Publications de la Chambre
Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 137
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 19 octobre 1998
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LES SALAIRES POUR LES PÈRES ET LES MÈRES AU FOYER |
M. Guy St-Julien |
Motion |
M. Eric Lowther |
M. Paul Crête |
Mme Libby Davies |
M. David Price |
M. Paul Szabo |
M. Lynn Myers |
M. Garry Breitkreuz |
M. Guy St-Julien |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET LES |
Projet de loi C-54. Deuxième lecture |
L'hon. John Manley |
M. Werner Schmidt |
Mme Francine Lalonde |
M. Nelson Riis |
M. Sarkis Assadourian |
M. Jim Jones |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LA SEMAINE D'ACTION DES ÉTUDIANTS |
M. Peter Adams |
LE SOMMET DE L'APEC |
M. Jim Abbott |
LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE BRIAN DICKSON |
Mme Eleni Bakopanos |
LE CENTRE NATIONAL DES SPORTS |
M. John Cannis |
LE PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL |
Mme Jean Augustine |
LE SÉNAT |
M. Leon E. Benoit |
LE MOIS DE L'HISTOIRE DES FEMMES |
Mme Sarmite Bulte |
LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE BRIAN DICKSON |
M. Ian Murray |
LE CABINET |
M. Gurmant Grewal |
MME JULIE PAYETTE |
M. Bernard Patry |
LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE |
M. Peter Stoffer |
M. ANDRÉ O. DUMAS |
LES CENTRES D'EXCELLENCE |
M. Claude Drouin |
LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE |
M. David Price |
SERVICES À LA FAMILLE-CANADA |
M. Mac Harb |
LE PRIX NOBEL DE LA PAIX DE 1998 |
M. Daniel Turp |
LE PARTI PROGRESSISTE-CONSERVATEUR DU NOUVEAU-BRUNSWICK |
M. John Herron |
QUESTIONS ORALES |
L'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DE L'APEC |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Jim Abbott |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Jim Abbott |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Andy Scott |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Richard Marceau |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Richard Marceau |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Svend J. Robinson |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Svend J. Robinson |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Peter MacKay |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Peter MacKay |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Dick Harris |
L'hon. Andy Scott |
M. Dick Harris |
L'hon. Andy Scott |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Paul Crête |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LE SÉNAT |
M. Art Hanger |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Art Hanger |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Paul Martin |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Paul Martin |
LE SÉNAT |
Mme Val Meredith |
L'hon. Stéphane Dion |
Mme Val Meredith |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LE PLAN D'ACTION CANADIEN SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE |
M. Larry McCormick |
L'hon. Lyle Vanclief |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. John Cummins |
L'hon. Jane Stewart |
M. John Cummins |
L'hon. Jane Stewart |
L'ENQUÊTE SUR LE SOMMET DE L'APEC |
M. Bill Blaikie |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Sergio Marchi |
L'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DE L'APEC |
M. Peter MacKay |
L'hon. Andy Scott |
M. Peter MacKay |
Le très hon. Jean Chrétien |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
Mme Judi Longfield |
L'hon. Allan Rock |
LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA |
M. Randy White |
L'hon. Andy Scott |
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT |
M. Benoît Sauvageau |
L'hon. Sergio Marchi |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Yvon Godin |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA FISCALITÉ |
M. Scott Brison |
L'hon. Paul Martin |
LE COMMERCE |
M. Bill Graham |
L'hon. Sergio Marchi |
LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA |
M. Jay Hill |
L'hon. Andy Scott |
QUESTION DE PRIVILÈGE |
La Fondation canadienne des bourses du millénaire |
M. Randy White |
L'hon. Don Boudria |
Mme Diane Ablonczy |
M. Nelson Riis |
Le Président |
AFFAIRES COURANTES |
LOI RÉFORMISTE SUR LA PRÉVENTION DES EXACTIONS |
Projet de loi C-442. Présentation et première lecture |
M. Gurmant Grewal |
LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE |
Projet de loi S-11. Première lecture |
Mme Diane St-Jacques |
PÉTITIONS |
La communauté chinoise en Indonésie |
M. Jacques Saada |
La famille |
M. Paul Szabo |
L'alcool |
M. Paul Szabo |
La Loi sur les jeunes contrevenants |
M. Roy Bailey |
Le mariage |
M. Roy Bailey |
Les armes nucléaires |
M. Norman Doyle |
Le projet de loi C-68 |
M. Jean-Guy Chrétien |
Le projet de loi C-225 |
M. John Richardson |
La justice |
M. Howard Hilstrom |
Le projet de loi C-225 |
M. Howard Hilstrom |
L'avortement |
M. Howard Hilstrom |
L'Accord multilatéral sur l'investissement |
M. Nelson Riis |
La cruauté envers les animaux |
M. Nelson Riis |
Le projet de loi C-68 |
M. Paul Crête |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
L'Hon. Allan Rock |
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS |
M. Peter Adams |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET LES |
Projet de loi C-54. Deuxième lecture |
M. Jim Jones |
M. Walt Lastewka |
M. Pierre de Savoye |
M. Paul Crête |
M. Alex Shepherd |
M. Pierre de Savoye |
M. Jean-Guy Chrétien |
M. Lynn Myers |
M. Pierre de Savoye |
M. Paul Crête |
M. Pierre de Savoye |
M. Jean-Guy Chrétien |
M. Pierre de Savoye |
M. John Bryden |
M. John Bryden |
M. Pierre de Savoye |
M. Jean-Guy Chrétien |
M. Pierre de Savoye |
M. John Bryden |
Mme Angela Vautour |
M. John Bryden |
M. Claude Bachand |
MOTION D'AJOURNEMENT |
L'amiante |
M. Jean-Guy Chrétien |
M. Jacques Saada |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 137
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 19 octobre 1998
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Français]
LES SALAIRES POUR LES PÈRES ET LES MÈRES AU FOYER
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.) propose:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer pour accorder un salaire aux mères et pères qui restent au foyer pour élever leurs enfants.
—Monsieur le Président, le 7 octobre 1997, j'ai déposé au Feuilleton et Feuilleton des Avis de la Chambre des communes une motion qui se lit comme suit:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer pour accorder un salaire aux mères et pères qui restent au foyer pour élever leurs enfants.
Je remercie le député libéral de Mississauga-Sud qui a appuyé la motion que je présente aujourd'hui.
Depuis plusieurs années, avec la collaboration de plusieurs Canadiens et Canadiennes, nous faisons la promotion de cette motion. Le 28 avril 1998, j'ai déclaré ce qui suit à la Chambre: «Dans la tâche d'élever des enfants, les parents Canadiens et Québécois semblent pleins de bonnes intentions en ce qui concerne le partage du travail.»
J'affirme que les Canadiens et Canadiennes doivent reconnaître la contribution des parents dans l'éducation de leurs enfants et que les gouvernements doivent leur offrir à cet égard un soutien maximal. Pour moi et pour plusieurs personnes au Canada, un revenu annuel garanti reste un outil important pour enrayer la pauvreté.
Un comité libéral ad hoc a été formé en avril dernier, à l'instigation du ministre des Finances, pour examiner les solutions possibles au problème du travail non rémunéré à la maison.
La réalité, en plus, c'est que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'endroit des parents canadiens qui choisissent de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants, surtout pour une famille de plusieurs enfants.
En voici un exemple: la famille Côté-Germain du 1016, rue Quessey, à Val d'Or, en Abitibi a reçu cette année une importante diminution de 280 dollars par mois de leur prestation fiscale pour enfants. Cette famille compte présentement neuf enfants et, dans quelques mois, en comptera un dixième. Ils sont 11 personnes qui vivent avec un seul revenu familial annuel, soit un salaire brut de plus de 55 000 $, et en plus, ils n'ont pas droit à un retour de la TPS.
Le gouvernement du Canada ne tient pas compte du nombre d'enfants dans ses lois fiscales. Nous devons revoir notre approche et concevoir des lois qui devront être justes pour les familles canadiennes.
J'aimerais remercier Mme Beverley Smith, de Calgary, qui, depuis plusieurs années, travaille avec un groupe d'intervenants canadiens pour obtenir un salaire pour la femme ou l'homme au foyer qui élève ses enfants. La population de l'Abitibi et les députés canadiens connaissent depuis plusieurs années mes intentions dans le but d'accorder un salaire à la mère ou au père qui reste au foyer pour élever les enfants.
Mesdames et messieurs les députés, je vous laisse la parole. Les parents canadiens veulent connaître vos intentions sur la motion que je présente aujourd'hui.
[Traduction]
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion présentée par le député de l'Abitibi. À l'intention des nombreuses personnes qui nous regardent j'estime qu'il convient de la lire:
Que de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer pour accorder un salaire aux mères et pères qui restent au foyer pour élever leurs enfants.
Depuis de nombreuses années, malgré les préoccupations exprimées par bon nombre de familles canadiennes à ce sujet et malgré l'intense campagne de lobbying menée par plusieurs députés de la Chambre, dont des députés libéraux, le gouvernement a décidé de privilégier une approche de la garde d'enfants financée par l'impôt. Et cette approche, c'est le service de garde en établissement, le service de garde officiel, par opposition à la garde assurée par les parents ou par la famille élargie.
Je croyais que le Cabinet libéral et le ministre des Finances allaient profiter du budget qui est actuellement en vigueur pour exaucer enfin les voeux des parents qui souhaitent que cesse cette discrimination à l'endroit des formules de garde que les parents peuvent préférer pour leurs enfants , y compris celle consistant en la présence continuelle d'un parent à la maison. Ils ont augmenté la déduction des frais de garde d'enfants en établissement de plus de 2 000 $ par enfant, mais ils n'ont pas daigné reconnaître la valeur, pécuniaire et autre, des autres formes de garde d'enfants. Voilà ce qu'ils ont fait.
J'ai consulté un certain nombre d'études qui, toutes, insistent sur l'importance de la garde assurée par les parents pour le maintien à long terme de la stabilité émotive des enfants. Mettons ces études de côté et demandons-nous pourquoi le gouvernement se garde bien de traiter les divers choix des parents sur un pied d'égalité. S'il accorde une réduction pouvant aller jusqu'à 7 000 $ au titre des frais de garde en établissement, pourquoi les parents qui préfèrent d'autres formules ne bénéficient-ils pas du même traitement? Telle est la question que les parents se sont posée et se posent encore depuis le dépôt du budget qui les a oubliés une fois de plus.
La motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui, qui demande que les parents soient considérés comme des employés du gouvernement et qu'à ce titre le gouvernement leur accorde un salaire, constitue peut-être la meilleure solution que puisse imaginer le gouvernement libéral, mais il ne fait aucun doute que nous pouvons l'améliorer de beaucoup encore. J'apprécie la motion du député qui tente de faire reconnaître l'importance du travail accompli par les parents qui restent à la maison pour élever leurs enfants. J'espère sincèrement que c'est un réel début. Toutefois, étant donné la détermination du gouvernement fédéral qui ne veut subventionner que les garderies et qui a augmenté les déductions d'impôt à cette fin il y juste huit mois, il ne faut guère s'attendre à ce que les choses changent sous cette administration. Les parents continueront à s'entendre dire par l'intermédiaire du régime fiscal que le seul système valable est de confier le soin d'élever les enfants à des étrangers. C'est terrible.
Espérons que le débat d'aujourd'hui amènera le gouvernement à envisager enfin d'apporter au régime fiscal les changements que réclame depuis longtemps le Parti réformiste afin que le système soit plus équitable pour les familles.
Examinons sérieusement la motion. Elle demande au gouvernement d'accorder un salaire aux parents. Cela laisse-t-il aux parents la liberté de choisir la solution qu'ils jugent préférable dans leur cas? Cela leur permet-il de faire ce choix et d'avoir droit au même traitement en ce qui concerne les impôts? Est-ce vraiment simple?
Des parents m'ont posé ces questions. Comment cela fonctionnerait-il? Si les parents travaillent à temps partiel et qu'ils confient leurs enfants à la garderie une partie de la journée et s'en occupent eux-mêmes à la maison le reste du temps, ont-ils droit à un salaire à titre de parents qui restent au foyer pour élever leurs enfants? Qu'arrive-t-il si un grand-parent ou un membre de la famille élargie s'occupe des enfants pendant que les parents travaillent, que les enfants sont à l'occasion confiés à une garderie et que trois jours par semaine, maman est à la maison pendant une partie de la journée? À quoi ont droit les parents dans ce cas?
Il y a des familles où les parents travaillent par équipe à des heures différentes. Un parent s'occupe des enfants à la maison pendant la journée, l'autre le soir et il y a une heure de battement où les enfants sont confiés à une gardienne. Ces parents ont-ils droit à un salaire? Tous les deux travaillent mais restent à la maison pour s'occuper des enfants.
Ajoutez à cela que la vie évolue, que la situation peut changer, qu'il y a la maladie, les changements d'emplois, les déménagements, etc... Les arrangements pris par la famille pour s'occuper des enfants peuvent souvent changer plusieurs fois au cours d'une même année.
Imaginez-vous essayer de faire tout cela sur une formule de déclaration d'impôt déjà trop complexe. Est-ce que cela n'est pas un stress supplémentaire pour la famille? Il y a peut-être une meilleure façon. J'en connais, et je vais vous en parler dans un moment.
Laissez-moi d'abord vous demander si vous ne pensez pas que les familles canadiennes se préoccupent de leur pays et de la gestion généralement prudente du gouvernement? Je pense que si. Pourquoi voudraient-ils alors payer autant d'impôts? Il faut rappeler que le gouvernement libéral a augmenté les taxes et les impôts 37 fois depuis son accession au pouvoir. Pourquoi les gens voudraient-ils payer ces lourds impôts au gouvernement pour que Revenu Canada en redonne une partie aux mêmes contribuables? C'est une manoeuvre bureaucratique coûteuse. Où se trouve la valeur ajoutée lorsque l'argent transite par Revenu Canada? Versez un dollar et récupérez 75 cents. La différence paie la bureaucratie.
Pourquoi ne pas simplement laisser le dollar à la famille? Cela serait plus économique pour tout le monde. La famille paierait moins d'impôt et aurait plus d'argent de reste lorsqu'elle en a besoin. Les autres contribuables n'auraient pas à payer le coût de la perception de l'argent et de sa redistribution.
Le Parti réformiste, sous l'impulsion de ses membres, c'est-à-dire de milliers de familles canadiennes, demande depuis longtemps un régime fiscal juste pour les familles au chapitre des frais de garde des enfants. Au lieu d'une simple déduction pour les frais de garderie, les réformistes ont proposé un crédit d'impôt qui serait accordé à tous les parents. Ce crédit par enfant pourrait être déduit directement de l'impôt que les parents doivent acquitter, ce qui fait qu'ils pourront disposer de cet argent à leur guise pour choisir le mode de garde d'enfants qu'ils préfèrent.
Si la famille n'a pas d'impôts à payer, le crédit leur serait versé sous forme de remboursement d'impôt. Ainsi, tout le monde recevrait la même compensation financière pour la garde des enfants, quelle que soit le mode de garde choisi. Par ailleurs, cela n'ajouterait pas à la bureaucratie de Revenu Canada.
Finalement, examinons la notion de payer quelqu'un pour son travail de parent. La proposition de la motion libérale d'aujourd'hui donne l'impression que le parent qui reste à la maison est un employé de l'État. En fait on embaucherait les parents et on les paierait avec leur propre argent. C'est bien étrange. Finirait-on par attacher des conditions à ce salaire? N'est-il pas concevable que l'on en vienne à demander aux parents qu'ils suivent certaines règles, faute de quoi ils pourraient perdre leur salaire? Est-ce que j'étire la vérité? Peut-être, mais pourquoi aller dans cette voie? Nos manuels d'histoire sont remplis de faits que l'on n'aurait jamais pensé voir se produire. Mais ils se sont tout de même produits. Les parents mettent-ils des enfants au monde pour qu'ils deviennent fonctionnaires de l'État? Non. Les parents mettent des enfants au monde pour les aimer et pour constituer une famille.
Il est préférable de reconnaître que le fait de préparer la prochaine génération de Canadiens entraîne des coûts et une contribution sociale de la part des parents et d'accorder le même allégement fiscal à tous, sans égard aux différents modes de garde de leurs enfants. Aucun salaire ne peut représenter de façon juste l'interaction entre des parents aimants et leurs enfants et je ne crois pas qu'il soit approprié de tenter d'en fixer un.
En résumé, je suis heureux de constater que la motion reconnaît les injustices et la discrimination subies par les parents qui restent au foyer pour prendre soin de la famille. Malheureusement, le gouvernement adopte encore, comme il le fait souvent, une méthode inefficace qui accroît à la fois la dépendance envers lui et le gaspillage d'argent. On pourrait plutôt remplacer la déduction pour frais de garde d'enfants par un crédit totalement remboursable, ce qui serait beaucoup plus efficace pour combler les injustices actuelles dans la structure fiscale. Ce crédit serait indépendant du mode de garde choisi. De plus, il permettrait de réduire les frais généraux pour la famille comme pour le gouvernement.
Cette façon de rationaliser le système d'imposition des familles au Canada que le Parti réformiste préconise depuis de nombreuses années est simple, flexible et efficace. Et ce qui importe surtout, c'est une méthode avantageuse pour les familles canadiennes et pour les enfants dont elles ont la garde.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur cette motion, au nom de la population du comté de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques.
La motion à l'étude se lit ainsi:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer pour accorder un salaire aux mères et pères qui restent au foyer pour élever leurs enfants.
Ma première réflexion est que le député d'Abitibi—Baie James—Nunavik met sur la place publique un débat intéressant, mais sa position est très naïve ou très ignorante de la réalité.
Tout le monde au Canada sait que la politique familiale est une responsabilité des provinces. C'est la responsabilité du gouvernement du Québec. En outre, le député libéral qui fait partie de la majorité, en faisant une proposition semblable, entre en flagrante contradiction avec ce que son gouvernement a fait depuis plusieurs années.
Rappelons-nous qu'en 1993, parmi les engagements électoraux des libéraux, il y avait celui d'un service de garde national pour les enfants. En résumé, on disait:
Nous devons consentir un effort plus grand. [...] Un gouvernement libéral s'engage [...] à créer jusqu'à concurrence de 50 000 places de garderie [...]
On les cherche encore. Le projet a été annulé. On a décidé de reléguer cela aux oubliettes. C'est la première contradiction avec la motion du député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik.
Pendant ce temps, le gouvernement responsable de la politique familiale a mis en place un service de garde à 5 $ qui est tellement populaire, qu'il doit chercher des budgets un peu partout pour pouvoir satisfaire à la demande. Il y a eu une réflexion au Québec pour permettre de trouver la solution adéquate. On l'a mise en place et elle se réalise.
C'est un exemple, et le gouvernement fédéral, les députés fédéraux devraient se limiter à proposer des interventions dans les champs de juridiction fédérale.
On sait bien que cela peut être intéressant en termes de visibilité. Cela peut aussi démontrer de la bonne volonté de vouloir améliorer une situation qui est difficile, effectivement, mais la solution proposée n'est pas la bonne, à mon avis.
Dans leurs consultations prébudgétaires à travers tout le Québec, les députés du Bloc québécois ont tenu des sessions d'information et ont reçu l'avis des citoyens. Je vais donner un exemple.
Un jeune couple de ma circonscription a gagné 20 000 $ dans une année, donc, à peu près 10 000 $ pour chacun des conjoints. Ils ont trois enfants. Ils reçoivent, en fin d'année, leur compte d'impôt et on leur demande de payer, dans un cas, 500 $, dans l'autre, $800. La même journée, ils reçoivent une lettre les avisant qu'ils pourraient mettre 10 000 $ dans un REER. Vous vous imaginez, un couple a gagné 20 000 $ ensemble dans une année, ils ont trois enfants à faire vivre, et on ajoute l'injure à l'insulte en leur disant: «Vous nous devez de l'impôt, mais en plus, vous auriez pu mettre jusqu'à 10 000 $ dans votre REER».
C'est ça, les vrais problèmes de fiscalité qu'il y a présentement au Canada. Ce sont des questions d'indexation de tables d'impôt. Il faut s'assurer que les gens à faible revenu puissent s'en tirer convenablement et pas nécessairement en ajoutant un salaire, tel qu'il est indiqué dans la motion du député.
Le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik est en contradiction avec son propre gouvernement. Rappelons qu'il y a eu des coupures de 42,2 milliards de dollars dans les paiements de transfert aux provinces au cours de deux mandats. Si on voulait vraiment améliorer la situation des familles, est-ce que la motion du député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik ne devrait pas être de remettre l'argent aux provinces, maintenant qu'on va avoir des surplus budgétaires? Est-ce qu'il n'y a pas, de ce côté-là, un besoin beaucoup plus urgent et une solution beaucoup plus réaliste aux problèmes que l'on rencontre?
Il y a aussi un autre exemple de contradiction. Le gouvernement libéral a réduit l'accès des femmes aux congés de maternité, alors qu'il a imposé une réforme de l'assurance-emploi qui augmente de manière importante les conditions d'admissibilité au régime. D'un côté, on voudrait donner un salaire au conjoint qui demeure à la maison, et de l'autre, on restreint les règles de telle façon que les gens, par rapport au congé de maternité, ne peuvent même plus être admissibles au régime d'assurance-emploi. C'est une autre contradiction qui vient temporiser la bonne volonté du député. Je pense qu'il pourrait proposer d'autres champs d'action qui seraient beaucoup plus positifs.
Il y a aussi toute la question de l'équité salariale. On suggère d'accorder un salaire pour le conjoint qui reste à la maison, mais en même temps, on est incapable de respecter les jugements de ses propres tribunaux qui ont demandé que, pour un travail comparable, il y ait un salaire égal. Cela a été confirmé par un tribunal et maintenant, le gouvernement fédéral «chique la guenille» pour ne pas avoir à payer des sommes qui sont dues. On a refusé de se rendre à une entente hors cour; un jugement a été rendu, et maintenant, on ne veut pas le respecter. C'est un autre exemple de mauvaise foi.
Même si la motion du député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik présume d'une bonne intention, les solutions ne sont pas du bon ordre.
Le Bloc québécois propose des solutions constructives, et je vais les répéter. La première, c'est d'utiliser les surplus pour rétablir les transferts sociaux aux provinces. Si on donne leur part aux provinces, elles vont pouvoir décider, dans leurs champs de juridiction où elles ont compétence, de mettre l'argent à la bonne place, de juger quels sont les bons investissements à faire et, en conséquence, cela permettra aux gens d'avoir un revenu adéquat pour assurer le bien-être économique de leurs familles.
La deuxième solution est de négocier de bonne foi avec le gouvernement du Québec pour que ce dernier soit en mesure de mettre pleinement en application sa nouvelle politique familiale. On demande aussi au gouvernement fédéral de retirer sa demande d'appel devant la Cour fédérale dans le litige concernant l'équité salariale dans la fonction publique et de modifier l'assurance-emploi afin de permettre une plus grande accessibilité aux congés de maternité.
La question de la rémunération des conjoints à la maison est un problème complexe qu'il faut analyser en profondeur. Il faut aller voir ce que les groupes de femmes en pensent. Il faut examiner les solutions qui peuvent être mises sur la table.
Il y a un problème auquel il faut trouver une solution. Habituellement, ce sont les femmes qui sont à la maison pendant une trentaine d'années. Lorsqu'arrive le moment de la retraite, elles peuvent se retrouver dans une situation où elles sont soit veuves, soit en situation de divorce ou autre, ce qui fait qu'elles ont à subvenir seules à leurs besoins. Et, contrairement à celles qui ont été sur le marché du travail, elles n'ont pas d'accessibilité à un régime comme le Régime de rentes du Québec ou l'équivalent, le Régime de pensions du Canada.
Au niveau de la protection sociale, il y aurait une réflexion à faire pour s'assurer que les femmes ne se retrouvent pas en situation économique difficile à ce moment de leur vie. Mais la solution ne repose pas nécessairement sur un salaire accordé à la personne qui reste à la maison. Je pense qu'on a besoin de reprendre la discussion autour de toute cette question.
En conclusion, le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik a présenté une question importante pour assurer un revenu satisfaisant dans nos familles. Au niveau des solutions, il a le désavantage de faire partie d'un gouvernement qui n'a pas voulu trouver de solutions à ces problèmes et qui, aujourd'hui, vit avec le résultat de son inaction, c'est-à-dire un accroissement de la pauvreté au Canada. Il y a de plus en plus d'écart entre les pauvres et les riches. Il y a de plus en plus de situations où on décourage les familles d'être des familles.
Il n'y a pas de solutions faciles à ce problème, mais il est nécessaire d'adopter une stratégie globale, une stratégie d'intervention collective qui permettra de trouver une solution intéressante. C'est en ce sens que je souhaite qu'il y ait une stratégie qui respecte les juridictions de chacun. S'il y a un exemple au Canada où on peut montrer que le Québec a une compétence et qu'il est capable de l'exercer adéquatement, c'est de la façon dont il a assuré la défense des droits sociaux.
Présentement, à Québec, il y a quelqu'un qui veut devenir premier ministre, qui n'a plus aucun souci de la protection sociale des gens et qui a décidé de livrer le Québec à l'économie de marché pure et simple. J'ai bien l'impression qu'un message très clair sera envoyé à cet égard à M. Charest pour lui dire que les Québécois ne veulent pas de ce modèle. Ils en ont développé un autre et ils sont capables de continuer à le développer.
Il faut revenir à la motion du député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik en disant que c'est un bon début de réflexion. Il devra élargir le débat au niveau de son caucus pour qu'on puisse, ensemble, trouver des solutions globales pour combattre la pauvreté de la même façon qu'on a mis de l'énergie à combattre le déficit.
Il faut maintenant trouver des solutions plus originales, non pas sur le dos des plus pauvres, pour assurer que dans dix ans, quand nous serons à la retraite, nous puissions dire qu'on a fait notre part pour combattre la pauvreté.
[Traduction]
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole au sujet de la motion dont la Chambre est saisie.
Je remercie le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik d'avoir présenté cette motion, qui nous donne l'occasion de débattre d'une question très importante, c'est-à-dire le rôle des personnes, à savoir des femmes, qui restent à la maison pour élever leurs enfants. Voilà une question très importante qui doit être débattue à la Chambre.
Le Nouveau Parti démocratique croit qu'il est très important de reconnaître le rôle des personnes, en majorité des femmes, qui restent à la maison pour élever leurs enfants. Les femmes qui travaillent à la maison projettent souvent une image négative dans une société qui semble n'accorder d'importance qu'aux réalisations économiques. En fait, l'éducation des enfants est la tâche la plus importante de chacun comme de l'ensemble de la société.
Dans cette perspective, cette motion s'inspire de principes importants dont nous devons discuter. Un de ces principes est que nos enfants constituent notre plus précieuse ressource et que les personnes qui s'occupent d'eux à temps plein doivent être reconnues pour l'importance du service qu'elles rendent à la société. Ces personnes élèvent ceux qui façonneront la société de demain.
Mon parti éprouve cependant des réserves au sujet de cette motion parce qu'elle est formulée en termes très simplistes et ne tient pas compte du contexte actuel, qui est marqué par une pauvreté et un chômage grandissants et par une diminution constante des choix dont disposent les personnes et parents qui restent à la maison.
Par exemple, quelle garantie avons-nous que le salaire dont fait état la motion sera suffisant pour que les personnes qui restent à la maison, en majorité des femmes, continuent de jouir des possibilités que les femmes ont revendiquées déjà depuis 100 ans? Le salaire dont il est question dans la motion sera, en fait, tellement en deçà du niveau de pauvreté qu'il pourrait, en fin de compte, aboutir au résultat opposé à celui qui est visé. Au lieu de mettre en valeur le travail des femmes à la maison, cette motion pourrait avoir pour effet de dévaloriser leur importante contribution. Au lieu de leur ouvrir des portes, elle pourrait restreindre leurs choix.
Il suffit de se rappeler certaines politiques gouvernementales et de voir la façon dont nous traitons les personnes qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants, pour comprendre à quel point ce rôle est dévalorisé. Voilà le danger que présente cette motion. Les programmes d'aide sociale de la plupart des provinces, par exemple, laissent les gens bien en deçà du seuil de pauvreté. Une bonne partie des prestataires d'aide sociale sont des femmes qui élèvent leurs enfants et qui arrivent à peine à payer leur loyer et à nourrir leur famille. Il suffit de penser à l'assurance-emploi, qui impose des conditions de plus en plus restrictives à un nombre grandissant de femmes, et encore faut-il que ces dernières soient admissibles à des prestations.
Les modifications apportées au règlement font que moins de 40 p. 100 des travailleurs qui payent des cotisations d'assurance-chômage, et dont beaucoup sont des femmes, sont maintenant admissibles. Cela les force à retomber dans la pauvreté et dans une situation où elles n'ont pas les moyens de subvenir aux besoins de base de leur famille. C'est ce genre de décisions de la part des pouvoirs publics qui révèle ce que le gouvernement libéral pense vraiment du rôle des femmes au foyer et des fournisseurs de soins à domicile.
Il suffit de penser à l'équité salariale et à la désastreuse stratégie poursuivie depuis des années par le gouvernement en vue de priver les fonctionnaires fédéraux de ce qui leur revient de droit. La lutte à cet égard dure depuis plus de 14 ans. Le député ferait bien de demander des comptes à son propre caucus et à son propre gouvernement et d'attirer leur attention sur les contradictions et l'hypocrisie des politiques adoptées par le gouvernement actuel et qui, en fait, pénalisent les femmes et les fournisseurs de soins.
Un programme de garderies abordables et de qualité permettrait aux femmes d'avoir des options dignes de ce nom. Par ailleurs, cela garantirait que tous les enfants reçoivent les soins et l'éducation dont ils ont besoin dès leur jeune âge, quel que soit le revenu de leur mère. Il ne fait aucun doute que les familles canadiennes subissent des pressions incroyables. Un taux de chômage élevé et persistant, un marché du travail où les salaires sont stagnants et les emplois rares, et les compressions massives qui ont touché les programmes sociaux et les services publics font qu'il est de plus en plus difficile pour les parents de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Le fait est que des garderies abordables et accessibles et une éducation préscolaire de haute qualité constituent les éléments indispensables d'une stratégie intégrée en vue de subvenir aux besoins des familles. Malheureusement, la motion dont nous sommes saisis n'en parle pas.
Les garderies remplissent, dans notre société, plusieurs fonctions importantes qui améliorent la qualité de vie des enfants et de leur famille, qu'ils soient pauvres ou non. Des garderies et une éducation préscolaire de haute qualité donnent aux enfants les bases nécessaires à une croissance saine et à leur épanouissement tout au long de leur vie. L'accès aux garderies est pour les femmes une source d'égalité car cela leur donne accès au marché du travail et améliore ainsi leurs chances d'accéder à une plus grande égalité financière. De ce fait, nous devrions voir dans les garderies un moyen de lutter contre la pauvreté des jeunes Canadiens.
La triste réalité est que les libéraux, et les conservateurs qui les ont précédés, n'ont jamais pris cette question au sérieux. Ce sont les libéraux qui ont porté le coup le plus dur aux enfants en éliminant le Régime d'assistance publique du Canada, qui était la seule source de financement fédéral pour les garderies réglementées. Aux termes du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, il n'est pas question, à l'heure actuelle, pour le gouvernement fédéral et les provinces de subventionner conjointement des services de garde. Ainsi, rien n'incite les provinces à offrir davantage de places de garderie. En éliminant le Régime d'assistance publique du Canada, les libéraux ont réduit, en fait, de 350 millions de dollars les dépenses fédérales consacrées au service de garde. Cette décision touche avant tout les femmes et les enfants et les plus défavorisés.
Les Canadiens se préoccupent de la garde d'enfants. Un sondage national commandé par le comité directeur des études sur le secteur de la garde d'enfants, effectué par la firme Environics en mai, a permis d'établir que 89 p. 100 des Canadiens considèrent que des services de garde d'une grande qualité constituent un facteur important pour ce qui est d'aider à garantir, à l'avenir, le bien-être socio-économique du Canada. Ainsi, 81 p. 100 des personnes interrogées pensent que le gouvernement devrait élaborer un plan pour améliorer les services de garde et 78 p. 100 voudraient que le gouvernement dépense plus d'argent à l'heure actuelle pour veiller à ce qu'on offre des services de garde de grande qualité à des prix abordables pour les familles. C'est une question extrêmement importante sur le plan de l'accessibilité. Malgré ses promesses, le gouvernement n'a rien fait.
Dans le discours du Trône présenté par le parti de notre collègue, les libéraux ont le culot de dire: «Un de nos objectifs en tant que pays devrait être de nous assurer que tout soit mis en oeuvre pour permettre à tous les enfants du Canada de réaliser leur potentiel.» La vérité, c'est que même si 1,4 million d'enfants profitent d'une forme ou d'une autre de services de garde payés, les organismes en question n'ont pas l'appui d'une politique publique claire et ne peuvent compter sur aucun financement public ou presque. La triste réalité, c'est qu'en moyenne, les employés des garderies gagnent moins que les gardiens de zoo. En 1996, le revenu annuel moyen des dispensateurs de soins dans des services de garde réglementés était de 8 400 $.
C'est le genre de valeur que le gouvernement libéral accorde aux dispensateurs de soins. Je pense que cela soulève de très importantes questions au sujet de cette motion et cela montre qu'elle n'a rien à avoir avec la réalité actuelle au Canada, alors qu'on réduit la capacité des familles de s'occuper elles-mêmes d'enfants à la maison, qu'on donne moins de possibilités aux femmes d'améliorer leur égalité et de s'assurer qu'on offre une éducation aux enfants dès la petite enfance.
En 1993, les libéraux ont laissé tomber leur promesse électorale de 1993 de créer 150 000 nouvelles places de garderie. Le programme de 1997 ne parle même pas de la garde d'enfants. Ce n'est donc que de la frime.
Même si nous sommes en faveur de rémunérer le travail important que les mères et certains pères accomplissent à la maison, la véritable question et l'idéal, c'est que cela devienne une partie intégrante d'une initiative globale beaucoup plus large centrée autour de la petite enfance et de l'éducation, de l'égalité des femmes et de la nécessité d'offrir de véritables options à la maison et sur le marché du travail pour éviter l'accroissement de la pauvreté chez les enfants et les familles. Il s'agit de veiller à ce que des femmes ne se voient pas refuser des prestations d'assurance-emploi et l'équité en matière d'emploi et qu'elles ne soient pas forcées de lutter pour joindre les deux bouts et de vivre au-dessous du seuil de pauvreté lorsqu'elles s'occupent de leurs enfants.
J'exhorte notre vis-à-vis à signaler à son gouvernement la triste réalité et les contradictions qui existent, ainsi que la situation intolérable dont sont victimes des femmes et des enfants à cause des politiques du gouvernement.
[Français]
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, l'honorable député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik travaille sur ce projet depuis longtemps. Lorsqu'il était député du Parti progressiste-conservateur, en 1993, il a présenté une motion similaire. La seule différence, c'est que dans ce temps-là, elle ne s'adressait qu'aux femmes. En cinq ans, il est devenu, non seulement libéral, mais maintenant, il pense aussi aux hommes. Je l'en félicite.
La motion est une bonne idée, mais elle devrait être examinée plus sérieusement. Je pense que tout le monde est d'accord que le travail des parents qui restent à la maison est important et que cela devrait être reconnu d'une certaine façon. Par contre, un salaire garanti de 5,40 $ de l'heure n'est pas vraiment réaliste aujourd'hui. Le député doit réaliser que son propre gouvernement n'acceptera jamais sa motion. Mais c'est quand même bien de pouvoir rêver.
Si le député était sérieux, il examinerait peut-être des solutions plus réalistes. Ma collègue, la députée de Shefford, a présenté une motion à la Chambre visant à indexer la prestation fiscale pour enfants, qui a été adoptée à la majorité. Le député devrait peut-être tenter de convaincre son propre gouvernement de légiférer dans le sens de sa motion.
On pourrait peut-être songer à investir plus d'argent dans les garderies de jour ou accorder des crédits d'impôt. On pourrait peut-être créer des horaires de travail plus flexibles. Le député pourrait aussi mettre de la pression sur son caucus pour que le gouvernement se penche sur ces projets.
Le coût d'un tel projet pourrait se chiffrer à près de neuf milliards de dollars. Je ne pense pas que le gouvernement soit disposé à dépenser une telle somme. Toutefois, je remercie le député d'avoir présenté cette motion, mais, malheureusement, je pense que ce n'est pas vraiment réaliste.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre aujourd'hui la parole au sujet de cette motion. Je félicite le député d'Abitibi d'avoir pris le temps de soulever, parmi toutes les questions qu'il aurait pu choisir d'aborder à la Chambre, la question de la famille et de la nécessité d'investir dans les enfants. Il a su formuler sa proposition d'une manière qui ne lie pas les députés, mais qui nous laisse la possibilité de discuter à nouveau de l'investissement dans l'avenir des enfants et de la famille.
Il n'y a pas de doute que le gouvernement du Canada a pris des mesures positives pour investir dans nos enfants. Par exemple, il a augmenté la prestation fiscale pour enfants, ce qui représente en tout un investissement additionnel d'environ 1,7 milliard de dollars. Est-ce suffisant? Non, mais c'est un début et nous avançons dans la bonne direction.
Le débat ne porte pas sur la pauvreté des enfants. Il porte sur la manière d'investir dans nos enfants pour améliorer leurs possibilités de mieux se développer, physiquement et mentalement, dans des conditions socio-économiques plus avantageuses.
M. Fraser Mustard, fondateur de l'Institut canadien des recherches avancées, a témoigné en octobre 1994 devant le Comité permanent de la santé, dont j'étais membre. M. Mustard nous a fourni amplement de preuves montrant que la condition, dans l'enfance, n'est pas une question de richesse ou de pauvreté, mais qu'elle est plutôt liée à d'autres facteurs ayant trait à la qualité des soins reçus durant la petite enfance.
C'est un point très important. Les gens pauvres peuvent élever des enfants en parfaite santé et bien adaptés. Les gens riches peuvent avoir des enfants dont le développement laisse à désirer. Ce n'est pas simplement le fait d'être riche ou pauvre qui fait la différence. La pauvreté est un facteur aggravant, mais pas un facteur causal.
J'ai consacré beaucoup de temps à cette question, et je veux faire part à la Chambre des conclusions de travaux récents, publiées cette année, montrant pourquoi il importe que les enfants bénéficient des soins directs de leurs parents. Elles ont fait l'objet d'un rapport terminé en avril 1998 et publié en juin 1998 par le chercheur Christopher Ruhm de l'université de la Caroline du Nord.
L'étude fournit des informations démographiques pour la période allant de 1969 à 1994, soit sur 25 ans. Elle concerne neuf pays d'Europe, à savoir le Danemark, la Finlande, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Norvège et la Suède.
L'étude est longue, mais pas sa conclusion. Celle-ci est très importante. Le Dr Ruhm a découvert que la mortalité infantile pouvait baisser de 29,1 p. 100 lorsqu'un congé de maternité payé était offert à la mère, et donc des soins parentaux donnés directement à l'enfant, au cours de la première année de l'enfant. Cette première année est très importante.
L'étude développe un peu cette conclusion. En ventilant la réduction de 29 p. 100 de la mortalité infantile, le Dr Ruhm a découvert plus particulièrement une baisse de 25 p. 100 des morts post-néonatales, c'est-à-dire durant la première année. Vingt-cinq des 29 p. 100, soit presque toute la réduction, concernaient la première année de la vie. Onze p. 100 concernaient la période allant de un à cinq ans.
Il s'agit ici de la qualité des soins prodigués et cela touche à beaucoup de questions. Une question vraiment importante est celle de l'allaitement au sein. Beaucoup de recherches portent sur l'importance de l'allaitement naturel. En février dernier, le président de la Société canadienne de pédiatrie, a dit aux Canadiens, au nom de la société, que la société appuyait entièrement les lignes directrices internationales fixées par l'Organisation mondiale de la santé et l'UNICEF, à savoir que les mères devraient allaiter pendant un an au moins leurs enfants afin que ceux-ci jouissent d'une santé optimale au cours de cette première année.
Les chiffres sont considérables. La société a fait savoir que quelque 1,5 million d'enfants meurent chaque année dans le monde parce qu'ils ne sont pas allaités. C'est là une statistique remarquable que les députés ne devraient pas oublier.
Il ne fait aucun doute pour moi qu'il est important d'investir dans les enfants et qu'il ne s'agit pas seulement d'injecter de l'argent quelque part en espérant qu'il se passera quelque chose. Il s'agit de tenter d'améliorer la qualité des soins donnés aux enfants pendant les années de formation.
Selon le rapport publié en 1994 par le groupe de travail de Carnegie et intitulé «Points de départ», une bonne santé physique et mentale, la capacité d'apprendre à surmonter le stress, à entretenir de bons rapports avec autrui et à développer une attitude positive sont enracinées dans les premières expériences de la vie. Les chercheurs concluent que les facteurs les plus déterminants de la santé sont le milieu où les enfants passent les premières années de leur vie, ainsi que comment et avec qui ils les passent.
Lorsque nous songeons à leur influence sur le développement du cerveau d'un enfant et au fait que 80 p. 100 du développement du cerveau humain est complet dès l'âge de trois ans et que le raisonnement abstrait, la résolution de problèmes et la logique en général sont tous développés dès l'âge d'un an, il ne fait aucun doute, d'après la recherche actuelle, que nous devrions investir dans la première année de vie de nos enfants.
D'autres études ont également été menées, mais je ne m'y attarderai pas, car les députés en sont au courant. De nombreuses initiatives ont été présentées à la Chambre. Il y a eu des projets de loi, notamment le projet de loi C-256 déposé lors de la dernière législature, sur le partage du revenu entre conjoints, pour que l'un d'eux puisse rester au foyer et s'occuper d'enfants d'âge préscolaire.
Il y a eu la motion M-30, portant sur le crédit d'impôt pour aidants naturels. Elle a été adoptée à la Chambre lors de la dernière législature. Elle proposait d'accorder un crédit d'impôt à ceux qui restent au foyer pour s'occuper d'enfants d'âge préscolaire, de malades chroniques, de personnes âgées ou de personnes handicapées. Elle a été adoptée à 129 voix contre 63 à la Chambre. Je connais le nom des 63 députés qui ont voté contre la motion. Ils l'ont fait pour un détail de forme; ils ne voulaient pas appuyer une proposition qui entraîne la dépense de fonds. Il n'en reste pas moins que, lorsque nous avons tenu le débat sur cette question à la Chambre, les députés ont successivement pris la parole pendant les trois heures de débat et ont appuyé le principe que nous devons soutenir les aidants naturels.
Certains laissent entendre que nous devrions peut-être le faire au moyen de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je vais donner un exemple pour illustrer pourquoi cela ne devrait pas se faire ainsi. Cet exemple concerne les mères agricultrices. Selon la Loi de l'impôt sur le revenu, une femme qui travaille sur la ferme familiale n'est pas considérée comme occupant un emploi. Par conséquent, elle n'est admissible ni à la déduction pour frais de garde d'enfants ni à toute autre déduction, car elle n'a gagné aucun revenu. Passer par la Loi de l'impôt sur le revenu serait discriminatoire contre toutes les mères qui travaillent sur la ferme familiale au Canada.
Cette proposition ne tient pas compte non plus des familles monoparentales. Un parent seul qui ne peut pas travailler, donc qui n'a pas de revenu, ne peut tirer absolument aucun avantage de la Loi de l'impôt sur le revenu.
La meilleure solution consisterait à revenir à quelque chose que l'on avait auparavant, les allocations familiales. On versait ces allocations aux parents pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants.
S'il y a des coûts de garde, c'est justement parce qu'il y a des enfants. Le fait d'élever un enfant entraîne forcément des coûts, même quand un parent reste au foyer pour s'occuper directement des enfants.
Ce sont des arguments importants dont il faudrait tenir compte en étudiant une motion comme celle-ci. La question transcende l'esprit de parti. Il arrive que des députés agissent de bonne foi lorsqu'ils parrainent des motions d'initiative parlementaire. Ils ne cherchent pas à réaliser des buts politiques ou à irriter quelqu'un. Ils sont prêts à intervenir à la Chambre et à défendre leurs valeurs, à déclarer à leurs électeurs qu'ils ont à coeur les intérêts de la famille, des enfants.
Encore une fois, je félicite le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik. Il a rendu une service à la Chambre en faisant de nouveau remarquer qu'investir dans les enfants, dans la famille, c'est la meilleure façon de dépenser pour les Canadiens. Je sais que cet avis est partagé par de nombreux députés et j'espère que nous aurons des occasions de plus en plus nombreuses de discuter d'investir dans les enfants, au lieu de nous limiter à la pauvreté qui les afflige. Nous devons en parler, mais en tenant compte de leur santé physique, mentale et sociale. L'aide que nous pouvons accorder pour élever les enfants est en fait la meilleure chose que nous puissions faire pour nos enfants.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole à la Chambre pour discuter de cette importante question. Je dois dire, d'entrée de jeu, que j'ai de sérieuses réserves au sujet de la motion du député. Je me demande si ce que le député propose améliorerait la vie des enfants canadiens plus que les mesures actuellement prises par le gouvernement du Canada et par nos partenaires des provinces et des territoires.
Il serait peut-être utile de prendre en considération les mesures qui visent actuellement à donner à nos enfants toutes les possibilités de s'épanouir pleinement à titre de citoyens canadiens. Je suis certain que c'est là l'objectif que le député souhaiterait atteindre si sa motion était adoptée. Je le félicite de son initiative.
Certains de nos collègues ont déjà souligné l'efficacité de la prestation fiscale canadienne pour enfants et d'autres mesures avantageuses pour les familles qui ont des enfants. Je voudrais parler un peu du Plan d'action national pour les enfants. J'expliquerai d'abord brièvement les circonstances positives qui ont mené à son élaboration.
En janvier 1997, lors d'une réunion du conseil ministériel sur le renouvellement de la politique sociale, les représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont convenu de travailler ensemble à l'élaboration d'un plan d'action national à l'intention des enfants. Dans son discours du Trône de septembre 1997, le gouvernement a confirmé que ce programme figurait au nombre de ses priorités. Voici un extrait de ce discours: «Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux uniront leurs efforts pour élaborer ce plan d'action élargi à l'intention des enfants, en établissant notamment des indicateurs permettant d'en juger le succès.»
La publication de Bâtir notre avenir ensemble et la rencontre des premiers ministres de décembre 1997 ont aussi confirmé la grande priorité accordée à ce programme. En réalité, le Plan d'action national pour les enfants qui a été élaboré à ce jour illustre à merveille ce que l'on peut accomplir lorsqu'on travaille en partenariat.
Le Plan d'action national pour les enfants a une grande portée. Le gouvernement et ses partenaires reconnaissent que le plein développement des enfants touche à de nombreux secteurs, comme la santé, les services sociaux, la justice et l'éducation, pour n'en nommer quelques-uns. Il engage la participation d'une foule de niveaux d'autorité.
Dans un discours prononcé en février 1997 devant la chambre de commerce d'Ottawa-Carleton, le premier ministre a dit que le Plan d'action national pour les enfants constituera «une démarche efficace, moderne et vraiment nationale en matière d'avantages et de services destinés aux enfants et à leur famille.»
Par ailleurs, le gouvernement et ses partenaires ne vont pas réinventer la roue. Le Plan d'action national pour les enfants tablera sur les efforts déjà déployés par les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, les groupes communautaires, les entreprises, les organismes bénévoles, les professionnels des soins aux enfants et, bien sûr, les familles elles-mêmes, sur qui repose la plus grande responsabilité d'assurer le bien-être de leurs enfants.
L'une des grandes dispositions du Plan d'action national pour les enfants, c'est qu'il servira de tremplin pour de futures initiatives et qu'il incitera les partenaires à travailler ensemble à l'enrichissement constant du plan d'action.
D'aucuns se demandent pourquoi un plan d'action est nécessaire. Il existe de solides preuves, fondées notamment sur la recherche scientifique, montrant que ce que vivent les enfants quand ils sont très jeunes influe sur leur santé et leur bien-être le reste de leur vie.
Nous avons besoin d'un plan d'action national pour les enfants parce que, malheureusement, certains enfants canadiens sont particulièrement vulnérables dans le monde d'aujourd'hui, qui change rapidement. Nous savons que même si bien des enfants vivent dans un milieu où ils sont aimés, d'autres sont victimes de mauvais traitements et de négligence et souffrent de problèmes de santé physique et mentale. Il nous faut donc porter attention aux difficultés familiales pour veiller à ce que les enfants désavantagés aient la chance de partir du bon pied dans la vie.
Beaucoup de gens et plusieurs paliers de gouvernement travaillent déjà à aider les enfants canadiens à devenir des adultes sains et bien adaptés. Il est cependant largement reconnu que personne ni aucun organisme ne peut répondre à tous les besoins des enfants. Voilà pourquoi il nous faut réellement un plan d'action national pour les enfants. Il faut adopter une approche vraiment globale et complémentaire pour éviter tout double emploi inutile de services et veiller à ce qu'aucun enfant ne passe entre les mailles du filet de sécurité sociale. C'est très important pour nous tous, Canadiens.
Certaines des initiatives figurant au Plan d'action national pour les enfants ont déjà été annoncées, comme le régime national de prestations pour enfants, par exemple. D'autres, comme les indicateurs de la maturité pour apprendre, constituent une autre priorité à laquelle nous travaillons. Un manque de maturité pour apprendre peut nuire aux chances d'un enfant de réaliser son potentiel. Selon des données de l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, jusqu'à 15 p. 100 de tous les enfants canadiens qui commencent l'école ne sont peut-être pas prêts à apprendre. Les indicateurs de la maturité pour apprendre nous aideront également à établir dans quelle mesure nos enfants sont prêts à apprendre. Cela nous permettra d'évaluer dans quelle mesure exactement nous réussissons à assurer à nos enfants le meilleur départ possible.
Dans le cadre de son Plan d'action national pour les enfants, le gouvernement du Canada élargira également le programme d'aide préscolaire aux autochtones pour en faire bénéficier les enfants amérindiens vivant dans les réserves. Instauré en 1995, le programme d'aide préscolaire aux autochtones aide déjà les enfants amérindiens, métis et inuit vivant dans les centres urbains et dans les grandes localités du Nord à se préparer à entrer à l'école. Cette initiative répond donc au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones qui a souligné l'importance d'accorder une aide analogue aux enfants amérindiens vivant dans les réserves.
Le Plan d'action national pour les enfants établira des centres d'excellence pour le bien-être des enfants. Il est important de le noter également. Ces centres auront pour but de nous aider à comprendre les besoins des enfants en matière de santé physique et mentale et à y répondre, et à comprendre également les conditions essentielles à un sain développement des enfants.
Voilà qui donne un aperçu du Plan d'action national pour les enfants. J'invite le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik à appuyer ce plan d'action et les autres mesures mentionnées aujourd'hui et à collaborer avec le gouvernement à leur mise en oeuvre, avant que nous entreprenions la tâche d'apporter à la loi les énormes modifications qu'exigerait l'adoption de sa motion.
Je crois que nous devrions adopter une approche et en évaluer les résultats avant d'en essayer une autre. J'apprécie l'intention de la motion du député, mais je ne puis l'appuyer pour le moment.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, tous les députés doivent se rendre compte que, de toute évidence, nous avons besoin de plus de temps pour débattre cette très importante question.
En tant que député ayant contribué à l'élaboration de la politique du Parti réformiste en ce qui concerne la famille, je suis très heureux de pouvoir dire quelques mots sur cette motion ce matin.
Je tiens d'abord à énoncer clairement mon point de vue. Le soin de nos enfants est la tâche la plus importante et la plus gratifiante que quiconque dans ce pays puisse accomplir. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant dans ce débat, nous ne sommes peut-être pas d'accord sur la solution, mais nous nous entendons pour dire que c'est là une question importante qui doit être débattue à la Chambre.
Il y a une question dont je n'ai pas beaucoup entendu parler mais qui doit être examinée. Lorsque nous parlons d'un programme de ce genre, nous devons d'abord nous interroger au sujet des coûts. Je veux bien sûr parler des coûts financiers, mais, lorsqu'on élabore un programme de ce genre, il faut aussi tenir compte des autres coûts, c'est-à-dire ceux liés à la justice, à l'éducation, aux soins de santé et aux programmes sociaux comme l'aide sociale.
J'ai fait une étude assez approfondie de cette question. Si nous décidions, comme nous l'avons si souvent préconisé, d'accorder des avantages fiscaux aux parents qui désirent rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants, la réduction des coûts liés à la justice, à l'éducation, aux soins de santé et aux programmes sociaux serait plus que suffisante pour financer un tel programme.
Un point qui me dérange et qui, en fait, m'étonne, c'est que les députés qui ont participé à ce débat ne nous ont pas dit ce que seraient les coûts si nous ne faisions que verser une certaine somme d'argent au parent pour le soin des enfants.
Le deuxième point que je veux soulever est celui des incitatifs. Chaque fois qu'un programme gouvernemental est mis sur pied, on y incorpore une forme quelconque d'incitatif, et c'est là un point qu'il faut analyser. Si nous nous contentions de distribuer l'argent dans le cadre d'un autre gros programme gouvernemental, quel genre d'incitatif donnerions-nous? Y aurait-il un petit pourcentage de gens qui abuseraient du système et auraient des enfants uniquement pour recevoir l'argent plutôt que parce qu'ils veulent sincèrement élever une famille?
Finalement, les détails prennent une grande importance. Quel genre de règlements faudrait-il adopter? Lorsque l'État commence à s'ingérer dans les affaires des familles, on peut prévoir des difficultés. À moins que les parents prennent soin de leurs enfants comme ils l'entendent plutôt que comme l'État le leur ordonne, nous courons droit au désastre.
En conclusion, les parents qui aiment leurs enfants sont ceux qui s'en occupent le mieux. Sans cela, toutes sortes de problèmes surgissent. C'est pourquoi nous devons plutôt privilégier le recours à la Loi de l'impôt sur le revenu, au partage des revenus et le reste.
Compte tenu de l'importance de la question, je demande le consentement unanime pour soumettre la motion à un vote, ce qui nous permettrait de tenir un débat plus approfondi.
Le Président: Évidemment, les députés savent qu'ils peuvent demander à tout moment le consentement unanime de la Chambre. La Chambre a-t-elle compris la requête du député?
Des voix: Oui.
Le Président: Le député a-t-il la permission de présenter sa motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
[Français]
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, c'est intéressant, aujourd'hui, d'entendre les députés des autres partis présents. Il est vrai que je pourrais poursuivre le débat plus longtemps, une heure de temps ce matin, concernant la famille, les mères et les pères, concernant surtout les enfants. Plusieurs députés de tous les partis politiques à la Chambre ont avancé des idées ce matin.
Il est important que le gouvernement comprenne bien que des députés de tous les partis sont présents ici aujourd'hui pour trouver des solutions pour les familles et les enfants.
Je disais, dans mon intervention, qu'il faut respecter tous les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou autres. Mais ce qui est important aujourd'hui, ce sont les idées que les députés ont avancées. Il faudrait que nous prenions le temps, à un moment donné, de discuter la motion de consentement unanime demandée par le député d'en face en ce qui a trait à la poursuite du débat.
Il faudrait que tous les députés qui sont intervenus ce matin déposent des motions faisant état de leurs discours. Le débat doit revenir à la Chambre des communes au nom de tous les intervenants au Canada, comme Beverley Smith et tous les groupes qui travaillent pour les familles, pour les mères et les pères. Il est important qu'on trouve des solutions. Il est important aussi que le gouvernement soit à l'écoute de nos familles.
Le Président: Comme il est 12 h 03, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET LES DOCUMENTS ÉLECTRONIQUES
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.) propose: Que le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
—Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir que de m'adresser à la Chambre pour parler du projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Avec l'avènement de la nouvelle économie de l'information, les Canadiens découvrent des moyens inédits de communiquer entre eux, avec les marchés, avec les gouvernements et, en fait, avec le monde entier. La nouvelle économie du savoir, dont nous ressentons tous beaucoup les effets dans notre vie quotidienne, présente un intérêt pour tous les Canadiens.
La prospérité du Canada au XXIe siècle dépend de plus en plus de la capacité de tous les Canadiens de participer à l'économie mondiale du savoir et d'y réussir. Or, pour garantir cette participation, nous devons sans tarder faire en sorte qu'ils puissent avoir accès aux outils voulus, qu'ils puissent acquérir les compétences nécessaires et qu'ils aient la confiance indispensable.
Le projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, marque une étape importante vers la réalisation de ces objectifs. Elle contribuera beaucoup, et de façon pratique, à renforcer la confiance des Canadiens dans un domaine qui sera essentiel à la prospérité du Canada au XXIe siècle.
Le projet de loi porte sur trois questions dont la résolution aidera les Canadiens à exploiter pleinement le vrai potentiel d'Internet comme outil d'information et de commerce. Ce projet de loi permettra de protéger les renseignements personnels des Canadiens dans leurs transactions avec des organisations du secteur privé. Il proposera une solution électronique pour les transactions avec le gouvernement fédéral et donnera un statut légal aux documents électroniques et aux signatures électroniques sécurisées.
[Français]
Le projet de loi fait preuve de leadership dans l'édification de la société de l'information. Il sera à la fois plus facile et plus sûr pour les citoyens de faire des transactions avec le gouvernement par voie électronique, lorsqu'ils choisiront ce mode de communication.
Déjà, le gouvernement fédéral a été le premier à utiliser Internet pour améliorer les services qu'il offre aux Canadiens et aux Canadiennes pour gagner en efficacité et pour réduire les coûts. Bon nombre des transactions du gouvernement fédéral avec le public, de la protection des brevets à la fourniture de renseignements sur quantité de sujets, peuvent maintenant se faire par voie électronique.
Nous pouvons aller bien plus loin encore si nous modernisons les lois et les règlements fédéraux de manière à pouvoir profiter des possibilités offertes par Internet. Bon nombre de lois et de règlements en vigueur précisent que les renseignements doivent être fournis «par écrit» ou «signés». Ces références peuvent être interprétées comme limitant les transactions au papier seulement et comme interdisant de fournir des renseignements par voie électronique.
[Traduction]
En fait, le ministère de la Justice a trouvé, dans plus de 300 lois fédérales, des références qui semblent limiter la prestation électronique des services.
Le projet de loi C-54 nous permet de rendre les lois et les règlements en vigueur compatibles avec un environnement électronique. Il nous permettra de proposer la transmission des renseignements par voie électronique au lieu de la transmission sur papier.
En ce qui concerne les opérations du gouvernement fédéral, il répond à des besoins très réels dans trois domaines précis.
Le projet de loi C-54 habilite les ministères, les commissions et les organismes fédéraux à décider des mesures à prendre pour satisfaire aux exigences des lois et des règlements existants en utilisant des moyens électroniques au lieu du papier. De plus, comme l'intégrité et la fiabilité des transmissions électroniques doivent être garanties, des dispositions clés du projet de loi favorisent la mise au point et l'utilisation pratiques de signatures électroniques sécurisées. Tout ministère, organisme ou commission fédéral doit être opérationnel et prêt sur le plan technologique avant d'offrir ses services par voie électronique, et il faudra plus ou moins de temps pour en arriver là.
En conséquence, une certaine latitude sera laissée aux organes fédéraux, qui pourront choisir d'appliquer la nouvelle loi et de faire leurs transactions par voie électronique une fois qu'ils seront fin prêts et qu'ils auront toutes les capacités technologiques et opérationnelles nécessaires.
La technologie électronique a de plus en plus d'incidences sur les preuves présentées devant les tribunaux canadiens. Le projet de loi C-54 précisera selon quelles modalités ces derniers doivent évaluer les documents électroniques et accepter les signatures électroniques, reconnaîtra les avis et actes que l'imprimeur de la Reine publie par voie électronique, et donnera statut officiel à la version électronique des lois et règlements codifiés du Canada.
Je tiens à souligner que le fait de proposer une solution électronique ne signifie pas que le gouvernement fédéral abandonnera les méthodes plus traditionnelles qu'il utilise pour communiquer avec les Canadiens. Les gens n'auront pas à jeter leurs stylos, leur papier et leur machine à écrire, et ils ne seront pas tenus de communiquer exclusivement par Internet. En réalité nous donnons la possibilité au gouvernement fédéral d'utiliser un mode de transaction qui est de plus en plus populaire auprès de nos concitoyens: le mode électronique. Les Canadiens veulent de plus en plus faire leurs transactions par voie électronique, et pas seulement avec leurs gouvernements, mais aussi avec le secteur privé.
Le commerce électronique sur Internet est évalué aujourd'hui à quelque 45 milliards de dollars canadiens. Cependant, on lui prédit une croissance exponentielle, avec des revenus qui devraient atteindre 600 milliards de dollars canadiens d'ici 2002. Cela illustre la croissance phénoménale d'Internet. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante estime que le nombre des petites entreprises qui ont accès à Internet a doublé entre 1995 et 1996.
[Français]
Il est essentiel pour le gouvernement, s'il veut que les Canadiens et les Canadiennes profitent des possibilités offertes par l'économie mondiale et branchée d'aujourd'hui, de créer un environnement où le commerce électronique puisse prendre son essor. Nous voulons que le Canada devienne un chef de file mondial dans le domaine du commerce électronique d'ici l'an 2000.
Pour que le commerce électronique devienne florissant au Canada, il faut tout d'abord et clairement un environnement prévisible et favorable où les citoyens, les entreprises et les institutions se sentent à l'aise, en sécurité et confiants. Que nous soyons consommateur, entreprise ou gouvernement, nous avons tous besoin d'avoir confiance dans la façon dont les renseignements personnels qui nous concernent sont recueillis, conservés et utilisés. La protection de notre vie privée est un droit élémentaire que les Canadiens et les Canadiennes chérissent.
Pour préserver la vie privée, toutefois, il faut relever un défi de taille. À l'ère de l'électronique, chaque fois que nous effectuons une transaction, nous laissons des «traces», des données qui peuvent être compilées et assemblées pour constituer un dossier détaillé de notre histoire et de nos préférences personnelles.
[Traduction]
Il existe un risque que ces dossiers circulent d'une province ou d'un pays à l'autre, ou qu'ils soient vendus, réutilisés ou intégrés à d'autres bases de données, à notre insu ou sans notre consentement.
Songez à quelques-unes seulement des utilisations que les Canadiens font déjà d'Internet. Nous nous servons d'Internet pour faire des achats et planifier des vacances de chez nous, pour faire des opérations bancaires, toujours de chez nous, pour correspondre avec des parents et des amis partout dans le monde, pour lire des revues en ligne et pour participer à des groupes de discussion. Toutes ces utilisations laissent inévitablement des traces qui révèlent des renseignements personnels.
En tant que consommateurs et citoyens, nous devons avoir l'assurance de pouvoir exercer un certain contrôle sur les renseignements qui nous concernent et nous devons savoir que ces renseignements bénéficient d'une protection élémentaire. Le projet de loi C-54 confère cette protection. Il satisfait au besoin de protéger les renseignements personnels en établissant un droit à leur protection. Il fixe des règles claires quant aux modalités de leur collecte, de leur utilisation et de leur divulgation dans le courant d'activités commerciales.
En janvier 1998, les ministères de l'Industrie et de la Justice ont publié un document de travail intitulé La protection des renseignements personnels—Pour une économie et une société de l'information au Canada. Ce document exposait les différentes questions que nous devions régler dans le cadre de l'élaboration d'une loi visant à protéger les renseignements personnels, et l'avis des Canadiens y était sollicité.
Devant ces nouvelles technologies, les Canadiens ont toujours exprimé leur inquiétude quant à la protection de leur vie privée et tout particulièrement par rapport au contrôle des renseignements personnels qui les concernent. Les Canadiens nous ont dit qu'ils veulent une loi qui soit à la fois souple et efficace, et qui donne de vrais recours aux consommateurs. Ils sont favorables au renforcement d'instruments existants, notamment de la norme nationale sur la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation et ils veulent un mécanisme de supervision indépendant qui permette d'assurer un réel respect de la loi et d'examiner les plaintes.
Dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi, nous nous sommes intéressés tout particulièrement à la norme de la CSA.
[Français]
Dans cette norme sont énoncés dix principes équitables en ce qui concerne les renseignements. On y dit de quelle manière les organisations doivent recueillir, divulguer et protéger les renseignements personnels. Il y est également question, entre autres, de l'exactitude et des mesures de sécurité, de la nécessité d'obtenir le consentement éclairé de la personne avant de recueillir des renseignements la concernant, et des mesures visant à responsabiliser les organisations.
La norme de la CSA a été élaborée au début des années 1990, au terme d'un vaste processus consultatif auquel ont participé les représentants du secteur public, des entreprises, des groupes de défense des consommateurs, des syndicats et d'autres encore.
[Traduction]
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui obligera les organisations à se conformer à ces dix principes équitables contenus dans la norme de la CSA sur la protection des renseignements personnels. En outre, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada supervisera le respect de la loi. Il recevra les plaintes, les examinera et arbitrera les différends. Les litiges non résolus pourront être portés devant la Cour fédérale, qui tranchera en dernier ressort.
À l'heure actuelle, au Canada, on peut dire que la protection des renseignements personnels est, dans le meilleur des cas, sporadique et inégale. Bon nombre d'industries ne sont assujetties à aucune règle en ce qui concerne la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels. Les autres sont couvertes par ce que le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada a appelé un «patchwork» de lois, de règlements et de codes. Il en résulte que la protection est incomplète et manque de cohérence. Cette situation n'est plus acceptable.
Lors de nos consultations sur la protection de la vie privée, les Canadiens nous ont dit et répété qu'ils souhaitent vivement que les renseignements personnels les concernant soient protégés de façon cohérente, dans tout le pays.
Les entreprises canadiennes ont exprimé des préoccupations similaires à propos de la cohérence et de la nécessité d'une réglementation unique pour garantir des règles du jeu équitables.
La loi s'appliquera donc, dans un premier temps, au secteur privé assujetti à la réglementation fédérale. Trois ans plus tard, son application deviendra plus générale et elle visera pratiquement tout le secteur privé, sauf dans les provinces et territoires qui auront adopté une loi similaire. Les organisations assujetties à une loi provinciale ou territoriale de ce type seront exemptées de l'application de la loi fédérale par décret du gouverneur en conseil.
[Français]
Le projet de loi C-54 présente également le grand avantage de s'inspirer des mesures volontaires déjà prévues par la CSA. Il prévoit un régime simple et efficace, à la fois compréhensible et facile à utiliser pour les consommateurs, pas trop pesant pour l'industrie, notamment pour les petites et moyennes entreprises, rentable et avec une charge administrative minimale, et conforme aux accords internationaux du Canada, ainsi qu'à ses obligations commerciales.
Le Canada a besoin d'une nouvelle loi pour protéger la vie privée, une loi qui concilie le droit des citoyens à exercer un certain contrôle sur les renseignements personnels qui les concernent et à avoir des moyens de recours efficaces, et le besoin de l'industrie de recueillir et d'utiliser des renseignements personnels qui sont essentiels à sa réussite dans l'économie de l'information.
[Traduction]
La mesure législative que nous examinons aujourd'hui trouve cet équilibre. Elle tient compte à la fois de la nécessité pour les entreprises de recueillir, de conserver et d'utiliser des renseignements personnels, et du besoin pour les consommateurs de contrôler la collecte des renseignements, d'être informés de l'utilisation qui en sera faite et d'être assurés qu'ils seront protégés.
Le projet de loi C-54 aidera à instaurer la confiance parmi les consommateurs et à assurer une certaine constance au marché, ce qui est nécessaire pour faire du Canada un chef de file mondial dans le domaine du commerce électronique et dans l'économie mondiale de l'information.
La protection des renseignements personnels est essentielle pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elle est liée à tout un ensemble d'autres droits et valeurs tels que la liberté, la liberté d'expression et la liberté d'association. Or, si nous ne pouvons exercer un certain contrôle sur les renseignements personnels qui nous concernent, nous risquons de ne pouvoir profiter pleinement de ces droits.
En outre, dans la nouvelle économie de l'information, les renseignements sont des biens précieux qui peuvent rapporter emplois, prospérité et meilleur service à la clientèle. Cette réalité, ainsi que d'autres facteurs clés, crée des pressions croissantes qui incitent à recueillir et à utiliser des renseignements personnels de façon plus générale que jamais auparavant.
Les citoyens canadiens ont raison de demander que leur vie privée soit dûment protégée dans la nouvelle économie numérique. La mesure législative que nous examinons aujourd'hui leur conférera cette protection. Elle permettra de relever les défis présents et futurs, et je suis certain qu'elle bénéficiera du soutien bien mérité de la Chambre.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour parler du projet de loi C-54 qui, à mon avis, est un pas dans la bonne direction. Il contient quelques points très intéressants. La déclaration du ministre, il y a un moment, illustre l'importance du commerce électronique au Canada et pratiquement dans le monde entier. Il nous faut donc reconnaître et accepter ce fait, et je pense que c'est notre cas.
Le problème que je vois porte sur ce que nous faisons vraiment. Le commerce électronique n'est pas apparu hier. Il existe depuis pas mal de temps. Il existe depuis 13 ans au moins en ce qui concerne le commerce et les achats des consommateurs et nous avons des guichets bancaires automatiques depuis déjà longtemps. Pourtant, le projet de loi est rédigé un peu comme si la chose était récente, ce qui n'est pas le cas.
Il faut se rendre compte que cette mesure nous permet de rattraper le temps perdu et j'en félicite le gouvernement. Grâce à ce projet de loi, il sera possible d'utiliser certains moyens technologiques modernes, de produire des déclarations par voie électronique, d'obtenir des renseignements par cette voie, et de faire d'autres choses du genre.
Certains vont se demander ce qu'est ce commerce électronique? De quoi parlons-nous véritablement?
Nous parlons de transactions commerciales faites au moyen de systèmes de communications et d'ordinateurs. C'est un peu comme si les deux étaient séparés. Je ne pense pas que l'un pourrait exister sans l'autre. L'industrie des télécommunications dépend de celle de l'informatique. À son tour, l'industrie de l'informatique dépend de l'industrie des télécommunications. Elles sont très étroitement liées entre elles.
Quelle est l'importance du commerce électronique? Elle est grande. Le ministre vient tout juste de nous donner un aperçu des dimensions du commerce électronique et nous savons qu'il en est bien ainsi. Tout indique que la croissance va décupler et même davantage dans ce secteur. Personne ne sait avec exactitude à quelle vitesse le commerce électronique va se développer.
Pourquoi cela représente-t-il un enjeu aujourd'hui?
En premier lieu, le Canada est pourvu de nombreuses lois régissant les opérations monétaires. Les opérations monétaires sont liées à la notion et à l'existence de frontières: provinciale, fédérale et internationale. Les lois et les impôts sont appliqués à l'intérieur de ces frontières et il existe des accords pour déterminer quelle loi ou quel impôt a préséance dans les transactions se déroulant à l'extérieur des frontières.
Les frontières traditionnelles, ça n'existe plus sur l'Internet. Les règles de droit et les protocoles du consommateur deviennent alors flous, surtout quand celui-ci ignore même qu'il a franchi une frontière traditionnelle en effectuant une transaction.
Quelle loi ou quel impôt s'applique alors? La même loi peut-elle s'appliquer au monde de l'électronique et au monde des opérations monétaires? Il s'agit là d'une question fondamentale parce qu'elle a trait aux principes devant régir la législation sur le commerce électronique.
Le ministre lui-même en conviendra, ce projet de loi n'est pas complet. Certes, c'est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est qu'un début.
Nous devons faire très attention et ne pas adopter au départ une ligne de conduite erronée. Nous devons faire très attention et adopter au départ la ligne de conduite qui nous mènera au but recherché.
Nous utilisons le commerce électronique pour faire des virements bancaires, pour payer nos factures pour faire des transactions au moyen des guichets automatiques. Nous l'utilisons pour guider les camions, les bateaux, les avions et autres véhicules, que ce soit dans l'espace aérien, sur terre ou sur mer.
Le système mondial de positionnement par satellite, par exemple, est un mécanisme strictement électronique. Les satellites comme le RADARSAT font une contribution très importante au commerce électronique. Que fait-il? Il fournit des données par exemple sur la calotte glaciaire. Il nous donne des informations presque immédiates sur le taux d'humidité dans les diverses régions du monde.
À quels problèmes faisons-nous face? Le ministre a dit que l'un des principaux problèmes concerne la protection de la vie privée. Oui, c'est effectivement un gros problème, mais j'aimerais auparavant en soulever un autre, celui de l'intégrité de l'information.
Intégrité signifie que nous pouvons faire confiance aux informations qui sont mises à notre disposition par les moyens électroniques. Par exemple, pouvons-nous être sûrs que l'opération que nous pensons en train de se faire se fait effectivement? L'argent viré de mon compte en banque à celui d'une autre personne est-il effectivement viré? Mon compte est-il bien crédité ou débité comme il devrait l'être? La personne va-t-elle recevoir exactement ce qu'elle pense avoir acheté par Internet ou par téléphone?
La vérification des signatures est aussi un problème très important.
La question de la cryptographie de l'information publique se pose également. Le projet de loi à l'étude vise à contrôler la reconnaissance de l'infrastructure à clé publique en matière de cryptographie. Dans quelle mesure le gouvernement peut-il ou doit-il pouvoir contrôler les divers systèmes et méthodes de cryptage?
Plus tôt cette année, il y a eu un débat sur le type de politique que le gouvernement devrait pratiquer en matière de cryptage. Cette question a soulevé beaucoup de résistance. Un énoncé de principe a finalement été rédigé. Je crois que la politique projetée comporte des aspects positifs. Toutefois, dans quelle mesure les dispositions du projet de loi C-54, qui est à l'étude, sont-elles compatibles avec la politique concernant le cryptage?
La politique relative au cryptage précise notamment que les Canadiens sont libres de créer, importer et utiliser tous les produits de cryptographie qu'ils veulent.
Le gouvernement n'adoptera pas de règles obligatoires en matière de récupération à clé, ni de régimes de permis. Le gouvernement encourage l'industrie à se doter de pratiques responsables, comme des techniques de récupération à clé pour les données emmagasinées. Le gouvernement agira comme utilisateur modèle de cryptographie, en se conformant aux pratiques du programme d'infrastructure à clé public du gouvernement canadien.
La politique précise en outre que le Canada tiendra compte des pratiques d'exportation des autres pays et de la disponibilité de produits comparables avant de rendre des décisions relatives aux permis d'exportation. Le processus de demande de permis d'exportation sera rendu plus transparent et les procédures seront simplifiées pour réduire le plus possible la réglementation.
Si la politique du gouvernement vise à assurer l'intégrité des renseignements transmis d'une entreprise à l'autre, c'est-à-dire d'en assurer la sécurité et d'en protéger le caractère privé, je suis d'accord. Si toutefois cette politique vise à permettre au gouvernement d'intervenir, c'est-à-dire de lire et de décrypter l'information utilisée par les entreprises dans leurs activités courantes, cela aurait pour effet de réduire à néant le caractère privé de ces renseignements.
Je crois que la politique indique que ce n'est pas ce que fera le gouvernement. Toutefois, le projet de loi ne comporte pas de garantie en ce sens. Il n'indique pas que le gouvernement devra s'abstenir de s'ingérer dans les systèmes de cryptage qu'utilisent les industries dans le cadre de leurs activités courantes.
J'aimerais pousser un peu la question du chiffrement. On se demande peut-être de quoi il s'agit. Le chiffrement est en fait un code. Quelqu'un qui ne connaît pas le code ne peut pas déchiffrer le message. Nous devons faire en sorte qu'un message destiné à quelqu'un en particulier n'atteigne que la destination prévue.
Nous savons que bon nombre de gens ont accès à Internet. Une fois lancé sur Internet, un message peut être récupéré par à peu près n'importe qui s'il n'est pas chiffré. S'il est chiffré, la personne qui le reçoit doit d'abord découvrir le code utilisé ou posséder la clé qui lui permettra de le décoder sans délai. Bon nombre de personnes sont assez habiles pour interpréter les systèmes de chiffrement.
Nous devons reconnaître qu'il est important d'étudier soigneusement la nouvelle technologie laser et son application. Selon certains experts, si quelqu'un a créé un code, un autre pourra le percer. M. Paul Corkum du Conseil national de recherches affirme qu'on peut mettre au point des codes indéchiffrables pour le transfert d'informations protégées en se basant sur la structure fondamentale de la lumière.
La technologie du laser est très complexe. Toutefois, M. Corkum affirme très clairement qu'on peut mettre au point des codes indéchiffrables pour le transfert d'informations protégées en se basant sur la structure fondamentale de la lumière.
La présente mesure législative ne fait aucunement mention de codes indéchiffrables ou de l'utilisation de codes de chiffrement qui serait restreinte au milieu gouvernemental ou des affaires.
Pour assurer la protection des renseignements, nous devons être absolument certains que si on désire chiffrer un message, on peut le faire de telle façon que seules les personnes à qui le message est destiné pourront l'interpréter.
Nous devons reconnaître non seulement la nécessité de protéger les renseignements, mais aussi un autre aspect de cette mesure législative qui traite de la protection des renseignements. Cela n'a rien à voir avec le chiffrement; cela se rapporte plutôt aux dispositions relatives à la protection des renseignements. Je me reporte ici au tout début du projet de loi. À la section 1, qui est intitulée «Protection des renseignements personnels», au paragraphe 5(2) plus exactement, on dit:
L'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation.
Ainsi, l'emploi du conditionnel reflète le fait qu'il n'y a aucune obligation. Reportons-nous à l'annexe 1 pour voir ce qu'elle renferme. Au paragraphe 4.2.3, on dit:
Il faudrait préciser à la personne auprès de laquelle on recueille des renseignements, avant la collecte ou au moment de celle-ci, les fins auxquelles ils sont destinés.
Il faut préciser l'objectif visé. Le paragraphe se poursuit ainsi:
Selon la façon dont se fait la collecte, cette précision peut être communiquée de vive voix ou par écrit. Par exemple, on peut indiquer ces fins sur un formulaire de demande de renseignements.
C'est une possibilité. Elle devrait être là, mais ce n'est pas une exigence. Cependant, au paragraphe suivant, le paragraphe 4.2.4, on dit:
Avant de se servir de renseignements personnels à des fins non précisées antérieurement, les nouvelles fins doivent être précisées avant l'utilisation.
N'est-ce pas là une contradiction intéressante ou, du moins, un signe de confusion? Dans le premier cas, on dit qu'il n'est pas obligatoire de préciser l'objectif, mais que si on le précise à la personne intéressée, et qu'on le change ensuite, on doit alors aviser cette personne. Si nous voulions nous protéger et avoir une plus grande souplesse, nous pourrions simplement ne jamais préciser l'objectif visé. Nous pourrions alors faire tout ce que nous voulons, car l'article 4.2.4 ne s'appliquerait pas.
Il y a des questions intéressantes qui se posent au sujet de ce qu'on fait et de ce qu'on propose dans ce projet de loi. J'espère que, dans le cadre de l'étude au comité, on examinera cette question en détail et on corrigera peut-être certaines de ces lacunes.
Il faut également examiner la question des conflits d'intérêts. Dans ce projet de loi, on ne dit rien de l'utilisation de renseignements personnels lorsqu'il y a conflit d'intérêts. Je me reporte plus particulièrement aux formulaires de demande à la mode à l'heure actuelle et utilisés par certaines institutions bancaires du Canada.
Jusqu'à tout récemment, dans les formulaires de demande pour faire des transactions avec le service des valeurs mobilières d'une banque, on pouvait lire sous le nom, en tout petits caractères: Par les présentes, j'autorise la banque à utiliser les renseignements ici fournis pour les transactions mobilières dans d'autres secteurs de ses activités.
Nous savons que les banques possèdent aujourd'hui des sociétés de fiducie et d'assurance. Certaines sont des sociétés d'assurance-maladie ou d'assurance-vie. Elles ont des courtiers en valeurs mobilières, en plus, bien entendu, de leurs activités bancaires proprement dites. N'est-ce pas intéressant? Voici une banque qui recueille de l'information pour des transactions mobilières et qui peut l'utiliser dans ses autres secteurs d'activité.
Supposons un client qui a un prêt dans une banque et qui a un problème d'assurance. Un débiteur peut éprouver des problèmes de santé et donc, du moins de l'avis de la banque, risquer d'avoir du mal à rembourser son prêt.
L'information qui a été recueillie ne devait servir qu'aux transactions faites dans cette banque. Pourtant, voici qu'elle peut transmettre ces renseignements par l'entremise de ses services d'assurance. Si la banque possède une société d'assurance, ses services d'assurance peuvent faire et font effectivement des transactions avec d'autres sociétés d'assurance et peuvent échanger avec elles des renseignements. Il y a là un risque de conflit d'intérêt très réel.
Il y a aussi autre chose d'intéressant: si un client a volontairement autorisé la banque à utiliser l'information et décide tout à coup de retirer cette permission, la banque se réserve le droit, et c'est indiqué en caractères minuscules, de fermer le compte du client après avoir donné un avis de 30 jours.
Il y a là des problèmes très intéressants. Tout est en règle, puisque la permission a été accordée, mais l'information est utilisée d'une manière qui n'avait jamais été prévue ou que le client n'avait pas envisagée. La décision de fermer le compte est prise unilatéralement par l'institution financière si le client retire l'autorisation d'utiliser l'information à des fins autres que celle prévue au départ.
Je veux maintenant passer à l'interdépendance entre le commerce électronique et le commerce traditionnel. Le commerce électronique ne peut pas exister sans une infrastructure traditionnelle. Par exemple, on peut commander un produit ou un service par Internet, mais le produit ou le service en question doit être livré ou fourni. Un contrat doit être signé et entrer en vigueur. Des fonds doivent être transférés d'un endroit à un autre.
Il ne suffit pas de pouvoir faire du commerce électronique. Il y a une interdépendance entre le commerce électronique et le commerce traditionnel. Il faut une infrastructure capable de répondre aux exigences, dont l'une est la rapidité.
C'est bien beau de faire des achats par ordinateur, mais si le produit doit être livré le 30 septembre à 13 heures, par exemple, et que le camion de livraison n'arrive pas à destination à temps, on n'est pas plus avancé. Il n'y a pas de relation. Si la relation n'existe pas et que le système ne fonctionne pas, c'est là que les arriérés commencent à s'accumuler et que les choses se mettent à mal aller.
Nous devons reconnaître la nécessité d'avoir des mesures de sauvegarde. Si quelque chose ne va pas, nous devons pouvoir déterminer ce qui est arrivé, pourquoi c'est arrivé, qui est responsable et ce qu'il faut faire pour régler le problème. Cette question revêt toutes sortes de facettes. Elle met en cause beaucoup de gens et beaucoup de choses. Nous devons savoir où sont les avions, les satellites et les roquettes. Est-ce que cela va se faire à pied, par camion, par train ou par un autre moyen? La même chose va pour le transport par mer.
Il ne s'agit pas simplement de contrôler le commerce électronique, mais bien aussi de former adéquatement nos ressources humaines. Le point central de toute cette question du commerce électronique est la capacité du personnel. Ce sont les gens qui feront fonctionner le système, et ils doivent être capables d'utiliser l'information se rapportant au commerce électronique.
Ils doivent savoir et comprendre comment le système fonctionne. Puis ils doivent pouvoir être capables de l'utiliser. On doit aussi pouvoir avoir confiance dans l'intégrité de l'information, car tout le reste en dépend. Comme tout se fait si rapidement et comme les transactions transfrontières peuvent se faire si facilement, toute erreur qui se produit est amplifiée.
L'intégration est aussi nécessaire. Nous devons reconnaître le lien qui existe entre les nations, les industries et les gens. Il sera nécessaire pour les gestionnaires d'être capables d'intégrer ce qui semble être des éléments disparates en un tout fonctionnel.
Cela me fait vraiment quelque chose lorsque j'entends la réponse de notre premier ministre lorsqu'on lui demande jusqu'où notre dollar devra chuter avant qu'il ne commence à s'inquiéter. Le ministre en a souvent parlé. Le premier ministre, le plus haut placé au sein du gouvernement de notre pays, est celui qui devrait savoir. C'est à lui que l'on pose cette question parce que c'est fondamental à notre économie, au commerce électronique et à tout autre forme de commerce. Ce à quoi il répond que le problème, c'est que c'est le marché qui décide. Il répond que c'est en raison de la monnaie flottante ou d'une politique monétaire conforme à la loi canadienne telle qu'elle est gérée par la Banque du Canada, comme c'est le cas dans la plupart des pays. À son avis, le système fonctionne comme cela. Ce n'est jamais le premier ministre; c'est le gouverneur de la Banque du Canada qui prend ces décisions tous les jours.
L'économie canadienne fonctionne bien. Nous avons éliminé le déficit de 42 milliards de dollars et l'avons remplacé par un excédent qui a atteint quelques milliards de dollars au premier trimestre. Malgré les grèves qui ont frappé GM et les industries de la construction et du papier au Québec, le taux de chômage n'a pas augmenté. Il est resté à 8,4 p. 100. Le taux d'inflation est d'environ 1 p. 100.
Selon un rapport paru il y a quelques semaines, pour la première fois depuis longtemps, l'activité économique a été plus grande au Canada qu'aux États-Unis. C'est un signe très encourageant. La politique monétaire du gouvernement canadien est gérée par le gouverneur de la Banque du Canada en vertu de la Loi sur la Banque du Canada.
Nous devons faire mieux. En tant que parlementaires, que pouvons-nous retenir de l'évolution du commerce électronique et de la nécessité de protéger la vie privée des personnes tout en leur permettant de réussir en affaires? Nous pouvons tirer deux ou trois leçons. D'abord, nous devons reconnaître l'immense progrès que nous avons réalisé au niveau de la compétence. Cela signifie que nous sommes plus que jamais tenus de faire du bon travail. Ensuite, nous devons admettre qu'une erreur risque d'en entraîner d'autres et d'avoir de plus vastes répercussions que ce n'était le cas auparavant.
Mais surtout, nous devons reconnaître que notre pays a besoin d'intégrité et de leadership. Nous devons en savoir davantage. Le projet de loi ne suffit pas. C'est un bon début, mais ce n'est pas un document qui fait preuve de leadership. En fait, il met le gouvernement au niveau où se situe l'industrie depuis dix ans. Nous avons besoin de leadership. Nous devons reconnaître l'importance de ce que nous faisons. Nous devons avoir confiance. Notre attitude doit être empreinte d'un esprit de collaboration, d'humilité et de maîtrise de soi. Plus que jamais auparavant, nous devons reconnaître que l'intégrité, la vérité et l'honnêteté sont absolument indispensables et doivent être au coeur de tout ce que nous faisons.
Il ne suffit pas que le premier ministre essaie d'expliquer la valeur du dollar et les fluctuations de la monnaie, comme il l'a fait. Il ne suffit pas que le ministre des Finances déclare que nous avons un excédent tout en admettant que cet excédent repose sur une base fragile. En effet, l'excédent provient des recettes perçues aux fins du programme d'AE, et non de la bonne gestion des finances publiques du Canada.
Il faut dire la vérité. Le premier ministre, le ministre des Finances et tous les autres ministres doivent nous livrer la vraie version des choses, sinon, nous aurons tôt fait, grâce en particulier aux échanges de renseignements de part et d'autre de la frontière, au commerce électronique et à tous ces autres mécanismes à notre disposition, de découvrir la vérité. En qui placerons-nous notre confiance lorsque nous nous apercevrons que le ministre des Finances ne nous a pas dit la vérité?
En qui placerons-nous notre confiance lorsque nous nous rendrons compte que nous n'avons pas un budget équilibré, que c'est par une simple manipulation des chiffres que le budget a pu nous paraître équilibré, mais qu'il ne l'est pas vraiment? La situation est dangereuse et nous devons tirer la leçon que nous livre un projet de loi comme celui-ci qui est à l'avant-garde. Il n'offre pas de leadership, mais il est à l'avant-garde, et pour cette raison, je félicite le ministre.
Tout cela toutefois peut mener à notre perte si nous ne veillons pas à l'intégrité des renseignements, à l'intégrité des communications avec la population canadienne, à l'intégrité de la fonction publique du Canada, afin que la position du ministère corresponde parfaitement à celle du gouvernement et à celle des bureaucrates, que le gouvernement respecte le principe d'intégrité et que nous puissions nous fier à ce qu'il nous dit et fonder nos décisions ultérieures sur les renseignements qu'il nous fournit. Voilà la leçon que nous devons tirer d'une mesure législative comme celle dont nous sommes saisis aujourd'hui.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, ce qui est attendu au Canada depuis de très nombreuses années—et je vais le documenter—c'est une Loi sur la protection des renseignements personnels, c'est une Loi sur la protection de la vie privée eu égard au secteur privé. Or, le projet de loi que nous avons devant nous ce matin porte le titre suivant:
Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.
Le problème de ce projet de loi, c'est que ce n'est pas une loi sur la protection de la vie privée. Mon collègue vient de parler de la nécessité de leadership et le ministre de l'Industrie a dit vouloir faire preuve de leadership en déposant ce projet de loi, ici, à la Chambre des communes.
Le leadership qui était attendu de lui est un leadership dans la protection, non seulement des consommateurs qui ont recours à des services commerciaux via l'électronique—et encore il faut voir comment ils sont protégés, parce que c'est largement insuffisant—mais également une loi sur la protection de la vie privée.
Je vais me permettre de rappeler que la vie privée est un droit fondamental. Le Canada, à cet égard, s'est donné, en 1983, une Loi sur la protection des renseignements personnels qui touche des organismes gouvernementaux sous juridiction fédérale. La Charte prévoit des dispositions, mais le ministre a reconnu lui-même que cette protection est sporadique et inégale et que cette situation n'était plus acceptable. En effet, cette situation n'est plus acceptable.
Le leadership dans la protection des renseignements personnels, de la vie privée, est venu du Québec. Depuis 1994, il y a, au Québec, une loi qui protège la vie privée dans le secteur privé, et c'est une loi qui fonctionne. C'est une loi qui a fait ses preuves. C'est une loi qu'on se serait attendu à voir prendre comme modèle, parce qu'elle est la seule qui a été l'occasion d'une expérience, d'un savoir-faire. C'est une loi qui n'a pas produit les catastrophes que certains disaient qu'elle apporterait dans le secteur privé.
En cette époque où nous vivons, alors que plus que jamais, les renseignements concernant les individus peuvent être recueillis, couplés à l'insu des personnes, transmis, vendus, utilisés à toutes espèces de fins, impunément ou presque impunément, sauf au Québec, ce à quoi on se serait attendu, c'est que le ministre propose une vraie loi.
C'est ce que nous allons lui demander et nous allons en profiter pour parler non seulement de l'importance des renseignements personnels et du droit à la vie privée, mais aussi pour faire de l'information. Trop souvent, les citoyens, qui ne sont pas que consommateurs de services commerciaux, mais qui sont tout simplement des citoyens vivant dans le monde actuel, qui sont aux prises avec une multiplication d'intermédiaires qui colligent des informations pouvant être erronées, qui les utilisent, encore une fois, qui les vendent, qui s'en servent pour leur crédit ou pour toute espèce d'usage, ces citoyens ont droit à beaucoup plus que cela.
On pourrait me dire: «Si la loi du Québec est si efficace, elle va pouvoir continuer à l'être et les Québécois devraient déplorer que les Canadiens ne puissent pas compter sur une loi qui soit meilleure.» Mais c'est beaucoup plus compliqué que cela parce que cette loi, non seulement n'est-elle pas suffisante eu égard à la vie privée qu'elle doit protéger, mais elle diminue, dans l'état actuel de ce que nous avons vu et étudié,—et j'insiste là-dessus—la protection conférée par la loi québécoise aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Et cela, par-dessus le marché, c'est encore plus inacceptable, c'est encore plus odieux.
Je vais donner des exemples simples et documentés. Actuellement, en vertu de la loi québécoise, un employé d'Eaton, à Montréal, a un droit d'accès à son dossier personnel détenu par son employeur, même si ces renseignements personnels sont conservés à Toronto. Avec l'entrée en vigueur du projet de loi C-54, cette demande d'accès se ferait dans le cadre d'une demande d'accès interprovincial. Or, comme ce n'est pas dans un rapport commercial, avec l'interprétation actuelle de la loi et compte tenu des recours, cet employé n'aura plus droit à cet accès.
Je vais donner un autre exemple, soit celui d'une personne qui subit un examen médical pour devenir admissible à une assurance. Actuellement, les résultats de cet examen médical sont consignés par un organisme américain qui a une filiale à Toronto. Le client, en ce moment, a accès à son dossier. Or, comme ce ne sera plus dans un rapport commercial, il y a de fortes chances pour qu'il n'ait plus droit à son dossier. C'est sans compter le type de recours qu'il y a dans la loi fédérale, et j'y reviendrai un peu plus tard.
Nous avons lu les communiqués du ministre qui laissaient entendre que la loi québécoise s'appliquerait dans toute son intégrité. Or, ce que nous voyons dans le projet de loi, à plusieurs égards, ne présente pas du tout ce portrait. En effet, l'article 27 donne tout pouvoir au gouverneur en conseil, c'est-à-dire, en termes plus simples, au gouvernement, de décider si oui ou non une loi provinciale s'appliquera en tout ou en partie. Je lis l'article, cela en vaut la peine, même s'il est écrit dans la littérature douteuse des projets de loi.
On dit:
27.(1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement: [...]
d) s'il est convaincu qu'une loi provinciale essentiellement similaire à la présente partie s'applique à une organisation—ou catégorie d'organisations—ou à une activité—ou catégorie d'activités—, exclure l'organisation, l'activité ou la catégorie de l'application de la présente partie à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s'effectue à l'intérieur de la province en cause.
La loi du Québec a beau être la loi du Québec, il revient au gouverneur en conseil, au Canada, de décider quelle partie de la loi s'applique ou ne s'applique pas à l'intérieur de la province en cause.
C'est une disposition choquante—je pourrais dire que nous y sommes habitués—mais c'est plus que cela, elle est grave. Dans le domaine même que le ministre veut ouvrir, celui du commerce électronique, il y a divers joueurs dont un gros, notre voisin, les États-Unis. Nous savons qu'aux États-Unis, et c'est un des problèmes dont nous parlerons plus avant, le gouvernement veut laisser les entreprises s'autoréglementer.
Il y a aussi l'Union européenne avec laquelle, d'ailleurs, le Canada veut constituer une zone de libre-échange. Il y a une rencontre à cet effet en ce moment même, ici. L'Union européenne a déjà des directives qui sont en droite ligne avec la loi québécoise; à ce point, que l'Union européenne avait prévu de ne pas autoriser de rapport pour les entreprises qu'avec le Québec, parce qu'autrement, les autres provinces du Canada, de même que les États-Unis, ne donnaient pas de garantie suffisante pour la protection des renseignements personnels des citoyens de l'Union européenne. Alors, cette question de la garantie effective et efficace des renseignements personnels est plus qu'un conflit Québec-Canada, c'est infiniment plus.
Je me permets d'insister, peut-être allez-vous trouver lourdement, sur le fait que le Québec a vraiment été à l'avant-garde en développant une loi claire, facile d'application, efficace, à l'encontre de la loi fédérale, et qui correspond aux critères de l'Union européenne.
Si le ministre avait voulu faire preuve de leadership, celui dont il se réclame, ce qu'il aurait dû faire, c'est de s'aligner sur ces principes, non pas parce que ce sont nos principes ou parce que c'est le Québec, mais parce que c'est le type de protection auquel les citoyens et citoyennes du Québec comme du Canada sont en droit de s'attendre. Au lieu de cela, il y a diminution du droit pour les Québécois. Et il n'y a pas de protection suffisante, d'aucune espèce de façon, pour les Canadiennes et les Canadiens.
Plusieurs dispositions de cette loi sont en elles-mêmes insuffisantes, mais il y en a une autre qui touche à la diminution des droits du Québec, et c'est celle de toutes les dispositions interprovinciales. La loi actuelle du Québec permet, je le disais plus tôt, à quelqu'un qui travaille au Québec d'avoir accès à son dossier, par exemple, où que ce soit ou à quelqu'un qui a eu un examen médical d'avoir accès à son dossier où que ce soit.
Désormais, comme toutes les dispositions qui dépassent le caractère provincial seront sujettes à la loi fédérale, ce ne sera plus le cas. On pourrait me dire: «Mais alors, est-ce que la loi fédérale ne permettra pas la même protection?» Non. Quand il s'agit de renseignements qui ne sont pas d'ordre commercial, la loi est plus que floue, elle est pire que cela.
Le coeur du projet de loi C-54, c'est une norme, un standard Canada-CSA, avec un numéro, qui a été préparée dans un tout autre contexte qu'un contexte législatif par la Commission des normes, en consultation avec la Commission de télémarketing et une autre, dont le nom m'échappe en ce moment, ainsi qu'avec des représentants des consommateurs.
Ce projet d'autoréglementation, louable quand on considère qu'il vient de l'entreprise privée, est truffé de conditionnels. Plusieurs des dispositions extrêmement importantes pour les citoyens quant à la nécessaire information sur la constitution de leurs dossiers et sur l'utilisation de leurs dossiers sont truffées de «serait», de conditionnels.
On dit dans la loi qu'il ne faut pas tenir compte de ces conditionnels-là. Le hic, c'est que le tout est extrêmement confus. Quand un citoyen se voit refuser l'accès à son dossier, que peut-il faire?
Dans la loi fédérale, il s'adresse au commissaire à la vie privée. Que peut faire celui-ci? Il fait enquête. Bravo. Nous espérons qu'il aura des moyens suffisants. Il essaie de faire de la médiation. Bravo. Tant mieux si les choses se règlent. Mais si ça ne se règle pas, que se passe-t-il? C'est ça qui intéresse le citoyen.
Ce qui se passe, à ce moment-là, c'est que le citoyen doit aller devant la cour. Le commissaire peut décider lui-même d'y aller, mais ce n'est pas certain. Le citoyen lui-même, même s'il en avait les moyens, ne peut y aller. Il ne peut même pas y aller directement, au début, avec sa plainte, parce qu'il doit attendre le rapport du commissaire.
Il y a donc une question de moyens; il y a une question de délai, parce qu'il faut attendre le rapport du commissaire, et il y a, de prime abord, une question de confusion dans la rédaction de la loi, dont des spécialistes m'ont dit eux-mêmes être surpris de l'absence de clarté.
Cela veut dire que, loin de ce que le ministre a promis, c'est-à-dire une loi facile à utiliser pour les consommateurs—il avait dit simple et efficace pour les entreprises—qui ne sont pas toujours consommateurs de services commerciaux mais qui sont citoyens, elle n'est pas facile à utiliser et elle n'est surtout pas, à sa face même, efficace, sauf dans les cas où il y a bonne volonté, où la médiation suffit.
Nous convenons qu'il y aura des cas où ce sera ainsi, mais là où on a besoin d'une loi, là où un gouvernement a besoin de situer où il est, de quel côté il est, du côté de l'entreprise qui refuse, ou du citoyen, le gouvernement n'est pas avec le citoyen, sauf si le commissaire décide lui-même d'aller devant la cour. A-t-on idée de ce que cela représente?
Ce projet de loi va décevoir énormément de personnes. Je pourrais moi-même expliquer que je comprends que le ministre se sent un peu coincé entre les Américains d'un côté et l'Union européenne de l'autre, mais le rôle principal du ministre, c'est de rassurer les citoyens du Canada et les citoyens du Québec qu'il ne diminuera pas la protection qu'ils ont maintenant.
Le rôle du Canada n'est pas de diminuer la protection qu'ils ont maintenant. Le rôle du Canada n'est pas de diminuer la protection mais il est de l'étendre, parce que c'est le pays—et jamais je n'ai autant regretté que le Québec ne soit pas un pays—qui pourrait, avec d'autres, pousser pour que l'ensemble des pays se donnent des règles compatibles qui rassurent les citoyens. Mais on ne peut berner personne et penser qu'en ayant une loi fadasse au Canada on pourra protéger davantage les consommateurs ou les citoyens canadiens et québécois des compagnies américaines. Il y a un véritable problème.
Une conférence de l'OCDE a été tenue à Ottawa, à l'initiative du ministre de l'Industrie, et je peux l'en féliciter. Cette conférence a cependant permis de voir une chose qui est devenue extrêmement évidente et qui a été soulignée sans ambages. Actuellement, pour 80 p. 100 de ses opérations, le commerce électronique est aux États-Unis et, pour 80 p. 100, dans les entreprises.
Les gouvernements doivent se lever lorsqu'il s'agit de défendre les consommateurs et les citoyens. Nombreux sont ceux qui l'ont dit. J'étais heureuse d'entendre que, à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, on a voulu dire qu'il ne faut pas oublier que le consommateur ce n'est pas que l'individu ou le citoyen, mais que le consommateur c'est aussi la petite et moyenne entreprise qui n'a pas les moyens des grands et qui est aussi dans la situation de David avec Goliath, sans commune mesure avec ceux de la Bible, dans l'état actuel des choses.
Ce projet de loi est extrêmement décevant. Il passe à côté de la possibilité de donner aux citoyens la protection à laquelle ils s'attendaient. L'Internet n'est pas que le lieu du commerce et ne peut pas être à côté de la société civile.
Nous avons eu, dans ce Parlement, un débat sur le télémarketing. Nous avons vu que le gouvernement a voulu durcir ses positions par rapport aux entreprises qui font du télémarketing frauduleux, notamment en exigeant qu'elles disent très clairement au téléphone qui elles étaient et à quoi devait servir le télémarketing. Nous avons voulu proposer un amendement pour que cela s'applique aussi à l'Internet et voici que nous avons un projet de loi sur le commerce électronique. Ce projet de loi laisse complètement dans le flou cette même disposition. Or, de plus en plus, les citoyens qui veulent se servir de ce médium, qui n'est qu'un médium et n'est pas la vie à côté de la vie,—d'ailleurs on le reconnaissait à l'OCDE—, ne s'en serviront de plus en plus que s'ils ont une véritable protection.
La première étape est une protection non pas partielle, visant non pas seulement le commerce électronique, mais la protection des renseignements personnels et la protection de la vie privée. Ensuite, nous en reparlerons, mais cela passera nécessairement par des ententes internationales.
Dans ce domaine, oui, nous attendons du pays dont nous dépendons, soit le Canada, du leadership, mais pas un leadership qui ne rassure pas les citoyens.
Des promesses d'une vraie loi au Canada, d'une loi qui allait protéger la vie privée, dans le secteur privé, ont été faites à répétition par le gouvernement libéral et par les gouvernements. En 1982, le ministre des Communications de l'époque, Francis Fox, indiquait que «la prochaine étape en ce qui a trait à la législation concernant la vie privée sera l'extension des principes régissant la protection des renseignements personnels au secteur privé sous juridiction fédérale».
En mars 1987, le Comité permanent de la justice et du solliciteur général endossait cette recommandation dans son rapport intitulé Une question à deux volets: comment améliorer le droit d'accès à l'information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels; examen de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. C'est à cette même démarche que le Québec a participé et qui lui a permis, en 1994, d'instaurer la loi qu'il a présentement.
Dans son rapport annuel de 1996-1997, le commissaire à la protection des renseignements personnels a noté que «la promesse du ministre de la Justice, Allan Rock, à l'effet que d'ici l'an 2000, une loi protégeant de façon réelle et exécutoire la vie privée au sein du secteur privé serait en place a été un événement d'une importance fondamentale, formidable». Quelle a été la suite?
En 1996, le ministre de l'Industrie lui-même promet une loi-cadre sur la protection des renseignements personnels à la suite du rapport du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information. Je souligne que le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques a proposé une motion, qui a été adoptée à l'unanimité, prévoyant que toutes les sociétés de la Couronne soient soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais elles ne le sont pas toutes.
En avril 1997, le Comité permanent sur les droits de la personne a adopté un rapport intitulé La vie privée: où se situe la frontière proposant de remplacer la loi actuelle par une autre qui s'appliquerait au Parlement et à toutes les agences gouvernementales, ainsi qu'au secteur privé relevant de la juridiction fédérale.
Or, le ministre vient de déposer une loi visant à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels. Je ne relierai pas le titre complet du projet de loi. C'est triste, et c'est plus qu'insuffisant. Cette loi n'atteindra pas les objectifs et diminuera les droits actuels des Québécoises et des Québécois, tout en reconnaissant l'effort fait par l'entreprise privée, dans son code, qui comporte autant de conditionnels.
Il faut exiger du gouvernement fédéral qu'il donne une protection qui ne soit pas aussi limitée, aussi minimale, et, dans bien des cas, qui n'existera pas, à cause de la forme de recours, à cause des conditionnels, à cause de la confusion, ainsi que du pouvoir déterminant du gouverneur en conseil qui peut même changer le contenu de la loi, parce que l'entreprise privée aura changé ses propres standards.
Nous ne pouvons laisser passer ce projet de loi sous silence, juste en soulignant que nous aimerions qu'il y ait, dans le projet de loi, beaucoup d'autres dispositions. C'est un projet de loi qui devait être trop important, mais qui, en ce moment, si on le laisse tel quel, créera, à terme, beaucoup plus de problèmes qu'il n'en réglera.
Le Bloc québécois, les gouvernements du Québec, tous partis confondus, ont défendu avec acharnement le principe du respect de la vie privée et des renseignements personnels. Le Parti québécois et le Parti libéral l'ont fait récemment dans la révision de la loi. Nous sommes pour ce principe, avec acharnement, et c'est pour cette raison que nous ne pouvons être d'accord avec le projet de loi favorisant le commerce électronique, parce qu'il n'atteint pas les objectifs proposés, les besoins des citoyens et des consommateurs.
[Traduction]
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Le débat d'aujourd'hui marque peut-être le commencement de l'un des plus importants débats que nous aurons à la Chambre pour bien des mois à venir. Nous discutons de ce qui constitue pratiquement une nouvelle forme de commerce, qui existe déjà mais dont les diverses facettes sont alarmantes, le commerce électronique.
Je parle d'une nouvelle forme de commerce qui pourrait bien connaître une expansion magistrale. À la récente conférence de l'OCDE, à Ottawa, on a dit que le total des transactions commerciales par voie électronique s'était chiffré à environ 4 milliards de dollars en 1997. D'ici trois ans, ce montant pourrait croître jusqu'à près de 400 milliards. Au Canada seulement, il pourrait atteindre jusqu'à 13 milliards de dollars au cours de cette courte période.
Nous parlons d'une toute nouvelle manière de faire des affaires. C'est une transformation complète des relations commerciales, non seulement au Canada mais aussi entre le Canada et tous les autres pays avec lesquels nous faisons des échanges commerciaux. Sur le plan commercial, les conséquences sont énormes, et sur le plan personnel aussi. C'est bien sûr de cela qu'il s'agit dans le présent débat. Nous allons entendre très souvent le terme «commerce électronique» au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Ces derniers temps, la Chambre a été témoin de beaucoup de discussions sur la transmission d'information d'importance capitale. Plutôt que de discuter de la dangereuse transmission de secrets du Cabinet dans des endroits publics tels les avions ou les gymnases, nous discutons aujourd'hui d'un différent mode de transmission de l'information, du type électronique. Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à faciliter et promouvoir le commerce électronique en renforçant la confiance des Canadiens dans les transactions en ligne directe, en assurant la protection des renseignements personnels obtenus, en adaptant le cadre juridique aux transactions électroniques et en offrant une solution de rechange au gouvernement fédéral pour la prestation de bons services gouvernementaux.
Il est juste de dire que le projet de loi C-54 est un élément d'une stratégie globale beaucoup plus vaste pour placer le Canada à l'avant-scène dans le domaine du commerce électronique en pleine expansion. Le débat d'aujourd'hui tombe à point, parce que, s'il y a un rôle que le Canada peut jouer, c'est bien celui d'élargir le débat sur l'avenir du commerce électronique, au pays et à l'étranger. Pour l'instant, le Canada semble déjà jouer un rôle de chef de file.
Je veux aborder certains des éléments du projet de loi et souligner certaines réserves que mes collègues du Nouveau Parti démocratique et moi-même formulons à l'égard de ce projet de loi. Je voudrais commencer par parler du phénomène du commerce électronique à l'ère de l'informatique. Plusieurs commentateurs venant de toutes sortes de disciplines ont parlé du rôle de plus en plus important que joue le commerce électronique dans la vie quotidienne des gens.
Le président et directeur général de Bell Canada, M. Jean Monty, disait récemment aux délégués à la conférence de l'OCDE à Ottawa que nous assistons de nos jours à la naissance d'une nouvelle économie, d'un nouvel ordre économique basé sur des réseaux et des puces électroniques. Ce transfert électronique de l'information a modifié la façon dont les humains interagissent entre eux et, pour cette raison, constitue un sujet de grande importance. Il serait donc sage d'examiner très attentivement toutes les décisions que nous prenons à cet égard. Voilà pourquoi je dis que le projet de loi à l'étude est le premier à aborder directement ce dossier tout nouveau du commerce électronique.
Tout d'abord, il est peut-être utile de parler de la définition même de commerce électronique. S'il faut adopter une compréhension générale du concept de commerce électronique, nous verrons qu'il englobe deux types très différents de transactions. L'un, qui s'est révélé très fructueux dans notre pays, comporte l'échange de l'information au moyen de réseaux fermés. Cela inclut des systèmes comme ceux qui sont utilisés pour les cartes de débit et les cartes de crédit. Je le répète, le Canada est reconnu comme un chef de file mondial dans la mise au point de l'infrastructure nécessaire pour ces genres de réseaux fermés.
L'autre type de transferts correspond à ceux qui sont effectués au moyen de réseaux ouverts comme l'Internet. Ce type traîne loin derrière celui des réseaux fermés pour plusieurs raisons que j'examinerai dans un instant.
Il serait sans doute utile d'expliquer rapidement en quoi consiste le commerce électronique. Dans le monde idéal libre de frictions du commerce électronique, une commande sur catalogue se passerait comme suit. Le consommateur remplirait un bon de commande par ordinateur et le ferait parvenir directement par Internet au détaillant qui le recevrait sur son système. Le système traiterait immédiatement les renseignements reçus et produirait un bordereau d'expédition et une liste des articles qui seraient alors facturés électroniquement au client au moyen de sa carte de crédit. Dans l'entrepôt, un employé probablement peu rémunéré préparerait alors la commande qu'il livrerait à la plate-forme de chargement; mise à part son intervention, l'élément humain est supprimé.
Autrement dit, une tâche qui demande actuellement la participation de quatre, cinq ou six personnes, ne nécessiterait plus que l'intervention d'un seul individu, sans doute relativement mal payé; il n'y aurait plus besoin de commis aux données, de comptables, de commis à l'expédition et autres. Ces emplois deviendraient automatiquement superflus.
Quand on pense au monde des communications électroniques, un certain ministre vient à l'esprit. À l'instar du solliciteur général qui, dernièrement, éprouve des difficultés à assurer le caractère confidentiel des renseignements privés détenus par son ministère, Internet ne peut garantir la sécurité de l'information qui y circule.
Les Canadiens, qui ont perdu foi dans le ministre en question, éprouvent de sérieuses réserves à l'idée d'envoyer des renseignements personnels les concernant dans l'espace cybernétique. C'est à nous, en tant que législateurs, qu'il revient de dissiper leurs craintes.
Pour la majorité des Canadiens, Internet, en tant que moyen de procéder à des transactions commerciales, demeure un domaine intimidant car ils ne sont pas certains de la façon dont les renseignements confidentiels y sont traités. Souvent, tant les entreprises que les consommateurs ne savent pas exactement à qui ils ont affaire ni si les moyens de paiement sont sûrs et ils ignorent tout du cadre légal de ce genre de transactions.
Pour la majorité des Canadiens, Internet rappelle, en informatique, ce qu'a été l'époque pionnière dans l'Ouest. L'ordre public y est mal représenté et, dans certains cas, est inexistant, et on l'utilise à ses propres risques. Beaucoup de parents hésitent à établir ces accès à Internet, en raison des craintes bien fondées que l'environnement d'accès en direct est devenu un refuge pour ceux qui font le trafic de matériel horrible comme la pornographie enfantine.
Depuis quelque temps, les entreprises et les consommateurs réclament des mesures propres à instaurer la confiance dans le commerce électronique. Je crois qu'il est juste de dire que les Canadiens ne veulent pas que l'espace cybernétique soit anarchique. À preuve, la récente controverse entourant les activités de M. Zundel en Colombie-Britannique.
Une partie du projet de loi qui tente de dissiper les réserves qu'ont les gens au sujet du commerce sur l'autoroute de l'information est l'article qui porte sur le droit à la protection des renseignements personnels. Le projet de loi adopte un ensemble de lignes directrices élaborées par l'Association canadienne de normalisation en ce qui concerne l'utilisation, la collecte et la communication de renseignements personnels sur les Canadiens.
À l'heure actuelle, la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels porte strictement sur les renseignements recueillis par la fonction publique. Le projet de loi C-54 va plus loin. Après trois ans, les lignes directrices concernant le traitement des renseignements personnels viseront toutes les transactions commerciales. Par exemple, le projet de loi obligerait les entreprises à obtenir le consentement des Canadiens pour recueillir des renseignements personnels. Il les obligerait à n'utiliser ces renseignements qu'aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis.
Selon le projet de loi, les gens auraient accès aux renseignements conservés à leur sujet et auraient également le droit d'y apporter des changements, en cas d'inexactitudes dans les renseignements concernant leur avoir financier et d'autres renseignements personnels pertinents.
Le projet de loi C-54 renforce beaucoup le Commissariat à la protection de la vie privée et donne aux Canadiens un recours contre ceux qui abusent des données personnelles confidentielles. Les néo-démocrates appuient le principe de ces dispositions qui, à notre avis, se font attendre depuis trop longtemps. Lorsque l'on sait à quelle vitesse les données peuvent être communiquées à notre époque, il serait rassurant de savoir que nous avons un certain droit de regard sur l'utilisation des données personnelles nous concernant.
Pour que les Canadiens se sentent suffisamment en confiance pour se lancer dans le commerce électronique, des lignes directrices d'application générale sur le traitement des renseignements personnels sont essentielles. Tant les entreprises que les consommateurs y trouveraient leur compte.
L'autre grande caractéristique de ce projet de loi, qui vise à alléger les craintes des Canadiens, est la reconnaissance juridique de certains dispositifs de sécurité, comme la signature électronique sécurisée. Cependant, ce qui retient davantage l'attention, c'est l'absence de dispositions sur les techniques d'encodage. Je sais que mon vis-à-vis est très intéressé, comme nous le sommes tous, par l'application des techniques d'encodage à la protection de la vie privée. À première vue, cela semble être un bon moyen de calmer les craintes concernant les questions de sécurité. Cependant, la démarche suivie par le gouvernement soulève de très sérieuses interrogations pour l'avenir.
Les techniques d'encodage permettent de chiffrer des données puis de les transmettre sur l'Internet; en d'autres mots, on code l'information transmise afin que ceux qui ne connaissent pas le code aient beaucoup de difficulté ou soit carrément incapables de déchiffrer le message. Toutes sortes de données peuvent être codées, par exemple des numéros de carte de crédit, des dossiers médicaux et de la correspondance privée. En soi, c'est une bonne chose. Malheureusement, le projet de loi ne dit absolument rien de l'homologation des logiciels d'encodage. Le gouvernement ne manifeste aucun intérêt pour l'émission de permis d'utilisation de tels logiciels. Il n'a demandé aucune forme de mécanisme d'accès lui permettant d'intercepter et de décoder les messages.
Je crains que le gouvernement ait laissé passer une belle occasion de réglementer cet aspect délicat des communications sur Internet. Par exemple, le commissaire à la protection de la vie privée aurait très peu de moyens de vérifier si oui ou non des renseignements personnels sont utilisés à mauvais escient ou communiqués illégalement. Les dispositions du projet de loi sur la protection de la vie privée semblent affaiblies par le laisser-aller concernant l'encodage.
De plus, les organismes d'exécution de la loi pourraient trouver plus difficile de lutter contre le trafic de pornographie infantile à cause de cette omission. Dans le même ordre d'idées, en l'absence d'un mécanisme d'accès, les membres du crime organisé et ceux qui font du sabotage industriel pourront se prévaloir de la technologie en matière de cryptage.
En autorisant n'importe quelle technologie liée au cryptage, le gouvernement ne fera qu'accroître les craintes des utilisateurs canadiens au chapitre de la sécurité. L'idée que la GRC et les autres corps policiers seront pratiquement impuissants lorsqu'il faudra enquêter sur les abus concernant Internet est certainement très préoccupante. C'est clairement une atteinte au principe de la paix et du bon gouvernement sur lequel s'appuie notre pays. Cela ne rassurera pas beaucoup les Canadiens.
Il est vrai qu'Internet est un médium très difficile à réglementer. Cependant, les organismes canadiens chargés d'appliquer la loi doivent pouvoir s'acquitter de leurs obligations fondamentales en matière de protection du public. Comme l'a déclaré récemment Barbara Roche, sous-secrétaire d'État britannique responsable des petites entreprises, du commerce et de l'industrie, les gouvernements ne doivent pas perdre de vue que le commerce électronique concerne essentiellement des êtres humains.
En fait, des gens risquent de subir des préjudices si le cryptage n'est pas réglementé. En adoptant cette approche non interventionniste, le gouvernement s'est dérobé à ses responsabilités, celles de protéger les citoyens canadiens de tout âge.
D'autres pays se sont fermement opposés au cryptage sans restriction, dont les États-Unis, la France, la Russie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il existe, de toute évidence, un consensus international quant aux dangers qu'il y a à autoriser l'utilisation de toutes sortes de produits de cryptage. Je me demande pourquoi le gouvernement a décidé de ne pas tenir compte de ce problème. En omettant de le faire, il semble avoir raté une occasion de coopérer avec d'autres pays pour résoudre ce problème de sécurité. J'espère que, pendant l'étude de ce projet de loi à la Chambre, le gouvernement jugera opportun de modifier cet aspect et qu'il permettra au Canada de se joindre aux autres pays afin de lutter contre l'utilisation à mauvais escient des produits de cryptage.
Le projet de loi C-54 tente de faire du gouvernement fédéral un utilisateur d'Internet responsable et modèle pour la prestation de services. Dans cette optique, on a examiné de nombreuses lois fédérales afin de déterminer si les moyens de collecte de l'information dont il est question dans ces lois ne se limitent qu'aux supports sur papier. À la lumière de cet examen, il convient de souligner que, dans près de la moitié des cas, les transactions sur papier sont les seuls moyens légaux pour partager de l'information.
Le projet de loi C-54 vise à adapter ou à appliquer des lois actuelles de telle sorte qu'il y ait une solution de rechange électronique pour transmettre des renseignements pertinents. En principe, non seulement cette proposition est bonne, mais elle permettrait aux Canadiens d'avoir accès à des moyens nouveaux et très rapides de communiquer avec leurs organismes gouvernementaux concernant des services importants.
Le gouvernement croit que, en offrant un modèle de comportement, il peut susciter une hausse importante de l'utilisation de la technologie dans tous les domaines. Un coup d'oeil sur la situation actuelle du commerce électronique suffit pour comprendre que les Canadiens sont loin d'adopter l'Internet en masse. Dans bien des cas, ils n'en ont tout simplement pas les moyens. Même si l'on présume que quelque 30 p. 100 des Canadiens ont accès d'une façon ou d'une autre à l'Internet, ne serait-ce que parce qu'ils sont branchés à l'école, il faut reconnaître que les trois quarts des Canadiens sont présentement dans le noir.
Selon des statistiques que j'ai obtenues l'autre jour et qui se résument à de sérieuses estimations, 13 p. 100 environ des Canadiens avaient accès à l'Internet à la maison en 1997. Ce pourcentage n'a probablement pas beaucoup changé. Nous parlons d'un nombre relativement petit de Canadiens. Étant donné que les Canadiens sont à l'avant-garde dans le monde pour l'accès à l'Internet, nous pouvons voir que cette technologie en est seulement à ses débuts. Cela donne au projet de loi C-54 une excellente occasion de faire le travail correctement.
Beaucoup de Canadiens des régions rurales ont commencé à exprimer leurs craintes. Ils s'attendent à devoir assumer bientôt des hausses exorbitantes du tarif téléphonique local. Nous avons tous été contactés par des Canadiens des régions rurales. Compte tenu de la concurrence que se font les compagnies de téléphone existantes, ils sont préoccupés par ce que l'on appelle depuis de nombreuses années l'interfinancement. Des redevances prélevées sur les frais d'interurbain et autres frais connexes permettent aux compagnies de téléphone d'offrir des tarifs relativement peu élevés dans les régions rurales. Cela est maintenant remis en question.
Les gens qui vivent dans les régions rurales du Canada bénéficieront-ils de tarifs téléphoniques raisonnables et partant, d'un accès raisonnable à des services tels que l'Internet? Comment un agriculteur de la Saskatchewan peut-il espérer investir dans une seconde ligne pour se brancher sur l'Internet si les frais de service ne demeurent pas raisonnables?
Le gouvernement semble avoir mis la charrue avant les boeufs dans cette affaire. Les néo-démocrates estiment que pour que le commerce électronique fonctionne, tous les Canadiens doivent avoir l'occasion d'adopter cette nouvelle technologie. Autrement, on risque de créer une future société de l'information composée de deux catégories de gens, ceux qui y auront accès et ceux qui en seront exclus.
L'une des préoccupations qui est ressortie lors d'une récente conférence de l'OCDE à Ottawa, c'est le développement d'une élite technologique non seulement dans le monde du commerce, mais dans le monde en général. Il y aurait une catégorie de gens versés en informatique et ayant accès à Internet, alors que la vaste majorité des gens seraient marginalisés et n'auraient ni accès à Internet ni ce genre de connaissances.
Les PME se sont plaintes de ce que les coûts de participation au commerce électronique soient tout simplement prohibitifs. Idéalement, le commerce électronique constitue un excellent moyen pour les petites entreprises d'élargir la base de leur marché, mais, malheureusement, nombre d'entre elles n'ont pas les moyens de payer les frais demandés par les banques pour créer des services de commande en direct sûrs. Les coûts sont tels que seules les plus grandes entreprises peuvent se le permettre. Les petites entreprises seront désavantagées sur le plan de la concurrence si rien n'est fait.
Industrie Canada a créé le programme des Comptoirs communautaires commerciaux, qui aide nombre de petites entreprises à devenir des marchands en direct. Toutefois, nous estimons qu'un élargissement appréciable de ce programme sera absolument capital pour assurer la croissance équitable du commerce électronique tant pour les grandes entreprises que pour les petites. Le programme actuel est bon, mais certainement pas assez à l'heure actuelle.
Le commerce électronique donnera lieu à un autre problème important. Des changements économiques très radicaux se produiront si cette forme de commerce en direct se développe comme le prédisent le gouvernement et d'autres. Il est impossible de nier que lorsque le commerce électronique deviendra plus populaire, des milliers de Canadiens risquent de perdre leur emploi.
Dans son livre paru récemment, Jeremy Rifkin, un expert américain sur l'avenir du travail, a conclu que les effets néfastes de la technologie électronique auront des répercussions importantes sur la société canadienne et d'autres sociétés de par le monde. Le commerce électronique risque d'éliminer plusieurs catégories de travailleurs. Les emplois à risque sont divers—des courtiers en valeurs mobilières aux opérateurs de centres téléphoniques et aux commis à l'expédition d'entrepôts. Une société qui comprend un grand nombre de travailleurs non qualifiés sans travail et un petite élite informatique compacte n'est pas souhaitable.
Je vois que mon temps de parole est sur le point d'expirer. Nous avons d'autres préoccupations à soulever à cet égard, mais, par manque de temps, je laisse à mes collègues le soin de le faire. Il est clair maintenant que nous nous opposons au projet de loi dans sa forme actuelle parce qu'il ne renferme pas assez de détails.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Madame la Présidente, j'ai une brève question à l'adresse du député néo-démocrate.
Le député a affirmé que tout le monde doit avoir accès à l'Internet, mais sans préciser qui devra acquitter la facture ni comment. Soit, nous aimons tous avoir droit à des services, mais il nous faut déterminer qui va payer et comment.
M. Nelson Riis: Madame la Présidente, je suis heureux de constater que mon collègue était attentif.
C'est précisément ce que j'ai voulu faire ressortir. Au moment où cette option technologie trouve de plus en plus d'applications dans le commerce électronique, nous, les législateurs, devons veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à ce service si essentiel pour l'avenir. Mais ce n'est pas ce projet de loi, dans sa mouture actuelle, qui réalisera cet objectif. Les propriétaires de petites entreprises nous disent qu'ils ne peuvent pas profiter pleinement de ce service en raison de son coût élevé.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'est pas nécessaire de chercher de midi à quatorze pour trouver des solutions concrètes. Je pense ici au système de comptoirs de quartier qui permet déjà aux petites entreprises et même aux moyennes entreprises d'avoir accès à cette technologie de développement du marché.
Il nous faudra installer ce système dans toutes les régions du Canada. Bell Canada a récemment annoncé son intention d'offrir, notamment en Ontario, ce service technologique au secteur de la petite et moyenne entreprise.
Notre mandat, c'est de faire en sorte que les possibilités offertes par cette nouvelle façon de faire des affaires soient rendues accessibles à tous les Canadiens, qu'ils soient consommateurs ou propriétaires d'entreprise.
M. Sarkis Assadourian: Madame la Présidente, on n'a pas répondu à mes questions quant à savoir qui va payer, comment et combien pour rendre l'Internet accessible à tous les Canadiens. Je demande au député de donner une réponse brève.
M. Nelson Riis: Madame la Présidente, mon collègue désire une réponse brève. Il y a toutefois des questions dans la vie qui ne peuvent se contenter d'une réponse brève et concise. Celle qu'il pose en est une.
Mon collègue fait valoir un point important. Il n'y a pas de solution rapide et c'est ce que nous disons. Tous ceux qui ont pris la parole jusqu'à maintenant dans le cadre de ce débat, y compris les députés ministériels, ont insisté sur le fait que nous devons prendre le temps de bien élaborer le projet et éviter de sauter des étapes.
Il est juste de dire que certains pays ont trouvé une façon innovatrice d'aborder le problème. Par exemple, un certain pays a pris la décision sans précédent d'offrir, depuis le mois de septembre, un ordinateur portatif à chaque enfant du pays dans le cadre du programme scolaire. C'est la décision qu'a prise un pays relativement petit et relativement riche.
L'important, c'est de comprendre que, si nous voulons inclure tous les Canadiens dans la culture de l'information du XXIe siècle, il faudra que notre pays et notre parlement prennent des mesures audacieuses. Nous devons reconnaître qu'il existe dans notre pays une élite qui a accès à Internet et aux ordinateurs puissants que le service Internet requiert. Toutefois, la vaste majorité des citoyens ne sont pas branchés à Internet et n'ont pas les connaissances nécessaires en informatique.
C'est le défi que nous devons relever, en tant que législateurs, à l'aube de l'ère du commerce électronique et du XXIe siècle. Tous les Canadiens devraient pouvoir participer. Autrement dit, ils devraient tous avoir les mêmes chances de profiter du commerce électronique.
M. Jim Jones (Markham, PC): Madame la Présidente, nous nous engageons aujourd'hui dans un processus législatif qui nous permettra de rattraper les progrès technologiques.
Si le Canada veut avoir sa place dans l'espace cybernétique, devenir un leader mondial et être reconnu comme le «pays le plus branché», le gouvernement devra prendre les mesures voulues. Si nous parvenons à établir un équilibre entre la protection du secret des renseignements communiqués par les utilisateurs d'Internet et les efforts de commercialisation légitime des entreprises canadiennes, le Canada pourrait effectivement devenir le leader mondial du commerce électronique.
La confiance est l'élément fondamental de tout l'exercice. Les utilisateurs d'Internet doivent pouvoir faire confiance aux dispositifs de protection mis en place par les adeptes du commerce électronique. L'industrie canadienne doit pouvoir compter sur une législation qui lui permette de pratiquer ce genre de commerce de façon responsable. Les contribuables canadiens doivent savoir que leurs élus leur en donneront pour leur argent et qu'ils sauront doter le pays d'une politique générale de pointe dans le domaine du commerce électronique.
Ce n'est une surprise pour personne que le Canada est sur le point de devenir l'un des leaders mondiaux du commerce électronique. À la différence de presque tous les autres pays du monde, l'étendue de notre territoire nous a obligés à trouver des solutions nouvelles pour réduire les distances qui séparent les Canadiens.
Le projet de loi C-54, la première étape du développement d'une structure commerciale électronique est, à bien des égards, l'équivalent, au XXIe siècle, du premier clou du chemin de fer. La croissance exponentielle continue de l'Internet a des répercussions sur chaque entreprise canadienne, chaque ministère et, en fait, chaque Canadien.
Ce sera pour moi un honneur de participer, avec mes collègues du comité de l'industrie, à un effort assidu et non partisan en vue d'élaborer un projet de loi efficace. La question dépasse de loin les limites du ministère de l'industrie. Tout comme le bogue de l'an 2000, Internet influe sur le moindre aspect des activités du gouvernement et de nos travaux à la Chambre.
Les répercussions du commerce électronique englobent beaucoup plus que la seule question de la confidentialité des renseignements. Le gouvernement doit élaborer un plan d'action complet qui tienne compte de questions comme l'uniformité du marché numérique, l'interception clandestine de renseignements par les forces de sécurité, les relations en ligne des secteurs public et privé, la concurrence, le rôle des petites et moyennes entreprises, le patrimoine et la culture canadiens, etc.
Un dirigeant d'entreprise canadien a dit une chose intéressante à ce sujet, et je crois qu'elle mérite d'être répétée à la Chambre. Il déclarait qu'un télécopieur n'est utile que si le reste du monde en possède un. En fait, la valeur d'une chose croît de façon exponentielle avec le nombre de ses utilisateurs. Si on pousse ce raisonnement à sa conclusion logique, le gouvernement devrait prendre cette question très au sérieux pour éviter que l'industrie naissante du commerce électronique ne vacille. C'est probablement un conseil légitime, mais il y a d'autres ramifications à cela.
Certaines industries sont à l'abri de la concurrence sur Internet. Quand une famille de Markham décide de faire un barbecue le samedi soir, il est peu probable qu'elle commande ses hamburgers par l'intermédiaire d'Internet. Il est sans doute raisonnable de supposer que, si on leur donne le choix, la majorité des gens préfèrent acheter leur pain dans une boulangerie chaude et odorante que sur le Net.
Le choix des consommateurs semble se limiter à ce qui peut être examiné et commandé à l'écran sous un format agréable à l'oeil. Le message qu'il faut peut-être en tirer c'est que le boucher et le boulanger ne sont pas menacés, mais que le fabricant de bougies devrait faire attention. Il ne fait aucun doute que ma comparaison est simpliste, mais elle m'amène à parler de la concurrence que vont se livrer les magasins virtuels et les magasins réels.
En matière de commerce, les incitatifs sont une chose très difficile à équilibrer. Certains, comme le désir d'être à son compte, sont intrinsèques. D'autres peuvent être créés au moyen de règlements de nature fiscale, par exemple. Fait important, certains incitatifs artificiels sont créés par la loi. Fait tout aussi important, ils sont presque certainement accompagnés d'effets dissuasifs de force égale et opposée. Le travail des législateurs devrait donc être de déterminer en quoi consiste cet effet dissuasif et d'en débattre de façon rationnelle.
Récemment, le ministre fédéral du Revenu annonçait que le gouvernement n'avait pas l'intention de créer une nouvelle taxe qui frapperait les transactions commerciales électroniques, ce dont je le félicite. Les Canadiens ont fait savoir très clairement qu'ils n'étaient pas prêts à accepter des impôts nouveaux. Nous devrions plutôt chercher à alléger la fiscalité. La question que nous devons nous poser est comment appliquer la législation fiscale d'une manière équitable, constante et sans incidence sur les recettes.
À l'heure actuelle, les commerçants virtuels établis dans l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, qui vendent dans d'autres provinces comme l'Ontario, ne sont pas tenus de percevoir la taxe de vente. Ce sont les consommateurs qui doivent verser la taxe de vente à la province dans laquelle ils sont domiciliés.
Ce que je vais dire va probablement choquer le ministre du Revenu, je lui demanderais donc de se préparer, mais dans la grande majorité des cas, cette taxe n'est jamais versée. Ce n'est pas un problème insurmontable. L'industrie canadienne s'est toujours montrée prête à observer les règlements nécessaires pour permettre au gouvernement de percevoir les recettes dont il a besoin pour assurer aux Canadiens les services qu'ils demandent.
Le problème, c'est ce que l'on fait dans l'intervalle. Il semble que certaines boutiques ayant pignon sur rue qui emploient des vendeurs et paient des impôts sur les biens à usage commercial seront désavantagées sur le plan de la concurrence en ce sens qu'elles seront tenues de percevoir des taxes de vente que leur concurrents qui assurent la distribution électronique en direct ne doivent pas percevoir. À mon avis, c'est un problème qu'il faut examiner le plus vite possible. Il ne devrait pas y avoir de calendrier en matière d'équité d'impôts. L'équité est un aspect inhérent et fondamental qui doit le rester.
J'ai traité relativement à Internet d'un problème fiscal purement intérieur. À présent, je voudrais en venir à l'imposition et au marché international. Lors de la conférence des ministres de l'OCDE sur le commerce électronique qui s'est tenue récemment à Ottawa, une grande partie de l'attention a été concentrée sur les principes de l'imposition du commerce électronique.
Les ministres se sont entendus notamment sur cinq points. Le premier, c'est la neutralité, pour veiller à des mesures d'imposition équitables et justes, qu'il s'agisse du commerce électronique ou des formes de commerce traditionnelles. Puis il y a l'efficacité, pour veiller à ce qu'elle remplisse le double objectif de limiter les coûts d'administration. Ensuite, il y a la certitude et la simplicité, pour veiller à ce que les niveaux d'imposition et les méthodes de perception soient transparentes et prévisibles. Ensuite, il y a l'efficacité et l'équité, pour limiter les risques d'évasion fiscale et garantir que le juste montant des taxes soit perçu au moment voulu. Et enfin, il y a la flexibilité, pour aider les législateurs à ne pas se laisser dépasser par la nouvelle technologie.
Ces principes peuvent être qualifiés de justes, de grande portée et de grande envergure. Le problème c'est que pris conjointement, ces principes tentent d'équilibrer toute une gamme de régimes fiscaux incongrus. Peut-être seraient-ils efficaces dans un seul État ou encore pourraient-ils faire l'objet de négociations en vue d'une application progressive dans le cadre d'un accord de libre échange. Toutefois, le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui est bien différent.
Disons bien franchement qu'en matière d'impôt, il n'y a pas de formule internationale qui puisse permettre d'atteindre un certain équilibre. Si nous voulions négocier un traité de ce genre, nous ferions face à un processus long et ardu qui donnerait sans aucun doute lieu aux mêmes pièges que l'on retrouve actuellement dans le cadre de l'AMI. Comment doit-on réagir à tout cela?
La Chambre doit voir à protéger et à favoriser les intérêts canadiens. Si je comprends bien, nous devons accepter de participer à un monde d'échanges commerciaux ou nous en remettre aux politiques protectionnistes, une voie qui mène à coup sûr dans une impasse.
Le Parti progressiste-conservateur, responsable de l'accord de libre échange le plus important et le plus réussi de l'histoire, n'est pas du tout prêt à abandonner le libre échange. Toutefois, nous ne devons pas sous-estimer la concurrence.
La dure réalité c'est que le commerce électronique ne peut qu'être efficace. Internet permet de comparer des prix en quelques secondes, éliminant ainsi des après-midi de lèche-vitrines. Le prix est le facteur déterminant qui permet de prendre une décision. Si nous comprenons bien ce principe, que nous reconnaissons que le Canada ne peut soutenir la concurrence et que nous comparons notre système fiscal à celui de notre voisin du sud, nous sommes forcés de reconnaître que la situation est grave.
Si les succès enregistrés par le gouvernement provincial de l'Ontario n'ont pas réussi à convaincre le ministre des Finances que les réductions d'impôts engendrent la croissance, peut-être ces inégalités pourraient-elles arriver à le stimuler. On peut dire que, d'un façon générale, la réglementation d'Internet a été un échec dans toutes les juridictions qui ont tenté de dépasser les limites du bon sens.
Le 23 novembre, le CRTC commencera des audiences pour essayer de déterminer quelle réglementation serait nécessaire pour les nouveaux médias et Internet. Le conseil a été très critiqué pour cette raison et a été accusé de vouloir se constituer un empire. Le Parti progressiste conservateur estime que c'est pourtant le genre d'exercice auquel nous devrions nous livrer. Cela ne veut pas dire que nous appuierons n'importe quoi pour censurer Internet, au contraire. C'est le secteur privé qui doit déterminer l'avenir d'Internet, mais le secteur public a un rôle à jouer pour faire avancer le débat.
Une des réalités que nous devons accepter, c'est que le réseau Internet croît à un rythme qui dépasse de très loin notre capacité de le contrôler par des moyens législatifs. Le principal problème de toute mesure de contrôle c'est qu'elle ne peut être appliquée qu'au niveau national, alors que le réseau est d'envergure planétaire. Par conséquent, le gouvernement devra s'en remettre au secteur privé, lequel saura créer de nouvelles technologies permettant aux particuliers d'obtenir ou de bloquer l'accès à certains sujets, selon leurs désirs. Le rôle du gouvernement dans ce domaine sera très réduit.
L'expansion de cette technologie, conçue à l'origine comme un outil de recherche pour les universitaires, nous stupéfait tous. Récemment, un administrateur d'IBM qualifiait le phénomène de révolution numérique et ajoutait que son effet sera aussi important que celui de la révolution industrielle. Tout comme la révolution industrielle, Internet et le commerce électronique ont la capacité de changer la façon dont se font les affaires, la façon dont les gouvernements sont organisés et la façon dont les économies sont structurées. La principale différence, cependant, c'est que cette révolution se produit dix fois plus rapidement que la révolution industrielle. D'ailleurs, l'Internet double de volume à un rythme qui se mesure en mois plutôt qu'en années.
Je suis convaincu que le CRTC suscitera de nombreux mémoires louables et fera l'objet d'innombrables conseils. Cependant, il me semble clair que les efforts en vue de contrôler les niveaux de contenu canadien sur l'Internet se solderont par un échec lamentable.
Au lieu de cela, il est temps pour le gouvernement et pour l'industrie canadienne de collaborer à cette entreprise complètement nouvelle. En montrant comment l'Internet peut être adapté aux besoins des Canadiens, nous exercerons une très grande influence en tant qu'usagers modèles. L'uniformité de politique de pays à pays deviendra une idée dont on vantera beaucoup les mérites. En agissant tôt, nous avons une excellente occasion de laisser une empreinte durable sur cette technologie nouvelle.
Le défi auquel nous sommes confrontés est rien moins que monumental. Peut-être l'idée la plus difficile à accepter pour les législateurs, c'est d'éliminer notre influence. Au lieu d'imposer notre volonté, nous devrons devenir plus dynamiques dans nos sphères d'influence. Il ne faut plus nous contenter de parler de fournir des stimulants. Il est impossible d'obliger par des lois les autres à investir au Canada. Nous devons par conséquent soutenir notre économie fondée sur l'information en offrant des incitatifs et l'accès aux capitaux, une chose que le ministre de l'Industrie a négligé de faire lorsqu'il a présenté récemment une refonte de la Loi sur les prêts aux petites entreprises sous la forme du projet de loi C-53.
Le bulletin libéral de nouvelles, autrement dit le Toronto Star, a récemment proposé gracieusement ses conseils quant à la façon dont on pourrait mettre en oeuvre ces mesures incitatives. Il suggérait de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de manière à encourager les entreprises canadiennes à faire de la publicité sur les services canadiens d'Internet.
La question de savoir si cette suggestion est valable ou non est affaire de débat. Cependant, le principe primordial qu'il nous faut comprendre et incorporer dans la loi, c'est la nécessité de légiférer en matière de commerce électronique en mettant l'accent sur la carotte plutôt que sur le bâton.
L'OCDE calcule que, d'ici l'an 2003, la valeur des transactions commerciales électroniques atteindra un billion de dollars, un chiffre si colossal qu'il correspond à 54 p. 100 de l'industrie américaine des ventes par marketing direct. Les gouvernements et les entreprises doivent élaborer des solutions qui mettront ce phénomène grandissant à la disposition de tous.
Les coûts des ordinateurs ont baissé de façon spectaculaire depuis quelques années. Cependant, les ordinateurs personnels sont encore hors de portée pour beaucoup de ménages. Si on ne cherche pas dès maintenant à combler cet écart, il ne pourra que s'élargir encore davantage à l'avenir.
L'une des principales raisons qui explique la croissance rapide d'Internet réside dans sa capacité de permettre une expression qui touche au coeur même du sens de la vie en tant qu'humain. En sachant cela, nous ne pouvons accepter que certains soient privés de leurs droits.
Ce n'est pas une question qui devrait soulever toutes sortes de craintes chez nous. Comme on pouvait le prévoir, beaucoup de syndicalistes en reviennent à leur façon luddite de voir les choses et s'élèvent contre les pertes possibles d'emplois. De telles craintes ne sont pas fondées. En réalité, de nombreux nouveaux emplois très bien rémunérés ont été créés et, en fait, demeurent vacants parce que la demande continue d'être supérieure à l'offre. Normalement, ces postes ne sont pas syndiqués. Certains membres du mouvement syndical qui tiennent des propos alarmistes devraient peut-être réexaminer leurs propres motifs. Il semble que ce qui les inquiète le plus ne sont pas les pertes d'emplois, mais bien la diminution de leur propre influence.
Il faut également se pencher sur l'application de la loi pour les crimes graves commis sur Internet. Le projet de loi C-54 commence à s'attaquer à ce problème grâce aux modifications qu'il prévoit à la Loi sur la preuve au Canada. Les modifications proposées définissent notamment les signatures électroniques. Il va être plus difficile pour les auteurs de fraudes informatiques de se cacher derrière un certain anonymat. J'espère également que cette disposition aidera à identifier les gens qui font de la propagande haineuse sur Internet.
Nous devrons nous pencher sur cette question tant que ce virus persistera au Canada. Que ce soit de façon électronique ou autrement, je trouve ironique que des outils comme Internet, qui présentent un si grand potentiel d'unification de notre planète, continuent d'être un paradis pour les gens qui déforment la vérité de façon aussi flagrante. J'exhorte tous mes collègues à la Chambre à unir leurs efforts afin que nous puissions commencer à nous débarrasser de ce fléau.
Les violations des droits d'auteurs sont un problème grave qu'un pays ne peut régler seul. Dans ce cas, le Canada devra exercer autant de leadership qu'il l'a fait par le passé pour assurer la protection des oeuvres de création. Il faut rappeler que les violations du droit d'auteur constituent tout simplement des vols et qu'elles font des victimes.
Le chef de la section des crimes informatiques à la Federation Against Software Theft, FAST, a confirmé récemment que les crimes commis sur Internet sont de plus en plus nombreux. L'Internet est l'outil de choix pour les vols de logiciels. Il est de plus en plus utilisé également pour distribuer des copies de logiciels et d'autres propriétés intellectuelles comme la musique. Nous devons absolument donner à nos agents chargés de l'application de la loi tous les outils dont ils ont besoin pour lutter contre ce phénomène.
Je me suis penché sur des questions très vastes touchant le commerce électronique. Je vais maintenant m'arrêter à des dispositions précises du projet de loi C-54.
Le Président: Je pense que le moment est bien choisi pour intervenir, car le député aborde ses derniers points; il aura la parole immédiatement après la période des questions.
Comme il est 14 heures, nous passons aux déclarations de députés.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LA SEMAINE D'ACTION DES ÉTUDIANTS
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, les étudiants de Peterborough se sont joints à d'autres étudiants de tous les coins du Canada pour célébrer la semaine d'action des étudiants.
En Ontario, les étudiants s'inquiètent des mesures prises par le gouvernement provincial, qui a réduit sa contribution financière aux établissements d'enseignement et déréglementé les frais de scolarité. La conséquence a été une hausse très marquée des coûts pour les étudiants.
Le groupe parlementaire ministériel chargé d'examiner le dossier de l'éducation postsecondaire et de la recherche appuie les mesures fédérales visant à alléger le fardeau des étudiants. Au moyen des bourses du millénaire, des subventions aux étudiants, des retraits des REER en franchise d'impôt, des REEE, des allégements fiscaux au titre des prêts aux étudiants et d'un accroissement des ressources des conseils subventionnaires, le gouvernement fédéral aide à faciliter l'accès à une éducation de qualité. Nous le faisons parce que nous savons que l'éducation est la clé de la prospérité à venir.
J'appuie les étudiants qui dénoncent les mesures du gouvernement ontarien, et j'exhorte tous les gouvernements provinciaux à suivre l'exemple des instances fédérales.
* * *
LE SOMMET DE L'APEC
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, en 1980, lorsque le premier ministre était ministre de la Justice du Canada, il a dit: «Beaucoup de gens dans la société ordinaire de notre pays sont protégés, mais ces droits peuvent disparaître très rapidement.» Comme c'est bizarre.
Le premier ministre a prédit ce que lui-même allait faire 18 ans plus tard. Il a fait disparaître rapidement les droits des Canadiens. Il est flagrant que le premier ministre et son Cabinet se sont acharnés à supprimer les libertés de parole, d'expression et d'association prévues dans la Charte lors des rencontres de l'APEC qui se sont tenues à Vancouver, l'année dernière. Aux audiences en cours, il prévoit plus de 2 000 $ l'heure pour sa protection juridique, tandis qu'il ordonne au solliciteur général du Canada de refuser tout financement aux manifestants.
Le solliciteur général, qui est censé être le protecteur des Canadiens, est, honteusement, le protecteur du premier ministre. Honte au premier ministre, honte à ses collaborateurs et, surtout, honte au solliciteur général, qui a laissé tomber les Canadiens. Il permet au premier ministre d'agir comme un...
[Français]
Le Président: L'honorable députée de Ahuntsic a la parole.
* * *
LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE BRIAN DICKSON
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Monsieur le Président, je désire aujourd'hui honorer la mémoire de l'un de nos plus éminents juristes, l'ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable Brian Dickson, qui s'est éteint, samedi dernier, à l'âge de 82 ans.
Il a été membre de la Cour suprême du Canada, de 1973 à 1990, et juge en chef de cette Cour, de 1984 à 1990.
[Traduction]
Avant de se joindre au plus haut tribunal du pays, il a siégé à la magistrature du Manitoba. Il a également servi héroïquement son pays au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il a apporté une contribution durable au droit et a joué un rôle crucial dans l'élaboration de la jurisprudence en vertu de la Charte des droits et libertés.
On se souviendra de lui comme d'un juriste à l'intelligence vive, au jugement perspicace et à la grande intégrité. Il manquera à tous ceux qui ont eu l'honneur de le connaître et de travailler à ses côtés. Il s'agit d'une triste perte pour tous les Canadiens.
Je sais que tous les parlementaires se joindront à moi et au gouvernement pour transmettre nos condoléances à sa famille et à ses amis, et pour témoigner de notre respect envers ce grand juriste et ce héros de guerre qui a bien servi son pays.
* * *
LE CENTRE NATIONAL DES SPORTS
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, le week-end dernier, j'ai eu le privilège de représenter la ministre du Patrimoine canadien à la conférence canadienne des athlètes qui a eu lieu à Vancouver, en Colombie-Britannique, conférence au cours de laquelle on a annoncé la création du Centre national des sports de la région métropolitaine de Vancouver.
Dans le cadre de ce programme de partenariat, le gouvernement fédéral et Sports Canada verseront 250 000 $ en 1998-1999, et 350 000 $ chacune des années suivantes.
Le centre de Vancouver se distinguera par les services uniques de formation des entraîneurs qu'il offrira et par son partenariat avec les institutions nationales d'entraînement de Victoria.
Il convient aussi de souligner que le centre fera également partie du Centre national des sports de la Colombie-Britannique, lequel coordonnera les programmes de cinq centres déjà en place et des deux centres nationaux des sports de Vancouver et de Victoria.
En investissant dans ces programmes, nous aidons non seulement les athlètes actuels, mais nous investissons aussi dans les jeunes d'aujourd'hui et dans nos athlètes de demain.
* * *
LE PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage aux cinq lauréates de 1998 du prix du gouverneur général en commémoration de l'affaire «personne».
Ce prix du gouverneur général a été créé en 1979 afin de souligner le 50e anniversaire de l'affaire «personne». Il rend hommage aux cinq femmes célèbres qui ont réussi à contester nos traditions politiques et qui ont permis aux femmes d'accéder au Sénat du Canada.
Cette année, les lauréates de ce prix du gouverneur général sont: Jacqueline Sicotte Bétque, Alice Brown, Claire Haggtvelt, Stella-Maria Zola Gule-LeJohn et Phyllis Seymour. Ces cinq femmes remarquables ont suivi les traces des cinq femmes célèbres auxquelles nous rendons hommage en ce Mois de l'histoire des femmes.
Les lauréates d'aujourd'hui se sont inspirées des cinq femmes célèbres dans leurs luttes pour le droit de vote des femmes, pour un traitement équitable des femmes qui participent à des exploitations agricoles familiales et pour des refuges sûrs à l'intention des femmes victimes de violence ainsi que dans le portrait réaliste qu'elles présentent de la vie des Canadiennes.
* * *
LE SÉNAT
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui que les Albertains élisent ceux qu'ils veulent comme représentants au Sénat du Canada.
Le premier ministre a fait tout ce qu'il a pu pour leur nier ce droit démocratique. Il a formellement interdit aux libéraux provinciaux de présenter des candidats. Il a qualifié de plaisanterie l'élection de sénateurs en Alberta. Il a nommé un sénateur de son choix pendant que le processus était en cours, donnant ainsi sa version du salut à la Trudeau.
Il a faussé les faits en disant qu'une modification constitutionnelle était indispensable à la nomination d'un sénateur élu. Il s'est servi de toutes ses munitions pour empêcher les Albertains de tenir cette élection, mais il a échoué.
Aujourd'hui des centaines de milliers d'Albertains élisent deux éventuels sénateurs et envoient un message clair au premier ministre. Il est clair que chaque Albertain qui va se prononcer aujourd'hui respecte davantage la démocratie que le premier ministre et tous ses petits copains réunis.
* * *
LE MOIS DE L'HISTOIRE DES FEMMES
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, en 1992, le gouvernement fédéral a désigné octobre comme étant le Mois de l'histoire des femmes. J'interviens pour saluer la contribution des femmes à l'histoire et à la société canadiennes.
Le Mois de l'histoire des femmes coïncide avec la commémoration annuelle de la décision rendue en 1929 dans l'affaire «personne». Cette décision donnait raison à cinq Canadiennes qui avaient lutté pour que les femmes soient reconnues en tant que personnes en vertu de l'Acte de l'Amérique du nord britannique. La décision donnait aux femmes la possibilité d'être nommées au Sénat.
Selon Nellie McClung, l'une des cinq femmes qui ont gagné cette cause marquante il y a près de 70 ans, il faut connaître le passé pour comprendre le présent et faire face au futur.
C'est pour cette raison que nous célébrons le Mois de l'histoire des femmes. Chaque année, en octobre, nous saluons les réalisations passées des femmes pour susciter la fierté dans nos origines historiques et présenter des modèles aux Canadiennes.
Je suis honorée d'intervenir pour souligner, avec les Canadiens, la différence que les femmes ont faite dans le passé...
Le Président: Le député de Lanark—Carleton.
* * *
LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE BRIAN DICKSON
M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur le décès du très honorable Brian Dickson, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada.
M. Dickson a été nommé à la Cour suprême en 1973 et a été juge en chef de 1984 jusqu'à sa retraite en 1990. Il a dirigé la Cour suprême pendant la période où la Charte des droits et libertés présentait de nouveaux défis à notre système judiciaire. M. Dickson était reconnu pour être un ferme défenseur des droits des minorités. Nombre d'observateurs le considèrent comme le plus grand juge en chef à avoir présidé aux destinées de la Cour suprême.
Brian Dickson a également été un héros de guerre et a été grièvement blessé au cours de la Seconde Guerre mondiale, durant son service au sein de l'Artillerie royale canadienne. Il a continué de rendre service à la société jusqu'à sa mort.
Je suis fier de l'avoir compté parmi mes électeurs et je le remercie de tout ce qu'il fait pour le Canada durant sa vie et de l'héritage durable qu'il a laissé à notre pays.
* * *
LE CABINET
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais parler du code de conduite secret du premier ministre qui s'applique aux membres du Cabinet.
Le code de conduite exige que le premier ministre défende son solliciteur général, qui a parlé librement et publiquement de l'enquête de son propre ministère, au risque même de la ruiner.
Il autorise le ministre des Finances à dépenser l'excédent du fonds d'AE en l'arrachant cupidement des mains des travailleurs et des employeurs.
Il oblige le ministre des Finances à congédier un fonctionnaire pour avoir exposé la mauvaise gestion du RPC.
Il approuve le congédiement du président du Comité des pêches, lui-même issu du gouvernement, parce qu'il a révélé trop d'histoires de pêche.
Il a obligé le ministre de la Santé à refuser d'indemniser toutes les victimes du sang contaminé. Il a protégé les libéraux quand ceux-ci ont annulé l'enquête sur la Somalie, fait obstacle à l'enquête Krever et fait volte face dans l'affaire de l'achat d'hélicoptères.
Le code de conduite secret du Cabinet libéral n'est pas un secret pour les Canadiens qui sont les victimes de ce gouvernement sans coeur...
Le Président: La parole est au député de Pierrefonds—Dollard.
* * *
[Français]
MME JULIE PAYETTE
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, hier soir, à Montréal, l'astronaute Julie Payette était choisie Personnalité de l'année à l'occasion du XVe Gala Excellence du journal La Presse.
Nous voulons saluer le courage de cette jeune astronaute qui n'a jamais lâché prise pour réussir dans cette carrière «qui demande beaucoup de force pour ne pas faillir, pour ne pas faire d'erreur», comme elle le mentionnait elle-même. Elle a toutes les raisons d'être fière de recevoir cet honneur.
J'aimerais également féliciter tous les autres récipiendaires qui ont reçu un tel encouragement dans diverses disciplines, des arts à la littérature, en passant par le monde des affaires et du sport.
Il est à souhaiter que de telles mentions encourageront nos jeunes à suivre ces exemples de réussite.
* * *
[Traduction]
LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, il est de plus en plus évident que le fusionnement de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans est absolument catastrophique.
Depuis plusieurs années, on a réduit le budget de la Garde côtière canadienne de dizaines de millions de dollars, limitant ainsi sérieusement le potentiel de recherche et de sauvetage du Canada. D'ici au mois d'avril 1999, on réduira encore de 55 millions de dollars le budget de la Garde côtière.
Après la catastrophe de la Swissair, les hommes et les femmes de la Garde côtière ont accompli un travail extraordinaire. La compétence dont ils ont fait preuve dans des circonstances extrêmement difficiles a été un objet de grande fierté pour tous les Canadiens et a montré pourquoi la Garde côtière a besoin d'un financement suffisant.
Voici que ces hommes et ces femmes braves reçoivent des avis de renvoi et voient leurs navires condamnés à rester à quai. Compte tenu de la longueur de la côte canadienne, c'est scandaleux. La Garde côtière ne pourra pas accomplir son travail sans de bons outils ni des ressources suffisantes.
Qu'est-ce que le gouvernement se propose de faire ensuite? Donner des contrats de recherche et de sauvetage aux États-Unis?
* * *
[Français]
M. ANDRÉ O. DUMAS
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de rendre hommage à M. André O. Dumas, récipiendaire du trophée McKee remis lors de la réunion annuelle de l'Institut aéronautique et spatial du Canada, qui avait lieu à Calgary dernièrement. M. Dumas est le deuxième francophone à mériter cette récompense en plus de 70 ans d'existence.
Cet honneur constitue la consécration de sa remarquable contribution dans le domaine de l'aviation et de l'aéronautique.
C'est à titre de pilote de la Royal Canadian Air Force, lors de la Deuxième Guerre mondiale, que M. Dumas a commencé sa carrière. Entre autres responsabilités, il a occupé pendant plus de 10 ans le poste d'administrateur régional à Transports Canada pour le Québec.
Nous lui sommes reconnaissants de son apport au développement du mouvement des Cadets de l'air au Québec. Toujours impliqué, il a mis son expérience au service de la Commission sur le développement de la région de Mirabel, afin de définir un plan d'action s'appuyant sur l'infrastructure aéroportuaire.
Le Bloc québécois offre ses plus sincères félicitations à M. André O. Dumas.
* * *
LES CENTRES D'EXCELLENCE
M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, le 15 octobre dernier, notre gouvernement annonçait un investissement de 41 millions de dollars au cours des quatre prochaines années dans trois réseaux de centre d'excellence, soit le Réseau canadien d'arthrite, le Réseau de géomatique pour des interventions et des décisions éclairées, et le Réseau de mathématiques des technologies de l'information et des systèmes complexes.
Un tel investissement profitera notamment à l'Université Laval qui abrite un nombre important de chercheurs dans ces domaines, mais aura également des impacts significatifs dans l'ensemble du Canada en raison de la présence de nos meilleurs chercheurs et de leurs partenaires dans les milieux universitaires, gouvernementaux et ceux du secteur privé.
Rappelons que ce rôle d'excellence en géomatique s'est établi à l'Université Laval et dans la région de Québec, il y a 10 ans, et qu'il appuie ce réseau en fournissant une infrastructure de recherche et un bassin de ressources humaines incomparables.
* * *
[Traduction]
LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, une société de ma circonscription, Interlinx, a reçu un chèque du ministère de la Défense nationale en date du 11 septembre 1998 pour la somme de 1 182,56 $. En fait, la société Interlinx n'a présenté aucune facture à ce montant ni n'a effectué aucun travail pour le ministère de la Défense nationale.
Lorsque le comité de la défense a examiné des questions de qualité de vie, l'an dernier, il est devenu évident que le ministère de la Défense nationale ne peut pas se permettre un gaspillage pareil. Et pourtant, le premier ministre a trouvé 14,5 millions de dollars pour construire un nouveau manège militaire dans sa circonscription.
Il importe que les Canadiens en général et les membres des Forces canadiennes de tout rang en particulier soient sûrs que les ressources sont correctement gérées et non gaspillées.
Combien d'autres chèques ont été envoyés? Quelle assurance avons-nous que ce genre de gaspillage ne se reproduira pas? Pour répondre à ces questions à la satisfaction des Canadiens, j'ai demandé par écrit au vérificateur général une vérification interne du ministère de la Défense nationale.
Je vais renvoyer l'argent gaspillé au ministre cet après-midi, après la période des questions.
* * *
SERVICES À LA FAMILLE-CANADA
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage à Services à la famille-Canada, organisme de charité ayant pour mandat de promouvoir le bien-être des familles de la collectivité.
Cet organisme fournit des services complets de consultation familiale et touche ainsi plus de 400 000 Canadiens. Cette année, cet organisme a lancé une initiative nationale intitulée «images de familles». Les Canadiens de tout âge sont invités à envoyer des photos ou des anecdotes représentatives d'un moment dans la vie de leur famille. On peut s'adresser à Services à la famille-Canada pour obtenir plus de détails.
Les bénévoles, le personnel et les membres de Services à la famille-Canada méritent des éloges, parce qu'ils sont là pour nos enfants, qui sont la ressource la plus précieuse de notre pays.
* * *
[Français]
LE PRIX NOBEL DE LA PAIX DE 1998
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois désire saluer l'octroi du prix Nobel de la paix de 1998 à MM. John Hume et David Trimble.
Ces deux artisans de la paix obtiennent cette distinction parce qu'ils ont exercé un leadership qui s'est traduit par la conclusion d'un accord du Vendredi saint, et s'avère aujourd'hui le fondement d'une paix durable en Irlande du Nord.
Pour John Hume, le prix Nobel de la paix est une reconnaissance de son combat pacifique et démocratique pour la paix en Irlande du Nord. Pour David Trimble, l'obtention du prix est un tribut à l'homme du risque, qui choisit aussi la voie de la réconciliation. Ce prix Nobel n'est pas prématuré, ce prix Nobel est mérité.
L'Irlande du Nord mérite cette paix. Les Irlandais du Nord ont obtenu, grâce à John Hume et David Trimble, une nouvelle paix. Mais ils se sont aussi donné, par l'accord du Vendredi saint, le droit de maîtriser leur destin, le droit de choisir leur statut politique. Ils ont redonné aux Irlandais du Nord la liberté.
* * *
[Traduction]
LE PARTI PROGRESSISTE-CONSERVATEUR DU NOUVEAU-BRUNSWICK
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi de déclarer que c'est aujourd'hui un grand jour pour la démocratie dans la province du Nouveau-Brunswick.
Le Parti progressiste conservateur du Nouveau-Brunswick est sur le point de faire élire trois députés à l'Assemblée législative de Fredericton. Ces candidats sont Everett Sanipass, Brad Green et, notre chef, Bernard Lord.
Aujourd'hui sera le jour où Bernard Lord se verra ouvrir les portes de l'Assemblée législative à Fredericton. Ce sera le premier jour d'une longue carrière.
Je félicite Bernard Lord de sa victoire aujourd'hui.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
L'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DE L'APEC
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a au moins six avocats grassement payés qui le défendent à l'enquête sur les événements de l'APEC, mais les étudiants qui ont été aspergés de poivre de cayenne n'en ont aucun dans le moment. Le solliciteur général trouve que cela est juste.
Est-ce là ce que le premier ministre considère comme des règles du jeu équitables, donner à une partie une équipe d'avocats grassement payés alors que l'autre partie n'a droit qu'à se faire asperger de poivre de cayenne?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, une commission a été établie en vertu d'une loi du Parlement pour veiller sur les intérêts de ceux qui ont des plaintes à formuler. Cela s'est fait de nombreuses fois.
Un avocat travaille pour cette commission, et il est chargé d'aider les témoins et les plaignants à formuler leurs plaintes. Les policiers et le gouvernement, qui font l'objet de la plainte, ont un avocat pour les défendre. Aucune plainte n'a été portée contre les étudiants. Ce sont eux qui ont porté plainte et ils ont maintenant l'occasion de présenter leurs arguments. S'ils ont des problèmes en tant que témoins, l'avocat responsable...
Le Président: Le chef de l'opposition a la parole.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, n'importe quel escroc dans ce pays peut habituellement compter sur l'aide juridique du gouvernement. Même des meurtriers et des violeurs comme Clifford Olson et Paul Bernardo ont reçu de l'aide juridique. Aucune loi ni aucune convention n'empêche le gouvernement de donner de l'aide aux étudiants à l'enquête sur les événements de l'APEC.
Pourquoi les criminels peuvent-ils recevoir de l'aide juridique du gouvernement, mais pas des manifestants qui n'ont enfreint aucune loi?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous n'accusons pas les étudiants de quoi que ce soit. Ce sont eux qui se plaignent du travail des policiers. C'est ce qui arrive. Contrairement au chef de l'opposition, nous ne comparons pas les étudiants à des criminels. Ce ne sont pas des criminels. Ils ont porté plainte contre la police. La commission est prête à les aider s'ils ont des problèmes en ce qui concerne leur témoignage devant la commission.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre tourne en rond. Il est clair que les règles du jeu ne sont pas équitables lorsque, dans une enquête, une partie peut compter sur les services d'au moins six avocats grassement payés et sur toutes les ressources dont dispose le gouvernement du Canada alors que l'autre partie n'a absolument rien.
Le premier ministre est-il prêt à dire à la Chambre qu'il trouve que cela est juste?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je répète encore une fois qu'aucune plainte n'a été portée contre les étudiants. Ils ne sont accusés de rien. Ce sont eux qui ont porté plainte contre les activités de la police et du gouvernement. Les étudiants ont porté plainte.
Il existe une loi du Parlement qui permet à chaque plaignant d'être entendu, mais les plaignants qui témoignent devant n'importe quel corps de police au Canada ne demandent pas d'avocats. La commission examine le bien-fondé des plaintes et elle fait cela au nom des Canadiens.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, j'ai passé les deux dernières semaines à Vancouver, aux audiences sur les événements de l'APEC, et je peux dire au premier ministre qu'il n'a absolument aucun sens de l'équité. J'ai vu le témoignage du premier étudiant complètement déformé et faussé comme seul un procureur de l'État expérimenté peut le faire.
Comment le premier ministre peut-il oser prétendre qu'il est juste de lancer une meute d'avocats grassement payés derrière des étudiants?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'avocat-conseil de la commission a déclaré: «La commission peut prendre et elle prendra les mesures supplémentaires voulues pour que les manifestants qui n'ont pas les moyens de se payer des avocats soient traités équitablement. Nous sommes là pour faire en sorte qu'ils soient traités équitablement et c'est ce que nous ferons.»
Aucune plainte n'a été portée contre les étudiants. Ce sont eux qui ont formulé des plaintes contre les policiers et ceux-ci veulent se défendre parce que ce sont eux qui sont mis en accusation. Personne n'accuse les étudiants de quoi que ce soit.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre devrait aller passer une journée aux audiences pour voir de lui-même à quel point le processus est déséquilibré. Les étudiants ne bénéficieront pas d'audiences équitables et, en plus, la GRC sera perçue comme participant à un processus faussé et corrompu.
Je demande à nouveau au premier ministre s'il accordera aux étudiants les fonds qu'ils devraient obtenir? Le premier ministre se présenterait-il à ces audiences sans bénéficier des services de bons avocats?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je viens juste d'expliquer le processus. Le Parlement a adopté une loi qui permet à tout citoyen canadien ayant une plainte à formuler contre la police de le faire sans devoir recourir aux services d'un avocat. C'est pourquoi nous avons créé cette commission. Lorsque quelqu'un se plaint des activités de la police, il est normal que les policiers mis en cause puissent se défendre. En l'occurrence, aucun des étudiants n'a été accusé de quoi que ce soit.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, politiquement, le solliciteur général est maintenu artificiellement en vie par le premier ministre. Cela ne l'empêche pas, malgré tout, de prendre de mauvaises décisions.
Si le solliciteur général refuse de payer les frais d'avocats aux étudiants qui ont porté plainte dans l'affaire du «Peppergate», est-ce que ce n'est pas parce qu'il a peur de perdre le contrôle sur l'enquête en cours, qu'il a peur que les conclusions du comité d'enquête soient tout autres que celles qu'il a prévues, il y a trois semaines?
[Traduction]
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Pas du tout, monsieur le Président. En fait, la Commission des plaintes du public a prouvé depuis bon nombre d'années qu'elle était en mesure de rendre justice, de traiter honnêtement les plaignants et ainsi de suite. C'est exactement ce qu'elle fait dans le cas présent.
Une demande a été présentée. Je l'ai étudié et j'ai décidé de ne pas fournir les fonds demandés.
Il existe un bon nombre de tribunaux de ce genre un peu partout au gouvernement. Il est très important que les Canadiens aient accès à un processus simple qui leur permette de présenter ce genre de plaintes et j'ai entièrement confiance en la Commission des plaintes du public.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, d'un côté, le gouvernement et la GRC, qui sont mis en cause, se paient, aux frais des contribuables, une dizaine d'avocats. De l'autre, les étudiants, qui ont porté plainte, qui ont été tabassés, arrêtés, bafoués dans leurs droits, n'ont pas les moyens de se payer un seul avocat.
Le premier ministre ne croit-il pas que le gouvernement frôle l'indécence et l'immoralité en se comportant comme il le fait dans cette affaire?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je vais répéter qu'il n'y a aucune accusation contre les étudiants. Personne n'accuse les étudiants de quoi que ce soit. Il n'y a eu aucune accusation de portée devant les tribunaux contre les étudiants à cause de la manifestation.
Eux, ils ont porté plainte contre la police et la Loi du Parlement établit une commission qui, elle, se charge de la protection de tous les témoins.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, non seulement ce gouvernement tente de contrôler l'enquête en cours sur les événements survenus à l'APEC, mais en plus, et c'est grave, il tente de contrôler ce que les journalistes en disent. C'est pourquoi une plainte a été déposée à l'ombudsman de la CBC et que le journaliste a été déplacé.
En agissant ainsi, est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il discrédite l'ensemble des institutions politiques en adoptant un comportement qui est carrément inacceptable pour un gouvernement?
Le très hon. Jean Chrétien (Saint-Maurice, Lib.): Monsieur le Président, un ombudsman est nommé, et l'ancien président, Patrick Watson, qui était le président de CBC, un homme de presse lui-même, a déclaré, et je cite ce qu'il a dit en anglais:
[Traduction]
«Cela ne me préoccupe pas du tout puisque l'ombudsman est indépendant et qu'il tentera d'établir les faits. Cette procédure de traitement des plaintes est beaucoup plus efficace que toutes ces tentatives en vue d'exercer une pression sur un journaliste.» Ce sont là les paroles de Patrick Watson. Nous n'avons pas communiqué avec le président de la CBC. Ce dernier a écrit à l'ombudsman qui est en mesure de traiter la plainte de ce monsieur en tout temps.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, la Chambre n'a plus confiance dans le solliciteur général, la GRC n'a plus confiance dans le solliciteur général, et la population n'a plus confiance dans le solliciteur général.
En défendant, contre vents et marées, son solliciteur général, est-ce que le premier ministre ne comprend pas qu'il alimente le cynisme de la population à l'endroit de l'ensemble de la classe politique?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le Parlement du Canada a établi une commission pour examiner les plaintes que les Canadiens peuvent porter contre la police.
Il y en a eu; il y en a toujours; il y en a régulièrement et la procédure est suivie de la même façon pour tous les gens qui ont des plaintes contre la police montée. C'est ce que nous faisons.
En ce qui a trait à Radio-Canada, l'ancien président du comité d'administration a déclaré que la procédure à suivre était de s'adresser à l'ombudsman. Je sais que le Bloc n'a pas souvent à se plaindre de Radio-Canada.
[Traduction]
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question pour le premier ministre. La GRC décrit le gaz poivré comme étant plus fort que le gaz lacrymogène ou le mace, un agent inflammatoire qui cause de graves brûlures, une contraction des yeux, des spasmes des bronches, de la difficulté à respirer, des haut-le-coeur et la nausée.
En fin de semaine, la mère d'une étudiante de l'université de la Colombie-Britannique ayant reçu du gaz poivré lors de la conférence de l'APEC m'a demandé pourquoi le premier ministre continuait à faire des blagues au sujet des douleurs éprouvées par sa fille. Va-t-il s'excuser, auprès d'elle et de tous les étudiants, de son insensibilité honteuse et arrogante? Que peut répondre le premier ministre à la question de cette mère? Présentera-t-il des excuses?
[Français]
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les méthodes utilisées par la police sont celles qu'ils doivent défendre devant la Commission. Je ne sais pas s'il y a des conséquences. Autrefois, on employait toutes sortes de méthodes. Apparemment, c'était une nouvelle méthode dont moi-même j'ignorais l'existence. Le député prétend que ça peut causer des dommages à la personne. Si elle souffre encore, je m'en excuse.
Au lieu de prendre un bâton de baseball ou autre chose, ils essaient maintenant d'utiliser des méthodes plus civilisées, et c'est pourquoi, en même temps, ils avaient des serviettes pour aider.
[Traduction]
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, la question ne portait pas sur les techniques de la GRC, elle portait sur les blagues du premier ministre.
Je répète la question au premier ministre. En fin de semaine, la mère d'une étudiante de l'université de la Colombie-Britannique ayant reçu du gaz poivré à la conférence de l'APEC m'a demandé pourquoi le premier ministre continue de plaisanter au sujet des douleurs éprouvées par sa fille. Le premier ministre va-t-il s'excuser, auprès d'elle et de tous les étudiants, de son insensibilité honteuse et arrogante?
Le premier ministre se lèvera-t-il à la Chambre pour agir comme il se doit et s'excuser de ces blagues de mauvais goût?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis prêt à présenter des excuses si des torts ont été causés. Ça ne me dérange pas.
Les techniques policières pour le maintien de l'ordre ne sont pas un domaine que je connais très bien. Si l'on a cru bon utiliser du gaz lacrymogène et les autres produits qu'on a décidé d'utiliser...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Si le premier ministre veut terminer sa réponse, il en a le temps.
Le très hon. Jean Chrétien: Monsieur le Président, je tiens à dire sans équivoque que, si cette jeune femme souffre en raison des activités de la police, je m'en excuse. C'est tout. Que veut de plus le député? Si, au lieu de tenter de se faire du capital politique, le député laisse la commission faire son travail, les Canadiens sauront la vérité.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, les étudiants qui ont porté plainte n'auront aucun avocat pour les représenter à la commission d'enquête sur le sommet de l'APEC.
Les contribuables paient les frais d'au moins trois avocats chargés de défendre les intérêts du premier ministre à cette enquête, même s'il n'est ni témoin ni cité à comparaître.
Les étudiants qui ont été aspergés de poivre ont essuyé un refus. La commission elle-même, le député de Vancouver Quadra et l'aile des libéraux en Colombie-Britannique ont exhorté le premier ministre à agir honorablement.
Pourquoi le premier ministre reçoit-il un chèque en blanc pour son équipe d'avocats à cette enquête, alors que les étudiants restent les mains vides?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la loi stipule que les avocats de la commission sont là pour défendre les intérêts des plaignants. Ils le font pour tout Canadien qui a une plainte contre la GRC.
L'avocat de la commission a dit que, si un plaignant estime avoir besoin d'aide pour présenter son témoignage, il sera disposé à l'aider, et il possède les ressources voulues pour le faire. Voilà le rôle de la commission.
Mais dans aucune plainte déposée par le passé...
Le Président: Je donne la parole au député de Pictou—Antigonish—Guysborough.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, à en juger d'après sa réponse, le premier ministre ne comprend pas comment les choses se passent. C'est comme s'il disait qu'il faudra compter sur un juge à l'enquête.
Le premier ministre est représenté par des avocats, car il sait qu'il risque de devenir le point de mire à cette enquête. En fait, c'est le gouvernement lui-même qui a demandé, ce printemps, que des avocats soient présents à l'enquête.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il aux étudiants de quoi payer leurs avocats? Comment peut-il justifier de payer la note de la GRC et du CPM, tout en refusant de payer celle des étudiants? Où est l'impartialité, l'équité et la justice fondamentales dans cette façon de faire?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, aucune accusation n'a été portée contre aucun étudiant.
Une voix: Jetez-les donc en prison.
Le très hon. Jean Chrétien: Non, non. Aucune accusation n'a été portée. Par conséquent, personne ne les attaque. C'est la GRC qu'on attaque. Certains de mes collaborateurs ont été invités à témoigner parce que des députés ont soutenu qu'ils étaient responsables.
Laissons la commission faire son travail et nous saurons s'il convenait ou non que la GRC emploie du gaz poivré. C'est la commission qui nous le dira. Laissons-la faire son travail.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre dit que personne n'a formulé de plainte contre les étudiants. De toute évidence, il en avait lui-même une à porter contre eux lorsqu'il a ordonné qu'ils soient arrosés de poivre de cayenne pendant la conférence de l'APEC.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Le député de Prince George—Bulkley Valley a la parole.
M. Dick Harris: Monsieur le Président, je voudrais demander au premier ministre pourquoi il refuse si catégoriquement de dégager des fonds pour permettre aux étudiants de faire valoir leurs arguments, puisqu'il est prêt à dépenser des centaines de milliers de dollars pour sauver sa peau et son gouvernement. Pourquoi?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai déjà dit, la décision de ne pas accorder de fonds aux plaignants a été prise par moi.
Cette décision était importante, car, lorsque la Commission des plaintes du public contre la GRC a été établie il y a dix ans, l'objectif était de donner aux simples citoyens un processus informel d'examen de leurs plaintes similaire aux tribunaux administratifs qui existent partout au sein du gouvernement. C'est le fondement de la décision et je l'ai fait savoir à la commission.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, nous devrons vérifier les enregistrements de la boîte noire de l'avion pour savoir quelles sont les vraies raisons.
Il reste que les Canadiens doivent pouvoir compter sur certains principes fondamentaux de justice dans leur pays. Ils y sont habitués et les étudiants méritent des audiences justes sans aucune ingérence politique. Je crois que les deux parties devraient avoir le droit d'être représentées par des avocats. Les Canadiens s'attendent à une certaine mesure de justice, non pas à des audiences truquées dignes de Suharto.
Ma question s'adresse au premier ministre. Les procès spectacles fonctionnent peut-être en Indonésie, mais quel...
Le Président: La parole est au solliciteur général.
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, je fais entièrement confiance à la Commission d'examen des plaintes du public contre la GRC. Cette commission a maintenant dix ans. Elle jouit d'une bonne réputation sur la scène internationale et elle fera connaître la vérité.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, l'étude de Statistique Canada sur le chômage confirme exactement une chose: 6 chômeurs sur 10 ne retirent pas de prestations d'assurance-emploi.
Maintenant que le chiffre est confirmé, qu'est-ce que le ministre peut dire aux 60 p. 100 de chômeurs qui ne peuvent pas compter sur le régime d'assurance-emploi?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, ce que l'étude a parfaitement bien démontré, c'est que 78 p. 100 des travailleurs qui ont eu un lien avec le marché du travail au cours de la dernière année sont couverts par le système d'assurance-emploi.
Ce que l'étude a démontré, c'est que le rapport des prestataires par rapport au nombre de chômeurs n'était pas une indication de l'efficacité du système de l'assurance-emploi.
Ce que le système et cette étude ont démontré, c'est que parmi les gens qui ne sont pas couverts par l'assurance-emploi se trouvent ceux pour lesquels le système n'avait jamais été prévu au départ.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, le ministre a beau finasser avec son étude, un fait demeure: six chômeurs sur dix n'ont pas de prestations d'assurance-emploi.
Comment justifier un régime d'assurance-emploi dont la fonction principale est de créer des surplus pour le gouvernement plutôt que d'aider les chômeurs en leur versant des prestations?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le régime d'assurance-emploi couvre 78 p. 100 des Canadiens qui ont un lien avec le marché du travail. Ce que le député est en train de nous dire c'est que le système d'assurance-emploi devrait couvrir des gens, par exemple, qui n'ont pas encore travaillé.
Les gens qui n'ont pas encore travaillé ne sont pas couverts par le système d'assurance-emploi. Les gens qui ont quitté leur emploi de leur propre gré, sans raison valable, ne sont pas couverts par le système d'assurance-emploi. Et les travailleurs autonomes ne sont pas couverts par le système d'assurance-emploi.
Le député devrait s'ouvrir les yeux et s'apercevoir que le système fait ce qu'il est censé faire.
* * *
[Traduction]
LE SÉNAT
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, au cours du week-end, le ministre des Affaires intergouvernementales est venu en Alberta pour transmettre un message aux Albertains, soit que l'élection au Sénat qui se tient aujourd'hui est du gaspillage de deniers publics.
Ma question s'adresse au véritable auteur de ce message, le premier ministre. Où est le pire gaspillage? Est-ce l'élection démocratique au Sénat en Alberta ou le Sénat inutile actuel?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous avons voté en faveur d'un Sénat élu alors que nos vis-à-vis ont fait campagne contre.
Les députés d'en face devraient s'occuper des vraies préoccupations de la population, c'est-à-dire avoir un Sénat égal, un Sénat représentatif, mais ils ne le font pas.
C'est comme lors du dernier référendum. Alors que les députés siégeant de ce côté-ci étaient allés à Montréal pour convaincre les Québécois de rester dans le Canada, le chef de l'opposition s'entretenait avec l'ambassadeur américain, lui expliquant qu'il avait un plan pour diviser le Canada même avant...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: La parole est au député de Calgary-Nord-Est.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre vient de gifler de nouveau les Albertains.
Quatre-vingt-onze pour cent des Albertains veulent un Sénat élu. Les premiers ministres Klein et Bouchard veulent tous deux changer le pays. Le premier ministre Klein veut tenir un scrutin de bonne foi sur un Sénat élu. Le premier ministre Bouchard veut, quant à lui, tenir un vote sur la séparation pour démembrer le pays.
Pourquoi le premier ministre traite-t-il le projet négatif du premier ministre Bouchard avec plus de respect que la proposition positive du premier ministre Klein?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je m'en suis occupé. Nous sommes en faveur d'un Sénat égal, élu et efficace, ce que nos vis-à-vis ne veulent pas parce que s'ils sont élus, le nombre de sénateurs ne sera jamais égal.
Le chef de l'opposition ne semble pas comprendre ce dont je parle. Pendant que nous discutions du maintien du Québec dans la Confédération au cours de la campagne référendaire, le chef du Parti réformiste s'entretenait avec l'ambassadeur américain, M. Blanchard, lui disant qu'il avait un plan pour la division de la dette fédérale du Canada par suite d'une victoire des séparatistes. N'est-ce pas honteux?
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances a annoncé que le gouvernement a décidé d'affecter le surplus budgétaire du fédéral à la réduction de la dette canadienne. Or, une partie importante de ces surplus provient de l'assurance-emploi.
En prenant cette décision, le ministre des Finances admet-il qu'il a décidé de faire payer la dette du Canada principalement par des gens qui gagnent 39 000 $ et moins par année, soit les salariés qui sont les principaux contributeurs à la caisse de l'assurance-emploi?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été très clair: il n'y a pas encore eu de décision de prise.
Une chose est claire, c'est que si nous diminuons les impôts, ce seront certainement les plus bas salariés qui en bénéficieront, tout comme dans le dernier budget, où 400 000 personnes qui payaient des impôts auparavant n'en payent plus aujourd'hui grâce à notre initiative.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral répète constamment qu'il a les provinces à l'oeil pour s'assurer qu'elles utilisent l'argent qu'il leur transfère exactement pour les fins prévues.
Comment peut-il imposer cette exigence aux provinces, alors que lui, il dispose de l'argent de l'assurance-emploi à sa guise, sans se soucier des fins pour lesquelles cet argent a été versé par les entreprises et les travailleurs?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, ce que j'ai dit dans l'énoncé économique, c'est que le gouvernement acceptait avec plaisir l'initiative des provinces, à savoir que s'il y avait des transferts pour le secteur de la santé, celles-ci étaient prêtes à garantir que cet argent soit versé pour la santé.
* * *
[Traduction]
LE SÉNAT
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a qualifié de plaisanterie l'élection de sénateurs en Alberta. Il a interdit aux libéraux de se porter candidats. Il a saboté l'événement en nommant des sénateurs de son choix deux semaines avant l'élection d'aujourd'hui. Par contre, lorsque le Québec tiendra son vote sur le séparatisme, le premier ministre n'osera certainement pas parler de plaisanterie ou saboter l'élection.
Pourquoi applique-t-il deux poids et deux mesures? Pourquoi traite-t-il les électeurs québécois avec respect et se moque-t-il des voeux des Albertains?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, il est incroyable d'entendre les réformistes comparer le débat sur la sécession du Québec à celui qui vise à améliorer l'importante institution qu'est le Sénat du Canada.
Le Sénat du Canada doit faire l'objet d'une réforme exhaustive, et non d'un rapiéçage qui léserait tous les Canadiens, y compris les Albertains.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, le Canada envoie souvent des observateurs à l'étranger pour surveiller des élections et garantir qu'elles soient vraiment démocratiques. Toutefois, le premier ministre du Canada n'hésite pas à recourir à une pratique antidémocratique pour nommer des copains du parti à titre de législateurs fédéraux.
Le premier ministre est-il prêt à élaborer un projet du millénaire qui en vaudrait réellement la peine et qui consisterait à bâtir un Canada où tous les législateurs fédéraux seraient élus?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous étions en faveur de cela et le Parti réformiste s'y est opposé. Je pense que ce parti aurait avantage à lire la lettre que le sénateur Roche a écrit la semaine dernière, dans laquelle il a décrit un plan en vue d'établir un Sénat élu, efficace et égal au Canada, et de le faire de façon rationnelle.
Selon le processus en cours en Alberta, le Parti conservateur n'a pas de candidat, le NPD non plus ni les partis libéraux fédéral et provincial. Seul le Parti réformiste présente des candidats parce que les autres partis savaient fort bien que ça ne marcherait pas.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.
La semaine dernière, on soulignait la Semaine de la pauvreté au Québec et, pour la célébrer, le ministre des Finances a confirmé que le gouvernement n'avait pas l'intention d'améliorer le sort des chômeurs par une réforme de l'assurance-emploi et qu'il continuera à puiser dans les surplus pour payer sa dette.
Le ministre sait-il qu'une des bonnes façons de lutter contre la pauvreté, c'est d'améliorer l'accessibilité des travailleurs à l'assurance-emploi pour que ces gens, qui ont payé des cotisations, ne se retrouvent pas au bien-être social après une mise à pied?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je suis absolument d'accord, et c'est la raison pour laquelle je constate que près de 80 p. 100 des travailleurs qui subissent une mise à pied sont couverts par le système d'assurance-emploi, comme le rapport de Statistique Canada ce matin le démontre très bien.
Mais il y a également d'autres moyens de combattre la pauvreté, et c'est la raison pour laquelle notre gouvernement a mis sur pied une Prestation nationale pour enfants pour précisément combattre la pauvreté là où elle compte le plus, chez nos enfants qui sont notre avenir.
* * *
[Traduction]
LE PLAN D'ACTION CANADIEN SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, vendredi dernier, nous avons célébré la Journée mondiale de l'alimentation. Au cours de l'année prochaine, la population mondiale atteindra six milliards d'habitants. Dans un monde qui produit assez de vivres pour nourrir chaque homme, chaque femme et chaque enfant, plus de 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim.
Le ministre de l'Agriculture peut-il nous dire ce que le gouvernement entend faire dans ce dossier?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada, à l'instar de 186 autres pays, a promis de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le monde d'ici l'an 2015.
La contribution du gouvernement, c'est le Plan d'action canadien sur la sécurité alimentaire que j'ai lancé à Toronto samedi. Il s'agit d'un plan national faisant appel à tous les ordres de gouvernement, de même qu'aux organisations non gouvernementales et aux bénévoles. Il prévoit des activités de toutes sortes au Canada et à l'étranger.
Un peu plus tard cet automne, nous créerons un bureau qui sera chargé de surveiller et de diriger le processus dans les années à venir.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le traité conclu avec les Nisga'a modifie de façon substantielle les relations entre les Nisga'a, leurs voisins, le gouvernement du Canada et celui de la Colombie-Britannique.
Le traité représente un changement fondamental dans les arrangements constitutionnels au Canada et a incité le Parti libéral de la Colombie-Britannique à réclamer la tenue d'un référendum.
Quand la ministre se joindra-t-elle aux libéraux de la Colombie-Britannique pour réclamer un référendum sur le traité avec les Nisga'a?
L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous avons exposé clairement notre position sur la constitutionnalité de l'accord conclu avec les Nisga'a ici à la Chambre et ailleurs.
Comme les tribunaux sont maintenant saisis du dossier, il ne convient pas que j'en parle davantage.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, la Constitution stipule que sont compris parmi les droits issus de traités les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis. Le traité conclu avec les Nisga'a fait donc maintenant partie de la Constitution.
La ministre va-t-elle accepter la logique du premier ministre provincial Clark selon qui un changement aux arrangements constitutionnels n'est pas une modification à la Constitution, ou va-t-elle accepter la volonté du peuple et du Parti libéral de la Colombie-Britannique et réclamer un référendum sur le traité avec les Nisga'a?
L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, l'opposition ferait bien de lire la Constitution du Canada.
Nous croyons fermement en l'article 35 de la Constitution et nous le protégerons.
* * *
L'ENQUÊTE SUR LE SOMMET DE L'APEC
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au très honorable premier ministre.
Il y a deux choses que le premier ministre ne semble pas comprendre. D'abord, nous lui demandons de s'excuser pour sa plaisanterie, non pas pour le fait que des manifestants aient été aspergés de poivre, mais pour la plaisanterie qu'il a faite à ce sujet. Ensuite, la commission a elle-même demandé du financement. On peut présumer que la commission connaît son propre mandat.
Le premier ministre pourrait-il profiter de l'occasion pour réparer le tort qu'il a causé aux étudiants, s'excuser de ses plaisanteries et accepter de financer les étudiants ainsi que l'a demandé la commission?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, samedi soir, bien des gens ont fait des plaisanteries à propos du poivre, pas seulement moi. Cela fait partie des débats.
J'ai dit que si cette dame a subi un tort à cause des gestes des policiers, la commission en sera juge. Je lui ai présenté des excuses au nom du service de police, mais nous devons déterminer s'il était approprié ou non pour les policiers d'utiliser du poivre.
Je ne suis pas un expert. C'est pourquoi la commission existe. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si la commission a besoin de fonds supplémentaires, ces fonds seront mis à sa disposition.
* * *
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je n'arriverai à rien là-dessus, je vais donc m'adresser au ministre du Commerce international et lui poser une question concernant le peu de cas que fait le gouvernement d'une économie mondiale qui se moque des droits de la personne.
Le ministre sait que la France s'est retirée des discussions sur l'AMI, parce qu'elle trouve que la structure est tout à fait inadéquate pour des discussions multilatérales. Le ministre du Commerce international va-t-il annoncer à la Chambre des communes que le Canada va faire de même et se retirer des négociations au sein de l'OCDE?
L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je ne vois pas le rapport entre la question complémentaire et la question principale.
Nous avons dit clairement que le Canada ne signera qu'un accord satisfaisant, si jamais un accord est conclu. Il y a six mois, en tant que membre de l'OCDE, nous avons accepté une pause ou une période de réflexion de six mois.
Nous avons également accepté le principe d'un retour à la table en octobre pour un débat d'évaluation de la situation. Nous estimons que c'est logique. Nous serons présents.
Si les choses s'arrêtent là, cela ne nous empêchera pas de dormir. Si nous pouvons continuer à mettre en place un régime de règles d'investissement, cela sera bon pour les sociétés canadiennes.
* * *
L'ENQUÊTE SUR LES ÉVÉNEMENTS DE L'APEC
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, le solliciteur général disait, il y a quelques instants, qu'il fait confiance à la Commission des plaintes du public. Comment cette dernière peut-elle faire confiance au ministre? La commission rend compte directement au solliciteur général qui, lui, rend compte au premier ministre.
Le solliciteur général a compromis le succès de l'enquête, sans remords, ni responsabilité. Le solliciteur général a-t-il miné encore davantage l'enquête sur l'incident de l'APEC en discutant, avec le bureau du premier ministre, de sa décision de ne pas accorder d'aide financière aux étudiants?
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, comme je le disais plus tôt en réponse à une autre question, l'affaire concerne de nombreux ministères. Cette décision, qui crée un précédent, pourrait toucher de nombreux organismes administratifs quasi judiciaires au sein du gouvernement. C'est pourquoi ma décision a été précédée de consultations générales.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suppose que la réponse est oui.
Le solliciteur général aurait dû s'abstenir, au départ, de prendre une décision concernant l'aide financière dans l'affaire de l'APEC. Il a violé son serment professionnel en parlant longuement, en public, des audiences concernant l'APEC. Les contribuables paient pour des doreurs d'image, des avocats et le solliciteur général, qui servent de couverture au premier ministre, alors que les étudiants n'ont pas les moyens d'assurer leur défense en justice.
Compte tenu du conflit d'intérêts incestueux dans lequel baignent les libéraux, le premier ministre va-t-il mettre fin à l'ingérence politique, limoger le solliciteur général et nommer un nouveau ministre objectif?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la réponse est non.
Nous voulons que la commission examine l'affaire le plus rapidement possible, qu'elle entende tous les témoins et présente un rapport qui sera communiqué à tout le monde, non seulement au solliciteur général ou à moi, mais à tout le monde, à la presse et à tous les députés. Chacun pourra juger des activités de la police et de la qualité du rapport de la commission.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Monsieur le Président, l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones de notre gouvernement contribue à assurer un bon départ dans la vie à tous les enfants vivant à l'extérieur des réserves.
Dans le Discours du trône de 1997 et le budget de 1998, le gouvernement s'est engagé à étendre cette initiative aux réserves. Le ministre de la Santé peut-il dire au gouvernement et au Parlement quand les enfants des réserves pourront participer à ce programme très valable?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la question est fort opportune. Le gouvernement a lancé l'Initiative d'aide préscolaire aux autochtones en 1995. Depuis lors, ce programme a aidé des dizaines de milliers d'enfants de collectivités autochtones, mais il n'a été offert que dans les centres urbains.
J'aurai le plaisir d'annoncer aujourd'hui dans l'Édifice du centre, après la période des questions, que nous commencerons à recevoir immédiatement des demandes de financement d'initiatives d'aide préscolaire dans les réserves afin d'aider des milliers d'autres enfants autochtones à bénéficier d'un bon départ dans la vie.
* * *
LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement se retrouve avec un déficit de 14 millions de dollars dans le budget de la GRC, dont 8,5 millions de dollars dans la seule province de la Colombie-Britannique.
On a dit à la GRC de ne plus utiliser ses navires et ses avions. On a dit notamment de supprimer les heures supplémentaires et d'annuler tous les stages de formation. Les résultats ont été désastreux.
Les libéraux dilapident chaque semaine des centaines de millions de dollars qui auraient pu servir à financer tout cela. Il s'agit donc d'une décision politique et non pas d'une mesure financière.
Pourquoi le gouvernement libéral se sent-il si constipé par les opérations de la Gendarmerie royale du Canada?
Le président: Il serait sans doute préférable de citer une autre partie de l'anatomie la prochaine fois.
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme c'est l'année du 125e anniversaire de la GRC, nous avons tous eu l'occasion d'exprimer notre fierté envers cette institution.
Comme tout organisme gouvernemental, la GRC est en période d'austérité. Les opérations ne sont pas sans en souffrir. Je suis persuadé que la direction de la GRC agira dans l'intérêt de la sécurité des Canadiens.
* * *
[Français]
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.
La France s'est retirée des négociations sur l'AMI à l'OCDE pour les mêmes raisons que celles invoquées par le Bloc québécois lorsqu'on a débattu de cette question au Canada, à savoir: il est négocié dans le mauvais forum, il ne répond pas aux préoccupations légitimes soulevées au chapitre des normes sociales du travail et de l'environnement, et de plus, il ne prévoit pas d'exception culturelle.
Le gouvernement entend-il se retirer immédiatement des négociations sur l'AMI et proposer que celles-ci soient reprises sous les auspices de l'OMC?
[Traduction]
L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de constater que le Bloc québécois souscrit à la déclaration que j'ai faite il y a six mois, à savoir que, comme dans le cas des règles pour le commerce, l'élaboration des règles pour l'investissement doit se faire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Nous avons dit clairement à l'OCDE que ce n'était que le début du processus d'élaboration.
Il faut essayer de préparer la voie aussi loin que possible avant de passer le dossier à l'Organisation mondiale du commerce. C'est là qu'on trouve les règles régissant le commerce et c'est là que siège la famille des nations. Je suis heureux de constater que le Bloc québécois appuie la position du gouvernement.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines disait: «Attendez le rapport, attendez le rapport» à ceux qui critiquaient la réforme de l'assurance-emploi.
Eh bien, le ministre ne peut plus se cacher derrière le rapport, parce que 58 p. 100 des chômeurs au pays n'ont pas droit aux prestations. Ce sont des familles au complet qui souffrent aujourd'hui à cause de la réforme des libéraux.
Avec un surplus de 20 milliards de dollars dans la caisse, qu'est-ce que le ministre attend pour rendre l'assurance-emploi plus accessible?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous ne voulons certainement pas rendre le chômage plus accessible aux travailleurs canadiens; nous voulons au contraire rendre le marché du travail plus accessible aux Canadiens.
Ce que l'étude qui a été publiée ce matin a démontré très clairement, c'est que 78 p. 100 des travailleurs qui ont un attachement au marché du travail et qui n'ont pas quitté leur emploi sans motif valable sont couverts par le système d'assurance-emploi.
Pour ce qui est de ceux qui ne sont pas couverts par le système, c'est qu'ils n'ont pas travaillé assez longtemps, ou peut-être qu'ils n'ont jamais travaillé et qu'ils n'ont même pas cotisé au régime.
* * *
[Traduction]
LA FISCALITÉ
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, les charges sociales sont un obstacle à la création d'emplois. En effet, elles augmentent le coût de la main d'oeuvre et découragent les entreprises de créer des emplois. Voilà les propos qu'a tenus un jour le ministre des Finances qui savait que du fait de la loi de l'offre et de la demande, des charges sociales élevées nuisent à l'emploi.
Malgré cela, le ministre est maintenant prêt à modifier la Loi sur l'assurance-emploi pour maintenir artificiellement des charges sociales élevées. Le ministre va-t-il abroger également la loi de l'offre et de la demande ou les Canadiens sans emploi vont-ils devoir attendre?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déclaré qu'une augmentation des charges sociales allait coûter des emplois. C'est exactement ce que le gouvernement conservateur précédent a fait et c'est pourquoi, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, au lieu de laisser les cotisations à l'assurance-emploi atteindre 3,30 $ par tranche de 100 $, comme les conservateurs l'auraient souhaité, nous avons alors gelé ces cotisations. Par la suite, chaque année, nous les avons réduites.
* * *
LE COMMERCE
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international. En octobre 1997, le premier ministre s'est dit intéressé à élargir nos accords de libre-échange pour y faire adhérer les quatre pays membres de l'Association européenne de libre-échange.
Le ministre pourrait-il nous dire où en sont les négociations en question?
L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Il est vrai qu'après l'annonce faite par le premier ministre l'année dernière, le Canada a entrepris mercredi dernier des négociations officielles avec l'Association européenne de libre-échange. Il s'agit d'un groupe de quatre pays européens qui font des échanges bilatéraux de près de 6 milliards de dollars avec le Canada.
Après avoir consulté les Canadiens durant l'été et avoir obtenu le feu vert, nous pourrons peut-être conclure le premier accord de libre-échange transatlantique. C'est un accord que nous attendons avec impatience et auquel nous souscrivons avec enthousiasme.
* * *
LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer des dizaines de policiers de ma circonscription. Même si leurs supérieurs nous assurent du contraire, ces policiers qui travaillent sur la ligne de front m'ont dit que leur sécurité et celle des Britanno-Colombiens seront davantage menacées à cause des compressions budgétaires. Ces compressions vont bien au-delà de l'austérité financière mentionnée par le solliciteur général.
Au nom du gouvernement, le solliciteur général prendra-t-il immédiatement l'engagement de fournir à la GRC les fonds nécessaires pour que les avions puissent de nouveau voler, pour que les bateaux puissent exercer une surveillance au large des côtes et pour que les policiers puissent recommencer à patrouiller dans les rues?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai expliqué à la Chambre, le nombre d'agents de la GRC dans les rues n'a pas diminué par rapport à ce qu'il était auparavant. Le commissaire de la GRC m'a dit que la sécurité publique n'était pas menacée. Il s'agit d'une période d'austérité que de nombreux ministères doivent traverser. Je suis certain que la GRC saura offrir aux Canadiens la même protection policière qu'elle leur a assurée depuis 125 ans.
Le Président: Chers collègues, j'ai reçu avis d'une question de privilège.
* * *
QUESTION DE PRIVILÈGE
LA FONDATION CANADIENNE DES BOURSES DU MILLÉNAIRE
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je soulève aujourd'hui la question de privilège au sujet d'un problème dont je vous pensais saisi depuis l'intervention de la députée de Calgary—Nose Hill, le 26 février 1998. J'ai participé aux échanges sur cette question de privilège et depuis, j'attends une décision. On m'apprend que vous ne vous prononcerez pas, étant donné que l'objet de l'intervention du 26 février était la nomination de M. Landry à la Fondation canadienne des bourses du millénaire.
Il est vrai que la députée de Calgary—Nose Hill a soulevé la question de la nomination de M. Landry, mais elle a abordé également un deuxième point. Permettez-moi de citer le compte rendu du 26 février 1998: «Aucune mesure législative n'a été déposée à la Chambre pour établir cette fondation et le budget lui allouant 2,5 milliards de dollars n'a pas été adopté.»
Monsieur le Président, même si le premier point ne pose plus problème, j'espérais que le deuxième suffirait pour que vous rendiez une décision. Il semble toutefois que je sois dans l'obligation de soulever de nouveau le deuxième point, ce que je fais aujourd'hui. J'ajoute qu'il y a de nouveaux éléments de preuve dont je ferai état et qui seront déposés aujourd'hui.
Dans un rapport remis récemment au Parlement, le vérificateur général a confirmé que le gouvernement a comptabilisé la fondation dans l'exercice 1997-1998, même si aucune loi établissant ce programme n'avait été adoptée et même si personne n'avait reçu de fonds. Doug Fisher affirme dans un article publié dans le numéro du 18 octobre du Sun d'Ottawa:
Le VG a remarqué que le gouvernement avait dérogé aux pratiques normales de la comptabilité en imputant le coût de l'harmonisation de la TPS et de la TVP des Maritimes (961 millions de dollars), de la Fondation canadienne pour l'innovation (800 millions) et de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire (2,5 millions) à l'année courante alors que ces dépenses ne sont véritablement engagées que plus tard. (Ce faisant, le gouvernement se rend coupable d'outrage au Parlement, qui n'avait pas encore voté sur toutes les initiatives pour lesquelles de l'argent avait été mis de côté.)
Le vérificateur général, les médias et le public sont tous engagés dans un débat sur cette affaire, qu'ils considèrent comme un outrage. Le débat se poursuit sans que la Chambre ait tranché sur la question de l'outrage, et ça m'énerve de plus en plus. Nous ne pouvons pas ridiculiser notre assemblée en laissant la population et les médias discuter de cette affaire et en parler comme d'un outrage. Ce débat devrait se tenir à la Chambre et nulle part ailleurs.
Monsieur le Président, la députée de Calgary—Nose Hill a rappelé toutes les fautes du gouvernement dans son intervention du 26 février 1998. J'y reviendrai très brièvement cet après-midi, parce que vous connaissez déjà tous les faits. Les faits sont importants parce qu'ils révèlent une pratique dangereuse que la Chambre doit arrêter.
La députée a dit que le gouvernement et ses ministères prennent l'habitude de se moquer du système parlementaire de cette façon. Elle a rappelé un incident survenu récemment et dont le député de Prince George—Peace River avait parlé, concernant la Commission canadienne du blé. La députée a précisé que, le 9 mars 1990, on avait demandé au Président de rendre une décision au sujet d'un grief semblable concernant un dépliant sur la TPS que le gouvernement avait fait paraître.
Le 25 mars 1991, une autre plainte avait été déposée en rapport avec un incident semblable. Le député de Fraser Valley avait présenté un argument encore plus convaincant le 28 octobre 1997. Cela a amené le Président à faire une déclaration solide et une mise en garde sérieuse.
Le Président de la Chambre, en l'occurrence vous, monsieur le Président, a dit le 6 novembre 1997: « la présidence reconnaît que c'est une question qui n'est pas sans importance puisqu'elle a trait au rôle des députés en tant que législateurs, un rôle qu'on ne saurait banaliser. C'est à ce titre que» et le Président continue en ces termes, «cette manière hautaine de concevoir le processus législatif risque, à la longue, d'engendrer un manque de respect à l'égard de nos conventions et pratiques parlementaires.»
La députée a aussi signalé qu'une mise en garde antérieure du Président n'avait pas été prise en considération puisque la décision du 6 novembre 1997 ajoutait ceci: «J'espère que la décision d'aujourd'hui, qui vient au début de cette 36e législature, ne sera pas oubliée par le ministère et ses fonctionnaires et que les ministères et organismes s'en inspireront.»
Le 26 février 1998, la députée Calgary—Nose Hill vous a posé la question suivante: «Combien de fois encore devrons-nous supporter qu'on bafoue ainsi notre système parlementaire et qu'on manque de respect envers le Président avant de réagir?» Monsieur le Président, je vous pose de nouveau la question , combien de fois encore devrons-nous supporter qu'on bafoue ainsi notre système parlementaire et qu'on manque de respect envers le Président avant de réagir?
Comme vous l'avez dit le 6 novembre, cette manière hautaine de concevoir le processus législatif risque, à la longue, d'engendrer un manque de respect à l'égard de nos conventions et pratiques parlementaires. Par sa conduite, le gouvernement a montré son mépris à l'égard du Parlement. Le vérificateur général a signalé sa conduite, et les médias ont jugé celle-ci.
La Chambre doit maintenant se prononcer sur cette question, car le problème, j'en suis certain, se posera encore à maintes occasions. Monsieur le Président, si vous jugez que la question de privilège paraît fondée à première vue, je suis disposé à proposer la motion appropriée.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je ne veux pas m'éterniser sur cette question, mais je pense que la présidence se souviendra de ce qui a été dit à ce sujet il y a quelques mois.
Il faut se rappeler qu'à ce moment-là, le gouvernement avait annoncé dans les médias la mise sur pied du Fonds des bourses d'études du millénaire dans le but d'obtenir l'opinion des Canadiens et leur participation à ce que nous espérions être l'étape législative. Bien sûr, personne n'avait été pressenti pour occuper un poste quelconque avant que la mesure législative ne soit adoptée et il n'y a donc eu aucune transgression. Je me souviens que le député avait soulevé une question du même genre relativement au Régime de pensions du Canada parce que le gouvernement avait pris certaines mesures en prévision de la structure qui devait être créée, ce qui n'est que normal.
Enfin, il y a toute cette question soulevée par le député à savoir s'il est approprié pour le gouvernement de mettre des fonds de côté en prévision de dépenses futures. C'est ce qu'on appelle en affaires des engagements financiers. Autrement dit, on doit voir à ne pas engager une dépense avant d'être bien certain que l'on dispose du financement nécessaire.
Il est bien évident qu'aucun montant n'a encore été tiré de ce fonds. Nous n'en sommes pas encore à l'ère du Fonds des bourses d'études du millénaire. Toutefois, nous avons prévu les crédits au budget pour garantir la disponibilité des fonds avant de les engager. C'est une question de prudence. Notre gouvernement est reconnu pour la prudence de sa gestion. Nous agissons de façon à ne pas étrangler les contribuables ou du moins à ne pas accroître le fardeau qui leur incombe. Nous sommes des gestionnaires prudents.
Je crois que le député devrait à tout le moins reconnaître que le gouvernement fait preuve de sagesse dans sa façon de dépenser l'argent des contribuables et qu'il ne dépense pas l'argent qu'il n'a pas. Si nous agissions autrement, le député et bien d'autres avec lui seraient les premiers à nous rappeler que nous n'avions pas réservé les fonds nécessaires pour une dépense prévue. Bien sûr, nous planifions et nous mettons de l'argent de côté. Nous ne sommes pas de ceux qui dépensent d'abord et se préoccupent par la suite de la façon dont ils assumeront les dépenses.
Le Président: Tout d'abord, permettez-moi de placer les choses dans leur contexte. La députée de Calgary—Nose Hill avait soulevé un point en février. On a mentionné une date précise.
J'ai considéré les deux points soulevés comme un seul. En ce qui concerne ce point particulier, pour des raisons évidentes, soit la mort de M. Landry, je juge que la question ne se pose plus.
Aujourd'hui, le député soulève la question de privilège sur un point que je considère différent. Il veut que j'examine la question. J'ai reçu conseil d'au moins un député. Il y en a peut-être d'autres qui veulent donner leur avis sur cette question de privilège. Je serais disposé à leur donner la parole pour un instant. Ensuite, je prendrai une décision à ce sujet.
Je donne la parole à la députée de Calgary—Nose Hill au sujet de la question de privilège soulevée par le leader parlementaire de l'opposition.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, j'avais bien l'intention de faire de ce point l'élément le plus important de ma question de privilège, à savoir le fait que le gouvernement allait de l'avant en tenant pour acquis que la Chambre prendrait certaines décisions dont on ne l'a pas encore saisie, en fait. J'ai prétendu qu'il s'agissait d'une violation des droits et privilèges des députés et également, chose peut-être encore plus importante, une violation du processus démocratique que nous sommes tous ici pour faire respecter.
Je n'ai rien entendu en réponse à la question que j'ai soulevée, que le leader parlementaire de l'opposition et moi-même venons d'exposer et que vous avez relevée également. En tant que Président, vous avez montré à la Chambre l'importance que vous accordez au fait que le gouvernement doit respecter les procédures à la Chambre et le processus démocratique dans sa façon de procéder.
Monsieur le Président, nous comptons sur vous pour rendre une décision et pour aider le gouvernement à prendre ses décisions et à faire ses annonces dans l'ordre voulu, en tenant compte du processus parlementaire et du rôle de la Chambre.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD):Monsieur le Président, j'aimerais ajouter deux observations à celles que vient de faire le leader parlementaire de l'opposition officielle. Premièrement, il est important que nous maintenions toujours la suprématie du Parlement sur les initiatives prises par le gouvernement. Il est arrivé souvent dans le passé que le gouvernement, dans son enthousiasme, ait débordé du processus parlementaire et il y a tout lieu de le reconnaître.
Deuxièmement, il faut savoir distinguer entre le processus budgétaire et ce que nous avons pu observer dans les points soulevés par le leader parlementaire de l'opposition officielle. Au moment de la présentation des budgets, on annonce souvent des initiatives, des lois et des politiques comme si elles étaient en vigueur, alors que l'on sait très bien qu'il faudra auparavant adopter des projets de loi en conséquence. Ce n'est pas le cas en l'occurrence et à mon avis, il faut faire une distinction entre ces deux genres d'annonces.
Le Président: Je vous remercie de vos conseils. Comme je l'ai dit dans la première partie, c'était un point discutable. Je considère qu'il n'en va pas de même pour le point que le leader parlementaire de l'opposition vient de soulever. Je prends le renseignement et le conseil dans l'esprit où ils ont été donnés, à savoir pour m'aider à prendre une décision qui soit dans l'intérêt de la Chambre.
Je vais y réfléchir. Je veux me pencher de nouveau sur tout ce qui a été dit à ce propos et revoir cette question de privilège, puis je ferai rapport à la Chambre.
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
LOI RÉFORMISTE SUR LA PRÉVENTION DES EXACTIONS
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-442, Loi interdisant les exactions pendant les périodes de crise.
—Monsieur le Président, j'ai encore une fois l'honneur et le privilège de prendre la parole au nom des habitants de Surrey-Centre pour présenter, à l'initiative du Parti réformiste, mon projet de loi d'initiative parlementaire intitulé Loi interdisant les exactions pendant les périodes de crise.
Ce projet de loi a pour but d'empêcher la réalisation de profits sur des biens, des services et des réserves essentiels pendant une situation de crise qui met en danger la vie, la santé, la sécurité et les biens de personnes au Canada.
En Colombie-Britannique, nous savons que le lower mainland est sujet à des tremblements de terre. Notre nation risque de faire face en l'an 2000 à une panne informatique. Il y a eu de terribles inondations au Manitoba. L'Ontario, le Québec et certaines régions de l'Atlantique ont été ravagés récemment par une tempête de verglas.
Durant la tempête de verglas, certains reportages ont fait état d'une augmentation des prix de l'essence, du carburant diesel, des piles, de l'eau, des génératrices, etc.
J'espère que tous les députés à la Chambre prendront note de ce que fera ce projet de loi, qu'ils mettront de côté leurs allégeances politiques et appuieront cette mesure législative.
Au nom des habitants de ma circonscription, je présente ce projet de loi.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Français]
LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC) propose: Que le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'ajouter la condition sociale comme motif de distinction illicite, soit lu pour la première fois.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la première fois.)
[Traduction]
M. Randy White: Monsieur le Président, j'ai ici une motion pour laquelle je demande le consentement unanime de la Chambre. Je propose:
Que la Chambre demande au gouvernement d'accorder une aide financière au titre des frais juridiques engagés par les manifestants appelés à comparaître aux audiences de la Commission des plaintes du public contre la GRC, relativement à l'incident de l'APEC.
Je dépose la motion et demande le consentement unanime.
Le président suppléant (M. McClelland): Le leader de l'opposition officielle à la Chambre demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion.
M. Nelson Riis: Le député pourrait-il lire la motion à nouveau monsieur le Président?
Le président suppléant (M. McClelland): Conformément à la demande du député, je vais lire de nouveau la motion:
Que la Chambre demande au gouvernement d'accorder une aide financière au titre des frais juridiques engagés par les manifestants appelés à comparaître aux audiences de la Commission des plaintes du public contre la GRC, relativement à l'incident de l'APEC.
M. Nelson Riis: Monsieur le Président, d'abord, je félicite le député d'avoir présenté cette motion à ce moment opportun et privilégié.
Au nom du Nouveau Parti démocratique, je tiens à dire que nous appuyons cette initiative et donnons notre consentement unanime.
Le président suppléant (M. McClelland): J'ai commis une grave erreur. J'aurais dû obtenir le consentement de la Chambre avant tout débat sur cette motion. Je vais donc revenir en arrière et demander à la Chambre si elle accepte à l'unanimité la motion qui a été présentée. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement parce qu'il m'apparaît que la motion avait été acceptée et qu'elle devrait faire l'objet d'un débat à la Chambre. Vous aviez, dans un premier temps...
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Je me permets de rappeler que la motion a été refusée. Elle devait d'abord être acceptée à l'unanimité.
* * *
[Français]
PÉTITIONS
LA COMMUNAUTÉ CHINOISE EN INDONÉSIE
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de déposer une pétition signée par des milliers de Canadiens qui veulent nous alerter aux problèmes majeurs que vit la communauté chinoise en Indonésie, cette minorité qui est bafouée à beaucoup d'égards et qui subit des conséquences absolument dramatiques sur le plan de la sécurité physique, économique et matérielle.
[Traduction]
LA FAMILLE
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter aujourd'hui. La première porte sur la famille.
Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion d'une famille et le soin des enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur par notre société.
Les pétitionnaires sont également d'accord avec le Forum national sur la santé qui est d'avis que la Loi de l'impôt sur le revenu ne prend pas en compte le coût véritable du soin des enfants pour ceux qui s'occupent chez eux de leurs enfants d'âge préscolaire.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de prendre des initiatives pour éliminer toute discrimination fiscale à l'égard des familles qui décident de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants d'âge préscolaire.
L'ALCOOL
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition porte sur l'alcool.
Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcoolisées peut entraîner des problèmes de santé et que le syndrome d'alcoolisme foetal et les autres problèmes périnataux dus à l'alcool ne se produiront pas si la mère ne consomme pas d'alcool pendant sa grossesse.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'imposer l'étiquetage des produits alcoolisés de sorte que les femmes enceintes et les autres personnes soient informées des dangers associés à la consommation d'alcool.
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux aujourd'hui de présenter deux pétitions signées par des électeurs de ma circonscription et de partout au Canada.
Dans la première, les pétitionnaires prient le Parlement d'apporter des modifications importantes à la Loi sur les jeunes contrevenants. Des centaines de personnes signent des pétitions en ce sens.
LE MARIAGE
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition demande au Parlement de modifier la Loi sur le mariage pour y inscrire de façon explicite que le mariage est l'union volontaire d'un homme célibataire et d'une femme célibataire.
LES ARMES NUCLÉAIRES
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition signée par 32 électeurs de St. John's-Est.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'amorcer et de conclure, d'ici le tournant du siècle, une convention internationale établissant un calendrier exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.
Les pétitionnaires déclarent que l'existence d'armes nucléaires représente une terrible menace pour la santé et la survie de l'espèce humaine et de l'environnement mondial, et que le moyen le plus sûr d'éliminer cette menace consiste à abolir toutes les armes nucléaires. Les pétitionnaires prient le Parlement de conclure, d'ici l'an 2000, une convention internationale ayant pour objet de dresser un calendrier exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.
[Français]
LE PROJET DE LOI C-68
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, dans le cadre des pétitions, plusieurs résidants de Saint-Méthode, dont M. Fernand Lachance, s'opposent au projet de loi C-68.
Ceux-ci suggèrent au gouvernement libéral fédéral d'utiliser les centaines de millions de dollars prévus pour l'enregistrement des armes à feu à des mesures plus efficaces pour réduire les crimes de violence et accroître la sécurité du public, comme l'augmentation du nombre de policiers.
[Traduction]
LE PROJET DE LOI C-225
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour présenter une pétition signée par 70 de mes électeurs au sujet du projet de loi C-225.
LA JUSTICE
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour présenter une pétition portant des milliers de signatures à propos de la remise en liberté de criminels violents.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'apporter des modifications à la Loi sur la réforme du cautionnement afin de rendre notre pays plus sûr. Ils demandent essentiellement de modifier la loi afin d'imposer des peines plus sévères pour les crimes commis avec violence et de faire en sorte que la remise en liberté ne se fasse pas si rapidement.
LE PROJET DE LOI C-225
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une deuxième pétition à propos du projet de loi C-225, Loi modifiant la Loi sur le mariage (degrés prohibés) et la Loi d'interprétation.
Les pétitionnaires veulent maintenir que le mariage est une union volontaire entre un homme et une femme.
L'AVORTEMENT
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, la dernière pétition que j'ai à présenter a trait à la Convention relative aux droits de l'enfant, une convention de l'ONU. La pétition porte sur l'avortement.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer la tenue lors des prochaines élections d'un référendum national à caractère exécutoire pour que les électeurs se prononcent sur la question de savoir si l'avortement devrait être financé par l'État.
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, je présente une pétition signée par quelques milliers de personnes des quatre coins du Canada qui s'opposent à l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Le fait que le gouvernement soit aujourd'hui à la table des négociations, à Paris, au lieu de suivre l'exemple de la France et de se retirer, a de quoi irriter ces Canadiens, j'en suis sûr. Ils énumèrent 101 raisons pour lesquelles le gouvernement devrait se retirer des négociations sur l'AMI.
LA CRUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, la deuxième pétition provient de signataires du Québec qui s'inquiètent du fait qu'il se commette beaucoup de graves délits contre des animaux, mais qu'aucun tribunal, semble-t-il, ne les ait jamais pris au sérieux.
Les pétitionnaires réclament des sanctions sévères contre ceux qui font du mal aux animaux et ils proposent un programme de sensibilisation pour aider les juges à comprendre la gravité de ce délit.
[Français]
LE PROJET DE LOI C-68
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition signée par 50 personnes de ma circonscription qui demandent au Parlement d'abroger le projet de loi C-68 et de réorienter les centaines de millions de dollars d'impôt qui sont consacrés inutilement à la délivrance de permis à des propriétaires d'armes à feu responsables et à l'enregistrement d'armes dont la possession est légale.
Ils demandent qu'on puisse, à la place, consacrer cet argent à l'augmentation du nombre de policiers dans les rues, l'augmentation du nombre de programmes de prévention du crime, l'augmentation du nombre de centres de prévention du suicide, l'augmentation du nombre de refuges pour femmes, l'augmentation du nombre de campagnes dénonçant la contrebande et l'augmentation des ressources pour lutter contre le crime organisé et les gangs de rue.
* * *
[Traduction]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, nous répondrons aujourd'hui à la question no 118.
.[Texte]
Concernant le bois traité sous pression; a) quels produits chimiques sont autorisés dans le traitement du bois sous pression; b) quels sont les niveaux admissibles d'utilisation de chaque produit chimique qui entre dans la fabrication du bois traité; c) quels procédés d'évaluation le gouvernement fédéral a-t-il établis pour assurer que les compagnies respectent les niveaux prescrits; d) quelles mesures le gouvernement fédéral a-t-il prises pour assurer que les utilisateurs sont amplement protégés contre les risques que présentent ces produits avant et après l'installation?
L'Hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Des produits chimiques considérés comme des pesticides sont utilisés pour le traitement du bois sous pression (p. ex., les poteaux de téléphone, les traverses de chemins de fer et le bois de construction). Santé Canada effectue l'examen de données scientifiques afin de déterminer si les risques que posent les produits de traitement du bois sont acceptables. Dans l'affirmative, ils sont alors homologués, avec étiquette approuvée, en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires.
Le ministère de la Santé a aussi les pouvoirs de réévaluer périodiquement des produits homologués en fonction des normes de sécurité en vigueur. À l'issue des réévaluations, on décide si l'usage du produit est acceptable sur une base continue. Les produits de traitement du bois utilisés pour le bois traité sous pression font présentement l'objet d'une réévaluation de la sécurité dans le cadre d'un projet conjoint avec l'Environmental Protection Agency des États-Unis. Cet examen devrait se terminer en 1999.
a) À l'heure actuelle, il existe une variété de produits chimiques qu'on appelle «agents de préservation du bois» ou «produits de traitement du bois»; ces produits sont homologués et, par conséquent, leur usage est approuvé pour le bois traité sous pression. Parmi ces produits, il y a le pentachlorophénol, la créosote, l'arséniate de cuivre chromaté, les produits à base de borax et les produits à base d'un mélange de cuivre et de matières actives appelées ammonium quaternaire qu'on trouve dans les produits ménagers désinfectants. L'efficacité de ces produits dans la protection du bois est propre à chacun et leur usage est en fonction de l'emploi du produit à base de bois.
b) Avant d'approuver l'usage d'un produit, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l'ARLA) de Santé Canada en évalue les niveaux acceptables de son utilisation, au moment de l'évaluation du risque et du rendement. Dans sa démarche d'évaluation du rendement du produit, Santé Canada détermine le plus bas niveau de produit chimique requis pour protéger efficacement le bois. Le choix de la plus petite quantité requise, et sa vérification, contribuent à ce que le risque d'exposition soit, lui aussi, le plus bas possible. En tenant compte du niveau approprié d'utilisation, Santé Canada s'appuie en partie sur la norme de la série 080 de la Canadian Standard Association qui décrit la quantité de produits chimiques utilisée en vue de conserver l'intégrité de la structure de certains produits en bois (les poteaux de téléphone, p. ex.). L'Agence de réglementation contre la lutte antiparasitaire de Santé Canada effectue, dans le cadre de sa démarche d'évaluation, l'examen des données de rendement du produit en fonction de la norme. On trouve sur l'étiquette du produit et dans la norme de la série 080 de la Canadian Standard Association, les valeurs spécifiques de l'usage du produit.
c) 1. Il existe des programmes provinciaux de réglementation qui visent à surveiller régulièrement les activités de traitement du bois.
2. Environnement Canada et Santé Canada ont collaboré à l'élaboration de documents de recommandation technique qui favorisent les bonnes pratiques d'utilisation des produits chimiques pour le bois traité
3. Les activités du gouvernement fédéral en matière de réglementation sont fondées en grande partie sur les plaintes et les incidents qui font l'objet d'une enquête.
d) Avant qu'un produit chimique pour le traitement du bois ne puisse être utilisé au Canada, il doit d'abord être homologué en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, de même que son usage. Le processus d'homologation comporte une évaluation de la sécurité du produit au cours de laquelle on considère les effets possibles du produit et l'exposition à ce dernier. On tient compte de ces effets pour les travailleurs de l'industrie du traitement du bois ainsi que pour les utilisateurs de produits en bois traité. De plus, on tient compte des risques pour la santé dans le cadre de l'examen des nouveaux produits; il en est de même pour les produits qui font présentement l'objet d'une réévaluation.
L'étiquette d'un produit homologué renferme des instructions visant à protéger les personnes lorsqu'elles manipulent les produits en bois traité, pendant et après leur traitement. L'étiquette prescrit des instructions additionnelles, notamment des interdictions spécifiques à la manipulation, à l'utilisation et à l'élimination du bois traité, Ainsi, il est interdit de brûler le bois traité puisque cela pourrait entraîner des rejets de substances toxiques.
Santé Canada est responsable de protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes qui utilisent des produits chimiques pour le traitement du bois et le bois traité issu de cette opération. Ces produits chimiques font l'objet d'une évaluation exhaustive de la sécurité avant que l'industrie du traitement du bois puisse y avoir accès. On tient compte, dans la démarche d'évaluation de l'innocuité du produit, de la sécurité des travailleurs de l'industrie du traitement du bois ainsi que de celle des utilisateurs (commerciaux et consommateurs) de produits en bois traité. Santé Canada entreprend présentement la réévaluation de ces produits avec ses collègues des États-Unis; il s'agit de répondre aux préoccupations sur la protection de la santé associées aux produits de traitement du bois.
* * *
[Traduction]
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 126 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, le document pourrait être déposé sur-le-champ.
Le président suppléant (M. McClelland): Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
.[Texte]
Au sujet du cancer et de la recherche sur le cancer faite au Canada, quels sont, d'après les constatations du gouvernement: a) l'incidence du cancer du sein et le taux de mortalité attribué à cette maladie au sein de la population féminine, exprimés en pourcentage du nombre total de Canadiennes; b) l'incidence du cancer de la prostate et le taux de mortalité attribué à cette maladie au sein de la population masculine, exprimés en pourcentage du nombre total de Canadiens; c) les sommes totales affectées par le gouvernement fédéral à la recherche sur le cancer du sein au cours des cinq derniers exercices pour lesquels des statistiques existent; d) les sommes totales affectées par le gouvernement fédéral à la recherche sur le cancer de la prostate au cours des cinq derniers exercices pour lesquels des statistiques existent?
(Le document est déposé.)
[Traduction]
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.
Le président suppléant (M. McClelland): Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET LES DOCUMENTS ÉLECTRONIQUES
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, j'ai parlé de certaines des grandes questions clés relatives au commerce électronique. Je voudrais maintenant me tourner vers les dispositions du projet de loi C-54.
À bien des égards, ce projet de loi est un point de départ. Nous avons donc l'occasion de partir du bon pied. Nombre de dispositions du projet de loi en ce qui concerne la collecte, le stockage et la communication de renseignements personnels ne visent qu'à ajouter du mordant à ce qui n'était auparavant qu'un code non obligatoire.
La protection des renseignements personnels est un droit sacré que l'on a toujours tenu pour acquis dans notre pays. C'est une bonne chose. La mise en oeuvre sans faille des dispositions sur la protection des renseignements personnels devrait vraiment passer inaperçue au Canada. Si c'est le cas, la confiance que l'on avait avant l'entrée en vigueur de cette loi sera maintenue. Comprenez-moi bien. Je ne souhaite pas cacher la moindre parcelle du processus législatif. Toutefois, je suis convaincu que j'exprime le point de vue de bien des gens quand je dis qu'aucun d'entre nous ne veut répéter le fiasco de l'abonnement par défaut que nous avons observé dans le secteur de la câblodistribution il n'y a pas si longtemps.
Les intervenants du secteur sont intervenus auprès de nombre d'entre nous à l'égard du projet de loi. Comme je l'ai dit, nous devons veiller à établir un équilibre entre les efforts légitimes de commercialisation des entreprises et le droit à la protection des renseignements personnels dont nous jouissons tous. Si une erreur doit être faite, que ce ne soit pas au détriment de la protection des renseignements personnels.
Les autres dispositions du projet de loi C-54 sont des dispositions de forme qui nous permettront de devenir un pays modèle en ce qui a trait à l'utilisation d'Internet.
Il me tarde de travailler avec les autres membres du Comité de l'industrie à l'examen de cet important premier pas dans le domaine du commerce électronique.
M. Walt Lastewka (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Markham pour ses observations sur ce projet de loi. Je sais que, avant de devenir député, il s'occupait beaucoup d'ordinateurs et du secteur de l'informatique.
Jusqu'à maintenant, on a dit que ce projet de loi était insuffisant. On a dit qu'il devrait prévoir davantage de règles et de restrictions. Il faut aussi être prudent à l'égard d'Internet, des règles et de la protection de la vie privée. Nous ne voulons pas freiner l'innovation, mais nous voulons avancer dans une certaine direction.
Le député a dit qu'il y aura tout un débat au Comité de l'industrie et parmi tous les députés afin que le projet de loi prévoie un programme équilibré et aille de l'avant.
Je voudrais que le député de Markham dise quelques mots pour ce qui est d'aller de l'avant et d'envisager des innovations. La question est mondiale et il faut se montrer prudent.
M. Jim Jones: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question.
Il s'agit d'un domaine qui évolue rapidement, grâce aux progrès de la technologie. La technologie est de plus en plus puissante, presque d'un mois à l'autre. Elle est aussi de plus en plus fonctionnelle. Elle est aussi considérablement moins coûteuse.
Une des choses que réclame l'industrie, c'est que nous veillions à ce que la réglementation du commerce électronique sur Internet ne constitue pas seulement une autre occasion de ponction fiscale. Ce que veut l'industrie, ce sont les taxes professionnelles habituelles.
Si nous, au Canada, croyons être une île, nous avons tort. Nous allons voir qu'il s'agit probablement de l'un des plus importants changements de paradigme du siècle. Si le Canada fait ce qu'il faut et devient vraiment l'un des leaders de l'Internet, notre pays sera bien positionné pour le XXIe siècle.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, le député du Parti libéral de Markham connaît bien les questions relatives à l'informatique, si j'en juge de ses commentaires, il y a quelques instants.
J'aimerais aussi préciser que j'ai commencé à oeuvrer en informatique en 1972. J'ai travaillé dans le domaine de l'éducation, j'ai été consultant pendant de nombreuses années, tant sur le plan national, québécois, que sur le plan canadien, américain et international.
Matière de fait, avant d'être député, j'étais à poursuivre un MBA, avec une majeure en informatique. J'étais aussi président de l'Association de sécurité informatique du Québec. Donc, les questions de sécurité informatique me sont très familières. Un projet de loi comme celui-ci m'intéresse tout particulièrement.
D'autant plus particulièrement qu'en 1992, j'ai eu l'honneur, au nom de l'Association de sécurité informatique du Québec, de présenter un mémoire à l'Assemblée nationale, alors que cette dernière étudiait un projet de loi sur la protection du renseignement personnel dans l'entreprise privée. C'est maintenant une loi au Québec. Le Québec a une loi depuis quatre ans qui va bien au-delà de ce qui est présenté ici par le gouvernement.
En fait, le gouvernement, malheureusement, s'arrête à mi-chemin et ne protège qu'une partie des renseignements personnels détenus par l'entreprise privée, c'est-à-dire les renseignements qui sont donnés dans un contexte commercial. Ce ne sont pas les seuls renseignements qui sont fournis dans un contexte informatique. Avec l'avènement de l'Internet, les occasions de fournir des renseignements sont beaucoup plus grandes et les récipiendaires de ces renseignements sont disséminés sur toute la planète.
Je demande donc à notre collègue de Markham s'il ne croit pas que ce projet de loi devrait être beaucoup plus englobant, devrait en fait être à la hauteur de ce qui se passe au Québec et non pas s'arrêter à mi-chemin, parce qu'il faut le considérer d'une façon très attentive. Je demande à mon collègue de Markham de réagir à ceci: si le projet de loi C-54 est adopté tel quel, des Québécoises et des Québécois perdront des droits qu'ils ont acquis par voie législative depuis les quatre dernières années.
C'est très difficile, pour les Québécoises et les Québécois, dans un domaine aussi avant-gardiste que le commerce électronique, de reculer de quatre ans sur une législation qui a été adoptée au Québec.
Alors, est-ce que mon collègue de Markham serait d'accord pour s'assurer que le Comité de l'industrie va faire en sorte que cette législation soit complètement modifiée pour devenir à la hauteur de celle que le Québec a mise de l'avant, il y a déjà quatre ans? J'attends sa réponse.
[Traduction]
M. Jim Jones: Monsieur le Président, je remercie le député bloquiste de sa question.
Il soulève de bons arguments, mais le projet de loi porte expressément sur le commerce électronique et sur son rapport avec le commerce électronique et, également, du point de vue du commerce électronique et d'Internet, sur son rapport avec les champs de compétence du gouvernement fédéral.
Je ne connais pas le projet de loi sur la protection des renseignements personnels qui a été présenté au Québec, mais j'espère que, avec le temps, ce projet de loi sur la protection des renseignements personnels et la réglementation concernant Internet témoigneront des efforts d'intégration entre le gouvernement fédéral et les provinces. Car cela favorisera la croissance d'Internet et du commerce électronique .
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir pour pouvoir ajouter à la question du député de Portneuf.
Effectivement, la loi au Québec est déjà en vigueur depuis quatre ans et elle touche particulièrement toute la question de la protection des renseignements personnels, ce qui fait partie inclusivement du texte du projet de loi.
C'est une question de commerce électronique, mais c'est aussi une question de protection de renseignements personnels. À notre avis, on ne retrouve pas, dans le présent projet de loi, l'équilibre nécessaire entre ces deux sujets. On est dans un nouveau domaine de droit, un nouveau domaine qui prend de l'ampleur très rapidement. Il faut s'assurer qu'on va développer des pratiques correctes qui vont permettre une protection suffisante des renseignements personnels.
Le ministre lui-même, dans un communiqué, a reconnu qu'il y avait une loi au Québec et qu'il pourrait y avoir délégation. Malheureusement, dans le projet de loi, on ne retrouve pas cette garantie.
Le député ne trouve-t-il pas important que ce soit écrit clairement, noir sur blanc, pour le Québec ou pour toutes autres provinces qui voudraient se doter d'une législation appropriée, surtout dans le cas où il en existe une comme celle du Québec, et ne trouve-t-il pas nécessaire que la loi puisse être amendée de façon telle que sans cet amendement, entre autres choses, ce projet de loi ne mérite pas d'être adopté tel quel?
[Traduction]
M. Jim Jones: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.
Comme je l'ai dit plus tôt, je ne connais pas le projet de loi du Québec sur la protection des renseignements personnels. Pour favoriser la croissance du commerce électronique et d'Internet et instaurer la confiance des consommateurs dans Internet, comme toutes les transactions seront harmonisées, à longue échéance, nous devons nous assurer qu'il y aura une intégration totale des lois dans ce secteur, dans les sphères de compétence fédérales et provinciales.
Si les députés du Bloc veulent bien me remettre un exemplaire de la loi québécoise sur la protection des renseignements personnels, j'aimerais y jeter un coup d'oeil. Lorsque nous passerons à l'étape de l'étude en comité, je suis sûr que nous examinerons cette question avec l'esprit ouvert.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Waterloo—Wellington. Je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, pour ne donner que le titre abrégé sinon ce serait trop long pour la Chambre et pour les personnes qui suivent ce débat aujourd'hui.
Les transactions papier prennent du temps, or en affaires, le temps, c'est de l'argent. Cela s'applique aussi aux individus. Comme les gens peuvent aller plus vite par Internet, cela leur laisse plus de temps pour vaquer à d'autres affaires.
Le Canada a ceci d'unique qu'il est à l'avant-garde de l'évolution du commerce électronique. C'est en grande partie la même chose que pour l'invention de la chaîne de montage. C'est une nouvelle façon de faire qui nous permet d'être plus compétitifs et l'emporter, car nous avons toujours embrassé la technologie des communications.
Le fait que le Canada est un vaste pays, le deuxième du monde par sa superficie, n'est un secret pour personne. Nous sommes aussi ceux qui avons encouragé et favorisé l'invention du téléphone. Le Canada est le pays du monde qui compte le plus grand nombre d'étudiants au niveau postsecondaire. Selon le Forum économique mondial, nous avons le plus grand nombre de travailleurs intellectuels. Les distances ne sont plus un problème. La Colombie-Britannique n'est plus maintenant qu'à des micro-secondes de Terre-Neuve.
Quel est l'avantage du commerce électronique? De quoi s'agit-il et en quoi cela touche-t-il les gens dans leurs communautés aujourd'hui? Voici quelques statistiques très intéressantes.
Selon un rapport publié récemment par l'OCDE, l'émission d'un billet d'avion par un agent de voyage coûte 12 $. Si l'on passe par Internet, le coût est de 1,50 $, ce qui représente 87 p. 100 d'économies. Les services bancaires électroniques permettent de réduire les coûts de 89 p. 100. Le simple fait de payer ses factures par Internet réduit les coûts de 70 p. 100. Certains se demanderont pourquoi les commissions bancaires ne sont pas encore plus basses, compte tenu des économies substantielles que l'industrie bancaire a réussi à réaliser. C'est aussi indicatif de sa rentabilité ces dernières années.
Cette évolution rapide n'est pas sans avoir des inconvénients. Les agents de voyage doivent s'adapter à cette nouvelle économie, peut-être même les banques. Nombreux sont ceux qui disent que ceux qui assureront les services bancaires à l'avenir ne sont peut-être pas des banques aujourd'hui.
Amazon.com. est le troisième détaillant de livres aux États-Unis, avec un chiffre d'affaires de 5,5 milliards de dollars. Il fait affaire sur Internet, où il n'y a pas de file d'attente, ce qui permet au client de ne pas perdre son temps à faire la queue pour un livre. Cela aura un impact considérable sur la vente de livres au détail. J'ai lu dans les journaux d'aujourd'hui que Chapters, le Globe and Mail et d'autres envisagent d'en faire autant.
Le Canada effectue actuellement 5 p. 100 des transactions sur l'Internet. Ce 5 p. 100 peut paraître très modeste, mais il faut savoir qu'en proportion du nombre d'habitants il s'agit de la plus forte concentration dans le monde, après les États-Unis.
Les Canadiens n'ont pas tardé à devenir des adeptes de l'Internet. Comme bien des députés l'ont dit, cela ne se limite pas à Internet. Il y a aussi les intranets dans les grandes entreprises ainsi que d'autres formes de commerce électronique telles que les cartes bancaires. Je vais me concentrer sur l'évolution d'Internet.
L'utilisation d'Internet peut présenter un certain danger. Selon un sondage récent effectué par Nielsen sur CommerceNet, il semblerait que 16 p. 100 des utilisateurs actuels d'Internet acceptent de s'en servir pour effectuer des transactions commerciales. Autrement dit, un grand nombre de personnes utilisent Internet soit à des fins personnelles soit à des fins de renseignement sur les entreprises.
En effet, le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour faire la promotion de son site Strategis, qui a pour but d'aider les PME à communiquer entre elles et à se renseigner sur les services qu'offre le gouvernement. Moins de 16 p. 100 de ces personnes utilisent Internet pour se livrer au commerce. C'est qu'en général on craint pour la protection de la vie privée.
Combien de fois nous a-t-on demandé notre numéro de carte Visa sur l'Internet et combien de fois avons-nous refusé de le communiquer? Il y a un problème. Les gens se demandent ce qu'il va advenir de leur numéro de carte de crédit une fois qu'il est introduit dans le système électronique. Qui y aura accès? Qui s'en sert? À quelles autres fins peut-on s'en servir?
On peut penser à toutes sortes d'abus. Nombreux sont ceux qui craignent l'intrusion dans leur vie privée et la divulgation de leurs renseignements personnels. Si les entreprises et les consommateurs canadiens pouvaient ouvrir la voie dans ce domaine, notre communauté des affaires bénéficierait d'un net avantage sur ses concurrents mondiaux. Il suffit de penser à l'avantage formidable dont jouirait nos gens d'affaires, si, partout dans le monde, on disait que les entreprises canadiennes sont dignes de confiance, parce qu'elles ont un système de réglementation et d'exécution qui respecte les opérations via Internet.
De nombreuses personnes ont déclaré que les gouvernements ne devraient pas s'occuper d'Internet. Son évolution devrait se faire librement, selon de nombreux internautes. Selon eux, cette évolution ressemble beaucoup à la conquête de l'Ouest. Dans l'Ouest, la loi et l'ordre sont venus après la conquête. Bien sûr, ce n'était pas un endroit de tout repos. Je crois que c'est exactement ce qui se passe avec Internet aujourd'hui. Ce n'est pas un endroit de tout repos et aucune loi ne s'applique. Il manque une structure que nous pourrions tous comprendre et apprécier, afin d'utiliser le mieux possible toute la puissance d'Internet.
Une question va plus loin que le commerce électronique. Je sais que des députés ont exprimé leurs inquiétudes concernant la menace que représente Internet pour la vie privée. Aux États-Unis encore plus qu'au Canada, il y a un grave problème en ce qui a trait aux dossiers médicaux.
Une forme de la maladie d'Alzheimer peut être décelée à un stade très précoce. Autrement dit, il est possible de prédire tôt dans la vie que la personne souffrira éventuellement de cette forme de la maladie d'Alzheimer. Certains craignent fort que, si les assureurs et les employeurs avaient accès aux renseignements de cet ordre, ils pourraient s'en servir pour prendre leurs décisions. Aussi absurde que cela paraisse, un jeune de 18 ans, chez lequel on prédit cette forme de la maladie d'Alzheimer quand il aura 70 ans, risquerait de ne pas se faire embaucher ou de ne pas pouvoir s'assurer.
Quand on pense que la Colombie-Britannique a informatisé tous ses dossiers médicaux, on devine un peu où peuvent mener les problèmes causés par l'utilisation de la technologie de l'information.
D'après moi, ce projet de loi ne s'attaque pas précisément à cette question, mais il conforte et balkanise le recours au commissaire à la vie privée pour garantir, du moins en ce qui concerne le commerce électronique, que le consommateur ordinaire est protégé.
Toute cette question exige beaucoup de leadership. Ce projet de loi vise notamment à assurer que le mécanisme d'approvisionnement du gouvernement fédéral sera ouvert au commerce électronique.
Demain matin, je fais un discours devant un groupe de gens d'affaires, dans ma circonscription. Ils m'ont déjà posé quelques questions, mais je suis certain qu'ils vont me demander comment les petites et moyennes entreprises peuvent accéder aux mécanismes d'acquisition du gouvernement. C'est la manière fondamentale d'y arriver, pour elles. Elles n'ont pas besoin d'être de grosses entreprises pour accéder au mécanisme d'approvisionnement du gouvernement. En fait, la plus grande partie de cette loi traite du commerce interprovincial. On peut espérer que les provinces et les gouvernements territoriaux travailleront ensemble à faire progresser cet enjeu.
Nous avons mentionné très rapidement la technique du cryptage. C'est une préoccupation majeure pour beaucoup de Canadiens. Il existe un accord dont le Canada est signataire qui s'appelle l'Accord Wassenaar. Il a été conclu en partie parce qu'on reconnaissait que le cryptage pouvait aussi être utilisé dans l'autre sens. Quelques députés ont parlé du fait qu'on peut aussi utiliser cette technique à des fins criminelles. C'est cet accord qui prévoit des restrictions à la vente, à l'exportation et à l'achat de techniques de cryptage. C'est clair que nous allons devoir modifier notre orientation face à cet accord si nous utilisons abondamment cette technique à des fins honnêtes.
En conclusion, j'ai été très fier de participer à la réunion de l'OCDE sur le commerce électronique, qui a eu lieu il y a quelques semaines, ici, à Ottawa. C'est surprenant de constater que tous les autres participants avec qui j'en ai discuté avaient les mêmes problèmes, qu'ils soient de Norvège, de Suède ou du Japon. Voilà pourquoi nous partons gagnants. Je pense que le projet de loi C-54 contribuera largement à nous garder en tête de file.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, on le voit bien, le projet de loi C-54 traite du commerce électronique. Il ne traite pas, d'abord et avant tout, de la protection des renseignements personnels. Il traite des questions de commerce électronique, et dans ce contexte, il veut favoriser le commerce électronique en assurant la protection des renseignements personnels.
Je le mentionnais, il y a quelques minutes, lors de l'intervention d'un collègue, le projet de loi est incomplet et notre collègue du parti gouvernemental vient de le souligner, il y a un instant. Il mentionnait par exemple les renseignements d'ordre médical. J'ajoute aussi les renseignements d'ordre judiciaire ou fiscal.
Il y a bien plus sur le réseau Internet que la circulation de simples renseignements commerciaux. Il y a des renseignements de toutes sortes et de toutes espèces qui peuvent transiter, qui vont transiter et qui y transitent quotidiennement, 24 heures par jour, et qui concernent les individus, les citoyennes et les citoyens du Canada et du Québec. Ces renseignements, qui ne sont pas de nature commerciale, ne sont pas couverts par ce projet de loi, et c'est là où le bât blesse.
Je demande donc au député du parti gouvernemental s'il n'a pas conscience que ce projet de loi est incomplet, et que suggère-t-il de faire pour s'assurer que ce projet de loi soit à la hauteur de la protection que les Québécoises et les Québécois ont présentement?
[Traduction]
M. Alex Shepherd: Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la question, mais je ne sais pas s'il est juste de dire que le projet de loi est incomplet. Je crois qu'il y a des endroits pour faire ce qu'il suggère.
Le projet de loi, qui est assez long, aborde de nombreux points de la loi sur la preuve et a une incidence sur un certain nombre d'arrangements fondamentalement commerciaux à l'intérieur du Canada. Quant à la question de savoir si nous voulons faire entrer ce genre de considérations dans le cadre du projet de loi, il s'agit de savoir s'il est approprié de le faire.
J'ai écouté les députés du Bloc québécois parler en long et en large de leurs inquiétudes à propos de l'application du projet de loi. D'après ce que je comprends du projet de loi, il ne s'applique pas au Québec parce que cette province possède déjà une loi sur la protection des renseignements personnels et est soustraite à l'application de la mesure à l'étude. Par conséquent, je ne comprends vraiment pas pourquoi ils se préoccupent tant à ce propos. Tout à l'heure, j'ai entendu un des députés dire que le Québec allait devoir renoncer à quatre années de jurisprudence sur la protection des renseignements personnels alors qu'en fait, d'après le libellé du projet de loi, la province de Québec sera soustraite à l'application de cette mesure puisqu'elle possède une loi similaire.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-54 que nous abordons cet après-midi, et que l'honorable député de Durham a si éloquemment vanté, laisse quand même planer certains doutes. Le titre est très long, j'en cite une partie: Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis.
Je me demande comment le représentant du gouvernement libéral pourrait se positionner lorsqu'au début des années 1970, le gouvernement Trudeau, au sein duquel le premier ministre actuel et le vice-premier ministre siégeaient, avait commandé directement à la GRC d'aller voler les listes électorales d'un parti politique reconnu. Pourrait-il me dire si on respectait à ce moment-là l'intégrité et l'esprit et la lettre des renseignements personnels collectifs? Pire que cela, lorsqu'on a reconnu des agents de la GRC coupables de vol par effraction, on ne les a pas congédiés, on leur a donné des promotions.
Est-ce que le député peut m'expliquer si ce n'est pas en contradiction avec le vouloir de ce même parti aujourd'hui?
[Traduction]
M. Alex Shepherd: Monsieur le Président, tout d'abord, ce que nous essayons de faire en l'occurrence, c'est d'établir un cadre de réglementation que les gens comprendront et apprécieront. C'est très important. Le Canada devient un pays de plus en plus petit. Un employé de banque m'a dit l'autre jour que nous ne sommes que 30 millions de Canadiens, mais le fait est que nous sommes très rapprochés les uns des autres. Cela inclut la province de Québec. La province de Québec n'est pas une entité séparée, mais fait vraiment partie du pays.
Le commerce électronique est le sujet même auquel nous nous intéressons. Il n'y a pas de frontières au sein du Canada à l'intérieur de ce cadre juridique. Nous continuerons d'entretenir des liens étroits entre tous les habitants du Canada pour faire du Canada un pays meilleur, pour le rendre compétitif. Tous les habitants du Canada pourront soutenir avec succès la concurrence dans ce marché.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre pour discuter de cette question très importante. Je le fais au nom des habitants de la circonscription de Waterloo—Wellington.
Il est difficile de sous-estimer l'importance croissante que revêt le réseau de communications mondial par rapport à l'activité économique. Dans une très large mesure, le succès du Canada au XXIe siècle dépendra de la capacité des Canadiens de participer avec succès à l'économie mondiale fondée sur le savoir. De toute évidence, c'est dans cette voie que le monde s'oriente.
L'économie fondée sur le savoir est le moteur de la croissance mondiale, et cette tendance ne peut aller qu'en s'intensifiant. La prospérité future du Canada reflétera alors notre succès dans cette économie. Le gouvernement du Canada a aidé très activement les Canadiens à tirer profit des possibilités de la culture mondiale fondée sur l'information. Nous avons, à juste titre, fait de la participation du Canada à une économie fondée sur le savoir une de nos grandes priorités.
Nous nous sommes donné comme objectif de faire du Canada le pays le plus branché du monde d'ici l'an 2000. C'est une initiative vraiment visionnaire qui nous rapportera beaucoup de dividendes dans l'avenir. Des projets comme le Programme d'accès aux collectivités et SchoolNet garantissent à tous les Canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent, l'accès à l'autoroute électronique et à l'économie fondée sur l'information.
Grâce au Programme d'accès aux collectivités, d'ici l'exercice 2000-2001, nous aurons raccordé toutes les localités rurales canadiennes de plus de 400 habitants, jusqu'à 5 000 localités. SchoolNet est un vaste projet de partenariat des secteurs public et privé qui permettra aux 20 000 écoles et bibliothèques publiques du Canada d'être reliées à Internet d'ici la fin de l'année. À titre d'ex-enseignant et de président de la bibliothèque régionale de Waterloo, je suis d'emblée conscient de l'importance de SchoolNet et de ce qu'il représente pour les Canadiens.
Notre gouvernement est déterminé à aider les Canadiens à avoir accès à l'information et au savoir qui leur permettront et qui permettront à leurs collectivités, à leurs entreprises et à leurs institutions de trouver de nouvelles possibilités d'apprentissage, d'interaction, d'échanges commerciaux et de mise en valeur de leur potentiel économique et social.
Le commerce électronique est au coeur même de la nouvelle économie de l'information. Il est essentiel, pour respecter notre engagement, d'établir un cadre permettant au commerce électronique d'être florissant. D'ici l'an 2000, nous voulons que le cadre juridique, commercial et technologique de notre commerce électronique soit parmi les meilleurs du monde. Nous voulons que l'industrie canadienne soit un chef de file en ce qui a trait au développement et à l'utilisation du commerce électronique.
Le commerce électronique va profiter aux consommateurs et aux entreprises. Premièrement, il va réduire les coûts de transaction et de distribution; deuxièmement, il va accroître l'accès au marché et les choix des consommateurs; troisièmement, il va améliorer le support et les informations techniques pour les produits; enfin, il va ouvrir de nouveaux débouchés pour les produits, les services et les entreprises.
Tous les jours, des transactions électroniques d'un billion de dollars américains en devises et d'un quart de billion de dollars américains en valeurs mobilières sont effectuées dans le monde entier et pourtant, à peine une petite portion de ces transactions se font sur l'Internet. Cependant, cela va changer, et sous peu. On estime qu'à l'heure actuelle, le commerce électronique effectué sur l'Internet s'élève à environ 45 milliards de dollars canadiens. Cependant, on prévoit une croissance exponentielle. Les recettes tirées du commerce électronique devaient atteindre 600 milliards de dollars d'ici l'an 2002. Les répercussions possibles du commerce électronique sont donc énormes et tout pays qui souhaite que ses citoyens prospèrent doit aller de l'avant pour profiter de ces débouchés.
Pour que l'économie mondiale puisse bientôt compter sur le commerce électronique, nous devons tout d'abord bâtir la confiance dans ce type de commerce. Nous devons garantir le respect de la vie privée, c'est essentiel. Les règles régissant le marché informatique doivent être établies au Canada et entre partenaires commerciaux mondiaux. Pour bâtir cette confiance, il faut surtout garantir le respect de la vie privée et protéger les renseignements personnels.
Pour que le commerce électronique puisse être plus florissant au Canada, un environnement clair, prévisible et sûr est absolument essentiel. Consommateurs, entreprises ou gouvernements, nous devons tous avoir confiance dans la façon dont nos renseignements personnels sont recueillis, conservés et utilisés. Nous devons pouvoir contrôler nos renseignements personnels et être assurés qu'ils seront protégés, que nous utilisions l'Internet pour magasiner ou effectuer des transactions bancaires, pour préparer des vacances, pour obtenir des renseignements médicaux, pour naviguer sur le Net, pour faire des achats grâce à une carte de débit ou pour correspondre avec des membres de notre famille ou des amis par l'intermédiaire du courrier électronique.
Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a décrit notre protection de la vie privée au Canada comme un ensemble disparate de lois, de règlements et de codes. Ses homologues provinciaux sont d'accord là-dessus. Ils réclament des garanties protégeant la vie privée des consommateurs dans tout le pays.
Le gouvernement fédéral et la plupart des provinces ont des lois régissant la collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels par le secteur public. La Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels s'applique à tous les ministères du gouvernement fédéral, à la plupart des organismes fédéraux et à quelques sociétés d'État de régime fédéral. C'est le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui surveille son application.
Dans le secteur privé, la protection des renseignements personnels est sporadique et inégale. Il n'y a qu'au Québec que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé fournit un cadre précis pour la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels.
Il est évident que la situation actuelle en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels transmis de façon électronique est inacceptable. Dans le but d'accroître la confiance dans les communications numériques et de placer le Canada à l'avant-garde du commerce électronique, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à protéger les renseignements personnels dans le secteur privé et à améliorer les modalités du commerce électronique.
C'est là l'objet du projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Ce texte prévoit des modifications législatives nécessaires au développement florissant du commerce électronique.
En janvier 1998, le gouvernement a publié un document de discussion intitulé La protection des renseignements personnels pour une économie et une société de l'information au Canada. Ce document soulignait les diverses questions sur lesquelles on devait se pencher et demandait à tous les Canadiens de faire connaître leur opinion sur le sujet.
Les Canadiens nous ont dit qu'ils veulent un cadre législatif souple, flexible et efficace qui offre un recours raisonnable aux consommateurs. Ils sont d'avis qu'il faut s'inspirer d'un texte existant, notamment du code modèle pour la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation. Ils veulent qu'il y ait une surveillance pour s'assurer que l'on respecte les règles et que l'on fait enquête sur les plaintes.
Le projet de loi C-54 prévoit tout cela. Il établit le droit à la protection des renseignements personnels et fixe des règles claires quant à la façon dont ces renseignements doivent être recueillis, utilisés et communiqués dans le cadre d'activités commerciales d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre ou encore dans le cadre d'une entreprise fédérale. Le commissaire à la protection de la vie privée surveillera l'application de la loi et examinera les plaintes.
Cette mesure législative offrira d'autres avantages encore. Elle fera du gouvernement fédéral un leader dans l'utilisation des moyens électroniques pour communiquer avec les citoyens. Pour ce faire, elle modernisera et adaptera nos lois de façon que les communications électroniques et la prestation de services électroniques soient pratiques et que l'on puisse communiquer en toute sécurité avec le gouvernement.
Le projet de loi comporte un aspect qui a des conséquences importantes pour le commerce électronique. Il prévoit le concept de signature électronique sécurisée à utiliser en transmission électronique. Ces signatures seront uniques, identifieront leurs utilisateurs qui seront les seuls à pouvoir s'en servir et, enfin, seront associées aux documents utilisés dans une transaction donnée.
Le projet de loi C-54 permettra au gouvernement fédéral de recourir à la technologie électronique pour offrir ses programmes et ses services de manière rapide, rentable et en toute sécurité. Il contribuera au maintien du leadership fédéral au moment où l'économie canadienne adopte de plus en plus le commerce électronique comme moyen normal de faire des affaires.
En terminant je ferai remarquer qu'en adoptant le projet de loi C-54, la Chambre des communes placera le Canada à l'avant-garde du commerce électronique et aidera ainsi les Canadiens à profiter pleinement des avantages que leur offre la nouvelle économie axée sur l'information.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié les paroles de notre collègue d'en face. Je dois dire que ses préoccupations sont judicieuses. Il parle de protéger les renseignements personnels et souligne que c'est une chose importante. Il dit, bien sûr, que personne ne voudrait voir ses renseignements médicaux vus et consultés par des tiers qui n'ont pas affaire à ces renseignements et que notre courrier personnel ne devrait pas pouvoir être intercepté.
Le projet de loi que nous avons devant nous n'assure, d'aucune façon, la protection des renseignements s'ils ne sont pas de nature commerciale, c'est-à-dire que les renseignements médicaux, les renseignements fiscaux, les renseignements qui seraient contenus dans le courrier personnel ne sont pas protégés par cette loi.
Comme le disait et le remarquait le député d'en face, au Québec, c'est une autre affaire. Au Québec, nous avons une loi qui protège les citoyennes et les citoyens québécois contre l'utilisation et la prise de connaissance même de renseignements de nature personnelle.
Le député d'en face a également dit et je le cite: «This Bill will put Canada at the forefront». Right? Wrong. Le Québec est en avant. Ce projet de loi place le Canada non pas à l'avant-garde mais derrière les pays qui ont déjà des lois plus performantes, dont le Québec.
Il faut se demander pourquoi le ministre n'est pas allé au Québec pour examiner la loi déjà en vigueur depuis quatre ans. C'est une loi qui fonctionne bien et qui, sans doute, pourrait être bonifiée. Cela aurait été une excellente occasion de la bonifier ici. Mais non! On l'ignore et on présente un projet de loi de deuxième classe. C'est ce que nous avons devant nous. Un projet de loi qui vise à favoriser le commerce électronique et non pas à protéger le renseignement personnel.
Or, en protégeant le renseignement personnel tous azimuts on va favoriser non seulement le commerce électronique mais l'utilisation, dans tous les axes, des outils que l'inforoute nous permet d'utiliser. Voici la question que j'aimerais poser à mon collègue d'en face. Tantôt, il a été mentionné que la loi fédérale n'aurait pas à s'appliquer au Québec parce que le Québec a déjà sa loi.
Compte tenu qu'à l'article 27 il est spécifié, et je cite:
27.(1) Que le gouverneur en conseil peut, par règlement: [...]
d) s'il est convaincu qu'une loi provinciale essentiellement similaire à la présente partie s'applique à une organisation—ou catégorie d'organisations—ou à une activité—ou catégorie d'activités—, exclure l'organisation, l'activité ou la catégorie de l'application de la présente partie à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements [...]
Est-ce que le député d'en face considère que c'est suffisant qu'il y ait une décision politique et non pas juridique du ministre en cause pour exempter le Québec de l'application de cette loi? À mon avis, cela n'a pas de sens.
[Traduction]
M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Toutefois, le député ne reconnaît pas l'importance du projet de loi C-54, qui nous propulsera à l'avant-garde en tant que gouvernement pour ce que nous faisons pour la protection de tous les Canadiens. Le projet de loi assurera la confiance, la sécurité et la fiabilité que les Canadiens non seulement méritent, mais encore nécessitent en cette nouvelle ère.
J'ai écouté avec un certain intérêt le député d'en face parler du Québec et de sa législation relative à la protection de la vie privée. Je signale au député que notre gouvernement a jeté un coup d'oeil sur ce que le Québec a mis en place. Nous avons utilisé dans la mesure requise et nécessaire les méthodes qui sont en place dans cette grande province. Je signale à tous les Canadiens que ses prémisses sont fausses.
Ce qui importe pour notre gouvernement, c'est que nous entrions dans le XXIe siècle avec la confiance et la perspicacité qui sont nécessaires et que souhaitent tous les Canadiens. Nous allons le faire dans le respect des valeurs et des institutions qui nous définissent en tant que pays.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, rappelons le titre du projet de loi sur lequel porte le débat:
Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.
Donc, ce projet de loi vise à réglementer un secteur nouveau de l'activité qu'on appelle le commerce électronique. Qu'est-ce que le commerce électronique? En gros, ce sont toutes les transactions qu'on peut faire par l'entremise de l'électronique. La plupart d'entre nous en faisons régulièrement dans les guichets automatiques ou ailleurs. Ce sont aussi toutes les transactions commerciales entre des entreprises.
Il est peut-être bon de mettre en perspective qu'on est un peu dans la même situation que s'il n'y avait pas eu de réseau de consommation et qu'on décidait de faire une loi de protection du consommateur. On devrait s'assurer que le consommateur est bien protégé et que les informations recueillies sont protégées. On doit s'assurer au cours des prochaines années d'avoir un équilibre entre le commerce, la liberté de commerce, la facilité de commerce et la possibilité que les gens qui utilisent ces outils puissent avoir une protection suffisante de leurs renseignements. C'est un peu le défi qui se présente au gouvernement.
Dans la documentation qu'on a reçue du gouvernement là-dessus, il y a un constat qui est fait. On dit au gouvernement qu'il y a une loi qui existe depuis déjà quatre ans, adoptée non pas par le Parti québécois, mais bien par le Parti libéral du Québec, à l'initiative d'un ministre libéral fédéraliste du Québec. C'est c'est une loi dont la constitutionnalité n'a pas été remise en question. Elle existe depuis quatre ans et le ministre de l'Industrie a même reconnu, dans son communiqué, que c'était une loi intéressante.
Mais la caractéristique de cette loi est qu'elle assure une protection des renseignements personnels pour le secteur privé, ce qui est vraiment à l'avant-garde de ce qui peut se passer. C'est un peu ce à quoi on s'attendait du côté du gouvernement fédéral. Rappelons un peu l'historique du projet de loi. Déjà, en 1982—ce n'est pas hier—le ministre des Communications de l'époque, M. Francis Fox, indiquait que la prochaine étape en ce qui a trait à la législation concernant la vie privée serait l'extension des principes régissant la protection des renseignements personnels, au secteur privé sous juridiction fédérale. C'était en 1982.
Ce qui est très significatif, c'est qu'en 1996-1997, le ministre de la Justice de l'époque disait que d'ici l'an 2000, une loi protégeant de façon réelle et exécutoire la vie privée au sein du secteur privé serait en place et serait un événement d'une importance fondamentale.
Le problème, c'est que, entre l'avis du ministre de la Justice...
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Crête: Monsieur le Président, je demande aux députés d'en face de prendre le temps d'écouter les raisons pour lesquelles nous débattons de ce projet de loi, ici, à la Chambre, et qu'ils cessent de faire des bouffonneries.
En 1996, le ministre de la Justice de l'époque disait qu'il fallait une loi sur la protection des renseignements personnels. Deux ans plus tard, on a devant nous un projet de loi du ministre de l'Industrie. On est passés d'un balancement à l'autre.
Le ministre de la Justice disait qu'il fallait une loi sur la protection des renseignements personnels. Aujourd'hui, on a un projet de loi visant beaucoup plus à favoriser le commerce électronique. Personne ne dénonce le fait qu'il faut que le commerce électronique puisse prendre de la valeur, qu'il puisse prendre de l'importance dans le futur. D'ailleurs, la semaine dernière, on pouvait lire dans Le Devoir que l'OCDE, qui est un organisme international important, voit le commerce électronique dans sa soupe. C'est donc quelque chose qui doit absolument se développer de façon importante. C'est évident qu'il faut légiférer dans ce secteur.
Ce qui est moins évident, c'est la façon dont le gouvernement fédéral le fait aujourd'hui. On étudie un projet de loi qui, finalement, ne répondra pas aux exigences de protection des renseignements personnels auxquelles on pourrait s'attendre. Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'on donne une information en matière de commerce électronique, ce n'est pas simplement comme donner une information personnelle à quelqu'un au téléphone, et que la personne peut la garder pour elle ou la répéter, mais c'est une information inscrite dans des systèmes informatiques et qui a des effets multiplicateurs importants.
On a besoin de faire du droit nouveau, du droit qui encadrera bien la façon de faire pour les prochaines années. On ne fait pas une loi qui aura de l'effet seulement demain matin; c'est une loi qui définira comment la protection des renseignements, comment le commerce électronique va fonctionner au Canada pour plusieurs années à venir.
Il ne nous semble pas qu'on retrouve cet équilibre dans le projet de loi. Il n'y a pas un équilibre suffisant entre les exigences d'un commerce électronique de qualité et, de l'autre côté, la protection des renseignements personnels. Ce qu'on a devant nous, c'est une loi fragile. C'est une loi qui n'est pas claire, qui n'est pas précise.
Je le répète, dans un communiqué du ministre, on dit qu'au Québec, il y a une loi qui est correcte, qui existe et qu'on va accepter qu'elle s'applique au lieu de la nôtre si elle fonctionne correctement. Sauf que dans la loi, on ne retrouve pas cette exigence de façon intégrale. Cela ira au bon vouloir des gouvernements en place.
Par tradition, on sait de quelle façon les gouvernements fédéraux successifs fonctionnent; ils vont au gré des tendances, comme tous les gouvernements. De temps à autre, le gouvernement a une tendance ouverte au marché, mais il ne faut pas sacrifier sur cet autel ce qui est important dans la protection des renseignements personnels.
Donc, dans la loi, ce n'est pas dit textuellement. C'est un premier amendement très important qui devrait être dans la loi afin que le Bloc québécois puisse considérer que c'est une loi acceptable. Il faudrait qu'on dise textuellement dans un article que, si une province est dotée d'une loi équivalente dans le même domaine, c'est cette loi qui s'appliquera. Ainsi, le Québec pourra garder l'avance qu'il a prise depuis quatre ans.
Aujourd'hui, sur la planète, si on fait l'inventaire des pays où il y a des lois de qualité, je pense que celle du Québec peut être prise en exemple, qu'elle peut être étudiée par différents pays pour voir de quelle façon elle pourrait fonctionner. Cette loi part du principe que la protection des renseignements personnels doit être à la base du travail accompli dans ce secteur.
Ce n'est pas un effet du hasard, c'est grâce à ce qu'on a développé au fil des ans, comme par exemple l'Office de protection du consommateur et toute la question de la protection du droit à l'information dans le secteur public. On a un passé très élogieux dans ce domaine. On a pris les devants dans le domaine de la protection des renseignements personnels.
Aujourd'hui, on n'a rien contre le fait que le reste du Canada se donne une législation, je pense que c'est pertinent de le faire, mais on veut s'assurer que celle qui est en vigueur au Québec puisse avoir force de loi, et qu'on ne crée pas un autre imbroglio qui viendra s'ajouter à tous les autres que nous avons connus dans le passé.
On peut porter des jugements sur la façon dont la fédération canadienne a fonctionné dans le passé. On peut condamner les dédoublements. On peut dire qu'on aurait dû faire autrement. On peut proposer des façons de faire autrement que ce qui a été fait par le passé. Mais on n'a surtout pas le droit, c'est de créer du nouveau droit en perpétuant ces dédoublements.
S'il y a un domaine où l'industrie ne veut pas de double législation et ne veut pas se faire embrigader dans des problèmes constitutionnels et d'interprétation de la loi, c'est sûrement celui du commerce électronique qui, de toute façon, va déjà être touché de façon importante par la nécessité d'accords internationaux.
C'est difficile de voir de quelle façon on va protéger les informations en Amérique du Nord. Si de l'information est transmise par quelqu'un du Canada à quelqu'un des États-Unis, de quelle façon est-elle protégée si d'autres entreprises du Canada veulent l'avoir? Il y a une foule de choses à préciser et la loi est floue là-dessus. Il y a un travail de finition qui n'a pas été fait. On devrait retourner le projet de loi sur la table de travail pour être certain qu'on va l'ajuster en conséquence.
C'est un texte qui ouvre la porte à plusieurs interprétations et qui donne un pouvoir discriminatoire au gouverneur en conseil. Le gouverneur en conseil, c'est le conseil des ministres. C'est le gouvernement qui, en vertu de l'article 27d), peut décider de modifier l'application de cette loi sans avoir à revenir devant le Parlement.
C'est un principe qu'on ne retrouve pas souvent dans les lois et qu'on essaie, dans nos législations et dans la tradition britannique, d'éviter le plus possible pour ne pas qu'il y ait d'usurpation de pouvoirs, surtout dans des domaines qui sont très litigieux comme la question de la protection des renseignements personnels où le gouvernement lui-même pourrait être impliqué et aurait en même temps la marge de manoeuvre pour changer la loi si, de facto, il n'était pas à son avantage qu'elle s'applique de la façon dont elle a été adoptée.
De ce côté-là, il y a du travail à faire. Il n'est pas accompli dans ce qu'on retrouve dans le projet de loi actuel et il demanderait à être précisé.
On peut aussi se demander si le projet de loi répond aux attentes des consommateurs et des commissaires à la vie privée du Québec et du Canada. Les titres respectifs des deux lois, quand on parle de la loi du Québec et de celle du Canada, sont très explicites.
Celle du Québec a pour titre «Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé», alors que la loi fédérale a pour titre «Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances».
Alors que la loi québécoise a pour objectif de protéger la vie privée et assujettir toutes les organisations, la loi fédérale ne s'applique qu'aux transactions faites dans un but commercial. On voit déjà un choix idéologique très différent.
Au niveau fédéral, le commerce électronique est l'objectif premier du projet de loi. L'information personnelle est aussi l'information à caractère commercial des entreprises. Il ne faudrait pas que la loi fédérale devienne une contrainte trop importante allant à l'encontre des activités commerciales qu'elle veut inciter.
Il est raisonnable de considérer que la loi du Québec est plus stricte et complète, tant par sa forme—c'est une véritable de loi—que par ses définitions, sa clarté et le pouvoir d'ordonnance qu'elle donne au commissaire, un pouvoir qui n'existe pas au fédéral.
Il y a plusieurs autres lacunes qu'on retrouve dans cette loi. C'est une loi dont le coeur est l'annexe de la loi. C'est assez particulier. C'est comme si on essayait de nous passer quelque chose par la bande et cela est inacceptable.
L'annexe dont on parle n'est que le cas-type sur la protection des renseignements personnels, qui a été élaboré par le secteur privé et les consommateurs, en vue de servir de cadre pour protéger les renseignements personnels dans le secteur privé sur une base volontaire. Je le répète, sur une base volontaire. C'est important de faire état de cette donnée.
Cela veut dire que le ministre a choisi de se limiter à ce texte parce qu'il avait reçu l'aval du secteur privé et qu'il est pressé de voir se développer le commerce électronique au Canada. Autrement dit, on n'a pas fouillé à fond pour voir si la protection des renseignements personnels serait adéquate, réelle et complète. On a dit: «Ceci est le consensus en vertu duquel l'industrie est prête à fonctionner. On va l'intégrer dans la loi telle quelle». Mais n'y aurait-il pas des éléments là-dessus qui seraient insuffisants?
En faisant cela, le ministre n'a souscrit, ni aux recommandations des consommateurs, ni à celles des commissaires à la vie privée qui ont reconnu que ce code constituait une bonne base de réflexion mais qu'il devrait être revu et corrigé s'il devait faire partie de la loi. C'est très clair. Il faudrait donc que, lors de l'étude du projet de loi, on puisse réviser le code. Tant qu'il ne sera pas corrigé, il y a là une autre raison de trouver que c'est une loi inachevée et qu'elle aurait besoin de corrections importantes.
Comme je le disais, c'est une législation assez confuse. Les rôles ne sont pas définis très clairement et il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. C'est un texte qui ouvre la porte à bien des interprétations.
On dit, par exemple, que les organisations doivent faire un effort raisonnable pour s'assurer que la personne est informée des fins auxquels les renseignements sont utilisés. Qu'est-ce que ce sera, «un effort raisonnable»? Va-t-on se retrouver dans des batailles juridiques, parce que quelqu'un aura transmis une information pour une carte de crédit, ou toute autre information, et que la compagnie concernée dira qu'elle avait mentionné que cela pourrait servir à toutes sortes de fins, et qu'en donnant son autorisation, la personne autorisait aussi toutes les utilisations possibles?
Le citoyen qui fournit une information parce qu'il veut se procurer un bien peut ne pas l'avoir bien compris, et il y aura une liste d'utilisations possibles, mais celles-là ne sont pas mentionnées dans la loi présentement.
Il y a un élément important sur lequel je veux revenir. Je suis certain que le ministre responsable du Développement régional au Québec est certainement lui-même très conscient qu'il y a une pratique au Québec depuis quatre ans, qu'une loi existe, et qu'elle a été adoptée par le gouvernement libéral de l'époque. On ne peut donc pas la taxer d'être une loi d'ambition séparatiste, d'ambition souverainiste. C'est une loi que les Québécois se sont donnée, parce qu'ils jugeaient pertinent de le faire et parce qu'on avait pris un peu les devants dans ce domaine.
Il faut absolument que le gouvernement fédéral corrige la loi pour qu'elle soit claire et nette, qu'il soit évident que le Québec, ou toute autre province qui se doterait d'une loi équivalente, puisse faire appliquer sa législation plutôt que celle proposée dans ce projet de loi.
Il y a d'autres points qui se retrouvent dans le projet de loi sur lesquels je veux attirer l'attention de la Chambre. Par exemple, qu'advient-il des échanges de données effectués en dehors du commerce, comme par exemple entre des entreprises à but non lucratif? Le statut de ce type d'échange n'est pas clair.
On connaît beaucoup d'organismes à but non lucratif qui doivent échanger des informations. On peut parler des fondations, de tous ceux qui sont dans le domaine du bénévolat. Il y a des données qui sont recueillies sur les bénévoles. Ces échanges de données ne sont pas précisés.
Les institutions fédérales, elles, sont soumises à une législation plus restrictive que le secteur privé ne le sera avec le projet de loi C-54. C'est deux poids, deux mesures. On va demander au gouvernement fédéral d'être efficace dans ses opérations et, en contrepartie, les exigences ne seront pas les mêmes pour le secteur privé.
La conséquence de ces différents aspects fait que le Bloc québécois s'interroge. Si, avec une loi sur les renseignements personnels dans le secteur public, le commissaire à la protection des renseignements personnels doit intenter des poursuites contre Ressources humaines Canada et Douanes Canada en vertu de l'article 8 de la Charte des droits et libertés pour avoir contrevenu à la Loi sur les renseignements personnels, comment le gouvernement peut-il s'attendre à ce que l'entreprise privée soit plus catholique que le pape avec une loi moins restrictive et davantage ouverte à l'interprétation?
On vient de le vivre avec l'assurance-emploi. Le gouvernement du Canada a décidé de faire des couplages entre les informations fournies à Douanes Canada par les gens qui voyagent à l'extérieur et ceux qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Le commissaire à la vie privée a été obligé d'aller en cour pour demander à Ressources humaines Canada de respecter la loi. On est en attente d'un jugement là-dessus. C'est le gouvernement qui, lui-même, se poursuit, alors que des exigences sont indiquées dans la loi.
Comment pourrait-on demander aux compagnies d'être plus catholiques que le pape, si jamais il n'y a pas d'exigences précises de prévues dans la loi, ce qu'on ne retrouve pas présentement?
En résumé, on peut dire que les enjeux sont assez clairs. Pour le ministre de l'Industrie, il s'agit d'assurer que le Canada participe pleinement à l'économie mondiale, plus précisément au développement fulgurant qui attend le commerce électronique. On en est.
On pense que, effectivement, cela prendra beaucoup d'envergure. Je pense que c'est important de le faire. Sur le plan des importations traditionnelles, le Québec est dans un boum assez fantastique actuellement, et c'est la même chose au niveau du commerce électronique;, on est prêts à prendre le train et à s'assurer de notre part du marché. Je pense que tout le monde, à la grandeur de la planète, a intérêt à ce que cela se fasse.
De l'autre côté, il faut qu'il y ait un équilibre entre le droit de défense des consommateurs et le droit des citoyens à la vie privée, et le droit au commerce. Donc, il est très important que le gouvernement fédéral refasse ses devoirs.
En conclusion, il apparaît au Bloc québécois que cette législation est confuse, qu'elle est bourrée de conditionnels, que l'élément central est une annexe, que cette loi peut être changée par le gouverneur en conseil sans débat, et tout cela nous apparaît inacceptable.
Cette loi rendra l'articulation fédérale-provinciale pour le Québec extrêmement complexe et sera l'occasion de nouvelles ingérences. Cette loi met l'accent sur le commerce électronique, mettant en second plan la notion fondamentale de vie privée, de protection de la vie privée. Ce projet de loi dans son état actuel ne donne aucun pouvoir au commissaire, rend la loi sans véritable portée, et ne se sert pas de l'expérience unique du Québec dans le domaine de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Donc, cette loi, si elle n'est pas modifiée, devrait être défaite par ce Parlement ou, du moins, on devrait la retourner à la planche à dessin, pour qu'on produise finalement un travail qui soit à la hauteur de ce qu'attendent les Québécois et les Canadiens, autant en matière de commerce électronique que de protection des renseignements privés.
Le président suppléant (M. McClelland): À l'ordre, s'il vous plaît. Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera au moment de l'ajournement, ce soir, à savoir: l'honorable député de Frontenac—Mégantic, L'amiante.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié le discours de mon collègue et ami de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques. Il a tout à fait raison; le projet de loi que l'on a devant nous ne concerne que le commerce électronique et les données personnelles qui y sont associées.
J'aimerais illustrer un scénario pour que chacune et chacun à la Chambre et nos téléspectateurs comprennent de quoi il s'agit vraiment. Vous allez dans un grand magasin. On en connaît tous de ces grands magasins qui nous offrent des produits, qui nous offrent aussi des cartes de crédit, qui notent notre nom, notre adresse, notre numéro de téléphone ainsi que notre code postal lorsqu'on achète un article chez eux.
Ce grand magasin fait la collecte de tous ces renseignements et ensuite, grâce à son ordinateur, est en mesure de produire la liste des gens qui ont, par exemple, acheté un article de sport, et ensuite d'offrir cette liste de consommateurs et de consommatrices d'articles de sport à un organisme, par exemple, qui publie une revue sur le sport. De telles listes valent très cher; on parle de 1 $ et plus du nom.
C'est ce qui fait que M. et Mme Tout-le-Monde, dans leur courrier, recevront ce qu'on appelle communément du «junk mail», c'est-à-dire de la publicité non sollicitée. Ils se demanderont où ils ont bien pu prendre leur adresse, où ils ont bien pu prendre leurs coordonnées, où ils ont bien pu connaître leur intérêt sur ce sujet. Même que parfois, on n'a même pas d'intérêt, c'était pour faire un cadeau à quelqu'un d'autre. Cela vient de filières de cette nature.
J'ai parlé des grands magasins, mais je pourrais parler de bien d'autres organismes, pas toujours commerciaux, et association diverses. Or, au Québec, une telle pratique n'est pas permise. Une telle pratique constituerait un délit et serait punissable par la loi. Actuellement, dans le reste du Canada, cette pratique—à moins qu'une entreprise ne se donne un propre code d'éthique—est permise, elle est légale.
Le projet de loi à l'étude ne rendrait pas nécessairement cette pratique illégale, et c'est l'objectif de la question que je vais poser à mon collègue. Il est dit ici, au sujet de la notion de consentement au point 4.3.7 de l'annexe:
b) on peut prévoir une case où la personne doit indiquer en cochant qu'elle refuse que ses nom et adresse soient communiqués à d'autres organisations. Si la personne ne coche pas la case, il sera présumé qu'elle consent à ce que les renseignements soient communiqués à des tiers;
Vous arrivez au magasin, vous achetez et on vous remet la facture. On vous dit: «Regardez la facture; il y a une petite case» et vous dites: «Tout est parfait». Et maintenant on vient de contourner la loi.
C'est ce qui se passera avec ce projet de loi qui est à l'inverse même de ce que le Québec a prévu, parce qu'au Québec, il faut cocher la case pour permettre à l'organisme de communiquer nos coordonnées. La situation est totalement inverse. Le non- consentement est implicite au Québec. Avec la législation que nous avons devant nous, c'est le contraire.
J'aimerais que mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques réagisse à mes propos.
M. Paul Crête: Monsieur le Président, je remercie le député de Portneuf pour l'exemple qu'il a donné à la fin de son intervention qui explique très clairement toute la situation. Au Québec, il y a une loi ayant comme principe de départ que la protection des renseignements personnels soit prioritaire. Du côté fédéral, on a décidé l'inverse en donnant la priorité aux commerces. De l'autre côté, on procédera par exception pour que des gens puissent interdire la diffusion des informations.
On voudrait corriger ce genre de situation qui, pour nous, est inacceptable parce qu'on a déjà fait beaucoup plus au Québec à cet égard. Mes craintes sont d'autant plus fondées que je rappellerais qu'en avril 1997, dans cette Chambre, j'avais présenté une motion, qui a été adoptée à l'unanimité, prévoyant que toutes les corporations de la Couronne soient soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Cette motion a été adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes, il y a déjà un an et demi, et le gouvernement ne s'est pas soumis à la volonté de la Chambre. Présentement, il y a encore beaucoup de corporations de la Couronne qui ne sont pas encore soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels alors qu'elle avait été adoptée à l'unanimité.
Je comprends que l'action gouvernementale prenne un certain temps. Par cet exemple, j'aimerais toutefois démontrer que si on ne fait pas une loi adéquate dès le départ, on va se retrouver avec des aberrations comme celles-là où une motion adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes n'est pas mise en vigueur par le gouvernement.
Nous sommes dans un nouveau domaine de droit. Nous sommes dans un nouveau secteur où la protection des gens mieux informés dans la société versus ceux qui sont moins bien informés va encore jouer. On est donc dans un champ où on va déterminer encore des questions liées à la pauvreté et à la capacité d'utiliser des outils.
Donnons donc une chance égale au coureur. Donnons à tous les concitoyens une chance de faire face à la machine du courrier électronique de façon adéquate et que leurs droits soient protégés, plutôt que de faire l'inverse. On a la chance de faire ces corrections et le gouvernement a pris le temps de déposer le projet de loi. Le ministre de l'Industrie a gagné son point par rapport à ceux qui, dans ce gouvernement, souhaitaient une loi basée sur la protection des renseignements personnels.
Je crois qu'il est encore temps d'obtenir que le gouvernement rétablisse un équilibre et, entre autres, permette qu'au Québec ce soit la Loi sur la protection des renseignements personnels qui s'applique réellement et qu'on le confirme dans la loi et non pas simplement dans les communiqués du ministre.
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, dans le cadre des questions et commentaires concernant le projet de loi C-54, j'ai trouvé très très pertinent lorsque mon distingué collège de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques a abordé la clause Henri VIII. Je préfère la clause Louis XIV. Lorsque nous étions à l'école secondaire, Louis XIV disait, dans les livres, bien sûr: «L'État, c'est moi».
À l'article 27d), il est stipulé que le gouverneur en conseil peut modifier la loi, sans débat parlementaire et sans consultation démocratique. Un peu comme cet après-midi, lorsque le solliciteur général, en réponse à un collègue du Parti réformiste, disait: «J'ai décidé personnellement de ne pas payer les avocats pour la défense des étudiants». Cela émanait des intérêts privés. On a lancé du poivre en plein nez et dans les yeux des étudiants de 19 ou 20 ans, pour aucune raison, pour faire plaisir à un dictateur étranger, un peu comme on est en train de faire avec le dictateur du Chili où plusieurs années plus tard, on reconnaît nos torts et on l'arrête à l'étranger. Or, pour recevoir un dictateur étranger, notre premier ministre a bafoué les droits civiques de ces étudiants et il s'est servi de son poste pour décider de ne pas payer.
Je demande donc à mon distingué collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques si, en vertu de l'alinéa 27b), il ne risquerait pas d'y avoir des dangers personnels comme ceux qu'on vient de citer.
[Traduction]
M. Wayne Easter: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député sort du sujet. Je crois que la présidence devrait le rappeler à l'ordre. Il ne parle pas de ce dont il est question ici.
Le président suppléant (M. McClelland): Nous remercions le député d'attirer l'attention de la Chambre sur le sujet à l'étude.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, si le député d'en face désire participer au débat, il est bienvenu. Mais s'il ne désire pas participer au débat, qu'il laisse faire ceux qui ont envie de le faire.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Il ne s'agissait pas non plus d'un rappel du Règlement.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le Président, j'aimerais répondre à la question de mon collègue de Frontenac—Mégantic en disant que, effectivement, ses propos étaient très pertinents à la question. La clause Henri VIII dit: «On va donner au gouvernement la possibilité de modifier la loi sans avoir à revenir devant la Chambre». Il pourrait y avoir des intérêts économiques importants.
On a déjà vu des batailles ici entre le ministre du Patrimoine et le ministre de l'Industrie sur des questions qui touchaient l'avenir de la culture au Québec et au Canada et on a vu qu'au gouvernement fédéral actuel, ce n'était pas tout le temps la culture qui gagnait et que surtout, ces tractations se faisaient à la cachette.
On pourrait facilement, par cet article, se retrouver dans la même situation dans le futur: des modifications d'accords internationaux qui viendraient modifier la loi au Canada sans nécessairement qu'elle soit approuvée de nouveau par le Parlement.
Moins on voit ce genre de situation, mieux c'est. On a suffisamment de preuves du gouvernement en face qui, de toute façon, est gouverné par une bureaucratie qui, là encore, se donnerait un pouvoir supplémentaire au-dessus des élus, ce qui, je crois, serait très néfaste pour la démocratie au Canada.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, je vois qu'il n'y a pas foule au micro pour débattre de cette question, et je le comprends, parce que c'est une question complexe. C'est une question qui méduse un peu.
Il s'agit de commerce électronique, d'informatique, de choses de la modernité et on a tendance à s'agenouiller devant cette merveilleuse électronique qui, présumément, va solutionner tous nos maux et tous nos problèmes.
Dans le fond, on sait très bien que l'électronique ne solutionne ni maux, ni problèmes. C'est un outil parmi tant d'autres qui peut nous servir à faire le meilleur comme à faire le pire. Je comprends que le projet de loi C-54, celui que l'on a devant nous, veut assurer qu'en matière de commerce électronique, on ne fera pas le pire, mais plutôt le meilleur.
Regardons le libellé d'en-tête du projet de loi C-54: Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique. Le but de la loi est de faciliter et promouvoir le commerce électronique. Comment cette loi entend-elle promouvoir et faciliter le commerce électronique? C'est écrit, c'est la suite de la phrase: en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant certaines lois.
Le projet de loi C-54 est orienté pour favoriser le commerce électronique, tout en s'assurant, en arrière-plan, de la protection des renseignements personnels, pour faire en sorte que le citoyen et la citoyenne, le consommateur et la consommatrice soient en confiance pour faire du commerce électronique.
Dans un premier temps, pour le bénéfice de cette Chambre comme pour le bénéfice de nos téléspectateurs, j'aimerais situer un peu les enjeux en termes généraux et faciles à comprendre.
Lorsqu'on parle de commerce électronique, de quoi parle-t-on? On parle de faire des achats ou de faire des transactions—transactions bancaires, transactions avec des fournisseurs, transactions avec des manufacturiers, transactions avec des clients—par voie électronique.
Ce genre de transaction existe depuis relativement longtemps. Les télécommunications sont avec nous depuis une trentaine d'années. Elles sont relativement bien structurées, en terme normatif, depuis 25 ans. En terme d'échange de données informatisées, il y a des normes internationales qui, depuis au-delà de 10 ans, encadrent la manière dont ces données sont transmises par voie de télécommunications.
En fait, l'échange de données informatisées—dont l'acronyme est EDI—est utilisé relativement couramment par de nombreuses entreprises. De grandes entreprises y ont recours depuis une dizaine d'années avec leurs fournisseurs de sorte que le fournisseur n'envoie pas une facture écrite à son client, mais va envoyer par voie électronique, par télécommunications, une facture qui va être reçue par l'ordinateur du client, qui ensuite va pouvoir autoriser le paiement après avoir concilié que les marchandises ou services rendus l'ont bien été.
Ce qui se passe aujourd'hui, c'est une accélération—et j'étais pour dire une démocratisation—de ce processus. L'échange de données informatisées n'est plus restreinte aux grosses corporations ou au gouvernement. Il est maintenant à la portée de M. et Mme Tout-le-Monde par la voie, entre autres, de l'Internet. On se met devant un écran, on accède à un fournisseur de services ou de biens, on remplit un petit formulaire qui apparaît à l'écran, on appuie sur une touche ou on clique sur un bouton et, voilà, l'information s'en va sur le fil téléphonique ou sur le câble coaxial, se retrouve chez le fournisseur qui, recevant la commande, y donnera suite et, évidemment, s'assurera de nous facturer.
Jusque là, ça va bien. Cependant, si on fournit un numéro de carte de crédit lorsqu'on fait une transaction de cette nature, on veut avoir l'assurance que ce numéro ne sera pas utilisé à d'autres fins que celles pour lesquelles on l'a inscrit sur le petit formulaire électronique. On veut s'assurer que quelqu'un n'utilisera pas notre numéro de carte de crédit pour se payer bien du plaisir autour du monde. On le découvrirait uniquement, bien sûr, à la fin du mois en recevant notre compte. Ce serait fort déplorable.
Le risque existe, effectivement, que des malfaisants particulièrement bien outillés puissent parvenir à faire de telles interceptions. Les moyens existent, bien sûr, pour rendre cette interception fort difficile.
Mais il ne faut pas non plus généraliser et paniquer. Il faut constater que dans la vie de tous les jours, vous, moi et une foule de personnes utilisent leur carte de crédit dans une multitude d'établissements, restaurants, magasins de vêtements, pour s'abonner à des magazines ou que sais-je encore. Notre numéro de carte de crédit transite dans des mains étrangères.
Lorsque je vais au restaurant et que je confie ma carte au serveur ou à la serveuse et que cette personne en prend l'empreinte ou encore utilise un lecteur de bande magnétique pour que ma facturation passe chez mon fournisseur de carte de crédit, cette personne, pendant un instant, a mon numéro de carte de crédit à portée de la main et pourrait très bien le noter et s'en servir de façon malfaisante.
Mais 99,99 p. 100 des gens sont honnêtes et de telles façons malhonnêtes de procéder n'arrivent tout simplement pas. Mais, il y a effectivement des fraudes avec cartes de crédit. Il est toujours bon de vérifier son compte de notre banque émettrice de cartes de crédit de façon à s'assurer qu'aucune transaction que nous n'aurions pas faite n'ait été portée à notre compte. Sur le plan électronique, c'est un peu la même chose. Dans la vaste majorité des cas, il n'y a aucun risque.
Mais si quelqu'un de mal intentionné décidait d'intercepter certains numéros à son profit, il n'est pas impossible qu'il puisse y parvenir, à moins que des mesures soient prises. C'est là qu'arrive la notion de facilitation du commerce électronique.
Si j'ai l'impression, le sentiment, qu'en faisant une transaction sur Internet, il y a une possibilité qu'on intercepte des choses que je ne voudrais pas voir interceptées, par exemple je ne voudrais pas qu'on sache ce que j'achète, je ne voudrais pas qu'on sache quel prix j'ai payé, je ne voudrais pas qu'on connaisse mon numéro de carte de crédit ou d'autres références que je pourrais fournir, si je n'ai pas la certitude que tout cela est confidentiel, que tout cela servira aux fins pour lesquelles j'y consens, à ce moment-là, je vais hésiter à faire une transaction électronique. Je ne la ferai pas.
Évidemment, si la loi m'assure que des mesures doivent être prises par les entreprises pour garantir que mes transactions électroniques seront tout à fait sécuritaires, confidentielles et protégées, sans aucun doute que M. et Mme Tout-le-Monde seront beaucoup plus en confiance et que cela donnera au commerce électronique un plus grand essor.
Quels sont les deux problèmes qui peuvent arriver en termes de protection des renseignements personnels? Les deux problèmes sont d'abord un accès illicite: que quelqu'un qui n'a pas à voir un renseignement le voie. Puis, évidemment, personne parmi nous n'aimerait que quelqu'un qui n'a pas d'affaire à savoir ce qu'il n'a pas à savoir le sache. C'est le premier problème.
Le deuxième problème, c'est l'usage abusif ou illégal. On a vu un renseignement qu'on ne devait pas voir et on en fait un usage nuisible, illégal, abusif envers la personne concernée par le renseignement. D'où la nécessité, bien sûr, de faire en sorte que les renseignements ne puissent être vus que par les personnes qui ont le droit de les voir, que par le destinataire final, et ne puissent être utilisés qu'aux fins pour lesquelles on consent à fournir ces renseignements.
Le Québec, à ce titre, est pleinement protégé depuis quatre ans grâce à sa Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet de loi C-54 que nous avons devant nous ne touche que le secteur commercial. Il ne touche aucun autre secteur d'activité humaine, et encore, il le fait avec des failles considérables. J'en mentionnais une plus tôt, c'est-à-dire que si la personne concernée n'indique pas clairement qu'elle interdit tout usage autre des renseignements, tel usage pourrait avoir lieu. C'est-à-dire qu'on consent par défaut, un peu innocemment, un peu bêtement, en n'étant pas au courant, et cela se passe sans qu'on le sache.
On est devant une situation extrêmement importante, parce que le commerce électronique, qu'on le veuille ou pas, va prendre de l'essor. Il est là et il est là pour rester. Je suis un peu surpris et déçu de voir qu'un débat qui a une importance aussi capitale pour une nation comme le Canada ne reçoive pas toute l'attention nécessaire, contrairement à ce qui s'est passé au Québec, alors que le peuple du Québec—et remarquez que c'était le Parti libéral à l'époque, avec M. Lawrence Cannon comme ministre qui présidait à l'adoption de cette loi, ce n'est donc pas quelque chose qui concerne les souverainistes, c'est quelque chose qui concerne la bonne habitude qu'ont prise les Québécoises et les Québécois, soit de s'occuper de leurs affaires et de bien le faire—eh bien, au Québec, on a débattu largement de cette question. Je le sais, j'en étais. Je le sais, j'étais un des acteurs, étant informaticien de carrière.
Une voix: Oh, oh!
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, mon collègue d'en face aimerait intervenir. J'imagine que vous prenez son voeu en note et qu'il sera le prochain orateur. Entre-temps, je le prierais de se taire, ce qui me permettra de continuer.
Le débat qui a eu lieu au Québec a eu lieu en profondeur. C'était un débat important, un débat sérieux, un débat de société. Et c'est un débat qui a donné lieu à une des meilleures lois au monde.
Ce qui me surprend c'est qu'ici, à la Chambre, mes collègues des autres partis du reste du Canada ne semblent pas vraiment préoccupés. On se met à genoux devant ce dieu qu'est l'électronique. On dit: «Si c'est électronique, ça doit être bien et s'il faut protéger des renseignements commerciaux, alors allons-y, ça va. Est-ce qu'il y a d'autres choses à protéger?»
Les renseignements de nature commerciale ne sont que la pointe de l'iceberg. Il y a les renseignements de nature médicale, juridique ou judiciaire, fiscale, scolaire, familiale, et je pourrais continuer. En fait, tout ce qui s'écrit sur Internet devrait être de nature confidentielle lorsque ça vient d'un individu et que c'est adressé directement à un organisme ou à un autre individu. Or, le projet de loi C-54 est totalement silencieux sur cet amas d'autres renseignements de nature personnelle alors qu'au Québec, c'est réglé.
Il faut bien comprendre que le projet de loi que nous avons devant nous ne vise pas à protéger le renseignement personnel mais, au contraire, vise à promouvoir et à faciliter le commerce électronique, comme je le mentionnais tantôt en lisant le libellé du titre du projet de loi.
Voilà où est le problème. Au Québec, la Loi sur la protection du renseignement personnel dans l'entreprise privée ne se préoccupe pas de savoir si ce renseignement va être traité électroniquement, manuellement, verbalement ou autrement. C'est le renseignement qu'on protège quelque soit le vecteur que l'on utilise pour le transmettre. Évidemment, ça englobe le commerce électronique et ça englobe tout le restant, d'où la puissance de cet outil législatif dont Québec s'est doté. Mais ici, efforts timides, on ne cible que le commerce électronique. On se met à genoux devant le commerce électronique. On dit: «C'est important, le commerce. S'il est électronique, il doit être encore plus important et on va faire en sorte que le renseignement personnel, si la personne l'exige, soit protégé».
C'est cela qu'on dit. Si la personne ne coche pas la case—et je l'ai lu tantôt, c'est en toutes lettres dans le projet de loi—la loi n'opère pas. La loi laisse les entreprises et les organismes, ceux qui ont leur renseignement commercial en main, faire comme bon leur semble.
Une loi comme celle-là ne mérite pas de venir au monde. Une loi comme celle-là, pour venir au monde, devrait avoir tous ses membres. Elle devrait être complète. Elle devrait être à la hauteur de celle que le Québec a depuis quatre ans. Elle aurait dû s'en inspirer. Elle aurait dû s'inspirer également des bonifications qu'on pouvait lui apporter. Mais non. On nous amène un projet de loi qui, à toutes fins pratiques, n'est qu'un avorton.
Il sera très important, pour cette Chambre, de s'assurer que le véritable débat ait lieu.
Monsieur le Président, combien de temps me reste-t-il et est-ce qu'il y a d'autres orateurs après moi?
Le président suppléant (M. McClelland): Il reste quatre minutes à l'honorable député.
M. Pierre de Savoye: Est-ce qu'il y a d'autres orateurs après moi? J'aurais envie de continuer. S'il n'y a pas d'autres orateurs, j'aurais envie de demander le consentement unanime de la Chambre pour poursuivre. De toute façon, nous avons jusqu'à 18 h 30. Vous comprendrez bien que j'aurai le gosier fatigué bien avant ça, mais j'ai envie de poursuivre l'analyse de ce projet de loi plus en détail si c'est l'assentiment général de la Chambre.
Le président suppléant (M. McClelland): Il y a quatre autres députés qui désirent participer à ce débat.
[Traduction]
La Chambre peut donner son consentement unanime pour que le député de Portneuf parle indéfiniment, ou limiter son intervention. Cependant, il reste quatre minutes. Le député de Portneuf demande-t-il de prolonger le débat?
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, je demande le consentement unanime de la Chambre pour prolonger le débat jusqu'à 18 h 30 au plus tard.
Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre a entendu la demande du député de Portneuf. Y a-t-il consentement unanime?
Une voix: Non.
Le président suppléant (M. McClelland): Il n'y a pas consentement unanime. Le député de Portneuf a encore quatre minutes à sa disposition.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, la question qu'il faut se poser est celle-ci: ce projet de loi répond-il aux besoins des citoyens et des citoyennes du Canada et du Québec?
D'abord, je dis qu'au titre des citoyennes et des citoyens du Canada, il est certainement meilleur que de ne rien avoir. Mais il est loin de ce que les Canadiennes et les Canadiens, dans mon esprit à moi, méritent. Ils méritent au moins aussi bien que les Québécois et les Québécoises. Mais ils sont mal servis par ce projet de loi.
Mais pire, les Québécoises et les Québécois, par ce projet de loi, risquent de perdre, parce que c'est une décision politique du Conseil des ministres qui peut permettre au Québec d'appliquer sa loi en lieu et place de celle qui est proposée, celle qui est proposée étant inférieure à celle du Québec.
On voit bien que si, d'office, le Conseil des ministres ne considérait pas que la loi québécoise est adéquate, il pourrait sans recours—parce que ce n'est pas un processus juridique, mais un processus politique dont il est question dans la loi—faire en sorte que les Québécoises et les Québécois perdent des droits acquis importants en matière de protection des renseignements personnels.
Je dois dire aussi qu'il n'est pas interdit de penser que certaines entreprises à charte fédérale voudraient se soustraire pour des raisons, bien sûr, qui ne serait pas très louables, à la loi québécoise afin d'appliquer la loi plus fluette—vous me permettrez l'expression, vous me la pardonnerez—que le gouvernement propose.
L'hon. Martin Cauchon: Plus feluette.
M. Pierre de Savoye: Oui, feluette. Je vois que mon ami libéral connaît bien le terme.
Cela dit, le Bloc québécois ne peut en aucune façon souscrire à ce projet de loi, parce qu'il ne mérite pas d'aller plus avant que le présent débat que nous avons. Il devrait, au contraire, retourner sur la planche à dessin, renverser ses objectifs, c'est-à-dire permettre ou assurer la protection du renseignement personnel de manière à favoriser, entre autres choses, le commerce électronique, plutôt que de favoriser le commerce électronique, entre autres, en protégeant le renseignement personnel à peu près.
La position du Bloc est claire: que ce projet de loi retourne sur la table à dessin, que le ministre fasse ses devoirs, et qu'ensuite, cette Chambre soit saisie d'un projet de loi à la hauteur des attentes des Canadiennes et des Canadiens et qu'il serve les Canadiens et les Canadiennes aussi bien que les Québécois et les Québécoises ont été servis depuis quatre ans.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, j'ai quelques observations à formuler. Étant donné que notre vis-à-vis a pris beaucoup de temps, je suppose que les bloquistes et nos vis-à-vis vont peut-être apprécier mes observations.
J'appuie le projet de loi C-54 en principe. Il devrait être renvoyé au comité pour une étude plus approfondie et on peut espérer que nous obtiendrons une bonne loi à la fin, même si je signale que j'ai relevé certains problèmes dans le projet de loi dans le cadre de mon examen initial.
Un des premiers problèmes porte sur la traduction et la définition des travaux effectués par les organismes gouvernementaux. Dans la version française, on parle de «radiodiffusion» qu'on traduit en anglais par «radio broadcasting». C'est l'un des domaines de compétence fédérale où ce projet de loi doit s'appliquer au départ. Je crois qu'on veut que la Société Radio-Canada soit visée par la loi. Cependant, il semble que l'expression «radiodiffusion» qui, selon le Larousse, signifie seulement la diffusion à la radio, s'applique à la diffusion en général au Québec. Il semble donc que la partie anglaise soit fausse.
Quoi qu'il en soit, on constate facilement que le projet de loi comprend une première partie qui précise de façon générale comment la loi va s'appliquer. Lorsqu'on examine ce projet de loi, il est essentiel de se reporter à l'annexe 1 figurant à la fin du projet de loi. Elle reflète les principes énoncés dans la norme nationale du Canada intitulée «Code type sur la protection des renseignements personnels».
C'était un code de conduite dans le traitement des renseignements personnels qui a été approuvé par un large consensus. Toutes sortes d'intervenants y ont contribué. Le gouvernement a agi de façon très proactive en cette matière. Ce code est devenu un code général de normes de protection des renseignements personnels, et il constitue la pierre angulaire du projet de loi.
Malheureusement, quand une loi est créée par consensus, cela donne parfois lieu à des difficultés. Le problème pour moi, c'est que, même si j'appuie le projet de loi en principe, il me semble qu'il ne règle pas la question des listes d'organismes de bienfaisance ou des listes spéciales comprenant des noms de consommateurs, qui sont versées dans des banques de données et détenues soit par des entreprises privées à but lucratif soit par des sociétés à but non lucratif.
La norme de l'annexe 1 traite abondamment de cette question. D'abord, elle dit que les organisations qui ont ces listes peuvent avoir des raisons de ne pas demander le consentement des personnes dont le nom figure sur ces listes. Ce pourrait être des listes pour des dons de bienfaisance ou autres dons. Ce pourrait être des listes pour des choses comme l'achat d'un ordinateur chez Radio Shack. Ce pourrait être n'importe quelle liste de ce genre. Si une organisation possède de telles listes, le projet de loi prévoit qu'elle n'a pas à être responsable des renseignements que les listes renferment.
L'annexe 1 se poursuit en faisant remarquer que si le consentement est nécessaire, tout le principe de la capacité d'obtenir le consentement...
Des voix: Oh, oh!
M. John Bryden: Cela devrait plaire à nos amis d'en face.
M. Pierre de Savoye: Mais bien sûr.
M. John Bryden: Je savais que ce serait le cas.
Un autre article dit que les organisations doivent obtenir le consentement pour utiliser des renseignements personnels sensibles. Ensuite, on tente d'expliquer ce que sont des renseignements sensibles.
Nous savons que la sensibilité peut se rapporter à l'appartenance religieuse, à des dossiers médicaux ou à des renseignements de nature financière. Cependant, le code laisse à l'organisation le soin de décider ce que sont des renseignements sensibles. On donne comme exemple les listes d'abonnés à un magazine en disant qu'elles ne sont pas nécessairement sensibles. Par ailleurs, on dit que les noms et adresses des abonnés à certains périodiques spécialisés pourraient être sensibles.
Dans ce dernier cas, je soupçonne qu'on vise les magazines pour libidineux, les revues de sexe. Ils sont prêts à protéger les abonnés des revues de sexe, mais pas, par exemple, les abonnés du Scientific American, de Madame au Foyer ou de périodiques religieux. Cela soulève quelques interrogations.
Si l'opposition me pose une question vraiment intéressante, je poursuivrai.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, je dois dire que j'ai apprécié et que j'apprécie beaucoup les commentaires de mon collègue libéral.
Il a raison. Le problème avec ce projet de loi, c'est cette annexe 1 qui dit ou ne dit pas des choses. Cette annexe, d'ailleurs, est fondée en principe sur un code qu'on appelle «le code CSA» qui relève finalement de l'entreprise et de sa bonne volonté.
En d'autres termes, on est un peu ici dans une situation bizarre où on va légiférer le droit à un collectif d'entreprises de décider ce qui est bon ou pas pour le consommateur. On a comme renversé un peu les choses. On permet—on me passera l'expression—au renard de décider des enclos qui sont bons pour les poules. Cela ne protège pas beaucoup les poules. Loin de moi l'idée de vouloir comparer les consommateurs à des poules. Les consommateurs ont des droits, ce sont des êtres humains, ce sont des citoyennes et des citoyens et ils méritent mieux que cette approche prévue par l'annexe 1.
Il y a un autre problème à l'annexe 1, et c'est la question que je renvoie à mon honorable collègue d'en face, puisqu'il m'a gentiment demandé de lui poser une question.
Il est dit, à l'annexe 1, à l'article 5.2, que «l'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation». Or, l'annexe 1 est remplie de conditionnels.
Non seulement on est devant une loi où c'est le renard qui décide du grillage du poulailler, mais en plus, il n'est même pas obligé de suivre les règles de construction des bâtiments. Il pourrait peut-être s'assurer que c'est bien fait, s'il en a envie.
Qu'en pense mon honorable collègue?
[Traduction]
M. John Bryden: Monsieur le Président, je dirai à mon vis-à-vis que j'ai relevé le même problème, à savoir que le projet de loi laisse trop de place à l'interprétation. Si j'avais l'occasion de m'étendre davantage sur ce que je disais tout à l'heure, je démontrerais au député que toute la latitude dans l'interprétation nous amène à nous demander sérieusement si le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura l'effet souhaité. Je crains qu'il ne rate l'objectif.
Le comité devra approfondir la question.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur le Président, je suis à la fois d'accord et en désaccord avec mon collègue.
Je suis d'accord d'abord avec ses observations. Il a raison. C'est un projet de loi qui est tellement mal ficelé que les seuls gagnants seront les avocats. Les consommateurs seront perdants. Les entreprises elles-mêmes devront faire face à des frais juridiques pour se défendre de poursuites de la part de consommateurs qui se sentiront lésés et qui, en examinant la loi, croiront qu'ils ont des droits à faire valoir.
Comme la loi est imprécise et qu'elle est mal ficelée, on se retrouvera en cour, consommateur d'un côté, entreprise de l'autre. Les avocats vont faire de l'argent avec une loi comme celle-ci. Ça n'a pas d'allure.
Là où je diffère d'opinion avec mon honorable collègue, c'est que le projet de loi est tellement mal ficelé, qu'on ne peut pas l'envoyer à l'atelier, qui s'appelle le comité, pour être réparé, pour être amélioré. Il doit retourner à la planche à dessin et être rebâti, comme on dit en anglais, «from scratch».
Que l'on s'inspire donc de l'exemple québécois, du vécu québécois, et que l'on fasse pour les Canadiennes et les Canadiens une loi qu'ils méritent, à la hauteur de celle dont les Québécoises et les Québécois jouissent déjà.
Je pense qu'il y aurait peut-être d'autres questions, peut-être même encore de mon collègue. Alors, je demande le consentement unanime pour que la période de questions et commentaires puisse se poursuivre pendant encore un court petit moment.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Portneuf a demandé qu'on prolonge la période des questions et observations. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole après mon collègue, mais j'espère être plus bref que lui.
À l'instar d'autres députés, je crois que l'annexe 1 contient des lacunes. Une bonne partie de la loi dépend de cette annexe, qui constitue essentiellement un code de déontologie établi non seulement par l'industrie mais, en vertu d'un consensus général, par les diverses parties prenantes dont les organisations sans but lucratif, un secteur qui m'intéresse tout particulièrement.
Durant la période des questions et observations, quelqu'un a fait remarquer que la loi comportait des lacunes dans la mesure où elle dépend en bonne partie de l'interprétation de ce qui constitue des renseignements sensibles et de ce qui doit être protégé. S'il s'agit de renseignements sensibles, l'organisation qui les obtient est tenue de prendre certaines mesures, notamment de les protéger et de les utiliser de façon responsable. La difficulté tient au fait que si la loi ne définit pas ce qui constitue un renseignement sensible, des problèmes risquent de survenir. Je crois justement que c'est le cas du projet de loi à l'étude.
Je voudrais également attirer l'attention de la Chambre sur un autre aspect de l'annexe 1. Il s'agit de la question des listes. Toute personne qui achète ou donne à une oeuvre de charité ou autre organisme du genre est inscrite sur une liste. Il arrive que ces listes soient conservées au Canada mais parfois aussi à l'étranger. Quoi qu'il en soit, il existe toute une industrie qui collecte, vend et loue ces listes à d'autres organisations.
Selon la norme de l'annexe, il peut arriver qu'une organisation ne soit pas en mesure d'obtenir le consentement d'une personne ou que certaines personnes soient incapables d'obtenir d'une organisation des renseignements qui les concernent, mais une oeuvre de bienfaisance ou une entreprise de marketing direct qui désire obtenir une liste d'envoi d'une autre organisation peut conserver cette information.
À mon avis, il y a une petite lacune ici. J'aimerais bien savoir qu'une organisation qui se sert de mon nom est responsable de ces renseignements personnels. Or, il semblerait, d'après l'annexe 1, que les entreprises de marketing direct ne soient pas responsables du commerce et de la commercialisation de ces listes.
Quand nous savons que notre nom figure sur une liste, détenue par un solliciteur de fonds pour une oeuvre de bienfaisance ou un organisme à but lucratif, et que nous voulons le renseignement, l'annexe stipule que certains renseignements ne peuvent être divulgués pour des raisons d'ordre juridique, pour des raisons de sécurité ou pour des raisons d'ordre commercial exclusives ou encore parce que les renseignements sont protégés par le secret professionnel liant l'avocat à son client.
Ce que dit l'annexe 1, c'est que s'il existe des raisons d'ordre commercial exclusives pour lesquelles une organisation ne veut pas divulguer les renseignements personnels qu'elle possède sur nous, elle n'est pas tenue de le faire. C'est un énorme problème. Supposez que mon nom figure sur la liste d'un collecteur de fonds et que je veux savoir quelle utilisation on fait de mon nom? Est-ce qu'il est distribué par exemple à d'autres organisations qui se moquent pas mal de mes intérêts? Est-ce qu'il est communiqué à des organisations qui profiteront des renseignements que j'ai accepté de fournir à une organisation, que ce soit une oeuvre de bienfaisance ou autre?
Aux termes de l'annexe 1 dans sa forme actuelle, si je fais un don de 10 $ à une oeuvre de bienfaisance et qu'une autre personne fasse un don de 100 $ à une oeuvre de bienfaisance, ce genre de renseignement n'est pas considéré comme étant de nature délicate ou bien il peut être considéré comme un renseignement exclusif qui ne peut m'être divulgué.
J'ai ici quelque chose qui va intéresser la Chambre. Il s'agit d'une liste de toutes les organisations à but non lucratif qui ont communiqué la liste de leurs donateurs à une agence de marketing direct aux États-Unis. Aux termes de l'annexe dans sa forme actuelle, cette agence peut refuser de me dire qui a accès à mon sur cette liste.
Par conséquent, si j'ai fait par exemple un don de 1 000 $ aux membres à vie d'un téléministère, une autre organisation peut avoir accès à ce renseignement et voir que j'ai fait un don à un téléministère évangélique. On dit que la religion est une question délicate. Or, je n'ai qu'à payer pour obtenir de cette organisation la liste de tous ceux qui ont versé une contribution au B'nai Brith. Cette liste regroupe tous les donateurs juifs canadiens. Quiconque désire savoir qui sont les juifs peut facilement obtenir ce renseignement en communiquant avec cette société de marketing direct.
J'aimerais bien que les députés me disent à quoi riment ces mesures de protection des renseignements personnels concernant ma religion si même des organisations américaines peuvent obtenir ce genre de renseignements et les diffuser comme bon leur semble.
Cela va même plus loin. Nous sommes sûrement tous d'accord pour dire que les Canadiens riches préféreraient probablement que ces renseignements soient gardés confidentiels. S'ils font des dons généreux à un organisme de charité, ils se verront automatiquement inscrits au «Bottin des riches donateurs du Canada comportant 502 000 noms». Ce sont là 502 000 noms auxquels tout le monde a accès. Si ce ne sont pas là des renseignements personnels, je ne sais pas en quoi cela consiste. Si ce ne sont pas là des renseignements qui peuvent être utilisés de façon abusive et inconvenante, alors je ne vois pas ce qui peut entrer dans cette catégorie.
J'ai peur que dans sa formulation actuelle l'annexe ne fournisse pas une protection adéquate pour la distribution des listes de donateurs ou de toute autre liste commerciale. De nos jours, quiconque va chez Radio Shack pour acheter un haut-parleur ou un dispositif électronique voit son nom et son adresse inscrits dans une banque de données. De nos jours, à cause de ces listes et du contrôle électronique qu'on en fait, nous sommes en mesure de bâtir une fiche descriptive complète de tout Canadien ou Américain. À mon avis, tout cela est bien dangereux.
J'appuie cette mesure en principe, mais j'espère que lorsqu'elle sera présentée en comité, nous nous y pencherons sérieusement parce que je ne crois pas qu'elle règle le problème de la vente et de l'achat des renseignements compris dans des listes de donateurs ou des listes commerciales. C'est un point que cette mesure législative devra aborder.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, le député de Wentworth—Burlington ne fait pas de la fiction. Ce qu'il a dit est réel, cela se produit, cela existe, c'est là. Cependant, j'aimerais faire remarquer à cette Chambre qu'au Québec, lorsqu'on fournit un renseignement, même à une organisation de charité, cette organisation n'a pas le droit de transférer légalement, de transmettre ou de réutiliser les renseignements personnels. Les Québécoises et les Québécois sont bien protégés à cet effet.
Ce que le député de Wentworth—Burlington nous a raconté ne se passe pas au Québec. La loi existe depuis quatre ans. Les Québécoises et les Québécois sont protégés. Mais cela peut se passer au Canada. Le projet de loi C-54 n'empêchera pas que se produise ce dont le député d'en face vient de faire mention.
C'est pour cela que je mentionnais tantôt que ce projet de loi est grandement défectueux. Il n'est pas à la hauteur de ce que méritent les Canadiens et les Canadiennes qui devraient être aussi bien protégés que les Québécoises et les Québécois.
La loi québécoise va bien plus loin. Au Québec, une entreprise qui a un renseignement et qui ensuite doit transiger avec une entreprise ailleurs dans le monde, pas seulement au Canada ou aux États-Unis, et qui doit, dans cette transaction, fournir un renseignement personnel qu'elle s'est procurée au Québec, doit s'assurer, par voie contractuelle auprès de la personne à l'étranger à qui le renseignement est transféré, que le renseignement continuera d'être protégé à la même hauteur qu'il l'était au Québec.
N'est-ce pas extraordinaire? N'est-ce pas extraordinaire de voir que les citoyens du Québec ont ce type de protection sur leurs renseignements personnels? Pourquoi la Chambre accepte-t-elle qu'un projet de loi comme celui-ci soit aussi grandement incomplet, qu'il ne règle en rien les risques réels, actuels, vécus par les Canadiens et les Canadiennes, tels qu'ils ont été exprimés par le député de Wentworth—Burlington?
Le fait de renvoyer le projet de loi en comité pour qu'il soit réexaminé ne le changera pas. J'aimerais expliquer à mon collègue que cela ne peut pas changer la nature de la législation devant cette Chambre. Or, la question qu'a soulevée mon collègue vise justement à changer la nature du projet de loi pour qu'il soit beaucoup plus englobant. Le projet de loi, à sa face-même, vise à faciliter et à promouvoir le commerce électronique.
Ce dont mon collègue fait mention vise à protéger le renseignement personnel, qu'il soit dans le commerce électronique ou de toute autre nature.
C'est pour cela que le projet de loi, même en allant en comité, ne peut être modifié de la manière substantielle que cela exigerait, tel que mon collègue l'a souligné.
Alors, je lui demande: n'est-il pas d'accord que ce projet de loi devrait être retourné sur la planche à dessin, qu'on devrait ramener à la Chambre un véritable projet de loi qui répondrait vraiment aux préoccupations sérieuses dont il a fait état et que je partage?
[Traduction]
M. John Bryden: Madame la Présidente, voilà pourquoi nous avons des comités permanents; ils sont là pour régler les problèmes liés aux projets de loi. Je crois que la compétence du Comité de l'industrie qui étudiera ce projet de loi ressortira et que nous obtiendrons une bonne mesure législative en bout de ligne.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Madame la Présidente, je le mentionnais plus tôt, le Québec protège ses renseignements au-delà de ses propres frontières en obligeant ceux qui les collectent par voie contractuelle à s'assurer de cette protection.
Je voudrais soulever une autre dimension du commerce international et faire part de mes préoccupations au député de Wentworth—Burlington.
Lorsque je suis sur Internet et que je fais une transaction, je ne sais pas, dans certains cas, où ma transaction va aboutir. Est-ce que ce sera quelque part aux États-Unis, quelque part en Asie, quelque part en Afrique ou en Australie? Je ne le sais vraiment pas. De toute façon, c'est immatériel, c'est virtuel. On fait une transaction et les lignes de téléphone et les satellites la dirigent vers une destination qui peut être très différente de ce qui nous apparaît à l'écran.
Dans l'éventualité où je ne suis pas satisfait de la transaction que je viens de compléter, quels sont mes recours? Si je suis au Québec, j'ai la Loi de la protection du consommateur. Si je suis au Canada, je peux aller devant les tribunaux compétents en matière civile, d'une province ou de l'autre, et faire valoir mes droits. Si je suis aux États-Unis, j'ai probablement aussi quelques recours par voie de convention bilatérale.
Mais il y a des États avec lesquels nous n'avons pas de convention, et il y en a davantage de cette nature qu'il y en a avec lesquels on en a. Le résultat net de tout cela, c'est que le véritable essor du commerce électronique ne pourra arriver que lorsqu'il y aura des conventions multilatérales qui assureront, entre les États participants,—et on espère qu'ils seront aussi nombreux que possible—un degré de protection du consommateur qui sera égal à celui que nous connaissons ici chez nous: protection du consommateur dans la qualité du service ou du bien qu'il se procure, protection du consommateur au niveau de ses renseignements personnels aussi.
Je donne un exemple. Je fais une transaction: mon nom, mon adresse, mon numéro de téléphone, mon numéro de carte de crédit, mon numéro d'assurance sociale, Dieu sait quoi et quoi encore, se retrouvent, parce que je ne le sais pas, à Tombouctou. Tombouctou l'envoie à Ankara, Ankara l'envoie à Moscou. Dans le temps de le dire, je suis fiché dans le monde entier et je ne m'en fiche pas, parce qu'ensuite, le monde entier pourrait faire, avec mon nom et les autres renseignements, des choses que je n'aimerais pas nécessairement.
Le projet de loi C-54 n'assure pas, à mon sens, suffisamment de protection aux Canadiennes et aux Canadiens sur le plan du commerce international, sur le plan des échanges avec les autres pays. Il devrait y avoir là des balises qui indiquent aux entreprises canadiennes les façons d'agir de manière à permettre, à assurer la qualité des services et la protection des renseignements en matière de commerce électronique.
En fait, le projet de loi est extrêmement étroit. Il devrait être beaucoup plus ample, si on veut vraiment assurer au commerce électronique l'essor qu'il mérite en protégeant dûment et correctement le consommateur en tant que consommateur, et le consommateur en tant que citoyen ayant droit à sa vie privée. Qu'en pense mon collègue de Wentworth—Burlington?
[Traduction]
M. John Bryden: Madame la Présidente, je ne doute pas que ce soit d'abord chez soi qu'on ait l'obligation de protéger l'information. C'est délibérément que j'ai cité la liste d'un agent de vente directe américain. C'était pour montrer à la Chambre la dimension du problème. Ce n'est pas un problème uniquement intérieur. Ce n'est pas limité au Québec. Ce n'est pas limité à l'Alberta ou au Canada. C'est un problème mondial.
Nous sommes particulièrement défavorisés parce que nous nous trouvons juste à côté de l'un des pays les plus avides du monde dans ses efforts pour obtenir de l'information à des fins commerciales. Il suffit d'aller aux États-Unis pour découvrir des gens qui connaissent très bien la valeur des renseignements personnels et qui les utiliseront volontiers pour s'enrichir.
Nous devons avoir une mesure législative très ferme qui oblige les gens qui recueillent de l'information au Canada à rendre des comptes sur la manière dont ils l'utiliseront. Mais nous devons aussi être conscients du fait que nous ne pouvons pas tout faire. Nous vivons à l'ère de l'information et nous ne pouvons pas faire de miracles. L'information est disponible partout, et c'est très difficile d'en contrôler tous les échanges.
L'une des choses qui m'inquiètent dans ce débat, c'est que nous avons probablement perdu la notion, jusqu'à un certain point, du type d'information que nous devons protéger. Est-il vraiment question de protéger notre religion et serait-ce plutôt une question, comme je l'ai dit dans mon intervention, de protéger les renseignements sur nos moyens financiers? Voilà des renseignements qui, à mon avis, peuvent être utilisés de façon très dangereuse.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens en cette fin d'après-midi sur le projet de loi C-54.
Vous m'accorderez quelques secondes pour faire la lecture du titre de ce projet de loi. J'y tiens, parce que ce n'est pas un titre très court, il y a une dizaine de lignes. Le titre se lit ainsi:
Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.
C'est assez complexe. À cette fin, il y a quelques minutes, mon collègue de Champlain me faisait remarquer ceci: «Qu'est-ce qui est le plus important dans le projet de loi C-54? Est-ce que c'est la promotion des ventes d'objets électroniques, tels les ordinateurs, ou encore le respect des renseignements personnels recueillis?» Le député de Champlain m'a dit ceci—et à cet égard je lui donne entièrement raison: «J'ai beaucoup de difficulté à faire confiance à ce gouvernement dirigé par l'actuel premier ministre qui aimerait respecter les renseignements personnels, alors qu'il ne respecte même pas la personne humaine.»
Le député de Champlain me rappelait lorsque le premier ministre, arborant ses grosses lunettes de soleil, s'est permis d'accrocher un manifestant au visage, l'a garroché par terre et a mandaté ses gorilles pour lui casser quelques dents dans la bouche. Si mon fils faisait une chose semblable, il serait traîné devant le tribunal, poursuivi pour agression physique, et serait sûrement reconnu coupable. Mais pour le premier ministre, ça s'est soldé par 700 $ ou 800 $ pour payer les réparations dentaires de Bill Clennett. Vous vous en souvenez, j'en suis certain.
Le député de Champlain doute, et avec raison je crois bien, de la bonne foi du gouvernement et de la bonne foi du chef de ce gouvernement qui est le premier ministre et député de Shawinigan.
Il nous en a donné encore la preuve lorsqu'il a reçu un dictateur, le dictateur de l'Indonésie, M. Suharto. Il a obligé ses agents de la GRC à faire le ménage, il fallait qu'à 16 heures, la place soit «clean».
Il fallait nettoyer pour que M. Suharto garde une bonne impression de sa visite à Vancouver. Les agents de la GRC ont écouté et ils n'ont pas amené une petite poivrière, comme le disait si bien le premier ministre pour mettre dans le fond de son assiette. C'était de grosses bonbonnes avec un gaz pour que ça sorte et que ça aille beaucoup plus loin. On a utilisé une force excessive contre des étudiants qui avaient un droit légitime, au Canada, de montrer à M. Suharto qu'il ne respectait pas, à l'intérieur de son pays, les droits et libertés civiles.
Le premier ministre n'a même pas respecté ces étudiants qui seront nos dirigeants de demain. Cet après-midi, lors de la période des questions orales, le solliciteur général, en réponse à une question d'un député du Parti réformiste, disait: «J'ai décidé personnellement de ne pas payer les frais d'avocats des étudiants pour leur défense de façon à ce qu'ils soient bien représentés devant la commission qui étudie le comportement de la GRC».
C'est justement la clause Henri VIII que j'appelle la clause Louis XIV: l'État, c'est moi.
Madame la députée de Drummond le disait elle aussi tout à l'heure. Le projet de loi contient la clause Henri VIII, qui dit à peu près ceci: le gouverneur en conseil peut modifier la loi sans débat parlementaire et sans consultation démocratique.
On se rappellera, au début des années 1970 au Québec, lors des activités du FLQ. Les agents de la GRC, la police montée du premier ministre—et le premier ministre siégeait à l'époque au Cabinet de Trudeau—avait mandaté la GRC pour mettre le feu à des granges, voler de la dynamite et mettre ça sur le dos du FLQ. On a même cambriolé les locaux du Parti québécois, un parti démocratique. Il y a eu un vol par effraction de la part des agents de la GRC. Il y a eu des fuites à l'intérieur des troupes de la GRC. Il y a eu la Commission Keable. On a poursuivi les agents de la GRC. Le même gouvernement n'a pas congédié les agents de la GRC. On les a promus, une récompense avec augmentation de salaire.
On voit comme la clause Henri VIII peut être importante. Il ne faut pas donner une clause comme celle-là à des gens qui parfois perdent le contrôle d'eux-mêmes et deviennent irresponsables. On l'a vu lorsque Trudeau a fait emprisonner 500 personnes dont la regrettée Pauline Julien. Aujourd'hui on le regrette, bien sûr.
Ils ont perdu la tête. Il y avait une douzaine de felquistes et ils ont emprisonné 500 personnes. Avec la Loi sur les mesures de guerre, on a aboli toute liberté au Québec. C'est épouvantable la façon dont on a traité plusieurs Québécois, de la même façon et parfois pire qu'on a traité nos étudiants. Il y a un étudiant qui disait qu'il avait passé 12 heures en prison, sans aucune accusation, et qui a dû signer une promesse, auprès de l'agent de la GRC, à l'effet qu'il n'irait pas manifester durant le sommet de l'APEC. C'est cela le danger de la clause Henri VIII.
Le gouvernement du Québec a adopté à deux reprises, pour les entreprises publiques et privées, une loi similaire qui est beaucoup plus complète. Ce n'est pas un gouvernement du Parti québécois qui a fait cela. C'est le gouvernement de Robert Bourassa, en fin de mandat, qui a été suivi par Daniel Johnson fils, qui a adopté une loi qui est beaucoup plus complète que celle qu'on voudrait nous imposer ici, soit le projet de loi C-54.
Le projet de loi C-54 est rempli d'hypothèses, de «peut-être bien», de «on verra», de «se pourrait-il». Je cite ici, à titre d'exemple, l'article 11(2): «Le commissaire peut lui-même prendre l'initiative d'une plainte s'il a des motifs raisonnables [...]». Alors c'est toujours subjectif. On donne au commissaire un pouvoir qu'il n'a pas, de même qu'une latitude qu'il ne devrait pas avoir.
Cette loi est remplie de trous. Cette loi affaiblit la loi québécoise. Cette loi ne respectera pas l'esprit et la lettre qu'on veut lui donner, qu'on veut lui réserver.
En terminant, je veux rappeler que le Bloc québécois, évidemment, va voter contre, et qu'il regrette plusieurs choses, entre autres, le droit à la vie privée, qui est reconnu explicitement dans la Charte des renseignements personnels de 1983, qui devrait s'appliquer à tous les organismes publics et privés, mais qui risque d'être ignoré avec cette loi.
Je vous remercie de votre bonne attention, et s'il y a des questions et commentaires, je tâcherai d'y répondre, bien sûr.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, mon collègue de Frontenac—Mégantic a parlé avec éloquence des problèmes que nous percevons tous dans ce projet de loi.
Nous avons mentionné, à plusieurs reprises, que le Québec a une loi qui fonctionne, une loi qui marche, une loi qui protège vraiment les citoyens. J'aimerais, pour le bénéfice de la Chambre et pour les commentaires de mon collègue, citer quelques articles de la loi québécoise actuelle. Peut-être que cela inspirerait cette Chambre dans le sens des bonifications nécessaires qu'il faudrait apporter au projet de loi C-54.
Je suis à la section IV, article 27 de la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. L'article 27 dit ceci: «Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant».
Vous et moi, toute cette Chambre et le public général le savent bien, nous sommes fichés dans un grand nombre d'endroits. Il arrive que nous soyons fichés avec des renseignements erronés et que cela ait des conséquences sur notre capacité à jouir de la vie, entre autres, par exemple, un dossier de crédit qui serait mal renseigné à notre sujet et qui ferait en sorte que lorsqu'on veut emprunter, lorsqu'on veut obtenir une carte de crédit, on nous regarde d'un drôle d'air et on n'accède pas nécessairement à notre demande. On ne sait pas d'où ça vient, on ne sait pas pourquoi, on ne sait pas comment rectifier les choses.
Pas au Québec, toutefois. Au Québec, la personne peut se faire confirmer l'existence du dossier, par exemple, demander au gérant de banque: «Où avez-vous pris cette information que j'ai un mauvais crédit?» Il répond: «Nous l'avons pris à tel endroit».
Je cite maintenant l'article 28: «Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil du Québec, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi.»
Donc, je me présente là où est mon fichier et je m'aperçois qu'on a mis là-dedans des choses à mon insu. Je n'avais pas autorisé telle entreprise, tel organisme à transférer de l'information à cette agence. Je peux demander à ce que le renseignement soit retiré du dossier, sans préjudice aux autres recours légaux que je peux utiliser pour m'assurer que ceux qui ont enfreint à la loi en paient le juste prix.
Je cite l'article 29: «Tout personne qui exploite une entreprise et détient des dossiers sur autrui doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exercice par une personne concernée des droits prévus du Code civil du Québec ainsi que des droits conférés par la présente loi. Elle doit notamment porter à la connaissance du public l'endroit où ces dossiers sont accessibles et les moyens d'y accéder».
Les citoyennes et les citoyens du Québec sont protégés par une loi costaude qui a comme principal objectif la protection du public et des individus. Le projet de loi C-54 n'a pas cet objectif en tête, bien évidemment.
Je demande à mon collègue de Frontenac—Mégantic ce qu'il pense de cet écart considérable entre la protection mièvre qu'on veut accorder aux Canadiennes et aux Canadiens et la protection bétonnée, solide et honnête offerte aux Québécoises et aux Québécois.
M. Jean-Guy Chrétien: Monsieur le Président, il est bien clair que le projet de loi C-54 est un projet de loi timide. C'est un projet de loi très tiède qui vise, à mon avis, seulement la promotion et la vente de produits électroniques et non pas de protéger la vie privée de nos concitoyens.
Le député de Portneuf suit depuis plusieurs années d'ailleurs, puisque c'était un peu sa profession antérieure lorsqu'il oeuvrait dans le secteur privé, le domaine de l'électronique. On en est bien conscients, cela risque de nous péter en pleine face. On est en train d'étirer l'élastique. Il est justement assez raide et il risque de casser à tout moment et nous revoler en plein visage.
Je voudrais rappeler qu'à Londres, la capitale de la Grande-Bretagne, on disait que chaque citoyen est filmé, en moyenne, 51 fois par semaine. Avec les moyens techniques que nous possédons aujourd'hui, cela peut être très utile. On peut retrouver des bandits, des prisonniers en fuite, mais imaginez que vous êtes épié, monsieur le Président, dans votre vie quotidienne, 51 fois par jour.
Ici, à la Chambre des communes, on voit des caméras installées un peu partout sur les toits des édifices. J'en vois l'utilité pour contrer le terrorisme. Il faut protéger notre premier ministre. Il ne faudrait pas que des citoyens canadiens lui fassent subir le même sort qu'il fait subir à son peuple ou à certaines personnes comme Bill Clennett.
Imaginons-nous si on abuse de ces lois! Avec la clause Henri VIII, qu'on décrivait tout à l'heure comme étant extrêmement négative, on donne au ministre responsable des pouvoirs accrus, des pouvoirs terribles, un peu comme le solliciteur général qui nous disait encore, lors de la période des questions orales: «J'ai décidé...». Il ne faut pas se prendre pour un autre. Il était debout, je l'ai entendu, vers 14 h 30 cet après-midi, et disait: «J'ai décidé qu'on ne paierait pas pour les avocats des étudiants.»
La clause Henri VIII donne des pouvoirs semblables à un ministre et s'il en vient à perdre la tête, il pourrait aller fouiller ou encore enterrer. Je le rappelle, lorsque la police fédérale, la GRC, va mettre le feu à des granges, va voler de la dynamite, fait sauter des camions, va voler des listes de membres d'un parti politique reconnu démocratiquement dans ce pays, on est rendu bas. Cela ressemble aux belles années d'Hitler. Cela ressemble aux belles années communistes, où c'était: «Tous pour un ou un pour tous.» On ne respectait même plus la personne humaine.
C'est un danger qui nous guette et je peux assuré cette Chambre que le Bloc québécois se lèvera toujours pour le dénoncer. Avec les moyens du bord, s'ils tiennent absolument à leur projet de loi C-54, on va tenter d'apporter des amendements qui seront nécessaires pour le rendre équivalent à la loi québécoise qui est beaucoup plus exhaustive, beaucoup plus complète, et qui respecte d'abord et avant tout la personne humaine.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, il semble que, à notre époque, la GRC n'a pas besoin de recourir à des méthodes inhabituelles pour obtenir une liste de membres d'un parti politique. Je suis sûr que ce genre de liste peut être achetée. Elle est disponible quelque part à un certain prix.
Une voix: Comme au Québec.
M. John Bryden: Peut-être au Québec. J'espère que le député a raison à ce sujet.
J'ai apprécié les interventions. Mon collègue d'en face voit-il dans ce projet de loi la possibilité de traiter un aspect tout à fait nouveau, comme le fait de pouvoir acheter du temps d'un satellite capable d'espionner dans notre cour?
Voilà un problème qui dépasse les frontières. On peut maintenant louer du temps sur divers satellites espions exploités par les Américains et par d'autres puissances, pour espionner des gens n'importe où dans le monde. Le député a-t-il des réflexions à faire à cet égard?
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien: Monsieur le Président, la question de mon distingué collègue du parti ministériel reflète exactement ce que mon ami et collègue de Portneuf me faisait remarquer en début d'après-midi. Il me demandait si le projet de loi C-54 ne visait pas davantage à faire la promotion de la haute technologie moderne pour promouvoir la vente de biens électroniques plutôt que la protection individuelle, la protection des renseignements de chacun des individus de ce pays.
Lorsqu'on me pose cette question, je me rends bien compte que pour le parti ministériel, dans le projet de loi C-54, le respect des renseignements individuels n'est pas la première priorité et que cela se situerait à un sur une échelle de dix, alors que la promotion et le développement de la haute technologie se situeraient à neuf.
[Traduction]
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-54. Ce projet de loi vise à appuyer et à promouvoir le commerce électronique en augmentant la confiance des Canadiens à l'égard des transactions en ligne, en garantissant la protection des renseignements personnels recueillis, en modifiant le cadre juridique du milieu électronique et en donnant un autre moyen au gouvernement fédéral de fournir des services.
Le projet de loi C-54 n'est qu'un élément d'une stratégie globale visant à faire du Canada un leader international dans le secteur en pleine expansion du commerce électronique. Je vais parler de certains des éléments du projet de loi et cerner certaines des réserves des néodémocrates au sujet de cette mesure.
Je vais parler du phénomène du commerce électronique à l'âge de l'informatique. Des commentateurs dans maintes disciplines ont parlé du rôle de plus en plus important du commerce électronique dans la vie quotidienne des gens.
Le président et directeur général de Bell Canada, M. Jean Monty, disait aux délégués de la conférence de l'OCDE, tenue à Ottawa la semaine dernière, que nous voyons naître une nouvelle économie, un nouvel ordre économique basé sur des réseaux et des puces informatiques. Le transfert électronique de données a modifié la façon dont les gens interagissent entre eux. C'est donc un sujet de grande importance et nous devons peser mûrement toute décision que nous voulons prendre.
Il serait tout d'abord utile de définir ce que l'on entend par commerce électronique. Si l'on adopte une définition générale, on s'aperçoit que l'on inclut dans le commerce électronique deux types très différents de transactions. L'un, qui s'est avéré très utile, est l'échange de renseignements à l'intérieur de réseaux fermés. C'est dans cette catégorie que l'on trouve les systèmes utilisés pour les cartes de débit et de crédit.
L'autre type est celui des transactions faites dans un réseau ouvert comme Internet. Ce dernier type arrive loin derrière l'autre, pour plusieurs raisons que je vais maintenant aborder.
Quand on pense au monde des communications en ligne, le nom d'un certain ministre nous vient à l'esprit. À l'instar du solliciteur général, qui a éprouvé ces derniers temps des difficultés à assurer la protection des renseignements personnels de son ministère, Internet parvient mal à protéger la confidentialité de sujets importants. Les Canadiens ont montré leur manque de confiance envers le ministre. Cela ressemble aux réserves qui les font hésiter à confier des renseignements personnels à l'espace cybernétique. Il nous incombe de nous attaquer à ces problèmes.
Pour bon nombre de gens, Internet demeure un milieu intimidant, où les relations commerciales sont encore peu développées et où on ne sait pas bien comment les renseignements confidentiels sont traités. Les entreprises comme les consommateurs ne savent pas toujours exactement avec qui ils font affaire, si leurs paiements sont effectués comme ils le doivent et en toute sécurité et quels sont les cadres juridiques qui régissent ces transactions.
Pour la plupart des Canadiens, l'Internet demeure une sorte de jungle où la loi et l'ordre sont mal représentés et où chacun s'aventure à ses propres risques. De nombreux parents refusent de s'abonner à Internet à cause des craintes justifiées qu'ils entretiennent à l'égard de l'environnement en ligne, qui est devenu un paradis des trafiquants de pornographie infantile.
[Français]
Chez moi, on était branchés à Internet, mais à un moment donné, je m'en suis débarrassée, parce que j'ai vu sur mon écran, à un moment donné, des photos qu'on y montrait et j'étais très contente que ce ne soit pas mon fils de 10 ans qui ait vu ces photos. Ces photos étaient telles, que si ma mère les avait vues, j'aurais même eu de la difficulté à lui en parler.
On a la preuve que la pornographie sur Internet est un problème sérieux.
[Traduction]
Les entreprises et les consommateurs réclament depuis un certain temps déjà des mesures propres à renforcer leur confiance envers le commerce électronique. Les Canadiens ne veulent pas d'un cyberespace sans loi.
La partie du projet de loi concernant la protection des renseignements personnels vise à calmer les appréhensions des gens au sujet des échanges commerciaux sur l'autoroute électronique. Le projet de loi contient tout un ensemble de lignes directrices établies par l'Association canadienne de normalisation concernant la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels des Canadiens.
À l'heure actuelle, la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels régit uniquement l'information collectée par la fonction publique. Le projet de loi C-54 va plus loin. Après trois ans, les lignes directrices concernant le traitement des renseignements personnels s'appliqueront à toutes les transactions commerciales.
Par exemple, le projet de loi obligerait les compagnies à obtenir le consentement des Canadiens pour pouvoir recueillir des renseignements personnels. Il les forcera à n'utiliser l'information que pour les fins prévues au moment de la collecte.
Aux termes du projet de loi, chacun aura accès à l'information détenue à son sujet et aura le droit d'y apporter des modifications s'il s'y trouve des inexactitudes. Le projet de loi C-54 renforce considérablement le Commissariat à la protection de la vie privée et donne aux Canadiens un recours contre ceux qui abusent des données confidentielles et personnelles.
Le NPD appuie ces dispositions en principe et estime qu'elles n'ont que trop tardé. Avec la vitesse à laquelle l'information peut voyager dans le monde d'aujourd'hui, il serait rassurant de savoir que l'individu a un certain contrôle.
Pour que les Canadiens aient suffisamment confiance pour faire du commerce électronique, il faut absolument que la manipulation des renseignements personnels soit encadrée par des lignes directrices. Ce sera à l'avantage des entreprises et les consommateurs seront rassurés.
L'autre partie importante du projet de loi qui vise à apaiser les craintes des Canadiens est celle qui porte sur les mécanismes assurant la sécurité, par exemple les signatures électroniques sécurisées qui seraient reconnues par la loi.
Ce qui se remarque le plus, cependant, c'est l'absence de toute mention de la technologie de cryptage. De prime abord, il semble que ce soit là une solution adéquate aux problèmes de sécurité. Mais la démarche retenue par le gouvernement à cet égard soulève de graves préoccupations.
La cryptographie permet de coder l'information et de la transmettre sur Internet. Elle peut servir à coder toutes sortes de renseignements comme des numéros de carte de crédit, des dossiers médicaux et de la correspondance personnelle. En soi, c'est une excellente technologie.
Malheureusement, le gouvernement a adopté une attitude non-interventionniste dans l'attribution de licence du logiciel cryptographique. Le gouvernement n'a exigé aucun mécanisme d'accès qui lui aurait permis d'intercepter de tels messages et de les décoder.
Je crains que le gouvernement ait renoncé à tout moyen de contrôler l'Internet. Ainsi, le commissaire à la protection de la vie privée aura peu de moyens pour vérifier si un renseignement personnel n'a pas été traité incorrectement ou communiqué illégalement. Les dispositions du projet de loi relatives à la protection des renseignements personnels semblent donc être affaiblies par cette approche non-interventionniste.
De même, les corps policiers pourraient voir leurs moyens de lutte contre la pornographie infantile considérablement réduits. De plus, comme nous ne disposerons d'aucun mécanisme d'accès, la technologie cryptographique pourrait tomber entre les mains du crime organisé ou de ceux qui commettent le sabotage industriel.
Le fait que le gouvernement ait autorisé la technologie cryptologique sous presque toutes ses formes ne peut qu'accroître les craintes des Canadiens en matière de sécurité. L'idée que les agents de la GRC et les autres corps policiers seront pratiquement impuissants pour faire enquête sur des cas d'utilisation abusive de l'Internet a de quoi inquiéter. C'est une violation du principe de maintien de la paix et de bon gouvernement sur lequel ce pays a été fondé. Ce n'est pas ainsi que les Canadiens pourront se sentir en sécurité.
[Français]
Je dois ajouter qu'on est quand même dans un pays où il est souvent difficile pour les Canadiens de se sentir en sécurité. Pensons à ce qui s'est passé au cours des dernières semaines, non seulement à Vancouver où des étudiants se sont faits attaquer, probablement sous les directives du premier ministre, mais aussi au Nouveau-Brunswick, quand des parents et de jeunes étudiants de l'école Saint-Sauveur ont essayé de garder leurs écoles ouvertes. Le premier ministre Frank McKenna avait décidé qu'il allait fermer les écoles. On a envoyé la GRC, on les a vaporisés au poivre de Cayenne, on s'est attaqué, non seulement aux adultes, mais à de tout petits enfants, à des étudiants.
Pensons aussi à ce qui s'est produit dans le comté de Kent, au cours des deux dernières semaines, où un homme du nom de Jackie Vautour est allé pêcher un seau de coques, bien que la pêche soit fermée. Il a fini avec des os cassés. Je ne peux comprendre comment cela peut arriver à un homme de 65 ans, simplement en allant pêcher un seau de coques.
Il avait déjà comparu en cour, avec sa femme, parce qu'ils avaient pêché des coques dans un parc national, alors que la pêche était fermée. Les accusations avaient été révoquées—peut-être le savez-vous ou peut-être ne le savez-vous pas—parce qu'il y a de gros problèmes à savoir si le parc de Kouchibouguac est vraiment un parc national ou pas.
Chaque fois que M. Vautour se présente devant le tribunal, le gouvernement laisse tomber les accusations. C'est ce qu'ils ont fait la première fois que M. Vautour s'est fait prendre à pêcher un petit seau de coques. Ils ont intenté des poursuites, l'ont convoqué devant le tribunal et ont été forcés d'abandonner les accusations, parce qu'ils ne pouvaient pas prouver où étaient les limites du parc. Le monsieur est encore allé pêcher un seau de coques. Mais cette fois-là, il s'est fait fracturer une épaule et un bras. Encore là, il faut porter plainte à la Commission de la GRC pour enquêter sur ce qui s'est passé.
C'est toujours sous la direction de quelqu'un qui est haut placé que ces choses se font. Lorsque les familles de Saint-Sauveur se sont fait attaquer, c'est clair qui a envoyé cette gang sur des enfants. Je ne doute pas que c'est la même chose qui se soit passée pour M. Jackie Vautour lorsqu'il s'est fait attaquer par la GRC.
C'est impossible de penser qu'on soit capable de fracturer des membres. Le monsieur n'avait pas de fusil, pas de couteau avec lui, mais il a fini avec des membres fracturés. Lui et sa femme, une femme de 64 ans et un homme de 65 ans, ont fini par aller en prison parce qu'ils ont pêché un seau de coques, alors que les gens du parc leur avaient dit qu'ils ne pouvaient continuer à y pêcher des coques.
La même chose est arrivée à une personne en 1969 parce qu'elle ne voulait pas sortir de sa maison quand on créait le parc national de Kouchibouguac. Ils ont écrasé sa maison. C'est ce qu'ils lui ont fait. Il est resté dans le parc. Si ce n'était de lui, on se serait retrouvé avec rien du tout. En 1971, on est sortis du parc avec 6 600 $. C'est avec cela qu'il fallait qu'on déménage et qu'on s'installe. De la richesse dans le parc de Kouchibouguac, les gens du parc n'en ont pas eu.
M. Vautour a été intelligent. Il a dit: «Moi, je ne décolle pas. On s'était fait mettre dans des bateaux en 1755 et je n'y vais pas de nouveau». C'est ce qui est arrivé à M. Vautour. La même chose a été dite à mon père: «Si tu ne déménages pas, on va prendre ta maison et tu ne vas rien avoir». C'est ce qu'ils ont fait, et Jackie avait une grosse famille. Il est demeuré là quand même et il a continué à se battre.
Je ne dis pas que tout ce qu'il a fait était correct mais c'est de cette façon que la haine a commencé. C'est la journée où ils ont engagé quelqu'un qui a détruit sa maison avec un bulldozer. On n'était pas des païens dans le parc Kouchibouguac. On était du bon monde et pauvres, mais on n'était pas des gens qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient. On n'était pas des ordures. Il n'y avait pas de criminalité à Clairefontaine, Fontaine, Cap-Saint-Louis et dans la région de Kelly. On n'était pas du mauvais monde.
À cette époque, le premier ministre actuel était le ministre responsable de l'expropriation. C'est drôle comment cela fonctionne aujourd'hui. Les expropriés du parc l'ont réélu et lui ont confié le mandat de premier ministre du pays. C'est incroyable à quel point les Acadiens de ma région peuvent pardonner. Par contre, qu'il ne s'essaie pas une autre fois parce qu'il n'aurait pas son billet de retour.
J'avais 11 ans lorsqu'on a déménagé. Les gens de ma région n'avaient pas beaucoup d'éducation. Mon père travaillait par contre à l'année longue. On avait une télévision et un téléphone, ainsi qu'un catalogue Eaton qu'on utilisait de temps en temps. On était du bon monde, puis on est encore du bon monde. Cette histoire n'est pas finie. M. Vautour s'en va en cour pour savoir pourquoi on lui a cassé une épaule et un bras et qu'on l'a mis en prison. Le juge ne voulait même pas qu'il sorte pour trois mois en attendant son procès. M. Vautour est un homme de 65 ans et sa femme a 64 ans.
Y a-t-il de la justice et de la démocratie dans ce pays? Il n'y a pas seulement au Sommet de l'APEC où il n'y pas de justice. La situation est semblable dans tous le pays.
C'est ironique que je sois maintenant députée à la Chambre. Je suis certaine qu'il y a des ministres de l'autre côté qui se demandent si je vais cesser de parler du dossier du parc national de Kouchibouguac. On va poser des questions et ramener le sujet sur le tapis jusqu'à ce qu'on ait des réponses sur ce qui s'est passé au parc national de Kouchibouguac. Il y a 239 familles qui ont été injustement traitées en 1969 et on nous refuse des commissions d'enquête. On refuse d'aller voir ce qui a mal fonctionné.
Tant qu'on ne fermera pas le dossier, des familles continueront à vivre à l'intérieur du parc Kouchibouguac dans des conditions extrêmes. Cela va continuer et on ne laissera pas tomber. Revenons maintenant à notre projet de loi C-54.
[Traduction]
Le projet de loi C-54 essaie aussi de donner au gouvernement fédéral le rôle d'utilisateur modèle et responsable d'Internet comme outil de prestation de services. Dans ce contexte, de nombreuses lois fédérales ont été examinées pour voir si les méthodes de collecte de renseignements qui y étaient mentionnées se limitaient au papier. On s'est rendu compte que près de la moitié de ces lois semblaient indiquer que les transactions de documents sur papier étaient le seul moyen légal d'échanger des renseignements. Le projet de loi C-54 essaie d'adapter les lois actuelles pour permettre la transmission électronique des renseignements.
[Français]
Ce serait intéressant si Jackie Vautour était capable de mettre sur l'Internet toute l'histoire du parc Kouchibouguac.
[Traduction]
En principe, c'est une bonne proposition. Elle offrirait aux Canadiens un nouveau moyen rapide de communiquer avec les organismes gouvernementaux.
Le gouvernement croit que, en donnant l'exemple, il peut stimuler une augmentation importante de l'utilisation de cette technologie dans tous les secteurs. Un coup d'oeil rapide à la situation actuelle du commerce électronique révèle toutefois que les Canadiens sont loin d'être tous branchés à Internet. Dans bien des cas, c'est parce qu'ils n'en ont simplement pas les moyens. Même si nous supposons qu'environ 30 p. 100 des Canadiens ont accès à Internet d'une façon ou d'une autre, et c'est peut-être simplement parce qu'ils ont un ordinateur qui leur donne accès à Internet à l'école, nous devons reconnaître que le reste de la population est dans le noir.
[Français]
Je pense qu'il est important de mentionner qu'on a beaucoup d'écoles. Mon fils est en septième année et je suis certaine qu'il n'a pas accès au programme. Aujourd'hui, il y a beaucoup de jeunes et beaucoup de familles qui ne sont peut-être pas extrêmement pauvres, mais qui n'ont certainement pas les moyens d'avoir un ordinateur à la maison. Il faut faire attention.
Plus tôt, un député du parti gouvernemental semblait très fier de dire qu'il pouvait remplacer des billets d'avion et que cela ne lui coûtait que quelques dollars. Mais combien de jobs va-t-on couper? Est-ce que quelqu'un a essayé de garder un équilibre là-dedans? C'est bien beau de dire qu'on va se garrocher et qu'on va économiser. Youpi! l'Internet est arrivé et on va économiser de l'argent, mais quel est vraiment le coût par rapport aux emplois qui seront perdus?
En terminant, je dirais que ce n'est pas tout le monde qui est branché. Premièrement, il faut l'admettre. Il faut le dire, le reconnaître et l'admettre, car ce n'est pas tout le monde qui est branché. C'est un problème pour ces personnes, et ce n'est pas juste le fait de ne pas avoir d'ordinateurs.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le Président, à la suite de l'intervention de la députée, je suis heureux d'avoir l'occasion de lui poser une question. Elle découle de mon intervention, plus tôt aujourd'hui, lorsque j'ai fait remarquer que le projet de loi comporte des lacunes en ce sens qu'il n'explique pas de façon claire et explicite les paramètres des renseignements personnels confidentiels, dans le cas des listes de donateurs à des organismes sans but lucratif constituées lors des collectes de fonds.
De plus, le projet de loi est tout à fait imparfait également en ce sens que si une personne sait qu'après avoir donné à une oeuvre de bienfaisance, son nom figure maintenant sur des listes, et qu'elle s'adresse à l'entreprise de vente directe qui a son nom sur sa liste et lui demande sur combien d'autres listes son nom figure, combien d'autres organisations ont son nom, selon la loi dans sa forme actuelle, pour des raisons de propriété commerciale, cette firme peut ne pas divulguer ces renseignements personnels sur la façon dont le nom de cette personne est utilisé et sur les entreprises ou organisations qui détiennent son nom.
J'ai une liste provenant d'une organisation aux États-Unis qui détient ce type de renseignements. Elle a le nom de ces gens parce que divers organismes lui demandent de collecter des fonds directement par la poste au Canada pour eux. Cette organisation a la liste et une fois qu'elle a fait la collecte de fonds directement par la poste pour le compte d'une organisation en particulier, elle offre de vendre ou de louer cette liste de noms à d'autres organisations.
Par exemple, on y retrouve l'Association canadienne pour le droit à l'avortement, un groupe formé de 7 500 femmes. On peut obtenir leur nom, tout comme la Fédération internationale pour le planning familial. Alors, une personne qui s'oppose peut-être avec virulence à l'avortement peut obtenir des renseignements sur toutes ces personnes qui appuient directement l'avortement en donnant de leur argent. Je prétends que c'est très dangereux.
J'ai également mentionné que cette liste renferme le nom de 73 000 donateurs juifs canadiens. Je tiens à dire à notre collègue que c'est extrêmement dangereux car des organisations se livrant peut-être à des activités antisémites peuvent alors avoir accès à cette information d'une façon ou d'une autre. Pourtant, le projet de loi n'empêche pas que ces renseignements soient transmis.
Quand, en tant que député, j'ai tenté dans le passé d'obtenir de l'information de mon propre gouvernement à propos du financement des programmes de promotion des femmes ou des programmes de lutte à la pauvreté, les noms des personnes qui y jouaient un rôle ont souvent été supprimés de cette information. Je n'ai même pas pu les obtenir sous l'égide de la loi sur l'accès à l'information parce que, selon les motifs évoqués, les personnes qui sollicitent des subventions de l'État, qu'il s'agisse d'organismes de lutte à la pauvreté, d'organismes de promotion des femmes ou d'autres organismes de promotion des minorités, ont besoin de la protection de l'État qui possède ces renseignements personnels qu'il a sollicités dans les demandes de subventions. Il est très difficile d'obtenir cette information.
Or, dans la liste fournie à cet agent de marketing direct aux États-Unis, à cet organisme de souscription à but lucratif, nous trouvons le Comité canadien d'action sur le statut de la femme et 5 000 noms. Immédiatement après figure l'Organisation nationale anti-pauvreté et 17 000 noms. Puis il y a l'Association nationale de la femme et du droit et 1 300 noms. Ensuite, nous trouvons les National Gay and Lesbian Rights Supporters. Tous les noms y figurent par ordre alphabétique.
Je soutiens à la députée d'en face qu'il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond quand un député ne peut pas obtenir d'information de base sur l'identité des personnes qui soutiennent ces organismes. Je ne dis pas que nous devrions obtenir cette information, mais nous ne pouvons pas, en tant que députés, obtenir cette information du gouvernement même si l'État subventionne ces organismes. Pourtant, pour une certaine somme, nous pouvons nous adresser aux États-Unis et y obtenir les noms de chacune de ces personnes.
La députée trouve-t-elle cela acceptable? Ne pense-t-elle pas que ces organismes ne devraient pas donner à un organisme américain la liste de leurs donateurs? Devrions-nous renforcer le projet de loi C-54 de sorte qu'une telle chose ne puisse se faire?
Mme Angela Vautour: Monsieur le Président, pour une fois, je suis d'accord avec le député libéral.
Le député a fait état d'incidents qui sont sûrement très alarmants, mais il y a tant de données sur Internet. Il ne semble pas y avoir beaucoup de contrôle et personne ne l'a encore admis. On ne peut naviguer sur Internet sans en apprendre sur trois ou quatre personnes en vue.
C'est un ordinateur auquel les enfants ont accès. Son utilisation est censée être facile. J'ai des réserves sur la facilité. Il n'y a plus de fin. Il faut essayer d'imposer un contrôle sur les renseignements qui circulent sur Internet.
Certes, il n'est pas question de tout censurer et de se replier sur soi-même. Ce n'est pas de cela que je parle. En général, les Canadiens ont du jugement. Il est parfois malheureux de constater que le bon sens ne prévaut pas toujours. Il y a tant d'autres facteurs qui entrent en jeu. Nous disons que c'est ce qu'il faut faire, même si nous savons que ce n'est pas bien.
Je suis d'accord avec mon collègue. Il faut renforcer le projet de loi.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, j'avais préparé un discours aujourd'hui pour parler du projet de loi C-43 mais, les gens me connaissant comme un grand défenseur du droit à la vie privée, je ne pouvais m'empêcher de plonger dans ce présent débat, d'autant plus qu'il ne reste que quelques minutes et que je n'aurais pas eu le temps de terminer mon discours sur le projet de loi C-43.
J'ai écouté l'ensemble des interventions de mes collègues. C'est vrai que je suis un défenseur du droit à la vie privée. Ce n'est pas facile. J'ai vécu des expériences syndicales où j'ai vu des policiers entrer dans des locaux syndicaux. C'est un peu comme se faire voler à l'intérieur de sa demeure. Pour moi, le droit à la vie privée est absolument essentiel.
J'ai regardé aussi la différence entre la loi provinciale et la loi fédérale. Je veux lire le titre des deux lois parce que cela m'apparaît important dans le débat actuel. Que dit la loi provinciale? Le titre de la loi c'est «Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé», alors que le titre de la loi fédérale c'est «Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances».
On peut voir où est l'accent dans le projet de loi fédéral. C'est d'abord l'économie avant la protection du droit privé, alors que c'est le contraire au Québec. C'est principalement pour cela que je trouve qu'il faudrait que le projet de loi que nous étudions présentement s'inspire de la loi provinciale.
Quand on connaît les conditions dans lesquelles le Parti libéral évolue, qu'est-ce qui est le plus important? Protéger la vie privée ou l'économie? Protéger les droits de l'homme ou l'économie? Jusqu'à maintenant, je trouve que le bulletin du Parti libéral est très mauvais sur la façon de protéger les droits de l'homme versus l'économie.
Dans un projet de loi comme celui qui est devant nous, pourquoi le gouvernement fédéral protégerait-il maintenant les droits à la vie privée plutôt que les droits économiques?
Je pense qu'il y a d'énormes lacunes dans la loi. Effectivement, quelques-unes ont été soulignées, entre autres, toute la question de l'annexe à cette loi. C'est dans l'annexe qu'on retrouve le plus de contenu. Cela m'apparaît bizarre que dans un projet de loi, on puisse, non pas se pencher sur le projet de loi et l'interpréter, mais référer à l'annexe afin d'y apporter des interprétations.
Cela me fait dire que ce sera un paradis pour les avocats, et non seulement la question de l'annexe, car la loi elle-même est remplie de conditions. Alors, imaginez quelqu'un qui veut défendre son droit à la vie privée versus un droit économique; il se présente devant les tribunaux en disant: «Je pense que ma vie privée a été violée et je veux me défendre». Mais tout est au conditionnel, de sorte que le citoyen devra utiliser les services d'un avocat, alors que le gouvernement fédéral, s'il veut défendre sa loi, disposera des meilleurs avocats, il a le ministère de la Justice qui est farci d'avocats et il dispose de fonds illimités.
D'ailleurs, on s'interroge beaucoup actuellement sur la judiciarisation de l'ensemble des dossiers et celui-là en est un de plus. On dit aux citoyens: «Si vous n'êtes pas d'accord avec l'interprétation de la loi, vous n'avez qu'à nous poursuivre.» Alors, c'est une attitude qui a préséance avec ce gouvernement. Je trouve que le citoyen ordinaire est dépourvu devant cela, parce qu'il a des limites économiques, alors que le gouvernement n'a aucune limite économique.
Également, j'aimerais parler de la fameuse clause Henri VIII. On sait qu'Henri VIII procédait par décret s'il voulait la mort de ses opposants. Ce n'était pas plus compliqué que cela. Heureusement que la clause Henri VIII n'existe plus et qu'elle n'est pas entre les mains du premier ministre aujourd'hui. Il y aurait probablement 45 victimes de ce côté-ci de la Chambre. J'ai l'impression que le décret royal viendrait vite.
Dans ce projet de loi, on donne toute la latitude au gouverneur en conseil de modifier les règlements. Mais qui peut modifier les règlements? Le gouverneur en conseil. Sous les recommandations de qui, sous les pressions de qui le gouverneur en conseil va-t-il modifier un projet de loi?
Face à ce projet de loi, on regarde les grands lobbies. Qui a les moyens de payer des grands lobbies aujourd'hui sinon les grandes corporations canadiennes, les grandes banques canadiennes? Ce sont des gens qui ont beaucoup d'argent.
Qu'est-ce qui aura le plus de poids quand viendra le temps de décider si on modifie le règlement pour le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Conseil des ministres? Qu'est-ce qui sera le plus important? Est-ce que ce sera l'avis des consommateurs? Est-ce que ce sera l'avis des organisations qui défendent le droit à la vie privée ou si ce ne sera pas plus le pouvoir économique? Qui est le plus grand fournisseur des caisses électorales?
D'ailleurs, nous n'avons pas de problème avec cela. On a un financement populaire. Mais qui finance le gouvernement libéral? Les grandes corporations: les Bombardier, les Bell Canada, les Banque royale, les Banque Toronto-Dominion. Ce sont les grands financiers. Ce sont eux qui financent le Parti libéral.
M. Jean-Guy Chrétien: Pierre Corbeil sait qui c'est.
M. Claude Bachand: Effectivement, le député de Frontenac—Mégantic me rappelle que Pierre Corbeil sait qui finance la caisse du Parti libéral. Ce ne sont pas les organisations de citoyens et ce ne sont pas les gens qui défendent les consommateurs, parce qu'ils n'ont pas d'argent. Leur force, c'est la collectivité et le regroupement pour faire face à un gouvernement qui accepte le financement de toutes ces grandes corporations.
Qui pensez-vous que le gouverneur en conseil écoutera? Qui pensez-vous que le Conseil des ministres écoutera? Ce ne seront pas les organisations. Ce ne seront pas les défenseurs du droit à la vie privée. Le gouverneur en conseil écoutera ceux qui financent sa caisse. Entre eux, ils se diront: «On va modifier les règlements, parce que ceux qui financent notre caisse n'aiment pas la façon dont c'est peaufiné actuellement ainsi que de la façon que c'est tissé; on va tout changer cela.»
C'est un projet de loi qui, à mon avis, n'est pas correct et je me joins à mes collègues du Bloc québécois pour dire qu'il me fera plaisir de voter contre le projet de loi.
Le président suppléant (M. McClelland): L'honorable député de Saint-Jean disposera de 13 minutes la prochaine fois que nous reprendrons l'étude du projet de loi.
MOTION D'AJOURNEMENT
[Français]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.
L'AMIANTE
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, depuis maintenant trop longtemps le ministre du Commerce international se traîne lamentablement les pieds dans la défense de l'amiante sur la scène internationale. Il semble en effet s'être endormi sur le dossier de la revalorisation de l'amiante.
À preuve, son gouvernement a attendu 30 mois avant de finalement se décider à aller devant l'OMC pour contester le bannissement injustifié de l'amiante par la France. Le ministre adopte clairement l'attitude des deux poids, deux mesures quand vient le temps de défendre des compagnies canadiennes sur le marché mondial.
Comment peut-il expliquer la rapidité et la fougue avec lesquelles il est intervenu pour soutenir la compagnie torontoise Sherritt quand les Américains ont adopté la Loi Helms-Burton? Comment peut-il expliquer qu'en même temps, il prenait des mesures bien timides et bien tardives pour défendre les intérêts des travailleurs de l'amiante?
J'estime donc le ministre du Commerce international, son premier ministre et l'ambassadeur canadien en France, M. Jacques Roy, responsables pour les effets négatifs du bannissement de l'amiante chrysotile par la France et pour l'effet domino qui s'en est suivi.
Les ventes d'amiante chutent depuis plusieurs mois, entraînant la fermeture de la mine BC et des fermetures sporadiques de plus en plus fréquentes aux deux autres mines, soit le Lac d'Amiante, et Bell, à Thetford Mines. Pendant ce temps, le ministre se contente de regarder passer le corbillard.
Pourquoi ce gouvernement ne prend-il pas les mesures nécessaires pour promouvoir efficacement ce produit unique au monde qu'est l'amiante chrysotile? Pourquoi ne commande-t-il pas une étude exhaustive sur les dangers environnementaux causés par les produits de substitution à l'amiante? Pourquoi ne commande-t-il pas également une étude pour démontrer la faible performance de ces produits de remplacement?
Oui, ce ministre a agi avec vigueur et rapidité dans le cas de Sherritt, dans le cas du blé dur et dans le cas du saumon du Pacifique mais, dans le cas de l'amiante, il s'est contenté de conférences téléphoniques organisées par l'ambassadeur Jacques Roy ou de petites soirées où un ami personnel du premier ministre canadien a remis une pierre d'amiante à son homologue français.
Ce dont la région de l'amiante a besoin, c'est d'un gouvernement qui défende activement ses intérêts sur le plan international. À cet égard, le présent gouvernement n'obtient pas la note de passage.
M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais inviter mon collègue d'en face à être un peu plus prudent dans ses allégations gratuites, très médiatisantes ou médiatisables, mais qui ne sont pas fondées sur la réalité et des faits concrets.
Le gouvernement du Canada, en partenariat avec le gouvernement du Québec, l'industrie, les syndicats et les collectivités locales s'efforcent de maintenir l'accès des produits du chrysotile aux marchés étrangers. Quand on dit qu'on n'a rien fait, je pense qu'il faut quand même revenir aux faits.
En septembre 1997, par exemple, le gouvernement du Canada a organisé, en collaboration avec le gouvernement du Québec, une Conférence internationale sur l'utilisation sécuritaire et responsable des fibres chrysotiles. Environ 300 délégués, provenant de 45 pays, ont participé à la Conférence. En mars, avril et mai 1998, le gouvernement du Canada a organisé des visites de l'industrie canadienne de l'amiante pour des journalistes belges, britanniques et marocains.
Nous n'avons jamais raté une occasion de soulever les préoccupations, aux plus hauts niveaux, que ce soit au Royaume-Uni, en France, dans l'Union européenne ou ailleurs dans le monde. Le gouvernement du Canada a toujours indiqué qu'il était entièrement disposé à saisir l'OMC de ce dossier en temps opportun. Nous aurions préféré résoudre ce différend sur une base bilatérale. Cela n'a pas été possible, alors nous sommes passés à l'étape suivante, à savoir demander l'établissement d'un groupe spécial de l'Organisation mondiale du commerce.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le Président, et comme mon collègue peut le constater aussi, c'est purement et simplement une question de bonne foi. Le gouvernement du Canada et ses partenaires travaillent ensemble et de façon coordonnée sur tous les fronts et comptent continuer de procéder ainsi.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 34.)