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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 mars 1998

• 1107

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Pouvons- nous commencer? Nous poursuivons l'examen du système électoral canadien. Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de M. John Harvard, député de Charleswood—Assiniboine.

Nous sommes heureux de vous revoir, John. Nous nous excusons pour la dernière fois.

[Français]

Nous accueillons aussi le député de Trois-Rivières, M. Yves Rocheleau. Bienvenue, Yves.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter Mollie Dunsmuir, notre recherchiste, qui remplace Jamie Robertson aujourd'hui.

Nous pouvons commencer. Je n'ai aucune préférence particulière. Au cours des réunions précédentes, nous avons commencé par un bref exposé de cinq à huit minutes. Nous pourrions écouter les deux exposés puis passer aux questions, si cela vous convient.

Pourriez-vous commencer, John?

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Bien sûr, monsieur le président, si M. Rocheleau est d'accord.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Oui, c'est bien.

[Traduction]

M. John Harvard: Très bien. Merci.

Mesdames et messieurs, monsieur le président, je tiens avant tout à vous remercier pour votre aimable invitation. J'estime que l'étude du rapport du Directeur général des élections du Canada sur la 36e élection est un exercice utile et l'examen du système électoral canadien aussi.

Somme toute, notre système électoral fonctionne assez bien. Je suis très satisfait dans l'ensemble. Par contre, je tiens à vous signaler deux ou trois problèmes qui me préoccupent, notamment celui des dépenses faites par des tiers. C'est un problème qui me préoccupe depuis un certain temps déjà. C'est pourquoi je tenais à vous en parler aujourd'hui.

Comme je l'ai dit, monsieur le président, notre système électoral fonctionne assez bien et cela est dû notamment au fait que les dépenses sont réglementées de façon très stricte aux termes de la Loi électorale du Canada. Les dépenses faites par les candidats et par les partis sont soumises à de fortes restrictions et c'est bon pour nos élections et pour notre régime démocratique.

• 1110

On ne fait pas une orgie de dépenses au Canada, contrairement à ce que l'on entend parfois dire à propos des États-Unis où les dépenses peuvent atteindre des proportions vraiment extravagantes. Au cours des élections au Sénat qui ont eu lieu en Californie il y a quelques années, un des candidats avait, paraît-il, dépensé environ 30 millions de dollars. On entend parler d'orgies de dépenses à propos des États-Unis et nous ne voulons pas que cela arrive au Canada. Pas moi, du moins.

En plus de restreindre les dépenses, cela met les candidats sur un pied d'égalité ou cela rend du moins les règles du jeu plus équitables. Nous ne sommes pas très riches, pour la plupart, surtout quand on débute en politique. Nous ne sommes pas riches et les principaux partis non plus. Par conséquent, tout ce qui permet de restreindre les dépenses augmente les chances des candidats d'être sur un pied d'égalité.

Cette réflexion m'amène à parler des dépenses faites par des tiers, qui compromettent à mon avis le système actuel de contrôle des dépenses et l'égalité des chances.

Pourquoi est-ce que je dis cela? Après tout, les dépenses faites par des tiers sont bel et bien faites au nom de la démocratie canadienne et de la liberté de parole. Le risque, à mon avis, c'est qu'en plus de nous faire perdre le contrôle des dépenses, ce système permette à ceux qui ont accès aux plus grosses sommes d'argent de parler le plus et d'avoir le plus d'influence.

Contrairement aux Américains, la plupart des Canadiens ne croient pas que l'argent et le droit de parole se confondent. Si vous croyez cela, cela veut dire que la personne qui dispose d'une somme dÂun million de dollars a le droit de parler 100 000 fois plus que celle qui n'a que 10 $. Je ne pense pas que ce soit le but que nous poursuivons dans notre type de démocratie.

L'autre problème, c'est que si les efforts et l'intervention sont d'envergure, cela fausse le processus. Cela transforme les élections en ce que l'on pourrait appeler des campagnes à thème unique. Comme vous le savez, monsieur le président, nos élections sont dominées par les partis qui présentent des plates-formes électorales que les candidats sont chargés de faire connaître. Ils ne peuvent pas s'offrir le luxe de traiter seulement d'un thème ou deux. Ils sont chargés d'aborder un large éventail de sujets. C'est instructif et c'est bon pour l'électorat. Je suis contre tout ce qui pourrait fausser ce processus.

La plupart des tiers qui font des dépenses ont un cheval de bataille. Ils veulent parler du problème qui les intéresse et pas des problèmes d'autrui. Je citerai encore un exemple américain, si vous me le permettez—je crois que je pourrais citer des exemples canadiens mais je me base sur des cas récents. Des élections secondaires ont eu lieu dernièrement en Californie et un des tiers a tellement insisté sur le problème des valeurs familiales et de l'avortement que, à en croire les médias, la plupart des autres problèmes auxquels les électeurs de Californie, ou du moins ceux de cette circonscription, sont confrontés, ont été passés sous silence. Cela s'est produit parce que le tiers en question avait toutes sortes de ressources et qu'il pouvait consacrer des sommes d'argent considérables à ce problème en particulier.

Voici ce que j'en pense. Je suis bien d'accord que des tiers participent à une campagne électorale, s'ils le veulent, mais ils peuvent toujours présenter leur candidature ou soutenir un candidat ou un parti. Je ne pense pas qu'ils devraient pouvoir s'offrir le luxe de faire du lobbying en investissant leur argent dans une campagne électorale.

Il n'est pas question d'essayer de leur refuser un droit qu'ils possèdent dans un régime démocratique. S'ils veulent consacrer tout leur temps à ne parler que d'un problème, je suis bien d'accord, mais qu'ils ne le fassent pas d'une façon qui nous empêche de contrôler les dépenses comme nous le voulons et de maintenir une certaine égalité des chances.

• 1115

Il est à mon sens absolument lamentable et éminemment regrettable que les restrictions que nous avions décidé d'imposer il y a quelques années... J'ai été choqué par le jugement de la Cour suprême de l'Alberta. Ce qui s'est passé est déplorable, à mon avis. J'aurais voulu que le gouvernement fédéral en appelle de la décision de la Cour suprême. Je crois qu'à l'époque, il était question d'imposer une limite de 1 000 $ par parti ou par candidat? J'estime que c'était tout à fait raisonnable.

Le Directeur général des élections suggère plus ou moins une limite de 5 000 $ et toute dépense supérieure à ce montant serait assujettie à un système d'inscription. Personnellement, j'estime que ce plafond est trop élevé; si nous acceptons les dépenses de tiers, il faudrait toutefois que celles-ci soient très restreintes; il faudrait en outre instaurer un système d'inscription qui nous permette de savoir exactement qui donne cet argent.

Je crois que c'est tout pour l'instant, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, John.

[Français]

Je cède maintenant la parole à Yves Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Merci, monsieur le président.

Je voudrais, d'entrée de jeu, remercier le comité de son invitation à venir témoigner à la suite du document que nous avons déposé, aussi à son invitation, auprès du comité.

Ce document a été déposé à la suite de l'élection générale du 2 juin dernier et des situations que nous pourrions qualifier de cocasses jusqu'à intrigantes—pour ne pas parler d'anomalies du mécanisme du vote lors d'une élection fédérale—que nous avons vécues dans le comté de Trois-Rivières.

Grâce à la collaboration de Me Jean-François Lacoursière, qui a d'ailleurs oeuvré comme mon conseiller électoral, je suis en mesure de vous présenter cet excellent document qui est très clair et qui met en lumière des choses qui devraient faire réfléchir les élus à la suite à cette élection. Le document porte sur deux aspects précis de la mécanique du vote, soit le vote par la poste et le vote itinérant.

Le vote par la poste émane sans doute d'un bon voeu de la part des gens du fédéral, qui souhaitaient que le plus grand nombre de Canadiens et de Canadiennes exercent leur droit de vote. Cependant, la méthode qu'on suit nous laisse quand même songeurs parce qu'il n'y a aucune modalité qui prévoit que c'est l'électeur ou l'électrice elle-même qui demande au président d'élection d'exercer son droit de vote par la poste. N'importe quel individu bien intentionné peut se mandater lui-même pour demander au président d'élection que telle ou telle personne qui n'est pas en mesure de le faire elle-même reçoive un bulletin de vote par la poste. Notre appréhension s'est concrétisée lors du déroulement de l'élection. Il semble que le soir de l'élection, lorsqu'on a ouvert une certaine enveloppe, on a trouvé une bonne vingtaine ou trentaine de bulletins de vote où figurait la même main d'écriture. Notre appréhension était confirmée.

D'ailleurs, pendant la campagne électorale, à peu près une semaine avant l'élection, une dame m'avait appelé personnellement en ma qualité de candidat. Elle disait qu'elle venait d'être témoin d'une scène dans un foyer pour personnes âgées, où un monsieur qui était dans la cuisine faisait descendre les pensionnaires l'un après l'autre, sortait une enveloppe d'une autre enveloppe et faisait voter les gens. Lorsqu'elle lui avait demandé s'il y avait un candidat du Bloc québécois, il lui avait répondu qu'il n'y avait qu'un candidat du parti au pouvoir et que ça s'en allait comme ça. Cette amie me disait qu'il était seul dans la cuisine et qu'elle était un peu intimidée par cela. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à nous inquiéter et que nous avons porté une attention particulière au déroulement du vote, d'où le document que vous avez aujourd'hui.

Nous souhaitons que le vote par la poste soit mieux encadré, que l'électeur ou l'électrice fasse lui-même la demande, qu'il y ait une inscription formelle et que le président d'élection soit tenu de vérifier l'existence de l'électeur et son aptitude à voter. Nous souhaitons que la présence d'un représentant de chacun des partis reconnus soit obligatoire dans le processus.

Un autre point quelque peu névralgique est le vote itinérant, qui se fait surtout dans les institutions de soins de courte et de longue durée. Les modalités varient selon la durée du séjour. Lorsque celui-ci est de courte durée, il se fait en présence d'un seul coordonnateur, mandaté par le président d'élection, sans qu'il y ait d'autre représentant. Il y a un vice de forme dans le processus fédéral, et il faut se le dire.

• 1120

Le directeur général des élections canadiennes lui-même en convient et il a présenté des recommandations que le gouvernement n'a pas suivies. Les présidents et présidentes d'élection sont nommés sur une base à peu près uniquement partisane, ce qui entache tout le processus. Quand le président d'élection mandate une personne de faire seule la tournée des maisons de soins de courte durée, nous sommes en droit de nous inquiéter puisque cette personne est nommée sur une base électoraliste et partisane. Il mandate probablement quelqu'un qui est aussi là pour des raisons partisanes. Les partis peuvent donc s'inquiéter du fait qu'ils ne sont pas présents lors de cet exercice.

Un autre problème se pose dans les hôpitaux de soins longue durée, où les représentants se présentent avec un scrutateur. On y fait toutefois une chose qu'on ne se permet pas pour le grand public, soit le porte-à-porte. On frappe aux portes des chambres d'hôpital, même si l'électeur n'a en aucune façon signifié son intérêt ou sa capacité de voter. On s'organise pour le réveiller, bien qu'il soit souvent alité, affaibli ou plus ou moins intéressé, de par son contexte personnel, à exercer son droit de vote, ce qui fait partie de nos moeurs, et on s'arrange pour faire en sorte que cet électeur ou cette électrice vote.

Ce serait l'équivalent, monsieur le président, de créer un appareil pour le grand public où l'on ferait du porte-à-porte pour faire voter les gens au lieu de leur demander de se rendre dans les écoles ou à l'hôtel de ville comme le fait actuellement. On aurait ainsi toute une organisation qui forcerait littéralement l'électeur à se sentir coupable de ne pas aller voter. On insiste un peu trop, et c'est peut-être un abus de démocratie compte tenu de la situation que vivent les gens dans ces circonstances-là.

J'espère que vous avez tous lu notre rapport et je pourrai répondre à vos questions tantôt. Nous souhaitons aussi que les représentants soient rémunérés. On allégerait ainsi la procédure et on serait en mesure de recruter des gens de qualité à titre de représentants des partis politiques reconnus, appuyant d'autant mieux le processus électoral démocratique.

Je voudrais porter à votre attention quelques autres points. On trouve curieux que le scrutateur soit invité dès le début de la journée électorale à parapher tous les bulletins de vote. S'il arrivait un malheur et que les bulletins étaient égarés, cela entacherait davantage le processus. On devrait plutôt songer à faire comme on fait au Québec, où le bulletin n'est paraphé qu'une fois que l'électeur s'est prononcé. Ce détail peut parfois avoir de l'importance.

Comme je le mentionnais plus tôt, cela fait moyenâgeux que les présidents d'élection, compte tenu de la tâche très importante qu'ils ont à effectuer, soient nommés sur une base quasi uniquement partisane. Il faut non seulement déplorer cela, mais le dénoncer. Il existe une province, à tout le moins une, qui agit de façon très civilisée: c'est le Québec. On y procède par concours, de la façon la plus impartiale possible. Je pense que le Québec est un modèle à copier dans ce domaine-là, peut-être comme dans bien d'autres. Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup, Yves.

[Traduction]

Je vous remercie tous les deux. Je vais poser des questions à John Harvard dans un instant mais je signale que nous apprécions les mémoires que vous nous avez remis ainsi que vos exposés. Dans votre cas, Yves, je me rends bien compte que vous n'avez pas pu aborder dans votre exposé succinct tous les points qui ont été examinés en profondeur dans votre mémoire dont nous avons un exemplaire sous les yeux.

John Harvard.

M. John Harvard: Monsieur le président, pouvez-vous m'accorder quelques secondes de plus? Je m'efforçais tellement de ne pas parler trop longtemps au début que j'ai oublié le deuxième point. Je vais essayer de l'exposer très rapidement. Il porte, si je ne me trompe, sur le renforcement du système des ristournes, du système des subventions qui existe actuellement.

Comme vous le savez, l'électeur qui fait un don de 100 $ pour une campagne électorale ou à un parti récupère 75 p. 100 de ce montant, autrement dit 75 $ sur la première tranche de 100 $. Je suis très en faveur du système des ristournes et je crois que l'on devrait envisager sérieusement d'appliquer cette ristourne de 75 p. 100 à la première tranche de 200 dollars, au lieu de 100 dollars.

Je suis en faveur du système de ristourne progressive. C'est très bien. J'estime toutefois qu'il est en place depuis un certain temps et que la ristourne de 75 p. 100 devrait s'appliquer non plus aux 100 premiers dollars mais aux 200 premiers dollars.

J'ai encore quelque chose à ajouter, toujours dans le but de renforcer ce système des subventions afin d'encourager le plus grand nombre possible de petits donateurs à soutenir les campagnes électorales. Je voudrais aussi parler des reçus et des circonstances dans lesquelles les partis ou les associations peuvent donner des reçus. Je vais vous citer un exemple personnel.

• 1125

J'ai fait une levée de fonds au cours du mois de janvier parce que janvier est au début de l'année civile. Nous avons pu donner des reçus, mais ces reçus ne pourront pas être utilisés avant 1999, lorsque les donateurs prépareront leur déclaration d'impôt pour l'année fiscale 1998. Par conséquent, dans mon cas, les donateurs devront attendre au moins un an, voire plus, avant de pouvoir utiliser les reçus aux fins de l'impôt.

Ce serait une bonne idée d'instaurer, par exemple, un système de coupons permettant d'obtenir un remboursement d'impôt instantané ou pouvant être encaissés immédiatement. Je crois que cela ferait une grosse différence et que cela encouragerait davantage de petits donateurs à prendre part à l'activité politique.

Le président: Merci.

Marlene Catterall, Stéphane Bergeron et Chuck Strahl.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): J'ai une question à vous poser, monsieur Harvard, à propos de votre premier point. Je me demande comment vous vous protégeriez contre les groupes d'intérêts spéciaux... Supposez que l'on fixe une limite sur les dépenses. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je crois qu'il faut trouver une solution à ce problème sinon cela minera notre processus démocratique et les limites imposées sur les dépenses électorales deviendront inutiles.

Comment vous protégeriez-vous contre un organisme qui créerait une vingtaine d'organismes différents qui pourraient tous se prévaloir de cette limite? Y avez-vous réfléchi, John?

M. John Harvard: Oui, j'y ai réfléchi et c'est une des raisons pour lesquelles la question du contrôle des dépenses me préoccupe. Aux États-Unis par exemple, il existe des bandes. Autrement dit, des personnes qui ont les mêmes opinions et qui ont le contrôle sur leurs dons—pas sur leurs dépenses—forment des bandes.

Le président: Parlez-vous de pactes ou de bandes, comme une meute de loups?

M. John Harvard: Je parle de bandes.

Quand on a affaire à quelqu'un qui ne prend pas directement part à l'activité électorale, autrement dit qui ne représente pas un parti ou n'est pas candidat, si on limite les dépenses... Autrement dit, si la limite est de 1 000 $, il faut faire en sorte que l'on ne puisse dépenser que 1 000 $ pour la campagne.

Cela ne change rien s'il s'agit d'un organisme qui chapeaute une vingtaine d'autres comités ou d'autres groupes d'intérêts. S'il s'agit de quelqu'un de l'extérieur ou d'un tiers, la limite des dépenses permises doit rester de 1 000 $. Je crois que c'est la solution pour limiter les dépenses.

Mme Marlene Catterall: Je pensais à l'autre aspect de la situation. Que se passerait-il si un organisme créait une vingtaine d'organismes différents dirigés par un président qui ne serait là que pour la forme, par exemple, dans le but d'exploiter au maximum cette limite de 1 000 $? Comment pourriez-vous empêcher cet organisme d'obtenir le droit de dépenser une vingtaine de milliers de dollars en créant une vingtaine d'organismes différents?

M. John Harvard: Je crois qu'on pourrait y arriver en instaurant un système d'inscription, s'il s'agit des mêmes personnes, surtout si tous ces organismes défendent la même cause. À supposer qu'une personne active dans le domaine du contrôle des armes à feu puisse créer une vingtaine ou une cinquantaine de comités différents, du fait qu'il s'agirait d'une campagne à thème unique, cette personne devrait être assujettie aux mêmes restrictions qu'un simple particulier ou un groupe.

C'est possible; encore faut-il déceler la ruse. Il faudrait surveiller pour déjouer les ruses de ceux qui essaient de contourner le système afin de mettre un terme à ces abus.

Mme Marlene Catterall: Je suis entièrement d'accord avec M. Rocheleau; il faut en effet examiner de près cette question des votes par la poste. De toute évidence, la manière dont le système a été appliqué variait beaucoup d'une circonscription à l'autre, parce que le règlement n'était pas clair ou n'était pas nécessairement compris par tous les directeurs du scrutin.

Le problème inverse s'est posé dans ma circonscription où certaines personnes ont été privées du droit de vote parce que le bureau du directeur du scrutin refusait que les documents soient apportés par une autre personne, même si le bulletin de vote devait être envoyé directement à l'intéressé.

• 1130

Il existe un juste milieu; il faudrait être plus strict pour que seuls les intéressés puissent décider de voter de cette façon sans être strict au point de priver les citoyens de leurs droits en interdisant à ceux qui ne peuvent sortir de chez eux pour cause d'invalidité de demander à quelqu'un d'autre de porter les documents au bureau à leur place.

Je ne sais pas comment trouver ce juste milieu mais vous avez signalé un problème qui est bien réel et qui se présente sous une forme qui varie selon la circonscription. Il n'est pas normal que les règles changent d'un endroit à l'autre lorsqu'il s'agit de voter.

[Français]

M. Yves Rocheleau: On devrait exiger que l'électeur s'identifie officiellement auprès du Bureau du président d'élection et faire en sorte que tous les partis reconnus participent à l'exercice. On se fie actuellement uniquement à la discrétion de la présidence d'élection et à celui ou celle qui veut bien s'occuper des gens qui ne semblent pas aptes à le faire eux-mêmes. On peut d'ailleurs s'interroger sur leur capacité. Cette question est très délicate. Si une personne n'est pas apte à faire elle-même la démarche, on peut se demander si elle est apte à voter. En tout cas, il est fort possible qu'une personne qui n'est pas apte à voter ne puisse pas faire la démarche. Si on ne fait pas soi-même la démarche, c'est très délicat.

Cela exige donc un bon encadrement. Actuellement, un laisser-aller complet prévaut, et des organisateurs peu scrupuleux peuvent s'en donner à coeur joie, ce qui peut avoir un impact très considérable lorsque les résultats de l'élection sont très serrés. Imaginez-vous le genre de démocratie que l'on a si un candidat l'emporte par 33 voix, tandis qu'on peut mettre en doute 40 bulletins. Ce n'est pas un faux problème, loin de là. Je trouve inquiétant qu'on se permette officiellement un tel laxisme.

Le président: Stéphane Bergeron, puis Chuck Strahl.

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): J'aimerais parler de la pertinence ou non de rémunérer les représentants des candidats et candidates. Je sais qu'à cet égard, il y a deux écoles de pensée qui s'affrontent. Yves, tu proposes que les représentants soient rémunérés en vue d'assurer la présence de personnel de qualité. Selon une école de pensée, la rémunération des représentants ou du personnel électoral en général permet ou encourage, tout comme les crédits d'impôt, une participation du public et l'engagement des citoyens et des citoyennes dans le processus électoral.

À cet argument s'oppose un autre argument qui est un argument de rationalisation budgétaire, qui a conduit par exemple à l'élimination des postes de recenseurs, à la fois pour rationaliser au niveau budgétaire, mais également pour rationaliser la tenue de la liste électorale et ne pas avoir à reprendre le même exercice périodiquement.

À tous ceux et celles qui opposeraient à ta suggestion l'argument selon lequel il en coûterait cher pour payer ces représentants, qu'est-ce qu'on répondrait en tant que gestionnaires des fonds publics? Quel genre d'argument a-t-on pour répondre à cet argument-là?

M. Yves Rocheleau: J'espère que l'élimination des recensements nous permettra de faire des économies assez importantes, mais toute cette mécanique devra être réévaluée parce qu'elle s'avérera peut-être plus compliquée et moins efficace qu'on l'espérait. Espérons toutefois qu'elle sera efficace. Nous pourrions donc transférer ces économies et les utiliser pour embaucher des représentants pendant une journée et nous assurer d'un service de meilleure qualité et d'une meilleure représentation des partis politiques reconnus.

Je pense que ce serait un avantage de plus que de faire partie d'un parti politique reconnu, puisqu'il faut qu'il y ait certaines distinctions. Il ne faut pas réduire le débat à une question de sous; il faut examiner le déroulement de la journée électorale et, à la limite, tenir compte du fait qu'un parti politique est reconnu, à cause de l'ambiance. On connaît la fragilité de l'ambiance électorale. D'ailleurs, la démobilisation de plus en plus marquée que l'on vit pourrait faire en sorte, à la limite, qu'il n'y ait plus de représentants, ni du parti au pouvoir ni de l'opposition. On serait tous perdants à ce moment-là. En tout cas, cela illustre la nécessité de changer la désignation de la présidence d'élection.

• 1135

Il est urgent que la présidence d'élection soit dépolitisée, départisanisée. Ainsi, si jamais on ne rémunérait pas les représentants et qu'on arrivait à une période de démobilisation telle que les partis politiques n'étaient pas capables d'en trouver, on aurait au moins une personne neutre à qui on pourrait faire pleine confiance. Actuellement, le processus est entaché et les scrutateurs sont désignés par le président d'élection. Tout s'enchaîne. On parlait tantôt du coordonnateur du vote en foyer de soins de courte durée. On est en droit de faire des procès d'intention à cause du mécanisme qui préside à cela.

Le président: Oui, Stéphane.

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, je comprends bien la pertinence, l'utilité et l'importance d'avoir des représentants des partis reconnus qui soient rémunérés.

Cela dit, comment établirait-on le barème? Est-ce que tous les partis reconnus auraient le droit d'avoir un représentant élu à la table ou si on s'en tiendrait, par exemple, aux deux, trois ou quatre partis ayant obtenu le plus grand nombre de voix lors des élections précédentes? Avez-vous pensé à un mécanisme quelconque? Il y a près d'une dizaine de partis reconnus. Est-ce qu'on accepte la présence à la table de représentants de tous ces partis-là, rémunérés par les fonds publics, ou si on doit définir un certain mécanisme?

M. Yves Rocheleau: On pourrait peut-être se baser sur les partis reconnus à la Chambre des communes. À la Chambre des communes, le NPD ne l'était pas, non plus que le Parti progressiste-conservateur, mais ils le sont aujourd'hui. C'est un critère qui en vaut bien d'autres. On pourrait dire que les partis reconnus à la Chambre des communes auront droit à des représentants rémunérés. C'est une suggestion.

Je ne vous cacherai pas que je n'ai pas fait une réflexion très approfondie sur cette question. C'est plutôt le principe. Il y aurait peut-être lieu de prévoir un mécanisme, mais il me semble que ce serait bon.

M. Stéphane Bergeron: Plutôt que de s'appuyer sur le résultat dans la circonscription lors de l'élection précédente, on s'appuie sur la représentation des partis à la Chambre des communes, ce qui aurait voulu dire en 1993, par exemple, que le Bloc québécois n'aurait eu droit à aucun représentant rémunéré et qu'en 1997, le Nouveau parti démocratique et le Parti progressiste-conservateur, qui avaient toujours été par le passé des partis reconnus, n'auraient pas eu droit cette fois à des représentants rémunérés.

M. Yves Rocheleau: Oui, oui. Est-ce que le Bloc québécois, en 1993, avait droit à des représentants à la table? Je ne me souviens pas.

M. Stéphane Bergeron: Oui, mais non rémunérés.

M. Yves Rocheleau: Comme les libéraux.

M. Stéphane Bergeron: Oui.

M. Yves Rocheleau: Parce qu'ils ne sont pas rémunérés actuellement. Si on veut se donner un critère, cela pourrait aussi être le résultat de la dernière élection. Dans certaines circonscriptions, cela aurait pu faire une différence. Dans la circonscription de Philip Edmonston, au Québec, le NPD était arrivé deuxième. Dans cette circonscription, le représentant aurait pu... Ce pourrait être par circonscription, mais comme je vous dis, je n'ai pas fait une réflexion très approfondie.

M. Stéphane Bergeron: Si je soulève cette question, c'est simplement pour dire que pour la nomination des scrutateurs et des secrétaires de section de vote, les greffiers, on procède à partir des résultats de l'élection précédente.

M. Yves Rocheleau: Oui.

M. Stéphane Bergeron: Peut-être pourrions-nous retenir la même formule pour déterminer lesquels des partis politiques pourront avoir des représentants rémunérés pour assurer une transparence et une plus grande participation au vote. Cela pourrait avoir de l'allure.

M. Yves Rocheleau: Oui.

Le président: Messieurs Chuck Strahl, André Harvey et John Richardson.

[Traduction]

Chuck.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois questions à poser au sujet des dépenses faites par des tiers. Quelques personnes ont abordé le sujet sous un angle différent.

Vous avez dit dans votre lettre qu'il y a tout lieu de croire qu'il y aura de fortes augmentations dans les dépenses électorales de groupes tels que la NCC et la Firearms Association. Pourquoi pensez-vous qu'il y aura subitement de fortes augmentations? Ces groupes existent depuis un certain temps. Dépensent-ils toujours à peu près la même chose? Pourquoi pensez-vous que leurs dépenses augmenteront considérablement?

M. John Harvard: Je pense tout simplement qu'il y a plus d'argent que jamais à dépenser. Notre économie a pris de l'expansion et est en meilleure santé, et je crois que les chances que ces organismes tentent d'intervenir comme tiers augmentent. Voilà comment j'expliquerais la situation.

Je pense qu'il arrive que ces organismes se sentent quelque peu frustrés que l'on n'ait pas tenu compte de leurs opinions dans certaines politiques officielles. Par conséquent, s'ils peuvent travailler de cette façon, ils le feront à une plus grande échelle.

• 1140

M. Chuck Strahl: J'ai justement une copie du Hill Times sous la main. Dans cette publication, on trouve je ne sais combien de groupes de lobbyistes—un assez grand nombre—qui font de la propagande; on y trouve une page entière consacrée au groupe anti- AMI qui critique tous azimuts; on y trouve aussi une page entière consacrée à la négociation collective dans la fonction publique, payée par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ainsi que d'autres annonces, d'une demi-page ou moins; certaines concernent des hôtels et d'autres types de commerces, mais la plupart d'entre elles sont des annonces d'organismes qui fustigent le gouvernement ou qui veulent défendre telle ou telle position. Est-ce différent des dépenses faites par des tiers? Est- ce uniquement la période électorale qui vous préoccupe?

M. John Harvard: Oui, c'est surtout la période électorale qui me préoccupe. Ces organismes peuvent dépenser tout ce qu'ils veulent pour le moment, je n'y vois aucun inconvénient.

C'est la période électorale qui me préoccupe, Chuck, car à ce moment-là, les candidats sont responsables des plates-formes et ils doivent aborder tout un éventail de sujets. Un candidat qui fait des déclarations stupides risque d'être puni. On peut le tenir responsable.

Je pense notamment aux panneaux d'affichage haineux qui ont été utilisés par l'Association canadienne des policiers pendant la campagne électorale. L'Association a-t-elle été tenue responsable? Non. Elle a le droit de dépenser son argent comme elle veut et d'aller installer des panneaux d'affichage au beau milieu de la nuit, puis de s'éloigner en douce. On ne la tient pas responsable.

Vous devriez aimer ce terme, Chuck. Votre parti l'emploie constamment. On ne tient pas cette association responsable, à ce que je sache, mais je vous garantis que si vous ou moi faisions un faux pas au cours d'une campagne électorale, nous en entendrions parler.

M. Chuck Strahl: Lorsque l'Association canadienne des policiers a installé ces panneaux, aucun parti politique n'était au courant. C'est elle qui a pris l'initiative. Elle a évidemment attaqué le ministre Anderson, ce qui l'a aidé, d'après certaines personnes. Le fait d'être attaqué par quelqu'un n'est pas synonyme de défaite assurée. Je me demande en réalité s'il existe un lien entre les dépenses faites par des tiers et les résultats.

Je me souviens encore de ce qui s'est passé à propos de l'Accord de Charlottetown alors que les partisans du oui ont dépensé 20 fois plus que les partisans du non pendant la période électorale, ce qui n'a pas empêché ces derniers de gagner. Et on peut également citer l'exemple de... quel est déjà le nom du député qui s'est présenté aux élections dans Toronto il y a quelques années? C'était un adjoint de Pierre Trudeau, si j'ai bonne mémoire. Il a essayé d'obtenir un siège à coups de dollars. Il a dépensé un million de dollars et pourtant il n'a jamais été élu. Par conséquent, je me demande...

M. John Harvard: Il existe toujours des exceptions, Chuck. Il arrive que ce soit le candidat le moins riche qui gagne la campagne mais je vous assure que je préférerais avoir trop d'argent que de ne pas en avoir du tout pour une campagne électorale.

Si vous parlez des chances de gagner, je vous signale, Chuck, que si vous n'avez pas un sou à dépenser et que moi j'ai un million de dollars, j'ai un avantage sur vous, il faut bien l'admettre.

Il est possible qu'un miracle se produise une fois par siècle, une fois tous les 200 ans, qu'un candidat sans le sou remporte la victoire, mais ce sont des exceptions et il ne faut pas se laisser impressionner par les exceptions, à mon avis.

M. Chuck Strahl: Je ne parle pas des candidats. Je n'aurais peut-être pas dû citer le cas du candidat qui a dépensé des sommes colossales, mais qui a perdu malgré tout.

Je parle de certains autres cas, notamment celui des panneaux d'affichage installés par l'APC sur l'île de Vancouver. Lorsque j'ai vu cela au journal télévisé, comme tout le monde, j'ai trouvé que c'était déplacé et j'aurais souhaité que cette association n'ait pas fait cela. Bien des électeurs étaient du même avis que moi et ont par conséquent voté pour M. Anderson. Ils estimaient ne pas avoir d'ordres à recevoir de tierces parties.

Il est notoire qu'aux États-Unis, on dépense des sommes d'argent colossales, mais je me demande s'il existe des preuves qu'au Canada, un organisme comme la Canadian Firearms Association, un autre groupement ou un organisme syndical, a dépensé beaucoup d'argent et est parvenu à influencer l'opinion publique. Je n'en suis pas sûr, parce que...

M. John Harvard: Je ne pense pas que la situation soit déjà aussi grave ici, mais il faut prévoir la possibilité qu'elle devienne un jour incontrôlable. C'est pourquoi il faudrait instaurer un règlement.

La propagande faite en faveur du projet de loi sur le libre- échange au cours de la campagne électorale fédérale de 1988 est un bel exemple de processus faussé par les dépenses de tiers. Vous savez où l'on en était à ce moment-là. Ce n'est pas par ressentiment que je dis cela, mais les gens d'affaires en particulier étaient très favorables au libre-échange et ont dépensé des sommes colossales. C'est plutôt injuste, à mon avis.

J'étais contre ce projet de loi et j'ai été élu. Je n'ai peut- être aucune raison de me plaindre, mais les gens d'affaires tenaient au libre-échange et ont décidé de dépenser beaucoup d'argent au cours de la campagne. Ce n'est pas tout. Même après les élections, grâce à une décision de Revenu Canada, ils ont pu déduire tous ces frais à titre de dépenses d'entreprise. Ils ont gagné sur presque tous les fronts.

• 1145

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Je voudrais féliciter nos collègues de s'intéresser à un dossier qui ne fait pas les manchettes tous les jours. C'est un signe que nos collègues ne cherchent pas exclusivement de la publicité gratuite mais s'attaquent au fond des choses.

Monsieur Rocheleau, vous intervenez pour qu'on ait un meilleur encadrement du vote par la poste. Pensez-vous que cette façon de procéder est appelée à prendre de l'ampleur, particulièrement du fait du vieillissement de la population? En effet, les gens âgés ont beaucoup plus de difficulté à se déplacer, et c'est peut-être à cela que vous songiez lorsque vous disiez qu'il était important de s'occuper de cette question. En effet, la différence lors d'une élection tient à peu de chose, surtout avec la multiplicité des partis.

M. Yves Rocheleau: Effectivement, le vieillissement de la population est un aspect nouveau qui bonifie le dossier. Je trouve qu'il est important d'imaginer un processus comme celui du vote par la poste. Mais il faut y mettre les formes ainsi que tous les facteurs de sécurité possible compte tenu de l'importance des enjeux. C'est quand même l'avenir d'un pays et d'un peuple qui est de plus en plus en cause dans les appels au peuple que l'on fait.

On peut imaginer le cas d'un prochain référendum canadien sur des offres qui seraient faites au Québec. La dernière fois, en 1992, cela s'est fait sous l'égide de la loi québécoise. Si cette nouvelle consultation se fait sous l'égide de la loi canadienne, il faudra y mettre les formes pour faire en sorte que seuls ceux qui ont le droit de vote l'exercent et que ceux qui veulent l'exercer le fassent selon des modalités qui auront été bien fixées. Quand on touche à la question très délicate du vote de ceux dont on peut parfois douter de l'aptitude, il faut d'autant plus y mettre des formes.

Si on n'y met pas les formes, des organisateurs peu scrupuleux peuvent jouer avec la démocratie. Compte tenu du caractère très délicat des enjeux sur lesquels nous allons nous prononcer en tant que peuple, je pense qu'on doit y aller de façon très prudente pour éviter au maximum que le résultat puisse être contesté légitimement, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir. La façon dont on s'organise actuellement me semble donc un peu primaire, à savoir que l'on laisse à Pierre, Jean ou Jacques le soin de faire les démarches pour une autre personne, sans qu'on ait d'autre processus de vérification. C'est très inquiétant.

M. André Harvey: Je voudrais profiter de la présence de M. Rocheleau pour lui demander s'il favoriserait, sur le plan du financement, l'application intégrale, dans l'ensemble du pays, de la Loi québécoise sur le financement populaire. On sait que, malgré toutes les bonnes intentions de la loi, il y a des possibilités de contournement qui sont très faciles et très évidentes. J'aimerais avoir son point de vue là-dessus et savoir s'il favorise plutôt l'amélioration des contraintes de plafonnement ou s'il favorise l'application intégrale de la loi québécoise pour les élections fédérales.

M. Yves Rocheleau: Je trouve qu'au niveau du développement de la civilisation, le Québec est à l'avant-garde. C'est un modèle qu'il faut copier. On doit réserver l'exercice du droit de vote aux seuls électeurs et non pas aux personnes morales. De plus, il faut faire en sorte que seuls les électeurs physiques puissent contribuer financièrement. Sans cela, on ouvre la porte, comme on l'a fait au Canada et encore davantage aux États-Unis, à toutes sortes d'abus, étant donné qu'il n'y a pratiquement pas de contrôle et qu'il y a un aspect underground qui est assez grave. Par contre, au Québec...

Il y a sans doute des améliorations à apporter. Il faut respecter le principe d'un électeur, un vote, et seul l'électeur qui a le droit de voter peut contribuer au financement des partis politiques. Je pense que c'est une prémisse de base qu'il faut répandre partout. Il y a peut-être des lacunes dans la Loi électorale, mais il y a un processus constant d'autoévaluation, ce qui dénote qu'on reconnaît au Québec cette valeur très importante qu'est la mécanique de l'exercice du vote.

• 1150

Cette mécanique se voit notamment au niveau de la nomination des présidents d'élection et du financement. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Traduction]

Le président: John Richardson.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

En ce qui concerne les documents qui ont été présentés, j'ai trouvé...

Le président: Un instant.

Stéphane. Faites vite.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Je serai très bref. Je voudrais avoir une précision concernant l'intervention de notre collègue André.

Je pense que la question était posée de très bonne foi et qu'elle était basée sur une préoccupation très sincère qui voudrait faire en sorte que le processus soit le plus transparent et le plus honnête possible. Dans ce sens-là, je dirais qu'on ne peut envisager une application intégrale de la Loi électorale du Québec dans l'ensemble du Canada, pour toutes sortes de raisons valables.

Par exemple, on a limité la possibilité de financement à 3 000 $. Dans un pays de la superficie du Canada, il faudrait probablement hausser le niveau maximal de financement. Là où il faut se comprendre, c'est sur les principes qui sous-tendent la Loi électorale québécoise et qui peuvent éventuellement être appliqués à la Loi électorale du Canada. Ainsi, seuls les électeurs, les gens, les hommes, les femmes qui seront appelés à faire un choix lors du jour du scrutin sont appelés à financer les partis politiques, et pour un montant maximal. Celui-ci restera à déterminer pour le Canada.

[Traduction]

Le président: Je comprends.

André.

[Français]

M. André Harvey: Oui, mais cela veut dire que vous considérez comme antidémocratiques les dons corporatifs, même s'ils sont plafonnés.

M. Stéphane Bergeron: Pas antidémocratiques.

[Traduction]

Le président: On en parlera plus tard. Nous passerons la parole à John Richardson, puis nous reviendrons à cette question. Il y aura un deuxième tour.

M. John Richardson: J'ai aimé tous les exposés que j'ai lus dans la documentation et que j'ai entendus ici. La plupart traitent de sujets et d'applications assez précis.

À mon avis, il se passe toutefois une chose au Canada sur laquelle il faut vraiment se pencher: le vote de certains citoyens s'est dévalorisé avec les années. Leurs voix sont mal cotées. Certains obtiennent au contraire deux voix pour le prix d'une. Dans une société démocratique, une telle méthode a des limites. Dans une vraie démocratie, il est juste que chaque citoyen habilité à voter ait une voix.

Certains des députés autour de cette table représentent des circonscriptions de 300 000 ou 400 000 électeurs, alors que la mienne n'en compte que 100 000. Je vois même des députés n'ayant que 22 000 ou 23 000 électeurs dans leur circonscription.

Autrement dit, moi, je dois obtenir le cinquième des suffrages. Donc, il faut cinq voix contre une pour élire le député. Je trouve que ce n'est pas un système foncièrement juste. Ça vaut pour tout le monde, quel que soit le parti au pouvoir.

Je sais qu'il faut faire des compromis à cause de la Constitution, de la façon dont les choses se sont passées en 1867, mais il faudra examiner la question éventuellement parce que les votes sont escomptés. Quand il faut un tel nombre de votes pour élire un député, les électeurs sont floués. On n'en parle jamais beaucoup, mais je le vois bien. À chaque redécoupage, on ajoute des circonscriptions, mais on ne fait jamais rien pour aider à régler le problème. On ne peut pas soutenir une augmentation exponentielle du nombre de circonscriptions. Il va falloir s'en tenir à 301 députés avec un écart raisonnable—plus ou moins 10 p. 100—par rapport à la norme. Tant qu'on n'aura pas réglé ce problème, on ne formera pas vraiment une société démocratique puisque certains suffrages sont dévalorisés tandis que d'autres s'apprécient.

J'ignore comment résoudre le problème. On s'occupe de fignolage mais pas de ce qui rend une société démocratique, alors que certains votes sont escomptés à un cinquième tandis que d'autres sont cotés à 500 p. 100. Le système n'est donc pas équitable.

Le président: L'un ou l'autre des témoins veut-il intervenir?

M. John Harvard: Je n'hésite pas à faire un commentaire parce qu'à mon avis, John a une préoccupation bien légitime. On est coincé: la population est relativement petite et le territoire est extrêmement étendu.

Dans une telle situation, John, on a une alternative: soit on augmente le nombre des circonscriptions, qui se chiffrent actuellement à 301—pour certains c'est déjà beaucoup trop par rapport à la population—soit on étend au contraire la superficie des circonscriptions. Par exemple, dans une circonscription comme celle d'Ethel Blondin-Andrew dans le nord, dans les territoires, si on voulait tenter de régler le problème, au demeurant fort légitime, en étendant la superficie, par où commencerait-on? Est-ce qu'on doublerait la superficie de la circonscription? J'en doute.

• 1155

La Constitution garantit à l'Île-du-Prince-Édouard quatre députés. Alors, si on décidait d'étendre les circonscriptions pour arriver à une norme de 75 000 à 90 000 électeurs, mon Dieu, toute l'Île-du-Prince-Édouard et une grande partie de la Nouvelle-Écosse ne formeraient qu'une seule circonscription. C'est un vrai casse- tête.

Je trouve qu'en ce moment, on s'en tire pas trop mal, même si Ethel Blondin-Andrew est obligée de parcourir des centaines de milles pour se rendre d'un bout à l'autre de sa circonscription.

Une voix: Des milliers de miles.

M. John Harvard: Oui, des milliers.

Le président: D'accord. Nous allons commencer le second tour. Je ne veux pas interrompre la discussion, mais je vous demanderais d'enchaîner.

Marlene Catterall, Stéphane Bergeron, puis Chuck Strahl.

Mme Marlene Catterall: Ce n'est pas vraiment une observation. Je voulais seulement répliquer à ce que Chuck Strahl a dit tout à l'heure, parce qu'on a organisé tout un système pour permettre un débat public qui soit le plus équitable possible. Autrement dit, tout le monde est sur le même pied. Personne n'a injustement l'avantage sur un autre pour des raisons pécuniaires, ce qui signifie généralement qu'un candidat présente des arguments à l'encontre des questions soulevées par un autre candidat.

Tout le problème de la publicité par les tiers tourne autour du fait que le montant auquel les candidats et les partis ont droit pour communiquer avec la population est plafonné, tandis que les tiers ont le champ libre.

Ça ressemble à un conflit d'intérêts au sens où le résultat importe peu, que la décision soit favorable ou non. L'important, c'est qu'à partir du moment où on est intéressé à un sujet, on ne devrait pas s'en mêler. C'est la même chose ici. Ce qui compte, ce n'est pas que les gens soient visés par des attaques répétées des forces tierces et de leurs dollars, ce n'est pas qui perd ou qui gagne. Il faut instituer en principe le système le plus juste possible dans lequel l'argent n'est pas déterminant pour arriver à faire connaître son point de vue. Franchement, je trouve que c'est un grave problème qu'il faut régler.

Le président: Est-ce que les témoins veulent faire des commentaires?

John.

M. John Harvard: Je suis d'accord avec Marlene. Je crois que les gens ont de multiples occasions de participer à la démarche électorale. Je trouve qu'ils n'ont pas à le faire au moyen de la publicité des tiers.

Le président: Stéphane Bergeron, suivi de Chuck Strahl, John Solomon et Carolyn Parrish.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Je voudrais vous faire part de deux réflexions à l'égard des commentaires qui ont été formulés par M. Richardson. Je pense qu'on devrait s'interroger, par exemple, sur la valeur d'un vote dans une circonscription urbaine qui couvre un simple quartier d'une municipalité comme Toronto, Montréal ou Vancouver et qui compte 100 000 ou 150 000 électeurs, et dans une autre circonscription comme les circonscriptions très vastes de l'Abitibi ou des Territoires du Nord-Ouest, qui comptent des milliers de kilomètres carrés et une population de 40 000, 45 000 ou 50 000 électeurs.

On peut donc se demander quelle est la valeur d'un vote. Est-ce que la valeur d'un vote se mesure simplement au nombre de votes par circonscription ou si elle se mesure au nombre de votes par kilomètre carré? Je ne le sais pas. Est-ce que la valeur d'un député qui doit parcourir de très grandes distances pour rencontrer ses électeurs, fussent-ils peu nombreux, est la même que celle d'un député qui n'a que quelques kilomètres à parcourir pour rencontrer ses 100 000 ou 150 000 électeurs? Je pense qu'on a un débat très sérieux à tenir sur la question que vous avez soulevée.

Quant au commentaire de mon collègue de Chicoutimi, je pense qu'il soulève lui aussi une question très importante. Est-ce que des dons de corporations sont considérés comme antidémocratiques? Je n'ai pas la prétention de dire qu'il s'agit de dons antidémocratiques comme tels, mais vous savez comme moi que cela ouvre la porte à des abus, dont une illustration des plus éloquentes a d'ailleurs été mise à jour par votre parti. En effet, un organisateur appartenant au Parti libéral du Canada se promenait avec des listes gouvernementales et allait voir des entreprises en leur disant qu'elles auraient des contrats si elles finançaient le parti correctement. Voilà le genre d'abus que l'on peut constater.

• 1200

Je pense donc que si, au niveau fédéral, on pouvait ne serait-ce que plafonner les contributions de corporations, on ferait déjà un pas de géant. Mais évidemment, le but ultime doit être de donner aux personnes qui sont appelées à exercer leur droit de vote la possibilité de financer. Autrement, permettons, comme on le fait dans les petites municipalités, aux corporations d'exercer leur droit de vote également.

Le président: Chuck Strahl, John Solomon et John Harvard.

[Traduction]

M. Chuck Strahl: J'ai deux observations à faire en réplique à ce qui a été dit, et deux questions à poser.

Premièrement, un commentaire sur la valeur d'une voix. J'espère sincèrement que le comité en arrivera entre autres à la conclusion qu'il faut examiner cette question très complexe de la notion de représentation proportionnelle. On pourrait former un sous-comité pour le faire ou trouver un autre moyen pour y réfléchir attentivement. Je trouve que la représentation proportionnelle permet de gagner sur les deux tableaux, car même si les suffrages sont escomptés, au moins ils comptent. La proportionnelle a des avantages parce que si on a l'impression que son vote dans sa propre circonscription semble escompté ou si son candidat n'a pas été élu, au moins on a l'impression de faire sa part parce qu'à l'échelle du pays, tous les votes comptent. C'est donc une façon de régler le problème de la valeur des suffrages.

Au sujet de la publicité par les tiers, nous ne réussirons pas à nous entendre. Pour les gens qui, dans une campagne électorale, décident qu'ils ne peuvent pas appuyer un parti politique donné, qu'ils ne veulent pas voter, mais qu'ils ont quelque chose à dire sur la question de l'AMI, des produits naturels, de l'enregistrement des armes à feu, de l'Accord de libre-échange ou sur je ne sais quoi d'autre... qu'ils se lèvent pour dire: «Je veux encourager tout le monde à assister à la prochaine assemblée pour demander à chacun des candidats ce qu'il a l'intention de faire pour régler la question qui leur tient à coeur»... Il se peut qu'on n'aime aucun des candidats. On peut en aimer un ou apprécier quelqu'un d'autre, mais j'aurais énormément de réticence à restreindre la liberté de dire: «Voici des arguments et allez poser toutes ces questions; je n'appuie aucun parti en particulier, mais cette question est l'enjeu actuel». Je pense vous avoir expliqué pourquoi.

Ma dernière observation porte sur votre autre remarque, John, au sujet des fonds publics qui servent à financer les campagnes. Dans votre lettre, vous dites qu'il faudrait envisager des moyens d'accroître les subventions de l'État aux campagnes. Pour bien des gens, le système actuel est déjà fort généreux. Si quelqu'un dit: «Je veux faire ma part» et vous répondez: «Faites un don de 100 $, ça ne vous coûtera que 25 $», alors ça veut dire que les contribuables règlent les trois quarts de la facture. Beaucoup de monde trouve que c'est déjà bien généreux—peut-être même trop.

Si on augmente le financement public des partis et des élections, on aura l'impression qu'ils sont encore plus déconsidérés ou plus exploités qu'ils ne le sont déjà. Pour le moment, on peut encore dire qu'il faut donner de l'argent pour pouvoir obtenir des avantages fiscaux, mais si jamais on décide d'injecter plus de fonds publics dans le système sans rien exiger en retour, on n'aura plus voix au chapitre. On donnera l'argent de mes impôts à un parti que je n'aime même pas. N'est-ce pas dangereux?

M. John Harvard: J'apprécie vos commentaires, Chuck, mais moi, j'aborde la question d'un tout autre angle. Selon moi, le summum des affaires publiques, c'est la démocratie même et le processus électoral. Je trouve que c'est le summum des affaires publiques et il est assez curieux de voir que certains Canadiens apprécient l'idée d'aller chercher auprès d'intérêts privés l'aide financière nécessaire aux affaires publiques. À mon avis, c'est incompatible. Si on m'écoutait, les campagnes publiques ou les élections seraient financées exclusivement par l'État.

Je ne me mêle pas des élections du conseil d'administration d'Eaton's, de la Baie ou d'Inco. C'est une affaire privée et je ne crois pas que les administrateurs veuillent faire appel à quelqu'un en dehors de leur cercle. Ils se sentiraient obligés de faire des compromis s'ils demandaient l'aide financière de tiers. C'est la même chose pour les élections.

De plus, c'est vrai que notre système est relativement généreux, je vous le concède—mais je pense qu'il devrait l'être encore plus—la vérité, c'est que ça ne suffit pas. On voit des partis politiques—et je vais prendre le mien comme exemple. Nous devons encore organiser de vastes campagnes de financement, surtout à l'échelle du parti. J'ai assisté à de nombreuses activités de financement. Et qui est-ce que j'y vois? Des avocats, des comptables agréés, de riches gens d'affaires. Ça ne peut qu'accroître le cynisme de la population qui se dit: «Ah, regardez- moi ces libéraux ou ces conservateurs. Ils sont en compagnie de dirigeants de grandes entreprises, d'avocats, de comptables agréés, de gens bien nantis.»

• 1205

Je suis très mal à l'aise quand je vois ça. J'aimerais croire que tous mes partisans sont des quidams et que je ne suis redevable à personne.

Personnellement, Chuck, je ne veux pas vraiment savoir qui est le plus important bailleur de fonds de ma campagne, mais c'est impossible de l'ignorer et ça a toujours un certain effet. J'ai très peu de gros donateurs, mais il y en a probablement trois ou quatre qui versent jusqu'à 1 000 $ environ. Quand ils viennent me voir à mon bureau, je ne peux pas m'empêcher de penser que cette personne a fait un don important à ma campagne. Je veux croire qu'en définitive, je ne la traite pas différemment des autres, mais quelque chose en moi me dit que cette personne reçoit en fait un traitement de faveur. Pourtant, je ne le veux absolument pas.

Je crois donc qu'il faut faire tout en son possible pour accroître le financement des campagnes par l'État. Je ne pense pas que faire porter la subvention de 75 p. 100 sur une première tranche de 200 $ au lieu de 100 $ fausserait le jeu et pourtant, ça en aiderait certains. De nos jours, on ne va pas loin avec 100 $.

Le président: John Solomon.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Je vais commencer par faire deux observations puis je poserai à M. Rocheleau et à M. Harvard une question qui a peut-être déjà été posée.

Au sujet du financement des tiers, je suis convaincu que les tiers—c'est-à-dire les parties qui ne sont pas des partis politiques—ont quatre années moins cinq semaines pour dépenser de l'argent dans le but d'infléchir l'opinion qu'ont les gens des partis politiques; il est donc mauvais et inacceptable pour une foule de raisons de les inclure dans les campagnes électorales.

D'ailleurs, nombre de ces organismes sont subventionnés par l'État puisqu'en faisant des dons à des organisations comme la Croix-Rouge ou la National Citizens' Coalition, on obtient des déductions d'impôt sur le revenu des entreprises et même bien souvent sur le revenu personnel. On peut donc dire que ces organismes participent aux débats dans le pays pendant les quatre années d'une législature, exception faite des cinq semaines de campagne.

Leur participation aux campagnes électorales fait problème parce qu'un parti politique, durant une campagne, a trois points de mire. Le premier, c'est le chef, le second, c'est le candidat dans la circonscription, et le dernier mais non le moindre, au contraire, c'est la politique des divers partis.

Donc, pendant une campagne électorale, on devrait débattre du pour et du contre, des avantages et des inconvénients des politiques des partis, et non tenter de répliquer aux 65 organisations dans une circonscription qui font de la publicité et qui diffusent souvent des informations trompeuses. Il faut reprendre la situation en main assez rapidement, en particulier avant les prochaines élections.

Je souscris donc à la proposition de M. Harvard.

En ce qui concerne le financement, je voudrais savoir, John, si on a calculé combien coûterait au Trésor la décision de doubler le montant de 100 $ sur lequel on peut bénéficier d'un crédit de 75 p. 100? Est-ce qu'on a une idée de ce que coûterait cette hausse au Trésor?

Avant d'écouter votre réponse, je voudrais poser à M. Rocheleau une autre question.

Je souscris à la plupart de vos recommandations puisque je suis moi-même un organisateur de longue date du parti. Vous avez mis dans le mille, en particulier en ce qui concerne les bulletins spéciaux, parce que si les agents des divers partis ne prennent pas les choses en main très rapidement et sans rien omettre, il risque d'y avoir des abus.

J'ai toutefois une question au sujet de votre proposition sur le dépouillement; à l'heure actuelle, on vide le contenu de l'urne sur la table avant de compter les bulletins et vous, vous proposez de les sortir un par un. Vous dites que c'est la méthode utilisée en vertu de la Loi électorale du Québec.

Je voudrais donc savoir ce qui est arrivé lors du dépouillement des bulletins au référendum pour qu'il y ait tant de problèmes? Est-ce à cause de la méthode utilisée en vertu de la Loi électorale du Québec ou est-ce qu'il y a eu d'autres problèmes dus à la confusion qui régnait et aux allégations de vote frauduleux? Était-ce à cause de la Loi électorale du Québec ou des agents nommés pour des raisons politiques? Y avait-il d'autres raisons?

• 1210

Le président: Nous allons écouter Yves Rocheleau d'abord et John Harvard ensuite.

[Français]

M. Yves Rocheleau: À ce que je sache, il n'y a pas eu de problème avec la Loi référendaire au dernier référendum. Vous faites sans doute allusion au comté montréalais où on aurait eu, d'après ce qui a été dit, un taux d'annulation de votes plus important. Or, statistiquement, il a été démontré que c'était un faux problème qui avait été soulevé par la presse montréalaise.

Par ailleurs, nous suggérons qu'on se base sur la loi québécoise. En effet, au lieu de déverser tous les bulletins de vote sur la table, avec le danger qu'il y en ait qui tombent par terre et que cela fausse le résultat, il faudrait qu'on prenne les bulletins de vote un par un pour identifier la personne qui a été élue. C'est très technique, mais cela peut avoir son importance dans le contexte d'un résultat serré.

[Traduction]

M. John Solomon: Comme question supplémentaire, l'inverse est vrai aussi. En Saskatchewan, on sort tous les bulletins et on les remet dans l'urne au fur et à mesure qu'on les compte, puis l'urne est scellée. C'est l'un ou l'autre. Soit on les compte après les avoir versés sur la table, soit on les compte au fur et à mesure qu'on les sort de l'urne. On peut obtenir un nombre—on peut en avoir échappé un sur la table et l'avoir remis dans l'urne. La marge d'erreur est de 50 p. 100 pour les deux méthodes.

La solution, c'est de s'assurer que les agents des partis assistent au dépouillement et vérifient sur le registre du scrutin. Le registre donne le nombre total de bulletins et si les chiffres ne concordent pas, c'est qu'il y a un problème dans tout le bureau de scrutin. Il y a des dispositions visant de telles situations, mais je serais curieux de savoir ce qui est arrivé au Québec.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Je crois comprendre qu'au fédéral, on prend la boîte et on la vide, avec tout les dangers que cela sous-entend. Au Québec, et peut-être en Saskatchewan, on prend les bulletins un par un et on les comptabilise en faveur de tel ou tel candidat. Comme tous les bulletins sont pliés, il y a un danger d'erreur si on veut les déplier tous simultanément. Il y en a qui peuvent tomber par terre et cela crée mille problèmes. C'est la raison pour laquelle nous suggérons la technique de les prendre un par un et de les trier en faisant des piles correspondant à chaque personne choisie. Les bulletins de vote étant dépliés, il y a moins de danger.

[Traduction]

Le président: John Harvard.

M. John Harvard: Pour répondre à la question de M. Solomon, je n'ai pas de chiffres sur ce que ça coûterait. Je suppose que ça ne coûterait pas très cher. Je pense qu'il faut considérer notre démocratie comme quelque chose d'assez précieux. Oui, ça coûtera plus cher, mais je pense que ça vaut la peine.

Monsieur le président, puis-je faire une observation sur la position de M. Strahl au sujet de la représentation proportionnelle? Je sais que c'est un concept attrayant, mais je pense que nous perdons de vue les avantages de notre scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il y a maintenant dix ans que je suis député fédéral et plus le temps passe, plus j'apprécie notre système. Je l'apprécie parce que, la plupart du temps, il produit des majorités stables. C'est important pour un gouvernement quel qu'il soit, même pour un gouvernement dont je n'approuverais pas l'idéologie, d'être en mesure d'exercer le pouvoir et de remplir ses engagements électoraux.

Si l'on adopte un système de représentation proportionnelle, on risque d'avoir des gouvernements minoritaires et toutes sortes de coalitions. Je ne suis pas vraiment partisan de ça. Quand je regarde ce qui se passe dans d'autres pays comme Israël et l'Italie, je trouve qu'il y a beaucoup d'instabilité.

De plus, je trouve que même sans la représentation proportionnelle, les divers points de vue se font très bien entendre. Prenons votre parti comme exemple, monsieur Strahl. Votre parti—qui a dix ans—se débrouille assez bien. Je crois que vos opinions ont été reprises dans plusieurs domaines de notre vie politique. Vous y êtes parvenus sans la représentation proportionnelle.

Le président: Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Je voudrais faire une observation qui ressemble à celle de M. Richardson. Je sais que j'en ai longuement parlé quand on a étudié le projet de loi C-69. En passant, je suis d'accord avec lui. Nous sommes ici pour représenter des gens, pas un endroit. À mon avis, la possibilité qu'offre l'une des recommandations du directeur général des élections qui souhaiterait une analyse des régions à forte croissance et un redécoupage aux cinq ans...

• 1215

L'autre soir, j'étais déçue qu'aucun des partis ne semble l'entériner. J'ai servi une région où il y avait 362 000 personnes et la géographie était le moindre de mes soucis. C'était dur. Le nombre de personnes, le nombre de préoccupations, les lettres à l'immigration—la charge de travail était astronomique. Quand on sert un territoire étendu, c'est problématique, mais il y a le téléphone, le télécopieur, le courrier électronique, l'Internet et le courrier franc de port.

Qu'est-ce qui nous intéresse: les mécanismes électoraux ou servir nos électeurs? Pour servir nos électeurs, on dispose actuellement d'un système très moderne et d'une foule de moyens de communication. Dans le temps, quand les circonscriptions étaient délimitées d'après la distance qu'on arrivait à parcourir à cheval en une journée, on n'avait pas tous ces avantages. Je voudrais bien qu'arrivés en l'an 2000, on tienne compte non de la géographie, mais du fait qu'il faut être au service des gens.

Le redécoupage aux cinq ans vise exclusivement les régions à forte croissance et je pense que c'est essentiel, surtout là où la population est variée. Dans ma circonscription, on parle 33 langues différentes et c'est très difficile.

Toujours suite aux propos de M. Richardson, je veux dire aussi qu'il faudrait plafonner le nombre des circonscriptions. On ne peut pas continuer à en ajouter jusqu'à ce qu'il y ait 1 000 députés à la Chambre des communes. On ne pourra pas y entrer tous.

Même si je n'ai droit qu'à 25 000 $ de plus pour mon budget qu'un député de l'Île-du-Prince-Édouard représentant 19 000 personnes, il me reste chaque année 5 p. 100 de mon budget. C'est donc réalisable. Certains ont d'immenses circonscriptions, mais nous sommes tous sur le même pied. Tous nos électeurs ont accès également à leur député, à ses services et tous en ont autant pour leur argent et leur vote.

Je voudrais aussi traiter brièvement cette notion de publicité par les tiers. En 1993, je me suis présentée contre un conservateur bien connu, M. Bob Horner qui n'était pas entouré de collaborateurs très brillants. Environ trois jours avant le scrutin, une entreprise de distribution qui faisait en fait partie de la vie privée de mon directeur de campagne, a reçu un dépliant qu'elle était censée faire distribuer et qui avait pour titre: «Parrish the Thought». Charmant, n'est-ce pas?

Les idiots qui agissaient comme directeurs de la campagne de M. Horner avaient eux-mêmes signé la commande pour faire distribuer ce papier. C'était un ramassis de calomnies, vraiment injurieux. On y racontait au sujet de ma vie privée des choses inventées de toutes pièces qui me donnaient un air terriblement exotique. J'aurais probablement recueilli encore plus de votes.

J'ai téléphoné à M. Horner pour lui dire qu'il avait deux problèmes. Le premier, c'est que ces idiots avaient eux-mêmes signé la commande et que je pourrais donc le ruiner en engageant des poursuites après les élections. Le second, c'est qu'il serait obligé d'ajouter les frais de cette initiative à ses dépenses d'élection puisque son directeur de campagne avait lui-même signé la commande de distribution et qu'il ne pouvait donc être considéré comme un tiers.

Et c'est là qu'il y a risque d'abus. S'ils avaient eu un gars un peu plus futé pour signer la commande de distribution, le dépliant aurait pu être considéré comme de la publicité par un tiers qui se serait appelé «Parrish the Thought Committee». Il aurait été impossible de remonter jusqu'à M. Horner qui, je le précise, a mis un terme au projet. L'impression lui a coûté cher et le distributeur lui a fait payer pour la distribution même s'il l'a empêchée après que je lui aie passé un coup de fil.

Il y a un risque faramineux d'abus par les tiers aux élections. Ce n'est pas parce que lui était entouré d'imbéciles qu'un autre, mieux épaulé, ne pourrait pas faire la même chose.

Je n'ai pas vraiment de questions à poser à l'un ou à l'autre des témoins. Je voulais seulement faire ces deux observations.

Nous devons repenser à ce qu'a dit John sur le fait que nous représentons des gens et que tous les suffrages doivent avoir la même valeur—la représentation selon la population. Les provinces qui connaissent d'importants changements démographiques et même les régions qui changent beaucoup devraient être redécoupées aux cinq ans. Il ne faut pas multiplier les circonscriptions. On devrait s'en tenir à 301 députés aux Communes et repenser plutôt la façon dont on s'occupe des grandes circonscriptions. Bonne chance à ceux qui représentent de petites circonscriptions, mais il faut analyser la situation équitablement.

Le président: Je veux remercier nos collègues, John Harvard de Charleswood—Assiniboine au Manitoba et Yves Rocheleau de Trois- Rivières au Québec, pour leurs exposés et leurs mémoires écrits. Nous vous sommes reconnaissants de vous être donné la peine de présenter quelque chose sur ce sujet très important.

Chers collègues, à notre réunion de jeudi matin, 11 h 00, nous allons entreprendre l'étude préliminaire d'une question de privilège qui nous a été renvoyée. Merci beaucoup.

La séance est levée.