INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 avril 2000
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du 29 février 2000, Budget des dépenses principal pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001—crédits sous la rubrique Industrie; et Rapport sur le rendement—Industrie Canada pour la période terminée le 31 mars 1999.
Monsieur le ministre, nous allons vous écouter avec plaisir.
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Je vous remercie, madame la présidente, et je souhaite à tout le monde un bon après-midi. Quant aux quelques nouveaux membres qui n'étaient pas autour de cette table lors de mes dernières comparutions, bienvenue à bord.
J'ai à mes côtés pour le moment le contrôleur général d'Industrie Canada, Mary Zamparo. Andreï Sulzenko, la sous-ministre adjointe, Secteur Politique industrielle et scientifique, devrait être ici aujourd'hui. Comme vous pouvez le voir, à mesure que le ministère devient plus complexe, le document s'épaissit. Espérons qu'à nous tous nous parviendrons à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien évoquer au sujet de ce budget des dépenses.
Je tiens tout d'abord à remercier le Comité du travail qu'il a accompli au cours de l'année dernière. Dans les mois à venir, j'accueillerai votre aide avec plaisir dans plusieurs dossiers qui influeront fondamentalement sur l'amélioration de la productivité du Canada à long terme. Je mentionne notamment les grands objectifs suivants: renforcer la capacité du Canada d'innover, investir dans le savoir, favoriser l'existence d'un climat propice aux affaires et faire du Canada le pays le plus branché du monde.
Dans le proche avenir, on vous demandera entre autre d'examiner les modifications apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions; il s'agit du projet de loi S-19, qui en est actuellement au stade de la deuxième lecture devant le Sénat.
[Français]
Tous les jours, dans des milliers d'entreprises du pays, les Canadiens et les Canadiennes formulent des idées et prennent des décisions et des risques qui engendreront la prospérité pour eux et pour leur pays.
La clé, c'est le savoir. Voilà pourquoi je suis si fier du succès de l'initiative Un Canada branché. Il y a trois ans, le gouvernement du Canada s'est engagé à faire du Canada le pays le plus branché du monde. Aujourd'hui, le pays est au premier rang du G-7 quant au nombre d'ordinateurs dans les ménages et aux services de câblodistribution et de téléphone.
[Traduction]
C'est au Canada que les tarifs d'accès à Internet sont les moins élevés actuellement dans le monde. Le Canada est le premier pays du monde à avoir branché toutes ses écoles et toutes ses bibliothèques publiques au Net. À la même date l'an prochain, le Programme d'accès communautaire aura mis sur pied environ 10 000 centres d'accès à Internet dans les campagnes et dans les villes. Voilà qui est bon à mon avis pour les entreprises et l'économie mais aussi pour l'ensemble de la population.
D'ici la fin de cette année, j'ai l'intention d'établir, à titre de projet témoin, une collectivité ingénieuse dans chaque province, dans le Nord et en milieu autochtone. Ces collectivités pourront mettre la puissance d'Internet à leur service pour améliorer la prestation des soins de santé, les services d'éducation, la formation professionnelle ou leurs horizons commerciaux, par exemple.
Le ministère de l'Industrie, Industrie Canada, travaille aussi à assurer des services de pointe; il existe déjà des réseaux électroniques pour faire certaines transactions, et d'autres services sont aussi offerts en ligne. Tout cela fait partie d'un train de mesures grâce auxquelles le ministère aide le Canada à prospérer, à améliorer sa productivité et à faire croître les revenus. Avec ses partenaires et intervenants, le ministère continuera de mettre l'accent sur la collectivité, l'innovation, les règles du marché, le commerce et l'investissement.
[Français]
Au cours des mois à venir, le gouvernement adoptera d'autres mesures pour que les idées novatrices débouchent sur la création de produits et de services et que les Canadiens aient accès à tous ces derniers. C'est pourquoi il a affecté 900 autres millions de dollars à la Fondation canadienne pour l'innovation dans le budget de l'an 2000. Ces nouveaux fonds serviront à lancer des projets dans les universités, les collèges, les hôpitaux et d'autres organismes sans but lucratif au Canada.
Le gouvernement créera aussi 2 000 chaires de recherche qui attireront des chercheurs de calibre mondial dans les universités canadiennes. Pareille mesure engendrera un milieu propice à l'éclosion de l'excellence.
Quand les innovations sont commercialisées, nous veillons à ce que le marché canadien soit équitable, efficace et compétitif en adoptant des règlements prenant en compte tant les besoins des entreprises que ceux des consommateurs. Le gouvernement a présenté au Sénat les modifications qu'il propose d'apporter à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et à la Loi canadienne sur les coopératives. Ce sont là des modifications que le Comité de l'industrie étudiera lui aussi.
Le projet de loi S-19 facilitera la tâche aux actionnaires souhaitant formuler des propositions et participer aux processus décisionnels des entreprises. Il accroîtra la compétitivité du Canada et réduira le coût des affaires en éliminant les redondances et en harmonisant les deux lois avec les textes législatifs provinciaux correspondants.
Le gouvernement adopte aussi des mesures pour améliorer certains secteurs qui font progresser l'économie maintenant. Prenons le tourisme, par exemple. Partout dans le monde, on ne sait peut-être pas grand-chose au sujet du Canada, mais les choses sont en train de changer. L'an dernier, le tourisme a injecté 50 milliards de dollars dans l'économie canadienne et créé plus d'un demi-million d'emplois. Or, le gouvernement a l'intention d'aider ce secteur à croître encore plus. Le gouvernement s'associera au secteur privé pour accroître la part canadienne du tourisme mondial de 1 p. 100 cette année. Il fera également de la Commission canadienne du tourisme une société d'État afin de lui donner les outils dont elle a besoin pour profiter des nouvelles possibilités sur le marché.
[Français]
Il ne fait aucun doute que le marché mondial représente la clé de l'avenir économique du Canada. Notre pays mise sur le commerce pour créer des emplois et prospérer plus que tout autre pays industrialisé. Deux emplois sur cinq créés au Canada depuis 1993 sont dus à l'exportation. C'est pourquoi le gouvernement collabore avec les entreprises pour accroître la part canadienne du marché mondial. Il a élaboré la Stratégie canadienne de promotion du commerce international afin d'aider les exportateurs du pays et les entreprises qui songent à exporter et à obtenir les renseignements et services dont ils ont besoin pour réussir sur les marchés internationaux.
[Traduction]
Les mesures que le gouvernement a prises pour aider le Canada à se tailler une place de choix dans la nouvelle économie portent fruit, mais il reste encore du travail à faire. J'estime toujours que le Canada met trop de temps à concrétiser ses idées; nos entrepreneurs ont encore trop de mal à obtenir le financement nécessaire, comparativement à leurs homologues américains. Le gouvernement prend donc des mesures pour aider les entreprises à attirer les investissements tant canadiens qu'étrangers dont elles ont besoin pour croître. En un premier temps, dans le budget de l'an 2000, il a réduit l'impôt des sociétés et modifié le régime des options sur actions. En outre, Industrie Canada cherche aussi à attirer ici des investissements étrangers par l'intermédiaire de Partenaires pour l'investissement au Canada, projet mené conjointement avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Jusqu'ici, j'ai décrit des initiatives gouvernementales mais nous savons tous ici que la population canadienne s'attend aussi à des actes de la part de ses députés. J'aimerais donc, à ce stade- ci, parler des projets de loi d'initiative parlementaire qui influent sur Industrie Canada. Vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, que le comité a acquis une certaine expérience de la question, notamment en ce qui a trait à la Loi sur la concurrence.
Le Parlement vous a demandé d'étudier le projet de loi C-201, autrefois appelé C-235. Le comité a apporté des modifications importantes au projet de loi C-276 présenté par Roger Gallaway sur le marketing par option négative. Ce sont là des projets de loi d'initiative parlementaire qui ont bénéficié de l'ordre de priorité. D'autres ont été déposés, mais ils n'ont pas encore eu cette chance, parmi eux je cite les projets de loi C-402 et C-472 de M. Dan McTeague, le projet de loi C-471 de Mme Marlene Jennings, et le projet de loi C-438 de Mme Karen Redman, qui se rapporte au thème de son projet de loi antérieur C-229. À cet égard, je compte sur le plaisir de lire votre rapport très bientôt. Sans entrer dans les détails de chaque projet de loi, disons qu'ils représentent une vaste gamme de modifications visant la Loi sur la concurrence.
Je peux prendre envers votre comité l'engagement suivant. Tout d'abord, je me félicite que votre comité entreprenne l'étude de ces projets de loi ou d'autres encore, mais je puis vous assurer que, lorsque ces projets sont le gage, à mon avis, de saines politiques publiques, je me propose de leur accorder tout mon appui et de les recommander au gouvernement pour qu'il les soutienne. Je compterai sur votre aide au cours de notre progression des mois à venir.
J'aimerais maintenant passer le reste de mon temps ici à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
La présidente: Merci, monsieur le ministre.
Nous allons commencer par M. Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre et à ses collaborateurs devant notre comité.
Monsieur Manley, vous avez évoqué les projets de loi d'initiative parlementaire qui ont été déposés et les études qui s'y rattachent. Vous n'ignorez pas que notre comité a entrepris depuis le mois de septembre une autre étude importante concernant la productivité.
• 1540
À la suite de cette étude, vous avez entendu de nombreux
Canadiens s'inquiéter de l'élargissement du fossé séparant le
Canada des États-Unis en matière de productivité. Je sais que vous
avez fait certains commentaires à ce sujet par le passé, mais il
m'apparaît que l'on entend de plus en plus de voix s'élever sur la
question. Il ne s'agit plus simplement d'abaisser les impôts et de
rembourser la dette pour nous mettre au niveau des États-Unis, mais
en fait d'abaisser nos taux d'imposition de manière à pouvoir
retrouver cette productivité. Le gouvernement prétend l'avoir
fait—et vous avez fait allusion au budget de l'an 2000—mais j'ai
remarqué que lors de leur congrès qui a eu lieu récemment, les
membres du CCCE n'ont pas paru très impressionnés. Après avoir
procédé à un sondage auprès de 55 de leurs PDG, ils ont constaté
que deux sur cinq d'entre eux estimaient que le siège social de
leur entreprise allait devoir déménager à l'étranger si le climat
ne devenait pas plus propice aux affaires. Les États-Unis étant
notre principal partenaire commercial, je crois qu'il y a là une
situation particulièrement grave.
En outre, on nous dit dans la déclaration du CCCE:
-
[...] dans le dernier budget fédéral [...] les dégrèvements fiscaux
timides et accordés à contrecoeur aux catégories supérieures de
revenus pourraient bien constituer davantage une insulte qu'une
incitation pour nombre de professionnels dynamiques [...] dont le
Canada a besoin pour alimenter la croissance de son économie axée
sur la connaissance.
J'en viens donc à mes questions, monsieur le ministre. Quelle est votre réaction, et qu'allez-vous faire pour répondre à ces graves préoccupations dont fait état une grande organisation du monde des affaires? Si vous étiez ministre des Finances et appelé à arrêter le budget de l'année prochaine, que changeriez-vous par rapport à ce que nous avons fait jusqu'à présent pour répondre à ces préoccupations?
L'hon. John Manley: Pour commencer, j'ai eu l'occasion hier de prendre la parole devant le CCCE, et je dois vous dire que le ton et le contenu de l'exposé de celui qui m'a précédé, le président du CCCE, M. d'Aquino, était très différent de ceux du rapport qui a été publié. M. d'Aquino a d'ailleurs consacré plus de la moitié de son exposé à féliciter très chaleureusement le gouvernement d'avoir réussi à éliminer le déficit et de s'être engagé sur la voie de la réduction des impôts. Je pense qu'il a cité par ailleurs nombre de statistiques très positives qui montrent que le Canada est depuis un certain nombre d'années à la tête des autres grandes nations industrialisées pour ce qui est de la création d'emploi et de la croissance économique.
Je pense qu'il est apparu clairement à la fin de son exposé que le CCCE tenait à apaiser toutes les inquiétudes que son rapport aurait pu faire naître dans le public en lui laissant penser que la situation était sombre. En fait, il est apparu très clairement qu'il y avait bien des éléments positifs dans cette situation.
Je ne suis pas sûr qu'il faille accorder tant d'importance à l'enquête réalisée auprès de certains de ses membres. Je pense que si l'on demande à un homme d'affaires si son entreprise est susceptible de déménager aux États-Unis dans les 10 ans à venir, il va vous répondre que tout est possible de nos jours dans le monde des affaires.
Il est indéniable, à mon avis, que la compétitivité des taux d'imposition est un facteur important de la croissance de l'économie, surtout compte tenu de la mondialisation croissante de cette économie. Je faisais toutefois remarquer hier au CCCE que certains des pays dont la croissance, selon ce qui ressort du propre rapport de cette organisation, a enregistré éventuellement une croissance supérieure à celle du Canada au cours de la dernière décennie—ou sur la plus grande partie de la dernière décennie—sont des pays dont la fiscalité est plus lourde que celle du Canada. Il est donc simpliste de supposer que la fiscalité est la seule responsable.
Certains commentateurs ont laissé entendre qu'un taux de change fixe pourrait faciliter les choses. D'autres, que le degré d'ouverture du marché de l'Union européenne, qui est supérieur à celui de l'ALENA, est susceptible de contribuer à une croissance plus rapide de certaines économies européennes. Enfin, tous les commentateurs ont souligné, je pense, l'importance des investissements faits dans les secteurs de l'enseignement, de la formation, de l'apprentissage et de la R-D. Pour l'essentiel, ils considèrent que l'innovation est la composante essentielle du succès dans une économie axée sur la connaissance.
Par conséquent, ce que j'en pense, monsieur Penson, et en ce qui concerne l'ensemble du monde des affaires, je considère que nous sommes sur la bonne voie, mais j'aimerais évidemment que les choses aillent bien plus vite. Ça me paraît normal et je pense que tous ceux auxquels vous allez vous adresser au Canada, quelle que soit la voie qu'ils veulent que nous empruntions, vont probablement nous demander d'aller plus vite.
M. Charlie Penson: Oui, je suis d'accord avec vous, mais je crois savoir qu'il y a bien d'autres intervenants qui ont fait le même genre de commentaires. Ainsi, Pierre Fortin propose un remède très simple pour combler le fossé qui se creuse de plus en plus avec les États-Unis en matière de productivité. Sa formule consiste à rembourser la dette et à réduire les impôts. La Chambre de commerce du Canada et le Conference Board du Canada ont eux aussi sonné l'alarme au sujet de cette situation.
Je pense qu'il ne faut pas faire mystère du fait que notre niveau de vie a baissé relativement à celui des États-Unis. Qui plus est, notre revenu par tête a aussi baissé par rapport à celui de la France, des Pays-Bas, de la Norvège et de l'Irlande. Vous savez que sur ce point nous sommes en train de prendre du retard. Il m'apparaît que notre budget ne permet tout simplement pas de faire face à la situation, et qu'il nous faut aller plus vite. Ne pensez-vous pas, par exemple, qu'il faudrait abaisser plus rapidement les taux de l'impôt sur les entreprises et de l'impôt sur le revenu des particuliers pour retrouver le niveau de compétitivité qui était le nôtre auparavant.
L'hon. John Manley: Oui, mais là encore, comme je l'ai fait remarquer hier au CCCE, lorsque cette organisation se préoccupait avant tout des déficits, n'a-t-on pas toujours dépassé les objectifs de réduction des déficits que nous nous étions fixés?
Quant à la réduction des taux d'imposition des entreprises, le ministre des Finances a déclaré qu'il s'agissait d'un minimum et non d'un plafond. Je demanderais donc au CCCE pourquoi pense-t-il que nous ne puissions pas dépasser ces objectifs comme nous l'avons fait pour notre performance économique. Nous avons cherché résolument à faire preuve d'une grande prudence. Nous n'allons pas retomber dans les déficits.
Certaines provinces canadiennes, y compris celle dans laquelle je paie mes impôts, pensent qu'il faut réduire les impôts même s'il faut continuer pour ce faire à emprunter aux Japonais ou à d'autres bailleurs de fonds auxquels s'adresse l'Ontario en ce moment. Disons que ce n'est pas notre philosophie. Nous considérons qu'il est plus important de ne pas alourdir notre bilan et de rembourser nos dettes plutôt que d'en contracter de nouvelles, même si cela doit signifier que l'on va réduire plus lentement les impôts.
M. Charlie Penson: Eh bien, tout dépend des objectifs fixés et de la possibilité ou non de les atteindre.
J'ai une question à vous poser au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, monsieur le ministre. Nous avons assisté à une forte augmentation des crédits ayant dû être consacrés au remboursement des créances douteuses résultant des prêts effectués aux petites entreprises. Nous sommes passés de 32 millions de dollars en 1993-1994 à des centaines de millions de dollars aujourd'hui. Est-on en train d'effectuer une vérification comptable pour savoir si les conditions fixées sont bien respectées ou si les critères qui ont été fixés par le gouvernement permettent aux institutions financières d'administrer de façon appropriée la Loi sur les prêts? Je crois savoir que quelque 18 p. 100 des prêts aux petites entreprises effectués par les banques à charte entrent dans le cadre de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Est- ce qu'en réalité le gouvernement du Canada n'assume pas systématiquement ces prêts à haut risque dans ce secteur tout en laissant aux banques ceux qui ont tendance à être les plus lucratifs?
L'hon. John Manley: Pour répondre à votre première question, chaque fois que les banques présentent une demande de paiement, on procède à une vérification pour s'assurer qu'elles ont pris toutes les précautions au départ au moment de consentir le prêt.
Quant à ce qui revient essentiellement à un accroissement des possibilités d'accès, il est indéniable qu'un certain nombre de ces prêts ne seraient pas consentis en l'absence de la garantie du gouvernement. C'est en fait l'objectif du programme. D'ailleurs, nous avons recherché cette augmentation des possibilités d'accès et nous avons fait des vérifications. Lorsque nous avons demandé au professeur Riding, de l'université Carleton, de faire une étude en 1996, il a estimé que 54 p. 100 des prêts relevant de ce programme étaient le résultat de l'augmentation des possibilités d'accès. Il a constaté par ailleurs que 32 p. 100 supplémentaires correspondaient aussi à une augmentation des possibilités d'accès étant donné que les emprunteurs estimaient avoir obtenu de meilleures conditions de prêts. On peut tout à fait penser que certains de ces emprunteurs n'auraient pas pu autrement obtenir de prêts, mais je vous dirais que c'est justement la raison d'être de ce programme. Il doit nous permettre de faire des prêts que nous ne pourrions pas faire autrement. Sinon, ce programme n'aurait aucun sens.
M. Charlie Penson: La deuxième partie de ma question portait sur d'éventuelles vérifications comptables. Je vous rappelle qu'en 1994 et en 1997, le vérificateur général a lancé un avertissement en disant qu'Industrie Canada ne procédait pas à des évaluations pour savoir si les prêteurs avaient pris toutes les précautions nécessaires lorsqu'ils consentaient ces prêts et que nombre de dossiers de prêts ne contenaient pas suffisamment de renseignements pour que l'on puisse effectuer une analyse exhaustive des risques liés au crédit.
Je repose donc ma question: a-t-on procédé à des vérifications comptables internes pour chercher à corriger ce programme et, dans l'affirmative, allez-vous les rendre publiques?
L'hon. John Manley: Tout d'abord, nous avons mis en application les recommandations du vérificateur général. Comme vous le savez, un certain nombre de révisions apportées à ce programme ont exigé une modification de la loi, notamment celle qui a eu lieu dès 1995, lorsque nous avons complètement refondu le programme. Nombre de situations regrettables n'apparaissent qu'aujourd'hui alors qu'elles se sont produites en fait entre 1993 et 1995, période au cours de laquelle il faut bien dire que les conditions fixées dans le cadre du programme ont été assouplies. Il apparaissait à l'époque que l'économie était toujours en récession. Avec le recul, je pense que l'on peut dire qu'elle était en train d'en sortir, mais le nombre de prêts a augmenté rapidement. Ils étaient faciles à obtenir. Nous avons mis fin à cette situation en 1995. Il n'en reste pas moins qu'étant donné qu'il faut quelques années pour que les créances douteuses se matérialisent, ces prêts sont en fait ceux qu'a signalés le vérificateur général. Toutefois, lors des dernières modifications que nous avons apportées en 1998, nous avons tenu compte des recommandations du VG.
M. Charlie Penson: Deux années se sont écoulées depuis lors. C'est pour ça que je pose ma question. A-t-on cherché à faire une évaluation au cours de ces deux années?
L'hon. John Manley: Le problème, c'est qu'il y a un décalage dans le cadre de ce programme. Il est probable que les prêts que nous avons consentis au cours de ces deux dernières années ne vont se transformer éventuellement en créances douteuses que dans un an ou deux.
La présidente: Monsieur Penson, je vous remercie.
Monsieur Lastewka, vous avez la parole.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente et merci, monsieur le ministre.
J'aimerais que l'on parle un peu du projet de loi sur la protection des renseignements personnels que nous avons proposé. Bien entendu, c'était au départ le projet de loi C-54, devenu par la suite le projet de loi C-6, qui a été amendé et retardé et qui a fait enfin l'objet d'un amendement apporté par le Sénat. Je me demande comment nous allons pouvoir mettre en application le projet de loi sur la protection des renseignements personnels, y compris en ce qui a trait à la partie qui traite de la sensibilisation du public. Il est apparu très clairement à notre comité que le commissaire à la protection de la vie privée avait un gros travail d'information à faire pour expliquer à la population canadienne en quoi consistait la protection de la vie privée.
L'hon. John Manley: Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Comme vous le savez, toutes les modifications législatives ont fini par être adoptées mardi soir et ce projet de loi devrait être promulgué très prochainement. Nous fixerons alors par décret la date d'entrée en vigueur.
Nous avons bien fait comprendre aux différents intervenants qui s'intéressent à cette législation que nous visions résolument la date de mise en application qui a été prévue. Autrement dit, pour la plupart des secteurs relevant du pouvoir réglementaire fédéral, la date d'entrée en vigueur est le 1er janvier 2001. Nous avons collaboré avec les parties prenantes et le commissaire à la vie privée en a fait autant pour les inciter à se tenir prêtes.
Nous sommes par ailleurs convaincus, je pense, que le commissaire à la protection de la vie privée dispose des ressources dont il a besoin, non seulement pour faire en sorte que l'on comprenne bien les dispositions de la loi, mais aussi pour en faire respecter l'application.
Je vous fais remarquer que j'ai sur moi—je le transporte partout et il est un peu froissé—un numéro récent de Business Week, en date du 20 mars. C'est le numéro dont la page de couverture porte le titre suivant: «Respect de la vie privée sur le Net: Que faire?» Il ne semble pas que Business Week soit au courant de l'existence du projet de loi C-6 ou C-54, mais l'on y arrive à la conclusion suivante au sujet des États-Unis. Business Week recommande au sujet des États-Unis:
-
Qu'au lieu de s'en remettre à une mosaïque de législations d'État
qui se contredisent, le gouvernement fédéral adopte des règles
claires s'appliquant au respect de la vie privée sur le modèle des
principes régissant l'impartialité de l'information—un ensemble de
principes s'appliquant à la protection de la vie privée qui ont été
adoptés dans le monde entier au cours des 25 dernières années.
—et les députés qui s'intéressent à la question n'ignorent pas que c'est essentiellement la même chose que la norme de l'ACNOR que nous utilisons...
-
Les grands principes sont essentiels:
-
—Les entreprises faisant du commerce en direct devraient être
tenues en droit de divulguer clairement comment elles recueillent
et utilisent l'information.
-
—Les consommateurs doivent pouvoir exercer un contrôle sur la
façon dont les données les concernant sont utilisées.
-
—Les utilisateurs du Net devraient pouvoir inspecter ces données
et corriger les erreurs qu'ils peuvent découvrir.
Enfin, et c'est important:
-
—Lorsque les entreprises ne respectent pas les règles, le
gouvernement doit pouvoir imposer des sanctions.
Pour l'essentiel, on retrouve tout cela dans le projet de loi C-6.
• 1555
Business Week n'a pas la réputation de proposer des solutions
radicales ou des projets interventionnistes, mais je pense que
cette recommandation montre que nous sommes probablement dans la
bonne voie. J'ai l'impression qu'à mesure que cette expérience va
se poursuivre et que les Américains vont s'habituer à jouer avec
leurs ordinateurs, lorsque les gens vont se pénétrer des réalités
de l'Internet, des voix se feront de plus en plus entendre pour que
l'on protège la vie privée.
M. Walt Lastewka: Ma question suivante, madame la présidente, porte sur les 2 000 chaires de R-D et sur les préoccupations des petites entreprises, qui craignent que toutes ces chaires soient accaparées par les grandes universités et qu'il ne reste pas grand- chose pour les petites. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de la répartition de ces 2 000 chaires de R-D?
L'hon. John Manley: Je vais vous donner quelques précisions. J'ai en ce moment un projet pour lequel j'attends l'autorisation du Conseil du Trésor—très bientôt—qui me permettra en cas d'accord de rendre ces dispositions publiques.
Ce que nous avons cherché à faire, cependant, c'est prévoir dans ce projet certains avantages intrinsèques pour les petites universités. De manière générale, pour accorder la plus grosse part de ces chaires, nous nous en tiendrons très certainement à la part des crédits versés aux différentes universités par les conseils subventionnaires.
Toutefois, à l'intention des petites universités, c'est-à-dire de celles qui ont bénéficié de 1 p. 100 ou moins des crédits versés par les conseils subventionnaires, nous allons mettre de côté 6 p. 100 du total. Si elles ont reçu relativement peu de crédits, on leur garantira au minimum une chaire et, dans certains cas, si le montant des crédits a été relativement faible, mais quand même substantiel, elles bénéficieront au minimum de trois chaires.
Nous allons mettre ces chaires à leur disposition plus tôt, afin qu'elles aient une plus grande marge de manoeuvre leur permettant de se doter de stratégies pour essayer de se protéger contre ce que l'on pourrait qualifier de «braconnage» de la part des grandes universités concernant les candidats les plus qualifiés.
Lorsque je serai en mesure de vous donner tous les détails, je pense que vous constaterez que les petites universités auront la garantie de pouvoir compter sur un projet qui, non seulement, va leur permettre d'obtenir leur juste part des chaires, mais aussi d'augmenter cette part, dont l'importance est stratégique pour l'obtention de crédits de la part des conseils subventionnaires. À mesure que leurs crédits augmenteront, elles obtiendront davantage de chaires.
M. Walt Lastewka: Dans notre dernière étude, nous avons beaucoup discuté de la productivité des PME et des lacunes au niveau de la productivité. Le manque de productivité au Canada touche fortement les petites entreprises. Ma question porte sur les transferts de technologie concernant les PME. Lorsque l'on regarde le budget des dépenses, il nous apparaît—même s'il y a eu quelques augmentations en ce qui concerne le PARI et le programme CPC s'adressant aux petites entreprises—qu'alors que la demande des petites entreprises augmente, nous continuons à manquer de crédits pour ces dernières. Là encore, voilà pourquoi nous avons un manque de productivité: nous ne disposons pas de suffisamment de crédits pour faciliter les transferts de technologie en faveur des petites entreprises.
L'hon. John Manley: Je pense que l'on n'a jamais assez d'argent. Le PARI, vous le savez, est un programme qui nous a permis de très bien appuyer les petites entreprises, notamment pour ce qui est de l'adoption et de l'utilisation de la technologie. M. Penson apprendra avec intérêt qu'on lui a décerné il y a deux ou trois ans, je crois, le prestigieux prix Ernest C. Manning. Voilà qui montre bien à quel point ce programme donne des résultats.
Toutefois, je suis d'accord avec vous, il me semble que l'on pourrait utilement rajouter des crédits à ce programme. Le programme CPC-PARI continue à monter en puissance et commence à être mieux connu et mieux compris. Vous savez qu'il est administré par les conseillers du PARI. Je vous répète que là aussi des crédits supplémentaires seraient les bienvenus.
Des mesures ont bien été prévues dans le budget, comme la réduction du taux d'imposition des revenus des entreprises pour les revenus se situant entre 200 000 $ et 300 000 $, ce qui fait fortement baisser l'impôt des petites entreprises à l'intérieur de cette fourchette. D'autres mesures prévues au budget, le report des gains en capital et l'abaissement de l'impôt sur ces gains en capital, aideront les propriétaires des petites entreprises. Toutefois, si votre comité est disposé à appuyer le relèvement des crédits consacrés à ces programmes, je suis sûr que le ministre des Finances serait tout prêt à vous écouter.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
[Français]
Madame Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Bonjour, monsieur le ministre.
Je voudrais revenir à la question qu'a posée M. Lastewka, du Parti libéral, au sujet des chaires de recherche afin de m'assurer d'avoir bien compris. Vous avez réservé 6 p. 100 du nombre total de ces chaires à l'intention des petites universités.
L'hon. John Manley: Oui.
Mme Suzanne Tremblay: Elles pourront avoir de une à trois chaires.
L'hon. John Manley: Au moins.
Mme Suzanne Tremblay: Elles en auront au moins une, compte tenu des fonds qu'elles reçoivent déjà de la part des conseils de recherche. Ce sera proportionnel aux fonds déjà accordés pour l'ensemble des conseils, n'est-ce pas?
L'hon. John Manley: Oui.
Mme Suzanne Tremblay: Dans votre politique, comment définit-on une petite université? Est-ce en fonction du nombre d'étudiants?
L'hon. John Manley: Non, non. Il s'agit du pourcentage des fonds que les universités reçoivent de la part des conseils subventionnaires. Si ce pourcentage est égal ou inférieur à 1 p. 100, on dira que c'est une petite université.
Mme Suzanne Tremblay: D'accord.
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Mais qu'est-ce qu'une petite université?
Mme Suzanne Tremblay: Une partie des fonds qui sont consacrés à la recherche dans une université provient des conseils canadiens.
L'hon. John Manley: C'est exact.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que ces fonds proviennent uniquement des conseils canadiens ou s'ils proviennent également des provinces?
L'hon. John Manley: Ils proviennent des trois conseils subventionnaires.
Mme Suzanne Tremblay: Les sommes sont proportionnelles à celles qu'elles reçoivent des trois conseils. J'ai cru comprendre que les petites universités seraient les premières à qui ces subventions seraient versées.
L'hon. John Manley: C'est exact.
Mme Suzanne Tremblay: Cela leur permettra de garder leur personnel et de créer leurs chaires avant que les grosses universités ne le fassent.
L'hon. John Manley: Oui. Elles bénéficieront d'un peu plus de flexibilité que les grandes universités. Par exemple, on propose deux niveaux de chaires et les petites universités pourront répartir leurs fonds entre ces deux niveaux. Elles pourront décider de protéger de jeunes professeurs ou de recruter une personne bien connue pour une chaire plus... [Note de la rédaction: Difficultés techniques].
Mme Suzanne Tremblay: Que l'université soit petite ou grande, est-ce que c'est vous qui négocierez le domaine d'expertise qui lui sera attribué avec les ministères de l'Éducation des provinces, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et l'Association des universités et collèges du Canada? Qui sont les partenaires qui décideront que telle université aura une chaire dans tel domaine?
L'hon. John Manley: On n'a pas pris de décision à cet égard.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce à eux qu'il appartient de décider?
L'hon. John Manley: Le président d'une université devra préparer un plan stratégique sur la recherche pour son université. Des experts devront examiner les propositions de chaires de recherche. Il s'agira d'un processus de révision semblable à celui qu'on utilise actuellement lorsqu'on examine les demandes de subventions, quoiqu'il devra s'inscrire dans le contexte de ce plan stratégique. Nous n'irons pas dire à telle université que nous pensons qu'elle devrait faire de la recherche en biologie. Ce choix appartient aux universités. Nous exigeons toutefois que chaque université se dote d'un vrai plan stratégique.
Les deux provinces qui ont le plus de succès auprès des conseils subventionnaires sont le Québec et l'Alberta. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi. Je crois qu'elles possèdent déjà de très bon plans stratégiques, qu'elles utiliseront probablement à nouveau dans le cas des chaires de recherche.
Mme Suzanne Tremblay: Merci. Je voudrais vous poser une question dans un tout autre domaine. Puisque nous disposons de plus de temps pour nous expliquer dans le cadre d'un comité que lors de la fameuse période de questions orales, je voudrais que vous m'expliquiez une chose. Vous avez un Bureau de la concurrence qui nous a coûté très cher, soit quelque 25 millions de dollars, selon les renseignements qu'on m'a donnés. Pourquoi avez-vous versé 600 000 $ à une entreprise privée comme le Conference Board pour faire une enquête sur l'essence, alors que vos collègues avaient déjà étudié tout ce problème? Pourquoi? Expliquez-moi cela très honnêtement. Le Conference Board avait-il besoin d'argent?
L'hon. John Manley: Il s'agit d'une étude tout à fait différente parce que la juridiction du Bureau de la concurrence est limitée par les dispositions de la loi. Nous avons maintenant beaucoup d'expérience. Si le bureau n'a pas la preuve qu'il y a eu infraction aux dispositions de la Loi sur la concurrence, il ne peut rien faire. Ce sont les membres du comité qui ont recommandé qu'on fasse une étude aux points de base afin de bien comprendre le marché.
Il fallait étudier de nombreux aspects. Par exemple, il fallait déterminer l'impact des indépendants dans un marché. Le Bureau de la concurrence dit que dans un marché où on trouve un produit qui est exactement le même dans toutes les régions, on fixe des prix très élevés. Il n'est pas surprenant que les prix soient les mêmes. Que le marché soit compétitif ou non compétitif, les prix seront les mêmes.
Sans preuves, le Bureau de la concurrence ne peut rien faire. C'est pour cette raison que les députés qui étaient membres du groupe de travail ont proposé une étude plus vaste et plus approfondie que celles qui existaient.
Mme Suzanne Tremblay: À votre avis, il n'y a pas à l'heure actuelle un assez grand nombre d'études qui démontrent qu'il y a une trop forte concentration de l'industrie pétrolière, et c'est pourquoi vous avez fait appel au Conference Board. Croyez-vous que cet organisme saura vraiment faire la lumière? Il ne fonctionne pas de la même façon qu'un comité, qui peut convoquer des témoins qui expriment différents point de vue, y compris les représentants des industries pétrolières. Je ne sais pas comment nous pourrons accueillir cette étude-là.
L'hon. John Manley: Je crois qu'on avait formulé cette recommandation parce qu'on avait jugé nécessaire d'obtenir une expertise au plan économique principalement et parce qu'on avait voulu créer une base d'information qui soit crédible aux yeux du grand public. On pourrait entendre des témoins, mais nous savons qu'ils tiendraient des propos contradictoires. Il y a longtemps qu'on a fait une étude générale au Canada à ce sujet qui pourrait être identifiée comme étant vraiment crédible. Il nous faudrait trop de temps pour faire nous-mêmes une telle étude parce que nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous avons donc confié cette tâche à l'organisation la plus apte à la faire. Comme nous le savons, on avait proposé de faire cette étude beaucoup plus tôt et j'aurais aussi préféré qu'on la fasse plus tôt. Si nous l'avions faite plus tôt, elle n'aurait pas été menée pendant une période d'augmentations significatives. Cependant, je maintiens qu'il vaut mieux la faire maintenant plutôt que jamais.
La présidente: Je vous invite à poser une dernière question, madame Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay: Oui, madame la présidente. Ma question fait suite à la question que vous avait posée en Chambre mon collègue de Témiscamingue. Vous lui aviez dit que vous aviez répondu au rapport qu'avaient déposé vos collègues libéraux en 1999. Est-il possible d'obtenir une copie de la réponse que vous aviez donnée à ce fameux rapport de vos collègues puisque nous ne l'avons jamais vue?
L'hon. John Manley: Je n'y vois aucune objection.
Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que c'était une réponse orale? Non?
L'hon. John Manley: Non, non. J'ai envoyé une lettre aux membres du comité. Est-ce que vous souhaitez en obtenir copie?
Mme Suzanne Tremblay: Oui, s'il vous plaît. Merci.
La présidente: Merci, madame Tremblay.
Monsieur Cannis.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, soyez le bienvenu devant notre comité.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur le ministre, je vais vous les poser toutes les trois et vous me répondrez ensuite.
Dans votre exposé vous avez déclaré: «J'estime toujours que le Canada met trop de temps à concrétiser ses idées.» En plus d'évoquer les difficultés que rencontrent parfois les entreprises pour obtenir un financement, pourriez-vous nous parler des autres obstacles que rencontrent éventuellement les entreprises pour concrétiser leurs idées commerciales? Est-ce que ce serait par exemple dans des domaines comme l'octroi de permis, le respect des règlements, l'homologation, etc.? Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce point?
Vous avez abordé par ailleurs la question du tourisme, monsieur le ministre, et vous nous avez dit que les recettes étaient de plus de 50 milliards de dollars. Pourriez-vous nous résumer ce que fait votre ministère pour promouvoir ce secteur du tourisme et nous indiquer ce qui est en cours?
Pour terminer, monsieur le ministre, nous avons entendu dire tout récemment que Toyota, je crois, investit 600 000 $ en Ontario, et je sais que General Motors a investi quelque 59 millions de dollars cet été. Pourriez-vous me dire pourquoi, selon vous, notre pays a réussi à attirer ce genre d'investissements, contrairement à ce que l'on nous dit partout, à savoir que c'est difficile pour les entreprises et que nous ne sommes pas concurrentiels? Pourriez- vous nous en dire plus au sujet de ces investissements?
L'hon. John Manley: Je vous remercie. Je pense que c'est une bonne liste.
Tout d'abord, pour ce qui est des obstacles qui nous empêchent de concrétiser nos idées, il s'est passé bien des choses. Certaines d'entre elles sont évoquées par exemple dans le rapport publié il y a deux ans par l'OCDE et dont nous avons déjà parlé au sein de ce comité, dans lequel on nous dit que le Canada semble souffrir d'un manque d'innovation. Cela provient d'un faible niveau de R-D tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, davantage encore dans le secteur privé, et d'un faible niveau d'acquisition et d'application de la technologie, notamment dans le secteur des PME. C'est pourquoi la question de M. Lastewka tombe particulièrement à point, parce que c'est l'un des obstacles qu'il nous faut surmonter.
Il y a eu des difficultés—et je sais que vous nous en avez pris acte dans votre question—concernant l'accès aux capitaux. Comparativement à ce qui se passait il y a sept ans, les statistiques nous révèlent qu'il y a aujourd'hui davantage de capital de risque, mais qu'il est difficile d'en faire profiter les entrepreneurs. Les réticences dont font preuve les fonds canadiens de capital de risque lorsqu'il s'agit d'investir sont légendaires, et en réalité ce n'est pas un simple problème de fiscalité; cela vient souvent du fait qu'ils ne savent pas où affecter leurs fonds.
Par ailleurs, lors de la rencontre d'hier avec le CCCE, l'un des jeunes entrepreneurs a fait état de la difficulté à faire appel aux marchés boursiers canadiens au premier stade du financement des entreprises. C'est pourquoi la plupart des émissions initiales d'actions des jeunes entreprises canadiennes se font sur le NASDAQ plutôt qu'à la bourse de Toronto ou que sur une autre bourse canadienne. Comme je me suis efforcé de le signaler, il serait à certains égards souhaitable que nous disposions d'une réglementation nationale des valeurs mobilières comme aux États- Unis, mais il n'en reste pas moins que les provinces canadiennes ont carrément rejeté cette possibilité, et c'est une question qui doit être traitée au niveau provincial.
C'est la combinaison de toutes ces choses. Essentiellement, ce qu'il nous faut faire au Canada, c'est fortement encourager et renforcer la volonté d'innover. Innover, ce n'est pas simplement avoir de brillantes idées, car la population canadienne nous a prouvé qu'elle n'en manquait pas. Il faut pouvoir aussi concrétiser ces idées en les commercialisant et en créant des produits canadiens.
Courrier Microsoft a été mis au point au Canada; le programme Java a été élaboré par un Canadien de Calgary; le stimulateur cardiaque a été conçu par un Canadien et commercialisé aux États- Unis. Comme je l'ai dit au CCCE, j'ai l'impression parfois que si nous avions inventé la roue, nous l'aurions tirée jusqu'à la frontière au bout d'une corde pour pouvoir la commercialiser. Il nous faut promouvoir cette culture de l'innovation.
En matière de tourisme, nous avons en fait remis notre sort entre les mains de la Commission canadienne du tourisme. C'est un choix stratégique que nous avons fait à l'époque, en 1994, lorsque nous avons créé cette commission et décidé que le rôle du gouvernement canadien en matière de tourisme allait essentiellement être un rôle de promotion. C'est la raison de l'existence de la Commission du tourisme.
• 1615
C'est avant tout un partenariat entre le secteur public et le
secteur privé. Son conseil d'administration compte des
représentants des provinces, mais la majorité des administrateurs
appartiennent au secteur privé. Ses programmes de promotion du
tourisme s'efforcent de faire largement appel au partenariat avec
le secteur privé.
Ainsi, les mesures de promotion touristique canadiennes ont même pu être axées sur les marchés concurrents du marché canadien et parfois sur des marchés complémentaires. C'est ainsi que les compagnies aériennes, les hôtels et différents centres touristiques collaborent avec la Commission du tourisme afin d'obtenir sur une certaine période une véritable présence sur un marché donné, aux États-Unis, par exemple, et tirer profit de ce marché. Cette politique a vraiment produit d'excellents résultats.
Tout bonnement, lorsque j'ai pris mes fonctions à Industrie Canada en 1993, les responsables de Tourisme Canada chargés de me mettre au courant sont venus me dire: «Monsieur le ministre, à l'heure actuelle notre budget pour le Japon ne nous permet pas de faire passer pendant une seule journée au Japon une simple annonce dans un quotidien.» Nous n'exercions absolument aucune influence. Nous allons donc bien entendu augmenter les crédits, mais nous l'avons fait par ailleurs dans le cadre d'un partenariat avec les provinces et le secteur privé de manière à rentabiliser au maximum notre investissement. Il faut aussi reconnaître que la valeur du dollar canadien nous aide bien à promouvoir le tourisme au Canada.
Quant aux investissements qui sont faits dans notre pays, je dois vous avouer que nous ne sommes pas encore débarrassés de tous nos soucis car la part qui est la nôtre en Amérique du Nord n'est pas ce qu'elle devrait être. Il nous reste donc du travail à faire. Toutefois, ce ne sont pas toujours des problèmes de fond qui expliquent cette situation. Je regrette d'avoir à compter ce genre d'anecdote, mais il m'arrive, lorsque je cherche à promouvoir le Canada dans le monde, d'évoquer la question des possibilités d'investissement qui s'offrent aux entreprises étrangères et de leur poser la question suivante: «Vous venez d'annoncer que vous alliez faire un gros investissement en Amérique du Nord. Pourquoi avez-vous choisi les États-Unis et non pas le Canada?» Trop souvent, la réponse est la suivante: «En fait, nous n'avons pas pensé au Canada.» Le Canada n'a pas perdu face à la concurrence; il ne faisait tout simplement pas partie de leurs projets.
Nous avons donc fait de gros efforts pour nous faire connaître. Partenaires pour l'investissement au Canada est l'outil que nous nous sommes donnés pour y parvenir. Nous avons au sein du gouvernement des spécialistes de la promotion de notre pays qui vont faire connaître les avantages du Canada et des investissements au Canada. Nous collaborons avec le secteur privé pour faire cette promotion.
Dans certains secteurs—et celui de l'automobile en est un exemple—nous avons très bien réussi. Je n'attribuerais pas nécessairement tous les succès obtenus dans le secteur de l'automobile aux mesures que nous avons prises dans le cadre de Partenaires pour l'investissement au Canada, mais je dirais cependant que cela montre que le Canada est vraiment concurrentiel dans ce secteur. Les investissements ont payé, que ce soit ceux des trois grands constructeurs américains ou ceux qu'ont fait les Japonais. Ces constructeurs gagnent de l'argent et font d'excellentes affaires. J'étais hier chez Toyota lorsque cette annonce a été faite.
Depuis la création des prix J.D. Power and Associates récompensant la qualité, 27 prix ont été décernés. Cinq d'entre eux l'ont été à l'usine Toyota de Cambridge. La société Toyota a annoncé hier qu'elle allait construire pour la première fois la Lexus—qui, comme vous le savez, est son modèle de haut de gamme, de grande qualité—à l'extérieur du Japon, soit justement à Cambridge. Vous pouvez en conclure que nous avons effectivement d'excellents ouvriers et une structure de coûts très compétitive. C'est pourquoi les investissements continuent à affluer dans ce secteur.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied Partenaires pour l'investissement au Canada, pour essayer de faire passer ce message à l'étranger et d'expliquer aux gens que le Canada est compétitif. L'étude KPMG le prouve. Bien sûr, notre secteur des affaires aimerait que nous abaissions les impôts. Je n'en disconviens pas. Toutefois, dans le monde qui nous entoure, il y a bien d'autres enjeux, bien plus de problèmes de coûts et bien d'autres facteurs qui doivent être pris en compte par les entreprises en dehors de la simple fiscalité. En conciliant tout cela, on peut arriver à obtenir d'excellents résultats.
La présidente: Je vous remercie.
Merci, monsieur Cannis.
La parole est à M. Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, je vais reprendre le débat là où vous venez de le laisser. Vous nous dites que le Canada est concurrentiel. J'ai pris acte du fait que vous avez annoncé tout à l'heure que nous aurons finalement 2 000 chaires de recherche à l'échelle du pays, venant s'ajouter aux 2 milliards de crédits consacrés à la Fondation canadienne pour l'innovation et à d'autres programmes, sans compter vos observations antérieures au sujet du fait que notre pays était le plus branché au monde et autres choses de ce genre...
J'ajouterais en passant que c'est avec plaisir que je vous ai entendu parler des crédits réservés aux petites universités. Comme vous le savez, elles craignaient d'être tout simplement laissées de côté, mais de toute évidence vous avez agi en conséquence, et je vous en suis reconnaissant.
• 1620
Je voudrais en revenir au CCCE. Il me semble qu'il a un peu
trop tendance à se plaindre. Je pense que tout ce que vous avez
évoqué aujourd'hui, ainsi les crédits de recherche incroyablement
lucratifs qui existent aujourd'hui, et cela depuis des années, et
le rôle formidable—certains d'entre nous seraient presque portés
à dire qu'il en fait trop—que joue le gouvernement, en association
avec le secteur privé, pour susciter davantage de R-D. Vous venez
aujourd'hui de lancer la création de 2 000 chaires dans notre pays.
Nous avons des centres d'excellence. Nous avons des projets de
haute technologie de l'information conçus au plus haut niveau, et
le CCCE nous dit qu'il faut abaisser les impôts et régler le
problème de la dette pour devenir plus compétitif.
Ne pensez-vous pas que les entreprises devraient de leur côté en faire davantage? Le gouvernement a montré la voie, mais je considère qu'il est bien triste qu'il lui faille le faire. À mon avis, c'est la façon dont on devrait... On voit que le secteur privé est toujours à la traîne pour ce qui est de la R-D. Que peut faire de plus le gouvernement? Ne devrions-nous pas nous tourner davantage vers les membres du CCCE et leur demander: «Que pouvez- vous faire encore pour devenir davantage concurrentiels dans ce monde dominé par la technologie qui va être le nôtre, et caractérisé par la mondialisation de cette technologie?»
L'hon. John Manley: Bien sûr, je pense que vous avez raison. Nombre d'indicateurs nous révèlent qu'en réalité les difficultés rencontrées par les entreprises canadiennes peuvent être attribuées aux gestionnaires—soit l'absence d'une stratégie mondiale et le manque d'investissement dans la R-D, que vous avez évoqué. Ce n'est pas vrai pour tous les secteurs. Ce n'est certainement pas vrai, de manière générale, dans le secteur manufacturier au Canada.
Nortel, qui est une entreprise qui réussit, est presque le révélateur des insuffisances des autres entreprises canadiennes. Non seulement Nortel est notre principal pourvoyeur de R-D au Canada, mais en outre elle fait 25 p. 100 de notre R-D industrielle. Je ne pense pas que ce soit par accident que parmi toutes nos entreprises ce soit elle qui en quelque sorte ait le plus de succès dans le monde. C'est parce qu'elle fait ce genre d'investissement. Elle engage nos meilleurs diplômés sortis des formations d'ingénieur de nos universités. C'est excellent pour elle, mais cela montre bien à mon avis que trop d'entreprises canadiennes se sont contentées de chercher à acheter éventuellement des technologies toute faites ou de les emprunter à quelqu'un d'autre plutôt que de se doter d'une véritable stratégie mondiale.
Je pense donc que le monde des affaires a tout un examen de conscience à faire. J'ai déjà évoqué certains des blocages rencontrés par les entreprises canadiennes en matière de financement.
Cela dit, je tiens à répéter l'un des messages que les sociétés de technologie, plus particulièrement, ont cherché à faire comprendre à chacun d'entre nous, c'est que quelles que soient les situations passées, le monde évolue aujourd'hui très rapidement. Certains changements peuvent être bons, d'autres mauvais, mais tous sont probablement inévitables. J'aime à dire qu'à l'heure actuelle la mondialisation n'est pas un choix de politique que l'on peut nous accuser d'avoir fait. La mondialisation est une réalité. Elle nous engage dans une concurrence constante et nos entreprises doivent s'y adapter. Elles n'ont pas beaucoup de temps pour y réfléchir; elles doivent prendre rapidement des décisions.
Nortel en est un exemple. Il y a deux ans John Roth, et c'est à porter à son crédit, a décidé très courageusement de faire une grosse acquisition et de risquer son entreprise—ce qui bien entendu nous a rendu nerveux parce que c'est aussi notre entreprise qu'il risquait, notre meilleure entreprise de technologie—en pariant sur l'Internet. Pour l'instant, son pari s'est révélé excellent; du moins si l'on en croit les marchés. Souvenez-vous que lors de l'achat de Bay Networks, les marchés n'en étaient pas si sûrs. Il est avéré, du moins jusqu'à présent, que ce fut une excellente décision.
M. Nelson Riis: Excusez-moi, monsieur le ministre, mais j'aimerais vous interrompre. Je ne dispose que de 10 minutes alors que vous avez trois heures.
L'hon. John Manley: Il me reste trois heures?
M. Nelson Riis: Disons qu'il vous reste beaucoup de temps, mais il y a un certain nombre d'autres points que j'aimerais évoquer. Je vous prie de m'en excuser.
L'hon. John Manley: C'était pourtant une bonne réponse. J'en arrivais justement à l'essentiel.
M. Nelson Riis: C'était une très bonne réponse.
Vous nous disiez que les entrepreneurs éprouvaient encore trop de difficultés à obtenir des crédits, comparativement à ce qui se passe aux États-Unis, et je pense que nous sommes tous d'accord avec vous autour de cette table. J'aimerais que nous reparlions de la Banque de développement du Canada et de son mandat.
J'ai une grande confiance dans la Banque de développement du Canada. J'apprécie les gens qui y travaillent, mais je me demande si vous ne pensez pas qu'ils devraient en faire davantage pour procurer le genre de financement dont on a tant besoin. Le mandat de cette institution est très restrictif. Il m'apparaît qu'elle se comporte plus ou moins comme une banque à charte. Ne pourrions-nous pas attendre davantage d'une évolution du mandat de la Banque de développement du Canada, lui permettant de participer à la capitalisation de cette nouvelle économie axée surtout sur les technologies de l'information?
L'hon. John Manley: Je vais essayer de vous répondre plus rapidement cette fois-ci.
Oui, je le pense. Le moment de réviser le mandat de la BDC est arrivé. Il y a environ cinq ans que nous l'avons revu pour la dernière fois et il est donc temps de le revoir à nouveau. Nous l'avons changé de manière significative en 1995 ou en 1996, pour que la BDC ne soit pas tenue d'être le prêteur en dernier recours et que les emprunteurs n'aient plus à apporter la preuve qu'ils ont été maltraités et rejetés par une banque à charte pour pouvoir obtenir un financement. Nous avons essayé de la lancer dans des secteurs où elle peut être complémentaire des prêteurs existants.
Par ailleurs, ave ce changement d'orientation, nous avons bien davantage mis l'accent sur ses capacités de financement à l'aide de capitaux de risque. Elle a fait de nombreux financements par prise de participation au capital, et je dois vous avouer qu'elle a très bien réussi. Elle a misé sur un certain nombre de vrais gagnants. Elle a investi très tôt dans Ballard Power, ce qui lui a beaucoup rapporté. On verra dans ses états financiers du prochain exercice qu'elle a obtenu d'excellents profits, plus que dans ses opérations de prêts, au titre de ses projets d'investissement en capitaux de risque.
Toutefois, il est temps de revoir ce mandat.
M. Nelson Riis: Il est temps de le revoir et éventuellement de le modifier pour tenir compte de l'évolution de l'économie.
Dans la même veine, monsieur le ministre, il y a la question du programme Développement des collectivités. Pour ceux d'entre nous qui représentent des petites localités rurales, ce programme est probablement, parmi tous ceux du gouvernement fédéral, celui qui a eu le plus de succès en aidant de nouvelles entreprises à démarrer. Dans ma propre collectivité de la région de Kamloops, littéralement des centaines de nouvelles entreprises ont pu démarrer grâce au programme Développement des collectivités.
Elles s'inquiètent aujourd'hui, ne sachant pas si ce financement va se poursuivre à long terme. Elles entendent toutes sortes de rumeurs. Est-ce que vous pourriez rassurer un peu toutes celles qui sont en train de se dévouer et de se battre sur le terrain en leur confirmant qu'elles peuvent compter sur un financement soutenu pendant les prochaines années.
L'hon. John Manley: J'ai entendu certaines de ces rumeurs. Nous avons essayé de leur tordre le cou parce qu'à mon avis l'expérience du programme Développement des collectivités, pas dans tous les cas mais dans la grande majorité d'entre eux, s'est révélée très positive. Ces organismes ont su gérer de manière très responsable les fonds qui leur ont été confiés et ils constituent l'une des rares sources de ce que l'on peut qualifier de microfinancement au sein des collectivités canadiennes.
D'autres investissements importants ont été prévus dans le budget au titre du programme Développement des collectivités, ce qui devrait nous permettre de couvrir finalement tout le pays. Pour l'instant, les différentes régions de notre pays ne bénéficient pas toutes du programme Développement des collectivités, et nous y mettrons donc la dernière main. Par ailleurs, tout dépendant des demandes et des projets d'exploitation, nous serons en mesure d'augmenter le capital des organismes de développement des collectivités existants.
Le budget prévoit l'affectation de 54 millions de dollars sur les trois prochaines années à la création de nouvelles sociétés de développement des collectivités et au renforcement des sociétés existantes. Il convient donc de les rassurer sur leur avenir à long terme.
M. Nelson Riis: C'est très encourageant à entendre.
Je terminerai mes questions en me faisant l'écho des observations faites par Charlie Penson, qui s'inquiète au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises et du fait que les institutions financières s'en servent éventuellement pour amortir certains de leurs prêts les plus risqués. C'est une chose sur laquelle j'estime qu'il nous faudrait nous pencher à l'avenir afin d'améliorer l'efficacité de ce programme. Ce programme, trop laxiste, laisse à désirer. Il aide certainement bien des gens, mais les montants en jeu pourraient être mieux utilisés. C'est davantage une constatation qu'une question, monsieur le ministre.
L'hon. John Manley: Vous savez, si le comité souhaite à nouveau se pencher sur ces programmes, c'est toujours possible et toujours utile. Ce que nous avons cherché effectivement à faire en apportant des modifications en 1995...
Nous avions constaté à l'époque que nombre d'emprunteurs ne savaient pas qu'ils bénéficiaient des garanties du gouvernement. Rien ne l'indiquait sur les formules bancaires qu'ils signaient, de sorte que les banques pouvaient les faire signer et obtenir la garantie sans que l'emprunteur ne sache rien.
En même temps que les changements, il faut bien voir que l'on a imposé un paiement. L'emprunteur doit payer des frais pour obtenir la garantie. De cette façon, il est au courant. En second lieu, cela les a dissuadés d'emprunter, c'est pourquoi le recours au programme a diminué après les modifications apportées en 1995. De plus, nombre d'intéressés se sont dits: «Finalement, je n'ai pas besoin de la garantie du gouvernement. Ma cote de crédit est suffisamment bonne pour que je puisse m'en passer. Pourquoi payer des frais supplémentaires pour obtenir une garantie du gouvernement dont je n'ai pas besoin?»
Je pense donc que nous avons réglé un certain nombre de difficultés, mais je dois vous dire que c'est un programme très efficace. Il est bien plus facile à administrer que la plupart des autres programmes que l'on pourrait concevoir. Sa seule existence nous donne une garantie au cas où, disons, nous devrions subir un retournement de conjoncture. Il pourrait très bien permettre d'augmenter les capitaux disponibles au moment où les fonds se tarissent dans le reste du système.
La situation est quelque peu tendue à l'heure actuelle mais, si le cycle économique venait à changer, je ne pense pas que nous nous poserions toutes ces questions alors que nous disposons d'un moyen très pratique d'ouvrir un peu les robinets et d'apporter des capitaux aux petites entreprises.
La présidente: Merci, monsieur Riis.
M. Riis et M. Penson ne siégeaient pas au sein du comité lorsque nous avons effectivement réexaminé la LPPE. Notre comité a ici la possibilité de se pencher sur les projets pilotes et de faire venir les fonctionnaires pour qu'ils nous parlent des changements apportés. Un certain nombre de changements ont été apportés lors du réexamen précédent.
Madame Jennings, vous avez la parole.
L'hon. John Manley: M. Sulzenko me dit que nous reviendrons avant le mois de juin pour parler du projet pilote.
La présidente: Oui. Les députés auront alors la possibilité d'en discuter.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le ministre, de votre exposé.
Je voudrais revenir sur la question de la connaissance et du partage équitable des connaissances à l'échelle du Canada. Nombre de localités rurales et éloignées n'ont pas accès, par exemple, à des lignes Internet à haute vitesse, et certaines d'entre elles n'ont même pas accès à des lignes téléphoniques individuelles. Elles utilisent encore des lignes partagées.
J'aimerais savoir ce que fait éventuellement Industrie Canada pour remédier à ce problème et pour garantir aux localités rurales et éloignées le même accès dont on bénéficie actuellement dans les villes en matière de communications sans fil, telle que les lignes Internet à haute vitesse.
L'hon. John Manley: Pour commencer, je vous dirais que la maison de campagne que ma famille a loué l'été dernier avait une ligne téléphonique partagée, ce qui fait que les appels du bureau du premier ministre ont été plus courts que d'habitude. On peut donc voir qu'il n'est pas toujours mauvais d'avoir une ligne partagée.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John Manley: Il est cependant bien difficile d'utiliser Internet à partir d'une ligne partagée, je peux vous le dire.
C'est un gros problème pour la population canadienne. D'ailleurs, l'un des collègues de M. Riis a soulevé cette même question à la Chambre il y a deux jours. Si nous voulons être le pays le plus branché dans le monde, il faut que notre population, où qu'elle soit, puisse avoir facilement accès à Internet.
Nous avons mis en place certains programmes pour essayer de faciliter cet accès. Dans le cadre de notre programme d'accès communautaire, nous disposons aujourd'hui de quelque 4 500 sites d'accès communautaires dans le pays.
Mme Marlene Jennings: Mais ce n'est pas pour les entreprises.
L'hon. John Manley: Non, c'est pour le public. Ça ne s'adresse pas aux entreprises, vous avez raison, mais au moins nous allons dans le bon sens.
Je pense que vous allez voir de nombreuses collectivités choisir d'affecter une partie des crédits qui leur sont versés dans le cadre du nouveau programme sur les infrastructures afin de se doter d'un accès à haute vitesse à Internet. Parallèlement, le CRTC, dans l'une des décisions qu'il a prise il n'y a pas si longtemps, a pour la première fois englobé dans les services de base l'accès local à Internet. Souvenez-vous qu'il y a quelques années lorsque le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information a fait son rapport, la meilleure définition qu'il a pu donner aux services de base a consisté à les qualifier de «services téléphoniques de base».
• 1635
Nous ne serons donc plus dépendants de l'interurbain pour
offrir des services Internet de base. Je pense que l'on fait de
gros progrès dans ce sens, mais il est important d'agir rapidement
si nous voulons véritablement répondre aux besoins d'une économie
axée sur l'Internet.
Mme Marlene Jennings: J'en suis bien consciente.
J'aimerais revenir sur une des questions soulevées, je crois, par mon collègue, M. Lastewka, au sujet de la productivité. Lors de nos audiences, nous avons été amenés à nous pencher non seulement sur la question de l'innovation, mais aussi sur celle du transfert des techniques d'information et du transfert des procédés mis au point à l'étranger.
Il apparaît très clairement que nos entreprises ne font pas tout ce qu'elles devraient faire, qu'il s'agisse de mettre au point nos propres techniques et produits novateurs ou encore de transférer ou de faire venir chez nous l'information ou les procédés qui existent déjà ailleurs.
J'ai été assez stupéfaite en apprenant que le CCCE s'en prenait au gouvernement. Je constate que le monde des affaires ne fait pas grand-chose pour inciter les petites et moyennes entreprises à aller effectivement chercher cette information ailleurs, à la ramener chez nous, à la mettre en application, à concevoir elles-mêmes de nouvelles techniques, etc.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, monsieur le ministre.
L'hon. John Manley: Où en étais-je tout à l'heure dans ma réponse lorsque j'ai dépassé le temps qui m'était imparti?
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John Manley: Je pense que c'est tout à fait vrai. Ce que j'ai essayé de proposer au CCCE, c'est qu'il nous fallait en fait agir de concert. La concurrence internationale est acharnée et le gouvernement, les entreprises et les syndicats n'ont tout simplement pas suffisamment de temps et de ressources pour se battre entre eux au Canada. Nous avons d'énormes concurrents à l'étranger qui n'attendent que l'occasion de nous abattre. Nous avons véritablement besoin de rassembler nos ressources et de nous demander quelle est la stratégie que nous allons pouvoir suivre pour sortir gagnants face à la concurrence internationale. Il faut voir que nous allons tous gagner ou perdre en même temps. Nous serons tous dans le même bateau.
La grande difficulté, je pense, c'est que nous avons un très proche voisin qui, à certains égards, opère sur des bases très différentes des nôtres. Il faut que le Canada se représente bien le type de société qu'il souhaite et ce qu'il est prêt à payer en conséquence. Nous ne pouvons pas avoir les mêmes taux d'imposition que les États-Unis si, parallèlement, nous voulons bénéficier de meilleurs services gouvernementaux que les leurs. Je pense qu'il faut que les Canadiens comprennent quels sont les différents compromis à faire.
D'un autre côté, j'estime qu'il faut que le CCCE se rende compte que nous ne nous sommes pas retrouvés dans cette impasse du jour au lendemain. Il nous a fallu 25 années de déficits courants pour en arriver à l'endettement actuel. Le fait que nous nous soyons tirés aussi rapidement de cette situation déficitaire, plus rapidement que tout autre pays au monde...
Nous avons rétabli notre situation financière et l'on pourrait au moins nous remercier avant de nous accabler.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John Manley: Pour autant, tout n'est pas résolu. Bien entendu, la dette subsiste. Il faut toutefois entendre tous les discours que j'ai entendus: il faut réduire le montant de la dette, abaisser les impôts, augmenter au moins les crédits à l'enseignement et, ne l'oublions pas, ne pas négliger non plus la santé. On a dit tout cela.
Disons que je calcule peut-être mal, mais ne sommes-nous pas tous d'accord sur ces différents points? Nous aimerions tous que la dette baisse. Nous aimerions tous avoir moins d'impôts. Nous aimerions tous bénéficier d'excellents soins de santé. Nous aimerions tous que l'on augmente les crédits consacrés à l'enseignement, sans parler des infrastructures et d'un certain nombre d'autres postes de dépenses que nous jugeons importants.
Je n'ai jamais entendu personne au sein du CCCE nous dire que nous gaspillons de l'argent lorsque nous investissons dans l'enseignement. Jamais ces gens ne vont nous dire qu'en investissant dans la santé on gaspille de l'argent, parce qu'ils savent bien que le contrecoup politique serait assez violent. Ils ne pensent pas que les infrastructures sont un gaspillage d'argent. Il faut en quelque sorte faire la quadrature du cercle.
La présidente: Merci, madame Jennings.
M. Nelson Riis: Madame la présidente, pouvez-vous m'accorder une minute supplémentaire?
La présidente: Nous allons en fait procéder à un second tour.
M. Nelson Riis: Je n'ai besoin que d'une minute. Ça me prendra en fait que 30 secondes.
La présidente: Très bien. M. Penson dit qu'il est d'accord.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: C'est au sujet d'une observation faite par Mme Jennings, monsieur le ministre.
La présidente: Bien.
M. Nelson Riis: Vous nous avez dit que certaines localités éloignées pourraient peut-être se servir du programme d'infrastructure pour accéder à l'Internet. Comment ferait-on? Que mettriez-vous en place au sein de la collectivité pour qu'elle puisse y avoir accès?
L'hon. John Manley: Certaines d'entre elles se sont déjà servies du programme d'infrastructure à cette fin la première fois, en 1994. Le comté de Lanark, près d'Ottawa, s'est servi d'une partie de cet argent pour améliorer les communications par fibres optiques au sein de la collectivité, et on a lancé cette... vous avez probablement vu les panneaux publicitaires. On peut y lire: «À 10 minutes de la maison de campagne, à 10 secondes de Tokyo». La municipalité de Grande Prairie, en Alberta, ne s'est pas servie du programme d'infrastructure mais, c'est à porter à son crédit, elle a compris il y a cinq ans que cette question était vraiment importante et elle a demandé à Telus, avec l'aide de la municipalité, de venir installer un raccordement par fibres optiques entre Edmonton et Grande Prairie et un réseau de fibres optiques tout autour de la ville.
On peut donc le faire en faisant appel aux ressources des municipalités, et le programme d'infrastructure permettra à certaines localités... Elles demanderont la collaboration des compagnies téléphoniques, mais c'est un outil auquel elles peuvent recourir si elles considèrent qu'il y a là une priorité stratégique en ce qui les concerne.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Penson, vous avez la parole.
M. Charlie Penson: Merci.
Je suis d'accord avec la réponse que vous venez de faire, monsieur le ministre, à Mme Jennings en disant que tout est question de priorité. C'est une question de priorité, n'est-ce pas? Lorsque le gouvernement a un certain montant d'argent à dépenser, il s'agit de savoir quelles vont être ses priorités de dépenses.
J'aimerais reprendre là où M. Riis en est resté au sujet des entreprises et des membres du CCCE. Que peuvent-ils faire de plus? C'est une question théorique, j'imagine. Il n'en reste pas moins qu'ils peuvent déménager, et c'est ce qu'ils font. Ils déménagent là où la situation est meilleure. Vous venez de le dire, la fiscalité n'est pas la seule raison qui détermine l'endroit où les entreprises vont s'implanter, mais c'est une raison très importante.
Toutefois, les questions que je veux vous poser, ont trait en fait aux priorités. Monsieur Manley, vous administrez un ministère de l'Industrie dont le budget est de quelque 4 milliards de dollars. Au sein de ce ministère, nous avons des programmes de développement régional qui en absorbent près d'un milliard. Je sais qu'il y a des ministres qui jouissent d'une délégation de pouvoir dans ce domaine, mais cela vient de votre ministère. Est-ce qu'il s'agit là d'une bonne priorité? Est-ce que l'on fait ainsi un bon usage des fonds publics afin d'améliorer la productivité et le niveau de vie?
Ma deuxième question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, portera sur le PCT et sur les observations du vérificateur général. Le vérificateur général a évoqué l'effet de levier des crédits consacrés au PCT. On peut lire dans le rapport annuel du PCT correspondant à 1998-1999 que l'on a effectué 775 millions de dollars d'investissements remboursables dont l'effet de levier est bien supérieur à ce montant. Dans son rapport de 1999, le vérificateur général a critiqué l'explication donnée par le PCT concernant l'effet de levier de ces fonds. Après s'être penché sur les 2,4 milliards de dollars prétendus représenter des fonds supplémentaires, il a déclaré que les vérificateurs avaient constaté que le PCT comptabilisait d'autres crédits gouvernementaux, les crédits d'impôt fédéraux et provinciaux à la R-D, des investissements effectués avant le financement des projets, de futurs investissements et projets correspondants éventuels, et même des fonds dépensés et entreposés, si vous voulez, à l'extérieur du pays, pour parvenir à ce résultat. Il a recommandé que le PCT clarifie cette situation. Je vous pose alors la question, qu'a-t-on fait? Quels sont les progrès que l'on a fait sur ce point?
L'hon. John Manley: Il n'y a pas là deux questions, mais trois, et je vais répondre à toutes les trois. Oui, ces entreprises peuvent déménager. Toutefois, comme l'a dit hier John Roth à l'assemblée de la CCCE, l'un des avantages du Canada, c'est de pouvoir engager des compétences à un coût relativement peu élevé. Les ingénieurs diplômés coûtent moins cher ici qu'aux États-Unis, et c'est l'une des raisons pour lesquelles elles continuent à engager les meilleurs éléments au Canada.
M. Charlie Penson: Mais les ingénieurs déménagent eux aussi.
L'hon. John Manley: Il y a aussi tout un tas d'autres facteurs ici. On a bien précisé par ailleurs, hier, que pour attirer les compétences il fallait souvent embaucher les gens là où ils veulent habiter. La qualité de la vie devient donc un élément pris en compte par nombre de personnes qui travaillent dans la haute technologie. Elles choisissent l'endroit où elles veulent aller. Je vous conseille d'aller voir ce qui se passe à Silicon Valley si vous voulez visiter un refuge de sans-abri plein de gens qui gagnent 40 000 $ par an. C'est une région qui offre de magnifiques possibilités d'emploi, mais ce n'est pas toujours celle qui se prête le mieux... Celui qui arrive à bon port a tout pour lui, mais ce n'est pas toujours facile. Ce n'est pas tout le monde qui veut vivre de cette manière.
• 1645
Nous avons ici, entre autres, l'exemple de Cisco, qui ne se
contente pas d'ouvrir un bureau, mais qui se dote de toute une
installation à Kanata. Il y a du personnel habitant en Californie
qui revient au Canada parce qu'il préfère la vie ici.
Les responsables d'une des entreprises de haute technologie m'ont dit qu'ils préféraient investir actuellement au Canada parce qu'ils ne font plus rien à Silicon Valley. Pour quelle raison? Parce que leur taux de roulement dans leurs installations de Silicon Valley était de 30 à 40 p. 100 par an. On ne peut pas mener à bien un projet lorsqu'on ne parvient à garder le personnel jusqu'à ce qu'il prenne fin.
Les responsables de Siemens m'ont déclaré que leur taux de roulement était de 5 p. 100 par an au Canada, de 15 p. 100 par an aux États-Unis et de 15 p. 100 par mois au Mexique. Ils parlaient du personnel spécialisé dans les domaines de la connaissance. Il y a donc les...
M. Charlie Penson: Il n'en reste pas moins que les Canadiens partent pour les États-Unis.
L'hon. John Manley: Effectivement. Tous les pays, toutes les localités ont leurs avantages et leurs inconvénients. Il est indéniable que nous avons nos propres inconvénients. Il nous faut essayer d'y remédier. Cependant, nous avons aussi une foule d'avantages.
Les organismes de développement régional, soyons bien clairs, ne relèvent pas du ministère de l'Industrie. Ce sont des organismes autonomes. Ils ont leur propre sous-ministre. Vous n'ignorez pas qu'ils ont à leur tête un secrétaire d'État qui me rend des comptes et qui s'occupe des opérations courantes. Chacun d'entre eux va bien entendu comparaître devant votre comité et je pense que vous pourrez alors leur poser des questions plus détaillées. Vous verrez cependant qu'ils présentent de nettes différences entre eux au niveau de leurs programmes et du type de services qu'ils dispensent.
C'est ainsi que les organisations de développement des collectivités, dont parlait M. Riis, et qui je pense ont été très bien accueillies par notre pays, non seulement en tant que support d'information, mais aussi en tant qu'organes de microprêts, représentent une large part des budgets de ces organismes. J'imagine que nous pourrions nous réorganiser pour qu'ils relèvent tous d'Industrie Canada, mais je ne suis pas sûr que cela présenterait un intérêt quelconque.
M. Charlie Penson: Monsieur le ministre, puis-je alors vous demander, en votre qualité de ministre de l'Industrie du gouvernement du Canada, si vous considérez que ces crédits consacrés au développement régional, même si, selon ce que vous nous dites, ils relèvent éventuellement d'autres ministres, reflètent une bonne utilisation des fonds publics pour faire progresser la productivité et le niveau de vie?
L'hon. John Manley: Parfois oui et parfois non, probablement.
M. Charlie Penson: Avez-vous fait une quelconque analyse des incidences nettes?
L'hon. John Manley: Au fil des années, nous avons beaucoup travaillé la question et vous avez pu constater des changements d'orientation que nous avons indiqués aux organismes régionaux ces dernières années pour essayer d'éviter qu'ils se lancent dans tous les types de projets susceptibles de se présenter, et faire en sorte qu'ils cherchent plutôt à promouvoir les échanges internationaux en tenant compte du fait que, pour maintenir une économie régionale, il faut avoir des perspectives plus vastes que la simple région locale.
Quant à la technologie, à l'accès à la technologie, c'est une chose que d'habiter une localité qui possède des établissements d'enseignement postsecondaire; c'en est une autre que d'habiter dans une région rurale éloignée où la technologie doit parfois venir de loin.
Dans le secteur du tourisme, qui très souvent est l'élément clé pour accéder à l'emploi dans une région quelconque, je crois que l'on peut dire en toute justice que l'on a obtenu bon nombre de succès. Dans certaines régions du Canada, l'accès aux capitaux est extrêmement restreint.
Est-ce qu'il y a eu des échecs? Oui, mais il y a eu aussi de nombreuses réussites. Je considère donc qu'il est simpliste d'affirmer que l'ensemble du programme de développement régional se trompe de cible. Je pense qu'il y a toujours matière à critiquer un programme, parce qu'il lui arrive de mal fonctionner, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il ne va jamais rien donner.
Quant au PCT, nous avons donné suite aux observations du VG. Nous avons bien réglé ce problème en collaboration avec le vérificateur général. En substance, nos statistiques nous révèlent qu'un dollar investi dans le PCT procure un effet de levier de 4 $ et je crois savoir que le vérificateur général est satisfait de notre mode de calcul et de compte rendu.
La présidente: Merci, monsieur Penson.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.
Le grand défi lorsque l'on passe en dernier, à bien des égards, monsieur le ministre, c'est que toutes les bonnes questions ont déjà été posées et qu'il ne reste que des miettes. Je vais essayer de faire de mon mieux.
Je veux tout d'abord vous remercier. En ce qui a trait à votre ministère, je pense que nous sommes nombreux de ce côté de la table à avoir finalement serré de près le Bureau de la concurrence et fait en sorte qu'il ait bien gagné les quelque 30 millions de dollars qu'il dépense chaque année. Le commissaire, les divisions civile et pénale ainsi que la section des amendements ont été mis à contribution sur un certain nombre de fronts.
Bon nombre de questions intéressantes se sont présentées à nous au cours de l'année écoulée, du moins depuis que j'ai siégé ici même l'année dernière et que vous avez eu à connaître de l'une de mes projets de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-201. Je ne vous dirai jamais assez à quel point il est important de reconnaître que la moitié des recommandations faites il y a un an environ par un comité comptant 47 membres ont été effectivement reprises par un bureau que je ne crois pas disposé, je dois vous l'avouer, à sacrifier son excellente réputation pour une simple étude sur l'essence ou sur l'industrie elle-même.
Nous avons réussi là, et c'est ce que vous avez réussi en décidant avec raison de donner suite à ce projet, à procéder à un examen indépendant et objectif de l'industrie. Je vous en remercie parce que, nous le savons bien, il arrive que l'on considère que les politiciens et autres intervenants peuvent avoir des préjugés à un moment donné. Il me paraît bon, par conséquent, qu'on laisse cette affaire suivre son cours, il en résultera éventuellement de bonnes politiques, qui refléteront peut-être ce que nous avons fait.
Je suis aussi favorablement impressionné par votre offre qui consiste à donner suite à certaines de nos projets de loi d'initiative parlementaire. Certains d'entre nous ont une bonne expérience du travail consistant à essayer de faire adopter ces projets de loi, et nous savons le temps qu'il faut y consacrer en tant que simples députés. Par conséquent, je vous en remercie.
J'aimerais passer à autre chose. En fait, cette journée est tout à fait remarquable. Toyota, mon ancien employeur dans le domaine des relations publiques, célèbre une nouvelle étape. C'est la douzième année qu'il est implanté à Cambridge. Bien évidemment, il ne vend pas que des véhicules de luxe. J'ai travaillé pour la division Lexus et pour la division Toyota. C'est donc une bonne nouvelle. Malheureusement, je n'ai pas les moyens d'acheter ces véhicules avec mon salaire.
L'hon. John Manley: C'est ce que je lui ai dit hier.
M. Dan McTeague: Monsieur le ministre, je suis moi aussi préoccupé par l'orientation et le parti pris adoptés par le Conseil canadien des chefs d'entreprises. J'ai une copie de votre réponse, qui me paraît très efficace. Il est toujours intéressant d'élever le débat parce que bien trop de gens ne fréquentent pas ces hauteurs.
En cette circonstance, deux questions me préoccupaient davantage que celle de la fiscalité invoquée par le CCCE lorsqu'il s'est efforcé de nous donner sa vision du XXIe siècle. Il y a tout d'abord le fait que les directives s'appliquant aux fusions au Canada sont trop strictes ou trop sévères et empêchent les entreprises d'opérer dans un cadre favorable.
Je comprends cette situation, surtout lorsqu'on sait que notre pays apparaît de plus en plus comme un monolithe dans nombre de secteurs industriels clés. C'est peut-être une nécessité, mais j'ai trouvé cela très inquiétant, lorsqu'on rapproche cette situation du fait que les Canadiens sanctionnent en quelque sorte le succès économique ou n'y sont pas très favorables.
Pourriez-vous éclairer notre lanterne ou nous donner quelque idée de ce qu'il faudrait faire pour que le CCCE finisse par dire un peu de bien du Canada et tienne compte du fait que nombre de petites entreprises privées s'efforcent d'être à la hauteur.
L'hon. John Manley: Je vous le répète, je pense que dans son exposé d'hier matin, M. d'Aquino s'est en fait largement efforcé de dire un certain nombre de choses positives. Je ne suis pas tout à fait sûr de ce qui s'est passé du jour au lendemain, mais son exposé était de toute évidence bien plus positif que je ne l'attendais à la lecture du rapport.
Je pense qu'il est bien normal que les milieux des affaires, dans tous les pays du monde, se sentent frustrés par les gouvernements. Nous opérons sur des registres différents, avec des délais différents et à une vitesse différente. Ce n'est pas seulement vrai pour le Canada, c'est vrai aussi pour d'autres pays, y compris ceux dont le CCCE a vanté les réalisations économiques.
En regardant l'une des photos que j'ai pu voir dans le journal d'aujourd'hui, on peut se demander, par exemple, si Bill Gates n'était pas l'autre jour en train de commenter au président Clinton le cadre réglementaire des États-Unis alors qu'ils étaient assis l'un à côté de l'autre. Bien entendu, nous regardons vers les États-Unis pour savoir quel type d'environnement les gens aimeraient avoir. L'expérience nous montre que ce n'est pas toujours aussi facile.
Cela dit...
M. Dan McTeague: C'est très subtil.
L'hon. John Manley: Monsieur McTeague, l'un des défis que va devoir relever le Canada est le suivant: L'économie des différents pays étant de plus en plus mondialisée, les problèmes d'échelle sont importants. Ce qui ne va pas être facile à l'avenir, c'est de faire en sorte que nous ayons des champions canadiens dans de nombreux secteurs tout en nous assurant que cette force ne s'appuie pas sur la domination du marché intérieur au détriment des consommateurs canadiens. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de champion canadien, si on peut en imaginer un, qui ait suffisamment de qualités pour devenir un gagnant à l'échelle mondiale s'il n'est pas soumis à une forte concurrence sur le marché intérieur.
• 1655
En tant que Canadiens, il nous faut savoir prendre la mesure
de ce qui nous apparaît énorme... À titre d'exemple, la compagnie
téléphonique Bell Canada est une grosse société au Canada. Elle est
plus petite que la plus petite des sociétés que l'on appelle les
Baby Bells aux États-Unis. Ce problème d'échelle devient important
lorsque la concurrence se fait au niveau mondial, mais nous ne
devons pas sacrifier la concurrence sur notre marché intérieur pour
atteindre une telle échelle. Je considère que ce qu'il nous faut en
fait, ce sont des dirigeants d'entreprises ayant une vision globale
et capables de faire face à une forte concurrence chez nous.
La présidente: Je vous remercie.
L'hon. John Manley: Excusez-moi, si j'ai pris trop de temps.
La présidente: Pas de problème.
[Français]
La présidente: Monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé: Monsieur le ministre, dans votre allocution d'ouverture, aujourd'hui, vous avez souligné certaines initiatives parlementaires de députés. Vous n'avez pas mentionné le projet de loi C-213 sur la construction navale.
L'hon. John Manley: On parle d'un autre comité, n'est-ce pas?
M. Antoine Dubé: Non, de ce comité-ci. Ce projet de loi est maintenant à l'étude dans un autre comité, celui des finances, parce que deux des trois mesures concernent le ministre des Finances. J'ai bien noté aussi un changement ou du moins une évolution dans vos préoccupations, qui sont maintenant assez proches de... Vous avez même entrepris une consultation des gens des chantiers maritimes de la région atlantique. J'aimerais savoir où vous en êtes rendu au niveau des consultations avec les gens des chantiers de l'industrie maritime, de la construction navale.
Toujours dans le même domaine, l'autre jour à la Chambre, en réponse à l'une de mes questions, vous avez dit que l'industrie navale avait une surcapacité mondiale de 40 p. 100. Ici, j'ai une note du 16 novembre dans laquelle M. John Banigan, de votre ministère, dit que ces prévisions avaient été faites d'après certaines tendances actuelles, mais que cette surcapacité serait effective en 2005 et que, finalement, il y avait un accroissement de la demande de la flotte parce que 45 p. 100 de la flotte mondiale a actuellement 19 ans et plus. Normalement, la norme pour les navires est de 20 ans. Après 20 ans, ils ont besoin de réparations importantes. La plupart des pays du G-7 n'acceptent pas que n'importe quel navire circule.
Le pourcentage des navires qui font du commerce ici est-il acceptable? Il y a 16 p. 100 des navires qui battent pavillon canadien, mais seulement 4 p. 100 sont fabriqués au Canada.
Je voulais profiter de votre visite pour vous demander où en est votre consultation. Ce n'est ni à vous ni à moi de décider des élections, mais est-ce qu'on a des chances de voir de nouvelles mesures pour aider la construction navale avant les prochaines élections? Je vous donne une bonne nouvelle: la Davie est repartie avec une structure et avec un consortium américain. Donc, ce domaine peut même attirer des investissements étrangers. Alors, qu'est-ce que vous entendez faire pour aider davantage cette industrie?
L'hon. John Manley: On essaie de consulter tous les intéressés au sujet de la situation. Il faut d'abord s'assurer que nous avons tous une compréhension semblable des faits. Selon nos informations, dans les secteurs où les chantiers canadiens sont en activité, il y a maintenant une surcapacité de 40 p. 100. C'est un gros problème. D'abord, il faut voir si tout le monde est d'accord sur ce fait. C'est un fait très important.
• 1700
Deuxièmement, je ne peux pas dire que je prévois
maintenant de nouvelles politiques ou de nouveaux
programmes, car cela dépendra des consultations qu'on aura
avec tous les intéressés, mais il est
absolument nécessaire de confirmer que tout le monde
a la même compréhension des problèmes qui existent.
On reconnaît qu'il y a,
dans plusieurs communautés au Canada, des chantiers
maritimes qui ont une longue histoire et des employés
qui ont fait une vraie contribution, mais
il ne nous est pas possible d'offrir des
subventions semblables à celles qui existent dans quelques
autres pays.
J'ai suggéré aux députés libéraux d'étudier votre projet de loi en comité, parce que je pense que cela pourrait aider à mieux comprendre la situation. Je ne suis pas en mesure de dire en ce moment que je suis arrivé à une conclusion quant aux meilleures solutions politiques.
M. Antoine Dubé: J'ai une petite question à vous poser. Dans une déclaration que vous avez faite dans les Maritimes, il était question d'une étude pour les chantiers maritimes des provinces Atlantiques. Je voulais m'assurer que cette étude couvre l'ensemble des chantiers navals canadiens. Il y en a deux à Vancouver, il y a celui de Port Weller en Ontario et il y a ceux du Québec.
Est-ce que vous prévoyez un événement? Vous ne vous y étiez pas engagé, mais j'ai su que dans le passé, les libéraux s'étaient en quelque sorte engagés à tenir un sommet avec tous les gens impliqués afin de trouver des solutions. Est-ce que vous pensez envisager cela d'ici quelques mois?
L'hon. John Manley: D'abord, je dirai que cette situation me préoccupe depuis 1993. Il y avait à ce moment-là des problèmes qui existent encore en ce moment. MIL Davie, ce n'est pas nouveau.
M. Antoine Dubé: Non.
L'hon. John Manley: C'est quelque chose dont on a discuté à la Chambre il y a cinq ans. Comme je suis ministre depuis 1993, ce n'est pas la première fois.
Deuxièmement, j'aimerais bien que les provinces Maritimes comprennent que le problème n'en était pas un qui était propre aux provinces Atlantiques. Par exemple, j'ai lu dans les journaux que certains ont dit que s'il y avait des chantiers maritimes en Ontario et au Québec, il y aurait certainement eu des réponses. Or, comme vous venez de l'expliquer, il y a des chantiers maritimes en Ontario et au Québec, et il y avait des barrières importantes en Ontario pendant les dix dernières années. Il y a aussi des chantiers en Colombie-Britannique, et il y avait des barrières là aussi. Pour le moment, il y en a très peu en Alberta et en Saskatchewan, mais on ne sait jamais.
Au sujet du sommet, je ne me suis pas engagé à tenir un sommet. Je ne veux pas créer une situation qui soit un cirque pour les médias. Moi-même ou des représentants du ministère tentons de rencontrer tous les groupes et tous les individus qui pensent avoir de l'information qui pourrait nous aider et qui devraient réagir aux faits que nous présenterons. Après cela, on verra si une réunion ou un sommet pourrait être valable, mais je ne me suis pas encore engagé à en faire un.
M. Antoine Dubé: J'aimerais soulever un dernier élément. Il s'agit d'un élément clé sur lequel le comité s'est penché. Le rapport n'a pas encore été déposé, n'est-ce pas?
[Traduction]
La présidente: Ce n'est pas encore déposé.
[Français]
M. Antoine Dubé: Donc, on n'en parlera pas, mais je dirai que j'ai quand même constaté une évolution dans la pensée de mes collègues d'en face et de tous mes autres collègues.
La présidente: Je pense que l'évolution a plutôt été de votre côté.
M. Antoine Dubé: Ne croyez-vous pas qu'elle a été des deux côtés?
Souvent, il y a une perception selon laquelle les chantiers maritimes sont des domaines traditionnels. Je voulais vous transmettre une invitation dans le but de vous démontrer l'aspect technologique de la situation, dans un cadre qui serait correct. Je ne cherche pas à vous barrer les pieds, comme on dit. Il y a vraiment une valeur ajoutée et, à cet égard, je vous invite à Lévis. Mais je suis sûr que partout ailleurs, c'est la même chose: on a des divisions d'ingénierie. Les chantiers maritimes canadiens sont considérés comme étant parmi les meilleurs au monde en termes d'ingénierie, avec le système de fabrication Tribon. J'ai même vu les plates-formes pétrolières de Daewoo, en Corée, fabriquées à partir de plans conçus par des ingénieurs navals de Lévis. Alors, je pense qu'il y a un volet qu'on pourrait examiner.
La présidente: Une petite question.
M. Antoine Dubé: Est-ce que vous encourageriez l'idée de mettre l'accent sur l'aspect technologique de l'industrie navale pour changer la perception selon laquelle il s'agit d'un domaine traditionnel et vétuste?
L'hon. John Manley: Je trouve que cette distinction entre les industries traditionnelles et les industries de la nouvelle économie est fausse. La distinction réside vraiment entre les industries qui adoptent de nouvelles technologies pour améliorer la productivité, et les autres. Si elles ne le font pas, elles vont perdre, peu importe qu'il s'agisse de fabricants d'ordinateurs ou d'autres. C'est toujours une question de compétitivité.
Nous ne disons pas que la construction navale ne constitue pas un projet de haute technologie. J'ai visité quelques-uns des chantiers navals. À St. John's, où on a fabriqué les frégates, c'est vraiment de la haute technologie. C'est la même chose dans le cas des frégates qui ont été construites à Lévis. La question n'est pas là. La question est de savoir pourquoi, même avec toute la technologie, on est incapable de vendre ailleurs dans le monde. C'est ça, la question.
M. Antoine Dubé: Il y a des subventions ailleurs.
L'hon. John Manley: Si ce sont les subventions, la question est de savoir si le Canada va essayer de...
M. Antoine Dubé: Non.
L'hon. John Manley: Vous dites non.
M. Antoine Dubé: On est d'accord avec vous.
L'hon. John Manley: Maintenant, on a un problème un peu plus complexe. Est-ce qu'il y a des mesures qui pourraient nous aider? Est-il nécessaire de prendre des mesures pour adapter les chantiers afin qu'on puisse y faire autre chose? Je ne le sais pas, mais si on veut en arriver à une solution acceptable pour le monde, il faut au moins qu'on soit tous à la même page. Tel est le but du processus actuel.
La présidente: Merci, monsieur Dubé.
[Traduction]
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Monsieur le ministre, je veux vous parler d'un autre problème très technique que nous avons au Canada, c'est celui du commerce intérieur. Nos échanges n'ont pas été trop musclés aujourd'hui, je voudrais donc...
L'hon. John Manley: Je me suis déjà blessé aux adducteurs. Si vous vous y connaissez en muscles...
M. Walt Lastewka: En matière de commerce intérieur, les provinces continuent à présider, les groupes de travail exécutent très lentement leur tâche et le gouvernement fédéral est ensuite critiqué parce que les choses n'avancent pas. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est à ce sujet?
L'hon. John Manley: C'est en fait la faute de M. Sulzenko. C'est lui qui était le négociateur fédéral en chef lors des négociations de l'accord de 1994.
• 1710
Ce dossier nous a donné bien des désagréments. En 1994, nous
avons signé un accord sur le commerce intérieur. Il prévoyait entre
autres une entente selon laquelle nous mettrions la dernière main
en moins d'un an à des chapitres comme celui de l'énergie. Nous
sommes ici, près de six ans plus tard, et le chapitre de l'énergie
n'est pas encore clos. Ce n'est pas une question qui relève de la
compétence fédérale; elle relève de celle des provinces. Tout
simplement...
La présidente: Monsieur le ministre, puis-je vous demander de ne pas jouer avec les écouteurs, on entend ici un bourdonnement.
L'hon. John Manley: Vraiment?
La présidente: Oui, l'équipement de cette salle est très sensible. Je vous remercie.
L'hon. John Manley: J'entendais un bourdonnement lorsque je l'avais à l'oreille, c'est pourquoi je l'ai enlevé.
Le chapitre sur l'énergie n'est pas clos. D'autres engagements n'ont pas été tenus. Je dois dire que le seul rôle possible pour le gouvernement fédéral—à moins que nous cherchions à recourir à des solutions assez nouvelles en vertu du pouvoir relatif aux échanges et au commerce que nous reconnaît le paragraphe 91(2) de la Constitution—se limite à chercher à cajoler les provinces et à les inciter à faire des progrès. Si l'on devait avoir recours aux dispositions du paragraphe 91(2), je pense qu'en premier lieu elles ne s'appliqueraient pas à toutes les barrières commerciales et, en second lieu, que de nombreux recours en justice nous seraient opposés avant que nous puissions parvenir à nos fins. C'est pourquoi nous avons cherché à collaborer.
Il faut bien avouer que dans ce domaine les provinces n'ont pas vraiment cherché à avancer; en second lieu, le monde des affaires, qui devrait s'intéresser de près à la question, ne l'évoque que devant le gouvernement fédéral. Je l'ai encore entendu dire hier au CCCE. Pourtant, les entreprises ne frappent pas à la porte des provinces pour leur demander si elles comptent faire quelque chose à ce sujet. Non, elles ne le font pas.
M. Walt Lastewka: La prochaine fois que les premiers ministres des provinces vont tenir un colloque pour s'en prendre au gouvernement fédéral, il faudrait que nous leur fassions parvenir une lettre pour leur rappeler que le commerce intérieur fait partie de leur ordre du jour et qu'elles pourraient peut-être faire quelque chose.
L'hon. John Manley: En fait, dans quelques communiqués des premiers ministres publiés à l'issue des conférences organisées par les premiers ministres provinciaux tous les étés, ces derniers se sont engagés à faire des progrès en matière de commerce intérieur. Je peux vous assurer que chaque fois que nous avons organisé une rencontre des ministres par la suite, nous n'avons pas plus avancé que la fois précédente. Même ce dispositif ne semble pas donner de résultats.
M. Walt Lastewka: Ma dernière question, madame la présidente, porte sur la fabrication des puces électroniques. Nous essayons d'avoir un fabricant de puces électroniques au Canada. Nous avons toujours pensé qu'il y avait là d'excellents débouchés et que ce serait une bonne chose pour le Canada. Est-ce le moment pour le Canada d'investir pour que l'on ait un fabricant de puces au Canada? Les retombées d'une telle entreprise... J'ai examiné les incidences de l'installation d'un fabricant en Irlande, et elles sont tout simplement sensationnelles. Qu'en pensez-vous?
L'hon. John Manley: Vous avez peut-être suivi cette affaire dans les journaux. En partie par l'intermédiaire de Partenaires pour l'investissement au Canada, nous avons fait de gros efforts pour faire venir un fabricant de puces au silicone de Taiwan. Nous sommes en concurrence avec d'autres pays. Il est bien possible qu'une ou plusieurs provinces attirent directement ou indirectement les investisseurs dans le cadre d'un tel projet si le Canada l'obtient. Au niveau fédéral, nous n'avons pas de moyens d'investissement direct, mais nous ne manquons pas de programmes susceptibles de faciliter la formation et nous disposons de différentes mesures d'incitations fiscales au titre de la R-D, sans compter la disponibilité des brevets qui sont la propriété du gouvernement. Je pense donc qu'il y a tout un ensemble de choses qui peuvent donner des résultats.
• 1715
J'ai eu l'occasion de visiter un certain nombre de ces
installations à Taiwan il y a deux ans. Je me suis rendu à
l'improviste chez Mosel Vitelic en septembre 1998. Il se trouve que
cette société envisageait justement d'investir. Le marché des puces
électroniques était au plus bas à ce moment-là. Cette société
pensait qu'il allait se rétablir. Elle avait raison, même si ses
prévisions étaient quelque peu décalées. Cette rencontre a été
effectivement suivie d'une visite des responsables au Canada
environ six semaines plus tard pour rechercher des sites
d'implantation appropriés dans notre pays.
Deux sont toujours dans la course—Montréal et Burlington, en Ontario. Les gouvernements provinciaux collaborent étroitement avec cette société. Les municipalités participent elles aussi. Si Mosel décide du lieu de son installation au Canada, nous serons mieux à même d'engager directement des négociations avec cette société.
Toutefois, il faut essentiellement que ce soit une décision prise par le secteur privé. Il y a bien des avantages. Nos avantages comparatifs sont excellents dans ce dossier. Je crois savoir que les sites des États-Unis ont été écartés et que nous ne sommes plus en concurrence qu'avec un site européen. Je pense que nos chances sont très bonnes.
Je considère cependant que c'est une initiative qui doit être prise par un gros fabricant ayant de l'expérience. Ce n'est pas quelque chose que le gouvernement peut faire à lui tout seul. C'est une obligation... et nous continuerons à le faire. Nous avons désormais recueilli des données au sein de notre ministère sur pratiquement tous les grands fabricants de puces électroniques dans le monde et nous connaissons leurs projets. Nous avons pour mission de nous assurer de figurer sur la liste chaque fois qu'un fabricant de puces s'apprête à prendre une décision d'investissement. Je veux bien que nous perdions à la loyale face à la concurrence parce que nous n'offrons pas le même niveau de subventions. Par contre, je ne veux pas que nous soyons écartés avant même d'avoir été considérés.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Je vais accorder une question de 60 secondes à M. Penson, suivi d'une question de 60 secondes à Mme Jennings.
M. Charlie Penson: Je vous remercie.
Je voudrais revenir au programme de prêts aux petites entreprises. Lorsqu'elle est venue témoigner devant notre comité, j'ai demandé à la Banque Royale comment elle répartissait les dossiers lorsqu'une entreprise venait demander un financement. Selon quels critères la banque allait décider de la financer elle- même ou de faire appel à la Loi sur les prêts aux petites entreprises?
Pour l'essentiel, elle m'a répondu que c'était les biens non tangibles... Ainsi, un restaurant va emprunter à la banque l'argent correspondant aux éléments d'actif matériels, et les éléments moins tangibles comme les décors relèveront de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Si c'est ainsi que l'on opère, je me demande si cela n'est pas le gage de bon nombre de pertes potentielles au titre de la Loi sur les prêts aux petites entreprises.
Vous n'avez peut-être pas toutes les données sur vous aujourd'hui, mais je vous serais reconnaissant de me répondre éventuellement plus tard.
L'hon. John Manley: Je vais essayer de donner la réponse la plus précise possible.
Ce que nous avons essayé de faire, entre autres—et je pense que nous avons certainement raison—c'est ajuster les frais prévus au programme à l'ampleur des réclamations envisagées. Il est encore difficile de savoir si nous avons bien ou mal fait, en raison de ce que je vous ai dit tout à l'heure—il nous faut quelques années avant de savoir exactement quel va être le pourcentage de défaillances.
Toutefois, nous avons visé le seuil de rentabilité—autrement dit, ça ne coûte rien au gouvernement. Ce sont les utilisateurs qui financent le programme en payant des frais au départ pour pouvoir obtenir les prêts.
Je vous répète que si nous avons bien fait les choses, ce programme facilitera l'attribution de prêts supplémentaires.
La présidente: Sur ce point, monsieur le ministre et monsieur Penson, j'encourage M. Penson à aller revoir le compte rendu des audiences qu'a tenues notre comité lors de la dernière session au sujet de la LPPE, parce qu'on y a discuté entre autres des améliorations apportées aux baux, notre comité recommandant qu'on continue à les englober. Je vous invite donc à écouter les témoignages et à revoir les discussions qui ont eu lieu à l'époque.
M. Charlie Penson: Il est peut-être temps de procéder à une révision.
La présidente: Eh bien, nous allons faire revenir les responsables avant le mois de juin, mais je crois que vous devriez vous pencher sur ce que nous avons entendu à l'époque.
Madame Jennings, vous avez la parole.
Mme Marlene Jennings: Très rapidement, quels sont les empêchements juridiques, soit dans l'Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord, soit dans tout autre accord commercial que nous avons conclu, qui s'opposent à ce que le Canada adopte une législation semblable à la loi Jones? On y disposerait que tout navire battant pavillon dans les eaux canadiennes doit être construit, rénové, réparé et entretenu au Canada par des sociétés canadiennes. Ça m'intrigue, parce que les Américains ont de telles dispositions.
L'hon. John Manley: Je vous répondrai qu'il n'y a certainement aucun empêchement en vertu de l'ALENA, qui nous permet de faire tout ce qu'ils font.
Lorsqu'on fait l'historique de cette situation, avant que l'Accord de libre-échange soit signé—M. Sulzenko a aussi participé à cette décision et je lui ferai là encore porter le blâme—le secteur des transports était englobé dans l'accord et en a été retiré à la dernière minute par les Américains. Sinon, l'adoption de la loi Jones n'aurait pas été possible. Lorsque leurs responsables des transports s'en sont aperçus, ils ont agi très rapidement.
Reportez-vous aux débats de la Chambre ou du comité et vous verrez que lorsque j'étais le critique des transports dans l'opposition, j'ai posé la question de la loi Jones à l'époque au ministre du Commerce en lui demandant si l'on allait faire des progrès pour régler la question dans l'ALENA. On m'a répondu que l'on avait l'intention d'y parvenir et, bien entendu, rien n'a été fait.
Je ne pense pas cependant qu'une loi Jones canadienne serait très profitable à l'industrie de notre pays. Cela donne plus ou moins de bons résultats aux États-Unis en raison de l'importance de leur marché intérieur, mais la difficulté au Canada c'est que nous avons véritablement besoin de pouvoir accéder à un marché international en raison de l'étroitesse de notre marché intérieur.
Les Américains, même avec la loi Jones, représentent à peine 1 p. 100 de l'industrie de la construction navale dans le monde, ce qui signifie qu'ils ne sont pas concurrentiels. Ils ne maintiennent en activité leurs chantiers navals qu'en raison de l'existence de la loi Jones, et les armateurs paient en fait le coût de cette loi, même s'ils ne le savent pas. Les États-Unis sont le géant économique du monde. S'ils étaient concurrentiels, ils auraient une bien plus grande part du marché mondial.
Je vous répondrai donc, pourquoi faire? Qu'aurait-on à y gagner sinon d'imposer un lourd fardeau supplémentaire à notre commerce maritime, qui se répercuterait sur les consommateurs?
La présidente: Merci, madame Jennings.
Merci, monsieur le ministre. Nous avons pris beaucoup de votre temps cet après-midi, et nous vous en remercions.
J'aimerais poser rapidement une question découlant d'un commentaire fait antérieurement par Mme Jennings au sujet des licences portant sur les systèmes de communication micro-ondes multipoints qui ont été distribuées ou concédées au cours des dernières semaines.
Au niveau des petites localités et des collectivités rurales, et éventuellement d'un point de vue de l'innovation, on peut s'inquiéter de voir que le gouvernement hésite beaucoup, en concédant ces licences, à demander aux entreprises d'apporter la technologie alors que notre comité a appris que cette technologie existait déjà et qu'elle était susceptible d'aider les collectivités rurales. Dispose-t-on des moyens de contrôle dans le cadre de l'octroi de ces licences pour garantir aux collectivités rurales que cette technologie sera bien mise en oeuvre en temps utile?
L'hon. John Manley: Oui, les licences comportent des conditions portant sur la disponibilité des techniques et la rapidité de l'implantation.
La procédure elle-même est courante au ministère. Elle a déjà été employée auparavant pour le partage des ondes. C'est une méthode comparative. Elle fait appel à une analyse très approfondie des différentes propositions, pas simplement de ce qui est indiqué, mais aussi de la capacité à livrer le produit.
De plus, étant donné que dans ce cas les bandes SCM sont considérées comme un merveilleux outil en puissance pour le téléenseignement, les organismes chargés de l'enseignement dans chacun des secteurs de compétences, dans chaque zone, ont été répertoriés et on leur a demandé de procéder à une analyse indépendante du projet d'enseignement, qui accompagnait chacune des propositions. Je peux vous dire que pour chacune des 13 licences, nous avons entériné la recommandation du comité indépendant s'occupant de la question de l'enseignement.
De plus, l'analyse qu'a effectuée le ministère des projets d'exploitation et de la capacité des demandeurs à fournir le service promis a joué évidemment un rôle clé et a dicté nos choix.
• 1725
L'annonce préfigure en fait le mécanisme de négociation qui
mène aux obligations contractuelles au moment de la délivrance de
la licence. Si ces obligations ne sont pas respectées par le
titulaire de la licence, le gouvernement peut l'obliger à le faire.
La présidente: Très bien. Vous devez savoir que nombre de collectivités s'inquiètent du fait que les techniques sont disponibles mais qu'on a l'impression qu'il va falloir longtemps pour qu'elles arrivent jusqu'à elles.
Je viens d'une collectivité à la fois rurale et urbaine et pourtant, lorsqu'on connaît le revenu par tête dans ma région et lorsqu'on voit que nous n'avons encore pas de possibilité d'accès par une ligne unique dans certains secteurs, il est très inquiétant de savoir que certains secteurs de la collectivité pourraient à l'heure actuelle disposer d'un service, alors qu'elles ne l'ont pas, et qu'il existe désormais d'autres techniques qu'ils vont devoir attendre longtemps.
L'hon. John Manley: Nous pensons en réalité avoir choisi les titulaires de licence qui sont à même de fournir le service le plus rapidement. D'autres demandeurs vont bien entendu venir nous dire qu'ils auraient pu faire mieux. Ils n'ont pas manqué de se présenter déjà pour le dire. Nous ne pouvons pas les contredire parce qu'il ne peut y avoir qu'un seul titulaire de licence dans une région donnée. Aucun modèle économique ne pourrait fonctionner si nous concédions plusieurs licences. Même dans les régions rurales desservies par satellite, le service sera concurrentiel, bien entendu, jusqu'à un certain point, pour nombre de produits offerts.
Nous n'avons véritablement aucun moyen de réfuter les allégations de celui qui vient vous dire: «Voilà, on a fait une erreur et nous nous serions mieux débrouillés.» Je peux vous garantir que lorsque nous avons concédé les licences, nous avons bien tenu compte de la rapidité et du taux de couverture du service. Nous pensons avoir pris la meilleure décision en fonction de ces critères et de la capacité, de la part des entreprises, à fournir effectivement le service qu'elles ont promis.
La présidente: Je sais que vous n'allez pas les lâcher tant qu'il n'en sera pas ainsi, en les obligeant bien évidemment à rendre des comptes parce que, comme nous l'avons dit tout à l'heure, la technologie en milieu rural, les collectivités rurales et le programme d'infrastructure dont vous avez parlé... J'espère que notre gouvernement saura reconnaître que les collectivités rurales ont elles aussi besoin d'infrastructures de base ou traditionnelles et que nous envisagerons d'augmenter les crédits qui leur sont consacrés pour faire en sorte que les petites localités ou que les collectivités rurales ne soient pas obligées de choisir entre deux services lorsqu'elles ont besoin des deux. J'espère que nous en tiendrons compte lorsque nous nous pencherons sur le développement de ces régions—dans lesquelles résident 30 p. 100 de notre population.
L'hon. John Manley: Votre comité pourrait d'ailleurs envisager de demander aux candidats qui ont été retenus, ou à l'un d'entre eux, de comparaître pour exposer leurs projets. Je serais tout à fait disposé à les inciter à répondre favorablement à une telle demande.
La présidente: Nous ne manquerons pas de le faire. Nous apprécions votre aide.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre. Vous ne nous avez pas ménagé votre temps. Ce fut une excellente discussion et je suis sûre que les secrétaires d'État qui vont suivre seront amenés eux aussi à répondre à des questions difficiles. Merci d'être venu. Nous espérons vous revoir bientôt.
L'hon. John Manley: Merci.
La présidente: La séance est levée.