PRHA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 12 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous poursuivons notre étude du système électoral au Canada.
[Français]
Nos témoins d'aujourd'hui sont Peter Milliken, député de Kingston et les Îles, et Jean-Guy Chrétien, député de Frontenac—Mégantic.
[Traduction]
Merci de votre présence à tous deux. Nous commencerons par M. Milliken, qui sera suivi de M. Chrétien.
Monsieur Milliken, voulez-vous nous donner une idée de ce dont vous voulez que nous discutions, après quoi nous pourrons passer à la période de questions et de réponses?
M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Bien sûr. Merci, monsieur le président.
[Français]
Je dois expliquer pourquoi j'ai demandé au comité la permission de comparaître devant lui ce matin. Comme vous le savez, j'ai été membre de ce comité depuis mon élection, en 1988, jusqu'à ma nomination au poste de vice-président adjoint des comités pléniers de la Chambre, en octobre 1996. Pendant ce temps, j'ai beaucoup travaillé sur la question des élections et de la Loi électorale et j'ai été porte-parole de notre parti en matière d'affaires électorales pendant la période où il était dans l'opposition.
• 1110
J'ai contribué à l'étude d'un
grand projet de loi à ce comité, avant l'élection
de 1993. Ce projet de loi a été adopté. Nous
avions aussi préparé des commentaires sur un autre projet de
loi qui, lui, n'a pas
été adopté avant l'élection. Depuis cette élection,
nous n'avons pas
fait d'étude exhaustive de la Loi électorale.
[Traduction]
Votre comité est en mesure aujourd'hui de se pencher sérieusement sur la question. J'avais des idées bien arrêtées sur ce qui aurait dû être fait en 1993, et il y avait déjà, à ce moment-là, beaucoup à faire. Certains de mes commentaires découlent du fait que la loi a changé depuis. Il y a eu certains changements, particulièrement en ce qui concerne la liste permanente des électeurs.
Je voudrais d'abord aborder les dépenses d'élection. À mon avis, et d'une façon générale, le régime actuel des dépenses d'élection fonctionne raisonnablement bien. Lorsqu'ils font des dons, les Canadiens reçoivent des reçus relativement généreux, et l'argent recueilli est dépensé lors des élections; les restrictions qui s'appliquent font l'envie de nombreux pays démocratiques, et nous en sommes très fiers. Les pays qui n'imposent aucune restriction prêtent le flanc à beaucoup de problèmes.
Lorsque je siégeais au comité, nous nous étions penchés sur le cas des États-Unis. Dans le cadre de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, j'ai assisté à un séminaire organisé à l'Université Harvard, à Boston. Les sénateurs et les membres du Congrès américains qui avaient pris la parole lors de ce séminaire avaient tous signalé à quel point ils passaient du temps à recueillir des fonds. Ils passent en effet le tiers ou la moitié de leur mandat à recueillir des fonds en vue de leur prochaine campagne électorale. C'est particulièrement vrai des membres du Congrès, qui doivent recueillir au moins 500 000 $ tous les deux ans, en vue de leur réélection. Vous comprenez qu'ils passent beaucoup trop de leur temps en campagne de souscription. Les Américains étaient surpris d'entendre parler de nos limites et de voir à quel point nous consacrions peu de temps entre les campagnes électorales à la collecte de fonds. En fait, ils nous enviaient beaucoup.
On peut dire la même chose des sénateurs américains, étant donné que leurs dépenses sont encore plus élevées. Je me rappelle qu'un sénateur d'un État relativement modeste, le Colorado—qui n'est qu'un État ni très grand ni très populeux—estimait à 6 millions de dollars ses dépenses électorales, soit 1 million de dollars par année pendant toute la durée de son mandat. Par conséquent, il devait consacrer entre le tiers et la moitié de son temps à voyager un peu partout aux États-Unis uniquement pour recueillir des fonds. J'appelle cela gaspiller le temps du législateur.
Si perfectible que soit notre système électoral, le fait d'imposer des restrictions raisonnables joue un rôle extrêmement important dans le fonctionnement du Parlement et permet aux députés de servir la population plutôt que de passer tout leur temps à recueillir des fonds. C'est un système que je recommande fortement, puisqu'il est éprouvé. Il reste néanmoins quelques petits changements que je pourrais suggérer.
En premier lieu, la limite de 100 $ qui assure la confidentialité du nom des donateurs pourrait être relevée, ce qui n'a pas été fait depuis des années. Je pense même que c'est le montant original. Beaucoup de gens choisissent de donner des contributions en versements de 100 $ afin que leur nom reste confidentiel. Cette limite pourrait être haussée, sans que cela dévalorise le système, à 200 $ ou 250 $.
La suggestion avait déjà été faite en 1993, mais notre deuxième projet de loi qui portait sur les dépenses d'élection n'avait pas été adopté à l'époque. Mais je crois bien que le comité avait déjà fait en 1993 une recommandation en ce sens. Il convient donc tout à fait que votre comité fasse la même recommandation à nouveau; que l'on choisisse de hausser la limite à 200 $ ou à 250 $, peu m'importe. L'important, c'est que cette limite soit haussée, puisque certains Canadiens sont tout disposés à contribuer de plus grandes sommes, mais refusent d'être connus comme donateurs à un parti politique en particulier.
Bien des gens, nous le savons tous, font des dons à différents partis. S'ils le font discrètement en respectant la limite au-delà de laquelle le don doit être déclaré, c'est bien.
Deuxièmement, la définition de «dépenses» doit être précisée depuis un certain temps. Il est très difficile de s'entendre sur cette question, mais j'estime que la définition de «dépenses électorales» devrait certainement inclure le coût des sondages commandés par les partis, tout au moins pendant la campagne électorale. Ce n'est pas le cas actuellement. Il faudrait peut-être pour cela hausser légèrement les limites, mais si c'est le cas, pourquoi pas?
• 1115
Il me semble important toutefois que ces dépenses soient
incluses, parce que nous voulons que la loi reflète officiellement
les dépenses que les candidats engagent. Si ces dépenses ne sont
pas prises en compte, à mon avis c'est une grosse lacune dans la
loi, et comme elle date de nombreuses années il faudrait y
remédier.
Encore là, le comité avait proposé une recommandation à ce sujet en 1993. Je vous invite à en prendre connaissance.
Troisièmement, la loi contient une lacune, et elle est signalée en partie dans divers rapports que nous avons reçus du directeur général des élections, à savoir que des fonds recueillis entre les élections par des partis ne sont pas signalés. Un parti peut faire un don à une campagne en utilisant ses propres fonds, et il est très difficile de savoir d'où venait cet argent, parce que l'association de comté locale ne remet pas nécessairement de reçus entre les campagnes électorales.
Les partis nationaux établissent une liste des donateurs ayant versé plus de 100 $, c'est vrai, mais les petits dons reçus localement peuvent ne pas être inclus si on ne demande pas de reçu. Je pense qu'il conviendrait que nous imposions un régime plus strict entre les élections.
Il me semble que l'exemple de l'Ontario s'est imposé à certains membres du comité en 1993, mais non pas à la majorité gouvernementale. Il me semble que le régime de l'Ontario fonctionne raisonnablement bien. Avant mon élection en 1988, j'ai été pendant quelques années directeur financier de l'association provinciale de comté de Kingston et les Îles, et j'ai aussi été directeur financier au cours de quelques campagnes électorales provinciales.
Il me semblait que le régime provincial en place, où il fallait remettre un reçu pour tous les dons de plus de 10 $—il me semble que c'était ce montant à l'époque—versés à une association de comté ou à un candidat, était raisonnable et fonctionnait bien. Il assurait une reddition de comptes, étant donné qu'un état financier annuel devait être présenté par l'association de comté à l'autorité responsable en Ontario—peu importe son titre—et on y exposait comment l'argent avait été dépensé et d'où il provenait. Et bien sûr des reçus devaient être émis.
Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas imposer une exigence similaire en ce qui concerne les partis nationaux, de manière que le public puisse savoir comment un candidat a obtenu ses fonds. Si une association appuie un candidat et investit dans la campagne, le public devrait pouvoir demander d'où vient cet argent, voir les reçus, voir qu'il y a effectivement des reçus pour ces montants. S'il s'agit de versements de 100 $... on peut ne pas savoir qui a donné moins de 100 $, ou si on portait cette limite à 200 $... mais les gros dons seraient tous connus.
Je pense que c'est important pour assurer la transparence et l'ouverture. On réglerait aussi le problème qui se pose quand on a un excédent au cours d'une élection; on pourrait montrer à quoi les fonds ont servi, comment on les a dépensés, parce que l'association fournira un rapport sur les types de dépenses engagées au cours de l'année.
Tout cela me semble parfaitement raisonnable. Je pense que le régime de l'Ontario fonctionne bien. À ma connaissance on ne s'en plaint pas beaucoup. C'est un système que nous pourrions adopter, il me semble, et il permettrait de réduire certains des problèmes de redistribution des fonds dans ce régime qui semble être un peu lâche, peut-être.
Enfin, je crois qu'il importe que les associations locales aient le droit de délivrer des reçus. L'exigence pour le parti national de délivrer lui-même un reçu est encombrante; de plus, c'est un mécanisme coûteux, qui prend beaucoup de temps et qui est très ennuyeux. Si les candidats peuvent nommer un agent officiel qui est autorisé à délivrer des reçus lors de la campagne électorale, pourquoi une association locale ne peut-elle pas nommer un directeur financier qui serait autorisé à délivrer des reçus pendant le reste de l'année?
Je crois qu'il est tout à fait normal que des dispositions soient prévues à cet égard dans la loi, parce que certains partis hésitent franchement à céder leur pouvoir de délivrer des reçus. Pour être honnête, je ne vois pas pourquoi les députés qui organisent des collectes de fonds, tout particulièrement les députés sortants, ou même les nouveaux candidats, ne peuvent pas nommer quelqu'un à l'échelle locale qui serait autorisé à délivrer des reçus; je ne vois pas pourquoi Revenu Canada n'accepterait pas cette façon de procéder.
Ce sont là les seules modifications que je propose en ce qui a trait à la Loi sur les dépenses d'élection. Vous voudrez peut-être poser des questions; il y aurait peut-être lieu également de se demander si l'on ne devrait pas prendre des mesures pour qu'une plus grande partie des fonds générés lors d'élections soit acheminée vers les partis nationaux plutôt que vers les candidats locaux.
Diverses propositions ont été étudiées en détail par le comité de 1992—le comité spécial sur la réforme électorale. Je crois que tout cela pourrait faire l'objet de négociations. Il doit y avoir des négociations entre les représentants des partis pour régler ce problème. Les députés peuvent en discuter tant qu'ils veulent, mais les représentants des partis sont ceux qui devront décider ce dont les partis nationaux ont besoin. Ce n'est pas une chose sur laquelle vous et moi pourrions nous entendre sans que ces derniers aient été consultés.
• 1120
La deuxième question que j'aimerais aborder est la liste
électorale. La liste électorale permanente me préoccupe pour deux
grandes raisons, et je vous exhorte à étudier ces problèmes de plus
près lors de votre examen de la loi.
Tout d'abord, les noms des électeurs qui ont déménagé ou qui ne vivent plus dans la circonscription doivent être retirés de la liste. Je crains que cela ne se produise pas. Nous n'avons pas suffisamment de preuves encore, mais je peux vous dire en fonction de mon expérience limitée que la liste préparée pour le référendum de 1992 a été utilisée comme liste préliminaire en 1993 et que pratiquement aucun nom n'en avait été retiré.
L'Université Queen's, qui se trouve dans ma circonscription, compte quelque 13 000 étudiants, et la majorité d'entre eux déménagent à chaque année. Presque tous ces étudiants figuraient quand même sur cette liste en 1993. Ils avaient été inscrits sur la liste des électeurs dans une nouvelle circonscription, mais ils figuraient toujours sur la liste des électeurs de la circonscription où ils vivaient auparavant. Je crains que les noms des gens qui ont déménagé ne soient pas retirés de cette liste permanente parce qu'on craindrait d'éliminer un électeur. Ces gens figureront donc sur deux listes, et pourront voter deux fois. Personne ne le vérifie, personne n'est au courant de la situation.
Si vous le désirez, vous pouvez étudier la question, mais il est bien difficile de vérifier dans quelle mesure des noms figurent sur deux listes. Je ne crois pas qu'il soit juste de transférer ce fardeau aux partis politiques, tout particulièrement en raison des autres problèmes dont je vais vous parler en ce qui a trait aux listes électorales permanentes.
Je vous exhorte à vous assurer qu'il existe un mécanisme simple et efficace permettant de retirer des noms de la liste, parce que si on ne retire pas ces noms, nous avons une énorme duplication.
De plus, la modification de la loi en 1993 a changé les règlements; ainsi les gens pouvaient s'inscrire le jour du scrutin. Permettez-moi de vous expliquer ce qui s'est passé si vous avez oublié.
Avant 1993, si vous viviez dans une région rurale, quelqu'un pouvait vous accompagner au bureau de scrutin comme répondant; on vous inscrivait alors le jour des élections. Cette disposition répondait clairement à un besoin, car dans une région rurale il est facile d'oublier des gens. C'est pourquoi on avait ce système de répondant. Vous étiez accompagné d'un électeur ou de deux dont le nom figurait sur la liste électorale. Ce répondant disait qu'il connaissait la personne qui l'accompagnait, disait qu'elle vivait dans cette région, qu'elle avait droit de vote, qu'elle était citoyenne canadienne, qu'elle vivait dans la circonscription et qu'elle pouvait donc voter à ce bureau de scrutin. La personne non inscrite était alors inscrite et pouvait voter.
Dans les circonscriptions urbaines, cela n'était pas possible; votre nom devait figurer sur la liste au moins deux jours, ou peut-être même cinq jours, avant le jour des élections, je ne le sais plus. Peu importe, votre nom devait figurer sur la liste, sinon vous ne pouviez voter.
On nous a dit que cela allait à l'encontre de la Charte des droits et libertés et qu'il fallait apporter une modification pour que tout soit traité de la même façon.
Les députés de circonscriptions rurales voulaient conserver le système de répondant. Ils refusaient absolument de modifier le processus. Les députés de circonscriptions urbaines croyaient que cette inscription le jour des élections pouvait donner lieu à des activités frauduleuses, mais nous avons accepté, compte tenu des pressions exercées par ces députés, d'apporter la modification pour que tout le monde puisse s'inscrire le jour du scrutin, si nécessaire.
Nous avons maintenant une liste permanente. Il n'est donc plus nécessaire d'avoir cette inscription le jour du scrutin. Il faudra donc interdire ce genre de pratique. Nous devrons déterminer que ceux dont le nom ne figure pas sur la liste cinq, six ou sept jours avant les élections ne voteront tout simplement pas. Cette idée de vouloir protéger des renseignements personnels en disant qu'on ne s'inscrira pas sur la liste électorale et qu'on se contentera le jour du scrutin d'aller s'inscrire pour voter n'est pas acceptable. On ne devrait pas autoriser ce genre de chose.
À mon avis, cette liste électorale est un élément négatif, mais on a opté pour ce système. Je n'y peux rien. Il faudrait plutôt à mon avis choisir un système semblable au système sud-africain et vaporiser une substance sur les doigts des gens qui vont voter et puis passer leurs mains sous une lampe pour savoir s'ils ont déjà voté. C'est comme ça qu'il faudrait procéder ici.
Si nous décidons d'assumer les coûts de cette malheureuse liste—et cela coûte très cher—faisons-en une vraie liste. Ainsi les électeurs devraient absolument figurer sur cette liste au moins sept jours avant les élections, de sorte que les représentants des partis puissent vérifier la liste. La liste, après tout, vise à vous permettre de savoir qu'il y a des électeurs qui vivent dans les résidences que vous visitez. Si vous vous rendez à une adresse et qu'il n'y a personne à cet endroit qui figure sur la liste, il est évident qu'il n'y a personne dans cette demeure qui votera, et vous n'avez pas besoin de perdre votre temps à aller visiter cette habitation. Vous pourriez aussi vous y rendre et demander à ces gens pourquoi leur nom ne figure pas sur la liste. Ne sont-ils pas des citoyens? Ne désirent-ils pas voter? Quel est le problème? Vous apprendrez à l'occasion que ces gens ont été oubliés, et à ce moment-là vous devez leur dire de s'assurer qu'ils sont inscrits sur cette liste, ou vous pouvez, si vous le désirez, envoyer quelqu'un qui s'assurera que cela sera fait.
Cela doit être fait. Si l'électeur se contente de dire qu'il va s'inscrire sur la liste, vous ne savez pas vraiment s'il s'agit d'un citoyen, vous ne pouvez pas procéder vous-même à une enquête.
Je crois qu'il est normal d'insister pour que le nom de l'électeur figure sur la liste. Vous voulez envoyer des documents à ceux dont le nom figure sur la liste. Si cette liste est inexacte parce que certains noms n'y figurent pas, ces électeurs ne recevront pas nos documents, à moins que nous ne visitions chaque foyer. Plusieurs candidats préfèrent envoyer des documents par la poste.
La liste devrait donc être précise. Je crois qu'il est normal que nous exigions aujourd'hui—et je crois que les députés de circonscriptions rurales seront probablement d'accord avec nous maintenant—une liste électorale permanente. Nous n'avons pas besoin d'assurer l'inscription d'un électeur le jour même du scrutin. En fait nous ne devrions pas autoriser de telles pratiques. Nous devrions exiger l'intégrité de la liste et exiger également que les Canadiens s'y inscrivent s'ils désirent voter.
• 1125
Une liste de qualité nous permettra d'exercer un meilleur
contrôle sur les électeurs. Nous pourrons ainsi nous assurer que
ceux qui votent sont ceux qui ont le droit de voter et qu'ils
votent là où ils sont autorisés à voter.
Comme je l'ai signalé, je vis dans une circonscription où l'on retrouve une université. Pratiquement tous les étudiants de moins de 19 ans ont une fausse carte d'identité. Tous ces étudiants pourraient voter s'ils ont cette carte. Les gens disent: ah oui, mais cela complique les choses. Et il est bien simple pour les jeunes de se procurer une fausse carte d'identité; c'est monnaie courante, c'est accepté. Il suffit de demander à nos jeunes pages à la Chambre. Tous ceux qui ont moins de 19 ans, j'en suis convaincu, auront une fausse carte d'identité. C'est un fait.
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Ils ne se les procurent pas pour pouvoir voter.
M. Peter Milliken: Non, ce n'est pas pour voter, mais on pourrait s'en servir à cette fin. C'est justement ce à quoi je veux en venir.
Le président: Je ne comprends pas. Je n'ai jamais entendu parler de ce genre de chose.
M. Bob Kilger: Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?
M. Peter Milliken: Oui. Il suffit de se rendre dans un bar, et vous le constaterez très rapidement. Je peux vous proposer quelques noms ou quelques endroits où vous pourriez aller constater que...
Le président: Je ne suis pas avocat! Pouvez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus?
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Donnez-nous un exemple!
M. Peter Milliken: J'ai oublié le nom.
C'est un fait. C'est la façon dont on fait les choses, et il faut le reconnaître. C'est trop facile d'aller voter. Si nous autorisons l'inscription le jour du scrutin, il pourrait y avoir des activités frauduleuses. Une fois que les gens auront appris qu'ils peuvent s'inscrire s'ils le veulent le jour du scrutin, il y aura des partisans convaincus qui s'empresseront d'aller voter deux ou trois fois. C'est facile; il suffit de se rendre au bureau de scrutin.
Nous avons permis tout cela lorsque nous avons dit qu'il suffisait d'avoir un document signé par quelqu'un d'autre que le directeur du scrutin dans le bureau du scrutin vous autorisant à voter. Le comité voulait de cette façon s'assurer qu'il y aurait un ou deux endroits dans une circonscription où ces choses pourraient se produire. Dans les circonscriptions rurales, qui sont très vastes, il pourrait à ce moment-là y avoir plus d'endroits où cette chose serait possible.
Dans ma circonscription, c'était possible dans tous les bureaux de scrutin. Il y avait cinq bureaux en tout, et il était bien facile de se faire inscrire sur la liste. On a rendu les choses le plus simple possible pour les électeurs qui ne s'étaient même pas donné la peine de s'assurer que leur nom figurait sur la liste électorale. Je sais que quelqu'un s'est rendu à un bureau de scrutin—il n'y en avait pas cinq—et le directeur du scrutin lui a dit qu'il devait se rendre à l'hôtel de ville ou à un autre endroit pour obtenir le formulaire nécessaire. L'électeur a dit que c'était hors de question, et a insisté pour voter immédiatement. Il l'a fait. On lui a donné un bulletin de vote et on l'a autorisé à voter.
Ce genre de chose se produira. Cela gêne les autres électeurs quand ces gens arrivent et disent qu'ils doivent être inscrits sur la liste. Cela retarde tout. Si se présente une personne dont le nom ne figure pas sur la liste, vous devez tout simplement lui dire que son nom ne figure pas sur la liste, qu'elle ne peut pas voter et qu'elle doit s'en aller. Si votre nom figure sur la liste, vous pouvez voter; vous recevez votre bulletin de vote et vous votez. C'est la façon dont les choses devraient se dérouler. Toute cette idée d'inscription le jour du scrutin ne tient pas debout.
J'aimerais maintenant parler des cartes des circonscriptions électorales.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Qu'en pensez-vous? Vous n'en avez pas vraiment parlé.
M. Peter Milliken: Les cartes électorales.
On avait dit au comité que les directeurs généraux des élections pouvaient créer de magnifiques cartes; on nous a dit que ce serait les meilleures cartes du monde. On nous a dit qu'on y verrait tous les bureaux de scrutin. On a dit que c'était possible, qu'on pourrait nous dire combien de gens vivaient dans la section de vote, parce qu'on avait un système de cartographie absolument extraordinaire.
Ces cartes étaient les pires que j'ai jamais vues lors de campagnes électorales, et je tiens à vous rappeler que je participe à chaque élection, provinciale ou fédérale, en Ontario, depuis 1962.
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Depuis 1962?
M. Peter Milliken: C'est exact, depuis 1962.
Je n'ai jamais vu de cartes aussi affreuses. Vous ne pouviez rien y trouver. Les rues étaient représentées par de simples lignes, et vous ne pouviez pas déterminer si la limite se trouvait au milieu de la rue, à une extrémité, ou quoi!
La carte de Kingston et les Îles présentait la section rurale, et vous pouviez identifier les bureaux de scrutin, mais dans la section urbaine les indications étaient si petites que vous ne les trouviez pas. Vous ne pouviez pas retrouver le nom d'une rue, vous ne pouviez rien voir. Cela ne valait absolument rien; elles étaient absolument inutiles. Je peux vous dire que j'ai été très déçu de ces cartes, surtout qu'on nous avait promis quelque chose de très bien.
À mon avis, il devrait être prévu dans la loi même que le directeur de scrutin local est chargé d'établir les cartes. Les fonctionnaires à Ottawa produisent une très belle carte qui est tout à fait inutile sur le terrain. Le directeur de scrutin local doit lui-même se servir de la carte. Notre directeur de scrutin a dû aller acheter des cartes à l'hôtel de ville et a dû les compléter pour qu'elles lui soient utiles, parce que celles qu'il avait obtenues d'Ottawa ne valaient rien.
Je vous incite vraiment... je me suis rendu compte moi-même des sérieux problèmes qui se posent.
Le président: J'aimerais avoir une précision. Êtes-vous pour ou conter les cartes?
M. Peter Milliken: J'ai dû faire du porte-à-porte en me basant sur ces cartes. Je me suis vite rendu compte qu'elles étaient tout à fait inutiles. Je me suis dit qu'il valait mieux simplement descendre la rue et oublier la carte.
• 1130
Le quatrième point porte sur les propositions faites par le
directeur général des élections dans son rapport. J'aimerais faire
quelques remarques à leur sujet. Je serai bref, et vous pourrez
ensuite me poser des questions.
Le processus actuel de nomination des directeurs de scrutin est tout à fait satisfaisant. Je ne vois aucune raison de le changer. Pourquoi vouloir le changer à tout prix si ce n'est pas nécessaire? Je ne comprends pas le problème. Dans l'ensemble, je crois que les directeurs de scrutin font du très bon travail. Il y en a toujours qui sont moins bons que d'autres, mais ce serait le cas quel que soit le processus de nomination.
Pourquoi les directeurs de scrutin auraient-ils le droit de vote? La décision du directeur de scrutin est prépondérante lorsqu'il y a égalité—et cela est déjà survenu—et le fait qu'il n'a pas le droit de vote n'a jamais posé de difficulté. Pourquoi ne pas laisser les choses comme elles sont? Je ne comprends pas quel est le problème qui se pose. Outre le directeur général des élections, 301 personnes ne peuvent pas voter au cours d'une élection. Je pense que la plupart d'entre elles préfèrent ne pas avoir à voter. Elles sont de toute façon censées demeurer impartiales. Je crois qu'elles devraient l'être. Je le dis même si j'appartiens au parti qui a nommé la plupart d'entre elles.
M. Stéphane Bergeron: La plupart d'entre elles? Vous voulez dire toutes.
M. Peter Milliken: J'espère bien que c'est maintenant toutes.
Quant à la délimitation des circonscriptions électorales, le rapport contient des recommandations d'ordre général. Je vous renvoie au projet de loi C-69 et aux propositions que ce comité a soumises à la dernière législature, et en particulier la recommandation voulant qu'il y ait une révision quinquennale dans les provinces où il y a déséquilibre en ce qui touche le pourcentage des sièges. Ces propositions me semblaient éminemment raisonnables. Comme vous le savez, elles ont été rejetées par le Sénat. Le Sénat serait peut-être un peu plus prêt à les accepter maintenant. Je crois qu'on devrait réexaminer le projet de loi C-69.
Je pourrais m'étendre longuement sur la question des interventions des tierces parties. À mon avis, la disposition figurant dans le projet de loi de 1993, qu'un tribunal de l'Alberta a jugé invalide, était raisonnable et adéquate. Je crois que le comité devrait recommander qu'on contrôle très rigoureusement la publicité faite par les tierces parties au cours d'une campagne électorale.
Je ne pense pas qu'il soit contraire à la Charte des droits et libertés d'imposer aux tierces parties des restrictions qui s'appliqueraient pendant la période au cours de laquelle les partis politiques peuvent faire de la publicité. Les partis politiques ne peuvent d'ailleurs pas faire de publicité avant un certain moment. Des limites sont également imposées quant aux dépenses publicitaires qui peuvent être faites à l'échelle nationale et locale. Dans ces circonstances, si ces restrictions sont valides en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, il devrait donc être raisonnable de limiter également les dépenses qui peuvent être engagées par d'autres parties à des fins publicitaires.
Si l'un de ces groupes veut faire connaître son point de vue, il peut présenter un candidat, et il sera ensuite en mesure de faire de la publicité. Les limites qui s'appliquent à nous s'appliqueront alors à ce groupe. Voilà la façon de procéder. On présente un candidat, on forme un parti, et ensuite on peut dépenser autant d'argent à des fins publicitaires que les autres partis. Les mêmes limites très généreuses s'appliquent à tous les partis. Nous acceptons ces limites; pourquoi ces groupes ne pourraient-ils pas les accepter? En ce qui me concerne, je trouve qu'il est raisonnable d'interdire la publicité par des tierces parties au cours de la période publicitaire pendant laquelle les partis peuvent faire connaître leur programme ainsi que pendant la période où la publicité est interdite.
Je crois qu'il nous faut promulguer une loi dans ce domaine et ensuite la défendre adéquatement devant les tribunaux. À mon avis, on ne l'a pas suffisamment défendue devant le tribunal albertain. La décision n'a pas été portée en appel pendant la campagne parce que le gouvernement précédent, en 1993, s'opposait à cette loi. Elle avait été imposée au gouvernement par un parti de l'opposition qui n'était pas prêt à donner son aval au rapport du comité si la loi ne comportait pas de disposition permettant de régler ce problème.
Je crois que c'est la National Citizens' Coalition qui a contesté la loi devant les tribunaux. Le tribunal a rendu une décision. Le directeur général des élections a dit qu'il était tenu de la respecter et qu'il ne pouvait donc pas appliquer la disposition de la loi pendant la campagne. Au lieu de porter rapidement appel de cette décision, le gouvernement n'a rien fait et a dit qu'il le ferait plus tard. Évidemment, une fois l'élection terminée, il n'en a rien fait.
À mon avis, une loi réglementant la publicité par les tierces parties s'impose. Elle s'impose pour assurer la démocratie, la justice et la liberté d'expression dans notre pays. Si les partis politiques sont assujettis à des restrictions, je crois que les tierces parties devraient l'être également pour les raisons que j'ai déjà exposées.
Je vous incite à réfléchir soigneusement à cette question et à proposer une loi que le gouvernement sera ensuite prêt à défendre adéquatement devant les tribunaux, mais pas ceux de l'Alberta. Soumettez la question à un tribunal de l'Ontario ou du Québec qui établira quelles sont les limites en vertu de la Charte. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les tribunaux de l'Alberta ont rendu des décisions assez étranges sur l'interprétation de la Charte.
Je ne pense pas que j'aie à m'étendre sur les dispositions portant sur la période d'interdiction de la publicité. Le seul problème qu'a mentionné à cet égard le directeur général des élections dans son rapport avait trait aux tierces parties. Si l'on adopte des dispositions s'appliquant aux tierces parties, elles viseront également la période d'interdiction de la publicité. Je crois honnêtement que la période d'interdiction de la publicité et de la campagne porte-à-porte a très bien fonctionné la dernière fois.
• 1135
Je n'ai rien à redire aux recommandations portant sur l'accès
aux immeubles. Je pense qu'on peut cependant améliorer la loi pour
ce qui est de l'accès des candidats aux immeubles. Il y a le
problème des immeubles à appartements où il n'y a pas de concierge
et où la porte d'entrée est verrouillée. Il est difficile d'obtenir
qu'un locataire vous laisse entrer.
D'après mon expérience, le concierge d'un immeuble à appartements est presque toujours prêt à nous laisser entrer. S'il n'y a pas de concierge, certains locataires hésitent parfois à laisser entrer un candidat politique, de crainte de déplaire à leurs voisins. L'accès des immeubles à appartements aux candidats devrait être permis.
Enfin, pour ce qui est de l'échelonnement des heures, je suis d'accord avec la recommandation, mais à contrecoeur, et pourvu qu'on règle le problème en Saskatchewan. J'accepterai les heures échelonnées si cela a bien fonctionné pendant la dernière campagne.
Le président: Je vous remercie beaucoup, Peter. Nous apprécions vos suggestions.
Carolyn Parrish.
Mme Carolyn Parrish: Comme toujours, monsieur Milliken, vous savez nous divertir tout en nous exposant très clairement vos opinions.
J'ai beaucoup de respect pour vos idées, mais il y en a une sur laquelle j'ai des réserves. Comme votre circonscription ne compte pas vraiment d'immigrants, je comprends que vous vous opposiez catégoriquement à ce qu'on permette aux gens de voter le jour même du scrutin.
Pour ma part, je crois qu'il faut régler ce problème, puisque dans ma circonscription 1 000 immigrants deviennent citoyens toutes les deux semaines. L'un des problèmes qui se posent aux nouveaux immigrants, c'est que si l'on vous envoie par la poste votre carte d'électeur et que vous ne la recevez pas chez vous, vous ne savez donc pas que vous ne l'avez pas reçue.
Pour ce qui est de l'affichage des listes, un nouveau venu au pays n'est sans doute pas suffisamment renseigné pour savoir qu'il peut aller à la bibliothèque s'assurer que son nom figure sur la liste des électeurs. Lorsque tous les voisins se mettent à voter et que quelqu'un frappe à la porte du nouveau venu pour lui dire que l'élection aura lieu le lundi suivant, si cette personne qui vient d'obtenir sa nouvelle carte de citoyenneté et qui a vraiment hâte de voter ne peut pas le faire parce qu'il aurait fallu qu'elle s'inscrive sur la liste sept jours auparavant, cela peut être assez décevant. Il faut alors refuser à cette personne le droit de voter même si elle peut présenter sa nouvelle carte de citoyenneté, et plusieurs personnes se sont retrouvées dans cette situation dans ma circonscription.
J'ai donc certaines réserves au sujet de votre recommandation à cet égard.
Parce que j'ai surveillé la tenue d'élections, notamment en Bosnie et en Cisjordanie, j'ai tendance à croire qu'il devrait suffire pour voter dans notre pays de présenter une pièce d'identité. L'expérience démontre que ce système d'honneur auquel nous croyons n'existe peut-être pas vraiment au Canada. ,
On pourrait peut-être demander aux gens de présenter une pièce d'identité. Cela permettrait de réduire le problème que vous décrivez. Que faire cependant dans le cas des nouveaux Canadiens? Si un groupe d'immigrants obtiennent la citoyenneté à l'hôtel de ville ou au tribunal de Mississauga le dimanche ou le lundi précédant l'élection, ils ne pourront pas y participer.
Le président: Monsieur Milliken.
M. Peter Milliken: La solution à ce problème est facile.
Mme Carolyn Parrish: Je n'en attendais pas moins de vous.
M. Peter Milliken: On pourrait remettre aux immigrants un formulaire de demande d'inscription sur la liste des électeurs le jour même de leur assermentation. Ce formulaire pourrait faire partie de la trousse qui leur est remise. On pourrait leur dire qu'il suffit de remplir ce formulaire pour être inscrit sur la liste permanente des électeurs. On pourrait demander au directeur général des élections de veiller à ce que cela soit fait. On s'attend cependant à ce que les bureaux de la citoyenneté fournissent la liste des nouveaux citoyens pour qu'on puisse inscrire leur nom sur la liste des électeurs.
Je crois que c'est de cette façon qu'on va procéder. Du moins c'est ce que je crois comprendre.
Mme Carolyn Parrish: Monsieur le président, supposons que la cérémonie ait lieu le dimanche et que l'élection soit le mardi.
M. Peter Milliken: Le problème se posera toujours. Supposons que l'élection ait lieu le lundi et que l'assermentation ait lieu le mercredi suivant. Qu'est-ce qui se passe dans ce cas?
Mme Carolyn Parrish: Ces immigrants ne votent pas.
M. Peter Milliken: Ils sont aussi lésés. Il faut bien fixer une limite. Je ne pense pas qu'il soit déraisonnable de fixer une date à partir laquelle on ne peut plus être inscrit sur la liste des électeurs; que ce soit cinq ou sept jours avant les élections, peu importe. Je pense que ce délai suffirait, mais il faut bien établir une date limite à partir de laquelle il n'est plus possible de le faire.
Mme Carolyn Parrish: Pourquoi n'accepteriez-vous pas qu'il suffise de présenter une carte d'identité au moment du vote?
M. Peter Milliken: Je n'y vois pas d'inconvénient, mais cela retarderait beaucoup les choses. Si l'on conteste à quelqu'un le droit de voter, je crois qu'on devrait lui demander de produire une pièce d'identité. Ce n'est pas déraisonnable. La plupart des gens ont d'ailleurs toujours sur eux une pièce d'identité.
Si le directeur du scrutin, le secrétaire du bureau de scrutin, ou l'un des scrutateurs connaît la personne et dit qu'il s'agit de X ou de Y, cette personne ne devrait pas avoir à produire une carte d'identité.
Mme Carolyn Parrish: C'est une réponse intéressante, parce qu'au sein même du Parti libéral il faut produire une carte d'identité lors des grandes réunions de mise en candidature, et il faut vérifier les signatures. C'est au sein de notre propre petit club. Je ne comprends pas pourquoi vous proposeriez de faire preuve de moins de vigilance lorsqu'il s'agit des élections.
Je commence donc à croire qu'il n'est pas déraisonnable de leur demander leur permis de conduire, leur carte d'immigrant ou une autre pièce d'identité.
M. Peter Milliken: Non, je ne pense pas que cela soit déraisonnable, mais je ne pense pas non plus que ce soit nécessaire dans tous les cas.
Le président: Ted White.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): J'aimerais revenir sur ces efforts élégants déployés par le gouvernement pour limiter la liberté d'expression. Je songe aux lois visant à bâillonner les gens. Les recherches sur l'incidence des dépenses engagées pendant les élections et les référendums montrent qu'il n'y a clairement pas de lien entre la somme d'argent dépensée et le résultat final.
À titre d'exemple, au moment de l'accord de Charlottetown, le camp du oui a dépensé 10 fois plus que le camp du non et a pourtant perdu la partie. Lors des élections de 1993 et de 1997, les vieux partis ont dépensé des sommes énormes pour faire élire leurs candidats, mais en 1993 le Parti réformiste a fait élire plus de 50 députés en dépensant une fraction de cette somme.
Il n'y a aucun lien, quel qu'il soit, entre les dépenses engagées et les résultats obtenus. À mon avis et selon notre expérience, la population est tout à fait en mesure de comprendre l'information qui lui est donnée et de prendre des décisions sans égard à la publicité.
J'aimerais donc savoir pourquoi vous vous opposez vraiment à la liberté d'expression et à la liberté en matière de publicité. Pensez-vous que les gens sont trop stupides pour comprendre l'information qui leur est donnée et pour prendre la bonne décision, ou craignez-vous qu'on ne vous demande de rendre des comptes quand vous préféreriez ne pas le faire?
Le président: Peter Milliken.
M. Peter Milliken: Le vrai problème que pose la loi, c'est qu'elle ne limite pas vraiment les dépenses électorales.
J'ai été élu pour la première fois en 1988. J'ai battu mon adversaire malgré le fait qu'il ait dépensé des sommes énormes à essayer de se faire élire.
M. Ted White: Je vous le concède.
M. Peter Milliken: L'une des principales annonces en faveur du libre-échange qui est parue dans le journal local—une pleine page que je n'aurais jamais pu me permettre même si j'avais épuisé mon budget, ce que je n'ai pas fait—a été payée par un groupe de gens ayant à sa tête le principal responsable du financement de la campagne électorale de mon adversaire conservateur. Ce groupe ne pouvait pas vraiment se le permettre non plus, parce qu'il avait dépassé son plafond. Il a suffi de créer un autre groupe et de l'appeler un club, et on a pu faire paraître d'autres annonces. À mon avis, c'était totalement injuste.
Si l'on veut limiter les dépenses engagées par les partis, il faut limiter les dépenses engagées par tous les intervenants. Il ne s'agit pas de savoir si cette dépense va amener les gens à changer d'avis. On présume évidemment que ce sera le cas, mais ce ne le sera peut-être pas. Le fait qu'on puisse agir ainsi est injuste pour l'autre parti. Je pense qu'il serait injuste que j'agisse ainsi à l'égard d'un candidat réformiste.
Si j'ai atteint mon plafond de 60 000 ou de 65 000 $, et que je vois que je vais perdre, je peux demander à quelqu'un de faire passer d'autres annonces vantant mes mérites. Je ne pense pas que cela devrait être permis. Je n'ai cependant pas un mot à dire quand quelqu'un d'autre peut le faire de son plein gré. Je crois que cela contrevient au principe même du concours.
Si nous voulons assurer des chances égales à tous les partis et si nous voulons les assujettir aux mêmes limites pour ce qui est des dépenses, et étant donné qu'on rembourse les dépenses de la plupart des candidats parce qu'elles sont raisonnables et qu'elles ne dépassent pas le plafond prévu, je crois qu'il est juste et raisonnable qu'on limite aussi les dépenses de publicité qui peuvent être engagées par des tierces parties. Une fois l'élection terminée et pendant tout le mandat du gouvernement, ces intervenants peuvent dépenser tout ce qu'ils veulent en publicité.
Si quelqu'un veut faire paraître tous les jours dans le journal de Kingston une annonce disant quel député minable je suis, il peut le faire. On devrait cependant l'empêcher de le faire pendant les trois semaines de la campagne électorale au cours desquelles je suis assujetti à des limites quant aux dépenses que je peux engager en matière de publicité.
M. Ted White: Vous réfutez cependant votre propre argument lorsque vous mentionnez l'annonce qu'ont fait paraître les Conservateurs, car elle n'a pas eu l'effet escompté.
M. Peter Milliken: Non, je ne réfute pas mon propre argument. Le fait que l'annonce n'a pas eu l'effet escompté n'est pas ce qui compte. Je pense qu'il est simplement injuste qu'une tierce partie puisse intervenir dans la campagne de cette façon-là.
M. Ted White: Je conviens avec vous qu'un tribunal de niveau supérieur doit se prononcer sur la question, mais je défendrai l'autre point de vue, malgré le fait que je me retrouve dans la même situation que vous au moment d'une élection.
M. Peter Milliken: Cela ne me surprend pas.
M. Ted White: Pour revenir à cette question des nominations politiques de certains directeurs de scrutin, on peut dire qu'aux dernières élections l'incompétence était de règle du fait du nombre important de nouveaux qui avaient été nommés. C'était des gens qui avaient été nommés pour des raisons d'affiliation politique, et l'impartialité n'était pas leur fort; c'est ce que j'ai pu remarquer au bureau avec lequel j'ai eu affaire. Avant cela nous avions quelqu'un de très compétent, même si c'était quelqu'un du Parti conservateur. Il était très compétent, et il n'y avait aucune raison de le remplacer. Vous n'avez entendu personne se plaindre d'incompétence ou d'irrégularité au cours de la dernière élection?
M. Peter Milliken: Dans ma circonscription? Non.
M. Ted White: Soit, pour votre circonscription, mais ailleurs dans le pays?
M. Peter Milliken: Il y aura toujours des rapports qui feront état d'incompétence, je ne peux pas m'en souvenir de façon précise, mais il y en aura toujours. À chaque élection on discute toujours pour savoir si oui ou non... Je me souviens d'une élection précédente où l'on se plaignait beaucoup d'une certaine personne, mais pas cette fois-ci.
M. Ted White: Mais pourquoi ne serait-il pas tout à fait raisonnable, dans ce cas, de laisser l'employeur, Élections Canada, utiliser son propre personnel? Pourquoi faut-il qu'il y ait des nominations politiques? Pourquoi ne pas laisser Élections Canada employer son propre personnel?
M. Peter Milliken: Vous verrez dans le règlement que Élections Canada n'est pas l'organisateur de toutes ces élections. Comme l'a dit le directeur général des élections lui-même, il y a 301 élections organisées au Canada. Le directeur général des élections est donc un tout petit peu le dos au mur. Il fournit le matériel de logistique, il forme les personnes qui organisent ensuite les élections elles-mêmes, et ces gens doivent ensuite se débrouiller seuls.
Pourquoi supposer automatiquement que quelqu'un qui serait nommé par le directeur général des élections serait ipso facto supérieur à quelqu'un nommé par décret? Cela pourrait être le cas, mais on n'en a aucune certitude.
Pourquoi alors changer un système qui a donné de bons résultats? Et je le dis, sachant fort bien que dans la province où je vis il n'y a pas beaucoup de directeurs de scrutin de mon parti au niveau provincial. J'ai travaillé avec eux au fil des ans, et ça s'est très bien passé.
Vous n'êtes pas nécessairement sûr de remplacer... Vous ne pouvez pas a priori supposer que le système des nominations politiques est responsable de l'incompétence des gens nommés, et que quelqu'un qui serait nommé par le directeur général des élections serait automatiquement quelqu'un de compétent. Il y a des incompétents au Bureau du directeur général des élections également. Je ne sais qui, bien sûr, et je suis sûr qu'il n'y en a pas ici, mais il y en a certainement. Cela ne peut pas ne pas se produire; c'est ainsi qu'est fait le monde.
Le président: Ken Epp.
M. Ken Epp: Peter, cela fait longtemps que vous travaillez dans ce système, et vous avez également travaillé pour l'organisation des élections; avez-vous constaté que lorsque les Conservateurs ont remplacé les Libéraux on a changé le directeur de scrutin de votre secteur?
M. Peter Milliken: Non, il n'a pas changé, les limites étant restées les mêmes. Le directeur du scrutin actuel a été nommé lorsque Benson était député de Kingston; cela vous donne une idée de son ancienneté.
M. Ken Epp: Très bien; j'ai une autre...
M. Peter Milliken: Mais je sais qu'il a changé dans les circonscriptions voisines. Je sais que dans les circonscriptions voisines il y a eu des changements, sans que cela provoque de campagnes de plaintes. En tout cas je n'en ai pas entendu moi-même. Les gens semblent s'en accommoder et s'entendre à peu près bien.
M. Ken Epp: Vous voyez, c'est quelque chose que je ne savais pas, jusqu'à ce que je sois moi-même partie prenante. Je n'avais aucune connaissance de ces mécanismes politiques jusqu'à ce que je sois moi-même directement concerné, en 1992. J'ai été très surpris de constater que le directeur de scrutin des élections de 1997 était proposé par le candidat qui était arrivé en seconde place à l'élection tenue dans ma circonscription. Cela me semblait absolument stupéfiant: choisir le directeur de scrutin en fonction de ce que propose et préfère le candidat qui a perdu.
Non pas que je veuille, moi, son approbation. J'ai déjà eu ce genre de problème à diverses reprises. Au moment du recensement on a téléphoné à mon bureau en me demandant de citer une liste de noms de gens que je voulais voir travailler pour le recensement.
Une voix: C'est ridicule.
M. Ken Epp: C'est absolument grotesque. J'ai refusé; je leur ai dit: c'est à vous de vous occuper du recensement. Recrutez des gens du recensement précédent qui étaient compétents; remplacez ceux qui ne l'étaient pas. Et voyons. Je ne suis pas un spécialiste de ce genre de question; ce n'est pas mon affaire. Tout cela ressortit au népotisme et au favoritisme politique; c'est choquant.
Alors que vous avez fait partie de ce comité d'éthique, et que vous connaissez bien la machine électorale, je suis surpris que vous défendiez ce genre de système.
M. Peter Milliken: Je dirais simplement que s'il y avait une vacance, je pourrais tout de suite citer un certain nombre de gens qui me paraissent très compétents, très capables, qui ont une expérience électorale. Voilà ce que je me sens capable de faire...
M. Ken Epp: Mais lorsque Ted vous dit qu'un directeur de scrutin compétent a été remplacé par un incompétent dans sa circonscription, et que nous avons d'autres exemples de ce type, que répondez-vous?
M. Peter Milliken: Et si c'est le directeur général des élections qui nomme un incompétent? Que répondez-vous, à ce moment-là? C'est la même chose.
M. Ken Epp: Non.
M. Peter Milliken: Il y aura toujours des gens qui sont compétents, et d'autres qui ne le sont pas...
M. Ken Epp: Non, vous ne répondez pas à la question.
M. Peter Milliken: ... mais quel que soit le système...
M. Ken Epp: Vous éludez la question en la remplaçant par une autre... c'est courant chez les avocats.
Des voix: Oh, oh.
M. Peter Milliken: Non, vous partez du principe que quelqu'un qui est nommé par décret et qui est incompétent l'est parce qu'il a été nommé par décret...
M. Ken Epp: Ce n'est pas du tout ce que je dis.
M. Peter Milliken: Ce que je prétends, c'est qu'il y aura toujours des incompétents, quel que soit le mode de recrutement et de nomination. Certains seront compétents, d'autres moins, et c'est ainsi qu'est fait le monde.
M. Ken Epp: Très bien, mais je vais vous poser une question... J'en ai tout un tas, toutes prêtes...
Le président: M. Jean-Guy Chrétien attend, et je vous rappellerai qu'il ne nous reste que 10 à 12 minutes, et j'ai encore deux intervenants sur ma liste.
Allez-y, Ken.
M. Ken Epp: J'aimerais soumettre quelque chose à Peter, pour savoir ce qu'il en pense.
Qu'en pensez-vous? Dans ma circonscription il y avait aux dernières élections quatre candidats; avant cela il y en avait six. Que diriez-vous d'un système de formulaire d'évaluation que rempliraient les candidats? On poserait un certain nombre de questions de fond sur la compétence du directeur de scrutin de la circonscription. À partir de cela, le directeur général des élections choisirait celui qui a les évaluations les plus élogieuses. Celui-ci serait automatiquement choisi, sauf s'il meurt, ou qu'il est malade. Cela vous paraîtrait-il acceptable?
M. Peter Milliken: Je suppose que oui, si j'ai le sentiment que les formulaires ont été correctement remplis.
M. Ken Epp: J'aimerais reposer quelques questions. Veuillez m'inscrire sur votre liste, monsieur le président.
Le président: Nous ferons de notre mieux.
Stéphane Bergeron, ensuite Bonnie Brown, et peut-être ensuite Ken Epp.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Sur le même sujet, j'ai été étonné d'entendre le même argument hier, de la part des représentants du Parti libéral et ce matin, de la part de M. Milliken. J'entendais tout à l'heure M. Milliken parler d'un système électoral à la fois juste et équitable. J'aurais tendance à lui accorder, contrairement à d'autres personnes, une certaine crédibilité lorsqu'il parle d'un système électoral juste et équitable.
Mais j'arrive difficilement à concilier cette affirmation et celle qui veut qu'on maintienne le système archaïque, moyenâgeux actuel, selon lequel le parti au pouvoir nomme les personnes qui sont chargées d'administrer le processus électoral et d'en assurer l'impartialité dans chacune des circonscriptions. J'ai beaucoup de difficulté. L'argument qu'on invoque depuis hier est celui de la compétence, mais l'un ne va pas sans l'autre.
Il n'y a rien qui empêche un ancien organisateur libéral, néo-démocrate ou conservateur de se porter candidat au poste de directeur de scrutin. À ce moment-là, il entreprend un processus très transparent et doit se conformer à un certain nombre de critères. Il se porte candidat au poste comme d'autres personnes pourraient le faire, et un comité indépendant procède au choix du directeur de scrutin, ce qui assure une plus grande crédibilité au processus.
Je pense que la personne qui a le mieux illustré à quel point il est important d'avoir des officiers électoraux qui soient impartiaux, c'est mon collègue Paul Crête. Il disait hier qu'au Québec, par exemple, lors du dernier référendum, il y avait 125 directeurs de scrutin nommés de façon impartiale et tout à fait transparente, mais que malgré cela, il s'en était trouvé pour dire, partout à travers le Québec, que les résultats étaient plus ou moins valables parce que le processus avait peut-être été sous le contrôle de je ne sais qui. Monsieur Milliken, si les 125 directeurs de scrutin avaient été nommés par le Parti québécois sans aucune consultation, sans aucun processus transparent, quelle aurait été votre évaluation du référendum de 1995?
M. Peter Milliken: Notre système électoral actuel a toutes sortes d'attributs qui sont là pour assurer que le vote soit équitable. Par exemple, comme vous le savez, le directeur de scrutin dans chacune des circonscriptions a un greffier de scrutin qui est là pour travailler avec le directeur de scrutin. L'un est nommé par le parti ayant obtenu le plus grand nombre de votes lors de l'élection précédente...
M. Stéphane Bergeron: Je ne parle pas du scrutateur.
M. Peter Milliken: ...et le deuxième, par le deuxième parti.
M. Stéphane Bergeron: Je parle du directeur de scrutin dans la circonscription.
M. Peter Milliken: Moi non plus. Je parle des directeurs de scrutin dans les sections de vote. Ils sont nommés par les deux partis. Ils travaillent ensemble. Le vote est visible et équitable à cause du fait qu'il y a deux personnes. Il y en a aussi d'autres, si on veut, qui peuvent observer le processus du scrutin. Cela marche bien, à mon avis.
M. Stéphane Bergeron: Je n'ai pas de problème avec ça.
[Traduction]
M. Peter Milliken: Permettez-moi de revenir à ceci. Le directeur de scrutin qui est nommé dans la circonscription l'est en général parce qu'il a une certaine expérience des questions électorales. Si vous voulez nommer des gens complètement indépendants de tout parti, les chances seront faibles qu'ils aient quelque expérience que ce soit. Et ce n'est pas du tout le genre de personnes que nous voulons pour ce travail...
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur Milliken, vous travestissez mes propos. Je dis que la personne choisie ne doit absolument pas être quelqu'un qui n'a aucune expérience électorale, loin de là. Ce peut être un ancien organisateur libéral, conservateur ou néo-démocrate. Cependant, la personne se porte candidate dans le cadre d'un processus transparent et doit répondre à un certain nombre de critères. Il y a deux, trois ou quatre candidats par circonscription. Il y a un comité indépendant du parti au pouvoir qui est chargé d'évaluer les qualifications des différents candidats et candidates.
M. Peter Milliken: Qui nomme la personne?
M. Stéphane Bergeron: Le directeur général des élections en sa qualité d'agent tout à fait impartial dans le processus électoral au Canada. C'est lui qui devrait avoir l'autorité de nommer les directeurs de scrutin, qui sont ses adjoints directs dans les circonscriptions.
[Traduction]
Le président: Bonnie Brown, ensuite Ken Epp, dans la mesure où le temps le permet.
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aurais d'abord une remarque à faire, et je poserai ensuite une question. Cette remarque concerne la nomination des directeurs de scrutin, et l'idée selon laquelle ils devraient être recrutés par le directeur général des élections.
L'autre question qui se posait est celle de leur compétence. Je pense précisément que le député local est la personne la mieux à même d'évaluer la compétence d'un directeur de scrutin, et cela en se fondant sur les plaintes qui ont pu être déposées, ou au contraire sur les satisfecit qui lui ont été adressés par des personnes de toutes allégeances politiques.
Dans mon cas, je me suis présenté en 1988, 1993 et 1997, avec le même directeur de scrutin, qui avait été nommé par le gouvernement précédent. Il était compétent, et je n'ai rien fait pour le remplacer, bien que les limites de ma circonscription aient été modifiées.
Pourquoi ne l'ai-je pas fait remplacer? Eh bien, il y avait deux raisons. La première, c'est qu'on s'était montré satisfait de son travail. C'était quelqu'un de compétent et d'honnête, ce qui me suffisait. Bien sûr, la deuxième raison était peut-être un petit peu plus égoïste. J'avais évidemment l'intention d'utiliser tous les bénévoles libéraux compétents pour ma campagne. Je n'allais donc pas m'en priver en les faisant nommer ici ou là.
C'est donc un système qui dans certains cas donne de bons résultats, et fonctionne à la satisfaction de tous.
En ce qui concerne la compétence de ce genre de personnel, je vous renvoie au recensement. À l'époque j'ai proposé certains noms, mais aucun d'entre eux n'a été retenu. Ce que j'avais proposé n'avait pas été jugé suffisamment bon. Or il se trouve que je n'ai jamais reçu autant de plaintes qu'à propos du recensement... Cela avait été fait sous forme d'évaluation... on avait interviewé les gens et recruté.
Je n'ai donc aucune confiance dans ce système non plus, et je suis d'accord avec M. Milliken: il y aura toujours des gens compétents et des incompétents, quel que soit le système de recrutement. La chose se produira inévitablement, et il faut à ce moment-là aviser.
Je m'intéresse, monsieur Milliken, à ce que vous avez dit sur la publicité des tiers. Moi aussi j'en ai subi à l'occasion les conséquences, et si je n'ai pas dans ma circonscription autant d'étudiants que vous, j'ai quelques millionnaires.
Voilà des gens qui, à titre individuel, peuvent s'offrir des pages entières de publicité pour m'attaquer, ou attaquer les politiques de mon gouvernement, c'est selon, et je peux dire que la presse locale était pleine de ce genre de pavés lancés contre moi. Il y avait donc beaucoup de publicité me visant, valant cent fois l'argent que je pouvais moi-même dépenser. On s'est même livré à des attaques personnelles contre moi, ou contre les politiques du gouvernement.
Tout ce qui a pu se produire pendant la campagne, c'est sans doute ce qui m'a fait le plus douter de notre système. Je ne pouvais plus faire paraître mes propres publicités pour essayer de contrer ces encarts publicitaires malveillants, mes fonds ayant déjà été répartis pour ma campagne de promotion.
Je voulais donc demander à M. Milliken quels paramètres... Vous disiez qu'il fallait se baser sur le temps de la campagne électorale. Pendant cette période tout le monde serait assujetti aux mêmes règles en ce qui concerne l'argent dépensé, et également la période où toute publicité devient interdite.
M. Peter Milliken: Je préférerais interdire complètement ce genre de publicité.
Mme Bonnie Brown: Vraiment?
Une voix: Oh, oh!
Mme Bonnie Brown: Voyez-vous, c'est exactement ce que je pense aussi. Voilà pourquoi je voulais avoir votre avis.
M. Peter Milliken: La loi ne nous y autorise peut-être pas; il faudrait sans doute avoir une opinion du ministère de la Justice sur la façon dont on pourrait défendre l'argument. Mais les fonctionnaires du ministère sont si prudents dans leurs avis que vous risquez de ne parvenir à rien du tout. Cela vaut tout de même la peine de poser la question, de faire faire une petite recherche, et de voir ce qui est permis selon eux.
La recommandation du directeur général des élections serait que les sources de financement soient divulguées, etc. Je ne pense pas que cela soit de beaucoup d'utilité, car la divulgation ne se fera que beaucoup plus tard.
Je crois qu'on pourrait justifier l'imposition de restrictions aux partis dans une loi dont la constitutionnalité n'aura pas été contestée. Des restrictions doivent être imposées aux autres partis pendant la période où les annonces publicitaires sont autorisées, et je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas adopter une loi qui leur interdirait...
La loi de 1993 prévoyait une somme de 500 $ ou de 5 000 $; il y avait un plafond; je n'ai pas la mémoire des chiffres. Il y avait dans la loi un plafond qui, à mon avis, était valable. Nous avions obtenu des avis en ce sens, mais, bien sûr, l'affaire a été bien mal menée quand nous avons dû défendre la loi.
Mme Bonnie Brown: Ainsi, vous n'imposeriez pas une restriction basée uniquement sur une limite budgétaire...
M. Peter Milliken: Non.
Mme Bonnie Brown: ... parce que quelqu'un dans ma circonscription pourrait dépenser les 65 000 $ autorisés uniquement pour acheter des publicités contre moi. Il serait difficile de déterminer l'origine des fonds, puisqu'il suffirait d'écrire un chèque personnel.
M. Peter Milliken: À mon avis, une organisation qui voudrait dépenser pareille somme proposerait un candidat.
Mme Bonnie Brown: C'est aussi ce que je pense.
M. Peter Milliken: Elle pourrait appuyer un homme de paille, payer le dépôt du candidat et payer toutes ses dépenses, quelles qu'elles soient, et assumer en plus les frais de publicité. Un candidat est libre de consacrer le montant total à la publicité et de ne faire rien d'autre pendant la campagne.
• 1200
Il existe déjà dans la loi une énorme échappatoire. Je dis
tout simplement que c'est ainsi qu'ils doivent procéder.
Si cet argument avait été présenté au tribunal, si quelqu'un avait dit à la cour de l'Alberta: «N'oubliez pas, ce groupe qui a dépensé 100 000 $ en frais de publicité aurait pu proposer un candidat, ou deux candidats, et ensuite assumer les frais de publicité pour les deux...» Chacun a ce choix. Mais nous devrions sûrement les obliger à faire ce choix pour que quelqu'un ait à rendre compte des publicités.
Je pense au cas de l'ancien whip conservateur de Calgary qui était président du comité de la réforme électorale qui a proposé cette loi. On le lui a reproché au cours de la campagne électorale, et il a perdu son siège de Calgary du fait de la campagne de publicité très négative organisée par la National Citizens' Coalition dans sa propre circonscription.
Il s'agit de Jim Hawkes. Vous lui poserez la question un jour. Invitez-le à comparaître et voyez ce qu'il a à dire de la publicité faite par des tiers.
M. Ken Epp: Ils ont tous été défaits.
M. Peter Milliken: Personne n'a été attaqué comme il l'a été par la NCC en raison de sa position sur la publicité faite par des tiers.
M. Ken Epp: Ils ont tous été défaits.
M. Peter Milliken: Oui.
M. Ken Epp: Ils ont coulé avec le navire.
Le président: Je n'interviens pas habituellement. Je crois que la publicité rapporte. Je crois qu'elle fait toute la différence. Dans notre système de scrutin majoritaire à un tour, la différence n'est peut-être pas importante, mais elle est là.
Ken, pouvez-vous aller rapidement, parce que Peter doit prendre le fauteuil, et Jean-Guy a été très patient. Est-ce une courte intervention?
M. Ken Epp: J'ai 11 autres questions à poser, mais je...
Le président: Pouvons-nous entendre la première ou la onzième?
M. Ken Epp: Je vais les remettre à Peter.
Le président: S'il vous plaît. Voulez-vous en poser une maintenant?
M. Ken Epp: Nous pourrons les partager.
En voici une. Vous avez dit que le plafond de 100 $ devrait être relevé parce que les gens ne veulent pas admettre qu'ils ont fait un don à un candidat. Je croyais que le but, c'était d'assurer la divulgation.
Voici donc ma question: jusqu'où devrions-nous relever le plafond? Autrement dit, à quel moment décidez-vous que la contribution politique d'un particulier est exagérée que vous voulez en être informé?
M. Peter Milliken: Eh bien, j'avais proposé 200 $ ou 250 $, rien d'excessif. J'ai proposé cette augmentation parce qu'il n'y en a pas eu depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les dépenses électorales en 1969, 1970, 1973 ou 1974, dans ces eaux-là.
M. Ken Epp: D'accord, je comprends.
M. Peter Milliken: Et c'est la seule raison.
M. Ken Epp: Ma deuxième question alors se rattache à la première. Seriez-vous en faveur d'une limite pour la somme qu'un particulier ou une société peut contribuer à la campagne d'un candidat donné?
M. Peter Milliken: En règle générale, non, parce que j'estime qu'une telle disposition serait très difficile à faire appliquer.
À mon avis, si nous imposons un plafond à la somme qu'une personne morale peut contribuer—il suffit d'examiner la loi du Québec pour le vérifier—la somme est versée sous forme de salaire ou de dividendes aux administrateurs, qui, eux, font la contribution. Ainsi, chacun déclare une contribution personnelle. Je sais que certains députés du Québec nieront farouchement que cela se fait, mais je me suis laissé dire que c'est le cas. Si vous vous reportez au rapport de la commission de la réforme électorale, vous verrez qu'on fait mention de cette pratique.
Je ne crois pas qu'il soit possible de faire respecter les limites. Ceux qui veulent faire une contribution demandent à une autre personne de faire don de l'argent. Ils donnent l'argent à quelqu'un qui fera ensuite la contribution.
Je ne crois pas que ce soit une restriction raisonnable. Quand il y a divulgation, l'information est rendue publique. Et c'est cela à mon avis qui est une bonne chose.
Le président: C'est tout.
Ken a neuf autres questions, et je suis certain...
Peter, nous voulons vous remercier sincèrement d'avoir pris le temps de venir nous voir.
M. Peter Milliken: Merci du temps que vous m'avez consacré.
Le président: Nous vous sommes reconnaissants. Si vous avez d'autres commentaires que vous souhaitez nous faire parvenir par écrit, nous serons ravis d'en prendre connaissance.
M. Peter Milliken: D'accord.
Le président: Merci.
M. Ken Epp: Merci.
[Français]
Le président: Jean-Guy, je te remercie. Tu as été très gentil d'attendre aussi longtemps.
[Traduction]
Je suis désolé de la longueur du temps écoulé entre cette réunion et la précédente. Vous êtes bien gentil de prendre le temps de comparaître de nouveau devant nous.
Je crois que tous les députés ont reçu un exemplaire de la déclaration de M. Chrétien.
[Français]
Jean-Guy.
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le président, je suis un pédagogue de 27 ans d'expérience. Lorsque je donnais mes cours, les 10 dernières minutes étaient habituellement celles qui portaient le moins fruit.
Vous savez, monsieur le président, j'ai beaucoup hésité
avant de vous présenter un mémoire,
croyant que ce serait inutile, que ce serait
classé dans le dossier no 13 ou encore que je
vous ferais perdre votre temps, et peut-être le mien par
ricochet.
• 1205
Pour ce qui est du vote par la poste, je ne sais pas s'il y
en a plusieurs parmi vous qui ont tenté
l'expérience de voter par la poste. Je l'ai
fait avec les membres de ma famille pour l'élection du
25 octobre 1993 et j'ai trouvé entièrement farfelue la
façon dont on a voté.
Nous étions cinq dans ma famille. Nous sommes
allés au bureau de scrutin de Frontenac pour voter
dans le comté de Richmond—Arthabaska. Après avoir
présenté nos
cartes d'identité, nous avons
obtenu nos bulletins de vote. Les membres de ma
famille m'ont donné les enveloppes et ont dit:
«Jean-Guy, tu es le gérant de la famille, comme
d'habitude, et tu vas très bien diriger le vote.»
Je vous dis cela un peu à la blague, monsieur
le président, mais vous comprendrez que certaines
organisations pourraient circuler dans des écoles,
dans des bars, dans des clubs ou encore
dans la rue, et trouver des personnes qui, pour une grosse
bière ou pour 5 ou 10 $, accepteraient
volontiers de voter par la poste.
Ce qui est encore pire, monsieur le président,
c'est que lorsque j'ai voté à l'élection du 25 octobre 1993,
les candidats n'étaient même pas connus.
Donc, il
s'agissait d'inscrire «Parti libéral», «Parti
conservateur»
ou «Bloc québécois».
Donc, à mon sens, le principe d'un homme, un vote, ou
une femme, un vote, est brisé
par l'élection dite «par la poste». Le but
est de permettre à ceux qui seraient absents le
jour du vote de s'exprimer librement.
On ouvre cependant la porte à l'achat massif de bulletins de
vote, et on ne sait pas vraiment qui exerce son droit de
vote. Je crois que c'est un talon d'Achille.
Le Canada est souvent cité dans le monde entier comme un
pays où la démocratie est respectée et où une personne égale
un vote. Dans le système des coopératives, qu'on
ait un compte de 100 000 $ ou de
5 $ à la caisse populaire, c'est toujours
un homme, un vote, ou une femme, un vote.
Tout le monde est sur le même pied. Notre poids n'est pas
fonction du nombre d'actions que nous possédons.
Deuxièmement, monsieur le président, il a le choix de
la résidence. Dans ma circonscription, il y avait une
petite municipalité qui comptait seulement six
résidants permanents de 18 ans et plus. Lorsque j'ai
regardé les résultats, j'ai vu qu'au-delà de 140
personnes avaient voté dans ce bureau de scrutin,
à Sainte-Anne-du-Lac précisément. Il y
avait plusieurs chalets et les gens s'étaient inscrits
sur la liste et
avaient décidé de voter cette année-là dans
Frontenac—Mégantic puisqu'ils y avaient une propriété
d'été. C'est tout à fait légal, remarquez bien,
mais cela brise l'esprit et la lettre
de la démocratie.
Par exemple, si un grand nombre d'électeurs d'une
circonscription de l'ouest de l'île de
Montréal décidaient d'aller voter dans le comté
d'Hochelaga—Maisonneuve, cela pourrait
briser un résultat en
faveur de l'un ou de l'autre des candidats.
À mon humble avis, il y aurait lieu
d'améliorer notre système électoral en ce qui concerne
le lieu de
résidence.
Le financement des partis politiques: je
serais d'accord, monsieur le président, qu'on porte de
100 $ à 250 $ ou 200 $ le remboursement à 75 p.
100, qu'on conserve la tranche à 50-50 et, finalement,
qu'on se rende à 1 150 $, comme c'est le cas présentement
avec un tiers.
On sait très bien que dans les circonscriptions
où ce sont vraiment les membres qui financent
l'élection, on recueille
habituellement des dons de 100 $.
On explique aux gens qu'ils ne nous
donnent en réalité que 25 $, qu'ils nous prêtent 75 $ pour
le reste de l'année fiscale. Cela les contente
assez bien. Donc, on recueille souvent des montants de
100 $.
• 1210
À titre d'exemple, monsieur le président, je voudrais
vous parler de ce que j'ai connu personnellement au mois de
mai dernier dans ma circonscription. Une adversaire,
selon les rapports que j'ai obtenus,
aurait dépensé entre 400 000 et 500 000 $ dans ma
circonscription. J'ai failli y laisser mes fesses,
monsieur le président. C'est pour vous dire jusqu'à quel
point l'argent est important dans une campagne
électorale.
Plus d'une trentaine de personnes ont travaillé
pendant cinq semaines à plein temps. Tout le monde
travaillait gratuitement, semble-t-il,
fort heureusement pour elle.
Cependant, le jour de l'élection, au moins six
personnes m'ont affirmé qu'elles avaient
gagné entre 200 et 400 $
pour la journée du scrutin et qu'elles avaient été
payées comptant, mais malheureusement pour moi, personne
n'était prêt à signer un affidavit à cet effet.
Entre autres, il y avait une personne qui
avait été engagée à 40 $ l'heure, toujours au noir,
pour installer des affiches-candidat avec une nacelle,
non pas une nacelle d'Hydro-Québec mais quelque chose
de semblable. Cette personne
n'a pas voulu non plus signer d'affidavit pour dénoncer ce geste
qui, à mes yeux, est malhonnête et brime la
véritable démocratie.
Pour terminer sur le financement des partis politiques et
les manquements à la loi, monsieur le président, je
suggère de multiplier par un chiffre très élevé
de montant des
amendes monétaires qu'on pourrait imposer à quelqu'un
qui serait pris à contourner l'esprit et la lettre de
la Loi électorale. Je vais vous donner un exemple.
Vous allez dire
que cela relève de la loi du Québec, mais je voudrais vous
le citer. Tout près de chez moi, sur le campus de
l'Université Bishop, des centaines et des centaines
d'étudiants ont voté illégalement au référendum de
1995. On en a reconnu un certain nombre, qui l'ont admis ou
qui ont été reconnus coupables par la cour. Vous savez
quelle a été l'amende, monsieur le président?
La perte du droit de vote pendant cinq ans au Québec.
Ils n'ont même pas le droit de vote. Donc,
vous admettrez que ce n'est
pas une grosse perte. On leur a aussi imposé une
amende de 100 $, alors qu'on sait très bien que c'était
payé par des associations adverses du camp du Oui, qui
payaient aussi les frais d'avocat
pour défendre ces étudiants.
Donc, on pourrait imposer des amendes
beaucoup plus élevées et même donner à ces personnes des dossiers
criminels. Voter illégalement, c'est criminel.
À mon sens, c'est
tricher la démocratie. Alors, on pourrait
aller jusqu'à un dossier criminel, avec
tout ce que cela peut comporter. Les personnes
y penseraient peut-être à deux fois avant
d'accepter ou de donner de l'argent, ou avant de voter
illégalement.
Finalement, monsieur le président, je vais parler
de la nomination des directeurs de scrutin
locaux. Mon ami Peter Milliken a soulevé la
question. Dans ma
circonscription, les conservateurs avaient misé très
juste en nommant Mme Roy, qui était devenue très
compétente, que j'avais beaucoup appréciée en 1993,
mais qui a été remerciée par la suite parce qu'elle avait
été nommée par les conservateurs.
On a nommé l'ancien président du Parti libéral du
Québec, qui avait occupé la vice-présidence du
Parti libéral du Canada au sein de l'association
locale. C'était un homme que je connaissais très bien
puisque c'était mon ancien patron; c'était aussi un ami
bien qu'il ne partage pas mon orientation politique.
Cependant, il n'a pas été... Je vais peser mes
mots puisque j'ai l'intention de lui envoyer une copie
du compte rendu qu'on produira ici.
• 1215
Donc, monsieur le président, celui-ci n'avait
pas été nommé en raison de sa compétence. Sans doute
pourra-t-il devenir compétent, et j'en suis même convaincu, mais il
ne l'était pas suffisamment au moment des élections de
1997. Or, Mme Roy, qui était là précédemment,
faisait de la très belle besogne.
Ce qui a fâché un grand nombre de mes électeurs, c'est
qu'on ait nommé une personne à la retraite, qui reçoit
deux ou trois pensions différentes, alors qu'on aurait
pu confier la tâche à un jeune d'une trentaine
d'années, ou moins ou plus, parce qu'il y en a
plusieurs qui ont une très bonne formation
universitaire et qui, malheureusement, n'ont pas un
emploi à plein temps.
Cela étant dit, monsieur le président, je doute que
mes remarques soient retenues. Je l'espère, cependant.
Si par hasard vous vouliez en retenir au moins une, je
vous inviterais à examiner la question des votes effectués par la
poste. Si personne d'entre vous n'a voté
personnellement par la poste et si vous êtes candidat
lors des prochaines élections, allez voter par la poste
pour voir quelle farce cela peut être. Vous n'avez
qu'à présumer que vous ne serez pas disponible le jour
des élections pour pouvoir voter par la poste.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci, Jean-Guy.
Cela m'a peut-être échappé. On nous a déjà parlé du système
québécois de financement des partis. Nous en avons beaucoup entendu
parler. S'agissant de la résidence, vous avez dit, je crois, qu'il
y a déjà une définition de «résidence» utilisée au Québec. Est-ce
que cela m'a échappé? Autrement dit, il y a une procédure pour
définir le terme «résidence» utilisé pour les élections
provinciales et que nous n'utilisons pas au niveau fédéral. Je ne
sais pas si cela m'a échappé.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien: Oui. J'ai parlé des
étudiants qui avaient voté illégalement à l'Université
Bishop. Cette université du Québec accueille des
anglophones. Environ 80 p. 100 de sa clientèle provient
de provinces autres que le Québec.
Le président: Entre autres, une de mes filles.
M. Jean-Guy Chrétien: Entre autres.
Le président: Mais pas de ce genre-là.
M. Jean-Guy Chrétien: Ces étudiants n'ont même
pas un compte de caisse populaire ou de banque au
Québec ou dans la région de l'Université Bishop. Leur
permis de conduire porte toujours l'adresse de la
résidence de leurs parents, de même que leur
carte d'assurance-maladie et ainsi de suite. Donc ce
ne sont pas des Québécois, ce ne sont pas des résidants
à temps plein, au vrai sens du terme. Donc,
ils n'avaient pas le droit de vote.
Voici ce que j'ai voulu dire en rapport avec le
lieu de résidence. Moi, je demeure actuellement dans
la circonscription de Frontenac—Mégantic. Si, par
exemple, j'ai un chalet ou une résidence d'été située
dans la circonscription de Sherbrooke, je peux, au
moment des élections, m'enregistrer en allant voter et
dire que j'habite à telle adresse. Si quelqu'un peut
m'identifier, bingo, je peux voter là. C'est dans ce
sens que je dis qu'on peut choisir son lieu de
résidence. Cela est vrai des élections fédérales
seulement car, au Québec, le lieu de résidence doit
être celui de la résidence où
son permis de conduire est enregistré, où on paie ses taxes
municipales et scolaires, etc. Au
fédéral, on peut choisir et jouer un peu. C'est
élastique.
Le président: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Carolyn Parrish.
Mme Carolyn Parrish: Eh bien, j'aimerais demander au témoin
son avis sur une question que j'ai posée à M. Milliken au sujet des
preuves d'identité à présenter pour pouvoir voter.
Très brièvement, puisque les représentants d'Élections Canada
se trouvent à l'arrière de la pièce, je vais vous expliquer ce qui
s'est produit lors d'une élection municipale. Vous avez parlé de
cartes que vous avaient confiées les membres de votre famille. Vous
aviez la carte quand vous vous êtes présenté pour voter. Voici ce
qui s'est produit lors d'une élection municipale dans ma
circonscription.
Les cartes ont été postées par la municipalité. Le beau-frère
d'un candidat était agent d'immeubles et savait où se trouvaient
les boîtes scellées dans tout le quartier. Ainsi, le jour où les
cartes ont été livrées, il est allé les récupérer avec d'autres.
Des camions allaient faire descendre 25 personnes à la fois au
bureau de scrutin. On leur tendait les cartes, et ils entraient
voter. Ils allaient en couples, hommes et femmes. Ils entraient,
déposaient leurs cartes, votaient, remontaient dans le camion et se
rendaient à un autre bureau de scrutin.
• 1220
D'après vous, peut-on abuser de ces cartes? Elles semblent
être magiques: j'ai une carte de scrutin disant quel est mon nom et
que je vote à tel endroit. Devrions-nous exiger des pièces
d'identité pour qu'on ne puisse pas conduire des camions pleins
d'électeurs d'un bureau de scrutin à un autre?
Quelqu'un se tenait debout à l'entrée et remettait les cartes.
Il avait des cartes pour les hommes et des cartes pour les femmes,
et les gens qui descendaient du camion prétendaient ne pas parler
anglais. Ils déposaient la carte, recevaient un bulletin de vote et
allaient voter.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien: D'accord. Je vous
remercie beaucoup. À ce que je peux voir, vous devez
demeurer dans une circonscription très urbaine. Dans
ma circonscription, la plus grande ville compte 16 000
ou 17 000 habitants, si bien que tout le monde se
connaît.
Cependant, en 1993, lorsque je suis allé voter, on
n'aurait pas pu tricher d'une façon aussi flagrante.
Il fallait avoir une carte d'identité avec photo. Il
en fallait même deux si ma mémoire est bonne, par
exemple le permis de conduire et la carte
d'assurance-maladie. Donc, le président nous donne une
enveloppe à l'intérieur de laquelle il y en a une autre
contenant le bulletin de vote. Rendus chez nous, nous
avons tous, évidemment, voté pour le Bloc québécois.
Vous me pardonnerez ce petit péché. Après avoir voté,
on mettait le tout dans la grande enveloppe et on le
mettait à la poste. Cela venait à Ottawa, oui.
Cela n'allait pas...
Le président de scrutin, en 1993, ne voulait pas qu'on
le lui remette non plus. Il fallait que cela vienne
ici, à Ottawa. Il y avait une date limite pour
voter par la poste, comme vous le savez très bien.
Si j'ai voté par la poste, c'est pour vérifier
le sérieux du processus et s'il était possible de
l'utiliser pour tricher. Mais vous, vous me parlez
de... [Note de la rédaction: Inaudible] ...Personnellement,
j'aurais pu, si j'avais
été malhonnête, aller chercher des personnes dans les
clubs, les bars, et leur demander si elles étaient
d'accord pour que la question du vote se règle le jour
même et sur-le-champ. J'aurais pu leur payer le lunch.
En effet, il y en a qui ont de l'argent en
quantité. On parlait de Suharto tout à l'heure. On se
rend donc au bureau de scrutin, on ramasse les
enveloppes et je fais voter les gens, puis ils me
remettent les enveloppes parce que je suis en mesure de
les envoyer à Ottawa pour eux qui n'auront même pas à
se préoccuper d'aller voter.
Donc, si une seule personne a voté contre vous, dans
votre circonscription, 14 fois m'avez-vous dit, cela
seul démontre très clairement qu'on revient en arrière.
Le vote par la poste ne représente pas du tout une
évolution. C'est plutôt un recul. Chez nous, au
Québec, on dit que c'est pire que du temps de Duplessis.
[Traduction]
Le président: Carolyn.
Mme Carolyn Parrish: Le post-scriptum à tout cela, bien sûr,
c'est que si je n'avais pas perdu cette élection...
Le président: Puisque vous parlez de post-scriptum, c'était un
vote par code postal.
Mme Carolyn Parrish: Merci. Si je n'avais pas perdu ces
élections par 310 voix, je ne serais pas ici aujourd'hui. Je vois
que vous en êtes tous ravis, surtout M. Epp.
M. Ken Epp: Je n'arrive pas à me contenir.
Des voix: Oh, oh!
Le président: J'ai déjà perdu des élections par 139 voix.
Bob Kilger.
[Français]
M. Bob Kilger: Sur la question de la résidence, je
pense que le président a raison de ne pas vouloir que
Me Girard ou les autres personnes d'Élections Canada
qui comparaîtront devant nous y soient mêlées.
Toutefois, c'est une question que je m'engage à poser
au directeur et à ses associés.
J'ai l'impression que quelque chose n'est pas tout à
fait correct. Vous avez peut-être eu l'impression...
Je veux vérifier un point sur la question de la
résidence.
Ce n'est pas une question que je pose, monsieur
Chrétien, mais plutôt un commentaire que je fais, car
je crois qu'en la présentant comme vous l'avez fait,
vous avez omis
un aspect de la question de la résidence.
En ce qui a trait au vote par la poste, c'est
quelque chose que je veux...
M. Jean-Guy Chrétien: Est-ce que vous me permettez
un petit commentaire?
[Traduction]
Le président: Je ne fais pas cela souvent. Par exemple, aux
élections municipales dans notre comté, les gens peuvent voter là
où ils ont un chalet. Le problème, c'est qu'ils pourraient voter
deux fois; ils peuvent voter à Toronto et ils peuvent voter dans
notre comté. C'est un problème. Comment peut-on vérifier si
quelqu'un a voté deux fois? Je pense que, dans le cas que vous avez
décrit, ces électeurs ont simplement décidé de voter une fois, mais
ont décidé de voter là où se trouve leur chalet. Est-ce exact?
Autrement dit, ils ont fait un choix, mais n'ont pas voté deux
fois.
Vous pourriez peut-être discuter de cette question et de la
façon dont nous devons nous attaquer au problème de résidence.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien: Vous avez raison, monsieur
le président. Ils n'ont voté qu'une seule fois, ou enfin
je le souhaite, mais ils n'ont pas voté dans la
circonscription où se trouve leur lieu de résidence
habituel, là où ils ont feu et lieu, ce qui détermine la
vraie résidence.
Au Québec, on a triché dans la circonscription de
Bertrand. Certains auront suivi les événements
relatifs aux élections dans cette circonscription, dans
lesquels était impliquée Monique Simard et un monsieur
du Parti libéral dont j'oublie le nom. Ce dernier
avait remporté l'élection par quelque 100 voix. Or, on
a pu dénombrer près de 1 000 personnes de Montréal qui
avaient choisi leur résidence d'été pour déterminer où
ils allaient voter. Au Québec, il est clair qu'on doit
voter là où on a feu et lieu. On a réussi à faire
annuler l'élection, ce qui a entraîné une nouvelle
élection.
C'est très onéreux, bien sûr. Comme Mme Parrish le
faisait remarquer tout à l'heure, c'est très onéreux et
l'amende imposée à ceux qui ont «triché» est une
peccadille. Je parlais de 100 $ tout à l'heure. C'est
pourtant très grave, vous savez. Cela a entraîné des
frais inutiles de plusieurs milliers de dollars, de
centaines de milliers de dollars.
C'est en ce sens, monsieur Kilger, que c'est seulement
au fédéral que la loi... La loi le permet, je crois
bien. Ce n'est pas malhonnête, mais tu peux choisir...
J'ai vu quelqu'un, en vacances pour quelques semaines
dans ma circonscription, aller s'enregistrer le matin
et voter en disant qu'il demeurait à telle adresse
depuis deux ou trois semaines. Cela est plutôt
nébuleux. Je crois que c'est contrevenir à la loi.
J'imagine qu'il doit y avoir un minimum de temps de
résidence, de six mois à un an peut-être, dans une
circonscription pour pouvoir y voter. Je n'en suis pas
certain. À tout événement, il y a des failles, des
trous dans le filet, qui s'agrandissent à mesure qu'on
y passe.
M. Bob Kilger: Monsieur le président, dans les
circonstances, pourrait-on se permettre de demander à
Me Girard de nous éclairer sur ce point avant d'aller
plus loin? Êtes-vous d'accord, monsieur Chrétien?
M. Jean-Guy Chrétien: Oui, cela me ferait plaisir.
Nous sommes ici pour tenter d'améliorer le système.
Le président: Je vous présente Me Jacques Girard.
[Traduction]
Je voudrais ajouter, Jean-Guy, que c'est le genre de question
que nous pourrions soulever la prochaine fois que le directeur
général des élections viendra témoigner.
Monsieur Girard.
[Français]
M. Jacques Girard (directeur, Services juridiques,
Élections Canada): Bonjour. Il me fait plaisir
d'intervenir, parce qu'en écoutant M. Chrétien, j'ai
relevé quelques petites imprécisions, si vous me
permettez.
Je pense que la façon d'expliquer le plus simplement
possible le critère utilisé dans la loi
fédérale est d'utiliser l'expression «résidence
ordinaire». Ce même critère, en droit québécois,
revient à peu près au même; il faut être domicilié au
Québec.
Donc, les critères dans la loi québécoise sont à
toutes fins utiles les mêmes que ceux qu'on trouve dans
la loi fédérale. J'aimerais toutefois apporter la
nuance suivante. Contrairement à ce qui a été dit, un
électeur n'a pas le choix. Si, par exemple, un citoyen
a sa résidence principale ou un condo ici à Ottawa et
un chalet à Pembroke, il ne peut pas, pendant la
période électorale, décider que cette fois-ci il va
voter à Pembroke. Il n'a pas ce choix. Il doit
nécessairement voter là où il réside ordinairement,
c'est-à-dire là où il reçoit ses factures, là où
il revient quand il s'absente de son domicile, de
telle sorte que ce n'est pas tout à fait exact de dire
qu'un électeur a le choix.
Un électeur a le droit de voir son nom inscrit sur la
liste électorale de la circonscription dans laquelle il
réside ordinairement et non pas, par exemple, dans
celle où est situé son chalet ou un condo ailleurs au
Canada. Il n'y a pas de choix possible pour
l'électeur.
[Traduction]
Le président: Je loue un condominium d'un couple pendant six
mois de l'année pour mes vacances. Si je passe six mois à un
endroit et six mois ailleurs, qu'arrive-t-il?
[Français]
M. Jacques Girard: C'est à vous à faire cette
détermination dans le sens que vraisemblablement, vous
ne changerez pas, par exemple, vos adresses sur votre
permis de conduire ou vis-à-vis de l'impôt à tous les
six mois. Alors, ce sera l'adresse où vous avez élu
domicile, où vous vous considérez comme vivant
ordinairement. C'est celle-là qui devrait être
considérée comme votre résidence permanente et qui
détermine le lieu où
vous êtes habilité à voter.
Le président: Monsieur Chrétien, avez-vous des
commentaires?
M. Jean-Guy Chrétien: Oui, je suis d'accord avec
lui. J'apprécie qu'il me dise que ce choix n'existe
pas. Mais comme je vous le disais, à l'Université
Bishop au Québec, où c'est encore plus sévère, une
centaine se sont enregistrés. À ce moment-là, ce sont
les agents qui font la liste électorale qui sont
peut-être trop condescendants ou qui manquent d'ardeur.
Notre parti a un agent qui est son représentant, de même
que le parti au pouvoir. Dans les régions rurales, je
pense qu'il n'y en a qu'un. Sont-ils deux ou un à
préparer la liste électorale? Ils sont deux.
M. Jacques Girard: Oui, maintenant qu'elle est
permanente.
Le président: D'accord. Monsieur Girard, je vous
remercie beaucoup.
[Traduction]
Je ne pense pas qu'il y ait d'autres questions.
[Français]
Monsieur Chrétien, nous vous remercions beaucoup de
cette présentation.
M. Jean-Guy Chrétien: Moi aussi, je vous remercie
beaucoup, monsieur le président. J'aurais aimé que mon
collègue de la circonscription de Bourassa—est-ce
bien Bourassa?—soit encore ici. Il était auparavant
président de l'union dont je faisais partie. Je lui
réservais une petite blague concernant la possibilité
qui nous aurait été laissée à ce moment-là, lors de nos
réunions, de voter par télécopieur ou mieux par la
poste. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Merci encore.
[Traduction]
Chers collègues, le premier avis de convocation que nous
avions disait que la prochaine réunion serait jeudi, mais elle sera
mardi prochain, le 17 mars, dans cette même pièce, à 11 heures. Les
témoins seront encore une fois certains de nos collègues.
Je vous demanderais aussi de réserver 11 heures dans une
semaine. Nous aurons certainement une réunion ce jour-là, et je
pourrai vous dire mardi prochain de quoi nous discuterons.
Merci beaucoup. La séance est levée.
Cependant, j'ai décidé de prendre le risque de venir vous
entretenir de quatre points que je juge extrêmement
importants: le vote par la poste,
le choix du lieu de résidence, le financement des
partis politiques et, finalement, le directeur de
scrutin local.
Qui détient l'information,
dit-on, détient le pouvoir, et qui détient une
masse importante de dollars peut aller jusqu'à détenir
le pouvoir. J'écoutais hier soir les nouvelles.
Le président Suharto, en Indonésie, se présente
pour un septième mandat. Au bulletin de nouvelles, on
laissait sous-entendre qu'il possédait près du quart du
pays, y compris d'énormes banques et
entreprises. Alors, vous comprendrez que
le fait d'avoir beaucoup d'argent ne nuit pas pour gagner une
élection.
Il a fallu l'aider et le soutenir. À quelques
reprises, il m'a téléphoné me demandant de repasser par
le bureau pour signer à d'autres places sur des
documents concernant des choses déjà acceptées. Vous
savez comme moi, monsieur le président, que lorsqu'on
est en campagne électorale, il ne faut pas passer son
temps au bureau du président de scrutin. Ce n'est pas
là que se gagnent les votes, mais c'est là qu'on peut
perdre son temps. À au moins deux occasions, j'ai dû
repasser au bureau pour défaire des choses qu'il avait
acceptées au préalable.
J'ai perdu par 310 voix. Le lendemain, quelqu'un m'a téléphoné
pour me dire qu'il avait été forcé de voter contre moi quatorze
fois. Il voulait me l'avouer. Je lui ai dit d'aller se confesser à
l'église, parce qu'il n'y avait rien que je pouvais faire à ce
moment-là. Je suis allée voir un avocat. Cela m'aurait coûté
30 000 $ si j'avais voulu contester, et l'affaire aurait été
difficile à prouver.