvernement doit répondre au rapport, mais de plus, ce rapport est déposé devant les deux Chambres du Parlement.
Mme Anne McLellan: Si je comprends bien, au terme du règlement de la Chambre, le rapport est automatiquement renvoyé au comité. Par conséquent, votre comité en serait automatiquement saisi et serait chargé de l'étudier.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, Monsieur Hilstrom.
Quelqu'un d'autre? Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai seulement une brève question.
Vous avez dit, madame la ministre, qu'il est vraiment important d'inspirer confiance au public et que tel est le but de ce projet de loi, d'inspirer confiance au public. Je pense qu'il faudra faire plus, beaucoup plus même, dans ce projet de loi, avant que le Parlement ne décide d'augmenter les salaires et les avantages des juges.
Nous avons signalé à la Chambre que les gendarmes de la GRC continuent d'être laissés de côté et qu'ils ont des préoccupations semblables. À mon avis, une mesure qui permettrait de renforcer la confiance et de répondre à bien d'autres préoccupations, ce serait de rendre les juges davantage comptables de leurs actes, de faire participer davantage le public au processus de nomination.
• 1655
Comme vous le savez, Vic Toews, le ministre de la Justice du
Manitoba, s'est dit fortement préoccupé au sujet de la libération
sous caution de prévenus dangereux et de la condamnation à de
courtes périodes de prison de dangereux membres de gangs. Il a
réclamé un examen complet de tout le processus de nomination des
juges. Vous en avez d'ailleurs déjà parlé.
Je voudrais que vous nous donniez une idée de ce que l'on pourrait faire, à votre avis, pour que le public ait davantage son mot à dire dans la nomination des juges.
Vous vous êtes montrée très critique à l'égard du processus américain. À votre avis, que peut-on faire pour renforcer la confiance envers la magistrature, à partir du processus qui existe actuellement?
Mme Anne McLellan: Eh bien, je le répète, je suis assurément ouverte aux suggestions et peut-être que le comité aurait des suggestions à faire en vue d'améliorer notre processus de comité de sélection de la magistrature.
Il est peut-être possible de rendre le processus plus transparent, mais il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire à des gens qui posent leur candidature à des postes. Ils s'attendent à ce que leur candidature soit traitée confidentiellement.
Ils ne veulent pas que leurs intentions professionnelles soient étalées au grand jour dans leurs collectivités, dans leurs groupes professionnels ou ailleurs. Mais il pourrait être possible d'avoir une plus grande transparence.
Je pense que mon collègue Allan Rock a insisté pour que trois profanes fassent partie de ces comités, justement parce que nous voulons nous assurer d'avoir l'avis de personnes non spécialisées, qui ne font pas partie de l'élite mais qui représentent le grand public. Nous voulons nous assurer d'avoir des gens qui possèdent les qualités voulues pour faire de bons juges.
Y a-t-il suffisamment de diversité parmi les candidats à la magistrature? Parmi eux, y a-t-il suffisamment de femmes, d'Autochtones et de gens de couleur? Sinon, pourquoi? Chacun a le droit à des tribunaux qui lui renvoient son image.
C'est difficile de faire en sorte que les tribunaux soient perçus comme des institutions légitimes si l'ensemble des Canadiens n'ont pas l'impression que les magistrats qui rendent les décisions et exercent le pouvoir judiciaire ne sont pas représentatifs de la population canadienne.
Nous avons donc fait un effort déterminé pour ce qui est de nommer ou de renforcer les exigences visant à nommer des représentants du grand public, des profanes, pour s'assurer d'entendre un point de vue non spécialisé, émanant du grand public et non représentatif de l'élite.
Mais il y a peut-être d'autres mesures que nous pourrions prendre. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sont les carrières des gens qui sont en jeu lorsqu'ils posent leur candidature devant ces comités.
Les noms qui émanent des comités, de même que les statistiques, sont du domaine public, c'est-à-dire qu'on sait qui est recommandé, qui est fortement recommandé et qui n'est pas recommandé pour une nomination à la magistrature, tout au moins au moment où les gens posent leur candidature. On ne divulgue pas les noms, évidemment, mais les pourcentages.
Les noms me sont transmis et j'entame alors un processus qui fait intervenir le procureur général provincial, le juge en chef ou les juges en chef, selon le niveau auquel les gens sont nommés. Le processus fait également intervenir des représentants du barreau de la province, etc.
J'ai toujours dit clairement que si des membres du grand public souhaitent communiquer directement avec moi pour me faire part de leurs points de vue soit sur une nomination en particulier, soit sur les qualités, compétences ou l'expertise que doivent posséder les magistrats, je suis tout à fait disposé à les entendre.
Je tiens à vous assurer que lors de la dernière nomination à la Cour suprême du Canada, nous avons reçu littéralement des centaines de lettres et de messages télécopiés, provenant non seulement de l'Ontario, mais de l'ensemble du pays. Les gens nous disaient qui ferait à leur avis un bon juge de la cour suprême du Canada, soit en nommant une personne en particulier, soit en décrivant les qualités que nous devrions rechercher. Pour moi, c'est un élément très important du processus.
Y a-t-il d'autres façons dont nous pourrions renforcer la participation du public et la transparence? Peut-être. J'en reviens à la suggestion de M. Goulard quant aux suggestions que le comité pourrait vouloir faire, dans le cadre de la structure existante, car il est fort possible qu'il y ait des manières d'améliorer la transparence. Par exemple, je vais reconduire en décembre 1998 la nomination des comités de sélection provinciaux. Le mandat des membres actuels de ces comités vient à échéance le 31 décembre 1998. Je serais très intéressée d'entendre l'opinion du comité, c'est-à-dire si vous pensez que le processus de nomination devrait être changé, si nous avons à votre avis un bon équilibre pour la représentation à ces comités des provinces, du barreau et du grand public. Peut-être que d'autres parties devraient être représentées et je serais très intéressé à entendre vos opinions là-dessus.
Le vice-président (M. John Maloney): Nous n'avons plus de temps, mais M. Bellehumeur a une petite question, madame la ministre. Avez-vous des objections à l'entendre?
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je vais revenir à ce que M. Lee a dit plus tôt. Je vous ai cité des chiffres, madame la ministre, que vous n'avez pas corrigés. De plus, quelques-uns des pourcentages d'augmentation m'ont échappé. Si je fais le calcul, en me basant sur une augmentation de 12 p. 100, est-ce que vous réalisez, madame la ministre, que pour un juge ordinaire de la cour supérieure, cela signifie une augmentation de 19 500 $, et pour le juge en chef de la Cour suprême, une augmentation de 25 000 $ environ, à compter du 1er avril 1998? Est-ce que ces chiffres sont exacts?
[Traduction]
Mme Anne McLellan: D'accord. Je vais vous donner les chiffres fondés à la fois sur la moyenne industrielle et la recommandation Scott.
Pour la majorité des juges nommés par le gouvernement fédéral, le salaire est actuellement de 162 000 $. La majorité d'entre eux feront 165 500 $ à compter du 1er avril 1997 et 175 000 $ à compter du 1er avril 1998. Voilà l'augmentation salariale.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Cela est proposé dans le rapport Scott, si je comprends bien ce que dit M. Lee. Mais il y a en plus une augmentation de 2 p. 100 et une autre de 1 p. 100, en tout cas deux ou trois autres augmentations en plus de celle-là. C'est une demi-vérité qui nous est présentée.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: C'est compris.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Dans le 4,1 p. 100? Ce que je comprenais, c'est que 4,1 plus 4,1 était égal à 8,2 p. 100 d'augmentation.
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Bellehumeur...
Mme Anne McLellan: C'est compris, mais nous allons certainement vous présenter les chiffres en détail. D'après les derniers renseignements, cela comprend l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques plus les augmentations salariales prospectives proposées à compter du 1er avril 1997 et du 1er avril 1998.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Bellehumeur, permettez-moi de vous signaler que la réponse à votre question se trouve peut-être à l'annexe A de notre résumé législatif.
M. MacKay a demandé de poser une toute petite question.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: C'est important. Ils viennent ici sans avoir les chiffres.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: C'est ce que je crois comprendre, monsieur Bellehumeur, mais nous allons vérifier pour vous. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. Nous allons donc vous présenter de nouveau les chiffres, mais...
[Français]
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.):
[Note de la rédaction: Inaudible].
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Oui, mais...
[Français]
Mme Eleni Bakopanos: ...par le greffier. C'est ce qu'il est en train de dire.
[Traduction]
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Un rappel au Règlement, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Oui, monsieur Anders.
M. Rob Anders: Je me demande quel est le quorum pour notre comité. Combien devons-nous être?
Le vice-président (M. John Maloney): Trois.
Monsieur MacKay, une très courte question et une réponse très rapide, parce que la ministre doit partir.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Comme vous avez parlé de l'importance de rendre des comptes au Parlement sur cette question-ci, à l'issue des travaux du comité, j'aimerais vous poser une question. Peut-être qu'elle sera jugée irrecevable. Votre conférence de presse de demain se rapporte à un ordre de renvoi du comité et je me demande pourquoi vous ne présentez pas les nouvelles à la Chambre, plutôt qu'en conférence de presse.
Mme Anne McLellan: Le rapport est déposé devant le comité. Vous savez peut-être—ou peut-être pas—qu'à cause de l'élection de juin 1997, il n'était plus nécessaire pour le gouvernement de répondre au rapport du comité permanent. Mais comme nous estimions que le sujet du renouvellement du système judiciaire pour les jeunes était d'importance capitale, nous avons décidé d'y répondre tout de même.
Chacun sait que c'est une préoccupation importante pour les Canadiens et c'est pourquoi nous avons choisi de répondre au rapport. Mais comme il n'y a pas d'obligation de déposer notre réponse en Chambre, nous prenons la mesure supplémentaire de le déposer devant le comité, par respect pour ses membres. Nous ferons cela demain.
M. Peter MacKay: Ne serait-il pas plus respectueux de procéder par déclaration ministérielle?
Mme Anne McLellan: Je reviendrai certainement devant votre comité lorsqu'une loi sera déposée dans le cadre de cette stratégie de renouvellement. Mais j'insiste sur le fait que même sans obligation légale pour nous, nous allons déposer le rapport devant le comité.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, madame la ministre, ainsi que M. Thomson, et Mme Bellis, d'être venus aujourd'hui.
Mme Anne McLellan: Merci. Comme toujours, je suis ravie d'être venue.
Le vice-président (M. John Maloney): J'ai un commentaire à formuler. Si vous avez d'autres témoins à proposer relativement au projet de loi C-37, nous en discuterons demain, en même temps que du rapport sur la conduite avec facultés affaiblies.
Si vous avez des témoins à proposer au sujet des droits des victimes... ou pour la table ronde, présentez leurs noms à Luc d'ici jeudi après-midi, au plus tard.
• 1705
L'ordre du jour étant épuisé, nous allons clore la séance.
Merci beaucoup pour votre participation et vos commentaires.
La séance est levée.