FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 31 mai 2000
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes cet après-midi.
Nous faisons une étude sur le recouvrement des coûts et nous avons le plaisir d'accueillir les témoins suivants: de la Chambre de commerce maritime, M. Guy Dufresne; de la Fédération maritime du Canada, Paul Gourdeau, vice-président de Fednav Limitée; de la SODES, Ross Gaudreault, président de la Société du port du Québec; de l'Association des armateurs canadiens, Wayne Smith, vice-président et directeur général de Seaway Marine Transport; de la St. Lawrence Shipoperators Association, Ernest Beaupertuis, surintendant général d'Algoma Tankers, ainsi que M. Marc Gagnon, directeur général de la SODES.
Comme vous le savez sans doute, vous disposez d'environ cinq à sept minutes pour présenter vos remarques préliminaires. Par la suite, nous aurons une période de questions.
Je crois que nous allons commencer par M. Dufresne. Soyez le bienvenu.
M. Guy Dufresne (président de Quebec Cartier Mining, Chambre de commerce maritime): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Guy Dufresne. Je suis président et chef de la direction de la compagnie Quebec Cartier Mining. Je suis aussi président de la Chambre de commerce maritime. Je vais accéder à la présidence de l'Association minière du Canada et je préside par ailleurs la Great Lakes-St. Lawrence Maritime and Industrial Coalition.
Le président: C'est gentil d'avoir pris le temps de venir ici.
Des voix: Ah, ah!
M. Guy Dufresne: Toutes les associations que je représente sont très intéressées par le sujet.
Avant tout, j'aimerais présenter mes collègues du secteur maritime qui comparaissent aujourd'hui devant vous. Wayne Smith est le vice-président de Seaway Marine Transport. Il représente l'Association des armateurs canadiens. Paul Gourdeau, vice-président de l'exploitation de Fednav, est aujourd'hui le porte-parole de la Fédération maritime du Canada. Ernest Beaupertuis, surintendant principal d'Algoma Central Marine, représente la St. Lawrence Shipoperators Association. M. Ross Gaudreault est le chef de la direction et
[Français]
président de la Société du Port de Québec,
[Traduction]
et enfin,
[Français]
Marc Gagnon est le directeur de Sodes.
[Traduction]
Vous avez devant vous aujourd'hui un éventail large et varié de représentants du secteur maritime commercial canadien. Les affréteurs, les exploitants de navires canadiens et internationaux, les armateurs et les ports ont tous un rôle à jouer dans le transport des millions de tonnes de produits canadiens à destination des marchés intérieurs et internationaux. Nous sommes tous différents, mais nous avons une chose en commun: nous avons tous besoin d'un système de transport maritime canadien concurrentiel, efficient et efficace.
L'industrie maritime et le secteur qu'elle dessert constituent l'ossature du commerce international canadien. Plus de 350 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par les ports canadiens, dont 250 millions empruntent la voie maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
Au nom de mes collègues, j'aimerais remercier le comité d'avoir entrepris cette étude de la politique de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral. Vos efforts traduisent l'intérêt constant que porte le Comité des finances à l'examen des impacts de la réglementation du gouvernement fédéral sur la capacité de l'économie canadienne à maintenir sa croissance et du milieu des affaires à rester concurrentiel. Cela est très important. La clé est la capacité des gouvernements à travailler en partenariat avec l'industrie afin de maintenir un environnement sain, dynamique et prévisible offrant aux firmes canadiennes un contexte qui leur permet non seulement de prendre part au marché mondial, mais également d'y exceller.
Les représentants du secteur maritime qui sont devant vous aujourd'hui n'aborderont pas une large gamme de programmes gouvernementaux de recouvrement des coûts. Nous parlerons uniquement du programme des droits de services maritimes de la Garde côtière canadienne. À notre avis, il n'y a pas de meilleur exemple prouvant que les directives politiques, aussi bien intentionnées soient-elles, peuvent être appliquées sans comprendre clairement les conséquences négatives considérables qu'elles peuvent avoir. Le secteur maritime canadien s'efforce de collaborer avec le gouvernement depuis plus de cinq ans dans l'application de ce système de recouvrement des coûts.
Nous estimons par ailleurs qu'il est possible de modifier ce programme ou de l'intégrer dans d'autres programmes gouvernementaux de recouvrement des coûts. Aujourd'hui, nous pensons que notre industrie peut être la plus utile à votre comité dans son étude sur le recouvrement des coûts, en lui présentant nos propres expériences, des exemples pratiques et réels de l'application de ce programme particulier du gouvernement fédéral.
Nous allons aujourd'hui aborder un certain nombre de questions qui se rapportent en particulier au programme des droits des services maritimes et en général à la politique de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral. Nous évoquerons les difficultés que présentent les relations initiales et continues entre un ministère gouvernemental et ses clients. Nous verrons comment les services que le gouvernement est prêt à offrir ne correspondent pas nécessairement aux besoins de la clientèle; nous verrons comment les programmes de recouvrement des coûts révèlent la nécessité pour le gouvernement d'offrir ses services de manière plus efficiente, faisant ainsi du recouvrement des coûts une priorité moins grande; et enfin, nous verrons quelles sont les mesures que l'on peut appliquer pour améliorer un des nombreux programmes de recouvrement des coûts actuellement en vigueur.
• 1540
Finalement, nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de la
compétitivité et de la capacité des entreprises canadiennes à
affronter la concurrence sur les marchés internationaux. Dans ma
propre entreprise, le coût de livraison de nos produits à nos
clients au Canada et dans le monde peut décider à lui seul de la
vente. Le minerai de fer est, après le pétrole, le produit le plus
souvent transporté dans le monde. On transporte plus de
430 millions de tonnes de minerai de fer dans le monde. Nous
souffrons d'un énorme désavantage. Toutes les mines de fer du
Canada produisent un minerai dont la qualité est deux fois moindre
que celle des autres grands pays producteurs de minerai du monde
que sont le Brésil et l'Australie. Le coût de transport de nos
produits est d'environ 25 p. 100. Par conséquent, c'est un poste de
dépense très important pour nous.
Je pourrai y revenir au cours de la période de questions, mais il est clair que toute modification des coûts du transport ou tout manque d'efficacité nuit à notre position concurrentielle.
Je vais maintenant laisser la parole à Wayne Smith, et je reprendrai le micro pour la conclusion.
Wayne.
M. Wayne Smith (vice-président-directeur général de Seaway Marine Transport, Association des armateurs canadiens): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je représente Seaway Marine Transport. Je suis membre de l'Association des armateurs canadiens. Pour vous donner une idée, nous dirigeons une flotte de 43 laquiers. C'est la plus grande flotte canadienne exploitée sur les Grands Lacs. L'an dernier, nous avons transporté environ 45 millions de tonnes de marchandises—des produits en vrac allant du grain au minerai de fer en passant par le sel, les granulats et le charbon.
J'aimerais vous présenter aujourd'hui un très bref historique de l'évolution des droits de services maritimes. Je crois que vous comprendrez mieux la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui une fois que je vous aurai parlé des difficultés et des problèmes que nous avons rencontrés au cours du processus de consultation entre l'industrie et un organisme gouvernemental, en l'occurrence la Garde côtière.
En 1995, le Comité permanent des transports avait présenté une stratégie maritime nationale. Cette stratégie proposait de nombreuses réformes du secteur maritime qui ont été appliquées au cours des cinq dernières années, y compris la commercialisation des voies maritimes et des ports. Elle évoquait également la possibilité d'appliquer à l'échelle nationale des frais d'utilisation permettant le recouvrement des coûts des services de la Garde côtière.
La recommandation 23 de ce rapport se lit comme suit:
-
Aucun programme national de recouvrement des coûts ne devrait être
mis en application avant que la Garde côtière n'ait clairement
déterminé les coûts de ses services et leur importance à l'avenir,
et qu'elle ait prouvé sa capacité de maintenir les coûts au plus
bas niveau d'exploitation possible.
Les droits de services maritimes ont été instaurés un an plus tard, le 1er juin 1996. Cinq ans après, nous pensons que les conditions préalables n'ont toujours pas été respectées. Au moment de la mise en oeuvre en 1996, le gouvernement avait affirmé qu'une étude réalisée par des consultants révélait que l'industrie pouvait absorber les droits des services maritimes. Cette étude a été largement contestée par l'industrie et les consultants en ont rejeté les conclusions.
Une enquête auprès de nos clients réalisée à l'époque a montré que seulement 15 p. 100 des expéditeurs avaient été consultés. La plupart des affréteurs estimaient que le processus était au mieux superficiel.
Le principal consultant m'a fait parvenir, après la mise en place des droits, une lettre dans laquelle il écrivait:
-
Je ne puis souscrire à la déclaration de M. Thomas
—qui était alors commissaire de la Garde côtière—
-
dans laquelle il affirme que le secteur maritime peut absorber les
coûts.
Il poursuivait:
-
Notre analyse se fondait sur une application la dernière année à un
niveau de recettes de 60 millions de dollars, en se basant sur
l'hypothèse
que les coûts pour les navires de l'AAC battant pavillon canadien seraient de 2 millions de dollars par année. Bien entendu, la mise en oeuvre du programme avait été estimée à 6 millions de dollars par an. Il concluait de cette manière:
-
Avec des frais de cet ordre, je prévois une perte considérable dans
le cas des marchandises névralgiques.
Par conséquent, le processus initial de consultation était gravement défectueux.
Lors de l'annonce de l'application des droits de services maritimes, le ministre des Pêches et des Océans de l'époque—dont j'ai oublié le nom—avait annoncé également l'instauration d'une deuxième étude plus globale des conséquences socio-économiques. Cette étude devait analyser la capacité de l'industrie à acquitter les droits.
• 1545
Depuis ce temps, les droits de services maritimes ont
augmenté, tout comme les droits de dragage et de brise-glace, au
point où le total des frais tourne autour de 40 millions de dollars
par an. Malgré un effort considérable de la part de l'industrie
pour collaborer avec la Garde côtière et prendre part à un
processus consultatif, nous éprouvons encore des difficultés. Nous
ne pouvons toujours pas définir les éléments fondamentaux. Quels
sont les coûts? Quel est le niveau de service absolument nécessaire
et quel est le niveau le plus bas possible des coûts?
Le ministre des Pêches et des Océans de l'époque avait annoncé une troisième étude d'impacts lorsqu'il introduisit les droits de brise-glace en automne 1998. Une sorte de stratégie commence à se dessiner. Le gouvernement annonce l'imposition de droits et une étude d'impacts afin de vérifier si l'industrie peut absorber ces frais. C'est le Conseil du Trésor qui devait réaliser cette étude. Voilà un an et demi que les droits ont été imposés et l'étude a bien de la difficulté à se concrétiser et progresse très lentement.
Je vais vous donner quelques exemples des répercussions que nous subissons—cela a toujours été au nombre de nos préoccupations—alors que les études réalisées par les consultants du gouvernement ont porté sur une question à court terme, soit la capacité de l'industrie à payer. Ce qui nous préoccupe, c'est la concurrence à long terme de l'industrie. Pour vous donner quelques exemples, 75 p. 100 des activités de ma société concernent le commerce international avec les États-Unis, soit l'importation de marchandises américaines, soit l'exportation de marchandises canadiennes. Toutes ces industries évoluent dans un contexte très concurrentiel—celui du minerai de fer, de l'acier, du sel et du granulat—et pourtant, les États-Unis n'imposent pas de frais similaires pour l'utilisation des services de la Garde côtière.
D'autre part, ils n'exigent aucun frais pour l'utilisation des écluses à Sault Ste. Marie et sur le Saint-Laurent. Le régime obligatoire de pilotage que nous avons sur le Saint-Laurent n'existe pas chez eux. Les Américains considèrent le transport maritime comme un élément essentiel de l'infrastructure américaine des transports et le traite en conséquence. Nous estimons que les droits de services maritimes canadiens variant selon la taille du navire et le type de marchandises transportées ne font qu'augmenter le coût des produits canadiens. Par exemple, si l'on met en concurrence sur le marché américain du minerai de fer de Port-Cartier avec du minerai américain qui n'est assujetti à aucun de ces frais, la différence s'élève à trois dollars la tonne sur nos navires. C'est une différence énorme.
Je vais vous donner un exemple de la conséquence la plus ridicule des droits de services maritimes. Dans la région des Grands Lacs, le Canada et les États-Unis ont conclu un traité international sur la fourniture des services de brise-glace. Ce traité préconise le partage des responsabilités et une approche opérationnelle pratique. Depuis que la Garde côtière impose des droits de brise-glace au Canada, nous nous trouvons dans la situation ridicule où un brise-glace canadien peut offrir gratuitement ses services à un navire américain transportant une cargaison américaine qui est en concurrence directe avec les navires canadiens transportant des cargaisons canadiennes. Mais, comme c'est souvent le cas, lorsqu'un de nos navires transportant une cargaison canadienne destinée au marché américain obtient l'aide d'un brise-glace américain, nous sommes facturés par la Garde côtière canadienne, si les eaux sont encombrées par les glaces et même s'il s'agit d'un brise-glace américain ou même d'un navire privé. Voilà un des résultats ridicules découlant de l'application des droits de services maritimes.
Quelle est la situation aujourd'hui? Je reviens à mes premiers commentaires et à la recommandation du Comité Scott selon laquelle il ne fallait appliquer aucun programme national de recouvrement des coûts tant que la Garde côtière n'aurait pas clairement défini les coûts de ses services et les niveaux de service futurs et prouvé sa capacité de maintenir les coûts au plus bas niveau d'exploitation possible. Cinq ans plus tard, l'industrie et la Garde côtière se posent toujours les mêmes questions qui sont le point faible du programme depuis le tout début: quels sont les coûts véritables des services maritimes? Quelle est la part appropriée que doivent assumer les utilisateurs commerciaux? Quel est le niveau de service requis et le niveau de service approprié?
À titre d'exemple, l'inclusion des coûts des immobilisations dans le régime de recouvrement fait toujours l'objet d'un débat passionné. Il s'agit de savoir exactement si le Conseil du Trésor exige dans sa directive l'inclusion des coûts des immobilisations. Cela ne semble pas très clair. Dans certains cas, les coûts des immobilisations ne sont pas inclus; dans d'autres ils le sont. Et ce n'est qu'un exemple.
La portion du programme de recouvrement des coûts de la Garde côtière touchant les frais d'immobilisations est importante; elle représente au moins un tiers des coûts totaux. Par conséquent, ce genre de questions pose des difficultés considérables pour l'industrie.
• 1550
Sur ce commentaire, je vais laisser la parole à Paul Gourdeau.
Le président: Merci, monsieur Smith.
M. Paul Gourdeau (vice-président de Fednav Limited, Fédération maritime du Canada): Merci, Wayne. Monsieur le président, membres du comité, comme on vient de le mentionner, je m'appelle Paul Gourdeau. Je travaille à Fednav Limitée, une compagnie de transport international basée à Montréal. Nous exploitons une flotte de 60 à 80 navires dans le monde entier. Je dis 60 à 80 navires, non pas parce que je ne sais pas combien nous en avons, mais parce que leur nombre varie constamment, en fonction des conditions du marché.
Si je présente mes commentaires maintenant, c'est par souci de maintenir une certaine fluidité dans nos cinq témoignages sur la question des niveaux de service.
Une des questions difficiles auxquelles nous avons été confrontés dans nos rapports avec la Garde côtière et le MPO depuis trois ou quatre ans, en ce qui a trait au recouvrement des coûts, a été la nécessité de définir quels étaient les niveaux de service dont avaient besoin les transporteurs commerciaux pour assurer la bonne marche de leur flotte et de leurs activités. Il y a plusieurs raisons. Une d'entre elles consiste à décider comment répartir le coût des services de la Garde côtière entre les trois principaux groupes d'utilisateurs—les pêcheurs, les plaisanciers et les transporteurs. Lorsque la politique a été annoncée, les trois groupes d'utilisateurs étaient, bien entendu, censés payer leur part. Cinq ans plus tard, nous découvrons que les plaisanciers ne payent rien et que les pêcheurs ne payent rien; seuls les utilisateurs commerciaux payent les services de la Garde côtière. On voit donc déjà que les promesses n'ont pas été tenues.
L'autre problème qui en découle, c'est qu'il faut décider comment répartir les dépenses de la Garde côtière, à qui devrait être attribués certains coûts, quel devrait être le niveau de recouvrement, comment il devrait être présenté et évalué. Par ailleurs, il y a des niveaux de service différents selon les régions. Il faut définir quels sont les coûts entre les régions, décider quelle tarification adopter. Cela n'a pas été facile. En fait, nous n'y sommes jamais parvenus totalement, puisque nous sommes toujours en désaccord.
Je vais vous donner un exemple précis. Un grand nombre de représentants de notre industrie a participé pendant plus d'un an avec la Garde côtière au comité sur les services de brise-glace afin d'établir un plan de déploiement de la flotte et de définir comment la Garde côtière devait déployer ses navires, combien de navires étaient vraiment nécessaires, etc. Cet exercice a plus ou moins eu pour avantage d'inciter la Garde côtière à complètement changer la façon dont elle déploie sa flotte; le déploiement est beaucoup plus pratique qu'il y a cinq ans. Par conséquent, nous avons peut-être fait des progrès à ce niveau-là.
Cela étant dit, il a fallu une année de discussions, d'examens des conditions de la glace, de la circulation et de tout le reste pour aboutir à un très beau rapport global signé conjointement par l'industrie et la Garde côtière. Ce rapport a été présenté à la Commission consultative maritime qui à l'époque était chargée d'examiner la question du recouvrement des coûts. Le rapport a été déposé. La Garde côtière s'en est chargée et pendant huit mois, il ne s'est rien passé. Huit mois plus tard, c'était le moment d'introduire les frais de brise-glace. C'est alors que la Garde côtière a présenté son plan qui comportait une augmentation considérable des niveaux de service et des coûts connexes doublés. Lorsque nous leur avons demandé ce qui s'était passé depuis qu'ils avaient signé le rapport dans lequel ils partageaient totalement notre point de vue, ils nous ont répondu: «Voilà notre position. Ce qui est important, c'est ce qui nous paraît être la demande estimée.» Autrement dit, cela signifie: «Ne perdez pas votre temps à discuter avec nous, puisque de toute façon nous allons imposer notre point de vue».
Inutile de vous dire que nous n'avons pas apprécié cette façon de faire. Jusqu'à présent, nous avons adopté une sorte de modus operandi, avec un moratoire de trois ans sur les frais de brise-glace. Cependant, nous n'approuvons pas du tout la façon dont l'affaire a été menée.
J'ai déjà parlé de la répartition des niveaux de service entre les divers groupes d'utilisateurs et du recouvrement des coûts auprès de chacun d'entre eux. Pour vous donner un autre exemple, le dragage a été un des premiers services à faire l'objet de mesures d'impartition et de recouvrement. À mon avis, cela se comprend très bien—mais c'est un point de vue purement personnel—puisque le seul service de la Garde côtière qui n'était pas offert par ses employés était le dragage. Il était confié à des sous-traitants. Par conséquent, c'était la mesure la plus facile à prendre par la Garde côtière sans toucher ses employés ni détruire son empire. Aussi, le ministre a décidé que la Garde côtière n'offrirait plus de services de dragage.
• 1555
De longues discussions ont lieu. Au début de la première
année, nous payions 2 millions de dollars; la deuxième année,
3 millions; la troisième année, 4,1 millions de dollars. Nous en
sommes maintenant au point où le dragage... Le service auquel je
fais allusion concerne le Saint-Laurent entre Cap-Brulé, juste
au-dessous de Québec, jusqu'à Montréal et il s'agit uniquement d'un
dragage d'entretien pour maintenir le chenal à la profondeur
indiquée sur la carte.
Cinq ans plus tard, nous payons l'intégralité des services de dragage, 100 p. 100 des coûts, y compris les salaires, les avantages sociaux etc... des employés de la Garde côtière qui surveillent les travaux effectués par des entrepreneurs privés chargés du sondage, de l'établissement des cartes, etc. Nous payons tout. On nous dit qu'il faut procéder de cette façon.
Il y a environ trois semaines, le MPO a annoncé, la bouche en coeur, qu'il va consacrer une enveloppe de 15 millions de dollars au dragage des marinas privées en Ontario. Nous n'en revenons pas. C'est tout simplement incroyable.
On peut s'entendre sur les niveaux de service. Par contre, on peut discuter des coûts des services. Mais il semble qu'il n'y ait ni rime ni raison dans tout cela. Par exemple, les niveaux de service diffèrent d'une région à l'autre, des Grands Lacs à la région Laurentienne ou la région de Québec. Depuis longtemps, la Garde côtière a éliminé les phares, a modernisé l'infrastructure des aides à la navigation par souci d'économie et c'est nous qui payons toute cette modernisation. Cela fait partie de nos coûts, cela fait partie du calcul des frais.
Dans certaines régions de la côte Ouest et de la côte Est, les phares sont magnifiques et il existe encore des phares habités par leur gardien. On débloque de l'argent pour la préservation de ces témoins du passé.
Dans le contexte d'un régime de recouvrement des coûts qui devrait viser à régir la demande, faire en sorte que les utilisateurs ne sollicitent pas des services dont ils n'ont pas besoin, faire en sorte que les services soient offerts de la manière la plus efficiente, tous ces facteurs nous montrent que... En toute honnêteté, nous avons de la difficulté à accepter ce raisonnement parce qu'il ne semble absolument pas donner les résultats escomptés.
Le dernier commentaire que je ferai avant de passer la parole à mon collègue vise à souligner certains arguments qui ont déjà été présentés. Nous devons non seulement soutenir la concurrence des autres transporteurs qui desservent les mêmes itinéraires que nous, mais nous devons également—et c'est extrêmement difficile—concurrencer le réseau fluvial du Mississippi et la flotte américaine de la côte Est.
Chaque hiver, nous présentons des soumissions pour le transport de cargaisons d'acier et de matières premières destinés à l'Ontario, principalement aux aciéries de la région de Hamilton et chaque année nous nous cassons le nez parce que nous ne pouvons tout simplement pas faire concurrence aux navires qui se rendent jusqu'à Philadelphie et qui poursuivent la livraison par voie ferroviaire par les États-Unis jusqu'à Hamilton plutôt que par Montréal.
Pendant l'été, nous essayons, dans certains ports, surtout du côté américain, de transporter des cargaisons d'acier provenant du Brésil à destination de la région de Cleveland. La concurrence pour ce genre de marché est absolument féroce, puisque nous devons nous battre contre la voie fluviale du Mississippi et c'est extrêmement difficile. Le U.S. Army Corps of Engineers investit chaque année des montants énormes dans ce réseau fluvial. Et comme il n'y a aucun frais d'utilisation, les règles du jeu ne sont pas égales.
Je crois avoir terminé pour le moment et je vais laisser la parole à M. Beaupertuis.
Le président: Vous me facilitez drôlement la tâche aujourd'hui!
M. Paul Gourdeau: Je m'en excuse.
M. Ernest Beaupertuis (surintendant principal, Algoma Tankers; St. Lawrence Shipoperators Association): Bon après-midi, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Ernest Beaupertuis. Je suis le porte-parole des St. Lawrence Shipoperators, mais j'ai moi-même été marin pendant 20 ans et j'ai navigué partout, des Grands Lacs à l'Extrême- Arctique.
Lorsque j'ai commencé à naviguer, je me souviens qu'il y avait de centaines de navires sur les voies navigables. Nous disposons en plein coeur des Amériques d'une voie navigable qui n'a son pareil nulle part. Aujourd'hui, 30 ans plus tard, on compte seulement de 65 à 75 navires canadiens. Pourquoi? Est-ce parce que nous ne sommes pas assez concurrentiels? On peut se poser la question.
Le gouvernement a décidé que l'industrie doit s'autodiscipliner. L'industrie a réagi. Elle a reconnu que c'était un argument valable. Le transport par eau fait concurrence au transport ferroviaire. Il fait concurrence au transport routier et les transporteurs maritimes se plaignent d'être désavantagés, mais qu'ont-ils fait pour améliorer leur façon de travailler?
• 1600
C'était un argument valable et nous l'avons examiné. Nous
avons formé notre personnel. À une certaine époque, il y avait
8 000 marins sur les navires canadiens. Actuellement, il y en a à
peu près 3 500, au mieux. Nous avons investi dans la formation afin
de fournir un service plus efficient et plus sécuritaire.
Nous avons fait l'acquisition de matériel de navigation extrêmement précis afin de pouvoir naviguer dans ces eaux et dans les eaux environnantes en toute sécurité et de manière efficiente. Nous y avons consacré beaucoup d'argent.
Nous avons également acheté de l'équipement pour la navigation dans les eaux encombrées de glaces. Nos navires sont de première qualité, de classe 1.
Nous pensions, comme on nous l'avait dit, que la Garde côtière serait notre partenaire dans cette aventure. Nous attendons toujours.
Comme l'ont mentionné ceux qui m'ont précédé, nous ne sommes pas certains que la Garde côtière utilise bien les fonds qui lui sont alloués. Il est question ici également de création d'emplois. Nous perdons un potentiel tout à fait réel d'être vraiment très compétitifs. Il y a des gens très compétents qui s'en vont ailleurs parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'emplois ici. Comme je l'ai déjà dit, la Garde côtière était censée collaborer avec nous.
Lorsque nous avons acheté ce matériel de navigation de précision, notre objectif était d'utiliser cette technologie de pointe pour naviguer en nous passant des bouées. La Garde côtière avait mis en place un programme visant à éliminer les bouées qui n'étaient pas indispensables. Plus les bouées sont nombreuses, plus les navires chargés de leur entretien sont nombreux. L'investissement nécessaire pour les baliseurs est d'environ 20 millions de dollars.
Nous avons cet équipement, dans lequel nous avons beaucoup investi, mais les bouées sont toujours là. Voilà un exemple de ce qui se passe.
Les gens qui m'ont précédé ont également mentionné que nous payons des frais de brise-glace même si nous n'utilisons pas le service. Nous voulons collaborer de bonne foi avec le gouvernement afin de discipliner l'industrie. Malheureusement, un organisme du gouvernement reste encore à la traîne.
Nous ne comprenons pas pourquoi la Garde côtière n'applique pas les mêmes principes de fonctionnement que nous le faisons dans le privé en nous efforçant d'être extrêmement efficients et de réduire les coûts au minimum. C'est possible, mais la Garde côtière n'a rien de tel pour le moment.
C'est pourquoi, nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation telle que nous ne sommes plus compétitifs. Nous nous battons pour notre survie. Nous avions accepté de payer ces frais que nous considérions comme un moyen d'améliorer l'industrie, d'améliorer l'économie canadienne en général, espérant qu'ensemble, nous pourrions créer plus d'emplois.
En tant qu'industrie, nous avons fait notre part. Je pense que les frais qu'on nous impose réduisent notre marge bénéficiaire. Nous sommes plus productifs, mais nous sommes moins rentables. Nous sommes moins rentables parce que le gouvernement n'a jamais été notre partenaire, et c'est bien dommage. Le gouvernement nous a imposé certaines conditions. Les temps étaient difficiles. Les temps étaient éprouvants. De nos jours, la situation s'est améliorée et les frais sont nécessaires. On devrait peut-être y penser.
Voilà où nous en sommes. Nous comptons sur vous pour analyser sérieusement ce problème. C'est à vous de tracer les voies essentielles. L'économie canadienne s'est développée grâce aux voies navigables et nous sommes en train de perdre cette magnifique possibilité de reprendre notre position compétitive et d'augmenter la sécurité et l'efficience sur ces voies navigables.
Mesdames et messieurs, je pense que j'ai fait le tour de la question et que j'ai dit tout ce que j'avais à dire en m'adressant à des représentants responsables du gouvernement. J'espère que vous serez en mesure de comprendre la situation que nous traversons.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Beaupertuis.
Monsieur Gaudreault.
[Français]
M. Ross Gaudreault (président, Société du Port de Québec, Sodes): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité,
[Traduction]
Je suis président et chef de la direction du port de Québec,
[Français]
l'administration portuaire de Québec,
[Traduction]
et dans quelques semaines, je serai président de l'AAAP, l'Association américaine des autorités portuaires. Je serai le premier Canadien élu sans concurrent depuis 85 ans. Notre association représente tous les ports des 34 pays de l'hémisphère occidental. J'étais en concurrence avec eux, aussi je sais de quoi je parle.
Nous exploitons une entreprise très concurrentielle. Mes concurrents ne sont pas les autres ports du Canada. Je connais mes concurrents. Je suis vendeur et lorsque mes clients jugent que je suis trop cher, ils ne sont pas tenus de faire affaire au Canada et d'utiliser le Saint-Laurent.
Est-ce que nous manquons tant que ça d'argent au Canada? Est-ce que nous sommes si fauchés au Canada que nous ne pouvons nous permettre de draguer le Saint-Laurent, une des voies navigables les plus importantes du monde qui rapporte des milliards de dollars en retombées économiques au Canada? Nous sommes complètement fauchés au Canada. C'est incroyable que nous ne puissions pas nous permettre de draguer le Saint-Laurent.
[Français]
Cela ne se peut pas.
[Traduction]
J'essaie d'apporter des clients au Canada et nous faisons concurrence au Mississippi où je perds mes contrats pour une différence de quelques cents par tonne... et ça ne leur coûte rien pour draguer le Mississippi.
Il faut considérer toutes les retombées économiques que nous apportons. En ce moment, le secteur des croisières connaît une immense prospérité. D'ici quatre ans, des nouveaux navires totalisant 20 milliards de dollars seront sur le marché. Ces nouveaux navires sont à la recherche de nouvelles régions. J'essaie de faire la promotion de Québec et du Canada. Ils n'ont aucune obligation à venir chez nous. Tous les ports de l'Occident veulent les attirer.
Savez-vous quelles sont les retombées économiques pour la région lorsque je parviens à faire venir à Québec un navire qui propose des croisières deux fois par semaine à partir de Québec? Cela représente 140 millions de dollars par an. C'est 40 millions de dollars pour les deux paliers de gouvernement. Voilà ce que ce secteur rapporte au Canada. C'est un apport extrêmement important.
Quant à moi, je pense que le recouvrement des coûts est une vaste fumisterie. Le Canada doit pouvoir fonctionner sans récupérer les coûts. Ce qu'il nous faut, ce n'est pas le recouvrement des coûts, mais une meilleure gestion de la Garde côtière. Il est certain qu'elle a beaucoup dépensé depuis 20 ans, mais nous sommes au Nouveau Monde.
Au port, j'ai réduit mes coûts. J'ai réduit mon personnel de moitié; j'ai licencié 50 p. 100 de mes employés parce qu'il me fallait être plus compétitif.
Voilà exactement ce que doit faire la Garde côtière: mieux gérer ses affaires. Réduire ses coûts. Fonctionner comme une entreprise privée.
Au Canada, nous devons être de meilleurs exploitants. Nous devons être très compétitifs. Je suis le commis voyageur qui fait du porte-à-porte pour attirer des clients au Canada. Si je n'ai rien à leur proposer, ils ne viendront pas au Canada. Ils iront au Mississippi ou ailleurs. En Italie, il y a de magnifiques bateaux de croisière. Tous les pays veulent attirer les bateaux de croisière, mais pour ça, monsieur le président, il faut être très compétitif.
En passant, le seul autre port du Canada que je peux concurrencer c'est Churchill. Comment se fait-il que le port de Churchill ne paie pas de services de brise-glace alors que j'en paye à Québec? Ce n'est pas juste.
[Français]
Vous avez la fin, mon cher monsieur.
[Traduction]
Le président: J'ai pensé un instant que vous alliez nous proposer de partir en Italie pour examiner la situation là-bas.
M. Ross Gaudreault: Non.
M. Guy Dufresne: Monsieur le président, les personnes qui se sont adressées à vous sont des spécialistes. En ce qui a trait aux frais d'utilisation, nous avons convenu avec plusieurs ministres qu'il y a deux principes importants. Le premier, c'est que les industries doivent demeurer compétitives au Canada et, lorsque nous entamerons toute cette affaire, le deuxième objectif est que les coûts du gouvernement diminuent.
Nous avons dit au gouvernement que l'industrie acceptait ces deux principes.
Tous ensemble aujourd'hui, nous avons brossé un tableau clair de la situation, pour la première fois au Canada. Vous venez de toutes les régions du pays.
Nous avions une coalition regroupant des gens de Victoria à Saint John; toutes les industries de tous les secteurs se sont entendues pour dire que cela n'avait aucun sens. Et voilà ce que nous présentons au gouvernement. Il est très difficile d'obtenir l'accord de toutes les entreprises.
• 1610
Nous nous sommes entendus sur un moratoire. Le gouvernement a
imposé un moratoire sur cette question. Mais lorsqu'un système nuit
à la compétitivité de l'industrie par rapport au Mississippi ou
même par rapport à l'intérieur du pays, cela nous... N'oubliez pas
que nous expédions de 80 à 90 p. 100 de nos produits à l'extérieur.
Voilà ce qui permet de créer des emplois dans le Nord, des milliers
d'emplois dans un environnement très difficile. Notre minerai est
deux fois moins riche que celui de nos concurrents et nous pouvons
quand même nous débrouiller. C'est pourquoi nous devons être plus
efficients. Nous possédons le système le plus efficient du monde.
Mais, une fois qu'on a atteint un tel niveau, si on nous impose des
frais supplémentaires, ce n'est pas juste.
Nous espérions que notre gouvernement collaborerait avec nous pour faire concurrence au Brésil et aux autres pays du monde. Nous étions censés former un partenariat. On aurait pu envisager les frais d'utilisation dans la mesure où ils ne nuiraient pas à la compétitivité de l'industrie et à condition que le gouvernement nous écoute. Mais dans ce cas-ci, nous en prenons des deux côtés: non seulement le gouvernement ne nous écoute pas, mais en plus les mesures qu'il prend rendent l'industrie non compétitive.
Si vous voulez connaître notre point de vue, les frais d'utilisation devraient être annulés dans ce cas, parce qu'ils rendent notre industrie non compétitive. Les transporteurs du Mississippi ne paient pas de frais d'utilisation. Un navire qui se rend dans le Saint-Laurent ne paie rien à un port américain. Dans un port canadien, il paie des milliers de dollars. Comment voulez-vous faire face à la concurrence dans de telles conditions? J'ai un port, un port privé, le deuxième plus grand en importance au Canada, une balise, pas de glace. Au départ, je devais payer 6 millions de dollars, la note la plus élevée de tout le pays. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'intervenir. Depuis, ils ont réduit la note, mais c'est encore trop.
Ce n'est pas comme si les frais d'utilisation avaient une certaine utilité. Dans ce cas-ci ils rendent l'industrie non compétitive. Ils ne respectent pas le premier principe. Mais nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement. Nous avons fait des suggestions sur la façon de réduire les coûts et d'utiliser la nouvelle technologie, Nous avons des compétences dans ce domaine. Nous savons en effet qu'en tant que Canadiens, nous devons offrir des tarifs inférieurs. Nous sommes prêts à le faire, nous sommes prêts à aider, mais nous ne sommes pas prêts à payer le prix pour exporter à l'extérieur les emplois canadiens. Et pourtant, c'est ce qui se passe actuellement avec le système en place. C'est pourquoi c'est si important. Il y a tant de gens, partout au Canada, dans toutes les industries, qui affirment la même chose.
Nous voulons bien aider. Nous sommes prêts à utiliser la technologie de pointe. Je peux vous raconter une anecdote là- dessus. Lorsque je suis arrivé, le premier commissaire, le chef de la Garde côtière m'a dit que je ne pouvais pas utiliser le GPS, parce que c'était dangereux. Or, vous savez que dans le monde entier, tous les avions utilisent le GPS au moment de l'atterrissage.
Nous devons collaborer tous ensemble et utiliser la technologie la plus récente. Le Canada est un grand pays et a besoin d'un système de transport maritime peu coûteux.
Il faut également penser aux autres effets secondaires. Le transport maritime est probablement le moins nocif pour l'environnement. Vous votez à Kyoto pour la réduction des émissions de gaz. Sous cet angle, notre industrie est également la meilleure. Est-ce que les politiques gouvernementales encouragent notre secteur? Non. Elles le découragent en imposant des frais.
On pourrait disserter pendant longtemps. Vous notez sans doute une certaine frustration, non pas parce que les intentions étaient mauvaises. Je pense que les intentions étaient très bonnes, mais les résultats ont été désastreux et ce n'est pas la solution. Mais nous acceptons de collaborer et de constituer un partenariat en vue de réduire les coûts au Canada.
Le président: Merci, et merci à tous nos témoins. Évidemment, nous avons entrepris cette étude sur le recouvrement des coûts, parce que nous savons que des problèmes se posent dans certains secteurs. Nous vous remercions de votre contribution.
Nous allons commencer notre tour de table de dix minutes par M. Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Je vais me contenter de faire une toute petite remarque, après quoi je céderai la parole à mon collègue.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous de votre exposé ici aujourd'hui. Vous avez très bien su faire valoir votre point de vue. Je suis allé faire un tour récemment du côté du Mississippi et j'ai vu l'énorme quantité de marchandises qui montent et qui descendent ce qui est somme toute une simple artère commerciale. C'est incroyable. Je sais que le corps des ingénieurs de l'armée américaine fait tout le travail et que vous êtes terriblement désavantagés.
• 1615
Je tiens tout simplement à vous dire que l'Alliance canadienne
prend cette question très au sérieux. Nous nous y intéressons
depuis un certain nombre d'années déjà. Nous sommes déçus que le
président du Conseil du Trésor n'ait pas répondu aux lettres au
sujet des problèmes associés au recouvrement des coûts. Ils sont
nombreux. Nous sommes conscients des pressions concurrentielles qui
s'exercent sur vous et soyez assurés que nous faisons tout ce que
nous pouvons. J'ai présenté un projet de loi d'initiative
parlementaire pour que le Parlement examine la question du
recouvrement des coûts afin que ces droits ne soient pas
arbitraires et que les gens en aient pour leur argent.
Je vais m'arrêter ici et laisser mon collègue vous poser quelques questions.
Le président: Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Je voulais vous donner l'occasion de nous parler de la concurrence internationale. Vous dites ici, au point 2 de votre document:
-
Le gouvernement doit s'efforcer de bien comprendre et de
reconnaître les déséquilibres qui se créent sur le plan de la
concurrence lorsque les entreprises canadiennes doivent payer pour
les services gouvernementaux ce que la concurrence internationale
n'a pas à payer sur des marchés concurrentiels similaires.
J'aimerais savoir où nous nous situons au juste sur la scène internationale. Quels sont les chiffres? À Vancouver, on entend souvent dire, même aux émissions-débats à la radio, qu'il faut faire un choix entre Seattle et Vancouver et que la situation peut facilement devenir conflictuelle. C'est la même chose sur la côte Est où on a le choix entre un port du Canada atlantique et un autre de la côte américaine. C'est une question de coûts relatifs. Vous pourriez peut-être nous donner une idée de l'ampleur du problème. Quels sont les chiffres lorsqu'il faut faire un compromis comme celui-là?
Je suis très fier du port Fraser dans ma propre circonscription. C'est un des modèles qui est administré indépendamment depuis longtemps sans aucune subvention. C'est celui qui a inspiré les nouveaux modèles de fonctionnement des ports actuels. C'est donc une question qui me préoccupe. Qu'est-ce qui va passer par le port Fraser? Quels moyens le gouvernement peut-il prendre ou ne pas prendre pour que des emplois soient créés dans ma communauté plutôt qu'ailleurs?
Vous pourriez peut-être nous éclairer un peu sur le contexte de la concurrence internationale et nous donner des chiffres et des pourcentages.
M. Paul Gourdeau: Je pourrais peut-être vous donner un exemple de chose qui arrivent à peu près chaque jour à ma compagnie. Nous recevons un téléphone d'un gros commerçant de grains. Le gars a un acheteur, disons en Italie. Il veut acheter 25 000 tonnes de blé, par exemple. Il nous dit ce qu'il veut au juste.
Le bonhomme va faire deux choses. Il va appeler les Australiens, les Argentins, les Américains, les Canadiens, peu importe, pour voir où il peut s'approvisionner. On va lui donner un prix pour la livraison dans différents ports. Il ira ensuite voir une société de transport maritime comme la nôtre dont les bateaux transportent des marchandises partout dans le monde et nous demander quel est notre prix de Québec, de Thunder Bay, du Mississippi, de La Plata et ainsi de suite et faire l'addition.
Non seulement je risque de perdre la commande si elle est passée sur un marché où nous n'occupons pas une position dominante et où nos concurrents vont nous faucher l'herbe sous les pieds, mais il se pourrait aussi que le producteur ne soit pas capable de vendre son blé parce que le commerçant va l'acheter en Argentine ou au Mississippi plutôt qu'au Canada, à cause des coûts ajoutés. Si la différence est de 25 ou 50 cents le boisseau, sayonara, il va aller voir ailleurs.
Ce n'est qu'un exemple. Cela se passe tous les jours, partout dans le monde. On parle ici de produits importants, de quantités énormes, et tout le monde cherche à protéger sa marge. C'est une question de cents par tonne, mais ce sont les règles du jeu. Il ne sert à rien de pratiquer la politique de l'autruche.
M. Guy Dufresne: Oui. Je vais vous donner une idée du niveau des prix. Le minerai de fer se vend aujourd'hui, en dollars constants, à un prix inférieur de 40 p. 100 à ce qu'il était il y a 25 ans. Si on n'arrive pas à augmenter sa productivité, c'est peine perdue. Le prix ne représente que 40 p. 100 du prix il y a 25 ans et la tendance n'est pas à la hausse. Donc, chaque pièce de un, cinq ou dix cents compte.
• 1620
Nous vendons de grosses quantités de marchandises et s'il y a
une différence... Quand on expédie en Chine, le transport est un
aspect très important. Quand on expédie en Europe... notre marché
en vrac est l'Europe.
Nous nous trouvons en concurrence avec d'autres. Les Brésiliens n'ont pas à payer ce genre de frais et leur minerai est deux fois plus riche que le nôtre. C'est un monde très concurrentiel. C'est pourquoi la marge de profit n'est pas grande. Wayne a parlé de trois dollars la tonne, mais il nous en coûte cinq dollars la tonne pour acheminer nos produits vers l'Europe. Imaginez ce que trois dollars la tonne peuvent faire ici dans les Grands Lacs. Nous n'avons aucune chance de soutenir la concurrence.
M. Paul Forseth: Ma question s'adresse à M. Gaudreault. Vous avez parlé des croisières. J'ai examiné la question dernièrement et je crois savoir que la Princess Cruises, qui fait des croisières dans la Riviera mexicaine, va modifier son itinéraire l'an prochain pour la simple raison qu'un des ports mexicains a modifié les droits. La compagnie a dit qu'elle n'y irait plus.
M. Ross Gaudreault: C'est tout à fait exact.
M. Paul Forseth: Vous voulez que les bateaux de croisière continuent à fréquenter Québec, mais il y a des ports d'escale tout le long de la côte Est. La saison prochaine, les croisiéristes pourraient très bien décider de ne plus aller à Québec s'il y a un rajustement.
Si vous pensez à vos concurrents, quels sont les inconvénients auxquels se heurte votre port sur le plan des coûts par comparaison à d'autres situés un tout petit plus au sud? De quel genre de chiffres parlons-nous?
M. Ross Gaudreault: Je ne peux pas vous dire exactement combien de cents au juste, mais chaque cent compte. Le port dont vous parlez est celui d'Acapulco. Acapulco a décidé d'augmenter ses droits et les croisiéristes ont dit qu'ils n'y iraient plus. Ils ne sont pas obligés d'y aller. La demande est forte partout dans le monde et leurs bateaux peuvent aller n'importe où.
Donc, tous les coûts supplémentaires qu'ils doivent payer lorsqu'ils viennent dans le Saint-Laurent—ils ont deux pilotes à bord au lieu d'un seul, ce qui leur coûte plus cher et il faut aussi ajouter le coût du dragage. On fait l'addition et si la note est trop élevée, on va éviter le Saint-Laurent. C'est ce que je veux dire. Tous les coûts supplémentaires ont une incidence négative sur les affaires dans le Saint-Laurent. Princess a décidé de ne plus aller à Acapulco en raison d'une toute petite augmentation des coûts. Et on parle dans ce cas-ci de milliers et de milliers de passagers. C'est une perte.
M. Paul Forseth: Quel port situé à proximité est le plus gros concurrent de Québec?
M. Ross Gaudreault: En fait, les croisières... Bien sûr, Québec est une ville très spéciale et nous sommes très en demande. Les passagers nous donnent une note de 8,9 sur 9 pour la satisfaction. Je sais que mon collègue vit sur la rive sud de Québec...
Nous pourrions perdre notre clientèle au profit de la Méditerranée. Les nouveaux bateaux doivent se trouver un créneau. S'il est trop coûteux d'aller dans la Saint-Laurent, on va envoyer ces bateaux dans la Méditerranée. La demande est forte actuellement dans la Méditerranée. Même les Russes et les Italiens veulent avoir des bateaux de croisière. Ou ils peuvent naviguer de New York à Bangor, Portland, et aller ensuite à Halifax avant de revenir à New York. Ils ne sont pas obligés de venir dans le Saint-Laurent.
Ils viennent chez nous parce que nous avons quelque chose de très spécial à leur offrir. Nous avons une des plus belles villes au monde et c'est pourquoi ils viennent dans le Saint-Laurent. Mais si nous sommes trop coûteux, ils ne viendront pas. Nous n'obtiendrons pas notre part de ce nouveau marché, de ce nouveau marché de 20 millions de dollars. Ils continueront à venir ici en septembre et en octobre, mais nous voulons qu'ils viennent aussi en juin, juillet et août. C'est ce à quoi nous travaillons.
M. Paul Forseth: Bien. C'est tout.
Le président: Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je signale en passant que c'est une journée un peu spéciale. Je ne suis pas membre du Comité des finances mais du Comité de l'industrie, et il y aura ce soir un débat sur le projet de loi sur la construction navale, le projet de loi C-213, que j'ai présenté. Vous comprenez donc que je suis un allié assez naturel pour vous, parce que je veux qu'un plus grand nombre de bateaux soient construits. Je suis intéressé à ce que le reste du monde maritime fasse de l'argent pour construire des bateaux.
Je pense que vous avez soulevé un point bien important hier. L'été dernier, j'ai vu le Mississippi, où des équipements du ministère de la Défense des États-Unis remorquaient des barges. Le gouvernement américain y met le paquet parce que le Mississippi est un concurrent important du Saint-Laurent en termes de voie navigable.
• 1625
Vous avez dit plusieurs choses, mais je vous poserai
la question suivante. Quelle est la priorité pour vous?
Vous dites que vous avez accepté qu'il y ait un
moratoire, mais qu'il faut une politique à long terme.
Vous n'avez pas parlé de fiscalité. Vous
auriez pu en parler, parce qu'il y a des travailleurs
maritimes qui vous échappent parfois au profit de vos
concurrents américains ou autres.
Je sais bien qu'il y a des pays où ils ne payent pas
d'impôts. Parmi toutes les possibilités, quelle est la
chose que vous trouvez prioritaire, urgente et pour
laquelle il faut une mesure?
M. Guy Dufresne: On est ici pour parler du concept de l'utilisateur-payeur. Dans notre cas, il y a deux principes qui prévalent. Le premier, c'est que les industries demeurent compétitives, et le deuxième comporte deux objectifs. Le premier de ces objectifs, c'est que les gouvernements réduisent leurs coûts. Le concept de l'utilisateur-payeur, dans ce cas-ci, rend les entreprises non compétitives et nous pénalise. Si vous nous demandez quel est notre objectif par rapport à cela, je vous répondrai que c'est d'arriver.
On n'est pas au même niveau que le Mississippi. On n'est pas au même niveau que les autres endroits dans le monde. On devrait éliminer les frais d'utilisation. Par contre, on est bien d'accord pour travailler avec le gouvernement afin de réduire les coûts en utilisant la nouvelle technologie.
Quand on a dit au gouvernement que 5 000 bouées étaient utilisées et que tous nos pilotes disaient qu'on pouvait en utiliser seulement la moitié, on nous a répondu que ce n'était pas possible. C'est drôle, mais il y en a maintenant plus de 30 p. 100 qui ont été enlevées. Mais la première réponse, c'était non. Pourquoi? Parce qu'il y avait un groupe qui s'occupait seulement de cela. Ce qu'il faut, c'est qu'on réduise les coûts du gouvernement, mais pas aux dépens de la compétitivité de l'industrie, parce que là, ce sont des emplois qu'on exporte.
M. Antoine Dubé: Je comprends cela et M. Gaudreault a parlé de la perte, finalement. En fait, vous essayez de convaincre le gouvernement d'une chose: s'il vous considère vraiment comme des partenaires et qu'il veut se sentir impliqué dans l'industrie en cherchant à limiter les frais, cela entraînera des retombées économiques et des rentrées d'argent dans ses coffres.
Quand cela a commencé, c'était dans le cadre d'une politique générale du gouvernement, qui voulait réduire son déficit et même l'annuler. Maintenant, l'objectif est atteint et on a des choix. Pensez-vous, à ce stade-ci, qu'il n'y a plus vraiment de raison de continuer à chercher à recouvrer les coûts?
M. Guy Dufresne: À ce stade-ci, on a encore les deux mêmes objectifs. On veut garder l'industrie compétitive, et cela veut dire l'élimination des coûts d'utilisation. Mais on veut travailler avec le gouvernement, parce qu'on est conscients qu'il faut que les coûts du gouvernement baissent. On est prêts à travailler avec eux afin de trouver des façons d'y arriver.
On nous a dit que les coûts s'élevaient à 15 000 $ par bouée. Je ne sais pas si c'est encore vrai, mais c'est ce que ça coûtait au gouvernement. Dans l'entreprise privée, dans les Grands Lacs, il en coûte 1 500 $ par bouée, soit un dixième du coût. Il y a peut-être des façons de réduire les coûts autrement qu'en faisant payer les utilisateurs.
M. Antoine Dubé: Vous dites que les Américains constituent le marché principal. Je ne suis pas le dossier du transport maritime de façon aussi régulière que peut le faire Michel Guimond, mais ne devait-il pas y avoir des négociations bilatérales avec les États-Unis? En attendant, si on posait comme condition que les Américains modifient leurs politiques pour qu'elles s'arriment avec les nôtres, est-ce que cela pourrait vous satisfaire?
M. Guy Dufresne: Oui, mais cela ne changerait pas le fait qu'on va beaucoup en Europe et ailleurs. Et en attendant, les bateaux que mon ami Paul ou Ross manque, ils sont manqués. Si tout le monde chargeait plus cher, ce qui me surprendrait beaucoup, ce serait différent, mais c'est une hypothèse qui n'a pas encore été démontrée et cela ne s'est pas fait. Il n'y a que nous et nous sommes pénalisés.
M. Antoine Dubé: Votre voeu est que soient éliminés ces frais en attendant qu'il y ait autre chose à l'échelle internationale, mais on peut penser que cela va prendre beaucoup de temps. Est-ce que cette différence serait suffisante pour que vous soyez concurrentiels ou s'il faudrait aborder d'autres dimensions?
M. Guy Dufresne: Monsieur, on aborde plusieurs dimensions. Comme je le disais, on vend notre produit à un prix équivalant à 40 p. 100 de notre prix d'il y a 25 ans et les salaires ont triplé. Donc, on paie bien d'autres dimensions. On positionne nos camions dans notre mine par satellite. On a l'usine de bouletage la plus efficace au monde, mais notre minerai est deux fois moins riche que celui de nos concurrents. Il faut donc compenser. On travaille très fort pour compenser. Quand on se fait imposer des coûts additionnels, chaque coût additionnel nous rend la tâche plus difficile. À un moment donné, ce sont les jobs qui vont partir.
M. Antoine Dubé: Voici un dernier point. J'ai travaillé au sein d'une coalition pour la construction navale, comme vous l'avez fait, et je sais très bien que ce n'est pas facile parce que les intérêts sont parfois différents au sein du groupe. Vous l'avez fait, et je vous en félicite. Je suis un passionné du domaine maritime. Je vois les bateaux passer et je vois le Port de Québec. Je voudrais bien qu'ils viennent davantage sur la rive sud, mais ça, c'est autre chose. On réglera ça avec M. Gaudreault.
Le Canada est un grand pays qui a beaucoup d'espaces d'eau ainsi que la voie navigable intérieure la plus longue au monde. Cette voie est proche du marché américain, qui est le principal marché au monde. Supposons qu'on convainc tout le monde de cela. Il me semble qu'il y aurait lieu de faire un sommet qui réunirait les gouvernements et tous les individus intéressés pour penser à quelque chose d'encore plus important qui irait au-delà de cela, à toutes les autres mesures.
M. Guy Dufresne: Avant de penser aux autres mesures, qu'on commence donc par corriger celles qui font mal. Ensuite on aura le temps de s'asseoir et de voir comment on peut s'améliorer. Cela nous a été imposé dernièrement, et tous nos concurrents dans le monde ne sont pas assujettis à une telle mesure.
M. Antoine Dubé: Oui, mais j'ai une crainte.
M. Guy Dufresne: Commençons par corriger la mesure et ensuite on pourra améliorer les choses. On a beaucoup d'idées pour améliorer les choses.
M. Antoine Dubé: J'ai une crainte, monsieur Dufresne. On est au Comité des finances aujourd'hui. Personne de l'autre côté ne l'a confirmé, mais il y a des possibilités d'élection. Pour que les choses changent, il faut plus qu'une politique; il faut des lois et des programmes. J'ose espérer que mes collègues d'en face souhaitent autant que moi que les choses se règlent rapidement. Évidemment, vous pouvez compter sur le Bloc québécois. On est dans l'opposition, on représente les intérêts du Québec et on est derrière vous à 100 p. 100.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Dubé.
Nous allons commencer par M. Gallaway, qui sera suivi de Mme Redman, puis de M. Pillitteri.
N'oubliez pas que les témoins doivent partir à 16 h 55. C'est bien ça?
M. Guy Dufresne: Je peux rester un peu plus longtemps. Certains d'entre nous doivent partir, mais pas tous.
Le président: D'accord. Je voulais simplement confirmer que les témoins ne doivent pas tous nous quitter.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Très rapidement, je voudrais d'abord obtenir une précision, monsieur le président. J'ai vérifié avec la greffière et j'ai l'impression que les gens de la Garde côtière ne sont pas sur la liste. Je me demandais si nous pouvions obtenir le consentement unanime du comité pour les inviter ici.
Le président: Certainement. C'est d'accord.
M. Roger Gallaway: Parfait, merci.
Premièrement, les droits de services maritimes existent depuis 1998. Je dois vous dire que j'habite à Sarnia et que je survole le lac Huron chaque semaine, à quelque 2 000 pieds dans les airs à bord d'un Dash 8, en route vers l'aéroport de Sarnia. Or, depuis 1998, j'aurais pu briser la glace avec une chaloupe dans la partie sud du lac Huron parce qu'il n'y a pas eu de glace dans ce secteur.
On me dit—et nous pourrions peut-être en discuter ou le confirmer—que votre association a offert de briser la glace elle- même parce que vous pourriez le faire pour moins cher que la Garde côtière. Pouvez-vous me confirmer si cette offre a été faite ou s'il y a eu des discussions avec la Garde côtière à ce sujet-là? Et, si oui, quels ont été les résultats de ces discussions? Mais, d'abord, est-ce qu'il y en a eu?
M. Guy Dufresne: Oui. Le problème, pour certains membres de l'industrie, c'est que là où il y a de la glace, c'est très coûteux. Nous croyons que nous pourrions le faire pour moins cher. Mais ces gens-là sont pénalisés quand il y a de la glace. Dans mon port, il n'y a pas de glace non plus, mais cela fait partie de toute la structure tarifaire.
Ce qui compte, c'est qu'on ne nous facture rien. Si un port comme celui de Churchill n'a rien à payer pour les services de brise-glaces, pourquoi diable les gens de Sarnia devraient-ils payer? Est-ce qu'on demande aux camionneurs d'aider à l'enlèvement de la neige au Canada?
Nous avons un grand pays, un pays merveilleux. Mais il y a des problèmes, et ça fait partie du système. Ce que nous proposons, c'est de travailler avec la Garde côtière si c'est l'option qui coûte le moins cher, au total, pour le gouvernement. C'est le genre de chose que nous proposons; nous voulons trouver des moyens de réduire ces coûts. Mais si vous essayez de facturer tout le monde, vous aller tuer l'industrie canadienne.
M. Roger Gallaway: On me dit que 88 p. 100 des droits perçus dans les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent concernent le brisage des glaces.
M. Guy Dufresne: C'est vrai.
M. Roger Gallaway: Les dépenses réelles pour la Garde côtière sont peut-être inférieures à 50 p. 100, quelque part entre 40 et 50 p. 100. Personne ne le sait exactement. Une bonne partie de notre discussion découle d'une affaire liée aux droits d'homologation, l'affaire Eurig, en Ontario. Avez-vous songé à poursuivre la Garde côtière en justice?
M. Guy Dufresne: Non. Ce n'est pas de cette façon-là que nous voulons collaborer avec le gouvernement canadien.
M. Roger Gallaway: D'accord. Alors, avez-vous rencontré M. Massé, l'ancien président du Conseil du Trésor, et Mme Robillard?
M. Guy Dufresne: Oui. Je les ai rencontrés personnellement, et plusieurs d'entre nous ont rencontré M. Massé et d'autres ministres. C'est pourquoi nous sommes d'accord sur deux principes: il faut maintenir la compétitivité de l'industrie et travailler ensemble à réduire les coûts pour le gouvernement. C'est sur ce point-là que le système n'a pas atteint ses objectifs.
M. Roger Gallaway: Quand on regarde la Voie maritime du Saint- Laurent, est-ce qu'on n'a pas l'impression qu'il y a ce que j'appellerais de l'interfinancement? Est-ce qu'on ne subventionne pas Churchill, et la côte Est, grâce à la Voie maritime?
M. Guy Dufresne: Nous n'entrerons pas dans ce débat-là. Le gouvernement doit examiner la situation dans l'ensemble du pays. Ce que nous disons, c'est qu'un navire qui passe par tout le système, qui va aux États-Unis, ne paie rien, alors que nous, nous payons. Quant à savoir si c'est de l'interfinancement... C'est complexe et nous n'avons pas tous les chiffres. La question n'est pas là. Le gouvernement examine ce qu'il doit faire dans certaines régions. C'est très complexe, et nous respectons cela.
Ce que nous disons, c'est que quand vous nuisez à la compétitivité de certaines industries au Canada, nous sommes forcés de vous dire que nous ne pouvons pas soutenir la concurrence. C'est ce que nous vous disons, sans équivoque. Ça n'a pas fonctionné. Nous ne sommes pas concurrentiels vis-à-vis des autres. Vous faites fuir les affaires avec votre système. Quant à savoir si vous faites de l'interfinancement, c'est une question complexe. Je préfère ne pas m'aventurer sur ce terrain-là.
M. Roger Gallaway: D'accord.
Ma dernière question sera la suivante, pour le moment. Quand les représentants du Conseil du Trésor ont comparu devant le comité il y a quelques semaines, ils nous ont juré leurs grands dieux que la politique prévoyait un mécanisme de règlement des différends. Ils nous ont dit que c'était une des pierres angulaires de la politique et que ça existait sûrement. La politique existe, c'est certain, mais quand nous leur avons posé la question, ils nous ont dit que nous devrions interroger chacun des groupes qui comparaîtront devant nous si nous voulions savoir exactement comment ça marche. Alors, je vous pose la question. Savez-vous s'il existe un mécanisme de règlement des différends? Je pense que vous m'avez déjà dit comment les choses se passent.
M. Guy Dufresne: Oui. Ça ne fonctionne pas. Le problème est plus fondamental dans le cas des frais d'utilisation de la Garde côtière. Le problème, au fond, c'est que nous ne sommes pas concurrentiels. Qu'il y ait ou non un mécanisme de règlement des différends, la question est de savoir s'il devrait y avoir des frais dans ce cas-là.
M. Roger Gallaway: Diriez-vous que la Garde côtière est inutilement grosse, qu'elle est trop présente?
M. Guy Dufresne: J'aurais tendance à dire que nous ne... Nous critiquons, mais c'est ce qu'il y a de plus facile. Je ne voudrais pas leur dire comment gérer leurs affaires, mais je pense qu'il y a de la place pour l'amélioration.
Le président: Mais nous voulons réduire les coûts.
M. Guy Dufresne: C'est ce que nous avons accepté de faire. Comme Canadiens, nous voulons réduire les coûts. Nous sommes prêts à collaborer. Nous devrions travailler avec l'Australie, le Brésil et l'Europe. C'est là qu'est la concurrence. Il ne s'agit pas de mettre le gouvernement et l'industrie en compétition. Nous devrions travailler ensemble. Sinon, nous ne pourrons rien faire sur le marché international. Nous vendons 80 p. 100 de nos produits à l'étranger.
Le président: Mais au-delà de votre approche diplomatique, que nous apprécions, vous voulez réduire les coûts.
M. Guy Dufresne: Nous voulons que les coûts baissent. Nous voulons qu'ils utilisent la technologie la plus moderne. Nous sommes prêts à aider. Mais nous ne voulons pas qu'on nous fasse payer des choses alors que les autres ne paient pas. Quant à savoir si tous les pays du monde devraient faire payer pour ces services dans leurs ports, c'est un autre débat. Mais ils ne le font pas en ce moment, et c'est ce qui compte.
M. Roger Gallaway: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leurs présentations.
M. Solberg a dit au début qu'il était déjà allé sur les bords du Mississippi. En fait, nous y étions tous les deux. Quand on regarde le Mississippi, qui s'étire sur 700 milles... Il n'y a pas de glace sur ce fleuve, ni aucun autre obstacle. À partir de Memphis, il n'y a pas de ponts, pas de bâtiments ni d'un côté, ni de l'autre, et c'est resté primitif. On peut voir 54 barges attachées ensemble et tirées par un remorqueur, à bord duquel travaillent quatre ou cinq personnes. Ils peuvent transporter autant de grain que 2 000 camions. Quand on voit ça, on se demande comment vous pouvez soutenir cette concurrence.
Je comprends votre problème. Mais je comprends aussi qu'il est difficile de comparer le Mississippi à la Voie maritime du Saint- Laurent du point de vue des coûts artificiels, des coûts ajoutés, des brise-glaces ou même de certains ports francs parce que nous avons toutes sortes d'obstacles—des canaux, des ponts et tout le reste—et que ça coûte très cher. Je comprends tout ça.
Mais j'ai vu le Mississippi et, bien franchement, j'ai été renversé de voir la richesse que ce fleuve représente pour le transport, en plein coeur des États-Unis, et de constater que les Américains n'ont rien construit sur ses rives pour éviter qu'il y ait des obstacles.
Ici, nous pratiquons le recouvrement des coûts. Je connais assez bien la question parce que j'habite le long de la Voie maritime. Je représente Niagara Falls. J'ai grandi à côté des cales sèches de la Port Weller Dry Docks, qui commencent à l'écluse numéro un, près du lac.
J'entends constamment parler de compétitivité. Avez-vous des chiffres précis? Quelle était la situation de la Garde côtière avant le recouvrement des coûts? Quels étaient ses frais? Quels étaient les coûts totaux, et quels sont-ils aujourd'hui? Je sais que vous voulez être plus concurrentiels. Est-ce qu'ils dépensent plus qu'avant, ou moins? Est-ce qu'ils gèrent leurs affaires correctement? Pour que nous puissions présenter une recommandation sur toute la question du recouvrement des coûts, nous devons avoir en main certains de ces éléments d'information.
M. Guy Dufresne: Je vous répondrais que la Garde côtière était sans doute dans la meilleure position possible. Ce n'était pas entièrement transparent. Mais je sûr que votre comité pourrait obtenir ces chiffres de la Garde côtière.
Mais ce qui est encore plus important, ce sont les autres sommes qu'il serait possible de récupérer en employant la technologie la plus moderne et en travaillant avec l'industrie pour en arriver au minimum de bouées qui serait raisonnable et sans danger pour la population. Quand il y a 98 p. 100 des pilotes—des gens d'expérience—qui disent qu'au moins la moitié des bouées sont inutiles, c'est qu'il y a un problème. Maintenant, la Garde côtière en a réduit le nombre après avoir dit qu'elles étaient toutes nécessaires. Il pourrait y avoir d'autres domaines où il serait possible d'apporter des améliorations grâce aux systèmes d'information.
• 1645
Je siège au conseil d'administration de la Voie maritime. Elle
a été privatisée. Nous essayons d'augmenter notre clientèle et de
maintenir les coûts au minimum. Je pense que c'est à cela que nous
devons travailler. L'industrie est prête à le faire.
Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à dire au sujet de la Garde côtière. Ils en savent probablement plus que moi là-dessus. Je ne fais que payer les factures.
M. Ross Gaudreault: Je vais sans doute vous étonner, monsieur Pillitteri, mais nous sommes capables de soutenir la concurrence du Mississippi. Nous lui prenons même des clients. Vous vous imaginez? Nous transportons maintenant du minerai de fer qui était à une certaine époque acheminé par le Mississippi et transbordé à la Nouvelle-Orléans. Nous le faisons maintenant à Québec. Nous en transportons près de deux millions de tonnes. Pourquoi? Parce que les Canadiens sont plus efficaces. Là-bas, ils ont des barges. Mais pour 120 000 de ces barges, il ne faut que cinq vraquiers. Nous pouvons amener un grand navire à Québec et nous servir ensuite d'un vraquier pour transporter la marchandise aux États-Unis ou n'importe où ailleurs, et nous le faisons plus efficacement. Vous vous imaginez? Nous volons des clients aux transporteurs du Mississippi, malgré les coûts élevés que nous devons assumer.
Pouvez-vous imaginer à quel point le Canada pourrait être plus concurrentiel si nous n'avions pas à assumer tous ces coûts supplémentaires, par exemple pour le dragage? Si nous n'avions pas tous ces coûts, nous pourrions enlever encore plus de clientèle au Mississippi parce que nous sommes plus efficaces et que nous avons la meilleure route au monde, la Voie maritime du Saint-Laurent.
[Français]
Le Mississippi, c'est de la petite bière. Ce sont des chaloupes.
[Traduction]
C'est incroyable! Nous pouvons faire venir de gros navires et nous avons les vraquiers canadiens qui viennent jusqu'à nos ports. C'est pourquoi nous sommes efficaces. Et c'est pourquoi nous sommes concurrentiels.
Donc, il faut supprimer ces coûts. Notre point de vue est très simple: laissons la Garde côtière s'occuper de ses affaires, mais mieux. Qu'elle réduise ses coûts parce qu'elle est mieux placée. Nous n'avons pas à payer pour ça. Sommes-nous au Canada ici, ou dans un pays du tiers monde, pour qu'il faille payer les frais de dragage? Vous vous imaginez? Voilà ce que nous disons. Laissons la Garde côtière faire son travail. Et réduire ses coûts.
Le président: Tant mieux si vous êtes très efficaces et très productifs. Mais le dollar est à 67 ou 68 cents, selon les jours. Dans quelle mesure votre compétitivité est-elle attribuable à la faiblesse du dollar?
M. Ross Gaudreault: Je n'ai pas compris votre question.
Le président: Le dollar, le taux de change...
M. Guy Dufresne: Je peux vous répondre du point de vue de l'industrie...
Le président: Et lui? Pensez-vous qu'il puisse me le dire?
M. Guy Dufresne: Oh, oui, il peut vous le dire lui aussi.
Le président: Vous pouvez répondre tous les deux.
M. Ross Gaudreault: Ces 40 p. 100 sont importants pour nous; donc, évidemment, ça nous a aidés. Si nous n'avions pas eu ce facteur-là, avec les coûts de la Garde côtière et tout le reste, nous aurions pu dire adieu à nos clients. Il n'en resterait plus.
M. Guy Dufresne: C'est ce qui sauve toutes les entreprises d'exploitation des ressources naturelles. J'ai passé 25 ans de ma vie dans le secteur des pâtes et papiers. C'est la même chose dans les mines. Ce qui nous aide à l'heure actuelle, c'est que le dollar soit à ce niveau-là; mais il n'y restera peut-être pas éternellement.
Le président: Je comprends. Nous essayons toujours de trouver des moyens de rendre notre économie plus concurrentielle, et je voulais simplement savoir dans quelle mesure c'était lié au dollar. Nous sommes de votre côté pour ce qui est de la réduction des coûts. Nous voulons intervenir le moins possible dans les affaires des entreprises—moi, du moins.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos présentations. Vous avez été très clairs. Je sens une certaine frustration au sujet de la façon dont les choses se passent jusqu'ici.
Nous en sommes à la deuxième année du moratoire de trois ans, et les droits de services maritimes sont maintenant gelés. Mais un organe consultatif a été créé, et il me semble que le commissaire de la Garde côtière tient actuellement des consultations sur l'avenir de ces droits. J'aimerais savoir si la Chambre de commerce maritime a une opinion sur l'efficacité de la chose, ou si elle a pris position. J'ai l'impression que nous répétons en partie ici l'exercice auquel vous avez déjà participé.
M. Guy Dufresne: Certains de nos membres siègent à cette commission.
M. Paul Gourdeau: Wayne et moi siégeons à la Commission consultative maritime. Elle ne vient pas vraiment d'être créée; elle a plutôt été remaniée. Elle comptait de 20 à 30 membres, et il était difficile de gérer une telle foule et d'en arriver à des décisions. Elle a donc été remaniée. Quand le moratoire a été décrété, on a décidé en même temps de donner un nouveau départ à la Commission consultative maritime. Plutôt qu'une représentation par secteur, il y a maintenant une représentation par région. Je représente la région des Laurentides, et Wayne, celle des Grands Lacs. Nous avons aussi des groupes sous-régionaux qui font le même genre de travail et où les divers secteurs de l'industrie sont représentés.
• 1650
La commission s'est réunie huit ou neuf fois depuis... Nous
faisons des progrès. En fait, à la dernière réunion, nous avons
commencé à parler d'examiner l'avenir de ces droits. Les dernières
années ont plutôt servi à mettre le commissaire au courant de la
situation. Il a divers projets en ce qui concerne la flotte, le
quartier général, et ainsi de suite.
Il s'est fait beaucoup d'efforts utiles, à mon avis, mais les choses n'avancent pas très vite. En même temps, la question des droits va être à l'ordre du jour dans un an. Nous en sommes encore à une étape où les coûts n'ont pas été établis clairement.
Le prochain débat portera sur les niveaux de service; ce sera un affrontement plutôt philosophique afin de décider qui va payer quoi et comment les choses vont fonctionner en définitive. Je n'ai vraiment pas hâte à l'année qui vient, si nous devons nous retrouver dans le même bourbier que la dernière fois. J'espère que nous avons appris quelque chose, au moins, mais si les choses se passent comme avant...
Les gens de l'industrie comme nous sont extrêmement occupés, et nous avons passé des heures et des heures avec ces gens-là à nous faire dire «oui, oui, merci». Nous avons finalement produit un rapport conjoint, ils sont partis de leur côté et, quand ils sont revenus six mois plus tard, nous nous sommes rendu compte qu'ils n'avaient absolument pas tenu compte de ce que nous avions fait.
J'espère que les choses ne se passeront pas comme ça la prochaine fois. Bien sûr, si nous suivions les recommandations de Guy, tout ceci serait un débat futile, mais je ne sais pas vraiment où ça va nous mener.
Wayne voudra peut-être ajouter quelque chose.
M. Wayne Smith: Oui, je voudrais faire un commentaire.
La Commission consultative maritime existe depuis le début, avant 1995, je pense. À l'époque, elle avait un président indépendant. La Garde côtière participait au processus, mais aussi les gens de l'industrie et les autres intéressés.
Vous savez, il est difficile de critiquer un processus auquel on participe, surtout qu'il est encore tôt pour cette nouvelle incarnation, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, le problème, c'est que nous en sommes encore à essayer de déterminer exactement quels sont les coûts et les niveaux de service. Ces questions se posent pourtant depuis le premier jour.
Le processus a donc été long, difficile et frustrant pour l'industrie, et maintenant, la Commission consultative maritime est essentiellement contrôlée par la Garde côtière. L'industrie participe volontiers au processus. Nous espérons que notre contribution sera appréciée et qu'on en tiendra compte, mais pour le moment, le résultat n'est pas assuré.
Mme Karen Redman: Puisque vous avez participé au processus, pensez-vous que la Garde côtière a le savoir-faire nécessaire pour mettre en place de bons programmes de recouvrement des coûts? Autrement dit, vous parlez des coûts. Est-ce parce que les compétences nécessaires pour fournir ce genre de...
M. Paul Gourdeau: Que nous le voulions ou non, je pense... La réponse est «non», mais en même temps, je ne suis pas certain que, si elle avait les compétences nécessaires, ce serait vraiment pertinent. Je vais vous donner un exemple très simple.
Il serait possible de réduire les coûts au point où le système serait tellement précis que, si le capitaine regardait une bouée, il paierait 5 cents. S'il ne la regardait pas, ou s'il regardait de l'autre côté, il ne paierait rien. Je caricature un peu, mais qu'est-ce que M. Dufresne paierait, avec une seule bouée?
Quand on commence à faire ce genre de chose, on refile tous les coûts aux gens qui se trouvent dans les régions isolées, dans celles où le trafic est moins intense, et ainsi de suite. Ça devient immédiatement une question politique. Laissez-moi vous donner un exemple très simple.
Ce monsieur parlait du brisage des glaces. Eh bien, 88 p. 100 des coûts à cet égard sont récupérés dans la région des Laurentides et dans celle des Grands Lacs, et pourtant, nous ne générons que 50 p. 100 de ces coûts. C'est une partie importante du débat.
Si nous décidions que chacun devrait payer sa juste part... Autrement dit, au lieu de payer des droits d'escorte de 3 100 $ pour aller à Charlottetown, à Corner Brook ou à Belledune—ce qui demande un peu plus d'aide, comme nous le savons tous—, il faudrait payer 27 000 $ pour entrer et 27 000 $ pour sortir; aussi bien fermer ces ports.
Donc, les gens de notre industrie ont accepté de partager le fardeau des gens de ces régions. L'industrie a réussi à faire quelque chose que le gouvernement n'est même pas arrivé à faire, bien franchement, sur le plan politique.
Donc, au sujet des réductions de coûts, nous pouvons bien faire toutes les réductions imaginables, mais quand arrive le moment critique, les décisions se prennent à un niveau supérieur. Il faut des gens clairvoyants pour prendre ces décisions. Il ne s'agit pas seulement de laisser les bureaucrates jouer avec les chiffres. Il faut aller plus loin.
M. Wayne Smith: Je tiens à insister sur ce point; je suis absolument convaincu que la Garde côtière n'est pas équipée pour fixer ou administrer les droits.
En fait, le Canada a maintenant un système tout à fait disparate, où les droits varient selon les régions, ou selon qu'il s'agit de navires canadiens ou de navires étrangers. C'est un désastre depuis le début. L'industrie a travaillé très fort pour rationaliser ces droits, mais la Garde côtière s'est contentée de dire: «Voici les droits, un point, c'est tout.»
Ça n'a aucun sens. C'est inapplicable sur le plan commercial. Les droits perçus dans l'est du Canada sont entièrement administrés par les armateurs dans le cas des navires canadiens, et je pense que c'est la même chose pour les navires étrangers. Nous calculons le montant des droits exigibles. Nous écrivons des rapports. Nous les envoyons à la Garde côtière. Pourtant, la Garde côtière a sa propre bureaucratie administrative, qui coûte environ 2 millions de dollars d'après ce qu'on m'a dit, mais c'est nous qui lui disons quels droits nous devons lui verser. Elle a même mis en place récemment un nouveau programme informatique dont nous ne pouvons pas nous servir. Personne ne sait combien ça a coûté. Nous ne pouvons pas nous en servir parce que ce n'est pas compatible avec nos systèmes informatiques.
Même si la Garde côtière est incapable d'établir les frais et de les administrer, elle demande jusqu'à 2 millions de dollars, en vertu du recouvrement des coûts; pourtant, c'est nous qui faisons toute l'administration.
Ce ne sont que quelques exemples de ce qui cloche dans le processus.
M. Guy Dufresne: Je voudrais ajouter une chose. Tout ce que l'industrie a accepté de faire, c'était pour limiter les dégâts. Le système était tellement pourri que nous avons déterminé entre nous comment nous allions essayer de nous partager le fardeau, en attendant que la question des droits soit réglée. Autrement, il aurait fallu fermer des ports dans les Maritimes. Mais c'était gratuit à Churchill et...
Il n'y avait aucune logique. C'est pourquoi nous nous en sommes mêlés. C'est ce que la coalition a fait dans tout le Canada; nous avons essayé de faire quelque chose, à l'intérieur d'un système catastrophique, en attendant de pouvoir nous débarrasser de certains de ces coûts additionnels.
Mme Karen Redman: Les lignes directrices du Conseil du Trésor sur le recouvrement des coûts sont-elles assez claires? Est-ce que c'est une partie du problème?
M. Guy Dufresne: Non, je ne dirais pas que c'est à cause des lignes directrices du Conseil du Trésor sur les frais d'utilisation, parce que ces frais peuvent avoir leur utilité. Mais, comme je l'ai dit, quand ces deux principes font du tort à l'industrie, il ne devrait pas y avoir de frais d'utilisation. C'est ce qui n'a pas marché.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Au nom du comité, permettez-moi de vous remercier tous sincèrement. Comme vous le savez probablement, notre comité appuie sans réserve l'adoption d'une politique gouvernementale orientée vers l'augmentation de la productivité. Le recouvrement des coûts est un des leviers dont nous disposons, avec la réglementation.
L'objectif général est de mettre en place une économie dans laquelle nous pourrons avoir un régime fiscal compétitif, une réglementation souple et un marché aussi libre que possible. Après tout, c'est ainsi que se créent la richesse et les emplois.
Donc, nous tenons à vous exprimer notre plus sincère gratitude pour les explications que vous nous avez données. Vos commentaires nous aideront sûrement à rédiger notre rapport et à faire nos recommandations au gouvernement. Au nom du comité, merci.
M. Guy Dufresne: Merci de nous avoir reçus. Nous l'apprécions vraiment. Comme vous pouvez le voir, nous avons réussi à réunir plusieurs associations des diverses régions du pays, qui partagent le même objectif. Je dois vous dire que nous n'abandonnerons pas, parce que ça fait mal.
Le président: Oui. Et je dois vous dire que nous sommes tous dans le même bateau aujourd'hui.
Des voix: Ah, ah!
M. Guy Dufresne: Bon. Je l'apprécie.
Le président: La séance est levée.