CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 octobre 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour.
Je voudrais présenter nos témoins qui sont le commissaire de la GRC, M. Zaccardelli et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), M. Ward Elcock. Soyez les bienvenus.
Au nom de mes collègues et des Canadiens, je vous remercie et je remercie vos hommes et vos femmes, de protéger les Canadiens avec autant de dévouement. Les événements du 11 septembre ont manifestement entraîné pour vous des soucis et du travail supplémentaires.
Notre comité a adopté le projet de loi C-11, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Nous pensons que cette nouvelle loi renforcera la volonté de l'État canadien d'empêcher des réfugiés ou des immigrants illégaux de s'établir au Canada tout en faisant en sorte que notre porte reste ouverte à l'immigration et aux immigrants qui ont contribué à l'édification de notre pays.
Bien entendu, les Canadiens tiennent toujours à ce nos systèmes, nos ressources et nos activités de collecte de renseignements nous permettent de protéger nos frontières contre les personnes qui veulent du mal à notre pays. C'est le but des entretiens que nous allons avoir aujourd'hui. Nous pensons que le projet de loi C-11 contient des mesures de sécurité et des mesures de présélection. Nous voudrions savoir comment, d'après vous, nous pouvons assurer aux Canadiens que nous sommes à la hauteur de la situation, que nous sommes prêts à apporter les changements nécessaires en matière de ressources humaines et de technologie pour assurer la sécurité de nos frontières et pour apaiser les préoccupations des États-Unis et des Américains en ce qui concerne la sécurité le long de la plus longue frontière non protégée du monde. Nous nous rendrons à Washington d'ici une ou deux semaines pour parler avec nos homologues des diverses possibilités de collaboration dans le but d'assurer la protection de nos frontières communes.
Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être ici. Je tiens surtout à remercier tous les membres du SCRS et de la GRC, hommes et femmes, qui assurent sans relâche la protection de notre pays.
Je pourrais peut-être commencer par vous, monsieur Zaccardelli et vous demander si vous voulez faire une allocution, puis je donnerai la parole à M. Elcock.
Je voudrais que la plus grande partie de cette séance demeure, si possible, publique. Je tiens toutefois à réserver un peu de temps vers la fin de la séance pour discuter à huis clos de certaines questions. Par conséquent, si à un moment ou l'autre, une des questions nécessite une discussion qu'il serait préférable de tenir à huis clos, nous attendrons la fin de la séance pour la réponse.
• 0910
Nous avons de 9 heures à 11 heures. Nous pourrions peut-être
consacrer la dernière demi-heure ou les 40 dernières minutes à
discuter à huis clos pour éviter de compromettre totalement nos
mesures de sécurité et celles des autres. Alors qu'il est important
de rassurer les Canadiens en leur faisant comprendre que nous
sommes à la hauteur, nous devons éviter d'attirer l'attention sur
les mesures que nous comptons prendre pour établir ces mesures de
sécurité et lutter contre le terrorisme.
Nous commencerons par les exposés liminaires, puis nous passerons aux questions.
Commissaire Giuliano Zaccardelli (commissaire, Gendarmerie royale du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai pas d'allocution à faire. J'ai déjà témoigné devant plusieurs comités et je sais que les membres n'ont jamais assez de temps pour poser des questions. Par conséquent, mes commentaires liminaires seront très brefs et nous passerons directement à la discussion, qui me permettra de vous informer le mieux possible. Je suis sûr que M. Elcock pourra également vous donner des informations utiles.
Je voudrais d'abord vous remercier pour les paroles aimables que vous avez eues à l'endroit des hommes et des femmes qui travaillent pour des forces de l'ordre ou pour des services de sécurité comme le SCRS et la GRC, ou pour d'autres organismes fédéraux et autres forces policières, au Canada comme à l'étranger, et qui ont subi le contrecoup de la tragédie du 11 septembre. Comme vous l'avez dit, les habitants de ce pays sont très bien protégés par la police et par la GRC. Notre pays est toujours celui où l'on est le plus en sécurité et il ne faut pas perdre cela de vue.
En ce qui concerne le projet de loi, vous avez parlé de deux facteurs: les améliorations apportées au processus de sélection et les amendes et peines d'emprisonnement très lourdes qui seront imposées à ceux et celles qui pratiquent certaines activités comme la contrebande auxquelles s'adonnent des individus qui profitent de la misère des êtres les plus démunis.
Nous sommes très satisfaits des dispositions de ce projet de loi. Nous sommes fermement décidés à nous appuyer sur la loi pour assurer la plus grande sécurité possible en empêchant notamment les escrocs et les criminels d'entrer dans notre pays. C'est ce que nous faisons quotidiennement avec le concours du SCRS, du ministère de l'Immigration, de divers autres ministères et d'autres autorités policières, au Canada et à l'étranger.
Je m'en tiendrai à cela pour l'instant. Je suis, bien entendu, à votre disposition pour répondre aux questions.
Le président: Merci, monsieur Zaccardelli.
Monsieur Elcock.
M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Monsieur le président, comme le commissaire, je n'ai pas de discours à faire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
À mon tour, je tiens à vous remercier et à remercier vos collègues pour les aimables commentaires que vous avez faits au sujet des membres du Service. Ils ont travaillé fort au cours des derniers mois et ils apprécieront certainement vos remerciements.
Le président: Merci.
Je sais que vous avez déjà témoigné lorsque nous avons examiné le projet de loi C-11 et je suis heureux que certaines des suggestions que vous aviez faites aient été utilisées dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne les mesures de sécurité, la criminalité, l'alourdissement des peines et les autres outils dont vous avez besoin pour accomplir votre tâche. Aussi, je vous remercie d'avance pour votre contribution au projet de loi C-11.
Nous donnons la parole à Art Hanger. Il s'agit d'un tour de 10 minutes.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici, messieurs.
Les questions qui touchent à la sécurité m'intéressent. J'ai déjà discuté de sécurité, peut-être pas avec le commissaire de la GRC mais certainement avec M. Elcock.
Je voudrais connaître vos opinions en ce qui concerne le processus actuel de détermination du statut de réfugié; je voudrais savoir quelles sont les lacunes du système actuel et comment, d'après vous, le projet de loi C-11 permettra de les combler.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je suis sûr que le commissaire a des opinions très semblables à ce sujet. Le processus d'examen des revendications du statut de réfugié auquel nous participons est un processus qui a été établi par la voie législative par le Parlement; c'est le processus que le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre. Nous offrons essentiellement un service au ministère de l'Immigration en lui fournissant des renseignements et en donnant des autorisations.
• 0915
En fin de compte, nous ne sommes que des exécutants de
certains volets de la politique exposée dans le projet de loi. Je
n'irais pas jusqu'à dire que je n'ai jamais eu d'opinions au sujet
du projet de loi ou de son mécanisme mais, dans la mesure où je
suis conseiller, c'est au gouvernement que je fais des
recommandations dans ce domaine. Je ne tiens vraiment pas à parler
de mes opinions, car elles ne sont intéressantes que pour le
gouvernement. Je ne peux pas divulguer mes opinions publiquement
dans quelque contexte que ce soit. En fait, je ne peux être utile
au gouvernement comme conseiller que dans la mesure où je lui donne
l'exclusivité.
M. Art Hanger: Je suis troublé par cette réponse parce que le comité représente un volet important du gouvernement. Je dirais que nous avons le même souci que celui-ci qu'un expert tel que vous nous fasse part des lacunes du système actuel. De toute évidence, vous avez beaucoup de réticence à donner des indications précises sur les lacunes du système, et c'est ce qui me trouble.
M. Ward Elcock: Je n'ai aucune réticence, monsieur le président, mais ce n'est pas mon rôle. En fait, je suis le conseiller du gouvernement en matière de politique de l'immigration. Les opinions que j'ai, j'en fais part au gouvernement lui-même. En fait, je n'ai pas d'opinions qui pourraient vous être utiles à cet égard.
Le président: J'ai une idée. Je vous poserai la même question pendant la partie de la séance qui se déroulera à huis clos. Cela vous convient-il?
M. Art Hanger: Monsieur le président, la sécurité est une question importante pour nous. Je suis étonné que M. Elcock ne soit pas disposé à en parler. C'est pourtant un sujet très simple.
Je voudrais vous poser la question suivante, monsieur Elcock. Si je vous communiquais des renseignements sur un individu dont on sait, dans certains milieux, qu'il représente une menace potentielle pour la sécurité nationale, que feriez-vous de ces renseignements?
M. Ward Elcock: Quelle que soit la source, monsieur le président, si quelqu'un nous communique des renseignements, nous essayons d'abord de vérifier s'ils sont exacts. Nous ne présumons pas d'emblée qu'ils le sont. Nous devons donc d'abord essayer de déterminer si ces renseignements sont plausibles et utiles.
M. Art Hanger: Et que se passe-t-il, s'ils sont plausibles?
M. Ward Elcock: Dans ce cas, je les entre dans notre banque de données et nous en tenons compte lorsque nous évaluons des demandes d'autorisation ou de filtrage de sécurité.
M. Art Hanger: Et si l'on considérait que ces renseignements sont d'une importance capitale, qu'en feriez-vous? En fait, je voudrais que vous parliez des diverses étapes par lesquelles passeraient ces renseignements.
M. Ward Elcock: Nous devrions d'abord déterminer, je le répète, si ces renseignements sont exacts et plausibles.
M. Art Hanger: À supposer qu'ils le soient.
M. Ward Elcock: S'ils le sont, je les entrerais dans notre base de données, comme je l'ai déjà signalé. Tout dépend de la nature des renseignements. S'il s'agit d'un avertissement au sujet d'une attaque imminente, nous procéderions autrement que s'il s'agissait de renseignements sur une personne qui, quoique plausibles, ne justifieraient peut-être pas une intervention immédiate. Ces renseignements ne concernent pas nécessairement une infraction pénale. Ils ne permettent pas nécessairement la tenue d'une enquête sur la personne concernée. Ils ne sont peut-être même pas suffisants pour justifier la tenue d'une enquête comportant intrusion. Cela dépend des autres renseignements qui sont dans la base de données, des autres renseignements que l'on peut trouver et qui permettraient de pousser l'investigation plus loin.
Si l'on a des renseignements supplémentaires qui permettent la poursuite des investigations, il y a plusieurs possibilités. Je ne tenterai pas de les énumérer mais dans certains cas, nous déciderions que nous pourrions transmettre certains des renseignements concernant des agissements criminels de la personne concernée à la GRC ou à un service de police municipal. Dans d'autres cas, nous pourrions estimer que les renseignements en question sont assez incriminants pour entamer une procédure aux termes du paragraphe 40.(1) du projet de loi, pour expulser l'individu en question du Canada. Diverses procédures sont possibles, selon que...
M. Art Hanger: Ce que je voudrais savoir... Je vais être un peu plus précis quant à la nature des renseignements. À supposer que l'individu ait des rapports louches avec un caïd du crime organisé à l'étranger ou avec une organisation terroriste, que je vous communique des renseignements à ce sujet ou que vous en receviez d'une autre source très fiable et que vous jugiez plausibles, quel serait leur cheminement? Seraient-ils communiqués par le SCRS à la GRC ou au Conseil privé? Qui les filtre après que vous les ayez examinés?
M. Ward Elcock: Personne ne les filtre. Tous les renseignements que nous recevons sont entrés dans notre base de données jusqu'à ce que nous ayons des motifs de les transmettre à quelqu'un. Dans certains cas, nous les transmettons à la GRC. Dans d'autres, s'il s'agit d'un avertissement au sujet d'un événement précis par exemple, on doit faire une évaluation de la menace et, dans ce cas, les renseignements sont transmis à divers services, y compris le Bureau du Conseil privé. Tout dépend de la nature des renseignements. S'il ne s'agit que d'un renseignement parmi tant d'autres qui permettrait éventuellement de déterminer que tel individu est membre d'une organisation terroriste... Il est rare que l'on obtienne des renseignements complets du même informateur. C'est comme un casse-tête; on a des morceaux que l'on ajoute aux autres et il faut trouver les autres morceaux qui permettent de reconstituer l'image.
Un service de renseignements reçoit rarement des informations suffisamment précises pour justifier une intervention immédiate. Ordinairement, nous recevons des renseignements qui s'accumulent sur une très longue période et qui nous permettent finalement d'avoir une vue d'ensemble et de prendre d'autres mesures.
Je n'essaie pas d'éluder votre question, mais le processus de collecte, d'assemblage et de transmission des renseignements... Aucun filtrage n'est fait. Les renseignements sont entrés dans notre base de données dans le but final d'aider quelqu'un, au Canada ou à l'étranger, à repérer un terroriste, à détecter les activités d'espionnage et, dans certains cas, dans le but de transmettre à la police des renseignements concernant des activités criminelles pour lui permettre d'intervenir.
Le président: C'est votre dernière question.
M. Art Hanger: Qui fait l'évaluation de la menace?
M. Ward Elcock: En ce qui concerne le terrorisme, par exemple, c'est nous qui la faisons.
M. Art Hanger: Qu'entendez-vous par «nous»?
M. Ward Elcock: Le SCRS.
M. Art Hanger: Le SCRS fait-il l'évaluation tout seul?
M. Ward Elcock: En fin de compte, monsieur le président, nous sommes probablement les principaux experts en ce qui concerne les groupes terroristes présents au Canada, leurs activités, et la menace qu'ils peuvent représenter.
Le président: Nous passons au prochain tour de questions, monsieur Hanger.
Jerry Pickard.
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici, messieurs.
Depuis un mois et demi, nous examinons très méticuleusement les mesures qu'il faudrait prendre. Je sais que le gouvernement a prévu une affectation budgétaire très considérable pour nous permettre d'apporter des changements importants dans ce domaine. Ainsi, il a prévu 35 millions de dollars pour l'amélioration de la transmission des renseignements et des opérations de soutien technique, et pour l'amélioration des techniques d'analyse judiciaire qui sont en place... Comme vous venez de le dire, le Canada est le pays où l'on est le plus en sécurité. Je suppose que ces services supplémentaires nécessiteraient non seulement du travail et une main-d'oeuvre supplémentaires mais qu'ils accroîtraient aussi considérablement notre sécurité.
Pouvez-vous donner une idée précise des mesures que l'on prévoit ou que l'on est en train de mettre en oeuvre pour accroître cette sécurité? Nous devons faire savoir non seulement aux Canadiens mais aussi aux peuples étrangers que le Canada est un pays sûr et que nous sommes en train d'améliorer et d'accroître la sécurité de la population canadienne.
Comm. Giuliano Zaccardelli: C'est une excellente question. Je signale qu'avant le 11 septembre, le Canada était déjà un des pays les plus sûrs et que d'excellentes mesures sont déjà en place pour protéger les Canadiens. Cette sécurité est due principalement à la capacité et aux compétences des divers organismes fédéraux, provinciaux et municipaux. Ces organismes ont d'excellentes relations et travaillent en étroite collaboration. Les hommes et les femmes qui travaillent pour tous ces organismes—le SCRS, la GRC et les autres—étaient déployés en fonction des menaces que l'on connaissait. La tragédie du 11 septembre a tout bouleversé et le gouvernement a réagi en mobilisant de nouvelles ressources, comme vous l'avez signalé. Il a également spécifié que ce n'était que la première étape. Des ressources supplémentaires sont nécessaires et le gouvernement a clairement fait connaître ses intentions.
• 0925
Dès lors, ce matériel et cette technologie nous permettront de
réagir beaucoup plus rapidement. Par exemple, nous serons en mesure
de vérifier certaines empreintes digitales à la frontière en temps
réel. Les délais d'attente auront disparu. Nous serons en mesure
d'échanger beaucoup plus rapidement des renseignements avec les
autres organisations policières et autres organismes.
Nous avons fait une analyse approfondie de notre mode de fonctionnement—celui du SCRS, de la GRC et d'autres organismes—et, après avoir reconnu qu'il était efficace, nous nous sommes demandé comment nous pourrions devenir encore plus performants. Par conséquent, nous n'avons cessé d'essayer d'améliorer les contacts, l'échange d'information, non seulement au Canada mais aussi à l'étranger. Nous avons mis sur pied diverses forces conjointes, des équipes multidisciplinaires et des groupes d'étude qui ont consacré tous leurs efforts au renforcement de notre présence aux frontières. Par exemple, divers corps policiers obtiennent des renseignements que possède le SCRS et les communiquent au service des douanes et au service d'immigration comme on ne l'avait jamais fait auparavant. Nous avons renforcé notre présence et notre collaboration aux postes frontaliers.
Nous avons en outre formé des équipes qui ne sont pas sur place, aux postes frontaliers, mais qui sont en mesure d'intervenir beaucoup plus rapidement en cas d'urgence. Il s'agit de ressources que nous avons réaffectées; ce sont des ressources qui viennent d'autres secteurs et qui sont maintenant consacrées à celui-ci parce que c'est devenu, cela va sans dire, la principale priorité au Canada.
Nous avons fait des redéploiements importants. Ces unités ont été déployées de façon stratégique dans divers secteurs essentiels, partout dans le pays. Depuis les événements du 11 septembre, la collaboration entre les forces policières est plus étroite qu'elle ne l'a jamais été. Elle était déjà bonne, mais les forces policières ont réagi à cette nouvelle menace.
Nos relations avec les Américains ont également changé. Nous conjuguons nos efforts à ceux des forces américaines qui collaborent avec nous plus que jamais aux frontières. On est en mesure de réagir beaucoup plus vite. Les échanges d'information sont beaucoup plus rapides dans les deux sens. Nous collaborons en outre davantage avec d'autres pays qui sont nos alliés et nos amis. Voilà quelques-unes des mesures que nous avons prises.
La GRC compte entre 16 000 et 17 000 agents de la paix, des hommes et des femmes. Nous en avons redéployé 2 000 pour les affecter à diverses tâches à la suite de ces événements. Il s'agit d'un redéploiement d'envergure dont le seul but est d'accroître la sécurité au Canada. Nous avons fait ces changements avec la collaboration du SCRS, d'Immigration Canada, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, de Transports Canada et de divers autres organismes policiers fédéraux, provinciaux et municipaux.
Le président: Monsieur Elcock, auriez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet au nom du SCRS?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, si j'ai bien compris, on devrait annoncer l'octroi de fonds supplémentaires au SCRS, mais cela n'a pas encore été fait. Nous recevrons probablement des fonds supplémentaires en provenance de ce budget.
Le président: C'est une question que nous pourrions peut-être poser plus tard: combien réclamez-vous, combien jugez-vous nécessaire pour accomplir la tâche au sujet de laquelle M. Pickard vient de poser une question à M. Zaccardelli?
M. Jerry Pickard: Le deuxième volet de cette question concerne principalement l'exécution de tâches analogues par divers organismes et leur collaboration.
Dans le secteur industriel, dans celui des affaires, si les frontières ne sont pas ouvertes... Depuis le 11 septembre, les médias nous rappellent que nous devons veiller à ce que nos frontières restent suffisamment ouvertes pour permettre à l'industrie de faire des opérations commerciales de la façon la plus rapide possible.
Au Michigan par exemple, le trafic frontalier a diminué de 40 p. 100 et malgré cela, il y a des files d'attente d'une longueur d'un mille ou deux à cette frontière.
Je sais que ce n'est pas uniquement le fait de la GRC, celui du SCRS ou celui de Douanes Canada. Ce ralentissement est dû aux efforts conjugués de ces trois organismes ayant pour but d'assurer la sécurité de nos frontières. Cependant, le problème, c'est que, sachant qu'il faudrait une heure à l'aller et une heure au retour pour passer la frontière, un habitant du Michigan qui voudrait aller souper à Windsor aurait plutôt tendance à renoncer à son projet, à cause des deux heures que cela lui ferait perdre. Par conséquent, cette situation porte un coup très dur à certaines de nos petites entreprises, notamment dans le secteur touristique, et je me demande combien de temps elles pourront survivre.
En ce qui concerne le deuxième volet de la question...
Le président: Posez votre question, je vous prie.
M. Jerry Pickard: Les entreprises qui vendent des pièces et diverses autres entreprises ont des difficultés. Que pouvons-nous faire pour maintenir l'ouverture de nos frontières tout en en assurant au mieux la sécurité?
Je vous remercie.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Si c'est à moi que cette question s'adresse, j'essaierai d'y répondre. Bien entendu, je ne suis pas en mesure de couvrir certains volets de cette question.
• 0930
Je signale que les organismes policiers et les agences de
sécurité du pays sont bien décidés à collaborer de façon intégrée.
Nos activités reposent sur les renseignements et, par conséquent,
nous visons un maximum d'efficacité. Le Canada est un modèle
d'ouverture, d'intégration et d'efficacité. Nous unissons nos
efforts pour assurer la sécurité de nos frontières et nous sommes
en mesure de répondre efficacement à toute menace qui est détectée
à la frontière ou à un autre endroit.
Il ne s'agit pas uniquement des frontières mais aussi d'être en mesure de recueillir des renseignements, et lorsqu'on les possède, d'avoir la capacité de réponse nécessaire pour faire de la prévention. C'est ce que nous faisons et depuis le 11 septembre, nous avons réalisé d'énormes progrès à cet égard.
Vous avez abordé d'autres sujets sur lesquels je ne peux pas faire de commentaires étant donné que ces questions ne sont pas de mon ressort.
Le président: Vous avez cinq minutes, Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Messieurs, merci d'être là.
Le 11 septembre dernier, on a tous, collectivement et à l'échelle planétaire, reçu un électrochoc. Comme on était un peu plus près de la source, il est clair que l'électrochoc a eu plus d'effet sur nous, autant sur les Canadiens que sur les Québécois. Dans un pareil contexte, je pense qu'il est important de ne pas perdre de vue trois éléments fondamentaux qui s'appellent la sécurité, bien sûr, mais aussi la justice et la liberté. Avant le 11 septembre, tout le monde était convaincu qu'on était dans un État supersécuritaire. Des gens comme vous savaient fort probablement qu'on n'était pas à la merci d'événements comme ceux qui se sont passés.
Vous êtes responsables d'appliquer les lois canadiennes concernant la sécurité. Je voudrais savoir si vous appliquez à 100 p. 100 ce qui est écrit dans la loi, ou si le fait de manquer de ressources vous oblige à avoir une note de passage de 60 p. 100. Je pense que, notamment à Immigration Canada, il n'y a pas assez de ressources, et c'est le grand hic. Si on voulait appliquer la loi de façon correcte, de combien d'argent aurait-on besoin, de combien de ressources?
J'imagine que vous vous êtes penchés là-dessus et que vous serez certainement en mesure de me faire part de vos demandes. Ça rejoint une autre question, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. J'aurai ensuite une deuxième question, monsieur le président.
M. Giuliano Zaccardelli: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à cette question. Vous avez soulevé un excellent point.
Quand on dit qu'on applique la loi à 100 p. 100, ce n'est pas tout à fait correct, car on n'a jamais appliqué la loi à 100 p. 100. Il y a toujours une question de discrétion. On a une certaine discrétion, à l'intérieur de la loi, quant à la façon dont on va l'appliquer.
Même avant le 11 septembre, les ressources étaient limitées. Les ressources seront toujours limitées. C'est une question d'équilibre. Nous devons essayer de déterminer, en nous basant sur l'information que nous avons, quelles sont les menaces auxquelles nous faisons face. Selon les menaces, c'est à nous de déterminer les priorités auxquelles nous serons capables de répondre. Quand on sera capables de déterminer les priorités, on va appliquer la loi selon la description qu'on a.
On applique la loi, mais on n'a jamais toutes les ressources nécessaires pour répondre à toutes les menaces. C'est une question de priorités. Nous avons reçu des fonds supplémentaires, mais nous n'avons pas toutes les ressources nécessaires. C'est toujours une question d'évaluer la situation et de déterminer quelles sont les menaces les plus importantes.
Par exemple, j'ai dit tout à l'heure qu'on avait dû déployer 2 000 policiers. Il est bien sûr qu'il y a maintenant des dossiers qu'on a mis sur les tablettes parce qu'on n'a pas toutes les ressources nécessaires. Il faut se concentrer sur les menaces les plus importantes. C'est toujours une question d'équilibre. Nous sommes très contents d'avoir reçu des fonds de la part du gouvernement. Il y a des indications que nous pourrons avoir des fonds supplémentaires, mais il y aura toujours cette question d'équilibre.
L'important n'est pas seulement ce qu'on reçoit ici au niveau fédéral ou à la GRC; c'est ce qu'on fait ensemble pour être plus efficaces. On commence à intégrer toutes les ressources et tous les ministères aux trois niveaux: fédéral, provincial et municipal. C'est ce qu'on fait, et je pense que tous les niveaux ont bien réagi à ce qui s'est produit le 11 septembre.
• 0935
C'est une question qui revient à tous les
jours. Il faut réévaluer les menaces et déployer les
ressources selon les
menaces.
Le président: Madeleine, avez-vous une autre question?
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Si vous étiez en mesure d'appliquer les lois actuelles de façon optimale, croyez-vous que ces lois seraient suffisantes pour faire face à la réalité que nous vivons, ou si vous pensez que nous devons nécessairement faire des ajouts? Si c'est le cas, quels ajouts verriez-vous?
M. Giuliano Zaccardelli: Ça, c'est une autre question. On est très contents des changements qu'on voit dans le projet de loi C-11. Nous, à la Gendarmerie royale du Canada, sommes contents des changements à la loi. On sait que la ministre de la Justice a déposé un projet de loi à la Chambre des communes lundi. Ces changements à la loi vont nous aider, et on en est très contents.
Est-ce que ça répond à tous nos besoins? On n'est jamais sûrs de cela, mais je peux vous dire qu'en tant que commissaire de la GRC, je suis très content de ce projet de loi. Mais il est très important de bien comprendre que la loi devra toujours être appliquée dans le respect de la Charte des droits et libertés. Il faut toujours, sans exception, respecter la Charte canadienne des droits et libertés.
Donc, comme commissaire, je suis très content de ce projet de loi, qui va nous aider à réagir à cette nouvelle menace qui existe. Chaque fois qu'il y a un changement dans l'environnement, il faut être capable d'y réagir. Je suis très content que le gouvernement, en réaction aux événements du 11 septembre, ait présenté un projet de loi qui nous aidera à faire notre travail afin de mieux assurer la sécurité des citoyens canadiens.
[Traduction]
Le président: David Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici, messieurs. Il est important que nous ayons, et les Canadiens aussi, l'occasion d'entendre certaines des questions qui sont posées.
Monsieur Zaccardelli, il y a sept points de passage frontalier dans ma circonscription, ainsi qu'une vaste zone boisée non protégée, parsemée de chemins d'exploitation forestière. De nombreux points de passage ne sont donc pas répertoriés. Nous avons de la chance parce que nous avons une très bonne collaboration avec la GRC et avec nos voisins américains. Ils ont amené beaucoup de matériel et ces zones sont protégées. La seule chose qui nous manque toutefois, ce sont des renseignements. On a abordé le sujet brièvement mais je voudrais qu'on l'approfondisse un peu plus.
J'ai été maire de Lennoxville, ville très célèbre pour ses Hell's Angels. J'avais à ma disposition une force policière municipale. La surveillance policière était assurée par la police municipale, la police provinciale et par la GRC. Notre plus grosse difficulté concernait l'échange d'information. Les responsables avaient tendance à conserver pour eux certaines informations dans l'espoir que cela leur permettrait de régler eux-mêmes l'affaire et de rassembler les morceaux du casse-tête, comme l'a si bien dit M. Elcock. Ils conservaient le dernier morceau du casse-tête. C'est ce genre d'attitude qui me préoccupe.
Vous venez de signaler que nous avons davantage l'occasion de collaborer de façon plus étroite à ce niveau depuis les événements du 11 septembre, mais on ne voit jamais de résultats concrets. Pendant une certaine période, nous avons frappé de grands coups dans la cuirasse des Hell's Angels et à cette époque, vous recueilliez des renseignements à leur sujet. Vous avez subitement cessé d'en recueillir. Maintenant, vous le faites à nouveau. Que faites-vous pour que cela continue?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Merci. C'est une excellente question.
Je voudrais toutefois faire une rectification en ce qui concerne les commentaires que vous avez faits au sujet de la collaboration au niveau du renseignement. Par moments, cette collaboration cesse. Je suis toutefois fermement convaincu que la collaboration est plus étroite ici que dans n'importe quel autre pays. Certes, elle n'est pas parfaite.
Les événements du 11 septembre nous ont forcés à réévaluer notre façon de voir. Je vous assure que nous faisons ce genre de réévaluation régulièrement. Comme commissaire, j'en parle souvent avec le directeur, M. Ward. Nous veillons constamment à ce que nos organisations, en collaboration avec d'autres, maximisent l'échange d'information et de renseignements. En ce qui concerne les commentaires que vous avez faits au sujet des motards, je vous assure que cela se fait régulièrement, en tout temps et j'insiste sur ce point.
On ne possède pas toujours tous les morceaux du casse-tête mais nous avons fait d'énormes progrès à cet égard. L'intégration des services policiers et l'utilisation des renseignements dans un but préventif ne sont pas uniquement des paroles en l'air; c'est une réalité quotidienne en ce qui nous concerne. C'est ce qui nous empêche parfois de dormir.
• 0940
Nous sommes très déterminés à assurer une plus grande sécurité
aux Canadiens. Nous le faisons régulièrement. Nous nous réunissons
régulièrement pour parler des nouvelles technologies. Les nouvelles
technologies dont nous allons être équipés nous permettrons
d'accroître encore notre efficacité. Par conséquent, comme
commissaire, je vous garantis que j'attache beaucoup d'importance
à cette collaboration et que j'oblige mes collaborateurs à me
rendre des comptes. Le refus de communiquer des renseignements
entraîne toujours des conséquences pour les coupables. Comme
commissaire et comme dirigeant d'un corps policier canadien, je
tiens à vous rassurer à ce sujet: nous collaborons régulièrement et
nous faisons de notre mieux.
Le président: Avez-vous une autre question à poser?
M. David Price: L'autre question qui me préoccupe est le partage des renseignements avec nos amis américains. Aucun système officiel n'a été établi. Je sais comment cela se passe chez nous: les gardes-frontières se communiquent des renseignements en buvant une bière. Il semblerait que ce soit la seule façon possible, parce qu'on ne peut pas s'échanger des banques de données. Prenez-vous des mesures pour améliorer la situation à cet égard?
Comm. Giuliano Zaccardelli: C'est effectivement une des façons de procéder non officielles et ces méthodes sont parfois plus efficaces que les autres. Il n'y a pas qu'une seule façon mais de nombreuses façons d'échanger des renseignements. C'est précisément ce que nous faisons ici en ce moment même.
Il faut parfois aller prendre une bière avec ses collègues pour obtenir des renseignements et établir des relations. Il y a aussi des liaisons techniques. Les systèmes sont reliés. Nous avons accès aux bases de données américaines. Les Américains ont le pendant du Centre d'information de la police canadienne (CIPC), qui est administré par le FBI. Il y a des échanges de renseignements à ce niveau-là.
Je pense qu'il faut passer à un cran supérieur. Je suis bien d'accord. Je crois qu'il faut créer une alliance mondiale en matière de police. J'y crois beaucoup et plusieurs de nos principaux alliés font preuve d'une grande détermination à cet égard. Par conséquent, il faut assurer ce genre de continuité pour avoir accès aux meilleurs renseignements possible en temps réel et pouvoir réagir en conséquence.
À propos des frontières, vous avez signalé qu'il y avait sept points de passage frontalier dans votre circonscription. Il est important d'assurer une présence aux frontières mais il est tout aussi important d'être en mesure de réagir aux événements. La frontière est un élément au niveau duquel il faut agir mais pour pouvoir faire de la prévention; il faut être très bien informé. Ce n'est malheureusement pas uniquement en augmentant les effectifs aux frontières que nous arriverons à résoudre nos problèmes. Dans les endroits stratégiques, une présence frontalière efficace est indispensable mais il faut en outre que nos pays, c'est-à-dire le Canada et les États-Unis, aient la capacité de réponse nécessaire parce que les membres du crime organisé et les terroristes se déplacent constamment. Il faut pouvoir être mobile et flexible et être en mesure de réagir. C'est en intégrant les activités de collecte de renseignements, les services de sécurité et les services policiers que l'on peut y arriver. C'est en étant très bien renseigné que l'on peut être efficace.
Le président: Merci. C'est bien entendu utile pour David, à Stanstead, circonscription où il est possible qu'un bar soit à cheval sur la frontière canado-américaine. Nous nous rendrons, bien entendu, dans ce lieu mal famé, dans cette ville qui est à moitié aux États-Unis et à moitié au Canada et où les échanges de renseignements informels sont très fréquents.
Comm. Giuliano Zaccardelli: On boira de la bière canadienne, monsieur le président.
Le président: Tout dépend de quel côté de la frontière je me trouve. Non, je bois toujours de la bière canadienne, de la Labatt de London en Ontario, bien entendu.
Art, vous avez cinq minutes.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Monsieur le commissaire, quels sont actuellement les effectifs de la GRC?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Ils se chiffrent à plus de 22 000 membres.
M. Art Hanger: S'agit-il uniquement d'agents de la paix?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Non. Plus de 16 000 membres de la GRC sont des policiers. Les autres sont des civils et des membres du personnel de soutien.
M. Art Hanger: Quels étaient les effectifs il y a quatre ans?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Un peu moins élevés. Je ne sais pas exactement à combien de membres ils s'élevaient.
M. Art Hanger: Voulez-vous donc dire que les effectifs augmentent depuis une dizaine d'années?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Les ressources ont considérablement augmenté depuis trois ans, depuis la fin des restrictions budgétaires. Notre budget avait considérablement diminué puis, depuis quelques années, le gouvernement nous octroie des crédits très importants.
M. Art Hanger: À combien devraient se chiffrer les effectifs, d'après vous?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Cela dépend, bien entendu, de ce qu'on demande de nous et de notre mandat.
M. Art Hanger: Quels devraient être vos effectifs pour bien remplir vos fonctions?
Le chef de police de n'importe quelle grande ville canadienne dira qu'il a besoin de nombreux hommes supplémentaires, si on lui pose la question. Je ne connais aucun service de police du pays qui n'ait pas besoin d'hommes supplémentaires pour être efficace. Les effectifs actuels sont exploités à fond.
Comm. Giuliano Zaccardelli: J'aime recruter des hommes et des femmes, mais...
M. Art Hanger: Très bien, mais c'était un terme collectif.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je m'en rends compte et je ne minimise pas l'importance de votre question. Elle est très importante.
Je pourrais, bien entendu, utiliser des ressources supplémentaires. Personne ne niera en avoir besoin. Il est toujours utile d'avoir des ressources supplémentaires. On veut toujours des ressources supplémentaires. Mes efforts visent toujours à essayer d'obtenir du gouvernement les ressources nécessaires après avoir essayé de le convaincre de mon mieux. Je maximise les ressources que l'on me donne et je les utilise de la façon la plus efficace possible, pas seulement à la GRC; j'essaie de conjuguer ces ressources avec celles du SCRS et d'autres organisations policières pour en tirer le maximum.
Je pourrais donc utiliser des ressources supplémentaires mais je maximise celles dont je dispose.
M. Art Hanger: Quel est le budget accordé à la GRC pour répondre à ces besoins accrus en matière de sécurité?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Comme vous devez le savoir, puisque cela a été annoncé publiquement ici la semaine dernière, nous avons reçu plus de 60 millions de dollars. Le Conseil du Trésor nous a en outre autorisés à faire diverses dépenses liées au redéploiement des effectifs; toutes ces dépenses seront couvertes. Par conséquent, notre budget a considérablement augmenté. Toutes les dépenses qu'entraîneront les 2 000 hommes et femmes affectés à la sécurité seront couvertes par le gouvernement.
M. Art Hanger: Comment dépenserez-vous ces 64 millions de dollars?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je crois que M. Pickard en a parlé: nous comptons consacrer 35 millions de dollars à l'achat de diverses technologiques comme l'installation de scanners dans les aéroports; 5 millions de dollars seront affectés notamment à une protection accrue des personnalités et de divers édifices; en outre, 9 millions de dollars, dans un premier temps, serviront au recrutement de nouveaux effectifs. Voilà comment ces fonds seront investis. Je n'ai pas d'information précise sur la répartition de ce budget. Je dis cela de mémoire.
M. Art Hanger: Par conséquent, un problème de personnel se pose et la nécessité de recruter du personnel supplémentaire se fait plus criante depuis que l'on exige davantage de la GRC.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je crois que le gouvernement a dit clairement qu'il...
M. Art Hanger: Est-ce que l'affectation budgétaire est par conséquent de 9 millions de dollars?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Non, comme je l'ai dit, elle est supérieure à 60 millions de dollars. Je crois qu'il s'agit d'environ 64 millions de dollars.
M. Art Hanger: Je sais, mais je parle de l'affectation budgétaire pour le personnel.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Il s'agit du montant destiné spécifiquement au personnel mais on m'a garanti qu'il était actuellement question de nous octroyer des fonds supplémentaires pour les effectifs.
M. Art Hanger: Combien coûte la mise en service d'un policier?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Beaucoup.
M. Art Hanger: Est-ce 100 000 $?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Plus que cela.
M. Art Hanger: Approximativement 125 000 $?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je ne sais pas combien au juste mais je n'examine pas la question sous cet angle. Je tiens compte du fait qu'un agent de la GRC peut notamment collaborer avec les services de l'Immigration, travailler à Toronto par exemple et collaborer parfois avec un membre du SCRS. Nous essayons de tirer le maximum de nos ressources communes et nous collaborons également avec les Américains.
Ce n'est donc pas le policier à titre individuel qui est important mais plutôt la collaboration de nombreuses personnes à l'intérieur d'un système intégré. Je n'insisterai jamais assez sur le fait que l'intégration et l'échange de renseignements ont une importance capitale. C'est ainsi que nous maximisons notre capacité de protéger les Canadiens.
Le président: Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'apprécie beaucoup la discussion et l'importance que l'on accorde à un accroissement de la sécurité. C'est incontestablement devenu une préoccupation majeure depuis les événements du 11 septembre. Je voudrais aborder la question sous un autre angle.
Depuis le 11 septembre, le Canada en a pris pour son grade. Des commentaires quelque peu désobligeants ont été faits à son sujet laissant entendre que c'est un paradis pour les terroristes. Ces commentaires sont plutôt blessants pour une société multiculturelle comme la nôtre.
Quelles mesures sont prises par le SCRS ou par la GRC pour démentir que le Canada soit un paradis pour les terroristes et les criminels?
Le président: Nous laisserons M. Elcock répondre à la première question, puis nous vous accorderons le temps pour une deuxième question.
M. Ward Elcock: Il n'y a en fait aucune mesure que nous puissions prendre, si ce n'est en répondant à des questions comme celles que vous posez, en ce qui concerne le SCRS du moins. Nous n'avons pas un programme de communications très élaboré et ce, pour des raisons évidentes.
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Je crois que quelqu'un a isolé mes propos de leur contexte et
m'a accusé d'avoir dit que le Canada était un paradis pour les
groupes terroristes. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que notre
tâche consistait à empêcher les terroristes de trouver un refuge
sûr au Canada, ce qui est légèrement différent.
En fait, tout État démocratique qui veut être à la fois moderne et prospère doit laisser une liberté d'accès assez grande. Comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres pays démocratiques occidentaux, nous avons toujours laissé une certaine liberté d'accès en facilitant les mouvements de capitaux et les déplacements de personnes.
Par contre, divers groupes, notamment des terroristes, cherchent à promouvoir leur cause par la violence; ces personnes se déplacent et circulent depuis plusieurs années dans les divers pays démocratiques occidentaux. C'est un problème inévitable et à cet égard, notre situation n'est pas pire que celle des autres pays.
Notre population est probablement plus variée et c'est la raison pour laquelle les probabilités que l'on vienne dans notre pays sont accrues. Sinon, nous déployons des efforts analogues à ceux des autres pays, avec le concours de la police, pour que les terroristes ne trouvent pas un refuge sûr chez nous. Je crois qu'en fait nous avons assez bien réussi.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je suis entièrement d'accord avec M. Elcock. Même le terme «refuge» est un terme terrible parce qu'il laisse entendre que nous soutenons ou aidons les terroristes et que nous les encourageons à rester dans le pays. Ce n'est pas le cas du tout. Comme l'a signalé M. Elcock, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes et aux mêmes difficultés que les autres pays occidentaux, du fait que notre société est une société ouverte, tout en essayant de protéger les citoyens du mieux que nous pouvons. Je nie catégoriquement que nous soyons un refuge sûr. Je pense qu'il faudrait bannir cette expression de notre vocabulaire. Notre situation n'est différente en rien de celle des autres pays occidentaux démocratiques: nous sommes confrontés aux mêmes défis et nous avons très bien réagi.
Le nouveau train de mesures législatives vise sans conteste à établir un certain équilibre. Lorsqu'on compare ces mesures aux mesures américaines ou britanniques, on constate qu'elles sont très semblables. On fait beaucoup d'efforts d'harmonisation et le Canada ne mérite certainement pas ce genre de réputation.
Le président: Bien. Une dernière question, Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
J'apprécie beaucoup les réponses des deux témoins. Je pense que c'est très important pour essayer de régler les problèmes dans un climat aussi tendu que l'est le climat actuel. De nombreux réfugiés qui sont ici en toute légitimité vivent dans la crainte et l'angoisse en raison de ces insinuations totalement fantaisistes et malveillantes.
Comme l'a signalé M. Elcock, une des possibilités de venir à bout de ces fausses perceptions consiste à montrer combien notre système est efficace, face aux menaces. J'ai deux questions—très brèves—à poser à ce sujet. Si j'ai bien compris, votre objectif, en cas de menace, est de trouver le suspect et d'établir une autorisation de sécurité dans un délai de 72 heures. J'ai entendu des plaisanteries au sujet de ce délai et j'essaie de savoir ce que cela signifie au juste. Cela implique-t-il l'établissement d'un profil?
Le président: Le projet de loi C-11 prévoit un délai de trois jours pour s'assurer qu'il y a un élément de criminalité.
Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est bien cela. Par conséquent, je n'essaie pas de deviner comment nous atteindrons cet objectif. Est- ce que cela consiste notamment à établir un profil?
Ma dernière question concerne le fait qu'il faut, bien entendu, s'appuyer sur diverses mesures de surveillance dans plusieurs localités. Comment vous assurez-vous que les renseignements que vous obtenez de membres de diverses collectivités sont fiables et qu'ils ne sont pas déformés par des préjugés ou des craintes personnels?
Le président: Judy, je dois faire une rectification pour que nos témoins, nos collègues et les Canadiens sachent de quoi il s'agit. Le délai de trois jours commence à partir du premier contact d'un agent d'immigration avec la personne concernée. Ils ont trois jours pour soumettre le cas à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour vérifier s'il a fait une demande de statut de réfugié légitime. Ce délai commence dès l'instant où la personne arrive au point frontalier et se termine au moment où le ministère de l'Immigration doit soumettre son cas à la Section de la protection des réfugiés pour déterminer son statut. Je tenais à préciser à quoi correspond au juste ce délai.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Bien. J'apprécie cette explication.
Le président: Ce délai ne signifie pas nécessairement que tous les renseignements nécessaires doivent être réunis pour mettre en place la vérification. M. Elcock ou bien M. Zaccardelli pourrait peut-être répondre à cette question.
M. Ward Elcock: Merci, monsieur le président.
Votre rectification est utile étant donné qu'on ne nous impose pas un délai de 72 heures pour agir. En fait, nous essayons ou nous essaierons de procéder comme nous le faisons actuellement en ce qui concerne les immigrants admis ou les personnes qui demandent le statut, qu'elles soient à l'extérieur ou à l'intérieur du pays. Nous passons les noms dans notre base de données et nous cherchons des confirmations. Nous cherchons les personnes dont nous connaissons le nom ou les contacts. Dans certains cas, nous avons de la chance et nous trouvons rapidement ces renseignements. Dans d'autres, il faudra faire des investigations plus poussées pour déterminer s'il existe des liens. Dans les cas faciles, nous aurons des résultats dans le délai de 72 heures et dans d'autres, il faudra plus longtemps.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai aussi posé une question sur les renseignements fournis par des membres de divers groupes et sur leur fiabilité.
M. Ward Elcock: Nous recevons des renseignements d'une multitude de sources. Comme l'a dit tantôt M. Hanger, nous ne présumons jamais qu'un renseignement que nous avons reçu est exact tant que nous n'avons pas trouvé le moyen de vérifier s'il était plausible. Nous avons plusieurs méthodes à notre disposition pour ce faire. Nous utilisons parfois le polygraphe. Notre base de données contient aussi des renseignements que les intéressés ignorent parfois que nous avons et nous pouvons vérifier si leurs déclarations concordent avec ces renseignements. Nous avons aussi d'autres sources d'information. Nous possédons des renseignements communiqués par nos services à l'étranger. Nous avons diverses possibilités de vérifier les renseignements et notre système est généralement efficace. C'est ainsi que nous procédons.
Le président: Inky.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC/RD): Merci, monsieur le président. J'ai attendu longtemps. Je m'y habituerai, je suppose.
Je remercie tout de même nos invités d'être ici.
Le président: Vous étiez autrefois en haut de liste.
M. Inky Mark: Je sais. Peut-être qu'un jour j'occuperai le fauteuil.
Je signale tout d'abord que la coalition appuie la politique d'immigration de la porte ouverte. Nous savons très bien que des terroristes peuvent pénétrer dans notre pays comme visiteurs, comme immigrants légaux, comme étudiants ou comme réfugiés. Ce qu'il faut faire, c'est combler certaines lacunes de notre système. Je crois que c'est notre objectif et notre préoccupation.
Je voudrais citer un passage du rapport de décembre 1997 du vérificateur général concernant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je voudrais faire deux ou trois commentaires. Le rapport signale que «95 p. 100 des demandeurs auxquels on a refusé d'accorder le statut de réfugié sont toujours au Canada». L'autre chiffre que je voudrais citer est que, depuis 1993, «plus de 99 p. 100 des demandes ont été jugées inadmissibles» mais les personnes concernées reçoivent toujours les documents nécessaires et sont toujours au Canada. Le chiffre qui m'a été communiqué dernièrement par le ministère est que 27 000 mandats d'expulsion n'ont pas encore été mis à exécution.
Par conséquent, la première question que j'aurais à poser à un organisme spécialisé comme le vôtre est: quel type de risque cette situation pose-t-elle pour notre sécurité? La deuxième question est la suivante: que fait votre service pour essayer de régler certains de ces problèmes?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, nous n'avons aucune fonction d'exécution en ce qui concerne les réfugiés ou à quelque autre niveau du processus d'immigration. Notre unique préoccupation est de déterminer quelles personnes sont dans le pays, quel que soit leur statut—en fait, certaines personnes dont nous examinons le cas sont des Canadiens; il ne s'agit donc pas de réfugiés ni d'immigrants... Nos investigations concernent les personnes qui relèvent de nos attributions, qu'il s'agisse de terroristes, d'espions ou d'autres personnes de ce genre. Nous cherchons des éléments qui nous permettent éventuellement de les faire expulser du pays, si c'est possible. Dans d'autres cas, nous essayons de fournir des renseignements à la police pour qu'elle puisse se charger des personnes concernées. Dans d'autres cas encore, il s'agit uniquement d'être au courant de leurs activités pour pouvoir les empêcher d'agir si elles sont en train de préparer un sale coup.
Le président: Monsieur Zaccardelli, pourriez-vous répondre à cette question également?
Comm. Giuliano Zaccardelli: À propos de ces 27 000 mandats d'expulsion par exemple, diverses mesures ont été prises. Nous avons eu des entretiens avec Citoyenneté et Immigration Canada. Le ministère nous a demandé de l'aide pour essayer de déterminer quelles personnes qui ne devraient pas se trouver ici sont toujours ici et quels risques sont liés à certaines d'entre elles. Nous avons accru notre présence et notre collaboration avec les services de l'Immigration et d'autres organismes d'exécution de la loi; nous avons en outre formé diverses équipes qui poursuivent activement les personnes qui sont illégalement au Canada.
C'est une question que nous examinons activement et plusieurs personnes ont été redéployées pour accroître la capacité du Canada de régler ce genre de problème. Par conséquent, nous collaborons avec Immigration Canada et avec d'autres services de police; nous nous appuyons en outre sur les renseignements du SCRS qui pourraient nous être utiles. Par conséquent, il s'agit surtout d'un effort collectif mais on a principalement mis l'accent sur la recherche de personnes qui font l'objet de ces mandats.
Le président: Inky.
M. Inky Mark: Depuis un an, la plupart d'entre nous militent en faveur du système de présélection. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste ce processus?
M. Ward Elcock: Parlez-vous du processus de présélection des réfugiés?
M. Inky Mark: Oui.
M. Ward Elcock: Pour avoir des informations complètes à ce sujet, il serait préférable de communiquer avec le ministère de l'Immigration. Dans le cadre de ce processus, notre rôle se borne à vérifier si nous ne possédons pas des renseignements sur une des personnes dont le nom figure sur la liste qui nous a été transmise—des personnes au sujet desquelles notre base de données contient des renseignements, ou au sujet desquelles des renseignements nous ont été transmis par un organisme étranger, ou encore des personnes sur lesquelles un de nos services à l'étranger a pu nous donner des renseignements nous permettant de confirmer d'emblée qu'elles font partie d'un groupe terroriste. Notre contribution au processus se borne toutefois essentiellement à cela.
Le président: Inky, vous auriez peut-être intérêt à poser la question aux représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) qui sont nos prochains témoins, ou à la ministre, qui témoignera la semaine prochaine.
Monsieur Bagnell, vous avez cinq minutes.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Je voudrais poser trois questions; je voudrais donc que les réponses soient très brèves.
Monsieur Zaccardelli, vous avez parlé d'intensification des efforts internationaux. Quand j'assistais aux réunions de l'OTAN, j'ai été étonné de constater que les divers pays membres n'octroyaient que très peu de fonds à Interpol. Estimez-vous qu'Interpol devrait recevoir des fonds supplémentaires?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Oui.
M. Larry Bagnell: Comme vous le savez, dans les cas d'urgence comme celui-ci, diverses affirmations plus fantaisistes les unes que les autres sont faites et on croirait que sur la porte des services de l'Immigration est placée une pancarte qui dit que les criminels et les terroristes sont les bienvenus. Les déclarations que certaines personnes peuvent faire sont vraiment délirantes. À titre professionnel, vous avez dit que ce n'était pas le cas. Cependant, comme père de famille—et vous savez mieux que quiconque ici ce que c'est—, pensez-vous que votre famille est en sécurité et que la frontière n'est pas une gigantesque passoire pour des criminels et des terroristes de tout acabit?
Comm. Giuliano Zaccardelli: La réponse est à la fois affirmative et négative. Je me sens effectivement en sécurité mais la frontière n'est pas une passoire.
M. Larry Bagnell: Monsieur Elcock.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je ne pense pas que la frontière soit une passoire. Je pense que ma famille est en sécurité quoique je doive reconnaître que je bénéficie d'une plus grande protection que le citoyen moyen, mais c'est pour d'autres raisons.
M. Larry Bagnell: Des cellules terroristes sont-elles implantées au Canada?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je crois avoir dit à des occasions antérieures qu'il y en a et le chiffre que j'ai cité alors était valable pour une période précise. Il fluctue: il y a des gens qui restent, d'autres qui s'en vont, d'autres encore qui ne posent plus de problèmes ou d'autres qui commencent à en poser. Par conséquent, il n'y a pas moyen de citer de chiffre rigoureusement exact. Il y a effectivement au Canada des personnes qui répondent aux critères prévus dans la loi et que nous sommes en droit de surveiller, et que nous surveillons d'ailleurs, parce qu'elles répondent aux critères énoncés dans la loi, c'est-à-dire parce qu'elles sont membres d'organisations terroristes.
Le président: C'est la même question et je crois que je la réserverai pour une discussion à huis clos.
Commissaire Zaccardelli.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je suis d'accord sur ce point. Je tiens toutefois à signaler que l'appartenance à des groupes terroristes est très difficile à prouver tant que les intéressés ne s'adonnent pas à ce genre d'activités au grand jour parce que, d'après la loi, chacun est entièrement libre de ses opinions mais que, lorsqu'on commet ouvertement certains actes, on fait l'objet d'une enquête policière.
Le président: La définition du terrorisme contenue dans le projet de loi antiterrorisme qui vient d'être présenté vous aide-t-elle?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, la réponse à cette question—et je crois qu'en fin de compte c'est un sujet qui concerne davantage la police que nous—est que la criminalisation de certains types de comportements et d'activités, comme des collectes de fonds, permettra de régler le cas de diverses personnes qui s'étaient adonnées à des activités jusqu'à présent parfaitement légales, même si elles étaient considérées par la plupart comme suspectes.
Le président: Monsieur Bagnell, une dernière question.
M. Larry Bagnell: Vous pourriez garder cette question pour la session à huis clos, si vous voulez, mais puisque vous avez plus de renseignements que nous, pourriez-vous dire comment ont pu entrer certains individus dont vous avez détecté la présence au Canada?
M. Ward Elcock: À notre époque, des personnes peuvent entrer de diverses façons. Dans certains cas, nous savons qu'elles ont une fausse identité ou de faux passeports; ceux-ci sont parfois des imitations quasi parfaites et il n'est pas toujours facile pour les exécutants de détecter ces supercheries. D'autres individus ont recours à d'autres moyens. Ceux qui veulent entrer au pays n'utilisent pas nécessairement tous la même tactique.
Le président: Merci.
Anita.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme je suis en bas de liste, on a déjà répondu à certaines de mes questions. Je voudrais cependant aborder trois sujets mais j'ignore si ce sera possible en cinq minutes.
Le président: Oui.
Mme Anita Neville: Ma collègue d'en face a parlé des réfugiés; elle semblait être très préoccupée par la réputation qu'a le Canada d'être un refuge sûr. Ce qui me préoccupe tout autant, c'est le risque que l'on fasse une association directe entre les réfugiés et les terroristes. C'est une question qui me préoccupe.
Pouvez-vous donner des renseignements un peu plus précis que ceux que vous avez déjà donnés à ma collègue en ce qui concerne la surveillance des réfugiés sans documentation et pouvez-vous dire dans quelle mesure vous vous appuyez sur des profils raciaux? Voici pourquoi je vous pose cette question: j'ai organisé une réunion assez importante dans ma circonscription et j'y ai vu des personnes dont la présence m'a étonnée; ce qu'elles m'ont dit au sujet des difficultés qu'elles vivent actuellement m'a fort étonnée.
Le président: Monsieur Elcock.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, lorsqu'on nous communique un nom à confronter à notre base de données, nous ne nous basons pas sur un profil mais nous nous contentons de vérifier si ce nom ne correspond pas aux données que contient notre base de données, qui contient des renseignements sur un grand nombre d'organisations et de personnes d'origine étrangère et d'origine canadienne. En procédant de cette façon, nous espérons arriver parfois à établir des liens entre une personne qui arrive au pays et certaines personnes déjà établies au Canada ou certaines organisations étrangères sur lesquelles nous possédons déjà des renseignements.
Nous échangeons des renseignements avec beaucoup de personnes. C'est une base de données très volumineuse. Permettra-t-elle d'intercepter tous les suspects? Non, mais elle permettra d'en intercepter quelques-uns et elle permettra à la police et aux services de l'Immigration, ainsi qu'à d'autres services, d'intervenir plus tôt. Nous n'établissons toutefois pas de profil racial ni d'autres types de profils; nous comparons uniquement ces noms aux renseignements contenus dans la base de données.
Le président: Monsieur Zaccardelli, pour la même question.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux commentaires de M. Elcock. Je sais que la question de l'établissement de profils raciaux préoccupe bien des collectivités et, depuis le 11 septembre, j'ai donné l'instruction, à l'échelle nationale, de demander aux personnes âgées de prendre contact avec les membres de quelques communautés ethniques pour les rassurer à ce sujet. Nous faisons des enquêtes sur les infractions criminelles éventuelles mais nous ne faisons pas d'enquêtes personnelles, ni d'enquêtes sur les origines. C'est très important.
Je comprends ces préoccupations, étant donné ce nouveau projet de loi. Je sais que certaines personnes se demandent comment la police mettra cette nouvelle loi en application et je ferai bientôt des déclarations publiques à ce sujet. Bien des immigrants sont effectivement inquiets.
Je ne suis pas né au Canada et, à cause de cela, mon père pensait que je n'arriverais jamais à entrer à la GRC. Donc, il a toujours pensé que je n'arriverais pas à entrer dans la GRC; pourtant, je suis devenu commissaire.
Le président: C'est amusant, mon père était déçu que je ne sois pas arrivé à entrer à la GRC, alors qu'il était agent de police.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Vous avez fait mieux, monsieur le président.
Le président: Oui, certes. Merci, monsieur Zaccardelli.
M. Ward Elcock: Est-ce que vous me permettez de faire un commentaire?
En réalité, nous établissons des profils mais pas des profils raciaux. Les journaux en ont fait mention à plusieurs reprises et quelques-uns s'étaient même appuyés sur des fuites de renseignements. En fait, nous fournissons par exemple au ministère de l'Immigration des profils de personnes qui nous préoccupent pour lui permettre, lors de l'examen des demandes d'immigration faites dans une mission à l'étranger, de choisir les personnes que nous devrions interroger ou pour lesquelles il faudrait faire un examen sécuritaire plus poussé.
Ces profils ne sont toutefois pas de nature raciale. Le genre de critères sur lesquels on se base vraisemblablement sont la nationalité ou l'appartenance à certaines organisations. Il s'agit de profils très généraux. C'est la seule façon de procéder étant donné le nombre de personnes qui font une demande d'admission au Canada. Si l'on décidait de tenir des entrevues pour toutes les personnes qui viennent au Canada sans se baser sur un profil, le nombre de cas que nous aurions à examiner augmenterait considérablement.
Mme Anita Neville: J'allais poser deux questions auxquelles le président vous permettra de répondre en fonction du temps dont il dispose.
La première question est la suivante: pourriez-vous parler de la question des liens entre l'activité terroriste, réelle ou présumée, et le crime organisé en indiquant quelles ont été les incidences des mesures de sécurité accrues dans ce domaine?
Je m'adresse maintenant à M. Zaccardelli. Vos commentaires sur l'intégration de toutes les forces policières et sur le désir de former une alliance mondiale en matière de renseignements m'ont frappée. De quoi avez-vous besoin pour accroître l'intégration et votre capacité de former cette alliance mondiale en matière de renseignement? Je ne pense pas que vous ayez le temps de répondre aux deux questions.
Le président: Ce sont deux excellentes questions et, par conséquent, je vous permettrai à tous les deux d'y répondre.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, en ce qui concerne la première question, il est indéniable que plusieurs groupes terroristes comptent sur une certaine criminalité pour financer leurs activités. Dans certains cas, je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de crime organisé au sens habituel du terme. Il s'agit plutôt de petite criminalité qui a pour but de permettre à ces groupes de subvenir à leurs besoins ou consiste à voler des documents qui leur sont utiles.
Diverses organisations terroristes ont commencé à être plus actives dans ce que l'on qualifie normalement de crime organisé mais je pense que ce sont des exceptions. Certaines organisations criminelles utilisent de temps à autre des méthodes terroristes mais je ne les considère à vrai dire pas comme des organisations terroristes et je ne pense pas non plus que cela aille plus loin que certains principes. Par conséquent, on a probablement exagéré l'importance des liens entre les organisations terroristes et le crime organisé.
Le président: Avez-vous des commentaires à faire en ce qui concerne la connectivité mondiale?
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je répondrai à la première question.
Je crois que des liens existent. On les surestime parfois mais, dans certains cas, l'existence de liens entre les deux est indéniable et un type d'activité soutient l'autre; on a parfois recours à l'activité criminelle pour financer des activités terroristes potentielles. C'est un phénomène relativement récent qui s'est manifesté ici depuis peu et dont on a intérêt à suivre l'évolution.
En ce qui concerne la connectivité, il faut d'abord connaître l'environnement, puis réagir. À mon avis, les facteurs déterminants de la réussite de cette connectivité et de la création de cette alliance sont le leadership et un changement radical de comportement; c'est un point sur lequel j'insiste beaucoup. Nous avons le leadership nécessaire au Canada. Je pense que le Canada est un chef de file mondial. L'exécution de la loi est nettement centrée là-dessus au Canada. C'est un projet qui me passionne, comme commissaire de la GRC, et je pense que nous faisons d'énormes progrès dans ce domaine. Nous établissons des contacts dans le monde entier.
Personnellement, je pense qu'il faut avant tout que l'on en reconnaisse la nécessité puis que l'on procède à un changement total de comportement. Quelqu'un a fait allusion au fait que nous avons parfois tendance à retenir un renseignement. Je pense que nous devons provoquer un changement de comportement au sein de notre organisation. C'est un long processus; un leadership solide et un changement radical de comportement sont indispensables. Il faut toutefois reconnaître que le monde a changé. Une fois qu'on l'a reconnu et que l'on devient plus efficace grâce à une intégration accrue, on a automatiquement tendance à changer d'attitude. C'est un changement qui est en cours au moment même où je vous parle et c'est une tendance qui s'accentue. Des événements comme ceux du 11 septembre nous offrent certaines opportunités et nous faisons de très gros efforts dans ce domaine, mais il nous reste du pain sur la planche.
Le président: Merci.
Paul.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Soyez les bienvenus, messieurs.
Je sais que c'est peut-être quelque peu difficile pour vous. À plusieurs occasions, j'ai remarqué que vous vous tortilliez parfois sur votre fauteuil en vous demandant comment vous pourriez trouver la réponse appropriée...
Le président: Non, nous ne nous tortillons pas.
M. Paul Forseth: ...notamment parce qu'il ne s'agit pas d'une séance à huis clos, et nous comprenons bien cela. L'autre difficulté réside peut-être dans la structure d'indépendance à l'égard de toute intervention politique.
Je voudrais d'abord parler de la GRC. Je vous rappelle qu'il s'est produit un changement structurel par rapport au type de relation que la GRC entretenait avec le gouvernement et le Cabinet il y a quelques années à peine. Je me demande si la GRC serait disposée à présenter au moins un plan au gouvernement pour que celui-ci puisse prendre une décision qui mettrait un terme aux rumeurs publiques concernant son manque d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
Je poserais le même type de question à M. Elcock. Toujours d'après certaines rumeurs publiques, on se demande s'il ne serait pas nécessaire d'établir des ramifications à l'étranger outre les services peut-être déjà existants et si vous ne pourriez pas présenter au gouvernement un plan concernant l'élargissement de vos services.
Ce sont deux questions d'ordre structurel qui ont à mon avis beaucoup d'importance dans la société contemporaine. Nous abordons ces sujets parce qu'ils sont liés aux résultats et à une certaine évolution, surtout dans le contexte actuel.
Le président: En ce qui concerne l'indépendance, je demanderais à chacun de vous de répondre.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Monsieur le président, je peux affirmer catégoriquement que je ne me tortille pas sur mon fauteuil. C'est une discussion qui me plaît.
La structure de l'organisation est telle que, comme commissaire de la GRC, je dois rendre des comptes au premier ministre et, par son intermédiaire, au gouvernement. En ce qui concerne les enquêtes et les opérations, je suis entièrement indépendant. Ni la ministre ni le premier ministre ne me donnent des instructions en ce qui concerne les opérations; ils ne m'en ont jamais donné. Je suis entièrement indépendant dans ce domaine.
Sur le plan administratif, je dois rendre des comptes à la ministre, parce que je ne suis pas élu. Dans un régime de démocratie parlementaire comme le nôtre, je rends des comptes par l'intermédiaire de la ministre. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que j'ai toute l'indépendance nécessaire, voire plus, en ce qui concerne les opérations. On n'a jamais fait la moindre tentative pour influencer mes décisions dans ce domaine.
Le président: M. Elcock a la parole pour répondre aux deux questions, celle concernant l'indépendance et l'autre concernant les services à l'étranger.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, je crois que le rôle de la GRC et celui du SCRS sont nettement distincts. Nous ne sommes pas un organisme d'application de la loi et nous ne sommes pas aussi indépendants que le commissaire; nous sommes un service de renseignement qui est sous les ordres du gouvernement.
En fait, d'une façon générale, les instructions que le gouvernement nous donne concernent plutôt nos méthodes d'enquête; il ne nous donne pas l'ordre de faire une enquête sur tel individu ou tel groupe ou de soustraire tel individu ou tel groupe à une enquête. Nous n'avons jamais reçu d'instructions de ce genre. En définitive, nous sommes toutefois dans une situation différente de celle de la GRC.
En ce qui concerne la deuxième question, la confusion règne et je ne comprends pas toujours pourquoi, bien que ce soit peut-être dû en partie au libellé de l'article 16 de la Loi sur le SCRS qui stipule que le service ne peut recueillir des renseignements extérieurs qu'au Canada. Je crois que plusieurs personnes se basent sur la définition du dictionnaire et présument que l'article 16 nous interdit de recueillir des renseignements à l'extérieur du Canada. Il s'agit en fait d'une erreur d'interprétation de la loi.
Ce que dit en fait l'article 16, c'est que le SCRS ne peut pas recueillir de renseignements qui peuvent être utiles ailleurs qu'au Canada. Cela veut dire des renseignements susceptibles d'aider le gouvernement du Canada mais qui ne sont pas nécessairement liés à une menace.
L'article 12 de la loi est très clair à cet égard. Cet article 12, qui porte sur les menaces pour la sécurité du Canada, nous permet de mener des enquêtes n'importe où au Canada ou à l'étranger, et c'est ce que nous faisons.
• 1020
En fait, les opérations à l'étranger sont nécessairement plus
coûteuses et comportent davantage de risques; il faut être sûr que
ce sera rentable. Nous menons des opérations à l'étranger. Nous
faisons des enquêtes à l'étranger et nous y menons des opérations
secrètes. À ce propos, et en ce qui concerne les menaces pour la
sécurité du Canada, nous avons essentiellement les mêmes pouvoirs
que notre pendant américain.
Je ne dis pas que nous avons la même taille ni les mêmes capacités ou ressources mais notre mandat est, pour l'essentiel, analogue au sien.
Le président: Paul, vous pouvez poser une question très brève.
M. Paul Forseth: Vous voulez peut-être expliquer que le discours tenu dans les médias au sujet des activités à l'étranger est erroné et que le mandat qui vous est conféré en vertu de la loi ne vous empêche pas de prendre toutes les mesures que vous jugez nécessaires. Est-ce bien cela?
M. Ward Elcock: Mon mandat ne comporte effectivement aucune restriction en ce qui a trait aux enquêtes concernant les menaces pour la sécurité du Canada. En fin de compte, les opérations que l'on mène à l'étranger sont... Dans un service de renseignement, il faut gérer les risques et, pour ce faire, on affecte aux enquêtes les ressources et les personnes que l'on considère comme les plus importantes. Une fois qu'on a pris une décision quant à la nature de l'enquête, on décide ensuite comment on va mener cette enquête et où l'on peut avoir l'accès le plus facile à l'information.
En ce qui concerne certains groupes ou certaines personnes, Toronto ou Vancouver ne sont pas nécessairement les meilleurs endroits pour mener une enquête. Même si ces groupes ou ces personnes représentent une menace pour le Canada, voire pour Toronto et pour Vancouver, le meilleur endroit pour mener l'enquête se trouve peut-être à l'étranger. Si nous arrivons à la conclusion que nous pouvons le faire et que c'est ce qu'il y a lieu de faire, la loi nous confère le mandat nécessaire.
Le président: Très bien.
Yvon, pour une question.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je représente un comté où le bureau a à traiter un nombre assez considérable et constant de demandes d'immigration et de demandes reliées au statut de réfugié.
Je voudrais dire à M. Elcock la perception ou l'impression que nous avons et lui demander de corriger cette perception, s'il y a lieu.
Si le cas a peu d'importance, on nous dit que c'est normal qu'il ne soit pas traité en priorité. Donc, ça peut attendre assez longtemps. Si le cas a beaucoup d'importance, c'est-à-dire si la personne a étudié dans un pays, a voyagé dans deux autres, a dû se déplacer assez souvent, ça peut être un cas assez substantiel. Donc, il est normal que ça prenne du temps. On nous dit que si les services trouvent quelques indices, c'est normal que ça prenne du temps pour faire la preuve et vérifier le tout, et dans certains cas, on nous dit même que si on ne trouve aucun indice, c'est parce que la personne est assez habile pour cacher ce qu'elle a fait. Donc, c'est normal que ça prenne du temps. Dans tous les cas, il est toujours normal que ça prenne beaucoup de temps. C'est la perception que nous avons. Et quand on va demander de l'information au ministre de l'Immigration ou au solliciteur général, ils nous disent qu'ils ne peuvent rien faire, qu'ils ne savent rien de ce qui se passe là.
Pourriez-vous nous dire comment vous gérez les priorités et le temps requis, pour qu'on puisse donner des réponses aux personnes qui nous demandent de l'information et qui parfois attendent très longtemps, alors que le dossier est parfaitement clair au bout de la course?
[Traduction]
Le président: Je trouve que c'est une excellente question. En fait, la plupart des députés veulent savoir pourquoi il faut attendre si longtemps pour obtenir ce genre d'information parce qu'environ 30 ou 40 p. 100 des affaires que nous avons à traiter dans nos circonscriptions concernent l'immigration. Aussi, je vous remercie d'avoir posé la question, Yvon.
Monsieur Elcock.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, le processus en matière d'immigration dépasse largement les compétences du SCRS et dans certains cas, nous n'intervenons même pas.
Le président: Les contrôles sécuritaires relèvent toutefois de vos attributions, si je ne me trompe.
M. Ward Elcock: Dans bien des cas, le contrôle sécuritaire n'est pas nécessairement la cause de la lenteur du processus. On a peut-être dit que ce l'était mais, dans la plupart des cas, pas nécessairement.
La plupart des contrôles sécuritaires sont très rapides, monsieur le président. Ce sont des contrôles ordinaires. Je dirais qu'en gros, cela représente 90 p. 100 des cas, voire plus. Je n'ai pas le pourcentage exact sous les yeux mais il est élevé.
En raison de la nature même de nos fonctions, les contrôles peuvent être plus longs en ce qui concerne quelques personnes. C'est parfois le cas parce que les personnes concernées nous mettent des bâtons dans les roues et essaient de cacher beaucoup de renseignements. Dans certains cas, il faut beaucoup de temps pour obtenir des renseignements sur ce genre de personnes. Dans d'autres, on a beaucoup de difficulté à vérifier divers renseignements. Certaines personnes sont originaires de pays où les gouvernements se sont désintégrés et où les dossiers sont inexistants, ou encore où les délais de réponse du gouvernement sont beaucoup plus longs qu'au Canada.
• 1025
Il y a en fait plusieurs raisons pour lesquelles, dans
certains cas, les gens ont l'impression que l'on tarde mais ceux
que cela préoccupe ont des mécanismes à leur disposition. Ils
peuvent faire appel devant le Comité de surveillance des activités
du renseignement de sécurité (CSARS) et c'est ce qui se passe dans
la plupart des cas. Dans certains cas, les intéressés ont appris
que la demande n'avait pas été faite dans les règles et dans
d'autres, qu'il y avait quelque retard.
Le président: Bien. C'est la dernière question.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: J'ai une deuxième question. Nous comprenons que le SCRS doit travailler avec Interpol et avec certains services de sécurité et d'information d'autres pays. Ainsi se fait la collecte ou la vérification de certaines informations.
Je voudrais vous demander quels sont les critères que vous appliquez pour décider qu'il y a ou non un risque pour la sécurité du Canada. Je vais utiliser seulement des cas types parce que si j'ai des cas particulier, on va me dire que ce n'est pas le lieu pour répondre à ma question. Ce sont des cas types, mais des cas très fréquents.
Un jeune homme a participé à une manifestation contre la torture ou pour la démocratie dans un pays qui est considéré comme une dictature, soit en Amérique centrale ou, disons, au Moyen-Orient, quand il avait 15 ans ou 17 ans et qu'il était étudiant. Aujourd'hui, il a 30 ans et il veut immigrer au Canada. On regarde cela et on dit que ce gars a été arrêté, qu'il a été emprisonné, jugé ou non—dans certains pays, ça n'a aucune importance—, qu'il a un dossier qui remonte la chaîne de renseignements, et on juge que ce type, à 30 ans, représente un risque pour le Canada, parce qu'à l'âge de 15 ans ou de 17 ans, il a fait une manifestation et qu'il a été pris et emprisonné ou parce que son cousin, qui porte le même nom de famille, a participé à la même organisation, à un mouvement de citoyens, à un mouvement prodémocratie, à un mouvement antitorture ou à tel autre mouvement dans une dictature il y a 10 ans, 15 ans ou 3 ans. S'il est de la même famille, il représente un risque pour la sécurité.
Est-ce que vous tenez compte de ces renseignements, qui vous reviennent dans la chaîne de renseignements, en leur accordant une valeur tels qu'ils se présentent ou si vous les interprétez en y mettant un peu de bon sens, à la lumière de la démocratie canadienne en vertu de laquelle ces gestes-là auraient été tout à fait légaux au Canada?
[Traduction]
Le président: Monsieur Elcock, pouvez-vous répondre à la question concernant le risque pour la sécurité? Quels sont les critères? Comment faites-vous l'évaluation? Sur quelle définition vous basez-vous? Veuillez répondre en fonction de l'exemple que M. Charbonneau vient de citer...
M. Ward Elcock: En ce qui concerne l'apport de renseignements au processus d'immigration, nous nous basons sur la Loi sur l'immigration et non sur notre propre loi. Nous nous basons sur la Loi sur l'immigration. Si les renseignements répondent aux critères énoncés dans la Loi sur l'immigration, nous les transmettons aux services de l'Immigration en signalant qu'ils sont conformes. Nous recevons des renseignements... Nous ne collaborons pas avec Interpol. Interpol est une organisation policière. Nous avons toutefois des contacts avec quelque 250 services de renseignement étrangers et, dans la plupart des cas, nous recueillons nous-mêmes des renseignements.
Il faut recueillir les renseignements et en évaluer la plausibilité. Pour cela, il faut parfois évaluer les renseignements que nous avons sur le service concerné et ses attributs ou son mode de fonctionnement, c'est-à-dire la façon dont il procède. Il faut donc confronter ces renseignements à d'autres qui se trouvent dans notre base de données.
Alors que la personne dont vous parlez ne vous a peut-être pas menti, dans certains cas, les personnes concernées mentent ou ne communiquent pas toute l'information. Nous avons des renseignements supplémentaires qui nous permettent d'en arriver à une conclusion différente de celle qui eût été possible en se basant uniquement sur les renseignements que vous avez communiqués. Dans ce type de cas, s'il s'agissait des seuls renseignements que l'on possède, je doute fort que l'on ait des motifs de faire quoi que ce soit—de signaler au ministère de l'Immigration que quelqu'un ne devrait pas recevoir le statut de réfugié ou n'est pas un réfugié légitime.
Le président: Bien. Je voudrais poser une autre question à ce sujet, si vous me le permettez, parce qu'elle se greffe à celle-ci.
• 1030
Monsieur Elcock, vous venez de mentionner la Loi sur
l'immigration. Comme vous le savez, dans le projet de loi C-11,
nous avons renforcé les dispositions susceptibles de vous aider à
évaluer le risque, même s'il s'agit d'un réfugié, d'un résident
permanent, d'un ressortissant étranger ou d'un visiteur. Il y est
question de la commission de certains actes à l'étranger, aux
articles 4 et 7, c'est-à-dire les crimes contre l'humanité, des
infractions à la Loi sur les crimes de guerre, des problèmes de
criminalité et des violations des droits de la personne.
La nouvelle loi, le projet de loi C-11, prévoit une évaluation du risque plus large ou des critères plus généraux pour l'évaluation de la personne aux fins de l'immigration. Faudrait-il, en ce qui vous concerne, des définitions plus précises dans ce projet de loi? Il mentionne même, et je n'ai pas le projet de loi sous les yeux—mais je pense qu'un de nos collègues l'a—que le fait d'être membre d'une organisation... En fait, le comité a beaucoup discuté de cet article, parce qu'on aurait pu dire que si l'on s'était appuyé sur cette définition il y a 15, 20 ou 25 ans, Nelson Mandela, par exemple, aurait peut-être eu de la difficulté à entrer au Canada. Après en avoir beaucoup discuté, nous avons décidé d'insérer dans la loi une disposition indiquant... Je retrouverai cet article et j'en reparlerai.
Madeleine, allez-y.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
La semaine dernière, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé la mise en place relativement prochaine d'une carte d'identité pour les résidents permanents, laquelle carte va contenir des informations stockées sur une bande magnétique.
Est-ce que vous avez été consulté sur les informations pertinentes à mettre sur cette bande magnétique? Si ce n'est pas le cas, quelles sont les informations qui vous apparaissent nécessaires, dans un contexte, bien sûr, qui respecte la Charte de droits, tout en répondant à des normes de sécurité de base?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Monsieur le président, bien que je sois avocat, j'essaie de ne jamais jouer ce rôle. J'avoue en toute sincérité ne pas savoir si notre organisation a été consultée mais je suppose que oui. Nous souhaitons probablement que cette carte contienne un maximum de renseignements. C'est en fait le ministère d'Immigration, ses avocats et ses experts en matière de charte des droits, et pas le SCRS, qui décideront quel type de renseignements seront intégrés à cette carte.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ce que j'entends, c'est que vous, vous en voulez plein d'informations. Mais lesquelles voulez-vous? Je comprends que la décision va venir d'Immigration Canada, mais lesquelles voulez-vous? Vous n'êtes pas obligé de me le dire, mais quand vous dites «plein d'informations», je présume que ce n'est pas seulement la couleur de mes yeux, que ce n'est pas seulement ma taille. Vous voulez peut-être avoir aussi ma masse osseuse et je ne sais quoi encore, mon pedigree, ce que j'ai fait dans la vie depuis que je suis née, ce que mes parents faisaient. J'aimerais que vous me le disiez parce que c'est quelque chose qui, en tout cas, me préoccupe beaucoup, et je suis sûre que je ne suis pas la seule autour de cette table et dans ce Parlement à être préoccupée par ça. Et si vous refusez de me dire ce que vous trouvez essentiel, vous me donnez raison de penser que j'ai tout à fait raison de m'inquiéter.
[Traduction]
M. Ward Elcock: Je préférerais ne pas vous donner des raisons supplémentaires de vous inquiéter.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, oui, je vais faire un infarctus, là.
[Traduction]
M. Ward Elcock: Non, je n'en ai pas l'intention. Cela ne nous intéresse pas particulièrement d'avoir le nom de votre masseuse.
Comme je l'ai déjà signalé... Je reconnais ne pas être au courant des discussions qui ont eu lieu à ce sujet et je ne sais pas exactement quel type de renseignements nous avons recommandé d'intégrer à cette carte, si nous l'avons fait. Je n'ai pas d'opinions précises à ce sujet. Je suppose que nous aurions tendance à proposer d'y mettre plus de renseignements. Ce sont les avocats, les experts en matière de charte et le ministère de l'Immigration qui doivent décider du type de renseignements qu'il est raisonnable et approprié de mettre sur une carte de ce genre. Je suppose qu'ils feront preuve d'une très grande modération.
• 1035
Ma tâche consiste uniquement à recueillir des renseignements
et à essayer de faire un contrôle au sujet des personnes dont les
activités sont préoccupantes. C'est pourquoi je préfère trop de
renseignements que trop peu mais c'est uniquement en raison de la
nature même de mes fonctions.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est ça. Je comprends.
[Traduction]
Le président: Merci.
Tony.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux petites questions à poser. Un grand nombre de questions ont été posées. Je vous remercie d'être ici.
En ce qui concerne la question des frontières, je voudrais l'examiner dans le contexte économique. La sécurité est le pivot d'une économie vigoureuse. Nous avons été témoins de l'impact qu'ont eu les événements du 11 septembre. Nous pouvons envisager toutes sortes d'options. Certaines personnes affirment qu'il suffirait de renforcer et de coordonner nos politiques en matière d'immigration et de sécurité. D'autres personnes estiment qu'il faut établir un périmètre de sécurité à l'échelle du continent. Est-ce nécessaire?
Par ailleurs, je pense que nous devons non seulement renforcer la sécurité de nos frontières mais qu'il faut aussi que ce soit visible. La Chambre de commerce a établi un groupe de travail. De nombreuses organisations pensent que la principale priorité est de démentir les perceptions que nous ne renforçons pas la sécurité à nos frontières et que nous sommes un point d'accès pour le terrorisme.
Vous avez pris diverses mesures, si j'ai bien compris. Vous avez fait des commentaires à ce sujet, monsieur Elcock, mais vous avez signalé tantôt que vous ne disposiez pas d'un budget de communications, pour mettre la population au courant des mesures que vous prenez. Avez-vous besoin d'un budget de communications? Pouvez-vous, à l'instar de votre homologue américain, affirmer qu'il n'y a pas de problème aux frontières. Je comprends ce que fait M. Elcock et je l'approuve; en fait, nous faisons la même chose.
C'est d'une importance capitale pour notre économie et pour notre sentiment de sécurité; c'est le fondement qui est nécessaire pour continuer à prospérer et à faire des affaires avec notre principal partenaire commercial. Pouvez-vous donc faire des commentaires à ce sujet?
Le président: Autrement dit, monsieur Elcock, vous devriez peut-être tenir davantage de conférences de presse, comme la CIA et le FBI, et M. Zaccardelli aussi.
M. Tony Valeri: Cela fera peut-être rire certaines personnes. Je pense que c'est possible et que c'est à envisager, parce qu'il faut faire savoir à la population que nous accomplissons notre tâche.
Le président: Monsieur Elcock ou monsieur Zaccardelli?
M. Ward Elcock: En ce qui concerne la question du périmètre de sécurité, il faudrait s'adresser à d'autres personnes. En ce qui nous concerne, ça ne revêt pas une importance capitale étant donné que, comme service de renseignement, notre collaboration avec les services de renseignements du FBI et de la CIA est énorme. Nous échangeons une multitude d'informations avec des deux organismes et avec la police, quand c'est opportun, pour s'assurer que l'espace nord-américain est protégé. Ça ne veut pas dire que nous ne nous intéressons pas aux frontières. Nous communiquons des renseignements au service des douanes et à d'autres services comme les services de l'Immigration.
En fait, nous collaborons beaucoup avec les services américains, avec le NSD et avec la CIA, pour protéger l'espace canadien et américain. Par conséquent, on se préoccupe déjà en quelque sorte de la question du périmètre de sécurité. C'est déjà le cas en ce qui nous concerne. La situation est différente en ce qui concerne les organismes responsables de la protection directe des frontières. Comme je l'ai dit, nous échangeons beaucoup de renseignements avec eux.
Je ne me souviens plus de la deuxième partie de la question.
M. Tony Valeri: Il s'agissait de démentir les perceptions que la situation est toujours problématique au Canada et de savoir quelles mesures vous prenez éventuellement...
Le président: Une séance comme celle-ci est utile mais, comme l'a signalé M. Valeri, il serait peut-être bon que le SCRS ou la GRC fasse davantage d'efforts dans le domaine des communications...
M. Ward Elcock: En fait, beaucoup de services ont la responsabilité de mieux informer la population, qu'il s'agisse des services de l'Immigration ou... Je sais que le commissaire fait beaucoup plus de publicité que moi.
En fait, je dirige un service de renseignements et je pourrais être très vite à court de déclarations à faire dans le cadre de conférences de presse, pour des raisons qui sautent aux yeux. Par conséquent, nous ne faisons généralement pas de conférences de presse.
Le directeur précédent de la FBI, qui était Louis Freeh, a fait à l'occasion des déclarations qui ont été très bien accueillies. Les déclarations de ce genre suscitent rarement beaucoup de commentaires et les journalistes n'étaient par conséquent pas prévenus longtemps d'avance mais il a effectivement fait quelques déclarations publiques. Je suis sûr que le nouveau directeur en fera quelques-unes aussi. Elles ne sont pas toujours couvertes par les médias.
Le président: Monsieur Zaccardelli, en ce qui concerne les perceptions.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je suis très déçu de constater que vous n'avez pas suivi mes conférences de presse à la TV, parce que c'est une question dont j'ai parlé assez souvent. Je le dis très sérieusement. Je plaisante quelque peu, mais plusieurs de mes collègues du gouvernement me reprochent souvent de prendre trop de place sur les ondes.
Vous avez fait une remarque pertinente. Il est important de rassurer les Canadiens. Comme vous le savez, juste après la tragédie du 11 septembre, j'ai tenu une conférence de presse et j'en ai parlé à la TV. Je pense que, comme commissaire de la GRC, mon rôle est important, comme celui d'autres représentants de l'État.
C'est ce que j'ai fait. Pourrais-je faire davantage? Probablement. Il est toujours possible de faire davantage. Il est toutefois important de continuer à le faire. Je comprends donc votre commentaire. Nous devons communiquer avec la population.
Comme je l'ai signalé précédemment, je compte entamer un dialogue au sujet de certains de ces problèmes avec diverses collectivités ethniques. Je suis souvent en contact avec les collectivités ethniques. Je sais que cela fait partie de mes fonctions de commissaire.
En ce qui concerne les frontières, comme corps policier, nous respectons bien entendu la souveraineté et la compétence mais, alors que l'on se prépare à former une alliance mondiale en matière d'application de la loi et de surveillance policière, de plus en plus, nous prenons des mesures pour protéger les citoyens des pays concernés. Par conséquent, nous respectons les frontières et les autres pays mais, à certaines occasions, nous n'en tenons pas compte, pas parce que nous ignorons leur présence, mais parce que nous échangeons de l'information et collaborons afin de protéger la population de tout le continent.
Le président: Une dernière question.
M. Tony Valeri: Monsieur le commissaire, je voudrais poser une autre question sur un des sujets qui ont été abordés. Je vous ai regardé à la télévision et vous avez très bien fait comprendre que nous prenons les mesures nécessaires. La difficulté est toutefois d'en convaincre votre homologue américain. C'est le morceau manquant.
Nous le disons et vous, comme commissaire de la GRC, vous dites tout ce qu'il faut dire et faites tout ce qu'il faut faire. La difficulté, c'est d'établir la communication avec votre homologue américain, pour se soutenir mutuellement, comme l'a fait le solliciteur général aux États-Unis au cours d'une conférence de presse. Cela rassurerait considérablement la population, des deux côtés de la frontière et elle serait au courant des difficultés auxquelles nous sommes confrontés en matière de circulation des biens et des personnes.
Le président: Nous pourrions peut-être nous faire accompagner de MM. Elcock et Zaccardelli lorsque nous irons à Washington.
Comm. Giuliano Zaccardelli: C'est une excellente idée, monsieur le président. Je ne peux pas parler au nom de M. Elcock mais je sais que nous avons tous deux reçu beaucoup de commentaires élogieux au sujet de la collaboration. L'ambassadeur américain, M. Cellucci, a parlé de cette excellente collaboration. Les Américains nous ont remerciés je ne sais combien de fois. Nous nous sommes serré les coudes.
Nous devons aussi aller sur le terrain. Je dois diriger une organisation qui compte 23 000 membres. Je voudrais pouvoir consacrer plus de temps aux communications mais je dois administrer cette organisation.
C'est une question d'équilibre. Nous pouvons et nous devons faire davantage. Je vous assure que nous en sommes très conscients.
M. Elcock et moi sommes déjà allés à Washington et nous avons tenu quelques conférences de presse. Nous pourrions probablement faire davantage.
Le président: Je vous remercie.
Je passe la parole aux deux dernières personnes qui vont poser des questions, puis je compte tenir une séance à huis clos. Il y a deux ou trois questions que je voudrais examiner à huis clos. Je permets à Art, puis à Inky, de poser chacun une question. Je ne vois personne d'autre de ce côté-ci. Ensuite, nous délibérerons à huis clos pendant 15 à 30 minutes, après quoi nous passerons au témoin suivant.
Art et Inky, pour les dernières questions. Veuillez être brefs.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
La question que M. Valeri a abordée concerne un aspect très important de la situation actuelle. En ce qui concerne l'opinion des Canadiens au sujet de notre système d'immigration et de notre système de sécurité en général, je pense qu'un grand nombre d'entre eux sont convaincus que le processus présente de nombreuses lacunes.
C'était le motif de ma première question. Je sais que les témoins ont hésité à faire des commentaires à ce sujet. C'est peut- être parce que la séance est télédiffusée...et pour diverses autres raisons que l'on n'a pas voulu nous donner ces renseignements. Je suppose que ce genre d'information devrait venir de nos témoins. Cela m'aurait donné les garanties nécessaires pour pouvoir expliquer à d'autres personnes les mesures que l'on prend pour combler ces lacunes. Je ne parle pas du point de vue politique; je voudrais cependant connaître l'opinion des experts qui sont sur le terrain.
Le président: Je pensais que les témoignages contenaient ce genre de renseignements.
M. Art Hanger: Les témoins ont toutefois manifesté une certaine réticence.
Le président: C'est pourquoi j'ai décidé de poursuivre la discussion à huis clos. Vous pourriez peut-être poser la même question et je vous garantis qu'alors vous obtiendrez les réponses que vous cherchez.
M. Art Hanger: Bien. C'est ce que je ferai.
J'ai une deuxième question à poser. Si des événements semblables à la tragédie du World Trade Centre du 11 septembre se produisaient au Canada, même s'ils n'étaient pas de cette ampleur, aurions-nous la capacité, en matière de collecte de renseignements et d'enquête, de dépister les criminels ou terroristes étrangers responsables de ces actes?
Le président: Monsieur Elcock, puis monsieur Zaccardelli.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, j'espère que nous aurions pu en fait déjouer la catastrophe avant qu'elle ne survienne. On n'y parvient malheureusement pas toujours. Les événements qui se sont produits aux États-Unis en témoignent et ce, malgré les gigantesques ressources déployées par les Américains contre les cibles—ou plutôt contre les organisations. Il n'est pas toujours possible de déjouer de tels plans.
Comme service de renseignements, nous sommes très bien informés sur la présence de diverses personnes et nous connaissons celles qui sont à risque. Dans des circonstances analogues, j'espère que j'en serais informé d'avance mais nous pourrions certainement être très efficaces pour ce qui est de dépister les responsables.
Le président: Monsieur Zaccardelli.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Je suis entièrement d'accord avec M. Elcock. Nous aurions sans aucun doute la capacité de le faire sur le plan de la collecte de renseignements et des poursuites policières. J'aurais toutefois un commentaire à ajouter. Ce n'est pas un problème canadien. Sans vouloir vous offenser, monsieur le président, la question «le Canada est-il en mesure de réagir?» fausse le problème. Il s'agit d'un problème international, d'un problème mondial. Il faudrait peut-être demander comment on peut mobiliser les ressources collectives pour réagir à une telle situation.
Si une telle tragédie se produisait ici, d'après ce que nous avons pu constater à la suite des événements du 11 septembre, de nombreux autres pays seraient manifestement concernés aussi. C'est un problème mondial qui appelle une réponse collective et intégrée. Par conséquent, la question n'est pas de savoir quel est le degré de force ou de faiblesse du Canada mais plutôt de savoir si les pays démocratiques sont capables de réagir de concert. Une telle situation appelle une réaction collective.
La question est toutefois très pertinente. Il est très important que nous puissions y réagir. Je crois qu'en ce qui concerne la sécurité et les services policiers, les témoignages sont éloquents. Nous sommes un des chefs de file du monde. Le Canada demeure le pays le plus sûr et ce, en grande partie, grâce à des systèmes de collecte de renseignements et d'application de la loi très efficaces.
Le président: Une dernière question, Inky, puis nous délibérerons à huis clos.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez dit, monsieur le commissaire, il s'agit d'un problème mondial qui nécessite une collaboration à l'échelle planétaire. Est-il temps que la GRC et le SCRS aient des ramifications permanences à l'étranger?
Le président: Monsieur Elcock.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, nous avons déjà des agents de liaison dans divers pays. Trois d'entre eux seulement sont déclarés publiquement. La raison pour laquelle ils ne sont pas déclarés plus souvent est leur sécurité personnelle. Nous avons des agents dans divers pays qui assurent la liaison avec les agences étrangères et aident le ministère de l'Immigration. Quand nous faisons des opérations d'infiltration à l'étranger, nous utilisons des Canadiens. Nous ne faisons pas intervenir nos agents étrangers dans ces cas-là. Leur rôle consiste uniquement à assurer la liaison.
Le président: Avant que nous délibérions à huis clos, je voudrais faire un dernier commentaire. Je crois avoir déjà posé la question. Un des points que nous avons mis en évidence en ce qui concerne le système de détermination du statut de réfugié, ou même la division du projet de loi concernant l'immigration, est la section portant sur les interdictions de territoire, c'est-à-dire sur le système de présélection en ce qui concerne les réfugiés et les immigrants et en ce qui concerne les ressortissants étrangers, les visiteurs et les étudiants.
Je ne compte pas lire toutes les dispositions de cette section, mais je signale l'article 34 de la section 4. Une des dispositions qui répond en partie à la question qu'a posée M. Charbonneau dit:
-
34(1), Emportent interdiction de territoire pour raison de
sécurité les faits suivants:
-
a), être l'auteur d'actes d'espionnage ou se livrer à la
subversion
-
b), être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement
d'un gouvernement par la force;
-
c), se livrer au terrorisme;
-
d), constituer un danger pour la sécurité du Canada;
-
e), être l'auteur de tout acte de violence susceptible de mettre
en danger la vie ou la sécurité d'autrui au Canada;
—et voici la disposition capitale—
-
f), être membre d'une organisation dont il y a des motifs
raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'un
acte visé aux alinéas a), b) ou c).
• 1050
Je crois que ces dispositions vous laissent beaucoup plus de
latitude en matière de présélection, tant en ce qui concerne les
immigrants que les réfugiés.
Monsieur Elcock, je crois que vous avez dit que les agents d'exécution de la loi auront beaucoup plus de latitude et de flexibilité pour ce qui est de la mise en application de la loi, grâce aux modifications et à tout ce qu'elle représente maintenant.
M. Ward Elcock: En ce qui nous concerne, le seul service que nous offrons au ministère de l'Immigration est la vérification des renseignements et des recommandations. C'est à lui de prendre la décision d'après les renseignements que nous lui avons communiqués et d'après nos recommandations.
Le président: En ce qui concerne le risque et l'évaluation de sécurité?
M. Ward Elcock: Oui.
Le président: Bien.
Merci. Je dirais publiquement, si...
M. Inky Mark: Le commissaire pourrait-il répondre à cette question?
Le président: Non.
M. Inky Mark: La GRC devrait-elle avoir une ramification à l'étranger? Voilà la question que j'ai posée.
Le président: Je crois qu'il a déjà dit que c'était le cas.
M. Inky Mark: Non, pas en ce qui concerne la GRC.
Le président: Excusez-moi.
Comm. Giuliano Zaccardelli: Nous assurons une présence dans de nombreux pays, dans plus de 25 pays et nous couvrons tous les pays du globe par le biais de notre programme de liaison avec l'étranger.
Le président: C'est une question qu'il conviendrait peut-être de poser en privé.
Pourrais-je demander aux représentants des médias et aux personnes... Nous voulons siéger à huis clos pendant 15 ou 20 minutes.
Merci beaucoup.
[La séance se poursuit à huis clos]
• 1124
[La séance publique reprend]
Le président: Nous pourrions peut-être poursuivre la séance avec notre deuxième groupe de témoins. Je voudrais accueillir Peter Showler, président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, que nous connaissons déjà, et ses collaborateurs.
Monsieur Showler, je vous remercie d'être ici non seulement pour examiner à nouveau le projet de loi C-11, mais cette fois à la lumière des événements du 11 septembre, tel que nous l'avons adopté au mois de juin. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat. Nous espérons que le Sénat en aura bientôt terminé. Comme nous l'avons promis aux Canadiens, nous continuerons d'examiner les règlements.
À la suite de la tragédie du 11 septembre, je crois que nous tenons à examiner quelques-unes des mesures de sécurité prévues dans le projet de loi C-11, évaluer le rôle de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) dans le processus de détermination du statut de réfugié et examiner une fois de plus le projet de loi C-11, toujours à la lumière des événements du 11 septembre, pour voir si les dispositions qu'il contient sont suffisantes et si elles seraient efficaces dans une telle situation.
• 1125
Merci beaucoup, monsieur Showler. Vous aviez fait des
suggestions très utiles en ce qui concerne le projet de loi C-11.
Je crois que l'on a tenu compte de certaines des suggestions que
vous avez faites. Nous avons un produit fini de bien meilleure
qualité et cette mesure législative nous facilitera la tâche non
seulement dans le domaine de la sécurité mais aussi en ce qui
concerne l'évaluation des réfugiés et des immigrants.
Allez-y.
M. Peter Showler (président, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui.
Permettez-moi d'abord de vous présenter le directeur exécutif de la CISR, Mme Christiane Ouimet, qui se trouve à votre droite, ainsi que l'avocate générale principale, Mme Krista Daley. Mmes Ouimet et Daley m'aideront à répondre à vos questions après la présentation.
En raison du terme central précis des présentes audiences, qui est d'examiner les éléments liés à la sécurité du processus canadien d'immigration et de détermination du statut de réfugié, je vais d'abord commencer par vous donner un aperçu du rôle de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sous le régime du système actuel en matière réelle de protection du public canadien. Par la suite, je traiterai des améliorations au travail de la CISR qui découleront du projet de loi C-11.
Comme d'habitude, je vous ai donné une copie de mes commentaires. Mes remarques de vive voix seront toutefois beaucoup plus brèves.
[Traduction]
Étant donné que certains d'entre vous n'étaient pas encore là la dernière fois que j'ai témoigné, je vous donnerai d'abord un aperçu du rôle et de l'importance de la CISR.
La CISR est un tribunal quasi judiciaire; c'est le plus grand du Canada. Nous rendons des comptes au Parlement par l'intermédiaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Je rappelle que la CISR se compose de trois sections, ayant chacune un mandat distinct. La CISR rend plus de 50 000 décisions par année.
Son objectif général, pour les trois sections, est toujours de prendre des décisions éclairées en matière d'immigration avec efficacité, avec équité et en conformité de la loi.
Deux idées fausses très répandues sont que la CISR sélectionne les réfugiés de l'étranger et qu'elle renvoie des individus du Canada. Ce n'est pas du tout le cas. Ces deux responsabilités incombent à Citoyenneté et Immigration Canada.
[Français]
Au point de vue des questions de sécurité, je suis conscient que les questions portant sur la sécurité touchent particulièrement le comité, et j'aimerais en discuter maintenant.
D'abord, dans le processus canadien d'immigration et de détermination du statut de réfugié, la CISR joue un rôle essentiel en matière de sécurité. Par l'entremise de ses trois sections, la CISR effectue des examens des motifs de détention, émet des ordonnances en matière de détention, émet des mesures de renvoi, rend des décisions permettant d'exclure les criminels de guerre et les terroristes du processus de revendication du statut de réfugié et, finalement, confirme l'identité et la nationalité des revendicateurs.
J'aimerais maintenant décrire brièvement certaines des responsabilités en matière de sécurité pour chacune des sections.
[Traduction]
En ce qui concerne la Section d'arbitrage, les arbitres de la CISR décident qui devrait être autorisé à entrer au Canada et qui devrait être renvoyé. Lorsqu'une personne constitue un danger pour les Canadiens ou qu'elle se soustraira vraisemblablement à la procédure d'immigration, les arbitres examinent les motifs de détention et peuvent ordonner le maintien de la détention. Ils peuvent également ordonner le maintien en détention d'une personne détenue pour un contrôle d'identité ou parce qu'elle constitue un risque pour la sécurité.
Les arbitres peuvent prendre des ordonnances d'expulsion contre les criminels, les criminels de guerre, les personnes engagées dans des activités subversives, les terroristes et d'autres personnes indésirables décrites dans la Loi sur l'immigration. Citoyenneté et Immigration Canada a la responsabilité de mettre ces ordonnances à exécution.
En ce qui concerne la Section d'appel de l'immigration,
[Français]
le ministre a le pouvoir d'émettre un certificat de sécurité ou un avis de danger, ce qui enlève le droit d'appel d'une mesure de renvoi ou d'un refus de parrainage devant la SAI. Même si le droit d'appel a été préservé pour certaines personnes, ce droit d'appel sera fondé uniquement en droit, ce qui signifie que la CISR ne pourra pas examiner les motifs d'ordre humanitaire.
La Section du statut de réfugié, la SSR, peut décider d'exclure un revendicateur de la protection du statut de réfugié si les commissaires concluent qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un autre crime grave de droit commun avant de venir au Canada.
Contrairement aux autres sections, les membres de la SSR peuvent et cherchent à réunir des éléments de preuve supplémentaires. Je crois que c'est un point important pour vous. La préparation des cas en ce qui concerne toutes les demandes, et pas uniquement l'exclusion, comprend le rassemblement des recherches et des documents. Les commissaires peuvent demander à la GRC de faire une analyse judiciaire des documents. Ils peuvent essayer d'obtenir des renseignements précis sur le revendicateur par le biais de notre Programme de recherche et de documentation. Les revendicateurs du statut de réfugié sont interrogés de façon méticuleuse durant une audition complète quasi judiciaire. La seule petite exception concerne le programme expéditif. Si vous avez des questions à poser à ce sujet, je me ferai un plaisir d'y répondre.
Les membres de la SSR accordent beaucoup d'importance aux questions d'identité et de nationalité. Nous avons acquis beaucoup d'expertise en ce qui concerne les questions d'identité et les faux documents. Cet examen méticuleux est crucial et c'est ce qui permet à la Commission de prendre des décisions éclairées. Aucune décision de la Commission en ce qui concerne les réfugiés n'est rendue à la légère.
En ce qui concerne le projet de loi C-11, je voudrais faire quelques brefs commentaires sur ses aspects les plus importants et sur l'aide qu'il pourra apporter à la Commission. Monsieur le président, notamment en raison des observations que vous avez faites, je signalerai les dispositions qui assureront une plus grande sécurité aux Canadiens et celles qui accroîtront l'intégrité du processus.
Je parlerai d'abord de la Section d'arbitrage, qui deviendra la Section de l'immigration aux termes du présent projet de loi. Sous le régime de la loi actuellement en vigueur, diverses personnes peuvent être détenues pour des motifs de «risque de disparaître», c'est-à-dire qui se soustrairont vraisemblablement à la procédure ou parce qu'elles représentent un danger pour le public. Le troisième motif de détention, c'est-à-dire le contrôle d'identité ou le risque pour la sécurité, n'est valable actuellement que si la personne se trouve à un point d'entrée. Les dispositions du projet de loi C-11 permettront d'examiner et de détenir des personnes pour faire une vérification d'identité, que ce soit à un port d'entrée ou qu'elles soient déjà dans le pays.
Sous le régime du projet de loi C-11, le renvoi de criminels et de personnes qui représentent un danger pour la sécurité sera simplifié. Les arbitres auront plus de facilité à ordonner le renvoi de personnes qui présentent un risque pour la sécurité en ayant accès à des renseignements protégés—c'est-à-dire des renseignements de nature délicate. Sous le régime actuel, ils ne peuvent obtenir ces renseignements que par l'intermédiaire de la Cour fédérale. Par conséquent, cette disposition simplifiera le processus si les arbitres sont en mesure d'entendre ces renseignements ex parte, sans que la personne concernée soit nécessairement présente. Ils pourront les examiner et prendre les ordonnances appropriées, à l'instar de la Cour fédérale. Je considère que c'est une amélioration importante et que cela simplifie la système.
Parallèlement à cela, les arbitres auront en outre dorénavant davantage de pouvoirs de limiter l'accès public à leurs audiences et ce, en raison des renseignements de nature délicate qui pourraient y être divulgués. Par conséquent, au lieu de devoir passer par la Cour fédérale pour obtenir ces ordonnances de renvoi, les arbitres seront en mesure de prendre ces ordonnances en fonction de ces renseignements de nature délicate.
En ce qui concerne la Section d'appel de l'immigration, les améliorations en matière de sécurité seront les suivantes: sous le régime du projet de loi C-11, le droit de faire appel au sujet des mesures de renvoi sera retiré à certaines personnes, notamment aux criminels dangereux, aux membres du crime organisé et aux personnes qui constituent un danger pour la sécurité.
En outre, cette section peut également se prévaloir des dispositions de la loi pour protéger des renseignements pour des motifs de sécurité; ces dispositions lui fournissent également des motifs supplémentaires pour restreindre l'accès public aux audiences. La nouvelle loi aura pour effet d'accélérer la prise de décisions et le renvoi subséquent des personnes qui représentent un danger ou une menace pour la sécurité du Canada.
Un autre changement important qui ne concerne pas les questions de sécurité est que la section entendra les appels des personnes qui ont perdu le statut de résident permanent parce qu'elles ne répondent pas aux exigences canadiennes en matière de résidence.
En ce qui concerne la Section du statut de réfugié, qui deviendra la Section de la protection des réfugiés aux termes des dispositions du projet de loi C-11, le projet de loi renferme des dispositions restreignant la recevabilité d'une demande d'asile pour la déférer à la SSR lorsqu'un demandeur d'asile est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour grande criminalité. La ministre n'est plus tenue d'émettre un avis selon lequel le demandeur d'asile constitue un danger pour le public. Ces motifs suffiront pour exclure ce genre de personnes du processus. Par conséquent, l'éventail des personnes totalement exclues du processus sera élargi.
• 1135
Les demandes d'asile ne seront plus déférées lorsqu'un
demandeur d'asile est interdit de territoire pour criminalité
organisée ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux.
Le processus a également été simplifié en ce qui concerne les demandes réitérées. Elles ne seront plus traitées par la Commission si les demandeurs quittent le pays et reviennent ensuite. Aux termes du nouveau projet de loi, elles seront immédiatement soumises au processus d'évaluation des risques avant renvoi de CIC. La CISR n'examinera plus une deuxième demande.
Je voudrais en outre souligner quelques autres améliorations qui concernent le processus de détermination du statut de réfugié. Comme vous le savez probablement, le champ de compétence de la section a été élargi si bien qu'il inclut actuellement tous les motifs cumulatifs. C'était le but visé. Pour le moment, les seules décisions qui sont prises par la section concernent les revendications émanant de réfugiés au sens de la Convention. Dorénavant, ces décisions porteront non seulement sur les personnes considérées comme des réfugiés au sens de la Convention contre la torture mais aussi celles dont le cas est actuellement examiné par le bureau chargé de la révision postérieure des revendications refusées, c'est-à-dire de l'évaluation des risques avant le renvoi. En ce qui concerne les personnes dont la vie est toujours en danger ou qui sont exposées à des peines cruelles et extraordinaires, les décisions les concernant seront prises dorénavant en même temps devant la Commission.
La grande majorité des décisions de protection seront rendues par un seul commissaire, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ce changement permettra bien entendu à la Commission d'accroître son efficacité. Pour assurer un certain équilibre, une nouvelle section sera ajoutée, la Section d'appel des réfugiés devant laquelle tous les revendicateurs dont la demande a été rejetée et la ministre pourront interjeter appel des décisions rendues par la Section de la protection des réfugiés.
La SAR remplira deux fonctions différentes mais complémentaires. Elle examinera les décisions de la SPR sur le fond, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel. De la sorte, la SAR pourra corriger les erreurs commises par la SPR. Deuxièmement, cette section assurera la cohérence dans le processus décisionnel concernant les réfugiés en établissant une jurisprudence uniforme à l'échelle du pays en droit des réfugiés.
Ces modifications accroîtront l'efficacité du système de protection tout en permettant à la CISR de maintenir son engagement de rendre des décisions équitables.
En guise de conclusion, je voudrais signaler que la CISR s'efforce de rendre des décisions justes, efficaces et conformes à la loi. C'est notre mandat. C'est ce que nous espérons faire pendant cette période de transition et après l'adoption de la nouvelle loi par le Parlement.
Je tiens à insister sur ce point, en particulier dans le contexte des événements tragiques du 11 septembre, étant donné que le monde a changé. La CISR doit mener à bien sa mission et continuera de le faire en contribuant à la sécurité des Canadiens et à l'intégrité du système canadien d'immigration et de détermination du statut de réfugié, système qui est le reflet des valeurs fondamentales que chérissent les Canadiens, à savoir l'équité et la justice.
[Français]
Je tiens à vous remercier de m'avoir donné la possibilité de vous parler aujourd'hui. Mes collègues et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions. Je sais que le comité s'intéresse aux processus de détermination du statut de réfugié appliqués à l'extérieur du Canada. N'hésitez donc pas à me poser des questions à cet égard. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Showler. Je vous remercie d'avoir mis en évidence les dispositions du projet de loi C-11 qui sont nouvelles pour certains membres du comité et pour les Canadiens. C'est extrêmement utile parce que cela nous permet d'examiner tout particulièrement ces nouvelles dispositions et les changements qu'elles entraînent sur le plan de la sécurité et sur le mécanisme du nouveau système de détermination du statut de réfugié. Merci encore.
Je passe directement aux questions. Art.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici, mesdames et messieurs. Je suppose que vous n'êtes pas de simples commissaires mais que vous constituez la Commission. Est-ce bien cela?
M. Peter Showler: Il y a plus de 200 décideurs et par conséquent j'hésite à dire que nous constituons la Commission. Le président est également un décideur et il est très important qu'il rende des décisions.
M. Art Hanger: Bien.
Pour ma gouverne et celle de mes collègues, pouvez-vous dire qui choisit les membres de la Commission, les décideurs?
M. Peter Showler: Ils sont nommés par le Cabinet en ce qui concerne deux sections, la Section d'appel de l'immigration et la Section du statut de réfugié. En ce qui concerne la troisième section, les arbitres sont des fonctionnaires.
M. Art Hanger: Bien. Quels sont les critères de nomination?
M. Peter Showler: En ce qui concerne les deux premières sections, où les nominations sont faites par le gouverneur en conseil, les critères de base sont de posséder un diplôme universitaire ou l'équivalent et d'avoir cinq années d'expérience.
Il convient en outre de signaler l'existence d'un processus de sélection. Il est conduit par le comité consultatif ministériel, un comité de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il faut postuler. Il faut passer un examen écrit qui n'est pas un examen purement symbolique; il est extrêmement difficile. Environ la moitié des candidats échouent à l'examen écrit, y compris des avocats.
Le président: Cela ne m'étonne pas.
M. Jerry Pickard: Est-ce que c'est le fait que seulement la moitié des avocats réussissent l'examen qui ne vous étonne pas?
M. Peter Showler: En outre, il y a une entrevue très élaborée. Elle a été très méticuleusement préparée par des consultants, en fonction des valeurs que nous recherchons dans les décideurs. Il est mené par un des membres du comité consultatif ministériel. À la suite de l'entrevue—et après avoir déjà réussi l'examen, parce que si on ne le réussit pas, on est éliminé—, le comité examine les résultats de l'entrevue et vote. Selon la décision du comité, une recommandation est faite à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Environ deux tiers des candidats ne sont pas retenus; un tiers d'entre eux seulement sont recommandés. La ministre s'est engagée—et elle a entièrement respecté cet engagement—à ne nommer aucun candidat qui n'ait pas été recommandé par le comité. Ce processus permet d'établir la liste à partir de laquelle la ministre fait les recommandations et le Cabinet décide ensuite.
M. Art Hanger: C'est la ministre et le Cabinet qui décident quelles personnes feront partie de la réserve de recrutement.
Cette réserve est-elle constante? Est-ce que, quand on a réussi l'examen écrit, on fait partie de la réserve et on ne doit plus postuler à nouveau?
M. Peter Showler: Les candidats heureux restent dans la réserve de recrutement pour une période de deux ans. Ceux qui n'ont pas été nommés dans ce délai doivent nécessairement postuler à nouveau et fournir à nouveau des références.
Le président: Alors, on peut faire à nouveau partie de cette réserve.
M. Peter Showler: C'est bien cela.
M. Art Hanger: Bien. Est-ce que la connaissance de diverses régions du monde et des conflits en cours font partie des critères?
M. Peter Showler: Non. Les critères ne sont pas aussi étroitement liés aux fonctions. Par exemple, l'examen écrit ne porte pas sur des questions d'immigration et de réfugiés. Cet examen a pour but de permettre de déterminer quelles sont les aptitudes à réfléchir, à communiquer, à déceler les problèmes, à réunir très rapidement de nombreux faits et à tirer des conclusions; c'est le genre de qualités générales requises pour devenir commissaire. L'examen ne porte pas sur un sujet précis.
Le président: On pourrait par conséquent considérer cela—et ce sont de très bonnes questions—comme un test d'aptitude. Pourriez-vous expliquer rapidement en quoi consiste la formation que doivent suivre les postulants après avoir été choisis?
M. Peter Showler: Certainement.
J'ai un autre point intéressant à signaler. La loi exige que 10 p. 100 des personnes nommées soient des avocats alors qu'en fait environ 35 p. 100 des membres de la Commission sont des avocats.
Lorsqu'une personne est nommée, un programme de formation très intensif s'amorce dans de très brefs délais. Il commence par trois semaines de formation initiale. Le Canada est d'ailleurs renommé en matière de formation. On utilise nos programmes de formation et nos instructeurs pour la formation de juges dans plusieurs pays. On nous considère comme des champions mondiaux en matière de formation et j'en suis très fier.
Après cela débute un programme de formation personnalisée d'une durée de six mois, qui est extrêmement ciblé. Pendant la période où le nouveau commissaire siège comme membre en second, un conseiller et un moniteur en perfectionnement professionnel l'aident. En outre, un conseiller juridique suit les nouveaux membres de très près pendant qu'ils apprennent progressivement leur métier. Généralement, à la fin des six mois de formation, un examen et une évaluation de leurs aptitudes sont effectués. On détermine alors si le nouveau membre possède toute la compétence voulue pour être entièrement autonome et siéger parfois en l'absence d'un agent chargé des revendications de statut de réfugié.
Il s'agit d'un processus d'évaluation très élaboré et très structuré.
M. Art Hanger: Je crois que les membres peuvent venir témoigner avant la fin de leur période d'essai.
M. Peter Showler: Oui, ils le peuvent, en ce qui nous concerne.
M. Art Hanger: C'était le cas. Je suppose que cela n'a pas changé.
M. Peter Showler: Ils sont disponibles. Il est très peu fréquent que des membres soient convoqués devant votre comité mais c'est possible.
Le président: En fin de compte, c'est M. Showler que nous tenons responsable. C'est pourquoi il vient souvent lui-même. C'était toutefois une bonne idée de poser la question.
M. Art Hanger: Je m'en rends compte, monsieur le président, mais je sais que des membres de la CISR ont déjà témoigné et ont été interrogés sur leurs antécédents. Quelques-uns ont même démissionné en raison de leurs antécédents.
Vous êtes peut-être au courant de cela, monsieur Showler.
M. Peter Showler: Oui, je sais que cela s'est déjà produit. Il y a 20 ans que je suis à la Commission et depuis que je suis là, aucun commissaire n'a, à ma connaissance du moins, été convoqué devant ce comité.
M. Art Hanger: Ce fut le cas en 1994-1995. Il y a eu une série...
M. Peter Showler: Oui, je pense. Le processus de comité consultatif ministériel n'était pas encore en place à cette époque.
M. Art Hanger: Par conséquent, ce comité consultatif ministériel est un ajout.
M. Peter Showler: C'est exact.
M. Art Hanger: Est-ce un comité de surveillance?
M. Peter Showler: C'est un comité qui fait les recommandations dont je viens de parler. Les membres de ce comité font des recommandations à la ministre en ce qui concerne les nominations.
Le président: C'est une initiative libérale de plus.
M. Art Hanger: Ce peut être intéressant qu'un comité examine les candidats qui viennent s'ajouter à cette réserve de commissaires potentiels. C'est un ajout intéressant. Je ne suis pas en faveur des ajouts bureaucratiques mais c'est peut-être un avantage pour ce qui est de la structure globale... Je me pose la question.
Cela m'intéresserait de poser à nouveau des questions non seulement sur les compétences des membres potentiels de la CISR mais il y aurait peut-être une possibilité que nous convoquions un candidat avant la fin de sa période d'essai. Je sais que cela s'est déjà fait.
M. Peter Showler: Je pourrais peut-être donner des précisions. À propos de période d'essai, depuis deux ans, les nominations initiales... Le Cabinet peut évidemment nommer quelqu'un pour la période qu'il désire, jusqu'à un maximum de sept ans.
M. Art Hanger: Certainement.
M. Peter Showler: Cependant, depuis deux ans, les premières nominations sont d'une durée de deux ans seulement. Il s'agit d'une politique tacite qui répond aux désirs de la ministre. On considère que c'est un délai raisonnable qui permet aux candidats de suivre une période de formation personnalisée de six mois puis une période de formation sur le tas d'un an, qui leur permet de voir s'ils sont capables de remplir les fonctions.
Si leur nomination est reconfirmée, ce qui est la prérogative du Cabinet, ce serait normalement pour une période plus longue. De cette façon, on peut maintenir des personnes très compétentes dans leur poste pendant une période assez longue.
M. Art Hanger: Bien. C'est une amélioration.
Le président: Je signale pour votre gouverne que nous sommes autonomes. Nous avons le droit de convoquer toute personne nommée par décret mais pas avant la nomination proprement dite. Je me demande s'il serait juste de les convoquer vers la fin de la période de deux ans, juste avant que leur nomination soit reconfirmée.
M. Art Hanger: Non. Il y avait...
Le président: Il y a des lignes directrices. Cependant, en fin de compte...
M. Art Hanger: Le comité a déjà suivi ces lignes directrices.
Je voudrais en savoir plus au sujet du pouvoir accru de restreindre l'accès public pour la seule raison que des renseignements de nature délicate pourraient être divulgués pendant une audience à huis clos. C'est une décision que l'arbitre peut maintenant prendre.
M. Peter Showler: Oui, il le peut.
Actuellement, le public a accès aux audiences d'arbitrage concernant la révision des motifs de détention ou les renvois. Si des renseignements de nature très délicate devraient être divulgués en présence d'un arbitre, il serait peut-être nécessaire de déterminer ce que l'on considère comme une preuve et ce qui n'en est pas.
Il y a deux possibilités. La première, c'est que l'arbitre ait le pouvoir d'examiner des renseignements dont la nature n'est même pas révélée à la personne concernée. Comme je l'ai dit, ce n'est actuellement possible que devant la Cour fédérale, dans les cas concernant les présomptions de danger et les certificats de sécurité. Deuxièmement, il est peut-être inapproprié de rendre certains de ces renseignements accessibles au public. Le but est de s'assurer que les meilleures preuves soient présentées à l'arbitre, pour lui permettre de prendre une décision avec rapidité et efficacité.
Le président: C'est votre dernière question, monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Merci.
Si le SCRS compte transmettre des renseignements relatifs aux antécédents d'une personne dont le cas est devant un arbitre, il faudrait que celui-ci le sache. Ces renseignements seraient-ils communiqués directement à l'arbitre avant l'audience ou plutôt pendant l'audience?
M. Peter Showler: Je demanderais à mon avocat de répondre à cette question, parce que c'est une situation purement hypothétique, du fait que, actuellement...
M. Art Hanger: C'est...
M. Peter Showler: Cela ne nous est encore jamais arrivé.
Je laisserai le soin à Mme Daley de répondre.
Mme Krista Daley (avocat général principal, directeur, Services juridiques, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): D'après les dispositions du projet de loi—et je répète qu'il faudra encore établir les procédures—, si la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration veut que des renseignements soient divulgués pour les utiliser dans le contexte du processus d'arbitrage, ces renseignements devront être communiqués personnellement à l'arbitre et pas en public. La seule chose, c'est qu'on décide s'il convient de divulguer ces renseignements à la personne concernée. Selon la nature de cette décision, la ministre peut décider s'il faut utiliser les renseignements. Si l'on décide que les renseignements peuvent être utilisés, il semblerait qu'on en expose brièvement la teneur à la personne concernée.
Je répète que la plupart des procédures et... C'est un nouveau pouvoir conféré par le projet de loi C-11. Le projet de loi n'expose pas toute la procédure mais c'est en gros ainsi que cela se passera.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Donc, le SCRS a dit en quelque sorte que c'était une initiative très utile.
M. Art Hanger: Monsieur le président, puis-je poser une autre question? Je dois m'en aller tout de suite mais je voudrais encore poser une autre question.
Le président: Voulez-vous dire que si je ne vous en donne pas la permission, vous resterez encore quelque temps? Dans ce cas, je vous autorise à poser la question.
M. Art Hanger: Non, je m'en irai sans avoir posé ma question.
Merci.
Il y a une autre question qui se pose. Je sais quelle importance a l'accès public à ces audiences. Parfois, il est question de criminalité. Où s'arrête-t-on? C'est capital pour moi et probablement aussi pour le public. En effet, si l'arbitre estime que ce sont des renseignements de nature délicate et souhaite que personne ne les entende, le public est exclu. Je ne pense pas qu'il faille aller aussi loin que cela. Je voudrais savoir quels sont les dispositifs de contrôle.
M. Peter Showler: Je vous donnerai la réponse générale et Mme Daley vous donnera des renseignements plus précis.
D'une façon générale, toutes les décisions de la Commission, même s'il s'agit de décisions provisoires comme celles qui concernent l'accès public, sont des décisions prises pour des motifs précis, qui sont associés à la loi.
Je laisse à Mme Daley le soin de parler des dispositions fondamentales.
Mme Krista Daley: Je crois que cette question revêt deux aspects: les renseignements de nature délicate et l'exclusion du public des audiences. À mon avis, le projet de loi contient deux dispositions différentes. Il y a d'abord la question de la protection des renseignements, que je viens d'expliquer. Le SCRS et la GRC possèdent des renseignements de nature délicate; l'arbitre examine ces renseignements et décide ce qu'il doit en faire. Ces renseignements sont examinés au cours d'une audience à huis clos avec l'arbitre; c'est alors qu'ils sont divulgués.
L'autre aspect du projet de loi est l'accès public aux audiences en règle générale. Pour le moment, l'accès public aux audiences ne peut être refusé que s'il y a risque pour la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. En vertu des dispositions du projet de loi, des considérations concernant la sécurité nationale entreront également en ligne de compte. Par conséquent, il y a en fait deux sortes de considérations: les renseignements puis la question de savoir si la sécurité nationale risquerait d'être compromise.
M. Art Hanger: On n'a donc pas ajouté grand-chose, à part les considérations concernant la sécurité nationale.
M. Peter Showler: C'est bien cela. Je tiens toutefois à préciser que c'est très important. Nos arbitres nous signalent déjà que si CIC souhaite renvoyer quelqu'un et qu'il est au courant de renseignements de nature très délicate, il doit passer par la Cour fédérale. Les nouvelles dispositions permettent de communiquer directement les renseignements à l'arbitre. C'est important et...
Le président: C'est exactement le but que nous visions, d'après les témoignages que nous avions entendus. C'est donc une amélioration très utile.
M. Peter Showler: C'est bien cela.
Dans bien des cas, nos arbitres décident de ne pas poursuivre et d'emprunter une voie différente uniquement parce qu'ils hésitent à divulguer certains renseignements parce que le public y aurait accès ou qu'il y a des renseignements sur la personne concernée qu'ils ne tiennent pas à divulguer.
Je considère que ces nouvelles dispositions simplifient considérablement les procédures.
Le président: Des votes sont prévus de 12 h 30 à 12 h 45. Par conséquent, je voudrais terminer vers 12 h 30 ou 12 h 40. Nous ferons des tours de cinq minutes, si c'est possible.
Anita, puis Madeleine.
Mme Anita Neville: Merci, monsieur le président.
Monsieur Showler, vous savez peut-être qu'un voyage à Washington est prévu pour dans deux semaines. D'après les documents que nous lisons, ceux que nous recevons et les journaux, un grand nombre de demandeurs d'asile au Canada viennent par les États-Unis.
Nous avons reçu des documents mais je me demande si vous pourriez donner plus de précisions au sujet des différences entre le système américain de détermination du statut de réfugié et le nôtre. Si je comprends bien, le système américain comporte trois volets. Je voudrais que vous expliquiez les différences de manière très précise.
M. Peter Showler: Je peux vous donner des réponses générales. Il est probablement trop compliqué de donner des réponses très précises étant donné que le système américain est beaucoup plus compliqué que le nôtre.
Il serait peut-être préférable d'examiner d'abord le système canadien sous sa forme la plus simple, quoiqu'il soit déjà très simple.
Au Canada, la revendication doit être adressée à un agent d'immigration qui décide si la personne est admissible. Dans la plupart des cas, les revendications sont admissibles.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié décide ensuite si la personne concernée est un réfugié—ce qui inclut les éléments dont j'ai parlé. Elle peut exclure les revendicateurs pour les raisons que j'ai citées, comme des crimes contre l'humanité. En outre, la Commission peut confirmer qu'il s'agit d'un réfugié ou décider que la personne ne peut pas être considérée comme un réfugié pour d'autres motifs.
Après cela, le seul recours qui reste au revendicateur si sa demande est refusée, c'est une demande d'autorisation adressée à la Cour fédérale. Il s'agit d'une procédure d'appel extrêmement limitée. Elle est basée sur une autorisation. Donc, l'intéressé doit d'abord demander la permission—il doit demander si la cour est disposée à faire une révision judiciaire—et ensuite, le seul recours qui lui reste est cette révision judiciaire.
La révision judiciaire n'est pas un appel sur le fond; elle concerne uniquement les cas où la décision peut être renversée parce qu'il y a eu une erreur de droit, comme des constatations importantes quant aux faits, ou si des erreurs de justice naturelle ont été commises. C'est une révision très restreinte. L'étape suivante est une révision encore plus restreinte à la Cour d'appel fédérale.
Voilà en quoi consiste essentiellement le système canadien.
Aux États-Unis, où le système est beaucoup plus compliqué, des catégories différentes de revendicateurs ont été établies. Aux États-Unis, on fait notamment la distinction entre les revendicateurs qui sont en territoire américain et ceux qui sont à la frontière.
En ce qui concerne les revendicateurs qui sont déjà dans le pays, on vérifie s'ils ont déjà été résidents ou s'ils sont dans le pays depuis un an ou moins. S'ils sont là depuis plus d'un an, la revendication n'est pas examinée; elle est renvoyée directement à la cour de l'immigration. Si le revendicateur est dans le pays depuis moins d'un an, l'agent d'asile, qui est l'équivalent de notre agent d'immigration, peut examiner les faits au cours d'une entrevue et prendre une décision positive ou négative. Si la décision est positive, la personne peut être acceptée. Si elle est négative, son cas est renvoyé à la cour d'immigration.
En ce qui concerne une personne qui arrive à un point d'entrée, la situation est quelque peu différente. On décide si cette personne a des craintes plausibles. Dans la négative, on rejette immédiatement sa demande; environ 10 p. 100 des revendications sont rejetées pour cette raison. Sinon, les cas sont renvoyés à la cour d'immigration pour une audience en bonne et due forme. Ces audiences sont basées sur un processus accusatoire. Les deux parties ont un avocat et par conséquent, le gouvernement paie un avocat pour contester les revendications.
• 1200
Une des autres différences est que, dans le système américain,
le nombre de revendicateurs qui sont détenus est beaucoup plus
élevé que dans le nôtre. Si la cour d'immigration rend une décision
défavorable, le revendicateur a le droit de faire appel sur le fond
à une commission des appels en matière d'immigration. Le système
américain comprend par conséquent un deuxième palier et le délai
peut être très long. Certaines personnes—un très petit nombre mais
quelques-unes tout de même—restent en détention pendant cette
période. En outre, il y a aussi possibilité d'appel devant la Cour
fédérale. Les procédures d'appel aux divers paliers sont beaucoup
plus longues qu'au Canada.
Mme Anita Neville: Je me demande comment je pourrais formuler la question.
M. Peter Showler: J'espère que vous ne demanderez pas quel système est le plus efficace.
Mme Anita Neville: Cela m'est venu à l'esprit, bien entendu.
D'après vous, quelles améliorations pourraient être faites à l'un ou l'autre de ces deux systèmes pour faciliter la collaboration ou les harmoniser? Comme je l'ai déjà dit, un grand nombre des réfugiés qui arrivent au Canada viennent par les États- Unis.
M. Peter Showler: On m'a souvent demandé quelles améliorations pourraient être apportées au système canadien. On ne m'avait toutefois encore jamais demandé quelles améliorations pourraient être apportées au système américain.
Mme Anita Neville: Eh bien, parlons-en du point de vue du Canada.
M. Peter Showler: En fait, les réponses que je peux vous fournir sont restreintes. Il y a un projet de loi. Le rôle du président, comme chef d'un tribunal indépendant, est de conseiller la ministre et le gouvernement lorsque les propositions sont faites. Je peux parler de la façon la plus appropriée de procéder et des incidences possibles d'un changement de politique. Cependant, ce n'est pas mon rôle, et il serait déplacé de ma part de dire au gouvernement comment il doit procéder. Par conséquent, je ne peux pas vraiment vous en dire plus.
Mme Anita Neville: C'est bien.
[Français]
Le président: Madeleine.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
Dans la mesure où on reconnaît que la situation actuelle est liée à la sécurité et non à l'immigration, j'aimerais avoir votre point de vue. Compte tenu du contexte, croyez-vous que C-11, avec ce qu'il contient, deviendra une loi qui sera suffisante pour faire face à la réalité, ou si vous croyez qu'il devrait être modifié?
M. Peter Showler: Je vais vous donner la même réponse que celle que j'ai déjà donnée. Si c'est une question de politique du gouvernement au point de vue des évaluations, ce n'est pas à moi de faire des recommandations directes au gouvernement. Mon rôle est plutôt de vous expliquer l'efficacité ou l'effet de quelques changements qui sont pris en considération par le gouvernement et le ministre. Mon rôle n'est pas de les diriger vers certaines recommandations.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous me permettrez de dire que c'est une réponse qui n'est pas très concluante. Vous avez de l'expertise et de l'expérience, et j'ai de la misère à m'imaginer que vous ne pouvez pas être de bon conseil.
Voici ma deuxième question. À la suite des événements du 11 septembre, on a appris qu'il y avait des milliers et des milliers de personnes à qui on n'avait pas reconnu le statut de réfugié, qui auraient dû normalement être déportées quelque part sur la terre et dont on avait perdu la trace. Qu'est-ce qu'il vous faut pour faire appel à la GRC afin que les décisions de la commission soient respectées, et dans quelle proportion faites-vous appel à la GRC? Perdre des milliers de personnes, c'est gentil, mais c'est assez inquiétant aussi.
M. Peter Showler: Comme je l'ai déjà dit dans mes commentaires, le rôle du tribunal est de rendre des décisions. Quand la décision est prise, par exemple quand on décide qu'une personne est un réfugié au sens de la convention ou qu'au contraire, elle n'est pas a acceptée, cette décision est envoyée au ministère de l'Immigration. C'est ensuite la responsabilité du ministère de l'Immigration de commencer les procédures d'expulsion des personnes qui ne séjournent pas légalement au pays.
• 1205
Je dois dire que quelques personnes qui
ont revendiqué le statut dans le pays
sont ici légalement. Par exemple, ce sont des
étudiants ou autre chose. Franchement, la grande
majorité de ces personnes ne sont pas ici illégalement;
c'est-à-dire qu'elles ont déjà des ordonnances de renvoi
conditionnel, après qu'on a décidé de ne pas les
accepter. C'est une condition pour rendre
l'ordonnance efficace. À ce moment, on peut les
expulser, sauf si elles présentent à la Cour fédérale
une demande de révision ou de contrôle judiciaire.
Par la suite, ce n'est pas au tribunal
de continuer de suivre ces personnes.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: On parle actuellement dans les journaux du cas de deux jeunes Basques qui ont demandé le statut de réfugié. Je pense que leur cause n'a pas été entendue. Donc, on ne sait pas si ce sont des réfugiés, oui ou non. Leur pays d'origine, l'Espagne, a demandé l'extradition de ces jeunes.
Que faites-vous dans un cas comme celui-là? Est-ce que leur demande est toujours existante? Puisqu'ils ont fait l'objet d'une demande d'extradition, est-ce qu'on les renvoie dans leur pays? Compte tenu du fait qu'ils prétendent qu'ils vont être torturés, faites-vous une évaluation des risques avant renvoi même si l'Espagne a signé la Convention contre la torture, ou si vous estimez qu'il n'est pas nécessaire de faire une telle évaluation étant donné le fait que l'Espagne a signé la Convention contre la torture?
[Traduction]
M. Peter Showler: Cette question comporte divers aspects techniques et, par conséquent, je demanderais à mon avocat général d'y répondre.
Mme Krista Daley: Merci.
Le lien entre la procédure d'extradition et la procédure de détermination du statut de réfugié est le suivant: lorsque le tribunal reçoit un avis qu'un autre pays demande l'extradition, notre processus de détermination du statut de réfugié est suspendu jusqu'à ce qu'une décision ait été prise au sujet de la procédure d'extradition.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que cela libère le Canada des conventions internationales qu'il a signées, notamment la Convention contre la torture, qui stipule qu'une personne qui se trouve sur le territoire du Canada ne peut être expulsée sans qu'il y ait eu une évaluation des risques avant renvoi? Il y a le jugement de la Cour suprême, dont tout le monde se souvient, dans la cause de deux jeunes Américains.
[Traduction]
Mme Krista Daley: Je peux uniquement vous parler du point de vue du tribunal. D'après la loi, après avoir reçu l'avis concernant la procédure d'extradition, nous devons suspendre notre processus de détermination du statut de réfugié. Je ne sais pas quel type d'évaluation des risques serait faite; c'est une question qu'il faudrait probablement poser au ministère.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous le saurez.
Mme Krista Daley: Non, ce n'est pas le rôle du tribunal.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien. On va avoir plein de questions pour la ministre. Quatre heures de comparution?
Le président: Yvon.
M. Yvon Charbonneau: Je voudrais demander à M. le directeur de nous résumer les relations de son organisation avec la GRC et avec le SCRS. Dans quels cas vos membres font-ils appel à ces services? Êtes-vous satisfait du genre de services que vous recevez de ces gens, dans la mesure où vous faites affaire avec eux?
M. Peter Showler: Nos contacts principaux sont avec le ministère de l'Immigration, parce qu'il a normalement le contrôle de l'information. Souvent, nous savons qu'il fait des demandes aux autres services de sécurité, mais normalement, c'est par la voie du ministère de l'Immigration. Par ailleurs, le tribunal a souvent recours aux services médico-légaux de la GRC.
Par exemple, en ce qui concerne les documents, nous n'avons pas les services nécessaires et nous nous adressons par conséquent à la GRC pour un examen des documents que nous présumons être faux. Dans ces cas-là, c'est souvent une question de ressources et nous devons souvent prendre une décision en fonction de l'importance de ces renseignements et des délais d'attente, parce que, comme vous le savez, les services de la GRC sont débordés. Ces services sont incontestablement précieux pour nous. D'habitude, nous ne contactons pas directement d'autres services de sécurité, sauf dans ce genre de situation.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Voici une deuxième question. En ce qui a trait aux décisions qui se prennent concernant la détermination du statut de réfugié, après avoir examiné plusieurs sentences ou plusieurs jugements, j'en arrive à croire qu'il y a deux choses: tout tourne autour de la crédibilité du témoin et de la détermination du risque dans son pays d'origine.
Pour ce qui est de la crédibilité, j'ai vu des situations assez difficiles à croire, mais tout de même tout à fait réelles, à cause de problèmes d'interprétation. J'ai vu des décisions qui ont été rendues dans le cas de Libanais où l'interprétation avait été faite par des Arabes de l'Afrique du Nord. J'ai vu aussi un dossier d'un Tunisien où l'interprétation avait été faite par des personnes originaires du Liban. Connaissant assez bien les différences de vocabulaire et d'expression entre les divers pays, je sais qu'il existe des situations où l'on mine la crédibilité du témoin alors qu'il n'y est pour rien, parce que les termes utilisés par les uns et les autres sont assez différents, tout en étant de l'arabe.
Quand on fait affaire avec des gens peu scolarisés, comme ça a été le cas de la dernière vague de réfugiés libanais du sud peu scolarisés, qui vivent un très grand stress, qui ont été torturés souvent ou dont la famille l'a été, et qu'ils sont interrogés par des gens qui parlent l'arabe mais de manière assez différente d'eux, les commissaires peuvent conclure à un manque de crédibilité du témoin, ce qui n'est pas nécessairement le cas.
Est-ce que tous vos membres sont au courant de ces situations et en tiennent compte? Avez-vous des services d'interprétation appropriés pour tenir compte de ce genre de réalité qui affecte l'apparence de crédibilité des gens sans que ce soit fondé?
M. Peter Showler: Je suis très content que vous posiez cette question. C'est pour souligner la très grande difficulté de rendre des décisions dans les salles d'audience pour les questions de statut de réfugié.
[Traduction]
Vous parlez d'un problème d'interprétation auquel la Commission est constamment confrontée. Vous avez cité l'exemple des pays arabes. Le même problème se pose pour beaucoup d'autres pays. Les hispanophones sont très nombreux également. Les commissaires ont l'obligation d'être d'abord convaincus que l'interprète est capable d'exécuter cette tâche avec compétence. C'est pourquoi on pose toujours la question suivante au début des audiences aux revendicateurs: comprenez-vous l'interprète et l'interprète vous comprend-il? La même question est posée à l'interprète et c'est consigné dans les procès-verbaux.
La Commission a l'obligation de prendre des décisions rapides, efficaces et justes. Vous imaginez aisément les difficultés que cela représente parce que, dans un même pays, on parle parfois trois, quatre, voire cinq dialectes différents dérivés de la même langue. Il faut parfois faire venir quelqu'un de Montréal à Halifax par avion pour une audience. On pose toujours la question suivante dans la salle d'audience: le revendicateur et l'interprète sont-ils convaincus de se comprendre mutuellement? Il y a toujours des cas où le sens d'un ou deux mots est ambigu. Les décideurs en sont non seulement conscients mais ils ont aussi la formation voulue pour clarifier la situation. Dans ces cas-là, si cela pose des problèmes, nous suspendons l'audience pour trouver un interprète qui comprend. C'est un défi de taille et cela fait partie des difficultés de la tenue d'audiences pour les réfugiés.
Le président: Merci.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Est-ce que je peux...
[Traduction]
Le président: Non, je suis désolé.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Un dernier aspect.
[Traduction]
Le président: Je ne peux pas vous donner la permission. Je dois continuer.
Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Compte tenu des problèmes qui se posent depuis les événements du 11 septembre, je suppose que la CISR est soumise à toutes sortes de pressions et qu'on lui demande d'assumer des rôles et des responsabilités qui n'étaient pas prévus et qui ne sont pas souhaitables. Je suis particulièrement préoccupée au sujet de certaines déclarations indiquant que la CISR devrait se charger des poursuites au lieu d'avoir des fonctions strictement judiciaires.
• 1215
Si je comprends bien le système actuel, c'est le rôle de la
ministre de soumettre à la Commission des renseignements qui
suscitent des préoccupations sur le plan de la sécurité pour
qu'elle en tienne compte dans ses décisions. Vous examinez les deux
aspects du problème et prenez tous les faits en considération pour
rendre une décision. Il en est de même pour les arbitres, je
suppose. Est-ce bien cela?
M. Peter Showler: C'est bien cela.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je tenais à ce que ce soit précisé. Je voudrais savoir dans quelle mesure la ministre intervient, lorsque c'est nécessaire. Dans les cas où elle n'intervient pas, est-ce que vous sentez que des pressions sont exercées sur vous pour assumer cette responsabilité?
M. Peter Showler: Je tiens à préciser avant tout que le rôle de la Commission n'a pas changé depuis le 11 septembre. La loi n'a pas changé et son rôle non plus. Par conséquent, nous procédons comme nous l'avons toujours fait, c'est-à-dire que nous examinons au cours des audiences les éléments de preuve qui sont présentés et nous rendons une décision en en tenant compte, qu'il s'agisse d'exclusion ou de décider si la personne concernée a fait une revendication admissible. À cet égard, rien n'a changé.
Par ailleurs, à la suite de ces événements, des éléments de preuve différents peuvent maintenant être pris en considération. Il est encore trop tôt pour dire si la ministre interviendra dans un plus grand nombre de cas qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent parce qu'il est difficile de trouver des chiffres à ce sujet. Nous le saurons peut-être dans un mois environ. Elle a toutefois, bien entendu, le droit de le faire.
Sous le régime de la loi actuelle et de nos politiques et procédures actuelles, si nous obtenons, dans le cadre de la préparation, voire en cours d'audience, des renseignements suscitant des préoccupations qui sont de nature à nous pousser à envisager l'exclusion, nous avons le pouvoir de suspendre l'audience ou, avant l'audience, de mettre la ministre au courant de ces renseignements et de lui donner l'occasion de témoigner. Le rôle de la Commission n'a toutefois pas changé; il consiste à rendre des décisions impartiales dans des dossiers concernant des réfugiés, en se basant sur des preuves et sur des faits.
Par ailleurs, si une personne a des liens avec certains types d'organisations dont les activités ont été portées à l'attention du public depuis le 11 septembre, il est un fait que... On examinerait ces faits sous un angle différent qu'on ne l'aurait fait avant le 11 septembre.
Le président: Merci.
Inky.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir accepté de revenir ici. Il ne fait aucun doute que la CISR a un rôle important à jouer mais il reste que c'est un instrument de favoritisme politique. Au cours du processus d'examen du projet de loi C-11, l'opposition a présenté de nombreux amendements qui auraient considérablement amélioré le processus de sélection de la CISR.
Je voulais vous poser une question à propos de l'expulsion, mais ce n'est pas votre rôle. Je voulais aussi vous en poser une sur les renvois à la CISR, mais c'est le rôle de CIC. Par conséquent, je n'ai pas beaucoup de latitude pour vous poser des questions sur...
Le président: Dans ce cas, merci beaucoup.
M. Inky Mark: Je voudrais toutefois que vous fassiez des commentaires sur un article écrit par M. Luciuk, un ex-membre de la CISR, où il a fait des allégations au sujet de la malhonnêteté des demandeurs ainsi qu'au sujet du système de contingentement auquel est soumise la CISR.
M. Peter Showler: Merci pour la question. Je me ferai un plaisir d'y répondre.
J'ai lu en effet l'article de M. Luciuk. Ses insinuations sont entièrement fausses. D'une part, nous sommes très fiers de la qualité des décisions que nous rendons. Je vous ai déjà décrit une partie du processus mais je vous assure que nous avons d'excellents experts à la Commission. Nous sommes parvenus à ce résultat parce que nos agents chargés des demandes d'asile et nos membres sont spécialisés dans divers pays. Ils examinent des dizaines et des dizaines de cas de ressortissants de divers pays. Ils connaissent ces pays. Ils sont en mesure de faire la distinction entre les revendications qui sont justifiées et celles qui ne le sont pas, d'après le profil des revendicateurs.
Les preuves documentaires déposées dans le cadre de nos audiences sont ce qu'il y a de mieux. Tous les services de détermination du statut de réfugié des autres pays consultent notre centre de documentation pour obtenir des renseignements. Aucun d'entre eux n'a des renseignements aussi précis que ceux que nous avons dans tous ces dossiers. À vrai dire, nos décideurs ont reçu une excellente formation.
• 1220
Je reconnais que certaines personnes ne sont peut-être pas
entièrement satisfaites du processus de nomination mais la
formation de nos décideurs dans leur spécialité est très complète.
Par ailleurs, il s'agit de décisions très difficiles à prendre. La perception que la plupart de ces décisions vont de soi est à mon sens entièrement erronée. Ce n'est que dans quelques cas que le caractère positif ou négatif d'une revendication saute aux yeux. Dans la plupart des cas, la difficulté est de faire un tri minutieux des faits. Il ne faut pas oublier non plus que les problèmes d'interprétation que l'un d'entre vous vient de signaler sont courants.
Les membres de la Commission sont très compétents. Pour être franc, j'estime que cet article est très méprisant à l'égard de la Commission, du gouvernement du Canada et des vrais réfugiés, et qu'il porte atteinte à leur réputation.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur Showler, il faudra que nous préparions une réponse. Nous arriverons peut-être à la faire publier dans un des journaux.
M. Peter Showler: Si vous ne le faites pas, c'est nous qui le ferons.
Le président: Vous avez entièrement raison. J'ai trouvé cet article très irresponsable et très choquant. C'est toutefois un des aspects positifs de la démocratie: on peut avoir des divergences d'opinions, comme dans le cas de Inky, qui a déclaré que ses amendements auraient permis d'améliorer considérablement le projet de loi...
M. Inky Mark: Cela ne fait pas le moindre doute, monsieur le président.
Le président: Malheureusement, dans un régime démocratique, c'est parfois l'avis de la majorité qui l'emporte.
Lynne.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Je me demande quels sont les arriérés. Quel est le nombre de dossiers en souffrance? J'ai cru comprendre qu'il y a un grand nombre de demandes en souffrance à examiner. Combien?
M. Peter Showler: En ce qui concerne la seule Section du statut de réfugié, le nombre de revendications sur lesquelles aucune décision n'a encore été prise s'élève à environ 35 000.
Comme je l'ai déjà dit—et j'ai été très franc à ce sujet—, nous avons accru considérablement l'efficacité de nos processus au cours des deux dernières années et le nombre de demandes traitées a augmenté d'environ 8 p. 100 au cours de la dernière année. Les arriérés sont dus notamment à un manque de ressources. Lorsque le nombre de revendications de statut de réfugié augmente, il faudrait que les ressources augmentent proportionnellement. Le nombre de dossiers sur lesquels nous devons rendre une décision s'élève actuellement à environ 35 000. L'année dernière, nous avons rendu une décision sur un peu moins de 30 000 dossiers; cela représente donc la capacité actuelle de la Commission.
Le président: Compte tenu du fait que nous voudrions que vous rendiez vos décisions dans des délais plus brefs, par souci d'équité—non seulement à l'égard des demandeurs mais aussi pour permettre au système de régler ces questions en moins d'un an... Je crois que nous avons déjà discuté de la question des ressources. Nous espérons que la CISR recevra les fonds nécessaires.
Avez-vous une deuxième question?
Mme Lynne Yelich: Je me demandais si nous avons recommandé à la ministre d'investir davantage de fonds à l'étranger. Des ressources supplémentaires et des employés plus instruits sont nécessaires. Je pense qu'il faudrait recruter des employés plus instruits et disposer de meilleures ressources à l'étranger, comme c'est le cas au Canada. Il me semble que dans ma circonscription et dans bien d'autres, on considère qu'il y a de gros problèmes au niveau du recrutement sur place fait par nos ambassades à l'étranger. Je me demande s'il ne faudrait pas recommander à la ministre de consacrer une partie de votre budget à l'affectation de quelques employés à l'étranger, de sorte qu'il y ait des commissaires sur place, au lieu de prendre beaucoup d'expansion et de faire venir des gens de Montréal à Halifax par avion. Je me demande si ce ne serait pas une bonne idée.
M. Peter Showler: Comme je l'ai expliqué au début de mon exposé, c'est une erreur de perception. La Commission est uniquement chargée des revendications qui sont faites au Canada; nous n'avons aucune responsabilité en ce qui concerne la détermination du statut de réfugié à l'étranger. Je signale toutefois que, d'après les statistiques du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, environ 13 millions de réfugiés ont fait une demande d'asile à l'étranger. C'est une tâche colossale.
Le président: Ce problème peut concerner la ministre dans le contexte de nos programmes à l'étranger.
Mme Lynne Yelich: Oui, c'est ce que je pense.
Pensez-vous que le principe du refuge sûr soit mis suffisamment en application dans le cadre des décisions? Il est un fait connu que de nombreuses personnes qui viennent au Canada pour y trouver un refuge sûr sont censées aller dans le premier pays sûr pour la détermination du statut de réfugié. Je me demande donc si ce principe est mis en application avec suffisamment de rigueur.
M. Peter Showler: Sous le régime actuel, s'il s'agit d'un pays avec lequel le Canada a passé un accord, on a le pouvoir de renvoyer les revendicateurs dans ce pays. Jusqu'à présent, aucun pays ne se trouve sur cette liste des pays tiers sûrs. Sauf si des accords bilatéraux ont été conclus mais il est très difficile de prendre de tels accords. Cette question relève essentiellement, elle aussi, du ministère de l'Immigration.
Le président: Je poserai encore une question à ce sujet, puis nous passerons aux deux dernières questions.
C'est un autre mythe. En fait, 21 000 personnes revendiquant le statut de réfugié sont venues au Canada par les États-Unis. Les États-Unis ont l'habitude de dire que nous sommes la cause du problème mais c'est en réalité le contraire, étant donné que 21 000 demandeurs du statut de réfugié sont venus au Canada par les États- Unis.
Ce ne sont pas des réfugiés américains; ils sont nécessairement venus d'un autre pays et souhaitent s'établir au Canada. La plupart de ces demandes ont été rejetées.
Pour votre gouverne, puisque nous répondons à la question de Mme Yelich concernant les pays sûrs... Lorsque ces personnes sont refusées, elles sont renvoyées aux États-Unis parce que c'est de là qu'elles ont fait leur demande; pourriez-vous toutefois établir un profil sans entrer dans des considérations trop personnelles?
Donc, 21 000 étrangers voulaient venir au Canada par les États-Unis. Je suis sûr que vous en avez entendu parler. Pourquoi veulent-ils venir ici? Est-ce parce qu'ils n'aiment pas les États- Unis? De toute évidence, ils utilisent ce chemin pour venir au Canada alors que les Américains pensent qu'ils sont passés par le Canada pour aller aux chez eux.
M. Peter Showler: Les raisons sont nombreuses et certaines sont hypothétiques mais il est incontestable que le régime des visas en est une—autrement dit, il s'agit des différences entre le système canadien et le système américain en ce qui concerne l'octroi des visas accordés aux ressortissants de divers pays. Dans certains cas, l'accès aux États-Unis est plus facile parce qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir un visa et dans d'autres—comme dans celui des demandeurs originaires de l'Argentine—on arrive à obtenir un visa américain alors qu'on n'a pas pu obtenir un visa canadien.
En outre, le Canada a un programme d'interdiction à l'étranger. Ce programme ne relève pas de la CISR mais c'est un programme modèle en vertu duquel on n'autorise pas certaines personnes à monter dans un avion à destination du Canada, même si elles ont un billet d'avion. Il n'y a pas de programme comparable aux États-Unis. Par conséquent, l'accès aux États-Unis est plus facile qu'au Canada.
Le président: Ce sont des renseignements utiles mais quelle est la nature de la revendication des personnes qui viennent par les États-Unis? Pourquoi veulent-elles s'établir au Canada? De toute évidence, elles essaient d'échapper à la persécution dans leur pays d'origine. Est-ce parce qu'on leur a refusé le statut de réfugié aux États-Unis qu'elles essaient de s'établir au Canada?
M. Peter Showler: Non. La plupart de ces personnes n'ont pas fait de demande aux États-Unis. C'est le cas de la très grande majorité d'entre elles.
Certaines d'entre elles veulent venir au Canada pour des motifs personnels, parce qu'elles ont de la famille ici par exemple. Dans d'autres cas, surtout si elles sont francophones, quand elles cherchent un pays d'asile, elles ont l'impression que le Canada est préférable aux États-Unis. C'est pour diverses raisons de ce genre.
Elles pensent peut-être aussi qu'elles ont de meilleures chances au Canada qu'aux États-Unis bien que je dirais—et c'est une chose dont on a déjà discuté—que si l'on considère toutes les possibilités d'obtenir le droit de protection ou le droit d'asile, le Canada est choisi principalement parce que les décisions concernant le statut de réfugié sont fondées sur la Convention. D'autres paliers d'examen et d'autres moyens de rester sont en place aux États-Unis. Les possibilités de rester sont de 58 p. 100 au Canada et de 52 p. 100 aux États-Unis. Elles sont pratiquement égales. Par conséquent, les raisons pour lesquelles ces personnes veulent s'établir au Canada sont nombreuses mais d'après les profils, on constate que c'est souvent une question de préférences personnelles. Ce n'est certainement parce que le Canada a une politique radicalement différente de la politique américaine en matière de réfugiés.
Mme Lynne Yelich: Selon ce principe, il y aurait 21 000 demandeurs de moins sur les 35 000 ou ce sont les États-Unis qui auraient ce problème.
Je me pose des questions au sujet des arriérés. Le nombre de demandes en souffrance est considérable. Si l'on appliquait ce principe, le nombre de dossiers en souffrance serait beaucoup moins élevé.
M. Peter Showler: C'est exact, mais si ces personnes allaient aux États-Unis en passant par le Canada, elles seraient quand même susceptibles de présenter une demande.
• 1230
Il y a par ailleurs un autre aspect qu'il est bon que vous
connaissiez. D'après les statistiques concernant les mouvements de
réfugiés, pas seulement aux États-Unis mais à l'échelle mondiale,
le Canada est dans une situation comparable aux autres pays.
Pendant la plus grande partie des années 90, le Canada a accueilli
environ 25 000 personnes, jusqu'en 1997. Depuis 1997, le nombre de
réfugiés a augmenté. Cependant, la plupart des autres pays
développés qui accueillent des réfugiés, surtout ceux de l'Union
européenne, l'Australie, et les États-Unis, ont connu des
augmentations comparables depuis le milieu des années 90. Jusqu'à
l'année dernière, l'augmentation a été comparable a ce qu'elle a
été dans les pays du bloc européen, soit environ 7 ou 8 p. 100.
En toute sincérité, je pense que l'augmentation du nombre de revendications du statut de réfugié est due principalement à la mondialisation. Par conséquent, cette augmentation est à peu près la même dans tous les pays développés. Le cas du Canada n'est pas unique.
Parfois, des événements ponctuels entraînent un accroissement. Ainsi, la guerre civile en Yougoslavie a entraîné un accroissement considérable du nombre de demandes d'asile dans plusieurs pays. D'une façon générale, l'augmentation est à peu près la même en ce qui concerne le Canada qu'en ce qui concerne divers autres pays. Je signale qu'au cours des trois dernières années où le nombre a considérablement augmenté au Canada, l'augmentation a été encore plus forte dans neuf pays européens.
Le président: Bien. Roy, puis Jerry.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier les témoins.
Je ne sais pas de combien de temps nous disposons encore mais en ce qui concerne la composition de la Commission, je voudrais enchaîner sur les commentaires de M. Charbonneau.
J'ai assisté à une audience de la CISR et la crédibilité des témoins était systématiquement mise en doute. Cela n'avait rien à voir avec la législation en matière d'immigration. J'ai dit à plusieurs ministres de l'Immigration qu'il faudrait quelques citoyens ordinaires au sein de ces commissions, des gens qui ont les cheveux gris, qui sont capables de savoir, rien qu'en regardant quelqu'un dans les yeux, si les arguments sont plausibles, plutôt qu'une flopée d'avocats spécialisés en immigration, sans vouloir froisser qui que ce soit. Je me sens soulagé de l'avoir dit.
En ce qui concerne les arriérés, j'estime que c'est un gros problème. La plupart des Canadiens auraient tendance à appuyer une politique progressiste en matière de réfugiés et, si ce n'est pas le cas, ils n'auront qu'à élire quelqu'un d'autre que moi. La difficulté est de passer devant la Commission. Je sais que des ressources supplémentaires ont été débloquées dans le budget de l'an 2000. Vous avez parlé d'une augmentation de 8 p. 100.
Cela se produit constamment. Entre leur arrivée et leur passage devant la Commission, un délai d'un an et demi s'écoule. Quand leur demande est rejetée et qu'ils font appel, un autre délai d'un an et demi s'y ajoute. Entre-temps, ils se sont mariés, ont un emploi et des enfants et alors, des considérations humanitaires et diverses autres considérations entrent en ligne de compte. Je pense que ce n'est pas une bonne façon de mener sa barque.
Y a-t-il un lien direct entre les ressources et la rapidité du processus décisionnel? Le problème ne serait-il pas plutôt dû à une baisse de rendement? Autrement dit, quel objectif vous semblerait réaliste en matière de raccourcissement du délai? Pourriez-vous le ramener à un ou deux mois, à trois ou quatre mois ou encore à six mois et, dans ce cas, quelles ressources seraient nécessaires pour atteindre cet objectif?
M. Peter Showler: Le délai de traitement actuel des demandes d'asile est d'un peu plus de 10 mois, en ce qui concerne la Commission. Nous l'avons ramené de 13 mois à 10 mois au cours des dernières années. Nous aimerions le raccourcir davantage mais à cause de l'augmentation actuelle du nombre de revendicateurs, nous ne sommes pas en mesure de le faire. Nos ressources n'ont pas été augmentées de 8 p. 100. Est-ce bien là ce que vous vouliez savoir?
M. Roy Cullen: J'avais peut-être mal compris. Vous avez parlé de 8 p. 100...
Le président: Il s'agit de l'augmentation du nombre de demandeurs.
M. Peter Showler: Du nombre de demandeurs d'asile.
M. Roy Cullen: Oh, c'était l'augmentation du nombre de demandeurs!
De quelles ressources disposez-vous...
M. Peter Showler: Nous en discutons actuellement avec les organismes centraux, notamment avec le Conseil du Trésor. Nous avons porté la question à son attention et nous avons signalé que les délais de traitement augmenteraient à coup sûr si nous ne recevions pas des ressources supplémentaires. Idéalement, nous voudrions réduire davantage les délais mais il faudrait pour cela accroître les ressources. Nous sommes précisément en train d'en discuter.
M. Roy Cullen: Je sais que dans le budget de l'an 2000, des ressources supplémentaires ont été mises à la disposition du ministère à cette fin. Par conséquent, si ces fonds s'égarent en route, il serait utile...
Le président: Vous auriez peut-être intérêt à poser cette question à la ministre mais des crédits supplémentaires ont effectivement été accordés au ministère de l'Immigration. Que ces fonds aient été donnés à la CISR ou non, je sais que la ministre et que le comité voulaient que les délais soient ramenés de dix mois à six mois. Je crois que c'est dont il a été question. Étant donné l'accroissement du nombre de demandeurs et les ressources supplémentaires qui seraient nécessaires, je crois que cela prendra beaucoup de temps.
M. Peter Showler: Nous avons un budget distinct. Nous faisons partie du même portefeuille mais il s'agit d'un processus budgétaire distinct. Nous essayons d'obtenir les ressources nécessaires. Nous espérons y arriver mais jusqu'à présent, nous n'avons eu aucune confirmation quant à la nature de ces ressources.
M. Roy Cullen: Puis-je poser une toute petite question?
Le président: Une question supplémentaire.
M. Roy Cullen: Je trouve que c'est parfois choquant de voir qu'une personne qui prétend être réfugiée—cela pourrait être une femme qui a vécu en Iran dans des circonstances très pénibles—s'adresse à une de nos missions en Europe et qu'un employé de l'Immigration de la mission décide que cette personne n'est pas un réfugié.
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Je crois que le système comporte des lacunes. Je ne vois pas
pourquoi un agent d'immigration d'une mission à l'étranger a le
pouvoir de dire que la situation n'est pas grave dans un pays comme
l'Iran ou l'Irak et de refuser d'examiner la demande d'asile.
Pourquoi ces personnes ne peuvent-elles pas obtenir une audience
devant la CISR?
M. Peter Showler: Parce qu'elles sont à l'étranger.
Le président: Il est pourtant ici.
M. Roy Cullen: Je connais le système. C'est le principe. Comment un employé d'immigration peut-il affirmer qu'il est compétent pour prendre une telle décision et qu'il est au courant de tout ce qui se passe en Iran?
Le président: C'est une question parfaite pour la ministre, Roy. Je la réserverai pour quand elle sera ici. Vous pourriez peut- être poser la question au ministère.
Jerry, une dernière question.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Une seule question, c'est bien peu. Je voudrais toutefois axer principalement ma question sur le projet de loi C-11 et sur la sécurité.
Il me semble que certains des changements apportés par l'intermédiaire du projet de loi C-11 vous aideront à prendre une décision plus rapidement. Vous avez maintenant accès à divers types de renseignements auxquels vous n'aviez pas accès. J'espère que ça permettra d'accélérer le traitement de certains dossiers.
Je me rends compte que les renseignements constituent probablement un des principaux éléments qui vous permettront d'accomplir votre tâche, sans accumuler un arriéré de 30 000 dossiers, et d'accélérer le processus. De toute évidence, les ressources ne permettront pas de résoudre tous les problèmes. Il faut à mon avis faire d'autres recommandations ou entreprendre d'autres initiatives pour accélérer le processus.
De quels types de recommandations, de renseignements et de ressources avez-vous besoin pour rattraper le retard de façon plus efficace et plus rapide? Nous devons savoir quels sont les outils dont vous avez besoin pour remplir vos fonctions. C'est bien beau de dire que l'on a besoin de fonds, mais vous savez très bien que cela ne suffit pas. Il faut que de nombreux autres facteurs se conjuguent pour améliorer la situation. Le projet de loi C-11 contient-il certains des éléments nécessaires? Recommanderiez-vous d'autres éléments qui vous permettraient d'accomplir votre tâche plus rapidement, de façon plus efficace et de façon plus rentable?
M. Peter Showler: J'ai déjà parlé de certains des changements susceptibles de nous aider. Le premier est, bien entendu, la possibilité que la décision soit prise par un seul commissaire.
M. Jerry Pickard: Oui.
M. Peter Showler: Comme je l'ai déjà dit, cela fait une grosse différence par rapport aux dispositions précédentes qui nécessitaient la présence de deux commissaires. Ce changement nous aidera à accélérer considérablement le processus.
Je sais en effet que l'obtention de fonds supplémentaires ne suffit pas. Par contre, quand le nouveau système basé sur un seul commissaire sera en vigueur, nous aurons certainement besoin de ressources supplémentaires, notamment d'agents chargés des revendications. Nous en avons fait part au gouvernement.
Quand les décisions seront prises par un seul commissaire, nos membres auront certainement besoin de divers mécanismes de soutien et de soutien supplémentaire. Ce sera peut-être une question de ressources. Nous essaierons de recruter des agents supplémentaires qui pourront traiter les renseignements présentés à nos décideurs.
M. Jerry Pickard: S'agit-il de bureaux et d'agents supplémentaires ou uniquement de locaux supplémentaires?
M. Peter Showler: Il s'agit d'agents chargés des revendications.
Actuellement, nos audiences ne sont pas fondées sur un système accusatoire. On ne fait pas appel à un avocat chargé de contester la demande. Dans la plupart des tribunaux, les deux parties ont un avocat. Nos audiences en ce qui concerne les réfugiés sont des audiences qui ne sont pas fondées sur un système accusatoire ou inquisitoire, dans le sens positif du terme et pas dans le sens traditionnel. Il s'agit tout simplement d'un système qui a pour but d'essayer d'obtenir tous les renseignements nécessaires pour prendre la décision la plus éclairée.
Pour cela, si les décisions sont prises par un seul membre, il sera utile de recruter des agents supplémentaires afin d'avoir à sa disposition les meilleurs renseignements pendant l'audience et d'assurer l'efficacité du système. Nous avons toujours été convaincus que nous avions besoin de renseignements solides pour l'audience.
En ce qui concerne la question de la sécurité, ce sont les agents chargés des revendications qui communiquent avec le ministère de l'Immigration s'il y a des problèmes à signaler, ou pour obtenir des renseignements. C'est le cas également en ce qui concerne les demandes de renseignements précis sur tel ou tel revendicateur. Cela revient toujours à une question de ressources. Les ressources permettent d'obtenir ce genre de renseignements plus rapidement et de façon plus efficace pour l'audience.
M. Jerry Pickard: Le projet de loi C-11 comporte certains changements qui, espérons-le, seront bientôt mis en oeuvre. Nous attendons impatiemment une réduction de cet arriéré de neuf mois. Nous attendons impatiemment que l'on ramène le nombre de demandes en souffrance, qui est de 30 000, à un niveau raisonnable. De toute évidence, tous ces changements devraient permettre de réaliser des économies, d'accroître le rendement et ils devraient apporter d'autres améliorations. J'ai entendu dire qu'il faudra des bureaux supplémentaires.
Ne faudra-t-il pas envisager d'autres améliorations que celles qui se trouvent dans le projet de loi C-11 et prévoir des bureaux supplémentaires? La GRC et la ministre ont dit que la circulation de l'information sera nettement améliorée. C'est ce que vous avez dit également.
M. Peter Showler: C'est bien cela. Les agents chargés des revendications ont pour tâche de s'assurer que nous posons les questions pertinentes et que l'information est transmise efficacement aux salles d'audience. Ce n'est pas uniquement une question de bureaux. Ce sont eux qui sont chargés de transmettre l'information à nos décideurs.
M. Jerry Pickard: La circulation de l'information n'est-elle pas efficace pour le moment?
Le président: Elle est un peu lente.
M. Jerry Pickard: J'accorde beaucoup d'importance à ce qui se dit ici à mots couverts.
M. Peter Showler: Oui.
M. Jerry Pickard: Ainsi, l'information ne circule pas très bien actuellement.
M. Peter Showler: Elle pourrait circuler plus rapidement. La difficulté pour la Commission est de veiller à ce que, après avoir demandé des renseignements, ils soient transmis rapidement aux salles d'audience. Ce sont des ressources qui sont nécessaires pour assurer la qualité et l'efficacité du processus décisionnel, surtout quand les décisions seront prises par un seul commissaire au lieu de deux. J'espère sincèrement que nous obtiendrons les ressources nécessaires.
Le président: Je suis certain que vous ne manquerez pas de poser cette question à la ministre jeudi prochain.
Je remercie les témoins pour leur participation. Merci pour les renseignements que vous avez donnés.
Je sais que le but était de vous demander si vous aviez des opinions au sujet du projet de loi C-11. En ce qui concerne les audiences sur le processus de détermination du statut de réfugié, et même au cours des audiences sur le projet de loi C-31 et le projet de loi C-11, vous avez fait des recommandations très pertinentes et avez donné des renseignements très utiles. J'espère que cela transparaît dans le projet de loi C-11.
Je vous félicite pour les efforts que vous déployez pour prendre, avec l'aide de vos agents, des décisions qui sont très difficiles à prendre à cause des considérations humanitaires. Je voudrais pouvoir croire que notre système est un des meilleurs qui soient. C'est ce qu'on nous a dit du moins. Je pense que nous l'avons effectivement amélioré. Nous avons toutefois d'autres défis à relever. Je remercie du fond du coeur tous nos témoins, ainsi que les membres de la CISR, pour tout ce qu'ils font pour le Canada.
Notre prochaine réunion aura lieu la semaine prochaine. La séance est levée.