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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS, NORTHERN DEVELOPMENT AND NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES, DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 mai 2001

• 1113

[Traduction]

La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

À l'ordre du jour de notre réunion de ce matin, le mardi 29 mai, en conformité avec le paragraphe 108(2) du Règlement, figure le rapport annuel 1999-2000 de la Commission des revendications des Indiens du Canada. Nous avons cru bon d'inviter des représentants de la commission à nous en parler et à répondre aux questions que pourraient avoir les membres à son sujet.

Nous accueillons donc les coprésidents de la commission, soit MM. James Prentice et Daniel Bellegarde. Vous avez, à vous deux, dix minutes pour faire un exposé, puis nous passerons aux questions.

Monsieur Prentice, vous avez la parole.

M. James Prentice (coprésident, Commission des revendications des Indiens du Canada): Madame la présidente, je vous remercie.

Je m'appelle Jim Prentice et je viens de Calgary. Je suis coprésident de la Commission des revendications des Indiens du Canada. Je suis fier d'être ici aujourd'hui, en compagnie de Dan Bellegarde, l'autre coprésident de la commission. M. Bellegarde et moi assumons la coprésidence de cette commission depuis 1994, en tant que représentants autochtone et non autochtone respectivement. Je suis très fier de l'avoir pour collègue.

• 1115

Au nom de la Commission des revendications des Indiens du Canada, nous aimerions, madame la présidente, vous remercier de nous avoir invités à prendre la parole devant votre comité.

Nous sommes accompagnés aujourd'hui de plusieurs autres commissaires, dont les commissaires Augustine et Purdy. Une de nos plus récentes commissaires, Mme Dupuis, est également des nôtres aujourd'hui.

Nous aimerions commencer par reconnaître le travail que plusieurs autres Canadiens ont exécuté au sein de la commission—plus particulièrement, l'ex-commissaire en chef Harry Laforme, qui est maintenant juge à la Cour supérieure de l'Ontario, et l'ex-commissaire Aurélien Gill, sénateur qui, je crois, est lui aussi présent aujourd'hui. Le sénateur Gill est un ami spécial de la commission, et je le remercie d'être venu. Naturellement, Elijah Harper a aussi été membre de la commission.

J'aimerais aussi nommer, pour que le compte rendu en fasse état, deux commissaires que nous avons perdus, soit M. Hamelin, décédé il y a quelques années alors qu'il était commissaire, et Carole Corcoran, une Canadienne autochtone de grande distinction, qui est morte il y a plusieurs mois alors qu'elle était elle aussi commissaire. Cette Dénée de Fort Nelson s'était distinguée en tant que Canadienne se portant à la défense des intérêts des peuples autochtones. Nous les remercions donc et reconnaissons également le travail qu'ils ont fait au sein de la commission.

Notre présence ici aujourd'hui, madame la présidente et membres du comité, est significative, car il existe un lien historique important entre le travail de votre comité et celui de la Commission des revendications des Indiens du Canada. En fait, il serait juste de dire que votre comité—ou plus exactement, un de vos prédécesseurs—a été l'un des principaux architectes parlementaires de l'organe indépendant chargé d'examiner les revendications. À trois occasions, soit en 1947, en 1958 et en 1990-1991, votre comité a prôné la création d'un organe indépendant d'examen au Canada en vue de trancher en matière de revendications particulières d'une manière qui soit juste et équitable pour les Canadiens autochtones.

Il existe donc effectivement un lien très étroit entre votre comité et notre commission. J'attire en particulier votre attention sur l'excellent travail accompli par le comité dans un rapport publié après la crise d'Oka. Comme je l'ai affirmé de nombreuses fois, et le commissaire Bellegarde est d'accord avec moi, cette commission incarne en fait le consensus qui s'est dégagé au Canada après la crise d'Oka et selon lequel il existe de meilleurs moyens de résoudre ce genre de griefs.

Il importe de reconnaître que l'actuelle Commission des revendications des Indiens est née en conséquence directe de la recommandation faite par votre comité dans un rapport intitulé L'été de 1990, c'est-à-dire le cinquième rapport du Comité permanent des affaires autochtones. À ce moment-là, votre comité avait recommandé que le gouvernement établisse un tribunal indépendant pour faire l'examen de la validité des revendications et de l'indemnisation et pour recommander au gouvernement la négociation ou non du règlement des revendications. Notre commission est donc une conséquence directe de votre travail en tant que comité.

J'y fais allusion parce que, dans le document que le commissaire Bellegarde et moi vous avons présenté, nous mentionnons les droits de la personne, la justice et la nécessité de créer au Canada un tribunal indépendant d'examen des revendications.

Dans le plus récent rapport qu'a déposé notre commission, nous faisons essentiellement valoir que le règlement des revendications particulières au Canada est une question très importante et qu'il est temps que le gouvernement du Canada, après quelque 53 années, passe à la prochaine étape logique et crée un organe indépendant d'examen des revendications investi de tous les pouvoirs. C'est là la thèse centrale de notre rapport dont nous aimerions vous entretenir aujourd'hui.

Nous considérons le règlement des revendications particulières non pas comme un programme gouvernemental, mais plutôt comme une question de justice et de droits de la personne. En fin de compte, la société canadienne sera jugée d'après la manière dont elle aura traité ces revendications.

• 1120

À notre avis, les Canadiens tant autochtones que non autochtones s'attendent à avoir un régime convenable pour régler les revendications particulières. Il est juste de dire qu'en l'absence d'un quelconque changement institutionnel immédiat, le processus de règlement des revendications particulières au Canada poursuivra sa lente progression vers un échec inévitable.

Tant le commissaire Bellegarde que moi avons déclaré officiellement et à répétition que le régime actuel est en réalité dans une impasse, qu'un quelconque changement institutionnel—une réforme—s'impose et que le besoin de cette réforme est très pressant.

Dans chacun des rapports annuels de notre commission depuis 1994, nous avons recommandé fois après fois que le Canada et les Premières nations se concertent en vue de créer un organisme indépendant d'examen des revendications, que le mandat de celui-ci soit inscrit dans une loi et qu'il puisse rendre des décisions exécutoires en ce qui concerne le non-respect des obligations légales et l'arbitrage de griefs historiques, de même que la juste compensation des revendications.

Une deuxième recommandation que nous faisons dans le rapport annuel de cette année et que nous avons fait plusieurs fois déjà, c'est qu'il faut que le Canada augmente le niveau de financement offert à la Direction générale des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et au ministère de la Justice de manière à ce qu'il corresponde aux nombres de revendications en attente de négociation.

Dans le mémoire que nous avons déposé aujourd'hui, il y a une annexe où est ventilé le nombre de revendications. Je crois qu'elle mérite qu'on s'y arrête, car elle fait ressortir clairement la portée et l'ampleur du problème dont nous parlons.

Actuellement, quelque 1 071 revendications particulières sont en traitement. Nous ne les aidons peut-être pas en en parlant comme étant des revendications particulières et en utilisant le jargon juridique. Il s'agit essentiellement de 1 071 cas de griefs historiques—de litiges—qui pourraient se transformer en poursuites auxquelles les parties seraient le gouvernement du Canada et nos Premières nations.

Comme vous pouvez le constater à l'annexe de notre document, quelque 47 de ces revendications sont actuellement devant les tribunaux. Environ 61 sont actuellement soumises à la Commission des revendications indiennes, et 115 environ sont actuellement en négociation.

Ce qui est utile et important à retenir de ce tableau, ce sont les 408 revendications qui sont «à l'étude». Il s'agit de 408 cas dans lesquels le gouvernement du Canada n'a pas encore obtenu d'avis juridique ou pris position au sujet du bien-fondé de la revendication. Ces 408 revendications sont donc essentiellement en retard ou bloquées dans le système. Elles représentent des collectivités autochtones ayant d'importants griefs historiques qui sont essentiellement incapables d'obtenir une décision sous le régime actuel.

Comme nous le mentionnons ailleurs dans le document, si l'on examine les faits depuis 1973, les revendications se règlent entre le gouvernement et les Premières nations à un rythme de moins de huit par année. Si l'on compare cela aux 650 revendications approximativement qui sont en traitement actuellement, on peut voir qu'il faudra beaucoup de temps pour les régler. Justice différée est justice refusée. Notre commission est d'avis qu'il s'agit d'une question de droits de la personne et de justice qu'il faut régler tout de suite.

Il faudrait parler rapidement de l'actuelle Commission des revendications des Indiens. J'ignore si vous en connaissez tous le rôle.

L'angle de la Commission des revendications des Indiens est unique dans l'histoire du Canada. Elle est le seul organisme indépendant dans l'histoire canadienne à avoir pour mandat de faire enquête et rapport sur les revendications particulières.

À ce jour, la commission a touché environ 100 revendications partout au Canada. Il s'agit d'un échantillon appréciable—qui représente peut-être jusqu'à un dixième des revendications particulières connues. La commission a publié des rapports d'enquête très détaillés sur plus de 50 de ces revendications. Ces rapports sont très fouillés, font l'objet d'une recherche approfondie et d'un examen strict sur le plan juridique.

• 1125

Dans un certain nombre de domaines importants, la commission a eu une influence directe sur la politique du gouvernement. Dans plusieurs cas, par exemple pour des questions des droits fonciers issus de traités, la politique du gouvernement a été renversée en réaction aux rapports de la commission. Dans un autre domaine, notamment le très épineux dossier des cessions foncières dans les Prairies à l'époque Oliver, soit au début du siècle dernier, une période très perturbée de notre histoire, notre commission a mis en lumière ces événements et a réglé plusieurs revendications importantes faites par les Premières nations.

Tout cela pour dire que la commission a acquis beaucoup d'expérience. À vrai dire, la Commission des revendications des Indiens est actuellement la seule amélioration, sur le plan institutionnel, qui a suivi la crise d'Oka au Canada. C'est le seul changement fondamental apporté au traitement des revendications particulières depuis la crise d'Oka.

La commission a un mandat limité, et c'est ce qui pose problème. La commission actuelle ne dispose que de pouvoirs de recommandation au gouvernement du Canada. Il s'agit de sa faiblesse fondamentale. Elle n'a aucun pouvoir décisionnel ou exécutoire, même en matière procédurale, à l'égard du gouvernement du Canada ou d'une Première nation. Elle n'a certes pas le pouvoir de rendre une décision arbitrale qui lie le gouvernement du Canada en ce qui concerne la validité d'une revendication ou l'indemnisation. La commission est fière du travail qu'elle accomplit, mais son pouvoir repose entièrement sur la persuasion morale et sur la crédibilité et l'intégrité de ses travaux. En dehors de cela, elle n'a aucun pouvoir.

Au cours des 53 dernières années, un consensus s'est dégagé fois après fois au Canada, soit qu'il faut un tribunal indépendant pour examiner les revendications et rendre des décisions exécutoires. L'idée n'a rien de nouveau. Elle a été discutée pour la première fois au sein même de votre comité, il y a 53 ans. Depuis lors, votre comité a à plusieurs occasions repris la même conclusion. Chaque expert respecté dans ce domaine—juriste, avocat, chef autochtone—a émis la même opinion: qu'il faut créer un tribunal permanent indépendant et qu'un organe vraiment indépendant et investi des pleins pouvoirs est important.

Nous sommes accompagnés aujourd'hui par Kathleen Lickers, qui se trouve immédiatement derrière moi. Kathleen Lickers est une jeune avocate autochtone. Elle est membre des Six nations—une Première nation de l'Ontario. Il faut que je vous souligne, et c'est émouvant, que lorsque votre comité a pour la première fois accouché de cette idée en 1947, c'était le grand-père de Kathleen Lickers qui était votre avocat. À l'époque, Norman Lickers était le premier avocat autochtone du Canada. Un comité spécial, un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, avait été formé en vue d'enquêter en la matière, et c'est son grand-père, le premier avocat autochtone du Canada, qui a été engagé comme conseiller juridique indépendant auprès du comité.

Il y a donc lieu de se demander, dans les circonstances, pourquoi, durant les 53 années qui ont suivi, les mesures n'ont pas été prises et pourquoi, quelque 53 ans plus tard, la petite fille de celui qui a travaillé au concept élaboré par le comité continue de prôner cette même idée et de dire que ce serait une mesure juste et civilisée. La question mérite qu'on s'y arrête et qu'on réfléchisse. Il en irait tout autrement si l'idée n'avait pas de mérite ou qu'elle était douteuse, controversée, mais presque tout le monde qui a examiné cette question au cours du dernier demi- siècle était d'accord pour dire que cette mesure était essentielle.

• 1130

Dans ce contexte, M. Bellegarde et moi aimerions dire, en terminant, que votre comité a un rôle spécial, un historique spécial et une importante responsabilité dans ce domaine, tout comme notre commission. Je ne vais pas passer en revue avec vous les 53 dernières années. Vous trouverez l'historique dans le mémoire; vous pouvez le lire aussi bien que moi. Il fait ressortir tout le travail qui a été fait en la matière par de nombreuses personnes, y compris par l'Association du Barreau canadien.

À nouveau, pour vous aider dans votre réflexion, je vous demanderais d'imaginer une Première nation requérante du Canada. Elle est habituellement sous-financée et vit dans une relative pauvreté, en marge de notre très riche société. Elle présente une revendication particulière—une cession contestable de terres peut- être ou le non-respect de l'obligation de fiduciaire. Quoi qu'il en soit, il faut que sa revendication soit examinée. Actuellement, la Première nation peut porter son grief devant les tribunaux, mais naturellement il faut beaucoup d'argent, de temps et d'énergie pour le faire.

La politique du gouvernement du Canada en matière de revendications particulières est l'alternative dont dispose de cette Première nation. Le gouvernement du Canada est non seulement défendeur de la revendication, mais aussi juge de sa légitimité. Une fois qu'elle est présentée par la Première nation, le gouvernement du Canada juge la revendication en fonction de l'opinion juridique donnée par ses propres avocats. Le gouvernement du Canada est donc également l'avocat. Il rend ensuite une décision en fonction de l'opinion juridique reçue, mais il refuse de communiquer cette opinion à la Première nation requérante parce qu'elle est protégée par le secret professionnel de l'avocat.

J'ajoute que la plupart des localités pauvres dont nous parlons n'ont accès à du financement que par l'intermédiaire des programmes de financement administrés par le gouvernement du Canada. Donc, en un certain sens, le gouvernement du Canada est aussi l'organisme de financement.

Tout ce processus s'étire actuellement sur 15 à 20 ans à partir du moment où une revendication est déposée par une Première nation jusqu'à son règlement—si en fait elle a la chance d'être réglée, puisque la plupart des revendications ne le sont pas. Nous parlons d'une période de 15 à 20 ans.

Dans l'intervalle, le gouvernement du Canada a pour principe de ne pas permettre à la Première nation d'entamer des poursuites. Il interdit à la Première nation l'accès au système judiciaire et, si elle le fait tout de même, elle perd par défaut, et sa revendication est essentiellement retirée du processus de règlement.

Nous avons dit qu'il est inévitable que les avocats, juristes et élus politiques qui examineront toute cette question dans quelques années se demanderont ce que nous croyions accomplir ainsi.

Malgré les circonstances, notre commission a continué de faire son travail. Nous avons pour raisonnement que, bien que la commission ne soit pas parfaite et qu'elle devra inévitablement être remplacée par un tribunal permanent et indépendant, elle aura servi de tremplin à ce changement institutionnel. Nous poursuivons nos travaux en essayant de braquer tous les feux sur ces griefs historiques, forts de notre conviction qu'il faudra bien un jour rendre justice, car au sein d'une démocratie régie par la règle du droit, il n'y aura plus d'endroit où se cacher et il faudra bien régler ces griefs historiques.

Je disais donc que votre comité a un rôle important à jouer dans toute cette question. S'il doit y avoir une réforme institutionnelle au Canada, elle ne pourra venir qu'avec l'encouragement et les sages conseils de parlementaires comme vous. C'est long, 53 ans, et nous espérons que votre comité comprendra à quel point il serait sage de faire avancer ce dossier.

• 1135

Le commissaire Bellegarde et moi faisons ces observations après en avoir discuté et avoir convenu qu'un seul d'entre nous ferait l'exposé. Toutefois, nous demeurons tous les deux à votre disposition, si vous avez des questions.

Je vous remercie de votre temps.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons commencer par M. Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, madame la présidente. Messieurs, merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de votre présentation fort intéressante.

Je commencerai par poser la question suivante. Dans votre rapport 1999-2000, vous ne faites aucune recommandation; vous réitérez celles qui ont été faites dans les années précédentes en disant qu'elles sont toujours bonnes.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais nous avons eu ici, à ce comité, une petite chicane sur le fait qu'une autre commission n'obtenait aucune réponse du gouvernement au rapport qu'elle avait présenté.

Selon vous, pourquoi les recommandations que vous présentez, dont plusieurs sont fort valables, sont-elles mises de côté, mises sur une tablette ou oubliées?

[Traduction]

M. Daniel J. Bellegarde (coprésident, Commission des revendications des Indiens): Je vous remercie beaucoup.

Bonjour, madame la présidente, membres du comité.

Le sujet porte en grande partie sur le type de politique publique qu'envisage de mettre en place le gouvernement du Canada en consultation avec l'Assemblée des premières nations. En tant que commission d'enquête, le deuxième volet de notre mandat consiste à présenter au gouvernement du Canada des recommandations sur les modifications de politique proposées, y compris les recommandations que nous avons formulées à maintes reprises.

Lors d'une réunion à Vancouver il y a plusieurs années, j'ai demandé à l'ancien ministre des Affaires indiennes pourquoi certaines de nos recommandations n'étaient pas mises en application. Peut-être vaudrait-il mieux que le gouvernement du Canada réponde à cette question, mais, selon mon point de vue en tant que commissaire, la réponse, c'est le processus continu de consultations et d'élaboration mené par le groupe de travail conjoint composé du gouvernement fédéral et du comité des chefs chargé des revendications de l'Assemblée des premières nations.

Cela dit, la Commission n'a cessé de formuler ces recommandations depuis dix ans. J'admets que du travail a été effectué par les parties, mais les résultats ne sont pas là. Nous voulons vraiment faire comprendre au comité qu'il y a absence de résultats—absence de résultats en ce qui concerne nos recommandations précises non seulement sur la création d'un organisme indépendant d'examen des revendications, mais aussi sur l'attribution de ressources à celui-ci ou au Bureau des revendications des autochtones afin que les revendications jugées valables puissent être réglées rapidement.

Je ne veux pas excuser le gouvernement fédéral ni me porter à la défense des Premières nations. Mais dans le cas de la mise sur pied d'un organisme indépendant d'examen des revendications, l'absence de résultats traduit un manque de volonté politique, peut-être des deux côtés. Il est certain que nous n'aurions pas observé les résultats que nous avons constatés si le processus avait été appuyé par les deux parties.

• 1140

[Français]

M. Richard Marceau: Quel est votre budget annuel et combien d'employés avez-vous?

[Traduction]

M. Daniel Bellegarde: Notre budget pour la présente année s'élève à 5,7 millions de dollars. Je crois que nous employons une quarantaine de personnes, dont la moitié sont autochtones.

[Français]

M. Richard Marceau: Revenons à votre organisme d'examen indépendant avec pouvoir de décision exécutoire. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu pourquoi vous souhaitez cela. Avant d'être député, je travaillais en droit du travail, et les parties voyaient toujours l'arbitrage obligatoire comme un pis-aller. Les parties préféraient, et de beaucoup, négocier entre elles pour pouvoir arriver au résultat le plus satisfaisant possible pour elles.

N'est-ce pas intrinsèquement un aveu d'échec du processus de négociation lorsqu'on dit qu'on doit avoir un organisme indépendant avec un pouvoir de décision exécutoire? Est-ce que cela n'équivaut pas à dire que les négociations ne marcheront jamais? Il n'y a pas de volonté politique, soit d'un côté, soit de l'autre, et ça ne peut pas marcher. Est-ce que ce genre de raisonnement n'est pas un aveu d'échec?

[Traduction]

M. Daniel Bellegarde: Oui, je dirais qu'il s'agit d'un aveu d'échec. Au moins... Je le répète, j'hésite à parler pour le Canada ou pour l'Assemblée des premières nations, mais, en tant qu'observateur du processus et participant à la commission d'enquête, je dirais que la politique en matière de revendications particulières est en effet un échec, et nous exposons cela très clairement dans notre mémoire au comité.

Je tiens toutefois à tirer un point au clair. Le groupe de travail conjoint composé notamment de représentants de l'Assemblée des premières nations, a publié un rapport, que nous avons lu, dans lequel il recommande la mise sur pied d'un organisme indépendant d'examen des revendications formé de deux entités. La première étant une commission des revendications des Indiens—non pas la nôtre, mais une autre constituée par une loi, chargée de ce dont vous avez parlé relativement au droit du travail, à savoir la médiation ou l'arbitrage exécutoire selon le choix des parties concernées. L'autre entité est un tribunal indépendant des revendications.

La commission devrait valider, négocier et régler 80 ou 90 p. 100 des revendications. Si un règlement ne peut être obtenu, il doit y avoir une autre entité qui puisse rendre des décisions exécutoires sur la validité des revendications. C'est le modèle qu'a proposé le groupe de travail conjoint. C'est ce qu'il recommande.

En tant qu'observateur, j'estime que peut-être 10 p. 100 des revendications seront portées devant le tribunal. Les autres seront, je l'espère, réglées par la commission au moyen notamment de la médiation ou de la négociation.

[Français]

M. Richard Marceau: Ce tribunal serait nécessairement un tribunal administratif. Les enjeux étant tellement importants et pointus, vous conviendrez avec moi qu'il est fort possible que les décisions de ce tribunal soient évoquées et qu'on se retrouve de toute façon devant la Cour supérieure, la Cour d'appel et la Cour suprême, et que cela ne fait qu'ajouter une étape avant l'adjudication judiciaire. Je vois très mal une partie non satisfaite d'une décision d'un tribunal administratif comme celui-là ne pas essayer d'employer une procédure d'évocation devant le tribunal judiciaire, pour éventuellement amener la cause à la Cour suprême.

[Traduction]

M. Daniel Bellegarde: C'est une possibilité. Il est toujours possible que ces derniers recours d'appel soient utilisés.

Mais revenons un peu en arrière. La principale question que nous abordons dans nos mémoires—et dont tous les experts des 50 dernières années ont traité, comme Jim l'a signalé—porte sur le type d'injustice inhérente à une politique en matière de revendications particulières selon laquelle les revendications présentées contre le Canada sont jugées par le gouvernement du Canada lui-même. Il s'agit d'un conflit d'intérêt évident. C'est pourquoi il a été recommandé de créer un organisme indépendant d'examen des revendications.

• 1145

En outre, cet organisme indépendant sera en mesure d'accélérer la validation des revendications ainsi que leur négociation et leur règlement si les ressources nécessaires sont attribuées. C'est la principale raison pour laquelle nous recommandons la mise sur pied de l'organisme.

Au bout du compte, il se peut en effet que le système judiciaire intervienne. Je le répète, nous visons la rapidité, la justice et une façon plus équitable de traiter les revendications.

[Français]

M. Richard Marceau: Est-ce qu'il me reste du temps ou si c'est fini?

[Traduction]

La présidente: Nous avons été très généreux; nous vous avons accordé dix minutes.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Je vais laisser M. Finlay poser sa question.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie, messieurs les commissaires. Je crois que vous venez d'exposer l'essentiel du problème. Toutefois, je ne suis pas certain que vous devez simplement vous en tenir à la rapidité et à la justice.

Il est vrai que la justice et la rapidité sont nécessaires, mais il faut aussi de la coopération, comme la commission royale l'a signalé. Nous sommes peut-être sur cette voie. Mais je suis d'accord avec vous, la vitesse à laquelle nous allons n'est pas très rapide.

La commission et l'organe qui rendra des décisions exécutoires relèveront de quelle entité?

On semble buter là-dessus... Dans une page de votre rapport, vous citez un certain nombre d'éléments qui nous montrent que le ministre et le gouvernement se sont penchés sur la question. La réponse ne vient pas toujours aussi rapidement qu'on le souhaite.

À la même page, vous dites que les recommandations formulées par le groupe de travail conjoint à propos d'un tribunal indépendant, qui ont été présentées au ministre en novembre 1998 et examinées par la suite par le Cabinet, n'ont pas été acceptées dans leur totalité par le Canada.

Vous indiquez par après qu'un nouveau modèle a été présenté en juin par le ministre des Affaires indiennes au chef de l'Assemblée des premières nations. Vous ajoutez ensuite ceci:

    Le ministre indiquait que les recommandations du groupe de travail conjoint formaient «une partie importante» du modèle, toutefois, il semble y avoir des différences significatives. Par exemple, la proposition du ministre prévoit un plafond de 5 millions aux sommes accordées en dommages-intérêts dans un dossier particulier, et ne prévoit pas le même niveau de financement pour donner suite aux revendications que ce qui était envisagé par le groupe de travail conjoint.

Que c'est malheureux. Peut-être qu'un plafond s'avère nécessaire. Il ne s'agit pas de l'argent de quelqu'un d'autre. C'est celui des contribuables, des Canadiens. Le ministre ne vous donnera certes pas entièrement carte blanche. Des négociations s'imposent.

Vous dites ensuite ceci:

    Le ministre a répondu au chef national le 21 mars 2001 en précisant les principales caractéristiques du modèle proposé, mais aucun progrès n'a été réalisé jusqu'à présent.

Cela m'amène à ma question. Quel rôle, s'il en est un, la Commission joue-t-elle dans ce processus entre l'Assemblée des premières nations et le gouvernement? Veuillez en dire plus long sur le fait que le processus est interrompu parce que les négociations à propos de l'établissement d'un nouvel organisme d'examen des revendications n'ont pas abouti. Est-ce la seule raison? Quel est le facteur sous-jacent?

M. James Prentice: Je vais tenter de répondre à votre question.

Au cours des dix dernières années, l'incapacité du gouvernement et de l'Assemblée des premières nations, représentée par la direction de celle-ci et le comité des chefs chargé des revendications, de s'entendre sur la nature du nouvel organisme indépendant d'examen des revendications a été le principal problème.

• 1150

Pour revenir au très bon point qu'a fait valoir M. Marceau, je tiens à insister sur le fait que, lorsque nous parlons d'une commission, nous parlons d'un organisme composé, d'une part, d'une entité ayant le pouvoir de rendre la justice et, d'autre part, d'une entité pouvant assurer la médiation, car le gouvernement et les peuples autochtones ont convenu qu'ils ne voulaient pas qu'une solution indépendante leur soit imposée. Ils veulent un organisme qui permet la médiation et où le gouvernement et les collectivités autochtones peuvent travailler ensemble afin d'essayer de régler les revendications.

Le problème que pose le système actuel, c'est que, étant donné qu'il ne comporte pas de tribunal pour rendre des décisions exécutoires, il n'existe aucune entité pour surveiller l'évolution du processus. Personne n'est là pour pousser les parties à progresser. Le commissaire Bellegarde a donc passablement raison. Il se peut très bien que seulement 10 p. 100 des revendications seront en fait portées devant le tribunal d'arbitrage, mais le fait que ce soit probable, que ce soit une réalité, c'est, dans un sens, ce qui fait fonctionner le système. C'est ce qu'il manque à l'heure actuelle et c'est pourquoi le système ne fonctionne pas.

Pour revenir à votre question, les parties n'ont pas su s'entendre sur un certain nombre d'éléments importants liés au nouvel organisme. Je crois que vous auriez raison de dire que l'élément le plus fondamental est le plafond de 5 millions de dollars. C'est probablement vrai. Il est juste d'affirmer que c'est la principale pomme de discorde à l'heure actuelle entre le gouvernement, l'Assemblée des premières nations et d'autres.

En tant que commission, nous n'avons pas participé à l'élaboration du modèle. Nous avons en majeure partie été des spectateurs. Nous avons participé à l'examen de ce qui a émané du gouvernement et de l'Assemblée des premières nations, mais ce n'est pas notre modèle, et on ne nous a pas demandé jusqu'à maintenant de le commenter.

Si, dans sa sagesse, le comité estime qu'il serait bien que nous donnions notre opinion, nous serions heureux de revenir comparaître devant lui pour exprimer notre point de vue. Je tiens aussi à dire que la commission vise beaucoup l'obtention d'un consensus au sein des commissaires, autochtones et non autochtones, et elle n'a pas encore pris position à propos du plafond de 5 millions de dollars.

De toute évidence, ce sujet soulève d'importantes questions de politique publique. Devrait-il y avoir un plafond? Le tribunal devrait-il disposer d'une autorité sans borne? Si un plafond existe, devrait-il être fixé à 5 millions de dollars? Un plafond de 5 millions serait-il suffisant pour permettre à 1 071 revendications d'être portées devant le tribunal? Qu'arrive-t-il dans un système au sein duquel il existe un plafond et que, par conséquent, un nombre restreint de revendications peuvent être portées devant le tribunal? Quel genre de système un tel plafond créé-t-il?

En supposant que nous nous entendions en tant que Canadiens pour créer une commission indépendante formée de personnes compétentes pour prendre les décisions, pourquoi lui permettre d'étudier seulement les revendications simples et transmettre les plus compliquées au système judiciaire pour qu'elles soient étudiées par des personnes qui ne possèdent peut-être pas le même niveau de compétence en la matière?

Ce sont là des questions importantes, et nous serions heureux de prendre part aux discussions qui s'imposent.

J'espère que j'ai répondu à vos questions.

M. John Finlay: Je suis d'avis que ce sont des questions importantes, mais à ma dernière question, vous avez répondu que celui qui paie les violons choisit la musique. Je ne crois pas que le Parlement accepterait de n'imposer aucun plafond, aucun contrôle ni aucune limite à ce tribunal. Cela irait à l'encontre de nos principes, et nous devons trouver une façon...

Je ne dis pas que nous ne devrions pas suivre cette voie. Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est trop lent. Après tout, dix ans se sont écoulés depuis l'incident d'Oka, et le projet de loi S-24 ne constitue pas véritablement un règlement final. Mais, c'est un accord provisoire, qui permet au moins de constater que le dossier progresse.

• 1155

Nous devons tous apprendre à connaître le domaine des revendications. De toute évidence, vous avez appris à le connaître, et je suis en train de le faire. Il n'existe pas de solutions instantanées, et rien ne se produit rapidement. Nous sommes confrontés aux points de vue des Premières nations, qui doivent être respectés. Au bout du compte, il faut qu'il y ait ce que vous demandez. Votre suggestion est bonne, et le comité en discutera, mais cela ne se produira pas l'an prochain.

M. James Prentice: Puis-je formuler une observation qui fait suite à votre commentaire?

Je me suis joint à la Commission en tant que personne qui possédait de l'expérience dans le domaine des revendications. Honnêtement, je n'avais jamais représenté une Première nation. Je n'avais qu'assumé le rôle de conseiller juridique pour le gouvernement de l'Alberta dans le cadre d'une revendication territoriale dans les années 80. C'est là que j'ai fait mes premières armes dans ce domaine.

Ce que les Canadiens non autochtones doivent notamment comprendre, c'est que les revendications ne disparaîtront pas. Elles ne se régleront pas toutes seules. D'un point de vue non autochtone, elles continuent de devenir plus difficiles et plus coûteuses à résoudre. Je ne dis pas que nous devrions agir rapidement sans réfléchir, mais Dan, moi-même et d'autres commissaires avons tenté de faire valoir que, du point de vue des Canadiens autochtones et non autochtones, il faut faire quelque chose, car il s'agit d'un piètre héritage à laisser à nos enfants, et le coût ne fera qu'augmenter.

M. John Finlay: J'approuve tout ce que vous venez de dire. C'est ce que j'ai appris au cours des six dernières années.

La présidente: Merci, M. Finlay.

Je crois que M. Vellacott voudrait attendre un peu avant d'obtenir son temps de parole de sept minutes. Je vais donc laisser M. Marceau intervenir.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente.

Je voudrais d'abord accueillir mon collègue Maurice Vellacott, qui est de retour d'un séjour en Israël. Soyez le bienvenu ici.

J'ai deux questions assez rapides.

Premièrement, tout ce qui touche à un tribunal sur les revendications autochtones touche aussi beaucoup les provinces. Quel rôle, si rôle il y avait, les provinces joueraient-elles dans ce tribunal d'adjudication exécutoire?

Deuxièmement, est-ce que ce tribunal se limiterait aux revendications territoriales des autochtones, ou s'il verrait d'autres choses, par exemple le problème auquel font face les femmes autochtones qui divorcent et qui n'ont pas les mêmes droits que les femmes non autochtones concernant la répartition des biens après la dissolution du mariage?

Donc, premièrement, quel serait le rôle des provinces et, deuxièmement, est-ce que le tribunal se limiterait aux revendications territoriales ou toucherait à d'autres choses?

[Traduction]

M. James Prentice: Je peux donner une réponse très directe à vos questions.

En ce qui concerne les provinces, selon la situation constitutionnelle actuelle, le gouvernement du Canada ne peut pas créer un organisme indépendant d'examen des revendications qui ferait intervenir les provinces. La proposition du gouvernement fédéral permet maintenant de faire appel à une province en particulier selon la revendication. Ainsi, un gouvernement provincial pourrait accepter d'être lié par la décision de la Commission. Nous avons remarqué, au cours des dix dernières années, que les gouvernements provinciaux ont tendance à suivre les travaux de la Commission. Ils envoient des observateurs à certaines de nos séances, mais ils n'assument pas directement de rôle.

Dan peut peut-être répondre aussi à votre seconde question. Le tribunal que l'on parle d'établir depuis de nombreuses années aurait des compétences très claires liées aux droits collectifs et aux obligations légitimes qui sont dues aux Premières nations. Il n'aurait pas la capacité rendre des décisions concernant les droits individuels ou d'autres questions dont vous avez parlé.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

• 1200

[Traduction]

M. Daniel Bellegarde: La question de la participation des provinces est différente à l'échelle du pays. Dans les Prairies, par exemple, la Convention sur le transfert des ressources naturelles oblige les provinces à fournir des terres dans les cas de revendications relatives aux droits fonciers découlant des traités. C'est ce qu'ont fait le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. Leur participation fait donc partie de leurs obligations constitutionnelles en vertu de la Convention sur le transfert des ressources naturelles.

Bien sûr, la Colombie-Britannique participe directement en raison du droit de propriété sous-jacent, à l'instar de l'Ontario. La participation juridique et constitutionnelle des gouvernements provinciaux diffère dans l'ensemble du pays, mais ceux-ci sont considérés comme des acteurs importants dans le processus.

Je suis d'accord avec mon collègue quand il dit que l'organisme d'examen indépendant aurait un rôle très précis à jouer, un rôle qui consisterait à examiner, entre autres, les revendications territoriales et les revendications touchant l'administration de la Loi sur les Indiens.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci. C'est tout.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Pour revenir à ce que disait M. Finlay, existe-t-il, à l'étranger ou au Canada, un modèle d'organisme d'examen indépendant dans le cadre duquel le gouvernement pourrait s'exposer à une responsabilité sans limite? Voilà pour la première question.

Ma deuxième question est la suivante: est-ce que les actions en justice constitueraient toujours une option même si le modèle retenu ne prévoyait aucun plafond—d'où la possibilité d'une responsabilité sans limitée? Autrement dit, est-ce qu'on pourrait toujours choisir d'entamer une action en justice, ou est-ce que toutes les revendications seraient soumises à ce tribunal?

Troisièmement, est-ce que les décisions de cet organisme seraient définitives? Autrement dit, est-ce qu'il serait impossible, par suite de ces décisions, de rouvrir le dossier, de redéfinir les droits? Dans quelle mesure ces décisions seraient- elles finales?

Quatrièmement, le travail que vous avez effectué semble avoir porté fruit, si l'on tient compte des cas que vous avez réglés. Toutefois, vous ne semblez pas avoir suffisamment de ressources pour mettre en place des mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits, tandis que le gouvernement me semble pas avoir assez de ressources pour accélérer le traitement des revendications.

Pourriez-vous faire plus si vous aviez davantage de ressources et si le gouvernement augmentait le budget qu'il consacre au règlement des revendications, ce qui aurait pour effet d'accélérer leur traitement et peut-être même d'accroître le nombre de revendications soumises, étant donné qu'il ne faudrait pas attendre 15 ou 20 ans avant qu'elles ne soient réglées?

Voilà pour mes quatre brèves questions.

M. Daniel Bellegarde: Je vais essayer de répondre d'abord à votre dernière question concernant les ressources. Vous devez comprendre que la Commission des revendications des Indiens intervient à la fin du processus. Notre rôle est d'examiner les revendications qui ont été rejetées par la Couronne. Nous constituons une sorte d'organisme d'appel, et c'est pour cette raison que nous menons des enquêtes approfondies et que nous nous rendons dans les collectivités. Voilà pourquoi le processus est si rigoureux. Nous ne sommes pas un tribunal de dernière instance, mais un comité d'appel.

Le processus des revendications existe depuis le début des années 70, en fait depuis l'arrêt Calder de 1973. Franchement, je ne crois pas que le gouvernement s'attendait à recevoir un si un grand nombre de revendications. La dernière fois que la politique, ou du moins ses règles, a été modifiée en profondeur, c'est en 1982. Il y a presque 20 ans de cela.

Nous continuons de recevoir des revendications, et en fait, je pense qu'elles augmentent en nombre. Or, le système n'a pas été capable d'absorber ce flot de revendications, d'où l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Il faut donc accroître les ressources.

J'aimerais faire un dernier commentaire avant que M. Prentice n'aborde le volet juridique de la question. Des organismes ont été créés dans d'autres pays. Mentionnons d'abord US Claims Court, qui possédait un pouvoir exécutoire en vertu de la constitution américaine et qui a étudié pendant 20 ans, dans les années 40 et 50 si je ne m'abuse, les revendications soumises par les tribus aux États-Unis. Il y a ensuite le tribunal Waitangi de la Nouvelle-Zélande qui, conformément au traité Waitangi, examine les revendications des Maoris visant la Nouvelle-Zélande. Il y a enfin, en Australie, le tribunal des revendications territoriales des Autochtones, qui examine les revendications envers le gouvernement australien. Il existe donc quelques modèles, sauf que je ne saurais vous dire s'ils conviennent au Canada. Toutefois, il existe des organismes ailleurs dans le monde.

• 1205

M. James Prentice: On pourrait parler longuement des quatre points que vous avez abordés. Avant de perdre le fil de ma pensée, j'aimerais ajouter à ce que Dan a dit au sujet de l'efficacité—votre quatrième question.

La commission ne souffre pas d'un manque de fonds. Elle dispose d'un budget de 5,7 millions de dollars et nous sommes fiers de la façon dont elle gère ce budget, et ce, depuis le début. Elle a affiché des excédents budgétaires tous les ans, et dans de nombreux cas, des excédents importants.

Donc, nous ne sommes pas venus vous dire que la commission n'a pas suffisamment de ressources pour accomplir son travail. En fait, le problème, c'est que la commission n'a pas le pouvoir de rendre des décisions exécutoires. Ajoutons à cela le fait que le gouvernement du Canada est dépassé par le nombre de revendications qui sont soumises.

Nous avons effectué, il y a quelques semaines, une analyse sommaire des revendications où la commission a agi comme médiateur. Si je me souviens bien, dans chacun de ces cas, le gouvernement du Canada en était à son deuxième ou troisième avocat, et deuxième ou troisième négociateur—et parfois, à son quatrième avocat. Je fais allusion ici aux revendications qui ont fait l'objet d'une médiation sur une période de sept ans.

Pour ce qui est des revendications où nous intervenons comme arbitre, où une audience a lieu, les délais sont de six à douze mois, parce que le gouvernement du Canada n'affecte pas suffisamment d'avocats, de recherchistes, de spécialistes aux revendications. Le problème prend de plus en plus d'ampleur. Il commence à miner la crédibilité de la commission elle-même.

Bien entendu, la commission ne peut rendre des décisions exécutoires dans ce contexte et obliger le gouvernement à agir rapidement. Voilà le problème. Ce qui nous inquiète, c'est la question de savoir si la commission actuelle remplit un rôle utile. L'expérience, jusqu'à maintenant, a été concluante, sauf que le processus est menacé parce que si le gouvernement ne donne pas suite aux décisions de la commission, à un moment donné, la crédibilité de la commission même sera entachée, ce qui constituera un important pas en arrière.

Pour revenir à la question de la responsabilité sans limite, il me semble que les modèles que l'on doit retenir, comme Dan l'a mentionné, sont le tribunal Waitangi en Nouvelle-Zélande; le tribunal des revendications territoriales qui a existé aux États-Unis pendant un certain temps; certaines des initiatives prises récemment en Afrique du Sud; et le tribunal australien. Je ne saurais vous dire si ces organismes ont une responsabilité sans limite, pour reprendre vos propres paroles. Je ne le crois pas. Je pense que leur pouvoir, dans un sens, est circonscrit. Mais c'est quelque chose que nous devons considérer.

Toujours dans le même ordre d'idées, la responsabilité sans limite est une notion qui existe déjà au Canada. Il suffit de penser au judiciaire. J'aurais dû préciser, quand M. Finlay est intervenu plus tôt, que l'absence de tout organisme indépendant ne limite pas en fait la responsabilité du Canada. Cette responsabilité demeure; elle est seulement assurée de façon différente, par le biais des tribunaux. En fait, certaines des décisions les plus importantes en matière de revendications, et les conséquences financières énormes qu'elles supposent, ont été prises par les tribunaux.

• 1210

Donc, ce que nous nous demandons en fait, c'est quel est l'organisme qui est le mieux placé pour éliminer l'énorme arriéré qui existe au niveau des revendications et des griefs historiques. Comme je l'ai déjà indiqué, l'augmentation du plafond est une question importante qui relève de la politique des pouvoirs publics. Toutefois, je vous invite certainement à examiner ce plafond de 5 millions et à vous demander s'il est adéquat ou non.

La présidente: Merci.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, AC): Je vais simplement poser ma question. Je vous demande de m'excuser et de répondre brièvement si ce point a déjà été abordé.

Comme l'a mentionné Richard, il est plutôt intéressant de revenir d'un pays où les revendications et les différends existent depuis des milliers d'années. Ils règlent la question différemment, par le biais de tribunaux ou d'organismes, et il y a souvent des incidents violents qui surviennent, comme on l'a vu au cours des dernières semaines. Je suis donc content de voir que nous avons quelque chose qui, je l'espère, va fonctionner. Toutefois, j'ai certaines questions à poser à ce sujet.

D'abord, pouvez-vous me donner une idée du nombre d'arbitres que compte la CRI? Qui en fait partie? Comment les membres sont-ils choisis?

M. Daniel Bellegarde: Les membres de la Commission des revendications des Indiens ne se considèrent pas comme des arbitres. Nous ne pouvons pas, bien entendu, obliger les parties à accepter nos recommandations. Nous sommes plutôt un tribunal administratif qui a le pouvoir de donner des conseils et de formuler des recommandations. Pour l'instant, les commissaires sont nommés par décret, le ministère des Affaires indiennes et l'Assemblée des premières nations se consultant sur la composition du tribunal. Divers facteurs sont pris en considération, dont le facteur géographique, la parité hommes-femmes, le nombre d'Autochtones et de non-Autochtones, ainsi de suite.

Pour ce qui est du nouvel organisme indépendant chargé d'examiner les revendications, aucune décision n'a encore été prise, mais je crois comprendre que le groupe de travail mixte a recommandé que l'organisme soit composé de spécialistes qui jouissent d'une bonne expérience en la matière, pas nécessairement en tant qu'avocats, même si, au bout du compte, c'est le résultat auquel on risque d'aboutir—peut-être en tant que juges, je ne le sais pas. Je ne veux pas parler au nom de l'Assemblée des premières nations ou du ministère des Affaires indiennes, et je ne veux pas préjuger du résultat des négociations auxquelles ils participent, et qui pourraient aboutir à l'adoption d'une mesure législative qui permettrait de créer cet organisme d'examen indépendant.

Quoi qu'il en soit, la question de la composition du tribunal doit être réglée, tout comme celle qui a trait au choix des commissaires. C'est sans doute là-dessus que portent les négociations ou discussions, si négociation il y a.

M. Maurice Vellacott: Donc, on a déjà fixé certains critères pour ce qui est du nombre d'Autochtones et de non Autochtones qui doivent faire partie de l'organisme. Savez-vous déjà qui doit faire partie de l'organisme ou comment procéder pour faire votre choix? Est-ce les membres seront choisis au hasard?

M. Daniel Bellegarde: Je ne suis pas certain, mais je pense que l'Assemblée des premières nations et le ministère des Affaires indiennes ont convenu de se consulter et de soumettre une liste de noms qu'ils auront approuvés. Bien entendu, c'est le Cabinet du Premier ministre qui les nommera, sur recommandation du gouverneur en conseil ou du Conseil privé, si je ne m'abuse.

M. Maurice Vellacott: Donc, au bout du compte, c'est le Cabinet du Premier ministre qui décidera.

M. Daniel Bellegarde: Pour ce qui est de la nomination des commissaires, oui.

M. Maurice Vellacott: Donc, vous ne savez absolument pas comment les membres du nouvel organisme indépendant seront choisis.

M. Daniel Bellegarde: Je ne suis pas sûr. Comme je l'ai déjà indiqué, je ne veux pas préjuger du résultat des négociations. Ce n'est pas notre rôle. Toutefois, je sais qu'on a déjà discuté de certaines choses. On aurait recours à un processus qui ressemble à celui qu'on utilise pour nommer les juges au Canada—Jim est mieux placé que moi pour vous en parler—où l'on fait appel à un comité officiel, un conseil judiciaire. Ce mécanisme pourrait être efficace. Toutefois, pour assurer l'autonomie de l'Assemblée des premières nations ou des premières nations et du Canada, il faudra que le choix des commissaires et des membres du tribunal puisse se faire selon un processus qui sera indépendant.

M. James Prentice: Je ne sais pas si ce commentaire apporte quelque chose ou non à la discussion.

• 1215

À l'heure actuelle, il y a autant d'Autochtones que de non Autochtones qui siègent au sein de la commission. Il est déjà arrivé, à certains moments, qu'un groupe soit davantage représenté que l'autre. Pour l'instant, nous nous attendons à ce qu'un autre Autochtone soit nommé. Toutefois, la représentation au sein de la commission est assez équilibrée.

J'aimerais aussi vous dire que, en outre, nous sommes fiers qu'au sein de cette commission, des Canadiens autochtones et non autochtones aient pu collaborer selon un large consensus. Je crois qu'on y a pris des décisions vraiment objectives et impartiales.

La commission a rendu un certain nombre de décisions en faveur des Premières nations tout comme elle en a rendu un très grand nombre d'autres en faveur du gouvernement du Canada, par exemple, en ce qui a trait à la revendication la plus importante de la province de la Saskatchewan. La commission a jugé qu'il ne s'agissait pas d'une revendication à régler. La Première nation a décidé d'en appeler de la décision devant les tribunaux de la Saskatchewan et se fait le champion de cette revendication. Il est donc important de signaler qu'il y a eu équilibre et objectivité...

M. Maurice Vellacott: En réalité, James, ma question va dans cette direction en grande partie pour donner suite à vos observations. On pourrait parler de simples chiffres, mais il peut s'agir pour certaines d'entre elles de revendications de moindre envergure qui vont dans un sens et une autre de plus grande envergure qui va dans l'autre sens. J'aimerais donc que nous allions plus loin et que nous ne nous contentions pas de dire que trois décisions ont été rendues en faveur du gouvernement et trois autres ont peut-être penché du côté des Autochtones.

Auriez-vous une idée, je parle de dollars, une meilleure idée, à savoir si les décisions penchent d'un côté ou de l'autre? Plus précisément, serait-il possible que le gouvernement traîne la patte parce que, peut-être, si l'on tient compte des simples dollars on remarquerait une empathie plus grande envers les revendications des Autochtones? Comprenez-vous ma question?

M. James Prentice: Je comprends votre question.

M. Maurice Vellacott: Pas seulement de simples chiffres.

M. James Prentice: Je préfère ne pas utiliser le mot «parti pris». Je ne pense pas qu'il y ait quelque parti pris que ce soit de la part de la commission. Nous essayons...

M. Maurice Vellacott: Vous avez utilisé les mots «en faveur du gouvernement» ou «va dans l'autre sens».

M. James Prentice: Oui.

M. Maurice Vellacott: Alors, en ce qui a trait aux dollars, pas de simples chiffres, mais la proportion en dollars, diriez-vous que les décisions ont tendance à être en faveur du gouvernement et non pas le contraire? Alors ma question est la suivante, est-il possible qu'un gouvernement, de quelque parti que ce soit, traînerait la patte à cet égard s'il estimait qu'est possible, comme quelqu'un l'a laissé entendre déjà, qu'elles s'éterniseraient?

M. James Prentice: S'il advenait qu'une commission future n'était ni efficace ni objective, le gouvernement a certes la prérogative, en consultation, de remplacer les commissaires. Ce dont nous parlons, c'est d'un tribunal qui aurait autorité mais qui, en même temps, aurait compétence légale.

M. Maurice Vellacott: Sans aller jusqu'à les remplacer dans ce royaume de la politique et du Parlement, il est possible qu'ils en retardent simplement la création et se traînent les pieds à cet égard également. Vous êtes de toute évidence au courant de cela.

M. James Prentice: Oui.

M. Maurice Vellacott: Il ne s'agit pas simplement de remplacer. Vous pouvez, en réalité, faire la même chose sans remplacer réellement.

M. James Prentice: Sauf votre respect, je ne crois pas que c'est ce qui se passe à l'heure actuelle, mais je respecte votre question.

En ce qui concerne les sommes consacrées aux décisions rendues par cette commission, il est impossible de dire quelles sont les conséquences. Notre commission a participé à des décisions sur la validité des revendications. Les revendications sont ensuite retournées au gouvernement afin de faire l'objet de négociations.

Je puis dire que plusieurs centaines de millions de dollars d'offres de règlements découlant des travaux de la commission sont sur la table.

La dernière fois que j'ai vérifié, c'est-à-dire il y a deux ou trois ans, la commission a retenu, dans près des deux tiers des cas, la validité de la revendication et dans presque un tiers des cas, l'a rejetée. C'est à peu près dans cette proportion.

M. Maurice Vellacott: Mais vous ne pouvez nous donner de chiffres. Vous dites deux tiers un tiers, mais vous ne pouvez dire qu'un tiers...

M. James Prentice: Vous voulez que je traduise cela en dollars?

M. Maurice Vellacott: Oui.

M. James Prentice: Non, nous ne nous sommes jamais penchés sur cet aspect.

Je ne sais pas si j'ai répondu ou non à toutes vos questions.

M. Maurice Vellacott: Vous l'avez fait en partie. Je me demandais si vous faisiez des conjectures personnelles. La Saskatchewan est ma province natale et dire qu'une décision relative à une revendication a été rendue en faveur du gouvernement par opposition à une autre...

M. James Prentice: Oui.

• 1220

M. Maurice Vellacott: Je serais surpris que vous fassiez ce genre d'évaluation.

Par conséquent, s'agit-il davantage d'une observation personnelle? Ou disposez-vous d'un critère en vertu duquel vous croyez que vous le savez vraiment ou est-ce que vous vous dites en votre for intérieur que c'est ce qu'elle devrait être, de manière à juger qu'elle est en faveur des Premières nations ou...

M. James Prentice: Je signale simplement qu'un grand nombre de revendications qui ont été présentées à la commission provenaient de collectivités.

M. Maurice Vellacott: Exact.

M. James Prentice: La commission les a examinées, s'est acquittée de sa responsabilité et a estimé que la revendication n'était pas valide. J'ai parlé entre autres d'une revendication de la Saskatchewan. C'est tout ce que je dis.

M. Maurice Vellacott: D'accord.

M. James Prentice: D'autres revendications provenant de la Saskatchewan ont été examinées par la commission et ont été jugées bien fondées.

M. Daniel Bellegarde: Peut-être pour éclairer vos lanternes, comme je l'ai dit, nous n'examinons pas les revendications au moment où elles sont présentées, lorsqu'elles sont soumises au Canada. Nous les examinons une fois que le Canada les a rejetées. Notre tâche consiste donc à faire enquête et à déterminer si elles ont été valablement rejetées. C'est la raison pour laquelle on a dit que les décisions n'ont pas tant été rendues en faveur du gouvernement, que la recommandation en fait appuyait la décision du gouvernement de ne pas reconnaître le bien-fondé ou que notre recommandation appuyait la revendication de la Première nation en ce qui a trait à la validation.

Après cela, il en incombe aux parties et le gouvernement peut rejeter la recommandation. Bien sûr, la Première nation peut rejeter la recommandation si elle s'y oppose et pousser la chose plus loin dans le processus judiciaire, ce que La Ronge a fait en Saskatchewan.

M. Maurice Vellacott: Merci.

La présidente: Nous allons passer à M. Godfrey pour la prochaine ronde et nous vous reviendrons. Nous passerons ensuite à M. Finlay.

M. John Godfrey: C'est un processus complexe de sorte que j'essaie d'y réfléchir afin d'être bien sûr de très bien comprendre.

Si je comprends bien, tous les ans, dans cet univers de 1 071 revendications, de nouvelles revendications sont déposées. À quel rythme le sont-elles et je veux un chiffre global? Je suppose que cela varie d'une année à l'autre, mais je crois comprendre que vous avez qu'elles gagnent du terrain sur vous.

M. Daniel Bellegarde: Nous avons les chiffres ici quelque part mais, dans l'ensemble, je crois que nous parlons de quelque 60 revendications par année.

M. John Godfrey: Soixante revendications.

M. Daniel Bellegarde: Cela varie d'une année à l'autre selon le montant d'argent attribué et un plafond est prévu quant au montant d'argent disponible pour le règlement de revendications territoriales par l'entremise du Bureau des revendications des Autochtones. Je crois que cela peut aller jusqu'à 14 et aussi bas qu'à sept. Cela dépend de l'importance de la revendication qui est négociée et réglée. En effet, vous pouvez avoir affaire à une revendication d'envergure qui vaut 90 millions de dollars. Bien sûr, vous pouvez régler cinq, six ou dix revendications avec tel budget de ce genre. Tout dépend donc de la revendication à l'étude.

Je crois que c'est probablement une des raisons pour laquelle le délai est aussi long. En moyenne, il faut entre 12 et 20 ans pour régler une revendication, à partir de la recherche jusqu'au règlement final en passant par les arguments de droit.

M. John Godfrey: Parce que vous vous trouvez à la fin du processus, vous retirez toutes celles qui sont devant les tribunaux. Elles suivent un autre cheminement. Vous ne les verrez jamais. Certaines de celles dont vous avez en réalité traité pourraient se retrouver devant les tribunaux. Donc, un des points à régler en ce qui concerne le goulot d'étranglement, c'est la capacité du ministère à négocier un règlement ou un rejet, puis qu'on interjette appel devant vous. La raison pour laquelle vous avez suffisamment de ressources pour accomplir la tâche est que le ministère n'arrive pas à trancher dans suffisamment de dossiers, pour ainsi dire.

Qu'arriverait-il si, du côté des négociations, le ministère y affectait une foule de ressources de plus simplement pour accélérer le processus, de sorte que le produit aboutit chez vous? Quand je lis votre rapport, le travail que vous avez effectué semble très utile, du moins pour résoudre beaucoup de ces litiges. Sortirions-nous jamais gagnants de ce processus si le ministère y affectait simplement plus de personnes, trouvait des avocats et les examinait plus rapidement? Cela pourrait avoir pour effet d'exercer plus de pression sur vos ressources. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas, mais cela fait-il partie de la solution?

M. James Prentice: En bref, la réponse est oui. Cela ferait beaucoup de bien.

Comme je l'ai dit au départ, nous faisons deux recommandations parallèles. L'une est le besoin de ressources additionnelles, mais l'autre est que le gouvernement affecte suffisamment de ressources pour répondre à l'ampleur du problème, ce qui n'est pas le cas actuellement.

• 1225

Dans certains dossiers, le gouvernement attend un an, deux, trois ou quatre ans l'opinion juridique avant de pouvoir essentiellement franchir la première étape. Dans certaines situations, actuellement, les Premières nations requérantes demandent à la commission de prendre les dossiers en charge parce que le gouvernement a tant tardé à répondre qu'on pourrait considérer cette absence de réponse comme un rejet. Dans un cas en particulier, la Première nation attend que le Canada obtienne une opinion juridique depuis 15 ans.

M. John Godfrey: Depuis combien de temps, avez-vous dit?

M. James Prentice: J'ai dit depuis 15 ans.

M. John Godfrey: Allez-vous l'accepter pour ces motifs?

M. James Prentice: La décision n'a pas encore été prise. C'est une question au sujet de laquelle nous aurons à nous prononcer.

La présidente: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Madame la présidente, pour faire suite à ce que disait M. Godfrey, j'ai devant moi l'annexe A. Je vais poser des questions qui, je l'espère, sont plutôt simples. Mille soixante et onze revendications ont été inscrites dans le processus depuis sa mise en place, si j'ai bien compris, en 19...

M. James Prentice: Depuis 1982, quand l'actuelle politique relative aux revendications particulières... Je préfère vérifier.

M. John Finlay: Je vous remercie. Dans la partie qui dit «Réglées, 251», de ce nombre, y a-t-il eu des revendications qui ont été réglées avec le gouvernement avant d'aboutir chez vous? Ou cela signifie-t-il qu'elles ont été réglées par médiation devant la CRI?

M. James Prentice: Non. Cela signifie que, durant ces 20 années à peu près dont nous parlons, le ministère a réglé 251 revendications. Seulement un faible nombre de celles-ci aboutirait chez nous.

M. John Finlay: Mais il y en aurait tout de même?

M. James Prentice: Il y en aurait, effectivement.

M. John Finlay: Les 408 revendications à l'étude sont-elles des revendications dans lesquelles la Première nation a pris des mesures, affirmé qu'elle avait une revendication particulière, en plus de toutes les autres?

M. James Prentice: La Première nation a présenté une revendication au gouvernement du Canada.

M. John Finlay: D'accord. La partie «Soumises à la CRI» signifie que le gouvernement a donné suite à quelque chose, mais que la Première nation n'est pas heureuse du résultat, qu'un accord n'a pas été conclu, et que vous devez aider. La partie «Devant les tribunaux» désigne-t-elle les revendications que vous avez rejetées ou que vous n'avez pu régler, de sorte qu'ils ont contourné votre commission et font appel aux tribunaux?

M. James Prentice: À nouveau, il s'agirait de 47 cas dans lesquels le gouvernement a rejeté la revendication. Les poursuites ont été entamées devant les tribunaux. La revendication a peut-être passé par chez nous—mais ce ne serait probablement qu'un faible nombre.

M. John Finlay: C'est donc l'autre voie.

La mention «115 en négociation» signifie que certaines d'entre elles qui étaient à l'étude sont maintenant en négociation, au ministère.

M. James Prentice: C'est juste. Le ministère aurait affecté des avocats et des négociateurs à 115 dossiers en négociation.

M. John Finlay: D'accord. Ce qui m'amène à la dernière partie, soit aux revendications que vous avez rejetées, que vous avez classées parce qu'il n'y avait plus d'argent ou auxquelles la bande a décidé de ne pas donner suite.

M. James Prentice: Il s'agirait des cas où le ministère a examiné la revendication, l'a rejetée pour manque de validité, de sorte que, du point de vue du gouvernement, le dossier est clos. Cependant, la bande n'a pas donné d'autre suite. Cela ne signifie pas forcément que le problème est réglé, mais bien que le gouvernement a décidé que la revendication n'était pas valide et que la bande a décidé de ne pas aller devant les tribunaux ou de faire appel à notre commission.

M. John Finlay: Pourrait-elle encore le faire, si elle le souhaitait?

M. James Prentice: Elle pourrait toujours aller devant les tribunaux. Si le tribunal rejetait la revendication, elle pourrait aussi en saisir la commission.

M. John Finlay: Toutes les revendications ont été rejetées, n'est-ce pas, celles qui sont en jaune?

M. James Prentice: Elles ont toutes été rejetées par le gouvernement, mais pas par la commission.

M. John Finlay: Mais pas par la commission?

• 1230

M. James Prentice: C'est bien cela.

M. John Finlay: D'accord.

M. James Prentice: Dan a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

M. Daniel Bellegarde: J'ajouterais qu'on peut débattre longtemps de la source de la statistique. Nous avons essayé d'utiliser les données statistiques du gouvernement. En fait, ces chiffres viennent de l'AINC.

M. John Finlay: Je vous remercie.

M. John Godfrey: Mais, parmi les revendications rejetées, on pourrait trouver des revendications que vous avez rejetées et d'autres qui ont été rejetées par le tribunal. Est-ce là la catégorie générale de rejet?

M. James Prentice: Je crois que vous avez bien compris.

La présidente: Comme il ne semble pas y avoir d'autres questions, j'aimerais remercier les témoins d'avoir répondu à l'invitation du comité ce matin et d'avoir éclairé notre lanterne quant à ce que fait la commission et ce qu'elle espère faire à l'avenir. Je vous remercie tous d'être venus ce matin. Si vous avez une conclusion à faire, il nous reste quelques minutes.

M. James Prentice: Ce fût pour nous un plaisir et un honneur d'être ici aujourd'hui. Nous vous souhaitons de bien réussir dans vos travaux. J'espère beaucoup que, dans tout cela, vous prendrez le temps de voir ce qui s'est fait auparavant, au sein de votre comité. À notre avis, votre comité a un rôle très important à jouer en vue d'aider à faire de ces importants changements une réalité au Canada.

C'est tout ce que j'avais à dire.

M. Daniel Bellegarde: Je tiens moi aussi à remercier le comité. Je ferai également une recommandation, bien qu'elle ne relève pas du mandat de la Commission des revendications des Indiens et que nous n'avons pas de rôle dans le domaine du développement économique ou de l'autonomie gouvernementale.

Je vais vous laisser un exemplaire de ceci, qui s'intitule «Assessing the Fiscal Impacts of Settling Specific Claims». C'est un document produit par Fiscal Realities of Kamloops. L'information, bien sûr, ne vient pas forcément de l'APN ou des Affaires indiennes. Il y est question non seulement des exigences juridiques imposant le règlement des revendications, mais également des raisons, sur le plan économique et de l'autonomie gouvernementale, qui justifient le règlement des revendications. On y compare la minimisation des coûts, soit du coût des obligations légales que le Canada souhaite, naturellement, réduire au minimum, et le coût de la promotion de l'investissement. Dans un cas comme Kahkewistahaw, on a perdu 35 000 acres de bonnes terres dans le sud de la Saskatchewan au début des années 1900 et on a maintenant l'occasion, parce que la revendication est maintenant en négociation et sur le point de se régler, de réinvestir le revenu perdu.

C'est un document intéressant. En plus d'examiner les dimensions juridiques des règlements de revendication et les obligations légales des deux parties aux traités, entre autres questions, il faut aussi se pencher sur la politique gouvernementale actuelle relative non seulement au développement économique au sein des collectivités des Premières nations et, bien sûr, de son impact sur la société plus générale, mais également de l'autonomie gouvernementale et des liens avec les revendications. Si je puis l'exprimer ainsi, je crois que le comité aurait peut- être intérêt à lire le document dans cette optique.

Madame la présidente, je vous remercie. Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.

La présidente: Je vous remercie tous.

La séance est levée.

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