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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 28 février 2002




Á 1105
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         Le chef Matthew Coon Come (chef national, Assemblée des Premières Nations)

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le vice-chef Ghislain Picard (Assemblée des Premières Nations)

Á 1125

Á 1130

Á 1135
V         Le chef Matthew Coon Come

Á 1140

Á 1145
V         Le président

Á 1150
V         M. Spencer
V         Le chef Matthew Coon Come

Á 1155
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ)
V         Le chef Matthew Coon Come

 1200
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Pat Martin
V         Le vice-chef Ghislain Picard
V         Le président
V         Mme Grey

 1205
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Miss Grey
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Miss Grey
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président
V         M. Guy St-Julien (Abitibi--Baie-James--Nunavik, Lib.)

 1210
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président

 1215
V         Mr. Spencer
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Mr. Spencer
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley Ouest, Lib.)
V         Le chef Matthew Coon Come

 1220
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Richard Marceau
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Richard Marceau
V         Le vice-chef Ghislain Picard

 1225
V         Le président
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le chef Matthew Coon Come

 1230
V         M. Pat Martin
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président
V         Mr. Martin
V         Le chef Matthew Coon Come
V         
V         Le président
V         Mme Karetak-Lindell

 1235
V         Le vice-chef Ghislain Picard
V         Le président
V         Mme Grey
V         Le chef Matthew Coon Come

 1240
V         Le président
V         Le chef Matthew Coon Come
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 février 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour à tous et soyez les bienvenus.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre vue d'ensemble de la Loi sur les Indiens, en attendant que le projet de loi nous soit renvoyé. On nous a dit que nous en serions saisis après la première lecture. Notre comité doit toutefois se livrer à un travail sérieux et pour démontrer leur désir de s'acquitter de leur mission, les membres du comité ont accepté d'entamer le processus avant même que le projet de loi ne soit déposé. C'est ce que nous faisons maintenant en nous livrant à un examen général de la loi.

    Nous avons le privilège et l'honneur de recevoir aujourd'hui le chef Matthew Coon Come de l'Assemblée des Premières Nations. Merci beaucoup de comparaître, déjà pour la deuxième fois.

    J'assume depuis peu la présidence de ce comité, mais nous nous sommes déjà rencontrés. C'était à propos de l'examen de la Loi sur les Indiens, en 1976. Vous aviez alors exprimé votre point de vue, chef, et nous comptons sur vous pour nous faire part de votre expérience et de vos connaissances. Le chef national est accompagné de Ghislain Picard, vice-chef, et de Richard Powless, conseiller spécial.

    Nous vous invitons à nous faire une déclaration, après quoi nous aurons plusieurs tours de questions. Nous devons nous réunir à huis clos à 12 h 45 pour discuter de nos travaux futurs.

    Alors, chef, la parole est à vous.

+-

    Le chef Matthew Coon Come (chef national, Assemblée des Premières Nations): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

    Monsieur le président et membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous y voyons un signe encourageant qui prouve que vous êtes au courant de nos préoccupations. Cela démontre que les Premières nations se font entendre.

    On nous a demandé d'exposer les préoccupations des Premières nations quant au projet de loi sur la gouvernance. Nous ferons de notre mieux pour vous dire comment nous voyons la gouvernance des Premières nations et pourquoi le projet de loi nous préoccupe. Nous vous offrirons des solutions constructives afin de traiter des priorités et des objectifs des peuples des Premières nations.

    Je suis ici à titre de Chef national de l'Assemblée des Premières Nations. L'APN est l'organisme national qui défend les intérêts et les aspirations politiques des peuples des Premières nations du Canada. Je suis élu par tous les chefs du Canada qui, à leur tour, sont choisis par les citoyens de leur Première nation. L'APN est un organisme véritablement représentatif constitué en vertu d'un processus démocratique.

    Nous avons une part à jouer dans cette discussion. Dans le cadre de notre présentation, nous vous avons apporté quelques documents. Le document principal s'intitule Le plan d'action des Premières nations. On y trouve une solution de rechange à l'actuel projet de loi sur la gouvernance des Premières nations.

    Dans quelques minutes, nous exposerons nos préoccupations quant à la Loi sur la gouvernance. Mais avant, j'aimerais attirer votre attention sur Le plan d'action des Premières nations pour que vous sachiez qu'il existe une meilleure façon de procéder. Le plan d'action des Premières nations se veut une approche globale et progressive aux buts et priorités des Premières nations. Il y est question de renforcer les compétences de nos citoyens, de bâtir des collectivités saines et des économies viables au sein des Premières nations. Le plan englobe tout ce que le ministre des Affaires indiennes veut couvrir dans sa Loi sur la gouvernance mais, surtout, il tient compte des priorités des Premières nations. Il s'attaque aux préoccupations des membres de la collectivité, des dirigeants politiques, et de nos frères et soeurs vivant à l'extérieur des réserves. Notre plan vise à générer des changements qui feront vite une réelle différence à l'échelle communautaire, et nous permettront de construire à long terme à partir d'une base solide.

    Nous vous avons aussi apporté des fiches de renseignements produites par l'APN. Elles renferment nos données les plus récentes sur les conditions socio-économiques des Premières nations, de même que sur notre situation politique et culturelle. Elles fournissent le contexte des sujets dont nous allons vous parler aujourd'hui.

    Au départ, j'aimerais préciser de qui je parle quand je fais référence aux Premières nations. Le pays compte environ 80 Premières nations réparties entre 633 collectivités. Notre population fait plus ou moins un million de personnes établies dans des collectivités rurales, dans des réserves et dans des centres urbains.

    Les membres des Premières nations, ou les Indiens, comptent parmi les trois peuples autochtones reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les deux autres peuples sont les Métis et les Inuits. L'article 35 est important et lourd de sens. Nos dirigeants se sont battus très fort pour obtenir cette reconnaissance constitutionnelle plus que symbolique. L'article 35 reconnaît et confirme nos droits inhérents et issus de traités. Il ne crée pas ces droits, pas plus qu'il ne nous les concède—il reconnaît que nous les possédons déjà, qu'ils sont inhérents. Le projet de loi sur la gouvernance semble se fonder sur l'idée voulant que la gouvernance des Premières nations émane des lois fédérales. Ce n'est pas le cas. L'article 35 reconnaît notre droit de nous gouverner nous-mêmes, et notre pouvoir de le faire.

Á  +-(1110)  

    L'article 35 parle d'une relation de nation à nation lorsqu'il évoque la relation qu'entretiennent le gouvernement du Canada et les Premières nations. Dans plusieurs régions du Canada, des traités signés par les Premières nations et la Couronne reconnaissent et établissent cette relation. Ces traités ont permis au gouvernement canadien de gagner un accès légitime aux terres et aux ressources du pays.

    La conclusion de traités se poursuit encore aujourd'hui. Il y a, en vigueur, ce que nous appelons des traités modernes, par exemple, la Convention de la Baie James et du Nord québécois et l'accord plus récent conclu avec les Nisga'as. Dans certaines régions du Canada, par exemple en Colombie-Britannique, la négociation de traités va bon train.

    Cette relation de nation à nation ou issue de traité devrait dicter la façon dont nous abordons la gouvernance des Premières nations. Nous sommes des nations: la nation crie, la nation ojibwa, la nation mi'kmaq. Nos gouvernements et nos droits ne sont pas fondés sur la race. En tant que nations traitant d'égal à égal avec la Couronne, nous avons signé des instruments internationaux appelés traités. Ces traités sont des ententes sacrées sur le partage des terres du pays.

    Voilà une distinction importante qui se situe au coeur du sujet qui nous occupe aujourd'hui: la loi sur la gouvernance des Premières nations. Notre droit de nous gouverner n'émane pas du gouvernement fédéral, pas plus que de ses lois. Nous possédions des institutions et des lois démocratiques bien avant la fondation du Canada. Notre droit à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination dans toute sa portée internationale est un droit inhérent. Il existait déjà au premier contact, et nous le possédons toujours. Même les traités ne nous ont pas apporté ce droit. Les traités n'ont fait que reconnaître deux puissances souveraines et leurs droits respectifs de gouverner leurs peuples et leurs territoires. En cours de route, à mesure que les populations et la dynamique ont changé, la relation s'est embrouillée, et le Canada s'est mis à imposer des lois aux citoyens des Premières nations.

    En 1867, la Grande-Bretagne a promulgué l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cet acte répartissait les pouvoirs législatifs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Par l'article 91.24, le gouvernement fédéral se donnait le pouvoir de prendre en charge les Indiens et les terres réservées aux Indiens. Le Canada a exercé ce pouvoir au moyen de la Loi sur les Indiens. La loi a subi bien des modifications au fil des ans, et le dernier changement majeur remonte à 1950.

    Comme je l'ai déjà dit, cette loi est la vôtre. Les Premières nations n'ont jamais été consultées. Cette approche est toujours paternaliste et reflète une pensée colonialiste. Depuis le jour où la loi est entrée en vigueur, les Premières nations s'y sont opposé, appelant plutôt le Canada à honorer sa relation issue de traité. Plusieurs Premières nations, les Iroquois, par exemple, ont envoyé des délégations diplomatiques à la Société des Nations, puis aux Nations Unies.

    De façon complexe, les Premières nations ont participé aux négociations qui ont mené, en 1982, à la modification de la Loi constitutionnelle. Nous avons décelé la possibilité d'enchâsser nos droits dans ce document et d'y trouver une protection. Nous voulions que nos droits inhérents ancestraux et issus de traités soient au-delà des lois de gouvernements vite remplacés par d'autres. Les articles 35 et 25 sont le fruit de notre travail. Pourtant, bien peu de choses ont changé à la suite des révisions apportées à la Constitution.

    Pendant les négociations de Charlottetown, les Premières nations ont une fois de plus recherché la reconnaissance et la protection de leurs droits. De plus, nous voulions que soient mis en oeuvre nos droits ancestraux et issus de traités reconnus et protégés en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, comme nous les imaginons. Nous voulions être protégés contre le genre de loi que propose justement le ministre Nault. Fondée sur une mentalité coloniale ancrée dans l'article 91.24, cette loi restreindra davantage nos droits car les Premières nations y sont des pupilles de l'État et non des partenaires souverains. Les Premières nations ont pu composer avec l'article 91.24, et elles ont même fait des progrès dans bon nombre de domaines comme les relations financières. Mais, à notre avis, ce n'est pas dans cet article que notre relation prend son sens, et ce n'est pas l'endroit idéal pour parler de vraie gouvernance.

Á  +-(1115)  

    C'est à partir de l'article 35 que nous pouvons marquer de véritables progrès et établir la gouvernance des Premières nations de telle sorte que la Couronne honore ses engagements et ses obligations envers elles. L'article 35 est le foyer de la véritable relation politique entre les Premières nations et le Canada, la relation de nation à nation dont je vous parle.

    Nous croyons que le meilleur moyen de veiller, à long terme, à la protection de nos droits ancestraux, inhérents et issus de traités consiste à modifier une fois de plus la Constitution canadienne. Mais nous sommes réalistes et pragmatiques. Nous voyons qu'aucune mesure du genre ne s'annonce et, comme vous, nous croyons qu'il faut améliorer les conditions de vie des peuples des Premières nations. La loi est donc le prochain instrument privilégié pour assurer la protection de nos droits, mais non une loi fondée sur l'article 91.24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Toute loi doit se fonder sur l'article 35. Elle doit être habilitante—et non normative—et s'inscrire dans un partenariat égal à part entière avec les gouvernements des Premières nations qui ont signé des traités avec la Couronne.

    Tous savent que les Premières nations et l'APN s'opposent au projet de loi actuel sur la gouvernance. Pourquoi? Parce qu'il ne répond à rien de ce dont je viens de vous parler. Il n'y est pas question de tailler une place aux Premières nations au sein de la Confédération. Nous reconnaissons le besoin de changement. Toutefois, ce projet de loi n'apportera pas les changements positifs et progressifs que nous recherchons. Pour parler franchement, ce n'est même pas un bon départ.

    Plusieurs études, dont le rapport Penner et plus récemment le rapport final publié en 1996 par la Commission royale sur les peuples autochtones, recommandaient au Canada de ne pas «rafistoler» la Loi sur les Indiens. Elles recommandaient une nouvelle loi «habilitante» qui reconnaîtrait les compétences actuelles des gouvernements des Premières nations. Ces deux études reconnaissaient aux Premières nations des «champs de compétence centraux» qu'elles peuvent exercer dès maintenant sans devoir compter sur des lois ou sur l'approbation des gouvernements fédéral et provinciaux. Toutefois, elles ont aussi suggéré qu'il serait préférable que ces champs de compétence soient négociés entre les trois ordres de gouvernement de sorte que la mise en oeuvre soit réaliste et cohérente.

    Un bon nombre de Premières nations se demandent comment 10 gouvernements provinciaux peuvent se réunir et former un nouveau pays appelé le Canada en s'appropriant les terres et les ressources des Premières nations et, par la même occasion, en les rayant du portrait.

    Nous sommes donc ici aujourd'hui à parler du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. On présente le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations comme étant un moyen de régler les problèmes qu'entraîne la Loi sur les Indiens. Nous sommes d'accord avec le ministre quand il dit que la Loi sur les Indiens est désuète. La Loi sur les Indiens a été conçue sans que les Premières nations n'y participent. On l'a imposée à nos peuples sans d'abord obtenir leur consentement. Elle ne reflète pas nos valeurs, nos traditions et notre diversité. On y considère les peuples autochtones d'un oeil paternaliste, voire colonial. La Loi régit pratiquement tous les aspects de notre vie, de la naissance à la mort.

    La Loi sur les Indiens a été conçue et mise en oeuvre unilatéralement par le gouvernement fédéral, et imposée aux Premières nations. Alors comment le ministre propose-t-il de remédier aux problèmes? Au moyen d'une mesure législative conçue et mise en oeuvre unilatéralement par le gouvernement fédéral, et qui sera imposée aux Premières nations. C'est là la même démarche qui a mené à l'adoption de la Loi sur les Indiens. Cela n'a pas de sens. Les Premières nations veulent du changement, mais non pour que le Canada dicte leurs vies pendant encore 125 années.

    Permettez-moi de vous dire qu'un processus fondamentalement boiteux ne peut produire que des résultats tout aussi boiteux. J'ai souvent dit que c'était en quelque sorte du délire que de garder la même ligne de conduite et d'escompter des résultats différents. De ce que nous constatons, ce projet de loi n'a rien à voir avec nos besoins, nos priorités ou les engagements du Canada à améliorer les conditions de vie des peuples autochtones. En fait, il semble qu'il y ait plutôt matière à réagir aux reportages négatifs et exagérés de la presse quant aux Premières nations du pays. La proportion des Premières nations qui éprouve des difficultés financières est d'environ 4 p. 100. Nous avons remarqué que dans son discours devant le comité permanent, en novembre 2001, le ministre Nault a mentionné que sur les 633 Premières nations, 25 avaient des problèmes financiers. Cela correspond à 3,9 p. 100, ce qu'on peut arrondir à 4 p. 100.

Á  +-(1120)  

    Nous n'avons pas peur de rendre des comptes. Mais si nous voulons vraiment améliorer les conditions de vie des peuples des Premières nations, nous devons nous doter d'une méthode qui respecte nos priorités et nos buts communs.

    Nous pouvons commencer par passer en revue l'objet du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. Certains semblent croire que ce processus consiste à récrire ou à modifier la loi au grand complet. Ce n'est pas le cas. En fait, le projet de loi sur la gouvernance ne touche que quatre sujets limités: les élections et le choix des dirigeants; la reddition de comptes et la responsabilité opérationnelle; le statut juridique des bandes ainsi que les pouvoirs et les autorités. La première question que j'aimerais soulever est la suivante: à qui appartiennent ces priorités?

    Si nous faisions un tour de table, ou le tour de la salle, pour demander aux gens de quoi les Premières nations ont besoin, je pense que nous récolterions des réponses intéressantes. Plusieurs d'entre nous ont une bonne idée de ce que sont les priorités immédiates. Ce sont des questions de nécessité et, parfois même, des questions de vie ou de mort.

    Je sais que, dans leur présentation de la semaine dernière, les représentants du ministère des Affaires indiennes vous ont servi des statistiques et des indicateurs socio-économiques alarmants ayant trait à nos Premières nations. Les fiches de renseignements que nous vous avons distribuées font également état de la situation. Certaines de nos collectivités sont en crise. Le Canada compte année après année parmi les pays offrant la meilleure qualité de vie au monde et, pourtant, les Premières nations figurent beaucoup plus bas sur la même liste, soit au 63e rang. Parlez aux gens des collectivités, parlez aux dirigeants. Ils vous diront qu'il faut s'attaquer au logement, au chômage, à l'eau potable, aux écoles, aux emplois et à l'accès aux terres et aux ressources, et qu'il faut bâtir une économie viable. Nous devrions nous pencher sur ces questions dès maintenant.

    Cependant, la loi sur la gouvernance des Premières nations ne fera rien pour corriger ces situations critiques. À dessein, les sujets abordés dans la loi sur la gouvernance ne tiennent pas compte des consultations antérieures menées auprès des Premières nations, et surtout des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, la consultation la plus importante et la plus vaste jamais menée auprès des peuples autochtones.

    Aux membres de la Commission, les gens ont parlé de revitaliser leurs collectivités, de renforcer les capacités de leurs citoyens et de rebâtir leurs nations. Ils ont parlé d'espoir dans l'avenir et de la relance de la relation fondée sur les traités, là où les terres et les richesses sont partagées, et là où les gens vivent sainement, mordent dans la vie et sont productifs. Un sondage mené par les Affaires indiennes a démontré que les membres des Premières nations souhaitent parler des mêmes sujets qui, à l'échelle communautaire, se font sentir tous les jours sur leur qualité de vie. Plus que tout, je crois que c'est ce qui pousse les Premières nations à rejeter la loi sur la gouvernance, et qui explique une si faible participation aux consultations dans les collectivités.

    Sur ce, monsieur le président, je vais céder la parole au vice-chef du Québec, monsieur Picard.

[Français]

+-

    Le vice-chef Ghislain Picard (Assemblée des Premières Nations): Thank you, National Chief.

    Monsieur le président et membres du comité, nous avons produit une analyse des rapports de consultations communautaires du ministère des Affaires indiennes, lesquels figurent sur le site du ministère des Affaires indiennes. Nous avons écarté les résultats du sondage en ligne ou par appel téléphonique sans frais, car ils ne sont pas fiables. Le gouvernement ne devrait pas s'y arrêter: rien ne permet de vérifier l'identité du répondant, s'il provient ou non d'une première nation ou s'il a participé plus d'une fois.

    Vous avez entre les mains un tableau illustrant le pourcentage de participants aux consultations entourant le projet de loi. Quand on prend connaissance des consultations communautaires, on remarque d'abord et avant tout que très peu de gens se sont déplacés. Ces consultations communautaires ont attiré au plus 3 p. 100 du groupe visé.

    Y a-t-il au pays un autre processus qui irait de l'avant malgré un taux de participation aussi faible de la part du groupe ciblé? Plus de 10 millions de dollars ont été investis pour n'obtenir qu'une maigre participation, et le ministre vient dire que les premières nations dépensent mal leur argent.

    Des régions entières ont refusé de participer, notamment le Manitoba. En Ontario, des consultations étaient menées par l'entremise de la Ontario Métis Aboriginal Association. Nous appuyons nos frères et soeurs métis dans l'atteinte de leurs objectifs, mais les questions politiques et juridiques en cause sont totalement différentes des leurs. Les Métis ne sont pas assujettis à la Loi sur les Indiens. Je ne comprends pas pourquoi l'OMAA était responsable des consultations, si ce n'est pour le concours de relations publiques, et je parlerais du même scénario en ce qui concerne la région du Québec.

    Dans les rapports de consultations, vous constaterez aussi que plusieurs personnes ne se croyaient pas suffisamment informées sur la loi sur la gouvernance pour formuler des commentaires éclairés. Ce n'est pas surprenant. Questionnez le Canadien moyen sur les pouvoirs et les autorités ou encore sur le statut juridique de ses gouvernements, et il n'aura sans doute pas grand-chose à dire lui non plus.

    Les personnes qui ont accepté de participer voulaient précisément parler du genre de choses que nous souhaitons intégrer dans un nouveau processus: le logement, les terres, la protection des traités et la mise en oeuvre des droits ancestraux. Mais ces principaux sujets de préoccupation sont relégués dans la catégorie «autres», à la toute fin des rapports.

    Il est clair que les sujets abordés dans le projet de loi sur la gouvernance ne disent tout simplement rien aux nôtres. Quand on a de jeunes bouches à nourrir, on ne se préoccupe pas du statut juridique et des pouvoirs des banques. C'est ce qui se produit quand on élabore un texte sans parler aux gens qui seront les plus touchés.

    La réponse du gouvernement fédéral au rapport final de la commission royale se reflète dans sa politique Rassembler nos forces. Elle appelle le gouvernement à travailler en partenariat avec les premières nations afin de traiter de leurs priorités. Le projet de loi ignore carrément cette politique et cela nous inquiète. On nous dit que ces consultations coûtent 10 millions de dollars. Nous pouvons y ajouter les sommes englouties pour couvrir les ressources et les salaires que le ministère y a affectés. Ces ressources auraient pu être consacrées à un processus plus utile et plus constructif qui aurait mis nos citoyens à partie.

    Les séances communautaires ne satisfont à aucune norme minimale de consultation. Certaines exigences juridiques rattachées à la consultation doivent être respectées, et nous maintenons que cela n'a pas été le cas. Il est particulièrement troublant d'entendre le ministre déclarer que les produits de ces consultations boiteuses seront imposés. Les premières nations devront vivre avec les résultats.

    Si nous voulons vraiment faire une différence et créer des retombées positives qui se feront sentir sur les sept prochaines générations, il nous faut un processus amélioré. Nous pouvons toujours nous attaquer aux quatre sujets sans nécessairement recourir à une nouvelle loi.

    La reddition de comptes et la responsabilité opérationnelle peuvent se régler au moyen de négociations financières avec les premières nations. La reddition de comptes d'un gouvernement des premières nations auprès de ses membres devrait constituer le principe clé.

Á  +-(1125)  

    La capacité juridique ne doit pas être une priorité puisque les premières nations l'exercent déjà en grande partie. Nous pouvons signer des contrats, créer des entreprises, lancer des poursuites et en faire l'objet, mais il serait hasardeux de légiférer sans d'abord parler de droits ancestraux et issus de traités. En tentant de définir en termes juridiques ce qu'est une première nation sans aborder ces droits, nous risquons d'en réduire la portée. Ce faisant, nous risquons aussi d'abroger des droits ancestraux et issus de traités ou de leur porter atteinte. Cela ne fera qu'entraîner d'autres batailles juridiques.

    Le ministère des Affaires indiennes affirme que la loi sur la gouvernance ne met pas ces droits en péril. Dès le départ, nous lui avons demandé de produire l'analyse juridique et la recherche qui lui permettent de faire une telle affirmation, mais, nous a-t-on répondu, il n'existe rien de tel. C'est là une grande source d'inquiétude pour nous, car nous ne sommes pas convaincus. Je vous fais cette mise en garde pour que vous en teniez compte et que vous l'ayez en tête lorsque la loi sera déposée. Nous voulons éviter de simplement remplacer une série de batailles juridiques par une autre.

    En ce qui concerne la question des pouvoirs et des autorités, elle porte largement sur la confection et sur la mise en application de règlements. Encore une fois, nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi. Plus que tout, les premières nations ont besoin de renforcement institutionnel. Les pouvoirs s'appliquant à la confection de lois sont mieux traités dans le cadre de négociations entourant l'autonomie gouvernementale.

    La même logique s'applique aux élections et au choix des dirigeants. Des négociations entourant l'autonomie gouvernementale conviennent mieux aux changements que les premières nations souhaitent apporter. Nous ne voulons pas d'une loi normative. Les premières nations souhaitent être en mesure de concevoir leur propre système à la lumière de leurs expériences, de leurs traditions et de directives communautaires.

    Nous pouvons aborder toutes ces questions et d'autres encore au moyen d'un processus amélioré plus vaste. Il y a plusieurs façons d'aborder la gouvernance des premières nations, et la modification de la Loi sur les Indiens est sans doute la pire. En fait, le rapport de la commission royale faisait une mise en garde quant au rafistolage de la Loi sur les Indiens, disant que des changements décousus feraient vraisemblablement plus de mal que de bien. En outre, on a dit plusieurs fois, dans le rapport de la commission royale et même au ministère des Affaires indiennes, qu'une approche universelle aux politiques et aux lois ne fonctionne pas pour les premières nations. Nous ne sommes pas un seul groupe uniforme; nous sommes diversifiés. Nos nations possèdent leur propre régime politique, leur système juridique, leurs traditions, leur langue et leur culture.

    Nous critiquons l'initiative en cours, mais je me rends compte que ce n'est pas assez. Je ne remets pas en question les motifs ou les principes des personnes qui prennent part au processus entourant la loi sur la gouvernance. J'aimerais croire qu'ils ont à coeur les intérêts des premières nations. Si tel est le cas, alors je suis certain qu'ils voudront entendre parler d'une meilleure solution de rechange.

    Nous avons une meilleure solution. Vous l'avez entre les mains. Il s'agit du Plan d'action des Premières Nations. Notre plan propose un terrain d'entente, un programme qui traite des priorités immédiates et un changement à la fois réel et durable. Il porte sur les sujets de préoccupation du gouvernement et les nôtres. C'est une approche gagnante qui profitera à chacun.

    Le Plan d'action des Premières Nations donne suite aux engagements contenus dans le discours du Trône et aux déclarations publiques du premier ministre quant à l'amélioration des conditions de vie des peuples des premières nations. Il intègre les sujets abordés dans le projet de loi sur la gouvernance. Il s'appuie sur des travaux comme le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et le rapport Penner. Il se fonde sur des leçons et des pratiques exemplaires tirées d'autres approches de collaboration, par exemple le travail que nous avons effectué au chapitre des relations financières et l'initiative conjointe d'élaboration de politiques des services fonciers et fiduciaires. Tous ces travaux fournissent une base solide. Le Plan d'action des Premières Nations est un modèle de base.

    Je ne vous lirai pas le plan en entier, mais je vous encourage à le consulter. Il est global et constructif. Il favorise des relations positives en plus d'établir une gouvernance solide.

Á  +-(1130)  

    Le plan s'appuie sur les principes de partenariat et de collaboration: le partenariat entre les premières nations et le gouvernement; le partenariat entre les premières nations, le secteur privé et les entreprises; finalement, le partenariat et la collaboration entre les premières nations, de façon à respecter notre diversité tout en nous permettant de partager les leçons et les pratiques exemplaires que nous avons retenues.

    Je dois vous dire franchement que tout le travail que nous accomplissons à l'APN s'inspire de la relation de nation à nation prévue à l'article 35. Cela veut dire la réédification de nos nations, la conclusion et la mise en oeuvre de traités, la résurgence et la mise en pratique de nos droits inhérents.

    Nous devons nous attaquer à ces questions fondamentales. Elles ne disparaîtront pas, mais le gouvernement et les premières nations veulent faire avancer quelques dossiers prioritaires. La beauté du Plan d'action des Premières Nations est qu'il ouvre dès maintenant la voie à un changement positif. Nous n'avons pas à attendre le règlement de questions plus importantes.

    Aussi longtemps que le cadre de l'approche orientée sur les droits sera en place, nous disposerons de principes et de paramètres qui nous guideront jusqu'à notre but ultime de la réédification de la nation.

    Cette approche n'est pas radicale. C'est celle que recommandait la Commission royale sur les peuples autochtones. Pour être durable et réaliste, le changement doit être progressif.

    Nous avons aussi pris connaissance d'une étude récente menée par l'Université Harvard et intitulée The Harvard Project on American Indian Economic Development, une étude faite par la Kennedy School of Government de Harvard. Cette étude proposait un modèle de développement économique pour la réédification de la nation.

    Sa définition de la réédification de la nation est la suivante:

Doter les Premières Nations de la base institutionnelle qu'il leur faut pour accroître leur capacité à revendiquer avec succès leur pouvoir en matière d'autonomie gouvernementale afin d'atteindre leurs propres objectifs économiques, sociaux et culturels.
 

Je dirais que c'est là un objectif avec lequel nous pourrions tous composer.

    L'étude de Harvard soulève quatre éléments à la base d'un modèle de réédification de la nation.

    Le premier est une véritable autoréglementation. En gros, c'est donner aux premières nations le pouvoir de contrôler ce qui se passe sur leurs terres. Cela signifie la prise de décisions quant à l'allocation des ressources, au financement des projets et à la stratégie de développement. Il s'agit aussi de faire des liens entre les décisions et les conséquences. Les décisions prises par un autre gouvernement ou par un tiers ne reflètent que les intérêts de ces derniers.

    Le deuxième élément est la création d'institutions gouvernementales efficaces. Cela implique la création de mécanismes apolitiques de règlement des conflits et l'élimination de la corruption et des tendances opportunistes. Cela signifie également renforcer les pouvoirs de gouvernance au moyen de capacités.

    Le troisième élément est la parité culturelle. C'est l'ajustement entre les institutions de gouvernance et les perspectives des premières nations quant à la gouvernance et au pouvoir. Aux yeux des citoyens des premières nations, cela apporte un caractère légitime à leurs institutions.

    Le dernier élément est le besoin d'établir une orientation stratégique. Cette orientation doit venir des premières nations et non d'un tiers ou d'un autre ordre de gouvernement. Cela exige une planification à long terme fondée sur une vision à long terme. Il faut, pour cela, examiner non seulement nos atouts et nos possibilités, mais aussi nos priorités et nos préoccupations. Une perspective stratégique dote les premières nations d'un outil et de critères pour évaluer les options de développement.

    Nous endossons ces quatre éléments de base et nous les avons appliqués à l'élaboration de notre plan d'action.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Vous trouverez, dans les documents que nous vous avons remis, un survol rapide du Plan d'action des Premières nations intitulé Vision des Premières nations. Le plan soulève quatre courants de changement: la réédification de la nation, la redistribution des terres et des ressources, la mise en oeuvre des traités et de nouvelles relations financières. Diverses activités communautaires, régionales et nationales devront être menées pour favoriser des changements. Il faudra compter sur l'énergie et l'engagement de plusieurs personnes provenant des Premières nations et du gouvernement du Canada.

    La réédification de la nation signifie que nous devrons créer des institutions gouvernementales efficaces et nous doter de ressources humaines compétentes. La redistribution des terres et des ressources implique le respect des droits ancestraux et issus de traités, ainsi que la création d'un processus juste et efficace de règlement des revendications. La mise en oeuvre et le renouvellement des traités exigent que la Couronne fournisse un sérieux effort pour honorer les obligations qu'elle n'a pas remplies auprès des Premières nations, conformément à l'esprit et à l'intention qui régnaient à l'origine des traités. Enfin, de nouvelles relations financières devront être établies entre les divers ordres de gouvernement. À l'heure actuelle, ces mesures se fondent sur la délégation de pouvoirs. Nous pouvons conclure de nouvelles ententes qui reconnaissent et respectent les gouvernements des Premières nations.

    Pour chacun de ces quatre domaines, quatre domaines d'activités complémentaires doivent s'appliquer aux échelons communautaire, régional et national. Ces éléments de changement importants sont le renforcement des capacités touchant tous les aspects de la gouvernance, par exemple la gestion des terres et de l'environnement, l'éducation, et les services sociaux et de santé. Le changement institutionnel est un autre domaine critique.

    La bureaucratie doit s'adapter à l'autonomie gouvernementale des Premières nations. Nous pouvons entrevoir un État canadien comportant de nouvelles dimensions, par exemple, un vérificateur général des Premières nations ou un bureau du protectorat fiduciaire, ainsi que des politiques revues pour en faire des outils de changement efficaces plutôt que des obstacles.

    Un troisième élément de changement réside dans la participation accrue des Premières nations à l'économie canadienne. Dans bien des cas, la base éventuelle d'une économie des Premières nations est déjà en place: il s'agit de chaque territoire des Premières nations. Les terres et les ressources peuvent servir de base ou de point de départ à l'économie et à la formation d'une main-d'oeuvre compétente.

    Le dernier élément constitue plutôt un point de départ, c'est-à-dire répondre aux besoins urgents. La réédification des nations exigera une qualité et des conditions de vie améliorées, et des mesures en vue de répondre aux besoins urgents de nos citoyens en matière de santé et de services sociaux. L'approche que nous préconisons permet à chacun d'atteindre ses buts. En retour, tous en bénéficient. La création de Premières nations saines, viables et responsables signifie que celles-ci combleront leurs besoins criants tout en travaillant à l'élaboration d'une vision élargie de la réédification de la nation. Le gouvernement du Canada s'acquitte d'obligations et d'engagements de longue date auprès des Premières nations. Nous progressons d'une manière qui favorise une plus grande autonomie chez les Premières nations. Les Premières nations participent et contribuent à l'économie nationale, en plus de tisser des liens plus solides avec le milieu des affaires et de l'industrie. Nous améliorons nos relations entre les Premières nations et le gouvernement du Canada et, par le fait même, les Canadiens.

    Pour faire en sorte que ce processus fonctionne vraiment, nous devons aborder ces questions en y jetant un regard nouveau. Je ne sous-estime pas le travail que cela suppose. Mais, comme je l'ai dit plus tôt, rien ne nous oblige à tout régler à la fois. Ce genre de processus—qui fait appel à la collaboration et relève des Premières nations—peut fonctionner.

    L'initiative conjointe APN/MAINC d'élaboration de politiques ayant trait aux Services fonciers et fiduciaires se fondait sur cette approche. Les Premières nations se sont penchées sur les activités ayant trait aux SFF et ont cerné des moyens de modifier les politiques afin d'exercer un plus grand contrôle. Aucun des changements n'exige une nouvelle loi.

    On pourrait aussi citer en exemple le travail qu'effectue l'APN au chapitre des relations financières et de la mise sur pied d'institutions financières. Nous en sommes très fiers. Nous sommes à créer des institutions financières propres aux Premières nations. Elles offriront des services à tous les gouvernements des Premières nations qui souhaiteront y faire appel. Ces initiatives diffèrent de ce qui figure dans le projet de loi sur la gouvernance car elles sont menées par les Premières nations. Elles permettent une consultation continue qui s'étale sur plusieurs années, même si la mise en oeuvre commence dès maintenant. Les résultats, y compris toute loi, sont facultatifs—ils ne seront pas imposés aux Premières nations. Ces initiatives démontrent que non seulement l'approche préconisée dans le Plan d'action des Premières nations fonctionne, mais aussi qu'elle est la meilleure solution.

Á  +-(1140)  

    De façon plus générale, je crois qu'il est temps de dépoussiérer le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones et de se pencher ensemble sur la mise en oeuvre de ses recommandations. Au moyen de vastes consultations auprès des Premières nations, la CRPA a produit l'étude la plus complète de toute l'histoire canadienne sur les droits ancestraux. Elle renferme quelque 440 recommandations et a coûté 58 millions de dollars. Elle s'inspire des propos et des idées de milliers de personnes issues de centaines de collectivités. La CRPA a préparé plus de 300 rapports de recherche. Par-dessus tout, son rapport établit un modèle à suivre.

    La mise en oeuvre des recommandations de la CRPA permettrait de faire ce que le premier ministre avait proposé à son groupe de référence ministériel—de penser plus loin et de comprendre pourquoi les conditions de vie des peuples autochtones ne s'améliorent pas. Les conditions de vie ne s'amélioreront pas beaucoup à moins que les éléments clés du rapport de la CRPA soient appliqués : une nouvelle relation fondée sur la justice, la coexistence et l'égalité, une redistribution complète des terres et des ressources du Canada, l'injection immédiate de ressources pour que les conditions socioéconomiques de nos collectivités cessent de s'éroder et un processus pour respecter l'esprit et l'intention qui existaient à la signature des traités.

    En particulier, le présent comité pourrait suggérer qu'on commence à donner suite au rapport de la CRPA en s'attaquant à deux recommandations. La recommandation 5.5.1 veut «que les premiers ministres, les dirigeants territoriaux et les dirigeants des organisations autochtones nationales» se réunissent afin d'examiner les principales recommandations de la CRPA; «d'entreprendre des consultations sur la rédaction et la promulgation d'une proclamation royale redéfinissant la nature de la relation entre les nations autochtones et les gouvernements canadiens; de créer un groupe chargé d'élaborer un accord- cadre pancanadien.»

    La recommandation 5.1.2 veut «que le gouvernement du Canada établisse par voie législative une commission d'examen de la situation des peuples autochtones qui serait indépendante du gouvernement, comptable au Parlement et dirigée par un commissaire en chef autochtone» afin de suivre la mise en oeuvre des recommandations de la CRPA.

    Notre ressource la plus précieuse réside dans nos gens. Nous devons les intégrer au processus dès le départ et veiller à ce qu'ils participent à toutes les étapes. Le manque de communication gâte le processus actuel entourant la loi sur la gouvernance, et alimente la méfiance et l'appréhension. À l'Assemblée, nous faisons tout ce que nous pouvons pour tenir nos citoyens informés. Toutefois, notre budget a été coupé radicalement et même un envoi postal est une grosse dépense. Notre journal Le Messager des Premières nations était distribué dans tous les foyers des Premières nations. C'était le premier du genre. Malheureusement, il a été victime des compressions budgétaires.

    L'examen qu'effectue actuellement le ministre auprès des organismes des Premières nations, de même que ses déclarations voulant que nos organisations politiques deviennent «trop politisées» sont pour nous source d'inquiétude. Le ministre a également déclaré, tout récemment, que les Premières nations ne devraient pas se concentrer sur leurs droits. Voilà qui est très surprenant, venant de la bouche d'un ministre étant donné son expérience auprès des syndicats. Il devrait savoir aussi bien que n'importe qui que les droits doivent être respectés et protégés, et non oubliés. Nos droits sont enchâssés dans la Constitution depuis plus de 20 ans. Un groupe de gens devrait-il attendre deux décennies pour que les droits qui lui sont reconnus soient mis en pratique?

    Nous demandons aux membres du comité de consulter notre plan, de lire les renseignements que nous leur soumettons et de songer à un processus amélioré. Il n'est pas trop tard pour élargir nos discussions et amorcer un vrai travail en vue d'instaurer des changements progressifs. Nous avons une obligation morale et juridique à cet égard.

    Il y a quelques semaines, le ministre des Affaires indiennes et son secrétaire ont échangé quelques mots en public au sujet de la possibilité de militance ou de terrorisme chez les jeunes des Premières nations. Ces jeunes forment la majorité de la population des Premières nations. Ils deviendront un élément moteur de l'économie canadienne puisque la population non autochtone prend de l'âge et accède à la retraite. J'ai songé à commenter ces propos, mais à quoi bon! Plutôt que de débattre du degré de violence ou de militantisme qui peut habiter nos jeunes, donnons-leur de l'espoir.

    Comme plusieurs d'entre vous, je suis père de famille. J'ai de la compassion pour le père qui tente d'élever son enfant dans une maison dépourvue de chauffage, au coeur d'une collectivité où il n'y a pas d'emploi, et où la drogue et les vapeurs d'essence et de solvants sont une échappatoire invitante.

Á  +-(1145)  

    Quand son fils se tourne vers lui pour lui demander: «Papa, demain sera-t-il meilleur?», je ne veux certes pas qu'il réponde: «Ne crains rien, le gouvernement travaille à l'élaboration de nouveaux règlements sur notre statut juridique. Il s'occupe de nous faire des règlements.» Donnons de l'espoir à ces jeunes. Donnons de l'espoir à tous les nôtres—l'espoir que les choses iront mieux. L'espoir qui leur donne la détermination de s'investir à plein dans la tâche à accomplir. Donnons à ces gens l'espoir que demain ils vivront plus confortablement, et que la terre que nous habitons tous ensemble deviendra un endroit meilleur, où chacun s'adressera à l'autre avec respect et reconnaissance. Alors nous pourrons tous y voir notre foyer. Laissons un legs dont nous pourrons tous être fiers.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup pour cet excellent exposé, et je ne le dis pas uniquement pour être poli. Vous avez confirmé, du moins pour moi, que la décision du comité de faire ce travail même avant qu'on lui renvoie le projet de loi est une bonne décision. Vous nous avez fait comprendre des problèmes dont pour ma part, tout au moins, je n'étais pas au courant.

    Notre travail ne consiste pas uniquement à prendre un projet de loi qui nous est renvoyé par la Chambre des communes, à faire le travail habituel et à le renvoyer. Ce projet de loi nous sera renvoyé après la première lecture, et votre témoignage aujourd'hui m'a convaincu de la nécessité de faire un travail valable en comité avant que le projet de loi ne nous soit renvoyé justement parce qu'il nous sera renvoyé après la première lecture. Cela veut dire que le comité a ainsi l'occasion de faire davantage de suggestions et sera mieux à même d'apporter des amendements valables. Lorsque vous dites qu'il faut donner de l'espoir à la prochaine génération et aux gens qui sont touchés par le projet de loi, je peux vous dire que ce sera la devise de notre comité et c'est ce qui nous guidera dans nos travaux.

    Je vous remercie beaucoup, et vous aurez l'occasion de prononcer le mot de la fin.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Vous disposerez de quatre minutes, pour la question et la réponse, et je demande aux membres du comité de poser une question à la fois. S'il vous reste du temps, vous pourrez en poser une autre. Ainsi, nous pourrons faire deux ou trois tours de table, et habituellement, nous réussissons à poser toutes les questions. Je demanderais donc votre collaboration.

    Monsieur Spencer.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je souhaite la bienvenue ce matin au chef national de même qu'au chef régional et au conseiller spécial qui vous accompagnent. Vous nous avez présenté un excellent exposé, et nous vous en remercions sincèrement. Nous vous remercions de participer aux travaux de notre comité.

    Je remplace aujourd'hui M. Reed Elley, notre porte-parole principal. Il a des engagements dans sa circonscription et je peux vous assurer qu'il aurait préféré être ici. C'et une question qui le préoccupe beaucoup.

    Le projet de loi que nous attendons en ce moment touchera un très grand nombre de personnes au Canada, et je suis certain que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il aura un impact direct sur tous les Autochtones qui vivent sur les réserves et hors réserves et sur tous les Canadiens.

    Comme nous le savons tous, il y a de nombreux succès autochtones dont nous pourrions parler, et le plus récent est peut-être celui de la Bande Membertou qui est devenue le premier gouvernement autochtone en Amérique du Nord à être conforme à l'ISO. C'est là une réalisation importante. Malheureusement, nous reconnaissons que les succès sont trop souvent éclipsés par les échecs dont on parle négativement dans la presse, bien que collectivement il soit nécessaire de continuer de parler des choses positives, nous devons par ailleurs parler aussi des questions négatives.

    J'aimerais vous lire une citation et vous demander ce que vous en pensez. Ce n'est pas une question, mais soyez bien à l'aise de dire ce que vous en pensez:

Reconnaissez-vous ou non la loi canadienne? Si vous la reconnaissez, alors vous reconnaissez que vous devez respecter la loi canadienne. Si vous ne reconnaissez pas la loi canadienne et que vous êtes d'avis qu'elle ne s'applique pas à vous en tant que peuple, alors vous devez aborder la question à l'extérieur, du point de vue de la loi internationale.

    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux députés et merci à votre comité.

    Nous n'aurions pas participé à la modification de la Constitution dans laquelle nos droits pourraient être inscrits et reconnus. J'ai été l'une des personnes qui y ont participé afin de s'assurer que les droits ancestraux et issus de traités soient inscrits dans la Constitution car je voulais que le gouvernement respecte la loi suprême au pays. Certainement, je voulais que nos traités, qui se fondent sur une coexistence possible en vivant ensemble, en partageant cette terre, en partageant les ressources et en partageant l'amitié de ce pays, soient reconnus par le gouvernement.

    Cela étant dit, naturellement nous respectons les lois qui nous régissent. Mais je me demande cependant si c'est le cas du gouvernement canadien. Ce dernier va-t-il faire observer la loi suprême du pays? Le gouvernement canadien va-t-il mettre en oeuvre l'article 35 qui porte sur les droits ancestraux et issus de traités? Le gouvernement fédéral va-t-il faire respecter cette loi? Le gouvernement fédéral fera-t-il des modifications à la suite des décisions récentes des tribunaux en faveur des Premières nations concernant la chasse, la pêche, le piégeage et la nécessité de s'assurer que nous sommes consultés? Il y a de nombreux procès devant les tribunaux au pays où le gouvernement fédéral n'a pas mis à jour ses lois, des procès où l'on a reconnu nos droits dans ce pays. Le gouvernement canadien doit modifier, mettre à jour ou changer ces mesures législatives ou ces politiques s'il veut vraiment être vu comme un gouvernement qui respecte la loi.

    Certainement, je crois que nous avons une forme de reconnaissance internationale. Comme vous le savez, nous participons aux Nations Unies, dont le Canada est membre et où il participe à l'élaboration de principes pour guider les États membres qui comptent des populations indigènes au niveau du traitement à leur accorder. Le Canada a participé à la mise sur pied d'une décennie de reconnaissance des peuples autochtones. J'espère que nous pourrons faire quelque chose entre 1994 et 2004. Quelle meilleure occasion le Canada pourrait-il avoir de faire quelque chose pour les Premières nations de ce pays, des gens qui sont dans sa cour?

    Le président: Monsieur Marceau.

Á  +-(1155)  

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Grand chef Coon Come, vice-chef Picard, monsieur Powless, merci beaucoup d'être là ce matin et merci pour votre présentation. Au risque de répéter ce qui a été dit précédemment, je dirai qu'elle était excellente.

    Nous, les gens de ma formation politique, partons du même principe que vous. Nous partons de la prémisse que, pour une bonne relation entre les peuples autochtones et les peuples non autochtones qui occupent actuellement le Canada, il faut traiter de nation à nation. Je crois que si cette prémisse était réellement acceptée par les gouvernements non autochtones, de belles choses pourraient arriver, comme, par exemple, l'entente entre le gouvernement du Québec et la nation crie qui a été signée un peu plus tôt cette année.

    Ma question est en deux points. D'abord, lorsque nous avons rencontré les gens du ministère des Affaires indiennes un peu plus tôt cette semaine, je leur ai demandé quel effet l'absence de l'Assemblée des Premières Nations avait sur le processus de gouvernance mis en place par le gouvernement. On m'a répondu, grosso modo, que c'était dommage, mais qu'on continuait pareil.

    Donc, premièrement, dans quelle mesure l'absence de votre organisation vicie-t-elle le processus mené actuellement par le gouvernement fédéral ? Deuxièmement, dans quelle mesure votre opposition assez farouche au projet de loi de gouvernance explique-t-elle les coupures draconiennes que votre organisation a subies aux mains du gouvernement fédéral?

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.

    Je suis d'accord avec vous que ce pays qu'on appelle le Canada devrait respecter et honorer des rapports de nation à nation qui se fondent sur le rétablissement d'une relation qui est mutuelle et respectueuse, et que le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations et ses engagements non tenus, maintenir l'esprit de cette relation issue de traité et reconnaître et mettre en oeuvre l'article 35, qui est la loi du pays, afin d'améliorer les relations.

    Avant que le ministre annonce ce projet de loi, en tant qu'organisation nationale, nous avions convenu de rencontrer le ministre, en espérant qu'avant son annonce nous pourrions avoir des éclaircissements au sujet du processus sur lequel nous pourrions nous entendre. Nous avons organisé une rencontre, mais le ministre ne s'est pas présenté, il a envoyé; son sous-ministre. Nous avons fait tous les efforts possibles. Les grands chefs de tout le pays étaient présents et ils ont rencontré les hauts fonctionnaires du ministère avant l'annonce car nous savions que nous aurions des problèmes. Avant d'annoncer quelque chose, ne serait-il pas sage d'en parler à ceux sur qui cette mesure aura un impact? Nous considérions que cette mesure législative maintiendrait nos gens à leur merci, continuerait de faire en sorte qu'ils exercent un contrôle sur notre peuple. Si nous voulons le respect mutuel et la collaboration, vous devriez tout au moins discuter avec nous.

    Nous avons essayé, mais cela ne s'est pas produit. Le ministre ne s'est pas présenté à cette réunion, et pourtant il a quand même fait son annonce. Par conséquent, nous avons pensé que le processus était bien mal parti, même si nous avions certaines recommandations à faire et que nous voulions certainement participer au processus.

    Je pense que la plupart d'entre vous savent que nous avions rejeté la loi du gouvernement à Vancouver, et qu'ensuite à Halifax nous avons adopté une résolution pour essayer de trouver une façon de sortir de cette impasse, une solution qui permettrait de tenir compte de nos problèmes. Eh bien, cela n'a pas été le cas. Malheureusement, les trois ou quatre sujets visés dans la loi du gouvernement sont ses propres questions, les questions auxquelles le ministre veut s'attaquer. Les questions que nous avons soulevées dans notre Plan des Premières Nations pour la réédification de la nation, notamment la redistribution des terres et des ressources, la mise en oeuvre et le renouvellement des traités et de nouvelles relations financières étaient celles que nous voulions aborder. Naturellement, il y a les éléments dont nous avons parlé, le renforcement des capacités, etc., et la participation des Premières nations à l'économie canadienne.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Grand chef Coon Come, je dois vous interrompre. On vous a posé deux questions. Je sais qu'il vous faut du temps pour y répondre, mais vous aurez l'occasion de dire le mot de la fin. Vous voudrez peut-être répondre à ces questions-ci en même temps qu'à d'autres, si vous voyez ce que je veux dire.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président et merci à vous, monsieur Coon Come. Je tiens à être bref et direct; par conséquent, je vous épargne les louanges sur la qualité de votre rapport.

    Premièrement, en ce qui concerne le processus de consultation, votre graphique indique que le taux de participation a été d'environ 3 p. 100. Si on veut prétendre que de vastes consultations ont été menées, quel serait le degré de participation acceptable, dans quelque contexte que ce soit? Quel serait le critère juridique, si j'ose employer ce terme, s'appliquant à de vastes consultations?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Pour autant que nous sachions, aucun tribunal n'a encore précisé ce que serait le critère, du point de vue juridique, en matière de consultation. Au moment où nous nous parlons, des tribunaux ont statué, pour des affaires mettant en cause les Haidas notamment, qu'il faut le consentement des peuples autochtones avant d'amorcer toute exploitation forestière. Mais les tribunaux n'ont pas encore précisé ce qui serait acceptable... Est-ce 50 p. 100? Vous devriez peut-être adopter comme point de référence la suggestion du gouvernement canadien concernant la sécession du Québec.

+-

    M. Pat Martin: C'est en effet un précédent.

    Avez-vous des exemples précis? Le caucus néo-démocrate estime que tout ce processus de consultation est une fumisterie. Je crois que, dans bien des cas, comme l'a signalé le Grand chef Margaret Swan de la Southern Chiefs Organization, on a payé les gens pour qu'ils viennent et mettent fin aux échecs retentissants de Winnipeg et Swan River, par exemple, où seulement trois personnes se sont présentées aux consultations. Les fonctionnaires d'AINC étaient plus nombreux que les participants aux consultations.

    Croyez-vous qu'après l'adoption de la motion, à Halifax... Avez-vous des exemples de personnes qu'on a payées pour participer à ces consultations?

+-

    Le vice-chef Ghislain Picard: J'aimerais tenter de répondre à cette question.

    Les exemples que nous avons donnés et qui se sont produits en Ontario s'appliquent aussi au Québec. Là aussi, en raison de notre refus de collaborer, c'est une organisation externe qui a reçu le mandat de mener ces consultations avec le ministère. Encore une fois, il s'agissait d'une organisation qui n'avait rien à voir avec la Loi sur les Indiens. D'après nos données, au plus 300 personnes ont été consultées, c'est-à-dire 300 personnes touchées par les consultations ou la Loi sur les Indiens.

    Nous croyons aussi savoir que la plupart de ces séances de consultation, de 25 à 30 d'entre elles, se sont tenues à l'extérieur des localités autochtones. Ça signifie qu'au départ, la contribution de ceux qui sont le plus touchés par la mesure législative proposée est très limitée. De plus, le ministère a reçu très peu de réponses au questionnaire qu'il avait envoyé par la poste.

+-

    Le président: Je cède la parole à Mme Grey.

+-

    Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PC/RD): Merci et, encore une fois, merci à nos témoins.

    Matthew, vous avez dit qu'il aurait été bon de rencontrer le ministre avant qu'il annonce la mise sur pied de ce programme ou les changements qui y seront apportés. Cela nous apparaît évident, mais après avoir entendu le témoignage du sous-ministre, je ne suis plus certaine de ce qui s'est passé l'été dernier.

    Est-ce la réunion à laquelle vous deviez participer et pour laquelle le ministre est arrivé dans une fourgonnette, que nous avons tous vue à la télévision, qui a fait demi-tour dès son arrivée? Est-ce bien la rencontre dont il s'agit? Si non, où s'est-elle tenue? Je me souviens encore d'avoir vu cela au téléjournal.

  +-(1205)  

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Je crois que c'était à Burnt Church.

+-

    Mme Deborah Grey: Je vois. Les images que j'ai à l'esprit de ces événements ne me sont manifestement pas très utiles.

    J'ai aussi des questions sur les consultations. Un taux de participation de 3 p. 100, c'est plutôt bas. D'après ce qu'on en a dit aux nouvelles télévisées l'été dernier, si je me souviens bien, vous aviez recommandé à vos membres de boycotter ces séances, n'est-ce pas?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Oui, notre assemblée avait demandé un moratoire de 30 jours pour tenter de régler les différends. Et certains chefs autochtones avaient déclaré qu'ils étaient prêts à boycotter ces consultations, en effet.

+-

    Mme Deborah Grey: D'accord.

    J'aime bien ce que vous dites dans votre mémoire sur l'importance de redonner espoir aux gens. C'est l'essentiel. Aucun d'entre nous ne resterait ici s'il n'avait pas un peu d'espoir; c'est ce qui nous permet de survivre jour après jour. J'ai aussi été étonnée d'entendre le nouveau secrétaire parlementaire parler de militantisme. Cela m'est apparu comme une remarque peu judicieuse. Mais je crois vous avoir aussi entendu l'été dernier dire que le militantisme et la violence étaient une option.

    Pourriez-vous nous décrire le contexte dans lequel vous avez tenu ces propos?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Je ne préconise certainement pas la violence et je crois que mes antécédents le prouvent. Je crois au processus politique; j'estime qu'il faut recourir à toutes les avenues possibles au sein de l'appareil gouvernemental, y compris les poursuites judiciaires et les relations publiques, au besoin, pour mettre en lumière notre situation. Mais il faut reconnaître que la frustration monte et nous, les Premières nations, devons trouver une façon de canaliser cette frustration d'une façon constructive qui donne espoir à notre peuple.

    Le secrétaire d'État Stephen Owen a fait cette déclaration, mais les chefs autochtones ne l'ont pas vraiment appuyé car ils sont conscients des pressions. Toutefois, je n'estime pas approprié d'émettre des hypothèses et il est certain que nous ne préconisons pas la violence ou le militantisme.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur St-Julien.

+-

    M. Guy St-Julien (Abitibi--Baie-James--Nunavik, Lib.): Merci, monsieur le président.

    C'est fascinant de rencontrer le grand chef Matthew Coon Come, M. Powless et M. Picard et c'est fascinant de voir parmi l'assistance des chefs autochtones, des anciens chefs cris de la Baie-James et de voir surtout une nouvelle relève de jeunes leaders autochtones, de jeunes hommes et femmes autochtones.

    En premier lieu, je tiens à remercier le président pour les propos qu'il a tenus tout de suite après votre intervention, qui étaient très à propos. Mais je tiens surtout à vous remercier pour votre leadership, grand chef Coon Come. On a vécu dernièrement un moment historique au Canada, celui de la signature d'une entente entre les Cris et le gouvernement du Québec pour obtenir une meilleure qualité de vie, dans les 50 prochaines années, pour les jeunes et pour toute la population crie de la Baie-James. En voilà, des exemples et je tiens à vous remercier de votre leadership. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce processus, surtout l'ancien ministre Guy Chevrette.

    Voici ma question, grand chef Coon Come. Vous mentionnez à la page 8 qu'il y a eu des consultations, que les fonctionnaires font des consultations et se promènent au Canada. On sait ce dont nos amis autochtones veulent parler. Ils ne veulent pas parler du projet de loi qui s'en vient. Pourquoi ne vont-ils pas aux consultations? Parce qu'ils ont d'autres priorités, comme vous l'avez bien dit, tant dans votre intervention que dans votre plan de travail, à la page 30 et à la page 8. Il est bien mentionné:

Parlez aux gens des collectivités, parlez aux dirigeants. Ils vous diront qu'il faut s'attaquer au logement, au chômage, à l'eau potable, aux écoles, aux emplois et à l'accès aux terres et aux ressources, et qu'il faut bâtir une économie viable. Nous devrions nous pencher sur ces questions dès maintenant.

    À la page 30, il est bien mentionné dans votre plan de travail:

Dans le discours du Trône, le gouvernement s’est engagé à faire en sorte que les besoins élémentaires en matière d’emploi, de santé, d’éducation, de logement et d’infrastructures soient satisfaits et à ce que cet engagement soit manifeste dans toutes ses priorités. Mais les Premières Nations ne savent pas encore comment cela se fera ni comment ce sera géré. Elles veulent travailler avec le gouvernement du Canada sur ces questions.

    Depuis ce discours du Trône, qu'est-ce qui s'est fait? On sait que vous voulez collaborer. On sait que vous participez à l'économie de tout le Canada, dans les grands centres. Mais je pense qu'il y a certaines personnes ici, dans les tours d'ivoire, qui ont oublié où sont les communautés autochtones, où sont les réserves. Vous êtes nos amis, vous êtes nos voisins. Qu'est-ce qui s'est passé depuis le discours du Trône?

  +-(1210)  

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup, monsieur St-Julien.

    Je croyais que les Premières nations du Canada progressaient et que notre situation était une priorité lorsque le discours du Trône a été prononcé. Par la suite, le premier ministre a mis sur pied le comité de référence afin qu'il se penche sur les quelque huit questions relatives aux peuples autochtones qui avaient été soulevées dans le discours du Trône.

    Malheureusement, les événements tragiques du 11 septembre ont forcé le gouvernement à faire de la sécurité nationale et individuelle la priorité, et c'est compréhensible. Mais, maintenant, le public veut qu'on s'intéresse aux questions alimentaires.

    Nous voulons certainement améliorer les conditions socioéconomiques de notre peuple. Il ne fait aucun doute que nous préférerions être inclus plutôt qu'exclus des mesures en vue de mettre en oeuvre le discours du Trône. Nous souhaitons collaborer étroitement avec le groupe de référence ministériel et trouver des façons novatrices de satisfaire ces besoins pressants.

    Voilà où nous avons eu l'impression...au moins, pour ce qui est des trois premiers. J'ai été encouragé d'entendre le premier ministre, en réponse à une question, déclarer à la Chambre des communes, que ses priorités étaient les initiatives économiques et le plan d'action autochtone. On a posé la même question au ministre des Finances qui a répondu qu'il s'intéressait à l'innovation et aux questions autochtones.

    Tout cela était très encourageant mais, depuis, les événements du 11 septembre se sont produits. Nous devons maintenant revoir les priorités du pays et l'un des dossiers encore en suspens est celui des Premières nations.

    Rafistoler la Loi sur les Indiens ne fait que nous distraire de ce qui est important. On ne parle que de cela. Entre-temps, notre peuple connaît un taux de chômage élevé et vit dans des conditions déplorables, sans eau potable, par exemple. Voilà les questions qui nous intéressent, mais le gouvernement ne semble pas savoir comment mettre à contribution les Premières nations.

    Nous avons mené bien des études. Nous sommes prêts à agir de concert avec le gouvernement. Nous avons des recommandations à formuler et des solutions à proposer. Vous avez mis sur pied la commission d'enquête; vous y avez consacré des millions de dollars provenant des coffres de l'État. Le temps est maintenant venu de s'attaquer à ces problèmes. J'aimerais bien qu'ils se règlent de mon vivant afin de pouvoir redonner espoir aux jeunes, afin de faire en sorte qu'ils cessent de vivre dans ces conditions de misère. Nous avons une belle occasion, et nous devrions la saisir. Voilà ce que j'aimerais faire plutôt que de tenter de rafistoler la Loi sur les Indiens.

    Nous devons redonner confiance à notre peuple, le convaincre que, lorsque le gouvernement signe des traités et les enchâsse dans sa propre constitution, c'est qu'il veut signifier aux Premières nations qu'il veut entretenir de bonnes relations avec eux, qu'il est un gouvernement honorable, qui tiendra parole et mettre en oeuvre ces traités. Nous voulons aussi contribuer à la mise en oeuvre de ces traités. C'est là la relation que nous souhaitons.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues, je vous en prie, les quatre minutes doivent comprendre la question et la réponse. Je m'intéresse beaucoup aux réponse, parce qu'elles sont très bonnes et elles m'aident à faire mon travail. Alors, lorsque vous prenez trois minutes pour poser une question, notre distingué invité n'a plus qu'une minute pour répondre. J'hésite énormément à interrompre un témoin si distingué, voilà pourquoi je ne le fais pas, mais en toute justice, je vous demande d'être brefs dans vos questions.

    Je cède la parole à M. Spencer.

  +-(1215)  

+-

    M. Larry Spencer: Le passage à l'autonomie gouvernementale apparaît inévitable et tout à fait indiqué, mais certains Autochtones de la base craignent que ce changement se fasse trop vite. Ils affirment que bien des bandes n'ont pas les personnes compétentes et disposées à dispenser les services nécessaires.

    Voici ma question: dans quelle mesure l'Assemblée des Premières Nations a-t-elle tenu compte de ce facteur dans son examen de la loi et quelle serait la solution à ce problème de capacité?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Il est certain que l'autonomie gouvernementale ne peut se faire que dans certaines conditions. Certains piliers ou certaines institutions doivent être en place pour assurer l'autonomie réelle des Premières nations.

    Pouvez-vous répéter votre question?

+-

    M. Larry Spencer: Dans quelle mesure avez-vous tenu compte du fait que certaines réserves n'ont pas la capacité de dispenser les services nécessaires et quelle solution proposez-vous à ce problème?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Nous croyons avoir abordé cette question. Compte tenu de la diversité des Premières nations du Canada—il y a 80 Premières nations différentes, comme je l'ai déjà mentionné, chacune avec leurs propres cultures, leurs propres coutumes, leurs propres traditions et leurs propres formes de gouvernement—l'Institut administratif pour les Premières nations, qui a été mis sur pied par le gouvernement fédéral, nous semblait une bonne façon d'explorer les solutions possibles et de permettre à chacune des Premières nations de se doter de sa propre forme de gouvernement, à son propre rythme. Mais le ministre des Affaires indiennes a réduit le budget de cet institut qui devait se pencher sur les différentes formes de gouvernement existant au pays.

    En raison de notre diversité, une seule solution ne conviendra pas à tous. Il faut oublier cette idée. Nous avions une solution. Nous avions une institution.

+-

    Le président: Monsieur Godfrey.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley Ouest, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Pour commencer, je dirai que le témoignage d'aujourd'hui m'apparaît si important que nous devrons probablement réinviter ces témoins. Le Plan d'action des Premières nations est si riche qu'une séance ne nous suffira pas à en examiner tous les aspects.

    Deuxièmement—et cela semblera peut-être un peu bizarre—il y a une curieuse coïncidence entre vos intérêts et ceux du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Notamment, la gouvernance est votre point de départ à tous les deux. Autrement dit, si on adopte l'approche fondée sur les droits, l'étude de Harvard et ainsi de suite, et si on passe en revue les quatre critères—l'autonomie gouvernementale véritable, des institutions gouvernementales efficientes, etc.—votre plan d'action est un plan d'action de gouvernance.

    J'ai lu le document qui décrit votre vision. Il comprend des idées excellentes, notamment sur les lois régissant les institutions financières. Ce que je me demande à titre de membre de ce comité, c'est ce que nous pouvons faire, comme comité, si vous êtes d'avis que le moment n'est pas opportun pour une réforme de la Loi sur les Indiens, car essentiellement, c'est là notre mandat. En revanche, si vous voulez prendre des moyens détournés, ne pourrions-nous pas extraire certains des concepts de ce document—sachant qu'il constitue un ensemble de mesures qui seront adoptées chacune à un rythme différent—comme celui sur les institutions financières et profiter de notre examen de la Loi sur les Indiens pour faire progresser votre plan? Un jour ou l'autre, je présume que, pour mettre en oeuvre ces mesures, il faudra modifier la Loi sur les Indiens. Vous, vous suggérez que cela se fasse plus tard.

    Je me demande s'il n'y aurait pas une façon de faire concorder les travaux de notre comité et nos préoccupations communes sur la gouvernance et les institutions financières.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Vous avez raison de dire que notre postulat à tous les deux, c'est la gouvernance. Nous disons que le point de départ devrait être l'article 35. Le ministre des Affaires indiennes, lui, n'est pas du même avis; il préfère se fonder sur l'article 91.24 et adopter l'approche législative. Mais nous avons signé des traités avec votre gouvernement; par conséquent, trouvons une façon de mettre en oeuvre et de renouveler les traités afin que votre gouvernement puisse remplir ses obligations. Cela nécessite une stratégie différente.

    Si vous vous engagez dans cette voie, il pourrait y avoir de véritables négociations sur la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale et on pourrait régler certaines des questions soulevées par le ministre. Qu'on le veuille ou non, la Loi sur les indiens continuera d'exister jusqu'à ce que chaque Première nation détermine ce qui est le mieux pour elle, que ce soit se débarasser de la Loi sur les indiens ou la remplacer par ses propres coutumes et traditions à l'instar des Cris. La Loi sur les indiens ne s'applique plus aux Cris. Elle a été remplacée par une codification des coutumes et traditions cris, la Loi sur les cris et les naskapis. Il faut donc permettre...

    Le point de départ est très important. Nous proposons l'article 35 comme point de départ, par opposition à l'article 91.24.

    Le président: À vous la parole, monsieur Marceau.

  +-(1220)  

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.

    Grand chef, j'ai posé tout à l'heure une question à laquelle j'aimerais bien que vous répondiez. Dans quelle mesure, selon vous, votre opposition au projet de gouvernance explique-t-elle les coupures draconiennes du gouvernement fédéral à votre budget?

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Excusez moi, je n'ai entendu que la dernière moitié de votre question. Je suis désolé.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Dans quelle mesure votre opposition assez féroce au projet de loi de la gouvernance explique-t-elle, selon vous, les coupures draconiennes du gouvernement fédéral au budget de l'Assemblée des Premières Nations?

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: La réduction de notre budget est probablement attribuable à bon nombre de facteurs. Tout d'abord, c'est probablement attribuable à certaines des remarques que j'ai faites à la conférence mondiale contre le racisme. J'estime qu'on m'a mal cité, car je ne faisais que citer des documents du gouvernement fédéral—de la CRPA et de la Commission des droits de la personne. Ce sont des rapports auxquels le gouvernement du Canada a contribué et qu'il a payés, comme la CRPA.

    À mon sens, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien veut nous faire savoir que, lorsqu'on s'oppose à la loi, on subit des compressions budgétaires. Lorsque l'Association des femmes autochtones a exprimé son opposition, une nouvelle organisation nationale de femmes a été créée. Le ministre avait des fonds pour cette organisation. Dans toutes les régions du pays, le ministre est à l'écoute de ceux qui participent au processus. Je croyais que c'était une époque révolue.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Donc, cela vicie le processus complet en ce sens que, si vous n'êtes pas d'accord sur la position gouvernementale, on vous coupe vos fonds et on crée quelque part des organismes qui n'ont pas le même poids politique que le vôtre. C'est une façon de jouer à divide and conquer et de faire en sorte de trouver des interlocuteurs, dont on parle d'ailleurs à la page 22 de la présentation du ministère, qui veulent dire et qui disent ce que le ministère veut entendre. C'est ça que vous nous dites.

+-

    Le vice-chef Ghislain Picard: Si vous me le permettez, je dirai que le message est très clair ici. Si on a le malheur de s'opposer à quelque chose qui vient du ministère des Affaires indiennes, du ministre ou du gouvernement fédéral, on nous coupe les ailes. C'est tout simplement ça. C'est ce qui est arrivé.

    À mon avis, même lorsque le ministre a tort, en bout de ligne, il a raison, et c'est l'Assemblée des Premières Nations qui mange les coups, cela en dépit de tous les processus auxquels on a participé en toute bonne foi, au cours des quatre ou cinq dernières années, avec le même gouvernement. Ces processus conjoints ont quand même donné des résultats. Le chef national y faisait allusion un peu plus tôt. L'Institut sur la gouvernance et la démarche conjointe sur les services fonciers et fiduciaires ont été des processus qui ont bénéficié d'un engagement de bonne foi, et de notre part et de celle du gouvernement fédéral.

    Dans ce cas-ci, en raison d'une directive qui nous avait été donnée par les chefs, on avait l'obligation de transmettre cette opposition à qui de droit, et c'est le résultat qu'on a connu.

  +-(1225)  

[Traduction]

+-

    Le président: Les prochains intervenants seront M. Bagnell, M. Martin, Mme Karetak-Lindell et Mme Grey; il y aura ensuite des remarques de clôture.

    Je cède la parole à M. Bagnell.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

    Merci d'être venu. Vous n'en êtes pas à votre premier témoignage. J'aime toujours la recherche que vous faites sur les problèmes que vous décrivez. Bien sûr, notre comité tente de s'attaquer à nombre de ces problèmes et j'espère que nous pourrons les régler dans un autre contexte. La façon dont vous avez présenté ces problèmes m'a beaucoup plu.

    J'aimerais avoir une précision. Vous avez parlé de la nécessité d'apporter à la fois des changements et des améliorations. Nous nous entendons tous là-dessus. Mais vous avez aussi dit que ce n'est pas en rafistolant la Loi sur les indiens qu'on atteindra cet objectif.

    Nous convenons tous de la nécessité de régler ces problèmes d'une façon ou d'une autre. Proposez-vous que la Loi sur les indiens reste inchangée et que nous nous concentrions plutôt sur l'article 35 ou que nous commencions par abroger la Loi sur les indiens?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Nous préférerions que la Loi sur les Indiens soit mise en veilleuse. Elle continuerait d'exister jusqu'à ce que le gouvernement décide de la remplacer—par quoi? Certaines Premières nations du Canada ont investi des efforts considérables dans les négociations sur l'autonomie gouvernementale. Elles ont recensé les compétences qu'elles veulent, que ce soit les terres, les ressources foncières, l'environnement, l'éducation, la santé, etc. Elles ont décrit comment elles comptent se gouverner entre-temps. Il faut permettre cela.

    C'est ce que font les traités. Ils permettent aux Premières nations de déterminer pourquoi elles veulent remplacer la Loi sur les Indiens. C'est une bien meilleure approche, car les Premières nations progressent ainsi à leur rythme—comme l'a signalé un des députés—et se dotent de leur propre forme de gouvernement qui respecte leurs lois et leurs coutumes.

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez la parole.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    Tout le monde semble vouloir vous féliciter de vos recherches. Vous voudriez peut-être nous dire si pourrez poursuivre ces recherches avec un budget et un personnel réduit de moitié, votre budget ayant été amputé si radicalement.

    Pour en revenir au point de départ, l'article 35 ou l'article 92, que pensez-vous de la déclaration du premier ministre selon laquelle—et je paraphrase—il ne veut plus consacrer de temps aux droits et aux recours. Toutes les activités à venir devraient porter sur le véritable développement.

    Étant donné le sujet de cette mesure législative du gouvernement, était-ce une façon de nous dire que nous tournons vers l'avenir? Or, c'est aussi ce qu'on disait en 1969 dans le Livre blanc dont le premier ministre a été l'architecte et qui a été un échec. Certains parmi les chefs autochtones craignent-ils qu'on retourne à l'orientation du Livre blanc de cette vieille époque?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Oui, certains estiment que le rafistolage de la Loi sur les Indiens nous ramène au Livre blanc de 1968.

    J'ai été très étonné par les propos du ministre sur les droits, lui qui est un ancien syndicaliste. Au Canada, les droits du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des particuliers sont inscrits dans la Constitution. Ces droits sont affirmés et défendus notamment par les syndicats. Il en découle des avantages.

    Alors, pourquoi nous demander de ne pas parler des droits, alors que tout le monde au pays fait valoir ses droits sachant que c'est la meilleure façon d'obtenir ce qu'on veut? Ces propos vont à l'encontre du maintien de bonnes relations avec les Premières nations, de la loi suprême du pays qui reconnaît les droits des Autochtones, et de la volonté de concrétiser ces droits et de respecter l'esprit et l'intention des traités.

    Concernant notre budget, nous avons pu réaliser la majorité de nos travaux de recherche avant les compressions budgétaires. Nous avons pu mener beaucoup d'études dans le cadre de l'initiative Rassembler nos forces du gouvernement fédéral. Cette initiative ne fait-elle plus partie des politiques du gouvernement? Depuis quand en est-il ainsi?

  +-(1230)  

+-

    M. Pat Martin: Elle dort dans les cartons. Voilà la différence.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

+-

    Le président: Je n'écoutais pas parce que vous n'aviez pas la parole.

+-

    M. Pat Martin: Votre mémoire aborde longuement et en détail vos craintes sur la définition ou la situation juridique des collectivités autochtones dans le projet de loi du gouvernement et la question de savoir si cela ne forcera pas ces collectivités à adopter le statut d'une municipalité.

    Aux termes de la loi existante, les Premières nations peuvent-elles atteindre une autre condition juridique? Quelle est précisément votre crainte sur ce que prévoit le projet de loi du gouvernement concernant la situation juridique des collectivités autochtones?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Nous sommes très inquiets des répercussions juridiques que le projet de loi pourrait avoir sur la responsabilité de la bande et de ses membres, par opposition au chef et au conseil comme organe exécutif. Parallèlement, avec le renforcement des capacités, si je peux employer ce terme, nous estimons pouvoir fonctionner, comme nous le faisons déjà, en nous constituant en société. Bien des Premières nations du pays se sont constituées en sociétés et peuvent ainsi avoir des lettres patentes, faire l'objet de poursuites, faire des investissements, créer des emplois et participer à l'économie.

+-

     Nous n'avons donc pas besoin de ces modifications législatives, nous avons déjà le statut juridique que nous convient.

+-

    Le président: Merci.

    Je cède la parole à Mme Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

    Je tiens d'abord à vous remercier de votre témoignage. Toutefois, je vous avoue être troublée de constater que nous ne pouvons combiner les grandes connaissances d'experts de ce qui semble être maintenant deux camps. Je suis triste de voir que, plutôt que de mettre en commun leurs ressources et leurs compétences, les gens travaillent en parallèle. Dans ma région, je répète constamment qu'en travaillant isolément, on ne maximise pas les avantages de nos efforts pour tous.

    Puisque vous avez parlé de la famille, je vous parlerai à titre de mère de quatre garçons. Parfois, la mère doit intervenir dans la relation qui unit le père et le fils pour le bien de la famille, pour que les enfants aient de la nourriture, des vêtements et de l'espoir. Le processus actuel semble plein d'embûches qui empêchent les enfants de vivre dans des foyers sains, d'avoir des vêtements, le droit à l'instruction et la promesse d'un avenir meilleur.

    Voici donc ma question: que pensent les femmes autochtones du processus actuel? Je sais que notre objectif ultime est le même, mais nous semblons avoir du mal à trouver un terrain d'entente.

    Si je peux me permettre de vous la poser tout de suite, ma deuxième question est la suivante: notre comité ne pourrait-il pas constituer ce terrain d'entente, ce lieu où nous pouvons tous travailler la main dans la main à remplir le mandat qui nous a été confié grâce à l'expertise qui existe certainement dans vos collectivités? En dernière analyse, pour que les enfants autochtones contribuent pleinement à la vie de notre grand pays, quels outils pouvons-nous leur donner aujourd'hui, et comment notre comité peut-il collaborer avec vous et le ministère des Affaires indiennes pour trouver ce terrain d'entente qui servira de tremplin vers l'avenir?

  +-(1235)  

+-

    Le vice-chef Ghislain Picard: La première condition serait de consacrer davantage de temps aux efforts communs. Comme je l'ai dit plutôt, à l'Assemblée des Premières nations, nous avons pris le temps d'unir nos efforts à ceux du gouvernement fédéral pour améliorer la situation des peuples autochtones. Nous nous rappelons tous que l'AFN n'a pas souvent appuyé les rapports du gouvernement. Dans le cas du rapport de la commission royale, rendu public en 1996, les chefs ont donné leur appui sans réserve car on y préconisait justement l'approche que vous venez de décrire. Peut-être que si on avait accordé davantage d'attention au rapport et aux recommandations qu'il contient, nous aurions réalisé davantage de progrès.

    Nous avons fait allusion au rapport à plusieurs reprises pendant notre témoignage et nous sommes d'avis que nous devons prendre le temps d'évaluer ce qui s'est produit depuis 1996 et ce qui ne s'est pas produit. Nous pourrions probablement mieux répondre à vos questions après une telle évaluation.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Madame Grey, vous avez la dernière question.

+-

    Mme Deborah Grey: Je vous remercie, monsieur le président.

    Il y a un an, je n'aurais probablement pas cru possible que si quelqu'un exprimait des réserves et son opposition à quelque chose, il s'attende à en payer le prix. Mais je suis troublée par ce que j'entends aujourd'hui à propos de vos préoccupations concernant les compressions budgétaires. J'ignore s'il est possible de découvrir le fin fond de cette affaire, mais si c'est effectivement le cas, je vais demander aux ministériels qui font partie de ce comité d'aller au fond des choses, car ils ont assurémentplus facilement accès au ministre que nous.

    Si c'est effectivement le cas, et qu'il existe un lien direct entre l'expression de votre opposition ou de votre préoccupation à propos de quelque chose et les compressions...je trouve aussi déplorable que ce que nous avons constaté dans les nouvelles ces deux dernières semaines m'incite à croire qu'il y a un prix à payer, et ce n'est certes pas la bonne facon de procéder.

    C'est donc ce que je vais vous demander de faire, au nom de tous les membres du comité. S'il existe un lien quelconque, simplement parce que quelqu'un a dit ce qu'il pensait, alors c'est vraiment déplorable.

    J'aimerais vous poser une question à propos de l'initiative conjointe d'élaboration de politiques, avec le ministère des Affaires indiennes et du nord canadien depuis 1998. Lorsque le rapport sur cette initiative mixte a été publié en mai 2001, aviez-vous l'impression qu'il rendait fidèlement compte des préoccupations et des discussions concernant cette initiative conjointe?

    Puis le rapport de mai 2000 sur l'initiative conjointe indique que les initiatives proposées par le ministre des Affaires indiennes en matière de gouvernance sont incompatibles avec le processus d'initiative conjointe. Les consultations tenues par le ministre ont-elles permis de donner suite aux préoccupations exprimées dans le cadre des initiatives conjointes ou avez-vous l'impression qu'il y a eu de graves lacunes à cet égard?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Les initiatives conjointes faisaient partie de la réponse du gouvernement fédéral à la commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, du rapport intitulé Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les questions autochtones. Les initiatives conjointes en sont donc le résultat. Cependant, lorsque nous avons rencontré le nouveau ministre pour discuter de notre budget, nous n'avons jamais eu l'occasion d'expliquer le travail qui a été fait dans le cadre des initiatives conjointes sur les services fonciers et fiduciaires par exemple ou sur des revendications particulières. Nous avions des recommandations conjointes destinées au ministre. Nous n'avons même pas eu l'occasion d'expliquer le travail qui avait été fait. Le ministre a décidé lui-même de façon unilatérale d'y mettre fin, sans discussion détaillée.

    Par conséquent, en fonction de cela, puis-je considérer que le ministre a mis fin de façon unilatérale à la politique du gouvernement énoncée dans le rapport Rassembler nos forces? Tous les autres ministres, qu'il s'agisse du ministre de la Justice, du ministre de la Santé, du procureur général ou du commissaire des services correctionnels du Canada, traitent avec nous dans le cadre des initiatives conjointes. Mais ce ministre a simplement déclaré de façon unilatérale: «Je n'aime pas cette initiative conjointe; ce n'était pas la mienne c'était l'initiative d'un autre ministre donc elle ne me plaît pas», sans nous donner la possibilité de mettre en oeuvre de façon adéquate les initiatives conjointes. Et j'estime que l'on avait fait du bon travail à cet égard.

  -(1240)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Cela met fin à la période des questions.

    Avant de vous demander de nous présenter vos observations finales, j'aimerais profiter de cette occasion, au nom des membres du comité, pour vous remercier bien sincèrement. Nous venons de nous livrer à un exercice utile. Je sais que nous nous rencontrerons à nouveau, avant ou après que la loi sera déposée. Vos réflexions, votre opinion et votre savoir-faire nous importent beaucoup.

    Donc, Chef Matthew, si vous voulez bien nous présenter vos observations finales. Vous avez environ cinq minutes.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Je vous remercie, monsieur le président.

    On a posé une question concernant les ressources dont nous disposons et le résultat des recherches que nous sommes en mesure de vous présenter. En raison des compressions budgétaires—et nous avons conservé nos meilleurs gens, mais notre personnel commence à manifester des symptômes d'épuisement professionnel en raison de tous les dossiers prioritaires et de la multitude tâches dont il doit s'occuper simultanément. C'est pourquoi nous avons besoin de ressources financières et humaines supplémentaires.

    Le premier ministre veut laisser sa marque, comme lon peut le voir dans le discours du Trône et comme en rend compte le comité de référence. Mais je crois que notre participation est indispensable pour trouver une solution à ce que les Canadiens ont appelé le «problème» des peuples autochtones. Nous tenons à travailler en vue d'une solution. C'est pourquoi nous avons élaboré un plan des Premières nations.

    Je tiens aussi à faire remarquer au comité que si vous êtes un ministre responsable d'un service, vous avez une clientèle particulière. Dans notre cas, M. Nault est responsable du ministère des Affaires indiennes, et il dit qu'il est l'homme le plus puissant de notre collectivité. Il n'a jamais rencontré collectivement l'assemblée de nos chefs. Je crois qu'il faut que quelqu'un lui dise que lorsqu'on représente des gens, il faut faire preuve de respect à leur égard et leur faire au moins la courtoisie de les écouter jusqu'au bout.

    Nous avons évidemment beaucoup de respect pour les institutions démocratiques, mais nous n'avons pas besoin d'un agent des sauvages. Je crois que nous avons évolué. Un grand nombre de jeunes ont été sensibilisés à leurs droits. Ils savent comment gérer et administrer nos affaires. Donc, nous n'avons pas besoin d'un agent des sauvages, mais je crois que nous avons besoin d'un processus. On recommande la tenue d'une Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, comme point de départ. Cela fait partie de nos recommandations. Il faudrait convoquer une réunion des premiers ministres et des peuples autochtones. Un plan de mise en oeuvre devrait être élaborér afin d'établir une relation entre les Premières nations et le Canada. Je crois que le comité de référence pourrait également formaliser ce processus, pourrait envisager la mise sur pied d'un comité mixte du cabinet qui pourrait s'occuper des questions qui nous intéressent.

    Nous devons rétablir le partenariat envisagé dans le rapport Rassembler nos forces, car c'est l'un des principes sur lesquels je crois que nous nous entendrions tous. Nous voulons nous acheminer vers des partenariats, vers la coopération et le respect mutuel. Nous sommes prêts à aider le Canada à trouver des solutions aux conditions de vie déplorables de nos gens et à nous occuper des questions qui touchent aux besoins élémentaires de notre peuple. Attaquons-nous à ces questions. Nous sommes prêts à traiter avec le gouvernement en exercice.

    Merci beaucoup.

    Des voix: Bravo, bravo!

-

    Le président: Je vous remercie.

    Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant une minute puis nous allons siéger à huis clos pour nous occuper des travaux futurs.

    À tous, un grand merci.