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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 avril 1998

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. C'est une des premières réunions consacrées à l'étude du projet de loi C-25.

Nous ne sommes pas très nombreux. De toute apparence, un sous- comité jouissant d'une plus grande popularité siège également et c'est là que sont la plupart des députés ce matin. Cependant, je suis certain que ceux qui sont ici auront quelques questions intéressantes à poser au colonel Mitchell.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Nous avons le quorum pour écouter des témoins et aussi pour poser des questions.

Le président: Pas pour voter, mais nous avons le quorum pour entendre les témoins.

Donc, comme je le mentionnais, nous sommes ici ce matin pour étudier le projet de loi C-25.

Lorsque le sous-comité s'est réuni la semaine dernière, nous avons décidé de faire comparaître un commandant de base pour savoir exactement de quelle façon le projet de loi C-25 va influencer la façon dont les choses sont faites sur une base militaire. C'est la raison pour laquelle nous sommes très heureux, ce matin, d'accueillir parmi nous le colonel Greg Mitchell. Nous nous sommes rendus sur sa base de Petawawa la semaine dernière. Je tiens à dire que nous avons été très bien accueillis. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie sincèrement pour cet accueil chaleureux.

Comme il n'y a pas de présentation, nous allons commencer immédiatement la période des questions. Je vais demander à mon collègue du Parti réformiste, M. Hart, de commencer.

[Traduction]

C'est à vous, monsieur Hart.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour, colonel. Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux pour vous poser des questions sur cet aspect très important et sur les changements qui sont apportés au système judiciaire militaire.

Comme l'a signalé le président, nous nous demandons bien quelles répercussions ils auront pour les commandants de base. Vous pourriez peut-être nous donner un bref aperçu de la relation qui existe, par exemple, entre la police militaire et le commandant de base à l'heure actuelle et quels changements surviendront à la suite de l'adoption du projet de loi C-25.

Le colonel Greg Mitchell (commandant de base, Petawawa, ministère de la Défense nationale): Je ne suis pas certain en réalité que le projet de loi entraîne beaucoup de changements en ce qui concerne la police militaire, d'après ce que je peux voir; d'ailleurs, la plupart de ces changements sont les mêmes que les changements de procédure qui sont entrés en vigueur au mois de novembre. Par conséquent, je vais vous expliquer la relation actuellement établie, qui a changé au mois de novembre et qui sera maintenue, à mon avis, avec ou sans le projet de loi, moyennant quelques modifications mineures dont je parlerai dans une minute.

À la base des Forces canadiennes de Petawawa, la police militaire est un peloton de soutien régional et une garnison qui seconde le commandant de brigade dans les fonctions opérationnelles. À ce titre, il relève de moi pour ce qui est des services de police locaux, de la discipline militaire et d'autres domaines.

Les toutes dernières modifications qui ont été apportées aux règlements entraînent deux changements importants. Le premier est que le niveau et le type d'affaires sur lesquels elle peut mener une enquête sont désormais limités d'une façon générale aux incidents qui sont le plus susceptibles de se produire sur une base et qui constituent les infractions mineures les plus courantes. Toute affaire plus grave relève désormais de la compétence du Service national d'enquêtes, organisation nationale qui a dernièrement fait l'objet d'une réforme et d'une réorganisation. Il ne s'agit pas d'une organisation de la base et elle n'est pas établie sur ma base.

• 0915

L'autre changement concerne la compétence en ce qui a trait aux familles et aux employés civils de la Défense nationale. Dans bien des circonstances, nous sommes désormais obligés de confier les enquêtes à la police civile locale, c'est-à-dire à la Police provinciale de l'Ontario dans notre cas. Voilà les deux principaux changements.

Quant au projet de loi C-25, il concerne davantage la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, qui n'a en réalité rien à voir avec la base, si ce n'est que c'est une procédure à laquelle nous sommes libres d'avoir recours ou non.

M. Jim Hart: Selon la procédure actuelle, en cas d'enquête de nature militaire, ne portant pas sur une infraction au Code criminel mais sur une infraction militaire, quelle est la participation éventuelle du commandant de base? Participez-vous au processus de dépôt d'une accusation?

Col Greg Mitchell: Je n'interviendrais personnellement que dans de rares cas. Certains officiers et sous-officiers supérieurs sont nommés pour assumer ce genre de fonctions et autres fonctions analogues, et sont investis des pouvoirs nécessaires. Cela se fait principalement au sein des unités ou, dans mon cas, des branches de la base. En cas d'infraction mineure, ce sont normalement eux qui feraient ou ordonneraient une enquête et prendraient la décision de porter des accusations. Quelqu'un porterait les accusations et quelqu'un d'autre entendrait la cause, par exemple.

Depuis que je suis commandant de la base, c'est-à-dire depuis deux ans, je n'ai jamais participé au processus de dépôt d'une accusation pour une infraction militaire et je n'ai jamais tenu un procès sommaire.

M. Jim Hart: Bien. Je voudrais maintenant attirer votre attention sur certaines dispositions du projet de loi—celles du paragraphe 29(4). Elles indiquent que «le dépôt d'un grief ne doit entraîner aucune sanction contre le plaignant». C'est probablement un changement très apprécié, mais on n'a pas l'impression que ces dispositions seront efficaces.

La chaîne de commandement n'est pas écartée et c'est précisément ce qui me préoccupe. Cela risque de poser un problème dans le cas d'une personne qui veut déposer un grief mais qui craint que cela nuise à sa carrière. Je me demande si vous avez des commentaires à faire à ce sujet. Il me semble que si l'on dépose un grief, il faut que ce soit auprès de quelqu'un comme un ombudsman ou qu'il s'agisse d'une procédure complètement indépendante de la chaîne de commandement. Qu'en pensez-vous?

Col Greg Mitchell: D'après ce que je peux comprendre, le nouveau système de dépôt des griefs qui est proposé suit effectivement toujours la chaîne de commandement étant donné que quelqu'un qui a un sujet de plainte contre moi dépose un grief auprès de mon supérieur, et ainsi de suite jusqu'en haut de la chaîne. Ce n'est donc pas moi qui serais chargé d'examiner un grief déposé contre moi, par exemple.

Dans ce sens, j'estime que c'est très juste. On passe toujours à l'échelon supérieur. Par ailleurs, si le plaignant juge la réponse insatisfaisante, il peut toujours passer à l'échelon suivant et remonter toute la filière, jusqu'aux plus hauts échelons; on procède ensuite à un arbitrage final. À moins que l'on ne croie que toute la chaîne de commandement participe à une conspiration contre le plaignant ou ne soit pas du tout digne de confiance, j'estime que c'est un système extrêmement équitable.

M. Jim Hart: Permettez-moi de vous interrompre une toute petite minute. Vous êtes officier supérieur des Forces canadiennes et je comprends cela; j'ai d'ailleurs beaucoup de respect pour la chaîne de commandement. Par contre, les caporaux et les soldats, voire les s.-off. sup. ou les sergents, risquent d'hésiter à déposer un grief contre un officier supérieur, voire contre un officier commissionné.

• 0920

Col Greg Mitchell: Je n'ai aucun doute qu'ils le fassent dans la plupart des cas. Quant à savoir si ces craintes sont fondées ou non, c'est une autre question. Lorsque vous étiez à Petawawa, la semaine dernière, j'ai cité un cas—qui n'a rien à voir avec un grief—où j'estimais qu'une famille avait des craintes non fondées au sujet de la carrière du conjoint en raison de la plainte qu'ils allaient déposer à propos de leur logement. C'est une situation regrettable. Qu'il s'agisse de craintes dénuées de fondement ou justifiées par une expérience antérieure, certaines personnes ont peur d'exprimer leurs craintes et leurs préoccupations.

M. Jim Hart: Ne serait-il pas par conséquent raisonnable de dire qu'il faudrait un ombudsman en quelque sorte, une personne ou un système qui permette de dissiper ces craintes et de rendre ces modifications à la loi vraiment efficaces, en assurant l'indépendance du processus?

Col Greg Mitchell: J'ai deux commentaires à faire. Premièrement, je demeure convaincu que ces dispositions sont efficaces et que ce sont les chefs qui doivent apprendre à leurs subalternes à surmonter leurs craintes. Croyez-moi, nous faisons beaucoup d'efforts dans ce domaine et j'estime pour ma part que nous réalisons des progrès, à Petawawa du moins.

Deuxièmement, si je comprends bien, le projet de loi instaure un nouveau comité des griefs ou quelque chose comme cela. Excusez- moi, je ne connais pas le nom exact. Il s'agit d'un comité indépendant composé de hauts gradés qui sont nommés, si je ne me trompe, par le gouverneur en conseil et qui examinera les griefs que ce dernier ou le CED lui demandera d'examiner. Par conséquent, il s'agit en fait d'un nouvel organe indépendant de la chaîne de commandement.

Bien que je ne pense pas que ce soit indiqué dans le projet de loi, je crois savoir également que le ministère envisage de créer un poste d'ombudsman, mais je ne sais pas grand-chose à ce sujet. J'en suis désolé.

M. Jim Hart: Cependant, à mon avis, le problème est... vous avez d'ailleurs raison de signaler que le comité des griefs sera composé de militaires du rang et de membres commissionnés mais on n'a pas prévu de fonctions analogues à celles d'un ombudsman pour ces personnes-là. Aucune responsabilité, aucune mesure de protection n'a été spécifiée.

Ce qui me préoccupe, c'est précisément le fait que l'on a affaire à un groupe de personnes qui ont toutes des craintes au sujet de leur carrière, quand il s'agit de déposer un grief, et qui se demandent comment procéder. Pourquoi ne pas nommer un ombudsman indépendant de la chaîne de commandement, pour examiner ces griefs et prendre une décision rationnelle fondée uniquement sur les faits, sans problème de chaîne de commandement?

Col Greg Mitchell: Je suis désolé, mais je ne connais pas la composition du comité en question; par conséquent, je ne sais pas très bien de quoi nous parlons. Je n'ai rien lu dans le projet de loi à ce sujet; j'en suis absolument désolé.

Puis-je donner une opinion?

M. Jim Hart: Certainement.

Col Greg Mitchell: Bien qu'il ait tendance à s'embourber uniquement à cause du travail administratif qu'il implique et du fait que l'on fasse beaucoup d'efforts de dotation pour s'assurer notamment que le travail est fait correctement—il est parfois difficile de respecter les échéances—le système d'examen des griefs répond, d'après ce que je peux comprendre, dans la plus grosse majorité des cas, aux besoins des plaignants et arrive à redresser les torts. J'ai participé à l'évaluation de beaucoup de griefs et les réponses que nous sommes arrivés à donner étaient satisfaisantes pour les plaignants dans la plupart des cas.

Par conséquent, personnellement, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de se débarrasser complètement de ce système et de le remplacer par un autre qui soit indépendant de la chaîne de commandement.

Ce qui est à mon avis utile pour les rares cas—je dis cela sans savoir exactement à quel point ils sont «rares», mais disons que cela représente 5 p. 100 des cas—qui ne peuvent être réglés par ce système d'examen des griefs pour une raison ou pour une autre ou ceux où ce système ne donne apparemment pas satisfaction... Il s'agit peut-être de cas où l'on craint un manque d'indépendance ou concernant un problème avec la chaîne de commandement. Dans de tels cas, un système de contrôle indépendant ne fait pas de tort.

• 0925

Comme commandant opérationnel, je demeure convaincu que c'est notre responsabilité de nous occuper de nos hommes de troupe. Cela consiste notamment à examiner leurs plaintes et leurs doléances, à veiller sur leur formation. Je dois être en mesure de le faire au sein de la chaîne de commandement. C'est ainsi que fonctionne le système actuel d'examen des griefs et j'estime qu'il est efficace.

M. Jim Hart: Il ne me reste probablement plus beaucoup de temps.

Le président: Assez pour une toute petite question.

M. Jim Hart: Bien.

Vous avez dit que vous aviez examiné un certain nombre de cas de griefs. Je comprends que c'est une chose un peu délicate à cause des noms et des numéros de matricule mais ce serait intéressant pour nous d'avoir un échantillon du genre de griefs que vous examinez régulièrement—le genre de griefs que vous évaluez, la façon dont ils sont réglés et le nombre de griefs déposés chaque année. J'ignore toutefois si nous pouvons demander ce genre de renseignements à un membre de l'état-major.

Le président: J'ai l'impression que ce serait extrêmement délicat...

M. Jim Hart: Vous pourriez peut-être juste nous citer un cas. Il n'est pas nécessaire de citer des noms. Vous pouvez tout simplement nous dire de quel type de griefs il s'agit.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): C'est l'affaire de ces experts. C'est leur gagne-pain et leur responsabilité. Nous sommes là pour élaborer des politiques et des stratégies. Nous n'avons pas à nous mettre le nez dans les questions de gestion interne.

M. Jim Hart: Je ne demande pas des renseignements précis. Je demande seulement quel genre de cas, quel type de griefs sont examinés.

M. Ghislain Lebel: Il demande seulement de citer des cas et pas des noms.

M. John Richardson: Je n'ai aucune objection à ce que le témoin dise brièvement de quel genre de cas il s'agit.

M. Jim Hart: C'est effectivement ce que je veux dire. Je voudrais une petite explication rapide. Les noms ne m'intéressent pas; tout ce qui m'intéresse, c'est de savoir quel genre de cas sont examinés et quel genre de décisions sont prises pour les régler.

M. John Richardson: Aucun problème.

M. Jim Hart: Merci beaucoup.

Le président: Je vous signale que cette réunion sort du commun. Je sais que M. Richardson a demandé des explications plus précises.

M. John Richardson: À propos des souhaits que le député a exprimés au sujet de la présence d'un ombudsman, je crois que le ministre examine la question depuis un certain temps. Je crois que l'on annoncera incessamment la création d'un poste d'ombudsman dans ce contexte. Je comprends les préoccupations de mon collègue mais c'est en cours de préparation et ce sera pour bientôt.

M. Jim Hart: Ce n'est toutefois pas indiqué dans le projet de loi.

M. John Richardson: Non.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Bonjour, colonel. À la question de mon collègue, vous avez répondu que la police militaire qui opère sur la base répond à la chaîne de commandement et est soumise chez vous, par exemple, à votre autorité. C'est vrai?

Ce n'est pas vous que je vise, loin de là, mais il me semble un peu anormal que le commandant de la base, qui est bien sûr l'autorité de la base, intervienne quand la police militaire enquête sur un sujet qui le concerne et qui risque de l'accabler. Ne serait-il pas préférable que la police militaire qui travaille sur une base rende compte à une autorité étrangère à celle qui dirige la base?

[Traduction]

Col Greg Mitchell: Je répondrai en anglais, si vous me le permettez.

Le président: Allez-y.

Col Greg Mitchell: Il est parfaitement possible que la police militaire se sente intimidée de devoir faire enquête sur des officiers supérieurs. Comme vous avez pu le constater d'après les témoignages qui ont été rendus devant diverses commissions et au cours de diverses enquêtes, cela pose parfois des problèmes. En ce qui me concerne personnellement, je n'ai jamais été confronté à ce genre de problème.

Quand je suis arrivé pour prendre le commandement de la base il y a deux ans, j'ai eu un entretien avec mon officier de sécurité de la base, arrivé depuis peu—il avait le grade de capitaine, c'est-à-dire un grade nettement inférieur au mien. Je lui ai dit que j'étais au courant des problèmes dont on avait parlé dans les médias. Je lui ai signalé que s'il avait un jour l'impression que je faisais de l'ingérence, il devait me le faire savoir. Il m'a répondu que je n'avais pas besoin de lui faire une telle recommandation, parce qu'il serait le premier à me le faire remarquer. Il en a parfaitement le droit. Par conséquent, c'est un domaine où il faut que les personnes concernées comprennent leurs droits et leurs responsabilités, qu'elles les fassent respecter et qu'elles ne se laissent pas influencer par le grade ou par d'autres facteurs.

• 0930

Cela dit, j'estime que l'on a tenu compte de cette difficulté dans le projet de loi et que l'on a notamment essayé de la résoudre en faisant une distinction entre les divers types d'enquête possibles, en augmentant les effectifs du Service national d'enquêtes et en lui attribuant une chaîne de commandement distincte et indépendante qui ne doive pas rendre de comptes par l'intermédiaire du commandant de base. Pour le moment, une équipe du Service national d'enquêtes est en train d'effectuer une enquête à ma demande sur ma base, mais ce n'est pas à moi mais au colonel Samson, à Ottawa, qu'elle doit rendre des comptes. Êtes-vous satisfait de cette réponse?

[Français]

M. Ghislain Lebel: Je vous remercie pour l'honnêteté de vos réponses, colonel. J'apprécie votre témoignage.

Je voudrais maintenant parler des tribunaux militaires, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Je sais, puisque je vous l'ai demandé tout à l'heure, que vous n'êtes pas juriste, mais je voudrais quand même connaître votre sentiment à l'égard de la justice militaire telle qu'elle est appliquée actuellement sur les bases.

Parlons des tribunaux militaires. À votre avis, est-ce que les règles de droit généralement reconnues par les représentants des diverses parties, par exemple l'impartialité du juge ou encore le droit d'offrir une défense pleine et entière, sont respectées par la justice militaire telle qu'on la connaît actuellement ou telle que l'on va la connaître sous peu avec le projet de loi C-25?

[Traduction]

Col Greg Mitchell: Lorsque j'étais officier subalterne, j'ai été à huit ou dix reprises désigné pour aider des personnes accusées de divers types d'infractions militaires. Lorsque j'étais major, j'ai été officier délégué, commandant de compagnie et j'ai tenu une dizaine ou une douzaine de fois des procès sommaires. Comme commandant, lieutenant-colonel, j'ai tenu à peu près autant de procès sommaires. J'ai été observateur à deux cours martiales. Je n'ai jamais été appelé à témoigner devant une cour martiale et je n'en ai jamais été membre.

À la suite de ces expériences, j'ai pu constater et je suis convaincu que le système judiciaire militaire est extrêmement impartial et équitable dans ces domaines. Je crois que c'est parce que les personnes concernées sont directement intéressées non seulement à la discipline au sein de l'unité mais aussi au bien- être de l'accusé. Celui-ci ou celle-ci est un ou une des nôtres. Nous tenons à ce que justice soit rendue rapidement, et notamment de façon à avoir l'effet dissuasif voulu. Par contre, nous sommes également conscients que si l'accusé est jugé coupable et doit purger une peine quelconque, il reviendra dans notre groupe et sera un des nôtres, que nous lui confierons notre vie. Par conséquent, nous sommes directement intéressés d'un côté comme de l'autre.

J'ai vu—et je l'ai fait moi-même comme commandant de peloton—un jeune officier témoigner contre un accusé pour une infraction dont j'avais été témoin. Cet accusé a été jugé coupable. Au moment de déterminer la peine, l'officier responsable m'a demandé quel genre de soldat était l'accusé. À titre de commandant du peloton, j'ai dit que c'était le meilleur soldat que j'avais jamais vu, que c'était un cas unique et que cela ne se reproduirait plus. C'est un peu comme si on avait une personnalité double—d'une part on est responsable de la discipline mais d'autre part, il s'agit d'un de nos hommes.

Je vais vous relater une anecdote—je ne me souviens pas de la nature exacte de l'affaire ou du nom de l'avocat—à propos d'avocats que l'on autorise à suivre des procès sommaires comme observateurs, sans participer... Un avocat qui avait suivi un procès sommaire est allé trouver l'officier responsable après le procès pour lui dire que c'était le système le plus équitable qu'il avait jamais vu et qu'il était supérieur au système civil. Je ne peux pas citer de noms ni fournir de preuves mais je m'en souviens très clairement et cette anecdote a renforcé ma conviction que notre système est extrêmement équitable et impartial.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Colonel Mitchell, vous savez qu'il y a toujours des cas d'exception. Malheureusement, je vais devoir vous rappeler le cas récent du colonel Vanier.

• 0935

Pensez-vous que si le colonel Vanier avait été jugé par des gens qui ne le connaissaient pas, par des gens complètement étrangers à l'armée, la sentence aurait été la même ou plus légère peut-être? Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?

[Traduction]

Col Greg Mitchell: Vous me demandez malheureusement de faire des suppositions. Je ne faisais pas partie du comité. Je n'ai pas entendu les témoignages. J'ai lu les articles dans les journaux et j'ai pu constater que ceux-ci ne disent pas toujours la stricte vérité.

Je ne pense pas que ce soit une question d'être jugé par des amis, par exemple. Il s'agissait de pairs et, dans ce cas-là, je suppose que cela ressemblait à un jury de pairs.

On pourrait supposer... Personnellement, j'estime que, lorsque ce sont des officiers qui en jugent d'autres, le niveau de responsabilité exigé des collègues est peut-être supérieur à ce qu'il serait s'il s'agissait d'un autre type de commission, compte tenu du degré d'engagement que l'on a et de la position de confiance que l'on occupe. C'est ce que je ferais. Je me plais à penser que mes collègues le feraient aussi et je crois que ce serait vrai dans la plupart des cas. Je suppose que ce ne serait pas le cas si l'accusé était traduit devant un tribunal civil dont les membres ne comprennent pas la question de confiance et de leadership qui entre en ligne de compte, la nécessité de faire un exemple.

Personnellement, je crois que le jugement d'un groupe de pairs a tendance à être plus sévère que celui d'un jury civil.

Êtes-vous satisfait de cette réponse, monsieur?

[Français]

M. Ghislain Lebel: Partiellement. Vous avez sûrement entendu parler du cas du caporal Purnelle qui avait écrit le livre Une armée en déroute et qui a été jugé très sévèrement par ses pairs. Si on ne lui a pas pardonné, ce n'est pas tellement à cause du dommage qu'il a causé ou du geste qu'il a posé, mais plutôt parce qu'il visait directement l'armée.

Reno Vanier a commis un acte beaucoup plus problématique. Je ne suis pas militaire, mais chez vous, à Petawawa, et aussi à Trenton, des militaires et des épouses de militaires sont venus au micro et nous ont dit clairement que cela leur semblait être une justice à deux vitesses, selon le rang de l'accusé. C'est ce genre de choses que nous voudrions prévenir en adoptant ce projet de loi. Même si j'avais l'impression que c'était vrai, cela ne changerait rien ici ce matin.

Dans un cas comme celui de Vanier, quand l'accusé est de rang supérieur, ne pensez-vous pas que l'armée et le tribunal militaire se trouvent dans une drôle de situation? Je peux dire qu'aucune disposition de la loi ne permet à un tribunal militaire de se récuser. Donc, même si l'accusé est d'un très haut rang... Je peux vous dire aujourd'hui que si le général Dallaire, qui est d'un rang élevé, était en Belgique, il serait accusé. Donc, plus le rang du militaire est élevé, plus notre système judiciaire militaire semble être gêné.

Par conséquent, dans ce genre de situation où le grade du militaire est élevé, ne serait-il pas préférable que le tribunal soit autorisé à se récuser?

[Traduction]

Col Greg Mitchell: D'après ce que j'ai pu lire, je crois que les modifications que contient ce projet de loi régleront la plupart des questions que vous vous posez, dont celle de l'indépendance de la police militaire dans la conduite de l'enquête préliminaire. En fait, le Service national d'enquêtes sera dorénavant autorisé à porter des accusations sans tenir compte de la chaîne de commandement. Par conséquent, il ne devra plus tenir compte du grade entre autres choses.

• 0940

L'autre changement concerne les cours martiales. Si l'on jugeait à nouveau le colonel Vanier, il aurait une influence après l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Je pense que bien que le témoignage soit toujours entendu par un groupe de pairs chargés de déterminer si l'accusé est coupable ou innocent, c'est désormais le juge militaire—qui, je le répète, est nommé selon un processus distinct, indépendant, extérieur à la chaîne de commandement—qui décidera de la nature de la peine.

Comme dans le cas d'un tribunal civil, on tiendra compte, lorsqu'il s'agira de déterminer la peine, de l'expérience de l'accusé, des circonstances particulières de l'affaire, parce que nous n'adoptons évidemment pas une attitude tranchante, et du genre de peine qui a été imposée dans des cas analogues survenus dans les forces armées. On tiendra bien entendu compte notamment du degré de confiance dont bénéficiait l'accusé, de ses connaissances et de son expérience. Je crois que tout cela est prévu dans le projet de loi et que cela répond à la plupart des questions que vous vous posez.

Le président: Monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Prembroke, Lib.): Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui, colonel Mitchell. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté de comparaître à aussi bref délai de préavis.

Comme vous le savez, le groupe consultatif spécial placé sous la direction du juge Dickson a recommandé que les commandants tels que vous reçoivent une formation ou une accréditation spéciale avant de faire des procès sommaires. Pourriez-vous nous dire quel genre de formation vous avez reçue à cet égard, en ce qui vous concerne personnellement?

Col Greg Mitchell: Le type de formation que nous recevons dans le domaine de la justice militaire commence dès le début de notre carrière et se poursuit tout au long de celle-ci. La mienne a débuté au Collège militaire royal où les élèves-officiers avaient leur propre système de châtiment en quelque sorte, en ce qui concerne les infractions commises au collège. Les cadets aînés font leurs propres procès sommaires, portent des accusations, imposent des peines, en ce qui concerne les infractions tout à fait mineures. Les peines consistent notamment à devoir faire un certain nombre de tours de piste de course et autres châtiments analogues. Par conséquent, c'est une première prise de contact.

Pendant la formation de base d'officier et d'officier d'infanterie, nous étudions certains aspects de la justice militaire, notamment le dépôt d'accusations. À l'École d'état-major des Forces canadiennes, nous avons étudié les procès sommaires et nous avons examiné cette matière plus à fond au Collège d'état- major et de commandement des Forces canadiennes. Pour ma part, j'ai suivi un cours de droit international des conflits armés.

Par contre, en ce qui concerne la conduite proprement dite d'un procès sommaire, je n'ai pas vraiment suivi de cours à ce sujet. C'est quelque chose que j'ai appris sur le tas, quand j'étais officier désigné, en assistant à des procès en cour martiale, à des procès sommaires et en observant mes supérieurs juger sommairement ainsi qu'en étudiant par moi-même, dans le cadre de notre Programme de perfectionnement professionnel des officiers, qui consiste en une série d'examen dont l'un porte sur le droit militaire, qu'il faut réussir pour obtenir une promotion et de l'avancement.

Cela répond-il à votre question?

M. Hec Clouthier: En quelque sorte, mais estimez-vous qu'il serait intéressant d'obliger les commandants à participer à un programme spécial portant directement sur la façon de tenir un procès sommaire, à l'issue duquel un certificat pourrait éventuellement être délivré? Ou bien pensez-vous que cela ne s'acquiert que par expérience?

Vous avez gravi les échelons mais prenons par exemple le cas de quelqu'un qui a été nommé récemment commandant. Estimez-vous qu'il serait bon qu'il tienne ce genre de procès sommaires? Cela lui permettrait-il d'acquérir une certaine compétence?

Col Greg Mitchell: Les expériences varient d'une personne à l'autre. Ainsi, certains commandants peuvent très bien ne pas avoir servi dans les armes de combat—contrairement à ce qui s'est passé dans mon cas, lorsque j'étais dans les unités opérationnelles—et ont peut-être servi dans d'autres corps et d'autres branches des forces armées. Ils n'ont pas les mêmes antécédents et pourraient avoir plus ou moins d'expérience quand ils accèdent au grade de commandant.

Je comprends qu'une certaine formation ou une certaine forme d'accréditation soit nécessaire. La seule réticence que j'aie à l'égard des cours supplémentaires concerne le temps nécessaire pour les suivre. Je crois que l'on envisage la possibilité d'organiser un cours de deux jours en ce qui concerne ce type d'accréditation en particulier, ce qui est très utile en soi. Compte tenu de toutes les autres formes d'entraînement auxquelles il faut se soumettre et de toutes les autres obligations, cela constitue un fardeau supplémentaire.

• 0945

Cela dit, j'estime qu'un cours approfondi serait très utile pour permettre aux participants de profiter de l'expérience des collègues, d'échanger des idées, de simuler quelques situations réelles, avec l'aide d'avocats militaires. Tout serait clair en définitive une fois le moment venu de tenir un procès sommaire.

Pour le moment, il faut consulter un avocat militaire, lire des ouvrages sur la question et se dire que l'on est bien préparé pour se rassurer. Cela fonctionne probablement dans 90 p. 100 des cas mais des problèmes peuvent se poser dans une dizaine de pour cent des cas et ce cours d'accréditation pourrait peut-être régler la question.

M. Hec Clouthier: Colonel, je remarque que vous êtes en train de terminer des études de maîtrise en AP à lÂUniversité Queen's. Pensez-vous que cela vous aidera à tenir ces procès sommaires ou une partie de ces cours est-elle consacrée spécialement à cela?

Col Greg Mitchell: Je ne pense pas que cela ait le moindre rapport avec le droit militaire. Les cours que je suis, même s'ils sont associés à la défense, sont consacrés à l'acquisition de matériel de défense, à l'économie appliquée à la défense et à l'analyse des politiques. Ils n'ont aucun rapport spécifique ou direct avec le droit ou la justice militaires.

M. Hec Clouthier: C'est parfait.

Le président: Merci.

Quelqu'un d'autre a-t-il des questions à poser? Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): J'en ai deux ou trois.

Colonel, je viens de penser à quelque chose à propos d'une des modifications. Les nouvelles dispositions du projet de loi C-25 indiquent que lorsque des sous-officiers sont jugés, d'autres sous- officiers peuvent désormais faire partie du comité ou être nommés membres d'un tribunal. Je ne crois pas que cela soit déjà arrivé. Ces personnes vont-elles être qualifiées pour faire partie de ces comités? Est-ce que quelques rares élus seulement seront sollicités pour cette tâche? Quel genre de formation recevront-ils? Sera-t- elle très semblable à la vôtre? Comment cela fonctionnera-t-il?

Col Greg Mitchell: Je ne sais pas exactement comment cela fonctionnera, mais le principe est de faire juger l'accusé par un comité de pairs et par d'autres personnes qui peuvent s'appuyer sur leur expérience personnelle, qui est analogue à la sienne. Le but est de faire appel à des personnes qui peuvent peser le pour et le contre et qui n'ont pas nécessairement une formation juridique. C'est pourquoi on ne trouve pas d'avocat militaire dans les comités. Ce n'est pas un comité d'avocats ou de juges, c'est un comité de pairs.

Je suppose que l'on fera exception dans certains cas, comme dans celui des officiers qui siègent maintenant dans les cours martiales. Je suppose que l'on envisagera de charger des avocats de faire subir un interrogatoire aux membres du comité pour s'assurer qu'ils seront justes et impartiaux. Si j'étais accusé par exemple, mon frère ou mon meilleur ami ne seraient peut-être pas autorisés à faire partie du comité.

En outre, ils reçoivent des instructions du juge qui préside la cour martiale et ils possèdent certaines connaissances personnelles sur le système juridique militaire. Nos s/off reçoivent une certaine préparation pendant leur formation mais je crois que c'est pour cela que l'on ne va pas plus bas que le grade d'adjudant. À ce niveau, on a suivi divers cours de leadership, y compris des cours sur la justice militaire. Je suppose que c'est la raison pour laquelle on s'arrête à ce grade.

À l'instar des jurés dans les tribunaux civils, ils ne sont pas plus qualifiés dans le domaine juridique que n'importe quelle autre personne normale et pourtant, ils sont appelés à juger leurs pairs. J'estime que les militaires qui font partie d'un comité, qu'il s'agisse d'adjudants ou d'officiers, sont beaucoup plus au courant du système de justice militaire que les membres d'un jury de tribunal civil ne sont au courant du système judiciaire civil. C'est bien entendu mon opinion personnelle.

M. Bob Wood: Ce projet de loi a de toute évidence des répercussions profondes sur le rôle joué par des personnes comme vous et je crois que tout le monde reconnaît la nécessité d'une réforme. Ce qui me préoccupe, c'est que les changements seront apportés sans que les répercussions ne soient expliquées à fond aux commandants de base et à leur état-major. Monsieur, je voudrais savoir dans quelle mesure vous avez confiance dans les capacités du QGDN pour ce qui est d'expliquer et de mettre en oeuvre ces changements comme il se doit. Prévoyez-vous certains problèmes?

Col Greg Mitchell: Non. Le seul problème que je perçoive est celui que j'ai signalé à M. Clouthier et qui concerne le temps consacré à la formation et le temps disponible à cette fin. C'est qu'il est plutôt limité pour le moment.

• 0950

Malgré tout, en novembre, nous avons organisé une séance d'information de trois heures sur la plupart des changements procéduraux qu'entraînera ce projet de loi ainsi que sur les changements qui sont entrés en vigueur le même mois. Il ne s'agit pas, je le répète, des modifications prévues dans ce projet de loi mais des changements procéduraux qui en découlent. Ce cours s'adressait à tous les officiers et aux sous-officiers supérieurs, y compris ceux qui pourraient être appelés à porter des accusations et à tenir des procès sommaires. Ce cours a été préparé par le Quartier général de la Défense nationale. Il comportait des exposés, des diapositives et une vidéo d'environ une demi-heure permettant de simuler des situations réelles.

Plusieurs dépliants et documents ont été publiés—un assez grand nombre, en fait—afin d'expliquer les divers changements et leur raison d'être; les communications à ce sujet ont d'ailleurs été excellentes. Il ne restera plus qu'à communiquer les changements à tout le monde lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, si c'est le cas. Pour l'instant, à en juger d'après l'expérience du mois de novembre, je suis convaincu que tout peut se dérouler assez bien.

M. Bob Wood: Colonel, pouvez-vous me dire brièvement si certains membres de votre état-major, ou certains de vos hommes de troupe, ont été consultés pour savoir ce qu'ils pensent des changements qu'il est nécessaire d'apporter au système judiciaire militaire. Vous a-t-on jamais demandé ou a-t-on demandé à vos collègues, de donner votre opinion sur les conséquences qu'aura le projet de loi C-25 en ce qui concerne le maintien de la discipline militaire? Vous êtes le commandant d'une des plus grosses bases du pays. Quelqu'un vous a-t-il jamais demandé ce que vous en pensiez, si vous aviez un avis à donner?

Col Greg Mitchell: Pas à moi personnellement, mais le rapport sur les enquêtes menées par le juge Dickson contient une longue liste de personnes qui ont témoigné et qui ont été consultées. M. Dickson a dirigé un assez grand nombre de groupes de discussion un peu partout au Canada, mais je n'y ai pas participé personnellement.

Si je comprends bien, le service du Quartier général de la Défense nationale responsable de ces modifications a tenu des consultations approfondies auprès de certaines personnes. Je ne peux pas dire qui a été consulté au juste; il faudrait le demander aux responsables. Je suppose et j'espère qu'ils ont consulté beaucoup de membres des unités opérationnelles. Je ne sais pas s'ils l'ont fait après ou avant d'avoir préparé les modifications, mais j'ai des raisons de croire que des consultations ont eu lieu.

M. Bob Wood: Je ne sais pas si vous pourrez répondre à ma prochaine question mais je vais tout de même la poser.

Colonel, pouvez-vous me dire si après avoir jeté un coup d'oeil rapide sur le projet de loi—ce que vous avez fait, de toute évidence—, vous auriez souhaité davantage de changements? Pensez- vous à certaines modifications non prévues qui seraient susceptibles d'améliorer, à votre avis, le projet de loi C-25? Le trouvez-vous assez satisfaisant ou estimez-vous que telle ou telle disposition devrait être remplacée par telle ou telle autre, et qu'il serait possible de lui apporter telle ou telle amélioration? Avez-vous cette impression?

Col Greg Mitchell: J'ai commis une toute petite erreur d'interprétation. Il s'agit d'une petite erreur concernant les personnes condamnées à la détention. Après leur détention, elles recommencent automatiquement à toucher leur traitement et réintègrent leurs fonctions. C'est une question qui me préoccupait parce que j'estimais qu'une personne qui occupe un poste de commandement et de direction ne devrait pas automatiquement réintégrer ses fonctions, au même grade.

Au cours des discussions, on m'a tout de suite signalé que la personne qui impose ou prononce une sentence peut également prévoir une rétrogradation qui reste en vigueur après la détention. Les craintes que j'avais à cet égard sont par conséquent apaisées.

L'essentiel, c'est que la personne chargée de déterminer la peine se rende compte que le contrevenant occupe une position de leadership et que l'on ne tient pas nécessairement à ce qu'il la réintègre. C'est un jugement qu'il faut faire avant que l'intéressé ne soit envoyé en détention. Autrefois, cela se faisait automatiquement. Ceux qui avaient fini de purger leur peine de détention restaient à un grade inférieur et devaient gravir à nouveau les échelons. C'est une des choses qui me préoccupaient, mais il paraît que la question est réglée et je m'en réjouis.

• 0955

Le seul principe général—et ce n'est qu'un principe général— est que je suis préoccupé, et pour d'excellentes raisons, par le fait que l'on ait transféré certains pouvoirs directs des commandants pour garantir une certaine impartialité et une certaine équité. Ce changement a été apporté pour assurer le respect de la Charte des droits, pour régler les problèmes des personnes qui estimaient avoir été traitées injustement par le système judiciaire.

Comme je crois l'avoir signalé au cours de votre visite à Petawawa, la seule chose qui me préoccupe dans toute cette affaire, c'est que ceux qui sont tenus responsables—et devraient être tenus responsables—du rendement opérationnel de l'unité, y compris de la discipline interne, devraient disposer autant que possible de toutes les ressources et de tous les pouvoirs nécessaires pour faire respecter cette discipline et appliquer la justice.

Certaines modifications prévues dans le projet de loi enlèvent une partie des pouvoirs. Il s'agit des modifications concernant le champ de compétence de la police militaire par rapport au SNE ou aux autorités policières civiles, qui font que trois forces de police ont compétence sur ma base mais que deux d'entre elles n'ont pas de comptes à me rendre. Ce qui me préoccupe, c'est que l'on continue à miner mon aptitude à assumer cette responsabilité.

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'elle ne devrait pas être minée, étant donné ce que l'on fait en contrepartie. Je vous donne uniquement le point de vue d'un commandant opérationnel. Cela se fait petit à petit et cela m'inquiète un peu.

M. Bob Wood: C'est normal. Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Monsieur Hart.

M. Jim Hart: Merci encore, colonel.

Je voudrais revenir quelques instants à la question des procès sommaires. Je crois que nous souhaitons tous que le système judiciaire militaire soit le meilleur possible, dans l'intérêt des Forces canadiennes et des hommes et des femmes qui en font partie.

Je crains que ce système souffre cependant d'un certain manque de respect et ce, depuis assez longtemps. Je pense en particulier aux procès sommaires dans les forces navales. Je sais que vous êtes commandant des forces terrestres mais dans les forces navales, sur un navire, les procès sommaires sont parfois des plus fantaisistes. C'est ce que les simples soldats et les petits gradés pensent de ces procès.

Lorsque j'étais dans les forces navales, je connaissais par exemple un officier qui allait jusqu'à demander à l'accusé de jouer à la roulette. Cette roulette comprenait des cases portant notamment les mentions suivantes: «Vous êtes libre», «Suppression de congé de 14 jours», «Amende de 50 $». Ce genre de pratique n'incite pas au respect.

Lorsqu'un militaire accusé est conduit, tête nue, devant son commandant, il n'a pas le droit de consulter un avocat; il n'existe aucune trace écrite de ce qui se passe pendant ce temps-là... Ceux qui estiment avoir été traités injustement ont la possibilité de faire appel mais l'appel est entendu par la personne devant laquelle ils ont été amenés.

Par conséquent, ce processus de jugement sommaire au niveau de l'unité laisse à désirer. Il est possible que cela se passe différemment sur une base. Je n'ai jamais été stationné à une base des armées terrestres. Par contre, la situation se complique beaucoup lorsqu'il s'agit d'une petite unité comme un navire, un sous-marin, voire encore plus petite que cela. Par conséquent, on n'a aucun respect pour ce genre de système.

Pourriez-vous dire ce que vous en pensez?

Col Greg Mitchell: Je dois dire que je n'ai jamais assisté ou participé à...

M. Jim Hart: À un jeu de roulette?

Col Greg Mitchell: ... à ce genre de procès. Cela m'aurait révolté. Si c'est ce genre de problème qui motive les modifications apportées à la loi, dans ce cas, il y a probablement longtemps qu'il aurait fallu les apporter. J'espère que ce n'est pas une pratique très répandue mais il s'agit, à mon humble avis, d'un problème de leadership.

Le problème ne réside pas dans le système des procès sommaires proprement dits; il vient du chef de l'unité. Si j'avais un tel individu sous mon commandement et que j'avais vent d'une affaire semblable, il ne resterait pas à son poste.

• 1000

C'est principalement cela qui me préoccupe, c'est le fait qu'à cause d'une poignée de chefs incompétents et des problèmes de ceux et celles qui ont souffert de cette incompétence, on modifie complètement le système. C'est bien beau, mais ces changements minent les capacités et l'autorité des bons chefs, qui représentent la majorité et qui font de leur mieux dans le cadre d'un système généralement satisfaisant. Voilà ce qui me préoccupe.

M. Jim Hart: Ne serait-il pas possible d'adopter un moyen, un système indépendant en quelque sorte, qui permettrait à ceux et celles qui font l'objet d'un procès sommaire d'avoir un droit d'appel digne de ce nom, au lieu d'être soumis à nouveau au même traitement? Ce système ne semble pas suffisamment impartial. On demande à quelqu'un de prendre une décision sur une question au sujet de laquelle sa décision est déjà prise et par conséquent, l'intéressé n'a probablement pas l'envie de changer d'avis ni d'écouter d'autres témoignages.

C'est très difficile. C'est très intimidant pour un jeune de 18, 19 ou 21 ans d'expliquer toutes les circonstances de l'incident sans l'aide d'un avocat. Je ne sais pas très bien à combien s'élèvent les amendes mais c'est relativement traumatisant pour un jeune de se faire imposer une amende de 200 $, de se faire supprimer des congés ou d'être privé de retour dans sa famille pendant un mois, quand c'est un second ou un commandant qui prend la décision sans autre forme de procès.

Col Greg Mitchell: Le projet de loi comprend deux ou trois changements susceptibles, à mon avis, de régler ce genre de problème.

Il prévoit un mécanisme d'appel qui se situe à l'échelon supérieur de celui du commandant ou du second. La situation est réexaminée en quelque sorte en fonction de la sévérité de la peine ou de l'injustice...

Si la décision a été prise en jouant à la roulette, c'est manifestement une injustice, et cela justifierait le passage au palier suivant pour réexaminer le jugement et annuler la décision.

Vous vous préoccupez notamment des jeunes qui manquent d'expérience, de ceux qui ont peur. Des règles et des instructions très précises ont été fixées à l'intention des officiers désignés. Il est désormais impossible de désigner quelqu'un au hasard et l'obliger ainsi à se débrouiller pour faire de son mieux et pour se renseigner par lui-même. L'officier désigné doit suivre des instructions et des règles bien précises.

Ce rôle aura désormais plus d'importance. L'officier désigné parlera et interviendra réellement au nom de l'accusé, il l'aidera à témoigner et questionnera les témoins.

Il faut désormais fournir une attestation indiquant que tout s'est déroulé dans les règles. Celle-ci doit être signée par l'accusé et supervisée par l'officier qui préside pour attester que les diverses étapes prévues ont effectivement été suivies.

M. Jim Hart: Propose-t-on dans le projet de loi la rédaction d'un compte rendu officiel des délibérations?

Col Greg Mitchell: Un compte rendu d'une sorte ou d'une autre?

M. Jim Hart: Oui.

Col Greg Mitchell: Non.

M. Jim Hart: Pensez-vous qu'il serait intéressant de... nous emploierons le terme «appel». Je ne connais pas le terme exact.

Col Greg Mitchell: Non je ne le pense pas. Il ne faut pas oublier que les procès sommaires concernent généralement des infractions militaires mineures. Le but est d'appliquer la justice de manière assez expéditive. Tout autre type de formalité administrative que l'on pourrait y ajouter risque de retarder le processus indûment.

Le but est de rendre justice assez vite et de permettre à l'accusé de réintégrer le plus vite possible ses fonctions.

M. Jim Hart: Quel est maintenant le montant maximum des amendes et le nombre maximum de jours de congé qui peuvent être supprimés à la suite d'un procès sommaire?

Col Greg Mitchell: Il faudra que je me renseigne. Je crois que l'amende maximum qui peut être imposée à des commandants peut atteindre jusqu'à 60 p. 100 du traitement mensuel. En ce qui concerne le nombre de jours de congé qui peuvent être supprimés, il faudra que je vérifie dans les règlements. Je ne connais pas très bien les nouvelles dispositions en la matière.

M. Jim Hart: Bien. Une telle sanction est relativement traumatisante pour un jeune soldat. C'est une sanction très sévère.

Je crois que l'examen de la politique sociale, qui porte sur les problèmes sociaux qui se posent au sein des Forces canadiennes, le confirmera. Il me semble que l'on aura dorénavant besoin d'un meilleur mécanisme.

• 1005

Je voudrais maintenant parler brièvement du comité de pairs. Dans le cas des officiers traduits en cour martiale, le comité peut être uniquement composé d'officiers. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un sous-officier, je crois qu'une minorité de membres du comité seulement peuvent être des militaires du rang. Ils doivent avoir au moins le grade d'adjudant.

C'est un pas dans la bonne direction, mais il est encore très timide. Pourquoi les cours martiales ne peuvent-elles être composées d'un plus grand nombre de sous-officiers supérieurs au lieu d'être composées pour ainsi dire exclusivement d'officiers?

Col Greg Mitchell: Je regrette, je n'avais pas lu les dispositions concernant ce que vous venez de signaler. Je ne sais pas si c'est effectivement le cas. Tout ce que j'ai lu, c'est qu'un comité peut désormais être composé de personnes ayant au moins le grade d'adjudant.

Je pense que la formule que vous proposez relève probablement du domaine administratif et non du domaine législatif, mais je ne sais pas.

M. Jim Hart: C'est ce que disent les dispositions proposées en ce qui concerne les articles 166 à 168 et 169 à 172, qui constituent l'article 42 du projet de loi, qui se trouvent aux pages 44 à 46, sous la rubrique «cours martiales».

Elles indiquent qu'une minorité seulement des membres du comité peuvent être des sous-officiers lorsque la personne traduite en cour martiale est un militaire du rang. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un officier, le comité doit être composé exclusivement d'officiers.

Col Greg Mitchell: Étant donné qu'un comité chargé d'examiner le cas d'un haut gradé ne peut être composé de caporaux et de soldats, il est tout à fait normal que l'on ne puisse pas faire appel à des sous-officiers, ne pensez-vous pas?

M. Jim Hart: Ce qui me préoccupe, c'est que l'on fait apparemment deux poids deux mesures. Lorsqu'il s'agit d'un officier, le comité doit être composé exclusivement d'officiers mais lorsqu'il s'agit d'un militaire du rang, ses semblables ne peuvent représenter qu'une minorité des membres. Il semblerait raisonnable que les sous-officiers supérieurs puissent représenter davantage qu'une simple minorité au sein des comités.

Col Greg Mitchell: En toute sincérité, je ne connais pas la raison d'être des pourcentages et je ne pourrais vraiment pas faire de commentaires à ce sujet, parce que je n'y ai même pas réfléchi. Je pense que le point capital à ne pas oublier est qu'il est essentiel que les membres du comité soient de rang équivalent ou supérieur. En ce qui concerne les pourcentages proprement dits, je dois avouer que je n'ai pas d'opinion à ce sujet.

M. Jim Hart: Bien. Merci beaucoup, colonel.

Col Greg Mitchell: Bien.

Le président: Merci, monsieur Hart.

J'ai deux ou trois questions à vous poser, colonel. Vous avez signalé il y a quelques instants que, dans certaines circonstances, vous deviez faire appel, sur votre base, à trois services de police différents—le SNE, la police militaire et la police civile—, si je vous ai bien compris.

Col Greg Mitchell: C'est exact.

M. Jim Hart: Qui dirige les opérations? Cela dépend-il de la nature de l'infraction?

Col Greg Mitchell: Dans un premier temps, c'est toujours la police militaire, qui relève de moi, qui intervient; elle est obligée de le faire. Après qu'elle a examiné l'affaire d'un peu plus près et déterminé la nature du problème, la suite dépend de la gravité de l'infraction ou du type d'infraction. La police militaire doit alors poursuivre l'enquête ou confier l'affaire au service de police compétent, qui interviendra.

Bien que la police militaire soit obligée d'intervenir, c'est elle qui décide du degré d'intervention qui se justifie ou qu'elle peut se permettre. Par exemple, ma police militaire locale peut se charger de vol de moins de 5 000 $ si un militaire est impliqué. Les vols d'une valeur supérieure à 5 000 $ commis par un militaire relèvent de la responsabilité du SNE, à moins que celui-ci estime qu'il n'a malheureusement pas les moyens et dise à la police militaire de s'en charger. C'est la même chose en ce qui concerne la PPO: elle peut nous demander de nous en charger, même s'il s'agit d'une infraction relevant de sa compétence.

Par conséquent, ma police militaire peut se charger de l'affaire jusqu'au bout, à la demande de ces deux services policiers. Sinon, elle doit leur confier l'affaire.

Outre le fait qu'il est un peu compliqué de devoir faire intervenir trois forces policières sur une base fédérales, c'est moi qui suis responsable de cette base. Outre cette question de principe, cela pose un problème d'ordre pratique. Je ferais peut- être mieux de citer un cas précis.

Il y a environ un an et demi, on nous a signalé que des vols étaient commis dans les services d'approvisionnement. Notre police militaire a été mise au courant et a entamé une enquête. Si cette enquête avait lieu maintenant—les personnes impliquées sont des employés civils du MDN—, la PM devrait probablement confier l'affaire à la Police provinciale de l'Ontario.

• 1010

Premièrement, la PPO ne considère évidemment pas nécessairement qu'il s'agit d'une infraction plus grave ou plus urgente que n'importe quel autre vol commis dans la province ou dans son secteur. Deuxièmement, elle ne dispose pas nécessairement des ressources nécessaires pour consacrer de l'argent à une enquête sur cette affaire. Troisièmement, c'est elle qui décide ce qu'il faut faire. Quatrièmement, elle n'a pas la responsabilité de me rendre des comptes ou de me tenir au courant de son enquête. Par conséquent, elle peut très bien décider par exemple de la laisser tomber ou de la poursuivre.

Dans ce cas en particulier, compte tenu des renseignements initiaux, elle aurait probablement laissé tomber l'affaire. Elle aurait fait une enquête préliminaire et en serait restée là. Ce sont des suppositions, mais je me base sur les renseignements que m'a fournis mon officier de police militaire. D'après lui, c'est ce qui se serait probablement produit.

Quand nous avons entamé cette enquête, elle relevait de notre compétence. La PM l'a menée jusqu'au bout, ce qui a permis de récupérer des biens appartenant au MDN pour une valeur totale de 400 000 $. Trois employés civils ont plaidé coupables et ont été condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée raisonnable. Cette affaire m'a aidé à détecter toutes sortes de problèmes qui se posaient au niveau des services d'approvisionnement et du système d'approvisionnement des Forces canadiennes. Elle m'a permis de faire un nettoyage et de communiquer un message très clair aux autres employés. D'une manière générale, elle a permis d'améliorer la situation.

Par conséquent, je suis convaincu que l'intervention d'un seul organe compétent et l'octroi de responsabilités accrues à ma PM sont utiles. Je déplore ce changement qui concerne les niveaux de compétence, car je peux imaginer les conséquences qu'il pourrait avoir.

Puis-je vous citer un autre exemple?

Le président: Certainement.

Col Greg Mitchell: Un conflit familial éclate dans les logements familiaux. Un couple se bat. C'est la PM qui intervient la première, comme dans tous les cas. Si c'est le militaire qui bat son conjoint, l'affaire relève de la compétence de la police militaire et celle-ci peut s'en charger jusqu'au bout. Par contre, si c'est le conjoint civil qui bat le militaire, la PM doit alors demander à la PPO d'intervenir. Cela indique à quel point la situation peut devenir ambiguë.

Le président: Vous m'incitez à poser quelques questions supplémentaires. Est-ce que la police militaire a porté des accusations contre les civils, dans le premier cas que vous avez cité? Vous avez dit que trois civils ont plaidé coupables.

Col Greg Mitchell: La PM a fait une enquête et elle a travaillé en étroite collaboration avec le procureur de la Couronne de la localité. Les poursuites ont été faites devant un tribunal civil.

Le président: Bien.

Col Greg Mitchell: Par conséquent, ce n'est pas la police militaire qui porte les accusations. Je crois que c'est le procureur de la Couronne qui le fait.

Le président: Bien. Le deuxième cas que vous avez cité est celui de l'intervention de la police militaire dans un cas de violence familiale. Reçoit-elle une formation spéciale dans ce domaine? Est-elle sensibilisée au problème ou cela fait-il partie de son entraînement normal?

Je crois que cela a commencé dans la police civile; les policiers suivent un entraînement spécial en ce qui concerne la violence familiale. Je me demande si c'est maintenant le cas dans la police militaire également.

Col Greg Mitchell: Je crois que oui, mais je ne sais pas dans quelle mesure. Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre. Je ne possède pas de renseignements précis à ce sujet. Je peux me renseigner, si vous voulez.

Le président: Oui, je l'apprécierais.

J'ai une dernière question. Je présume que si un militaire commet une infraction criminelle, c'est indiqué sur son dossier. Est-ce que cela reste sur son dossier?

Col Greg Mitchell: Oui. La feuille de conduite reste au dossier pendant toute la carrière.

Le président: Comment dès lors cette personne pourrait-elle par exemple, au bout de cinq ou six ans...? À supposer qu'il s'agisse d'un soldat modèle et qu'il souhaite faire disparaître cela de son dossier. Comment doit-il s'y prendre?

Col Greg Mitchell: Je crois que lorsqu'il s'agit de condamnations par des autorités civiles, on peut s'adresser...

Le président: Au solliciteur général?

Col Greg Mitchell: C'est cela. Par contre, en ce qui concerne les condamnations par les autorités militaires, je ne sais pas très bien ce qu'il faut faire. Je suis désolé. Je ne sais pas si le même système s'applique et s'il est possible de faire disparaître toute trace de condamnation par les autorités militaires. Je suis désolé, il faudra que je me renseigne et que je vous donne la réponse plus tard. Je n'arrive pas à me souvenir pour le moment si c'est possible ou non.

Le président: Merci. Je crois que M. Richardson a une autre question à poser.

M. John Richardson: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous sommes la plupart du temps dans un contexte de paix. Un projet de loi comme celui-là doit nécessairement contenir des dispositions que la plupart des civils sont incapables de comprendre. C'est parce qu'en cas de guerre, il faut donner des ordres et maintenir la discipline. Par conséquent, certaines dispositions de la loi doivent tenir compte du contexte, selon que l'on est en temps de paix ou en temps de guerre.

• 1015

Je crois que le vieux système, sur lequel on s'est basé, les OR et les O, et le processus... Je ne crois pas que beaucoup de personnes comprennent que le programme de formation des sous- officiers subalternes accorde une place importante à la façon de porter des accusations. Ils acquièrent les connaissances de base nécessaires sur le genre de problèmes auxquels un commandant de section peut être confronté, par exemple.

La situation a un peu changé depuis mon temps, colonel; dans ce temps-là, il fallait faire une inspection au chevet des soldats et on pouvait porter des accusations contre ceux qui ne rangeaient pas bien leurs effets, si cela devenait une habitude.

Dans votre cas, un commandant de base a des responsabilités qui ressemblent à celles d'un maire en plus de celles de commandant des unités opérationnelles de la base en question. Par conséquent, beaucoup de civils ne se rendent pas compte de la dualité des responsabilités et de la nécessité d'être en même temps au service des forces armées et de la collectivité que représente la base en question.

Tout sur cette base relève de votre responsabilité. C'est ce que vous êtes; vous êtes le maire. Je ne sais pas si on vous appelle souvent comme cela, mais c'est le seul point de comparaison que j'arrive à trouver en ce qui concerne le rôle que vous avez à jouer en permanence dans la vie quotidienne de la base.

J'ai été heureux de vous entendre dire que le programme des cours de sous-officier subalterne comprend des cours sur le droit militaire et son rôle, sur la façon de porter des accusations et sur la marche à suivre à cet échelon inférieur. C'est la même chose en ce qui concerne les cours de sous-officier supérieur.

Je crois que cette partie des cours est exactement la même en ce qui concerne les cours d'adjudant-chef, ainsi que tous les cours d'officier de carrière. Le cours de droit militaire existe depuis longtemps.

Je ne pense pas que les Canadiens sachent que le droit militaire et le système de discipline militaire vont généralement de pair à tous les échelons. Je sais que certains jugements engendrent assez souvent des problèmes.

Des jugements sont rendus tous les jours dans les tribunaux, que ce soit par des magistrats de cours provinciales ou par ceux d'une cour fédérale. En voyant certains jugements, on se demande parfois comment on a bien pu en arriver là. Personne ne semble cependant vouloir décréter que ces magistrats ne sont pas prêts parce que je ne pense pas qu'il existe un cours de préparation à la profession de juge. Les juges sont nommés en fonction de leur renommée, des colloques auxquels ils ont participé ou de leur affiliation politique. Leur nomination est fondée sur des critères aussi subjectifs que cela.

Par conséquent, on a beau critiquer le système judiciaire militaire. Dans ce milieu, tous les militaires, des échelons inférieurs aux échelons supérieurs, connaissent leur droit, le droit militaire. On est actuellement en train de le remanier complètement à la suite des incidents qui se sont produits en Somalie. Il était probablement temps de le faire, étant donné le temps qui s'était écoulé depuis la dernière réforme et du fait que la société a considérablement évolué, de même que le mode de fonctionnement d'une base, depuis mon époque.

Il était alors impossible de passer... il y avait toujours un garde de service. On faisait toutes sortes d'inspection. Toutes ces choses-là ont disparu. Elles ne font plus partie des habitudes dans les forces armées. Les bases ont tendance à être ouvertes ou plus ouvertes qu'avant et les mesures de contrôle strictes sont moins nombreuses que de mon temps. Ces changements ont à la fois du bon et du mauvais.

Étant donné que vous êtes dans le milieu depuis longtemps et que vous avez bien servi votre pays, je voudrais savoir si vous voyez dans tous ces changements des éléments susceptibles d'entraîner un relâchement de l'ordre et de la discipline à la base ou au sein d'un régiment.

Col Greg Mitchell: Je ne vois rien en particulier qui soit susceptible de nuire au bon ordre et à la discipline. Je vois beaucoup d'améliorations et d'éclaircissements, une plus grande transparence, qui est bien entendu exigée à la fois par les Canadiens et par les membres des forces armées. C'est une question d'équilibre, de compromis, comme vous l'avez si bien dit. Je ne vois rien qui risque beaucoup, dans l'immédiat, de m'empêcher ou d'empêcher un autre commandant opérationnel de faire notre travail.

• 1020

Je ne peux que réitérer le principe de la grande confiance que l'on place dans les commandants... Je trouve curieux en quelque sorte que l'on mette la vie de nos fils et de nos filles entre les mains de ces commandants. On s'attend à ce qu'ils soient exposés à des dangers. Le milieu militaire est le seul où l'on ait des responsabilités illimitées qui impliquent non seulement qu'il faut se rendre dans des zones dangereuses mais que, comme commandant, on peut sciemment envoyer quelqu'un à la mort pour des raisons militaires.

On fait confiance aux commandants après leur avoir fait suivre un entraînement très poussé, après les avoir triés sur le volet, après leur avoir donné l'occasion de se perfectionner pendant des années. C'est ce qui permet aux commandants d'être en mesure d'assumer leurs fonctions et pourtant, on ne leur fait pas confiance pour ce qui est de rendre un jugement impartial sur le terrain au sujet des agissements de leurs soldats. Il faut qu'un système indépendant le fasse à leur place.

Je n'ai aucune objection à ce que l'on crée un comité d'examen indépendant pour assurer ce contrôle, pour pousser les hommes à rester honnêtes et je pense que c'est précisément l'effet qu'aura le système proposé. Je le considère par contre comme la première étape d'un processus qui finira par enlever complètement cette responsabilité aux commandants, parce qu'on ne leur fait pas confiance.

Pourquoi ne leur fait-on pas confiance en matière de justice alors qu'on leur confie des vies humaines, je vous le demande? C'est ma seule réticence, mais elle est de taille. Par contre, je ne vois aucune disposition qui m'empêche ou qui empêche n'importe quel autre commandant opérationnel de faire notre travail et d'exercer la justice militaire.

M. John Richardson: Merci beaucoup, monsieur le président. Puis-je poser une question?

La seule chose qui me préoccupe—et je dois reconnaître que je n'ai eu qu'une occasion de l'examiner et d'examiner attentivement le gros volume qui l'accompagne—c'est que s'il restreint la liberté d'action du commandant, du commandant de brigade ou du commandant divisionnaire, dans l'exercice de ses fonctions... Quand on est en plein combat et que les projectiles sifflent de toutes parts, il faut avoir le droit de juger. Si les subalternes se comportent comme des mauviettes à cause d'une forme de stress ou l'autre, d'une façon ou d'une autre...

Tout le système est axé sur la discipline pour la seule raison que c'est indispensable en plein combat, pour apprendre aux hommes à recevoir et à exécuter les ordres qui leur sont donnés par un officier supérieur ou un plus haut gradé. Je trouverais regrettable que cela disparaisse parce que cela entraînerait la disparition d'une méthode d'entraînement très efficace à la guerre. Ce sont des choses que les gens n'aiment pas entendre, mais c'est précisément la raison d'être des forces armées. Comme vous l'avez dit, le rôle des militaires consiste à mettre leur vie en jeu pour remporter la victoire. Pour cela, il faut absolument une force très disciplinée, bien entraînée. Cela implique un respect rigoureux des ordres venant de tous les échelons de la hiérarchie, du plus bas, c'est-à- dire de celui de caporal-chef, au plus élevé, c'est-à-dire à celui de commandant.

C'est un simple commentaire, mais il ressemble davantage à un réquisitoire. J'espère que cela n'aura pas l'effet d'affaiblir le courage légendaire des forces combattantes.

Le président: Merci, monsieur Richardson. Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?

Colonel, je vous remercie infiniment d'être venu nous parler des conséquences que le projet de loi pourrait avoir pour vous.

Je signale à mes collègues que le greffier vient de me remettre la liste des témoins dont il avait été question. Nous avons reçu confirmation pour les témoins suivants pour le 11 mai: le Barreau du Québec et le juge Brian Dickson. Le 12 mai, nous entendrons M. Grainger, M. Desbarats...

[Français]

M. Ghislain Lebel: M. Dickson a confirmé qu'il viendrait?

Le président: Oui.

• 1025

[Traduction]

Le 12 mai, nous entendrons M. Grainger, M. Desbarats et M. Bland. Le 14 mai, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi. Je vous signale que M. Granatstein a décliné notre invitation.

Merci beaucoup. La séance est levée.