CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 4 février 2002
¹ | 1535 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
Mme Avvy Go (représentante, Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy) |
¹ | 1540 |
Le président |
Mme Judith Kumin (déléguée pour le Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
Le greffier du Comité |
Le président |
M. Cres Pascucci (président national, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada) |
¹ | 1555 |
Le président |
Mme Janina Lebon (vice-présidente nationale, Ontario, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada) |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Avvy Go |
º | 1600 |
Le président |
Mme Judith Kumin |
M. Paul Forseth |
Mme Judith Kumin |
º | 1605 |
Le président |
Mme Janina Lebon |
Le président |
Mme Avvy Go |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
º | 1610 |
Mme Judith Kumin |
Ms. Neville |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
º | 1615 |
Le président |
Mme Janina Lebon |
Le président |
Madame Avvy Go |
Le président |
Mme Judith Kumin |
º | 1620 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD) |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judith Kumin |
º | 1625 |
Le président |
Ms. Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Cres Pascucci |
Mme Janina Lebon |
º | 1630 |
Le président |
M. Cres Pascucci |
Le président |
M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.) |
Le président |
Mme Janina Lebon |
º | 1635 |
M. Yvon Charbonneau |
Mme Janina Lebon |
Le président |
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.) |
Mme Janina Lebon |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Avvy Go |
º | 1640 |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
Mme Judith Kumin |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Madame Avvy Go |
º | 1645 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Avvy Go |
Le président |
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.) |
º | 1650 |
Le président |
Mme Avvy Go |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Le président |
º | 1655 |
M. Cres Pascucci |
Le président |
M. Cres Pascucci |
Le président |
M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.) |
Le président |
Mme Judith Kumin |
» | 1700 |
Le président |
Mme Avvy Go |
Le président |
M. Mark Assad |
Le président |
M. Cres Pascucci |
Le président |
Le vice-président (M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne)) |
» | 1710 |
M. John Ryan (président national, Association canadienne des conseillers en immigration) |
Mr. Joseph Kenney (premier vice-président, Association canadienne des conseillers en immigration) |
» | 1715 |
Le vice-président (M. Paul Forseth |
Mme Chantale Tie (avocate, Association nationale de la femme et du droit) |
» | 1720 |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Sungee John (présidente du Comité de l'immigration et trésorière, Comité national d'action sur le statut de la femme) |
» | 1725 |
» | 1730 |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Lynne Yelich |
M. John Ryan |
» | 1735 |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Mark Assad |
Mme Chantale Tie |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Chantale Tie |
» | 1740 |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Chantale Tie |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
» | 1745 |
M. John Ryan |
M. Joseph Kenney |
» | 1750 |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mr. Pickard |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Chantale Tie |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Jerry Pickard |
» | 1755 |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Sungee John |
Le président |
M. John Ryan |
¼ | 1800 |
Le président |
Mme Sungee John |
Le président |
Mme Sungee John |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
M. John Ryan |
Le président |
M. John Ryan |
Le président |
Mme Chantale Tie |
¼ | 1805 |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Mme Andrée Côté (directrice, Législation et réforme du droit, Association nationale de la femme et du droit) |
Le président |
M. John Ryan |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
¼ | 1810 |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
Mme Chantale Tie |
M. Jerry Pickard |
Le président |
M. Yvon Charbonneau |
Mme Chantale Tie |
M. Yvon Charbonneau |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
¼ | 1815 |
Mme Chantale Tie |
Le président |
Mme Chantale Tie |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Le président |
Mr. Pickard |
Le président |
M. Yvon Charbonneau |
Le président |
M. Yvon Charbonneau |
Le président |
Mme Anita Neville |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le lundi 4 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bon après-midi chers collègues. Nous reprenons notre examen de la réglementation relative au projet de loi C-11 et à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Je suis heureux d'accueillir nos invités et nos témoins pour ce premier segment de l'après-midi. Nous accueillons Avvy Go de la Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy. Nous accueillons également du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés Judith Kumin, qui est la déléguée au Canada, ainsi que Kim Mancini, la juriste régionale. Du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, nous accueillons Janina Lebon, la vice-présidente nationale, et Cres Pascucci, le président national. Vous êtes tous les bienvenus.
Nous avons reçu vos mémoires et nous vous remercions de nous les avoir fait parvenir. Nous vous remercions également d'avoir pris quelques instants pour venir rencontrer quelques-uns de nos membres lors de nos déplacements au sujet du projet de loi C-11, et pour votre considérable apport. D'ailleurs certaines de vos suggestions ont été incorporées au projet de loi C-11.
Je vous demanderais de bien vouloir résumer ce qui se trouve dans vos mémoires, de ne pas les lire dans leur intégralité puisque nous pouvons le faire. Vous aurez de 7 à 10 minutes afin que nous ayons l'occasion de vous poser des questions.
Nous commencerons par Avvy Go. Avvy, vous avez la parole.
Mme Avvy Go (représentante, Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy): Merci. Je m'appelle Avvy Go et je suis la directrice de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, qui est membre de la Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy.
J'aimerais remercier le comité permanent de nous donner l'occasion de présenter la position de la coalition au sujet du projet de Règlement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
J'aimerais également vous présenter nos plus sincères excuses étant donné que nous n'avons pu, manque de temps, faire traduire notre mémoire. Nous sommes une coalition qui regroupe plus de 50 membres d'un bout à l'autre du Canada. Notre mémoire a donc fait l'objet d'un examen approfondi de la part de chaque membre avant que nous vous le présentions, et nous n'avons pas les ressources nécessaires pour traduire un document. Donc, au nom de la coalition, j'aimerais présenter au comité nos excuses.
Comme vous le savez peut-être, notre coalition a pris une part active à la promotion d'une politique de l'immigration juste et équitable pour les immigrants et les réfugiés au Canada depuis plus de 10 ans. Nous avons déjà présenté des mémoires au comité au sujet du projet de loi C-11.
Nous ne nous en cachons pas, nous n'aimons pas le projet de loi C-11. Un grand nombre de nos préoccupations étaient également partagées par des membres de votre comité. En bout de ligne, un certain nombre de nos préoccupations mutuelles ont été prises en considération, mais nombreuses sont celles qui ne l'ont pas été. Cependant, ce que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à l'époque avait promis, c'était qu'un certain nombre de ces préoccupations seraient réglées par le Règlement. La ministre avait également promis qu'en vertu de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et de son Règlement, le Canada ouvrirait plus grand la porte avant et fermerait la porte arrière. En réalité, le Canada ferme les deux portes avec cette nouvelle politique.
Le plus désemparant dans tout cela, c'est que tout ce que la ministre a donné d'une main dans la Loi, elle l'a repris de l'autre dans le Règlement. Il existe de nombreux exemples de la volte-face de la ministre, mais notre exposé aujourd'hui portera principalement sur les immigrants appartenant à la catégorie de la famille, ainsi que sur les réfugiés et les personnes protégées.
Beaucoup de choses ont été dites au sujet de la règle de rétroactivité et de ses répercussions sur les immigrants indépendants. Nous estimons qu'il n'est pas nécessaire que nous répétions ces préoccupations. Point plus important, nous voulons rappeler au comité que ce qui fait du Canada un pays d'immigrants, ce n'est pas uniquement en raison des travailleurs qualifiés que nous attirons au Canada; en fait, l'histoire de l'immigration dans notre pays est le résultat d'une politique humanitaire et d'une tradition envers les réfugiés et les immigrants appartenant à la catégorie de la famille. Oui, nous avons ouvert nos portes pour accueillir les travailleurs qualifiés, mais point tout aussi important, nous avons ouvert nos bras pour accueillir ceux qui celles qui sont venus au Canada pour y rejoindre leurs familles et pour y chercher asile.
Compte tenu de ce contexte historique, nous croyons que nous devrions donner aux immigrants appartenant à la catégorie de la famille la définition la plus vaste possible de façon à inclure tous les membres de notre famille élargie. Nous ne croyons pas qu'il soit souhaitable d'avoir un système de catégorie de la famille à deux niveaux, tel que le propose le Règlement, qui donne aux conjoints et conjointes et enfants à charge la priorité par rapport aux autres membres de la famille.
Cela nous préoccupe de voir que l'on s'éloigne de l'engagement pris vis-à-vis de la réunification de la famille dans le Règlement proposé, chose que l'on fait avec beaucoup de contradiction et d'incohérence.
On en trouve un exemple dans la définition de «regroupement familial», qui a été élargie de façon à inclure les conjoints de fait. Par contre, on a éliminé le terme «fiancé(e)» de la définition du regroupement familial. En vertu du nouveau Règlement, les fiancé(e)s relèveront maintenant des dispositions facultatives du motif humanitaire, et continueront d'être assujettis à une condition de mariage de 90 jours. En raison de ce changement, les Canadiens et Canadiennes qui veulent parrainer leur fiancé(e) n'auront aucun recours en appel si le parrainage est refusé. En même temps, les femmes qui viennent au Canada en tant que fiancées et qui sont ensuite l'objet d'abus de la part de leurs parrains continueront de faire face à la très grave conséquence de l'expulsion si elles ne se marient pas. Tout le monde y perd. Nous demandons au comité de remettre «fiancé(e)» dans la catégorie du regroupement familial et de supprimer toute condition de droit d'établissement qui s'y rattache.
Au même titre que l'on devrait donner au regroupement familial une définition vaste et généreuse, les exigences en matière d'admissibilité en ce qui concerne le parrainage devraient être aussi minimales que possible. Nous croyons très fermement qu'on ne devrait jamais utiliser le revenu ou la richesse d'une personne comme déterminant de la capacité de cette personne de prendre soin de sa famille. Nous trouvons qu'il est répugnant que notre gouvernement laisse entendre que les pauvres de notre pays ne méritent pas d'être avec les membres de leurs familles en empêchant une personne qui reçoit une forme d'aide sociale, que le Règlement définit de façon très vaste, d'être un parrain. C'est de la discrimination et ce n'est pas nécessaire.
Nous demandons donc au comité de supprimer la disposition qui interdit à ceux qui reçoivent de l'aide sociale d'être parrains.
Il y a de nombreux autres problèmes. L'un concerne la disposition des motifs d'ordre humanitaire et de la mansuétude, qui permet au ministre d'accorder la résidence permanente à n'importe qui, même à ceux qui sont visés par une interdiction de territoire.
Dans le Règlement, par contre, ce pouvoir n'existe pas car seulement ceux qui y ont droit peuvent avoir le statut de résident permanent. Quiconque est visé par une interdiction de territoire recevra un permis de séjour temporaire, et cette situation ne fera que perpétuer le problème actuel des personnes qui se voient accorder un permis du ministre, car elles demeurent sans statut pendant cinq ans et même plus. Selon nous, le Règlement devrait être modifié à cet égard pour qu'il soit compatible avec la loi.
À propos des cartes de résident permanent, nous n'avons rien contre une telle carte si elle n'est censée servir qu'à remplacer la fiche d'établissement actuelle. Toutefois, nous nous opposons fermement à l'idée que la carte de résident permanent doit être renouvelée tous les cinq ans. De plus, les formalités et les conditions de renouvellement énoncées dans le Règlement sont tellement onéreuse qu'il sera plus facile d'acquérir le statut de citoyen que d'obtenir une nouvelle carte de résident permanent. Rien ne peut justifier une telle situation, si ce n'est que l'on cherche à répandre l'idée préconçue que les immigrants sont une menace pour le Canada et doivent donc être passés à la loupe. Nous demandons au comité de modifier le Règlement pour que soit supprimé le renouvellement de la carte de résident permanent.
Enfin, nous voulons faire écho aux préoccupations soulevées par le Conseil canadien pour les réfugiés et par de nombreux autres groupes de défense des droits des réfugiés concernant les réfugiés sans statut. Nous savons bien que votre comité est sensible à la situation pénible de milliers de réfugiés sans papiers et personnes à protéger auxquels on n'accorde pas le statut de résident permanent à cause des dispositions concernant les pièces d'identité et autres questions d'admissibilité. Le fait d'être sensible à un problème n'est pas ce qui permet de le résoudre. Nous exhortons le comité d'accorder automatiquement le statut de résident permanent à tous ces réfugiés et à toutes les personnes à protéger pour qu'ils puissent être intégrés entièrement à notre société dans les meilleurs délais et avec le moins de difficultés possible.
Ce ne sont là qu'une partie des points qui nous inquiètent et, je le répète, nous faisons écho aux préoccupations soulevées au sein de nombreux groupes tels que le Conseil canadien pour les réfugiés. Nous prions les membres du comité de jeter un coup d'oeil à notre mémoire, que nous avons dû préparer en peu de temps. Nous vous soumettrons un autre mémoire plus tard.
Je vous remercie.
¹ (1540)
Le président: Merci beaucoup, Avvy. Vous en avez beaucoup dit en peu de temps. Je vous félicite encore pour votre travail et pour vos réflexions et aussi bien sûr pour les bons conseils que vous nous avez donnés concernant ce règlement.
Nous allons écouter maintenant les représentants du haut commissaire de Nations Unies pour les réfugiés, Judith Kumin, du Canada, et Kim Mancini. Soyez les bienvenues.
Mme Judith Kumin (déléguée pour le Canada, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés): Merci infiniment, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Nous sommes heureux de l'occasion de témoigner encore une fois devant votre comité. Je suis la déléguée au Canada du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et je suis accompagnée de Kim Mancini, juriste de Montréal.
Ce n'est pas la première fois que nous comparaissons devant votre comité et je crois que ce serait superflu de vous faire une longue présentation de notre organisation. Qu'il suffise de vous rappeler que le HCR est un organisme international chargé de protéger les réfugiés à l'échelle internationale et d'aider les gouvernements à s'occuper des problèmes concernant les réfugiés.
Nous sommes également chargés de surveiller l'application de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, dont le Canada est bien sûr un signataire.
Nous sommes présents ici au Canada depuis 1976 et nous nous réjouissons toujours de l'esprit de collaboration qui caractérise notre travail dans ce pays.
À l'instar des autres intervenants qui ont pris la parole devant vous au cours des 10 derniers jours, le HCR félicite le comité de son examen minutieux du Règlement. Ce règlement assume une importance particulière parce que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est une loi cadre.
Vous avez déjà reçu nos observations écrites concernant les parties 1 à 17 du Règlement, qui portent sur la protection des réfugiés. Ces observations viennent compléter le mémoire que nous vous avons remis en mars 2001 concernant la loi proprement dite.
Avant de passer à vos questions, j'aimerais attirer votre attention sur quatre points soulevés dans nos observations écrites qui concernent aussi bien le Règlement que la loi elle-même.
En premier lieu, nous insistons encore une fois sur le fait que les personnes ayant besoin de protection doivent avoir accès à une procédure bien définie, équitable et efficace de détermination du statut de réfugié.
Selon la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, il est désormais obligatoire de procéder à l'examen initial d'une demande dès le dépôt de celle-ci, et la loi définit les catégories de personnes qui sont exclues de la procédure de détermination du statut de réfugié.
La loi permet aux demandeurs d'invoquer une exception à cette exclusion. Toutefois, le Règlement ne précise pas la marche à suivre pour demander une telle intervention du ministre. Nous estimons que la transparence exige que cette marche à suivre soit décrite clairement dans le Règlement.
Deuxièmement, nous répétons qu'à cause de la portée des exclusions prévues par la loi à la procédure de détermination du statut de réfugié, l'examen des risques avant renvoi revêt une importance particulière. Cet examen doit constituer un moyen de protection efficace pour les personnes ayant des besoins de protection dont la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne s'occupe pas, c'est-à-dire les personnes dont les dossiers ne passent pas par la Commission.
C'est pourquoi nous sommes d'avis que le Règlement devrait prévoir une audience orale à l'étape de l'examen des risques avant renvoi dans chaque dossier où le particulier n'a pas accès à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Troisièmement, à propos de la détention, nous répétons ce que nous avons déjà dit et la position du HCR, c'est-à-dire que le HCR s'oppose toujours à la détention des demandeurs d'asile au Canada. Si une telle détention doit quand même avoir lieu, elle doit se faire selon les principes stricts de la loi. Nous sommes d'avis que la détention systématique des demandeurs d'asile n'a pas de raison d'être.
Lorsque la loi autorise la détention pour permettre de confirmer l'identité d'une personne, on ne devrait recourir à une telle mesure que lorsque la personne refuse de coopérer avec les autorités ou les induit sciemment en erreur.
À notre avis, la détention d'enfants n'a jamais de raison d'être.
De telles façons de faire sont en général ce que l'on trouve dans le Règlement, mais nous recommandons vivement qu'il y soit question explicitement de la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile. Le comité n'est pas sans savoir que si nous insistons là-dessus, c'est parce que les réfugiés et les demandeurs d'asile sont souvent obligés de se déplacer sans papiers en bonne et due forme et sont souvent considérés à tort comme étant réticents à collaborer, tandis qu'en réalité ils sont effrayés, traumatisés ou simplement apeurés devant les autorités.
De plus, de nombreux réfugiés sont obligés de recourir aux services de contrebandiers et même parfois de passeurs. Une telle situation ne devrait pas les exposer à la détention plus que les autres. Nous sommes d'avis que la détention devrait toujours se faire au cas par cas et jamais selon des facteurs généraux tels que le mode d'arrivée au pays.
¹ (1545)
Pour cette raison, nous avons des réserves à propos de l'évaluation du risque de fuite à l'alinéa 252f) du Règlement, où il est question du facteur assez vague que représente «l'implication dans des opérations organisées de passage ou de trafic de clandestins».
Mon quatrième et dernier point concerne nos témoignages antérieurs devant votre comité, où nous avons déjà soulevé la question du groupe que l'on appelle désormais les réfugiés sans statut, c'est-à-dire les réfugiés au sens de la convention reconnus par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et dont l'établissement est retardé parce qu'ils ne sont pas en mesure de fournir à Citoyenneté et Immigration un «document d'identité satisfaisant». Nous avons déjà signalé que selon le HCR, les signataires de la Convention de 1951 sur les réfugiés sont tenus, aux articles 25, 27 et 28, de fournir aux réfugiés reconnus des pièces d'identité et des titres de voyage. Nous avons fait valoir également qu'il est contraire à l'objet et à l'esprit de la convention sur les réfugiés pour un pays signataire d'obliger un réfugié reconnu de s'adresser à son pays d'origine—c'est-à-dire le pays où il craint la persécution—pour obtenir des documents.
Nous avions espéré que la création à l'article 31 de la Loi d'une attestation de statut pour les personnes à protéger allait aider à résoudre ce problème, mais on peut voir d'après le Règlement que celui-ci demeure entier. Maintenant qu'un contrôle sécuritaire de tous les demandeurs est effectué dès le début, nous ne voyons pas pourquoi le droit d'établissement n'est pas accordé à tous les réfugiés au sens de la convention, quelle que soit leur nationalité, dès que la Commission reconnaît leur statut de réfugié, et nous recommandons vivement que le Règlement soit modifié en conséquence.
Il y a plusieurs autres aspects du Règlement que je pourrais aborder, dont ses dispositions concernant la réinstallation des réfugiés, mais je vais m'arrêter là, vue le temps qui nous est accordé. Nous pourrons aborder ces aspects lorsque nous répondrons à vos questions. Je vous remercie.
¹ (1550)
Le président: Merci infiniment, Judith. Je tiens à vous remercier pour l'invitation. Des membres de notre comité accueillerons le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ici à Ottawa mercredi. Nous avons hâte de nous entretenir avec lui du rôle international du Canada dans la question des réfugiés.
Judith, vous dites que votre exposé ici n'est pas votre mémoire complet sur le Règlement. Je pense que vous avez signalé que ce mémoire avait été préparé et envoyé. En avons-nous un exemplaire?
Le greffier du Comité: Le voici.
Le président: Très bien, il est là. Je vous remercie.
Nos témoins suivants sont les représentants du Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada. Ce sont Janina Lebon, vice-présidente nationale, et Cres Pascucci, président national.
Nous sommes ravis de vous revoir tous les deux. Vous nous avez fait part de vos réflexions sur le projet de loi C-11 et nous vous remercions de revenir pour nous parler un peu du Règlement. Soyez les bienvenus.
M. Cres Pascucci (président national, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada): La dernière fois que nous avons témoigné à votre comité, nous avons dit que le texte de loi était tellement général que nous n'étions pas en mesure de formuler des observations sur les divers points tant que nous n'aurions pas le Règlement. Nous avons pris connaissance maintenant de certaines parties de ce Règlement et nous avons de vives inquiétudes.
Lorsque nous avons demandé l'avis de nos membres à propos du Règlement et sa date d'entrée en vigueur, la plupart de ceux-ci ont dit que le 28 juin pour l'entrée en vigueur du Règlement était beaucoup trop tôt. Autrefois, il y avait un délai d'un an et même de deux ans. Nous sommes d'avis que la date d'entrée en vigueur devrait être fixée au début de l'année prochaine. La date du 28 juin présente en outre l'inconvénient que plusieurs de nos membres chevronnés partent en vacances ou en congé et sont remplacés par des étudiants qui ne possèdent pas les connaissances et l'expérience voulues. À mon avis, la date d'entrée en vigueur proposée ne convient pas du tout.
Un autre aspect est toute la formation qui doit être donnée. La rédaction de certains articles du Règlement est terminée, mais nous devons nous assurer que la formation est terminée elle aussi pour que les membres chargés d'administrer la loi disposent de tous les outils et de tous les renseignements qu'il leur faut et soient en mesure d'effectuer les changements nécessaires. De plus, la publication des modifications au Règlement semble être une chose assez compliquée—et j'utilise le terme «compliquée» pour remplacer l'autre qu'il y avait auparavant. Autrefois, c'était le ministre qui s'en chargeait et aujourd'hui, il y a un autre processus complexe, et s'il y a aujourd'hui dans le Règlement des choses injustes qu'il faut changer, tout cela peut prendre beaucoup de temps, par exemple pour les étapes de la publication dans la Gazette, des témoignages devant le comité et ce genre de travail.
Il y a des préoccupations à propos de certaines autorisations, par exemple l'établissement d'un cautionnement. Selon le règlement actuel, le cautionnement minimum est de l'ordre de 4 000 $; autrefois, on était assez libre de fixer le montant. Maintenant c'est un peu comme une taxe d'entrée, où il faut avoir 4 000 $ pour un cautionnement, plutôt que d'établir le montant selon un pouvoir discrétionnaire, montant qui pourrait d'ailleurs être beaucoup moins élevé. Nos membres ont des réserves à propos de ce pouvoir et de la marge de manoeuvre qu'il pourrait y avoir pour ces décisions, vue que l'on n'a plus le droit de déléguer ces pouvoirs.
À propos de la carte de résident, il en est question tellement souvent que nous nous demandons si ce dossier aboutira jamais. C'est pour nous un sujet de préoccupation à cause de ce qui s'est fait dans d'autres administrations, par exemple en Ontario où le gouvernement a essayé de mettre en place une carte à puce et une carte d'identité et a enfin abandonné l'idée après avoir dépensé 12 millions de dollars pour rien. Bref, je pense que de meilleures études sont nécessaires avant de procéder à une telle mesure.
La dernière fois que nous sommes venus témoigner, nous avons parlé de la détermination de l'admissibilité... et nous avons toujours des réserves à propos des paramètres pour les délais et les critères à respecter afin de déterminer l'admissibilité.
L'autre aspect que s'impose naturellement maintenant que de nouveaux postes doivent être créés concerne les mesures de dotation qui doivent être prises et pour lesquelles il faut prévoir pas mal de temps. Pour que les gens les plus compétents soient là pour faire le meilleur travail possible, il faut prévoir du temps pour les ajustements, et c'est là un autre facteur dont il faut tenir compte en fixant la date d'entrée en vigueur.
L'autre aspect concerne la catégorie indépendante et l'utilisation rétroactive du Règlement pour refuser des gens qui ont déposé de bonne foi une demande au cours des six derniers mois—où à peu près dans cette période—et qui, dans bien des cas, seront rejetés maintenant selon les critères qui étaient en place lorsqu'ils ont présenté leur demande. Nous sommes d'avis que c'est là une injustice et que leurs demandes devraient être acceptées aux termes des dispositions réglementaires s'appliquant à ce genre de situation avant l'adoption du nouveau règlement pour qu'il n'y ait plus de rétroactivité frappant la demande.
Voilà certaines des observations que nous tenions à formuler devant vous aujourd'hui, et nous serons heureux de répondre aux questions.
¹ (1555)
Notre consoeur Mme Lebon travaille à la section de l'application de la loi à Mississauga. C'est donc une personne qui possède beaucoup d'expérience. Elle s'occupe de dossiers d'établissement ainsi que d'autres questions utiles pour les immigrants et les réfugiés. Elle pourra vous donner de plus amples détails sur ce qu'il faut mettre en place pour assurer le bon fonctionnement de ce Règlement.
Je vous remercie.
Le président: Merci.
Souhaitez-vous prendre la parole à ce sujet, Janina, ou voulez-vous attendre les questions?
Mme Janina Lebon (vice-présidente nationale, Ontario, Syndicat des centres d'emplois et immigration Canada): Je vais attendre les questions. Ce sera plus facile.
Le président: D'accord. Merci infiniment.
À tous nos témoins, merci encore une fois. Vous avez manifestement une excellente connaissance du sujet. Vous y travaillez tous sérieusement. Je tiens à remercier les hommes et les femmes de tous les organismes que vous représentez qui ont à coeur le sort des immigrants et des réfugiés. C'est un service pour lequel nous vous sommes très reconnaissants.
Passons maintenant aux questions. Le premier intervenant sera Paul Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vos réactions aux choses qui ont été dites à propos des changements apportés à la catégorie de la famille et à la définition de la famille. C'est une définition large qui comprend le conjoint et les enfants à charge. Voilà ce qu'est une famille. Quelles sont les objections à propos de ces changements? Je n'hésite pas à dire que le Canada, comparativement à d'autres pays dans le monde, se porte bien à cet égard. Je suis donc très curieux de savoir quelles sont vos doléances relativement à ce changement.
Pourquoi ne pas parler aussi de la définition de fiancé(e). Personne n'ignore que le mariage de convenance est devenu un jeu à l'échelle internationale et que beaucoup d'argent y est mêlé. Je pense que beaucoup de personnes se font avoir. Ceux qui sont pris dans l'engrenage deviennent des victimes, tout comme la société canadienne.
J'aimerais que nos témoins d'aujourd'hui nous fassent part éventuellement de leurs réserves concernant la définition de la catégorie de la famille, concernant qui en fait partie et qui n'en fait pas partie, et concernant aussi ce problème du ou de la fiancée.
Le président: Avvy, je pense que vous avez abordé ces deux points dans votre exposé. Vous pourriez peut-être éclairer la lanterne du comité et de Paul à ce sujet.
Mme Avvy Go: Avec plaisir. Il y a là en fait plusieurs considérations. L'une d'elles est le fait que dans le Règlement, il y a un article qui porte sur la définition des membres de la famille et il y a un article qui porte sur la catégorie du regroupement familial, les deux définitions n'étant pas identiques.
Dans l'article qui porte sur les membres de la famille—je crois que c'est à l'article 2—il n'est question que du conjoint dans son sens large qui comprend les conjoints mariés et les conjoints de fait et les enfants à charge, à l'exclusion d'autres personnes telles que les parents ou les grands-parents qui sont compris dans la définition des membres de la famille, tandis que dans le cas de la catégorie du regroupement familial, on applique la définition actuelle de la catégorie de la famille en excluant le ou la fiancée.
Il y a donc deux définitions différentes dans le Règlement, et personne ne sait au juste pourquoi il en est ainsi. Nous pensons que c'est parce que des règles différentes vont s'appliquer dans des circonstances différentes. Si on a affaire à un conjoint et à des enfants à charge, il y a une certaine règle qui ne serait pas applicable, telle que l'admissibilité médicale, tandis que dans d'autres cas ces règles s'appliqueraient toujours, si bien que l'on crée un système à deux paliers pour la famille.
En ce qui concerne le ou la fiancée, je partage certainement avec vous les préoccupations concernant le mariage par correspondance—la pratique qui consiste à faire venir des femmes au Canada qui seront ensuite victimes de mauvais traitements de la part de l'époux éventuel. Le problème que je vois c'est qu'on ne fait rien pour les aider si on les retire de la catégorie du regroupement familial, les exposant ainsi à l'expulsion, car ces femmes sont déjà au Canada. C'est peut-être leurs fiancés qui les ont parrainées, ou il se peut que quelqu'un les ait parrainées simplement pour voir si le critère des 90 jours sera appliqué, et s'il est bel et bien appliqué, les femmes ne feront que repartir dans leur pays d'origine. Priver ces femmes du statut de résident permanent ne fait rien pour protéger ces femmes contre de tels mauvais traitements. Parallèlement, les personnes voulant sincèrement parrainer leurs fiancé(e)s aux termes du nouveau règlement ne seront pas considérées comme étant dans la catégorie du regroupement familial. Donc si leur demande est rejetée pour une raison quelconque, ces personnes n'auront aucun recours.
À mon avis, ce n'est pas une situation ou une solution qui peut être utile à quiconque. La définition de la catégorie du regroupement familial présente d'autres problèmes. Par exemple, dans le cas de la définition d'enfant à charge, la nouvelle définition semble laisser entendre que seul l'aspect biologique entre en ligne de compte dans la définition d'enfant à charge, tandis que la définition actuelle prévoit en fait la possibilité d'un aspect juridique. Les dispositions prévoient donc la situation où l'enfant n'est pas avec ses parents biologiques mais a été accepté dans la famille depuis longtemps, si bien qu'ils sont considérés comme un groupe familial.
Selon les règles actuelles énoncées dans la Loi sur l'immigration, ces personnes seront considérées comme étant un enfant à charge. Dans certains cas, l'adoption n'est pas possible à cause de la loi du pays en question. Ces enfants deviennent donc des personnes sans statut. Les liens biologiques n'entrent pas en ligne de compte et en même temps ces enfants ne peuvent être adoptés. C'est pourquoi nous pensons qu'il faudrait au moins maintenir la définition actuelle d'enfant à charge. Ce sont là certains des problèmes que nous voyons, mais il y a d'autres aspects aussi qui interviennent.
º (1600)
Le président: Judith, vous aviez autre chose à ajouter.
Mme Judith Kumin: Oui. Je voulais également faire quelques observations sur la question, quoique sous un angle différent, étant donné que nous ne parlons pas de la catégorie de la famille comme telle. Mes observations ont trait à la façon dont la définition de membre de la famille peut influer sur la réunification de familles de réfugié.
Nous avons signalé dans notre récent mémoire que l'article 138, avec lequel en principe nous sommes d'accord, établit un créneau—soi-disant—d'une année au cours de laquelle les membres de la famille de personnes dont on a reconnu le statut de réfugié au Canada peuvent les rejoindre une fois que les membres de la famille ont obtenu le droit d'établissement. Cependant, cette disposition se limite aux membres de la famille au sens de la Loi, c'est-à-dire essentiellement les conjoints et les enfants d'âge mineur.
Dans nos observations, nous avons demandé avec instance que l'article 138 soit modifié de façon à donner une certaine souplesse pour les cas dont Mme Go a parlé, c'est-à-dire qu'une personne qui est à toutes fins pratiques un membre de la famille dans le pays d'origine, qui est dans une situation de dépendance émotive et économique du chef de la famille, serait exclue de la réunification de la famille au Canada parce qu'elle ne répond pas à la définition stricte.
Donc, du point de vue des familles de réfugié et de l'unité des familles de réfugié, il serait utile de mettre un peu de souplesse dans l'article 138 du Règlement, de pouvoir tenir compte des personnes qui ne sont pas, disons, les conjoints ou les enfants biologiques, mais qui ont fait partie intégrante de la famille, qui étaient à la charge de la famille, de sorte que la famille puisse être réunie au Canada au complet.
M. Paul Forseth: Si nous faisions ce que vous suggérez, pourriez-vous concevoir que le Canada ait la capacité d'établir une distinction et de déterminer si effectivement l'histoire est vraie? Le requérant peut dire ce qu'il veut, mais pour ce qui est de la capacité de notre pays d'aller au-delà de cette histoire et d'aller sur place et de mener une petite étude sociologique pour vérifier si effectivement c'est vrai ou non, il semble que ce soit un chemin dont on ne verra jamais la fin. Donc, de toute évidence, c'est pour cette raison qu'il doit y avoir une preuve documentaire comme quoi il s'agit d'un enfant naturel ou adoptif.
Pouvez-vous nous aider... Il y a peut-être d'autres pays qui ont des problèmes avec la même question, à savoir jusqu'où s'étend la famille, parce que notre définition traditionnelle occidentale d'une famille est passablement différente de celle que l'on a dans d'autres collectivités où le contexte est beaucoup plus tribal.
Mme Judith Kumin: Vous pouvez peut-être regarder, en guise d'analogie, la façon dont les agents des visas examinent actuellement ce qu'ils appellent les membres de facto de la famille lorsqu'ils choisissent des familles de réfugié pour réétablissement.
Nous avons un problème semblable lorsque des réfugiés sont présentés aux agents des visas du Canada à l'étranger comme candidats au Programme canadien de réétablissement. Et les familles comprennent parfois des enfants qui ne sont pas des enfants biologiques des chefs de famille; parfois, il s'agit de nièces et de neveux qui ont été élevés par le chef de famille.
L'agent des visas doit alors se servir de son jugement au moment de l'entrevue de la famille afin de déterminer s'il s'agit d'un lien préexistant, à savoir si la personne est effectivement à la charge du chef de famille. Évidemment, nous devons nous fier au jugement de l'agent des visas qui voit la famille et qui fait cette évaluation.
J'en conviens, ce n'est pas toujours facile. C'est pour cette raison que c'est difficile à prévoir dans le Règlement. Mais il est utile d'avoir suffisamment de souplesse pour que l'agent des visas puisse regarder un enfant et dire, «ce n'est pas votre enfant biologique, mais vous l'avez élevé depuis qu'il est tout petit; l'enfant a été traité comme un membre de votre famille et ne devrait pas en être séparé».
º (1605)
Le président: Je me demande, Janina, dans le cas des gens qui sont effectivement en première ligne et qui doivent composer avec cela...le Règlement actuel donne peut-être un peu plus de discrétion. Je pense que c'est ce que faisait valoir Mme Go.
Pourriez-vous nous faire part de votre point de vue à ce sujet?
Mme Janina Lebon: Ce dont je voulais parler, c'était le fait que j'étais surprise de ne pas voir le mot fiancé(e) dans la catégorie de la famille. Ma plus grande surprise a par contre été lorsque j'ai examiné les considérations humanitaires; le Règlement ne prévoit aucune procédure, aucune ligne directrice, rien pour indiquer ce dont il faut tenir compte lorsque vous examinez une demande. Si ce n'est pas dans le Règlement, est-ce le ministère qui établira les lignes directrices? C'est là notre préoccupation car nous ne savons pas qui sera l'agent délégué. Voilà notre première préoccupation.
À l'heure actuelle, lorsqu'un agent d'immigration reçoit une demande pour des raisons d'ordre humanitaire, il y a des lignes directrices; il y a une jurisprudence; il y a des décisions des tribunaux. Avec la nouvelle Loi, nous ne savons pas qui sera délégué. Partant, en supposant que je suis l'agente déléguée et que j'ai reçu une demande pour des raisons d'ordre humanitaire, qu'est-ce que j'en fais si le Règlement n'indique pas comment procéder? Il n'y a aucune ligne directrice.
Encore une fois, lorsque nous avons comparu, nous nous sommes plaints que la Loi était vague et que le Règlement comportait de graves lacunes.
Le président: Très bien. Madame Go, aviez-vous autre chose à ajouter?
Mme Avvy Go: Bien sûr. En fait, dans le contexte canadien, nous avons un concept de locus parentis, c'est-à-dire personne qui est parent d'un enfant qui peut ne pas être son enfant biologique. Cette situation se produit même dans notre système juridique canadien. Ce n'est donc pas une chose pour laquelle nous devons regarder ailleurs pour déterminer si l'enfant fait partie de la famille. Nous pouvons certainement puiser à même notre expérience et notre compréhension de la famille pour cela.
Mais je pense qu'il y ait ou non un mariage ou une adoption de convenance, ce sont les sortes de questions avec lesquelles les agents d'immigration jonglent tous les jours, même en vertu de la loi actuelle. Je ne pense pas que ce sera différent.
Cependant, ce qui est difficile avec le nouveau Règlement, c'est qu'en vertu de la loi actuelle, c'est un test sur deux fronts. Tout d'abord, vous devez démontrer que le mariage ou l'adoption sont faits à des fins d'immigration. Ensuite, vous devez démontrer que la personne n'a pas l'intention de vivre avec le parrain. Le nouveau Règlement élimine le deuxième test.
Nous nous inquiétons du fait que cela signifierait qu'un grand nombre de membres de la famille serait exclus uniquement parce que l'une des raisons pour lesquelles ils viennent au Canada, ou pour lesquelles ils sont adoptés, ou pour lesquelles ils se marient, pourrait être à des fins d'immigration. Mais la personne qui vient au Canada va vivre chez le parrain, et rien ne justifie que cette personne ne soit pas autorisée à venir.
Je pense que c'est trop restrictif aux fins de la catégorie de la famille. Je pense que nous devons également le voir dans le contexte que les membres de la catégorie de la famille et que le nombre de catégories de la famille que nous admettons chaque année diminuent. On va aboutir à une situation où moins de 30 p. 100 de tous les immigrants appartiennent à la catégorie de la famille. Nous n'ouvrons certainement pas la porte aux membres de la catégorie de la famille. Nous devrions faire davantage pour attirer des immigrants appartenant à la catégorie de la famille et permettre à un plus grand nombre de membres appartenant à la catégorie de la famille de venir, mais nous avons pris la direction contraire depuis 10 ans. Et nous allons de plus en plus loin dans cette direction contraire.
Le président: J'espère par contre que tout le monde s'entend pour dire que le projet de loi C-11 veut renverser cette tendance en invitant un plus grand nombre de membres de la famille. C'est ce sur quoi porte le projet de loi C-11. Que le Règlement aille ou non dans ce sens, c'est pour cela que nous sommes ici. Mais vous avez tout à fait raison, madame Go, il ne fait aucun doute qu'avec le projet de loi C-11, ce que notre comité et ce que le gouvernement veulent, c'est plus de membres appartenant à la catégorie de la famille. Comment procédons-nous? C'est ce dont nous parlons.
Merci.
Anita Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.
J'aimerais poser quelques questions à Judith Kumin au sujet de sa description de réfugiés sans statut.
Pourriez-vous parler un peu plus du processus en vertu duquel ils pourraient venir ici? Vous avez dit que le contrôle sécuritaire initial était adéquat. Avez-vous des suggestions en rapport avec ce groupe de réfugiés? Je suppose que la question de la sécurité est le principe qui prime sur tout. Comment réconcilier ces deux aspects?
º (1610)
Mme Judith Kumin: Comme vous le savez très certainement, c'est un problème de longue date ici au Canada. Par le passé, avec l'ancienne Loi, la position du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration était que même si une personne avait franchi les étapes de la détermination du statut de réfugié à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, cette personne devait quand même faire l'objet d'un contrôle sécuritaire avant que le ministère soit convaincu de l'identité de la personne et de son dossier en matière de sécurité aux fins de l'établissement.
L'objection devrait maintenant être éliminée avec la nouvelle Loi étant donné que lorsque la Commission de l'immigration et du statut de réfugié lui reconnaîtra le statut de réfugié, ce processus sera terminé. C'est la première chose que l'on détermine. Au mieux, c'est fait avant que la Commission entame sa procédure, et au pire cela se fait en même temps. Avant que la Commission décide que vous êtes un réfugié, votre contrôle sécuritaire est déjà terminé de sorte que plus rien ne devrait justifier de retards. Nous estimons que pour déterminer le statut de réfugié, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié doit évidemment établir l'identité, car vous ne pouvez pas vraiment juger si une personne a une crainte fondée de persécution si vous ne déterminiez pas également qu'elle est qui elle prétend être.
En vertu de la nouvelle procédure, nous croyons que l'on pourrait éliminer les objections au droit d'établissement immédiat des réfugiés reconnus et que nous pourrions les assimiler aux réfugiés réétablis et les traiter de la même façon que ces réfugiés qui sont choisis à l'étranger et qui sont des immigrants établis immédiatement à leur arrivée au Canada. Cela ferait alors disparaître notre inquiétude selon laquelle la pratique en usage au Canada depuis de nombreuses années ne respectait pas les articles 25, et particulièrement 27 et 28, de la Convention relative au statut des réfugiés. Je dis cela de mémoire, mais l'article 27 stipule quelque chose du genre «délivreront des pièces d'identité à tout réfugié se trouvant sur leur territoire et qui ne possède pas un titre de voyage valable». Cela réglerait le problème, au lieu de renvoyer les réfugiés à l'ambassade de leur pays d'origine pour obtenir un titre de voyage ou une pièce d'identité.
À l'heure actuelle, nous avons une situation plutôt bizarre où la Commission vous reconnaît... Supposons que vous êtes M. «X» et que vous êtes reconnu comme un réfugié de la République démocratique du Congo. Nous reconnaissons que vous avez une crainte fondée de persécution vis-à-vis de ce gouvernement; s'il vous plaît, allez à l'ambassade de ce gouvernement et obtenez un passeport ou un titre de voyage. M. «X» dira alors: «Je ne veux pas faire cela; j'ai peur». Dans ce cas, il peut être sans statut de façon indéfinie. Nous croyons que c'est injuste et contraire à l'esprit de la Convention relative au statut des réfugiés.
Mme Anita Neville: Merci.
[Français]
Le président: Anita, vous n'avez rien de plus à ajouter? D'accord.
Madeleine, la parole est à vous.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour tout le monde.
On a commencé à entendre des témoins la semaine dernière. On est beaucoup intervenus sur les critères qui ont été élaborés dans le nouveau règlement. Inutile de vous dire que très peu de gens sont ravis de ces critères. On a aussi beaucoup parlé de la rétroactivité. Vous n'en n'avez pas beaucoup parlé aujourd'hui. Par ailleurs, il y a une chose sur laquelle vous avez beaucoup insisté, c'est la difficulté qu'il semble y avoir, à partir des règlements que nous avons devant nous, d'attribuer des documents d'identité à un bon nombre de réfugiés.
Au cours des comparutions pour l'étude du projet de loi C-11, ce que l'on entendait beaucoup, autour de la table, c'était que les gens s'inquiétaient du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration. Ce que j'entends maintenant, dans certains de vos témoignages, c'est qu'il faudrait peut-être, compte tenu du fait que les règlements semblent très rigides selon votre évaluation, qu'ils aient un peu plus de pouvoir discrétionnaire. Je me demande donc comment on pourrait bien en arriver à un certain équilibre. C'est certain que la situation internationale ne va pas s'améliorer, à moins qu'il y ait un miracle. Le Canada va continuer à être un pays idéal pour beaucoup de gens, et je pense que le Canada se doit de continuer à être ce pays idéal.
Comment, donc, pouvez-vous nous aider à trouver un juste équilibre entre trop de pouvoir discrétionnaire et pas assez de pouvoir discrétionnaire afin que chaque cas soit traité vraiment comme un cas unique et non pas comme un cas à l'intérieur d'un groupe de cas que l'on traite de la même façon?
º (1615)
[Traduction]
Le président: Nous allons commencer par Cres puis Janina. En tant que personnes aux premières lignes, de combien de discrétion avez-vous besoin?
Mme Janina Lebon: Je ne pense pas que nous ayons cette discrétion car le Règlement précise à l'heure actuelle que dans l'espace de x années vous aurez le droit d'établissement et leur accorderez la résidence permanente.
Quant au bureau qui traite avec tous les réfugiés, il y a certains bureaux où on ne fait que cela. L'autorisation de sécurité devrait être faite. Je suppose que nous allons continuer de prendre un certain risque.
Je reviens à la période après la Deuxième Guerre mondiale. Il y a des crimes de guerre que nous venons tout juste de découvrir. Cela pourrait se produire. Mais si on a reconnue le statut de réfugié à une personne et que cette personne semble avoir un dossier passablement clair, accordons-lui alors le droit d'établissement parce qu'autrement elle restera dans le système. S'il se produit quelque chose dans quelques années, je suis convaincue qu'il existe une méthode pour révoquer ce statut, à la fois celui de résident permanent et en bout de ligne de citoyen.
Le président: Mme Go.
Madame Avvy Go: Je ne suis pas certaine que la question tienne au degré de discrétion qu'on accorde aux agents. Je vais vous donner deux exemples pour illustrer ce que je dis.
Par exemple, en ce qui concerne la question des réfugiés non pourvus de documents, l'absence de discrétion n'est pas en cause ici. Le problème est lié à l'existence d'une règle qui oblige à exiger des documents d'identification pour pouvoir accorder le droit d'établissement. C'est pourquoi nous estimons que l'élimination de cette exigence nous permettrait d'accorder automatiquement le droit d'établissement.
Par ailleurs, le fait de resserrer la définition n'équivaut pas pour autant à retirer le pouvoir discrétionnaire. Dans le cas d'un enfant à charge, par exemple, la réglementation prévoit que seul un enfant biologique peut être considéré comme un enfant à charge.
Un agent d'immigration saisi d'une demande aura toujours la liberté de décider si un test d'ADN doit être effectué sur une personne pour prouver que l'enfant est son enfant biologique. Les agents d'immigration peuvent toujours être amenés à prendre cette décision. Quels que soient les pouvoirs qu'on leur donne ou la définition utilisée, les agents d'immigration doivent agir comme il leur semble indiqué. Les pouvoirs discrétionnaires qu'on pourra leur donner ou ne pas leur donner ne découlent pas d'un resserrement de la définition.
Selon moi, la question n'est pas de savoir si nous donnons aux agents trop ou trop peu de pouvoirs, mais bien de déterminer, au moyen des définitions, de la réglementation et en vertu de la loi, quels types d'immigrants nous acceptons. De quel genre de politique voulons-nous pour notre pays à long terme? C'est, je crois, le genre de question que le comité doit se poser.
Le président: Judith, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Judith Kumin: Si la question a été soulevée principalement dans le contexte de l'octroi du droit d'établissement à des personnes reconnues comme réfugiés mais n'ayant pas de «documents d'identité adéquats», je ne crois pas non qu'il s'agisse d'une question de discrétion; il faudrait plutôt inclure dans la réglementation un libellé qui permette d'appliquer la décision judiciaire rendue dans l'affaire Aden. Cette décision exhortait les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration à prendre en compte d'autres preuves--d'autres types de documents--dans le cas des personnes n'ayant pas de documents, comme des affidavits provenant de personnes qui les ont connues.
Je crois que les préoccupations sécuritaires ne sont pas nécessairement fondées, car les contrôles sécuritaires prévus en vertu de la nouvelle loi auront été complétés et le ministère de l'Immigration aura toujours la possibilité d'annuler le statut de réfugié d'une personne qui l'aura obtenu indûment. La nouvelle loi permet au ministère d'arrêter ou de suspendre la procédure de détermination du statut de réfugié si des questions sécuritaires se posent.
Je crois que les questions de sécurité sont bien encadrées. Si nous ne faisons rien au sujet du problème des cas en suspens, nous risquons de nous retrouver avec des centaines, voire des milliers de réfugiés dont les vies seront en quelque sorte laissées en suspens, même si ces gens ne représentent aucun risque pour la sécurité du Canada et savent qui ils sont. Le problème ne tient pas à l'identité de ces personnes mais à l'incapacité où elles sont de fournir des documents d'identité adéquats.
La discrétion intervient parfois--et la question de la formation des agents de Citoyenneté et Immigration sepose peut-être ici--lorsqu'il y a des exigences excessives.
Récemment, j''ai eu connaissance d'un cas où un réfugié reconnu avait deux documents d'identité qui dataient d'avant sa demande de statut de réfugié. Le premier document était une carte d'identité nationale, et l'autre un permis de conduire. Les deux documents étaient lisibles et, à mon avis, ils étaient adéquats pour les fins de l'octroi du droit d'établissement après l'obtention du statut de réfugié. Le ministère de l'Immigration a refusé d'accepter ces documents et a dit à la personne qu'elle devait retourner dans son pays pour obtenir un passeport. Rien, dans la loi, n'oblige une personne à avoir un passeport. Les autorités auraient pu accepter la personne.
C'est pourquoi je pense que la question tient aussi à la formation du personnel et à la volonté de résoudre les cas rapidement.
º (1620)
Le président: Madeleine, aviez-vous une question? Non?
Judy, vous avez la parole.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Pour commencer, je voudrais poser une question à Judith Kumin au sujet du règlement à la lumière de la directive ou de l'énoncé général émis à Genève le 6 décembre, en réponse au fait que de nombreux gouvernements cherchent des solutions aux problèmes qu'ont engendrés les événements du 11 septembre. Je crois que le nouveau directeur du HCNUR, à Genève, craint des réactions exagérées de la part des États, et je me demande si cette réglementation ne place pas justement le Canada dans cette situation.
Je crois que le nouveau directeur du HCNUR, à Genève, craint des réactions exagérées de la part des États, et je me demande si cette réglementation ne place pas justement le Canada dans cette situation.
Voici ce que dit l'énoncé:
Le HCNUR estime particulièrement important que les lois qui sont actuellement proposées soient rédigées de façon à ne pas avoir de répercussions négatives sur les réfugiés innocents. Ce pourrait être le cas si, par exemple, de nouvelles lois empêchaient l'accès des réfugiés à la procédure de reconnaissance du droit d'asile, ou si les garanties en vigueur n'étaient pas suffisantes pour éviter qu'une personne qui demande l'asile ne soit expulsée avant que sa demande n'ait été dûment examinée. |
J'aimerais que Judith me dise si notre réglementation aurait les résultats que le HCNUR veut éviter. Cette question me préoccupe d'autant plus qu'il m'a semblé que le ministre de la Défense nationale a dit durant la période des questions--mais cela reste à vérifier--que la Convention de Genève était désuète. Je crains beaucoup que...
Le président: Il n'a jamais dit cela.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai dit que j'allais vérifier le compte rendu. En tout cas, ses propos soulèvent des doutes au sujet de la Convention de Genève. Compte tenu que la convention sur les réfugiés remonte à 1951, j'aimerais savoir si notre réglementation y est conforme et s'il y a des pressions, au sein du gouvernement, en faveur d'un réexamen de la convention de 1951.
Voilà pour ma première question. J'en ai deux autres.
Le président: J'ai aimé votre première question.
Mme Judith Kumin: C'est une très bonne question.
Pour fins de clarification, vous confondez peut-être les Conventions de Genève et la Convention de Genève. Je crois comprendre que le ministre de la Défense parlait de la Convention de Genève de 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre. Nous parlons ici de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Je ne crois pas qu'il y ait de doute quant à la détermination du Canada de se conformer à l'une et l'autre, mais quoi qu'il en soit je ne tiens pas à m'engager dans une discussion concernant la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre.
La question de savoir comment assurer un juste équilibre entre le droit d'asile et la sécurité--la sécurité du pays, de la communauté--préoccupe tout le monde, surtout depuis les événements du 11 septembre. Dans la déclaration qu'il a faite au début de décembre et, bien entendu, dans ses énoncés qui ont suivi le 11 septembre, je crois que le haut commissaire a voulu rappeler aux gouvernements et aux populations que les personnes qui fuient leur pays en raison de la guerre, de violations des droits de la personne ou de persécutions sont généralement celles qui sont menacées et non pas celles qui représentent une menace. Nous devons faire bien attention de ne pas stéréotyper ou de ne pas étiqueter les gens. Il faut éviter de criminaliser, dans l'esprit de la population, les personnes qui demandent l'asile. Le haut commissaire croit fermement--et il le soulignera certainement pendant sa visite cette semaine--qu'il incombe aux politiciens de rappeler ces choses à la population.
Cela dit, le projet de loi C-11contient des mécanismes qui permettent de faire face aux problèmes sécuritaires. Ainsi, il permet de refuser l'entrée à des personnes pour des raisons de sécurité et de criminalité, de leur refuser l'accès au système de détermination du statut de réfugié, de placer en détention des personnes qui représentent un danger pour la population, de révoquer le statut de réfugié et de renvoyer des réfugiés. Je crois donc que nous avons les moyens nécessaires pour agir.
Nous avons signalé qu'en raison de la nature plutôt radicale de certains mécanismes prévus dans la loi, il doit exister des garanties qui fassent en sorte qu'une personne à qui on a refusé l'accès au système de détermination du statut de réfugié parce qu'on la soupçonne d'activité criminelle, de violation des droits de la personne ou d'autres actions répréhensibles, puisse quand même avoir droit à un examen préalable au renvoi, de sorte que le Canada respecte ses obligations relatives aux droits de la personne. De fait, la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée à la fin de septembre, rappelle aux États qu'ils doivent prendre des mesures pour s'assurer que les personnes qui demandent l'asile ne sont pas complices de terroristes, mais qu'ils doivent aussi le faire tout en respectant leurs obligations relatives aux droits de la personne. Il s'agit donc d'avoir une approche équilibrée.
Par ailleurs, il existe d'autres mécanismes. Les solutions du système d'immigration ne sont pas forcément les mieux adaptées aux problèmes de sécurité. L'expulsion, qui peut paraître une solution attrayante parce que rapide et facile à exécuter, n'apaise pas nécessairement les inquiétudes de la communauté internationale à l'égard d'une personne, puisque cette procédure a pour effet de remettre l'individu en liberté.
Comme le disaient les représentants de l'Association du barreau canadien qui ont comparu devant vous la semaine dernière, il est important d'examiner les moyens qu'offre le Code criminel et la nouvelle Loi antiterroriste pour résoudre ces problèmes, car ces moyens sont peut-être plus appropriés que ceux du système d'immigration.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais en tout cas j'ai essayé.
º (1625)
Le président: Merci beaucoup.
Judy, vous avez le temps de poser une autre question, puis je devrai passer à quelqu'un d'autre.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Seulement une? Pourrez-vous me remettre sur la liste?
Le président: Bien entendu.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais poser à Cres et à Janina une question au sujet de l'échéance du 28 juin, parce que je suis un peu inquiète.
D'autres témoins nous ont dit que nous ferions bien de demander une suspension des procédures pour enlever cette échéance qui pèse sur nous et nous donner un peu plus de temps pour faire correctement le travail. Je crains un peu que le ministre nous rétorque que si nous faisons cela, cela ne va que compliquer davantage la vie aux employés sur le terrain qui ont besoin de ce nouveau règlement et de cette nouvelle loi pour faire face à la charge de travail, aux pressions et au stress. J'aimerais seulement que vous me disiez si, à votre avis, le ministre pourrait faire valoir un tel argument ou si vous pensez que c'en est un.
J'ai également une question liée aux ressources. Aujourd'hui, nous avons entendu parler de cette note de service coulée dont la presse a fait état, au sujet de ces documents qui ont disparu d'un certain nombre de bureaux. Le rapport disait très clairement que le noeud du problème se trouve dans l'impartition, la sous-dotation et le manque de ressources, qui causent tous beaucoup de problèmes à ce niveau. J'aimerais également que vous nous disiez si oui ou non une partie de l'argent promis par le ministre de l'Immigration a en fait été attribuée. Également, allez-vous obtenir du personnel supplémentaire et dans quels services?
M. Cres Pascucci: Quand nous consultons nos membres, ils parlent habituellement dès le début des autorisations, à savoir les pouvoirs discrétionnaires ou non discrétionnaires. Comme l'échéance du 28 juin a été la première chose dont nous ont parlé nos membres, je crois que cela dit tout et met toute la chose en perspective. Ils veulent s'assurer de disposer des bons outils pour pouvoir prendre les bonnes décisions. On risque de ne pas y arriver si on va trop vite. Si des erreurs résultent de cette précipitation, qui en pâtira? Tout le monde, à long terme.
Je crois que cela répond à votre question, mais Janina veut peut-être ajouter quelque chose.
Mme Janina Lebon: Quand je suis allée aux renseignements, la première chose qu'on m'a dite était qu'il n'y avait pas suffisamment de temps. En 1976, on a signalé—et certains des employés à l'époque sont encore en poste—qu'il y avait eu une période de deux ans pour la mise en oeuvre, et qu'il y avait encore des problèmes de transition.
À l'heure actuelle, leur plus grande inquiétude concerne la date de mise en oeuvre du 28 juin. Cette date tombe juste avant une de leur deuxième période de travail, les 1er et 4 juillet, la plus occupée. Des congés annuels pourraient être refusés, ce qui entraînera des problèmes de moral encore plus grands chez le personnel. Il faudra former le personnel actuel pour qu'il comprenne le nouveau règlement et la nouvelle loi. Il faudra faire de même avec les étudiants. Et puis, il reste des questions très simples de logistique. Nos systèmes informatiques sont-ils à jour? Les nouveaux formulaires sont-ils prêts? Disposons-nous des questions qui vont être posées?
Je peux imaginer une situation où quelqu'un se présentera au port d'entrée et où le personnel ne pourra régler le problème car il devra feuilleter, en plus de la nouvelle loi, ce qui finira probablement par être 300 règlements d'ici qu'on en finisse, et qu'il n'aura pas été formé. C'est là leur grande préoccupation. Les employés veulent pouvoir faire leur travail de façon professionnelle, mais ils ne vont pas avoir l'air trop compétent s'ils doivent consulter la région et que la région doit consulter l'administration centrale seulement pour obtenir une interprétation.
Leur plus grande préoccupation concerne le délai de mise en oeuvre. Ils doivent être formés. Vous allez travailler au moins jusqu'à la fin mars au règlement qui devra ensuite être publié dans la Gazette. Quand serons-nous formés?
º (1630)
Le président: Je sais maintenant pourquoi Cres a de si beaux cheveux blancs. Soit il est trop stressé, soit c'est seulement biologique, n'est-ce pas, Cres?
M. Cres Pascucci: Oui, bien entendu.
L'autre question portait sur les ressources. Oui, nous commençons à nous y intéresser, mais cela prend du temps avant que quelqu'un puisse faire tout le travail depuis le début.
Mme Judy Wasylycia-Leis: [Note de la rédaction—Inaudible]
Le président: Non, je suis désolé, je dois passer à quelqu'un d'autre.
Yvon Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, dans l'échange qui vient d'avoir lieu, il a été question de formation. C'était une question que j'avais en tête, moi aussi, et je voudrais vous donner l'occasion, monsieur le président, de nous dire s'il y a vraiment un besoin important d'une meilleure formation chez votre personnel. Bien sûr, cette échéance du 28 juin pour une nouvelle loi ou un nouveau règlement crée un impact particulier, mais de manière générale, est-ce que vous avez un besoin à faire ressortir de ce côté-là?
Ma deuxième question, je la pose en même temps. C'est à propos de cette marge de manoeuvre, ce pouvoir discrétionnaire qui apparaît quelque part dans les règlements. On ne peut pas faire des règlements qui soient tellement précis et étanches qu'ils ne laissent aucune marge de manoeuvre aux fonctionnaires. D'ailleurs, ce n'est probablement pas souhaitable. Par contre, quand on laisse une marge de manoeuvre, quand on laisse un pouvoir discrétionnaire, il y a une tendance naturelle chez les fonctionnaires à utiliser cette marge de manoeuvre de manière restrictive plutôt qu'ouverte. Certains fonctionnaires m'ont expliqué qu'il vaut mieux dire non, que ça ne porte pas à conséquences. Si le demandeur n'a pas les moyens de téléphoner à quelqu'un au Canada, s'il n'a pas de contacts politiques ni de moyens de revenir sur le dossier, ils sont débarrassés. Ça en fait un de moins. Si la personne revient, qu'elle fait des pressions et que la décision change, au moins ils ont dit non, au moins eux, comme fonctionnaires, ils sont saufs. Et ce sont les autres qui prennent le problème.
Alors, comment doit-on discuter entre nous de cette question de marge de manoeuvre, de ce pouvoir discrétionnaire? Les règlements qui sont devant nous prévoient-ils trop de marge de manoeuvre, ou pas assez, ou sont-ils corrects? Est-ce qu'il devrait y avoir une supervision de ce pouvoir discrétionnaire par la hiérarchie dans vos bureaux?
Enfin, nous, comme députés, nous ne savons pas trop bien comment ça fonctionne. Dans certains postes, c'est très difficile, très dur. On sent qu'il y a une règle, un état d'esprit négatif. Dans d'autres bureaux, c'est plus libéral, ça a plus de bon sens, c'est plus souple. Pourtant, ceux qui demandent ont droit au même traitement partout.
[Traduction]
Le président: Ce qui est également clair, Yvon, c'est que chaque fois qu'ils disent pas plus souvent nous sommes plus occupés dans nos bureaux. Nous n'entendons jamais parler d'eux quand on dit oui. C'est une conséquence de ce qui arrivera, bien entendu.
Cres ou Janina.
Mme Janina Lebon: Permettez-moi de commencer avec la formation. Il y a la formation habituelle dont nous avons besoin pour la loi et le règlement, mais un autre problème a été défini, et on ne le voit nulle part. Il y a des réfugiés qui revendiquent le statut au pays, et nous n'avons pas fait d'entrevue en personne au pays depuis Vegreville. Donc, dans certains de ces bureaux, il faudra montrer aux agents comment faire passer des interviews. Une formation est nécessaire pour sensibiliser les employés aux différences culturelles. Dans certaines cultures, regarder une personne dans les yeux est une insulte. Il y a beaucoup d'autres questions comme cela.
Puis, il y aura une formation pour les nouveaux systèmes informatiques, les nouveaux documents—les besoins seront énormes. Les derniers employés entrés seront probablement capables de s'adapter facilement. Je parle de ceux qui comptent 20 à 25 ans de carrière et qui travaillaient la dernière fois qu'on a modifié la loi. Il va y avoir de la résistance au sujet des nouvelles façons de faire. Il va y avoir également cette barrière psychologique. La question de la formation pose donc un problème.
Pour ce qui est des pouvoirs discrétionnaires, à l'heure actuelle au moins, ils sont définis. Nous avons une jurisprudence, nous avons des lignes directrices. Nous avons... quoi qu'il en soit. Comme la nouvelle loi et le règlement n'ont pas défini la délégation de pouvoir, nous ne savons pas si la première partie sera un agent d'immigration, un adjoint à l'exécution de la loi, un conseiller adjoint, ou quoi que ce soit. Ce pourrait être le superviseur. Ce pourrait être un cadre. Nous n'en avons aucune idée et cela inquiète pas mal le personnel qui se demande qui sera l'agent d'immigration délégué. Nous ne saurons pas de quels pouvoirs discrétionnaires nous allons disposer tant que ces instruments ne seront pas publiés.
Je suis sûre qu'on émettra des lignes directrices rigoureuses, mais elles ne figurent pas actuellement dans le règlement. C'est une période d'anxiété, parce que si on diminue notre niveau de pouvoir discrétionnaire, cela aura un effet direct sur la description de tâches, qui se répercutera alors sur les fonctions et la rémunération. C'est donc un problème interne. Notre moral est déjà mal en point. Vous avez probablement entendu dire que nous étions moins payés qu'à l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Si vous nous retirez certains de ces pouvoirs discrétionnaires—c'est ce qu'ont dit les membres du comité la dernière fois que j'ai comparu. Nous avons également des problèmes du côté du moral.
L'incertitude entourant la délégation de pouvoir doit être dissipée sans délai si nous voulons pouvoir continuer.
J'espère que cela répond à vos questions.
º (1635)
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Souhaitez-vous que cette précision vienne par le biais de règlements, ou est-ce que vous vous attendez à ce que cela vienne d'un autre instrument tel que des directives ou autre chose?
Mme Janina Lebon: On ne sait pas.
Le président: Mark, la parole est à vous.
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Madame, vous avez parlé de lignes de conduite, de «guidelines». Vous y avez fait allusion. La semaine passée, certains intervenants ont soulevé le fait que, parmi les règlements, il n'y en avait aucun qui pouvait guider les agents qui sont à l'extérieur. Auriez-vous des suggestions à nous faire?
J'ai trouvé cela très pertinent. Cela pourrait parfois être utile aux députés parce qu'ils pourraient connaître la raison pour laquelle une décision, qui, disons-le, leur semble pour le moins très discutable, a été prise. Que pensez-vous de l'idée d'avoir des règlements pour aider les agents à savoir qu'ils ont des paramètres à respecter?
[Traduction]
Mme Janina Lebon: À l'étranger, nous disposons d'un personnel recruté sur place: c'est un premier point. C'est un processus différent. Les Canadiens qui travaillent à l'étranger ne s'occupent pas beaucoup du traitement des demandes. Nous y avons des agents d'immigration et des agents du service extérieur, mais en majorité, il s'agit d'employés recrutés sur place.
J'ai l'impression qu'à l'étranger—et encore une fois, cela cadre avec un autre élément—ce serait l'élément national et également l'agent de négociation du service extérieur qui établiraient les lignes de conduite. Mais je crois qu'elles sont établies à l'interne. Ou encore les employés consulteront leur supérieur au sujet de la décision qu'ils veulent prendre. Ce n'est pas uniforme, nous savons cela. Il est possible que vous vouliez peut-être disposer de quelque chose pour le personnel à l'étranger.
J'ajouterai que l'été—juin—est également l'époque de l'année où le personnel à l'étranger devra apporter tous ces grands changements, de sorte qu'il y aura une autre rupture dans le processus. Il vous faudra également les former, ce qui complique encore davantage la situation.
Le président: Lynne.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec les niveaux d'immigration correspondant à 1 p. 100 de la population fixés par le ministre de l'Immigration? Êtes-vous d'accord pour qu'on fonde l'immigration sur des chiffres, sur 1 p. 100 de la population?
Le président: Nous n'allons pas poser la question à notre personnel, mais nous allons la poser à Mme Go.
Mme Avvy Go: Comme je ne suis pas un expert en démographie, je ne suis même pas sûre si 1 p. 100, 1,5 p. 100 ou de 2 p. 100 serait la parfaite réponse. Je sais cependant que notre population est vieillissante. D'ici à ce que je prenne ma retraite, je ne suis pas certaine s'il restera de l'argent dans le RPC et la SV. Je crois qu'il est clair que nous avons besoin d'immigrants de toutes sortes, pas seulement les plus brillants et les plus instruits. Nous avons besoin d'immigrants, de charpentiers et de tous les divers travailleurs qualifiés. Mais je ne sais pas si 1 p. 100 est la bonne réponse.
Bien sûr, je ne pense pas que le ministre ou les divers gouvernements ont vraiment étudié cette question à fond, qu'ils l'ont étudiée suffisamment en profondeur pour savoir quelle norme, quel but, nous devrions essayer d'atteindre. Mais je crois certainement que le fait que nous n'avons même pas atteint tous les quotas pendant je ne sais combien d'années...
Le président: Dix.
Mme Avvy Go: ...montre qu'il y a un problème.
º (1640)
Le président: Aux fins du compte rendu, je dirais que notre objectif prévu n'est même pas de 1 p. 100. C'est une politique du gouvernement, une politique libérale, qui vise à arriver au moins à 1 p. 100. Nous en sommes maintenant à 0,7 p. 100, soit 225 000 personnes.
Mme Lynne Yelich: C'est le cabinet du ministre qui, l'autre jour, a utilisé les chiffres pour déterminer comment nous allions effectuer la transition vers les travailleurs qualifiés, parce que nous avions des chiffres à respecter. Je n'étais que curieuse.
Quelle perception a-t-on de nous à cet égard sur la scène internationale ou sur la façon dont nous acceptons des réfugiés? Je m'inquiète des réfugiés qui arrivent par surprise par opposition à ceux qui nous viennent de l'étranger. Quelle perception a-t-on de nous à l'échelle internationale quand nous avons ces visiteurs-surprises, j'imagine qu'on pourrait les appeler ainsi, ou ceux qui atterrissent à nos frontières par opposition à ceux qui ont essayé de présenter une demande depuis l'étranger? J'aimerais connaître votre avis là-dessus.
Le président: Nous avons un expert-résident.
Mme Judith Kumin: Eh bien, vous avez de la chance parce que j'ai apporté les chiffres.
Bien entendu, je ne vais pas commenter les niveaux d'immigration du Canada. Ce ne serait pas convenable. Mais pour ce qui est des réfugiés, tout d'abord, en ce qui concerne leur sélection à l'étranger, seule une poignée de pays font de la réinstallation de réfugiés—la sélection à l'étranger et une réinstallation prévue. Les principaux sont les États-Unis, le Canada et l'Australie.
C'est le Canada qui accepte par habitant le plus grand nombre de réfugiés en vue de leur réinstallation —c'est-à-dire, le nombre de réfugiés sélectionnés et amenés au Canada par comparaison à la population canadienne. Les chiffres pour les autres, certains des pays nordiques et les Pays-Bas, sont beaucoup moins élevés.
Pour ce qui est de ceux qui demandent spontanément l'asile à leur arrivée, ce que vous avez appelé les visiteurs-surprises, les gens qui arrivent et qui demandent asile, les chiffres pour l'an dernier, pour 2001, qui sont provisoires étant donné que ce ne sont pas tous les pays qui ont donné leurs chiffres, montrent que le Canada occupe la cinquième place, si vous voulez l'exprimer ainsi; il est précédé dans le palmarès par l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et la France, pas nécessairement dans cet ordre. Je ne vous le donne pas parce que comme nous ne disposons pas des derniers chiffres, ils pourraient changer, mais ces quatre pays ont reçu plus de demandeurs d'asile en chiffres absolus que le Canada, et puis cela diminue.
En fait, vous pouvez consulter sur le site Web bu HCR les chiffres de l'an dernier concernant les demandes d'asile reçues dans 29 pays industrialisés. Il est peut-être intéressant de constater que l'an dernier, 29 pays du monde industrialisé n'ont reçu qu'un peu plus de 500 000 demandes d'asile, et si je calcule bien, le Canada en a reçu environ 7 p. 100, les États-Unis, autour de 14 p. 100, 15 p. 100 ou 16 p. 100. Cela vous donne une petite idée du ratio.
Le président: J'ajouterais que notre propre étude sur la sécurité à la frontière a montré que plus de la moitié de nos revendicateurs du statut de réfugié arrivent des États-Unis, par surprise ou non, aux ports d'entrée ou aux postes frontières.
Avez-vous une autre question, Lynne?
Mme Lynne Yelich: Non.
Le président: Bien.
Un instant, je vais vous donner la parole; ce n'est pas un problème.
Madeleine, suivie de Judy.
Vous voyez, Madeleine, chaque fois que vous me faites un clin d'oeil, je vous donne une autre question. C'est incroyable comme je suis généreux.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ma question s'adresse à Mme Go. Vous avez, dans votre présentation, fait allusion au fait que vous ne vous opposiez pas à la carte de résident permanent, mais que vous aviez des réserves quant au fait qu'elle soit renouvelable à tous les cinq ans. Je me demande pourquoi vous avez des réserves à cet effet, compte tenu qu'un passeport est renouvelable à tous les cinq ans, que le permis de conduire l'est à tous les deux ans. Il y a plein de choses qui sont renouvelables. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Madame Avvy Go: La distinction que j'établis entre un passeport et une fiche d'établissement ou une carte de résident permanent, c'est qu'un passeport est un instrument qui sert une certaine fin. Il ne confère pas de statut. La carte de résident permanent concerne un statut. La personne qui la détient a un certain statut au Canada. Cette carte remplace l'actuelle fiche d'établissement, qui est un morceau de papier qui devrait probablement être converti en carte, seulement pour un certain nombre de raisons pratiques, l'une d'entre elles étant que le papier se déchire. Beaucoup de mes clients viennent me voir à mon bureau avec ce papier qu'ils ont obtenu il y a 20 ans et qu'on ne peut parfois même pas lire parce qu'il est trop abîmé.
Je crois que la forme sous laquelle le document pourrait être présenté constitue un problème, et je pense qu'une carte serait probablement mieux qu'un morceau de papier. Mais dire qu'il faut renouveler sa carte de résident permanent tous les cinq ans revient, à mon avis, à dire que vous n'êtes pas un résident permanent. Cela dit que vous êtes un résident permanent seulement pour cinq ans. Tous les cinq ans, vous devez prouver encore une fois que vous êtes un résident permanent pour pouvoir la renouveler. Je pense que de façon inhérente, c'est un problème.
En plus de cela, les exigences énoncées actuellement dans le règlement sont si rigoureuses que je crois que beaucoup de gens soit ne seront pas capables de fournir toute l'information demandée ou, parce que c'est si compliqué, soit ne pourront pas avoir assez de temps pour demander une prolongation de la résidence permanente. Que se passerait-il s'il y avait un laps de temps et qu'ils n'avaient pas leur carte de résident permanent? Cela signifie-t-il qu'ils ne sont pas des résidents permanents? Qu'est-il arrivé au statut au Canada?
Je crois qu'il y a beaucoup de questions compliquées. Et certainement, sur le plan pratique, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où parce qu'une carte est émise, la personne doit la porter en tout temps sur elle afin de prouver qu'elle est une résidente permanente. Je pense davantage à l'aspect exécution de la loi. Je ne sais pas si les agents de police vont commencer à demander aux gens de prouver leur statut en montrant leur carte de résident permanent. S'il se trouve que je ne l'ai pas avec moi ce jour-là, que va-t-il m'arriver?
On n'a pas vraiment réfléchi à beaucoup de ces questions, et je crois qu'on pourrait en éliminer beaucoup si nous n'avions pas cette exigence concernant le renouvellement.
º (1645)
Le président: Judy, rapidement.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une courte question pour Avvy. Je crois qu'elle a soulevé beaucoup de préoccupations dont on nous avait déjà fait part, et cela montre la difficulté que nous allons avoir, comme comité, pour faire en sorte que ces changements nécessaires se traduisent dans le règlement, parce que nous allons bientôt nous heurter aux plus hauts échelons du ministère qui ont leurs idées bien ancrées et qui, à mon avis, nous font patienter. Ils nous ont fait patienter pour ce qui est du projet de loi lui-même, nous promettant d'intégrer ces questions au règlement. Maintenant, celles-ci ne figurent pas dans le règlement, et je pense qu'ils vont nous faire attendre jusqu'à ce que nous obtenions les lignes directrices, et qu'alors nous n'aurons aucun contrôle.
Le président: Oui, mais nous sommes persévérants et déterminés.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais cela s'est passé de la même façon au cours de l'étude du projet de loi C-11, et certains d'entre nous avaient des centaines d'amendements. Ça n'avait pas l'air d'avoir de l'importance, et nous devons maintenant essayer à nouveau.
Le président: Judy, ayez confiance.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma question s'adresse à Avvy. A-t-elle quelques conseils à nous donner pour nous aider à nous orienter vers une politique d'immigration portes ouvertes, ce que nous n'avons évidemment pas à l'heure actuelle.
Ma question comporte deux volets. Premièrement, comment pourrions-nous...
Le président: Une seule question. Pas de questions à deux ou trois volets.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Une question en deux parties?
Le président: Non. Une question, une partie.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Quel serait le changement le plus important que l'on pourrait apporter à la réglementation relative à la catégorie de la famille pour faire en sorte d'accepter une grande diversité de membres de la famille?
Deuxièmement, êtes-vous d'accord avec la recommandation du rapport Au-delà de la conjugalité, qui recommande que la Loi sur l'immigration soit modifiée pour autoriser le parrainage, par des Canadiens, de gens avec qui ils n'ont pas de liens que ce soit par consanguinité, mariage ou union de droit commun afin de refléter la diversité des relations dans la société canadienne?
Mme Avvy Go: Je suppose que la solution consiste à changer la définition de la catégorie de la famille, à l'élargir le plus possible afin d'intégrer et de prendre en compte tous ces divers facteurs—qu'il s'agisse du cas de l'enfant à charge dont nous avons parlé, du fiancé ou de la fiancée qui ne fait pas partie de la catégorie de la famille, de parents ou de grands-parents. Il faudrait que la définition soit aussi large que possible. À ce moment-là, je pense qu'on peut commencer à parler d'autres enjeux.
Le président: Jerry.
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a deux questions que je voudrais soulever. Premièrement, je m'inquiète énormément au sujet de ce que j'ai entendu concernant la réglementation, soit que 70 p. 100 des nouveaux emplois au Canada exigeront d'être comblés par des travailleurs très qualifiés. Or, il semble que nos règlements privilégient les compétences linguistiques et technologiques et qu'à défaut de ces compétences, des techniciens éminemment qualifiés ne sont pas autorisés à entrer au Canada. À mon avis, il me semble qu'on insiste trop là-dessus.
Deuxièmement, dans ma circonscription, je m'intéresse aussi aux exigences concernant la main-d'oeuvre non qualifiée. Si l'on considère le milieu rural, les communautés agricoles ont été bâties par les immigrants qui sont venus au Canada. Si l'on prend l'exemple de l'industrie des cultures de serre, qui est en pleine croissance au Canada à l'heure actuelle, si je regarde la réglementation, il m'apparaît clair que ce secteur ne sera pas en mesure de combler tous ses besoins en main-d'oeuvre. Je sais également que le secteur du bâtiment aura besoin d'un grand nombre de travailleurs dans un proche avenir. Il ne pourra prendre de l'expansion avec la main-d'oeuvre actuelle.
À mon avis, nous avons choisi de nous orienter vers la catégorie de la haute technologie, des compétences élevées et de la forte scolarisation en oubliant les chiffres traditionnels que nous recherchons. Dans la catégorie de la famille, je pense qu'il y a eu une augmentation du nombre d' immigrants, mais le pourcentage est resté le même à 30 p. 100 environ. Résultat, nous maintenons à la baisse le nombre de travailleurs non qualifiés en contrôlant également les entrées par le biais de la catégorie de la famille. C'est un autre indice qui m'amène à conclure qu'encore là, on privilégié les travailleurs hautement qualifiés aux dépens de la catégorie de la famille. On met trop l'accent sur le côté aptitudes linguistiques, scolarisation poussée et compétences de pointe et pas suffisamment sur la catégorie générale. C'est ce qui me dérange.
J'aimerais que Chris ou Janina répondent à mes questions sur la réglementation par rapport aux lignes directrices. N'est-ce pas au fil des ans que nous avons élaboré des lignes directrices dans le contexte de la réglementation? Ne vous attendez-vous pas à ce que votre personnel respecte les lignes directrices en vigueur aujourd'hui, assorties de modifications à mesure qu'il y a des changements?
Ce que j'essaie de savoir, c'est comment je m'acquitterais de ce travail si j'étais à votre place, si j'assumais ce poste? Je suppose qu'à l'égard de la réglementation en place, il va de soi qu'il arrive que des changements aux lignes directrices s'imposent. Mais je ne voudrais pas laisser l'impression—et peut-être que ce n'est qu'une impression—mais j'ai cru comprendre que vous ne saviez pas qu'elle sera la teneur des lignes directrices et par conséquent, que vous n'avez pas confiance dans le processus. À mes yeux, les travailleurs de la première ligne, comme vous, sont très importants. Votre perspective et vos attentes font que le système fonctionne. Il me semble que la direction devrait encourager une attitude positive, essayer d'aborder ces règlements et ces lignes directrices futures dans une optique des plus positives.
Puis-je obtenir vos commentaires à ce sujet?
º (1650)
Le président: Avvy, pourriez-vous répondre à la première question concernant la catégorie des immigrants indépendants?
Mme Avvy Go: J'ai deux réponses à ces commentaires.
Premièrement, nous attirons des personnes ayant des compétences élevées et une scolarisation poussée. Ces personnes viennent au Canada et que faisons-nous? Nous les laissons conduire des taxis. Nous les laissons nous servir dans les restaurants. Nous connaissons tous de nombreux exemples de médecins et d'ingénieurs qui font ces métiers. Nous avons sans doute le bassin de chauffeurs de taxi le plus fortement scolarisé du monde. C'est un problème. Même si nous laissons ces gens-là entrer au pays, nous ne tirons pas parti de leurs compétences.
Parallèlement, je tiens à dire que le problème n'est pas attribuable à l'absence de travailleurs moins qualifiés ou non qualifiés. Ils sont ici. Mais ils ne sont pas nécessairement ici en tant qu'immigrants. Ce sont des travailleurs saisonniers. Ce sont des migrants travaillant sur une ferme. Étant donné que ce ne sont pas des immigrants, ils ne bénéficient pas de la même protection que les travailleurs immigrants.
Par exemple, en Ontario, les travailleurs migrants travaillent avec le syndicat des menuisiers. Ce dernier compte un grand nombre de membres sans papiers qui viennent ici en tant que menuisiers et qui travaillent à ce titre, mais ils ne sont pas reconnus comme immigrants parce qu'ils viennent d'abord ici en tant que visiteurs.
Je pense que nous sommes en train de créer un système à deux vitesses. Étant donné que nous mettons tellement l'accent sur les compétences de pointe et la scolarisation, nous laissons entrer d'autres personnes par des voies illégales, ce qui n'est pas bon non plus pour le Canada. Il faut reconnaître que nous avons besoin de travailleurs de toutes sortes. C'est la seule façon dont nous pourrons les protéger tous.
Le président: Mais vous arrivez très rapidement à votre destination grâce à ces chauffeurs de taxi très scolarisés, je peux vous le dire.
M. Jerry Pickard: Oh, oh!
Le président: Je dois vous dire que le projet de loi C-11 et certaines des recommandations du comité vont dans ce sens et tentent d'amener les gouvernements fédéral et provinciaux à reconnaître ces accréditations. Vous avez tout à fait raison car en gardant ces personnes au bas de l'échelle, nous sous-estimons l'apport précieux qu'elles pourraient apporter à notre économie et à notre société. Cela ne fait aucun doute.
Cres, pourriez-vous nous parler encore une fois des lignes directrices, des règlements?
º (1655)
M. Cres Pascucci: Je pense que cela amène une autre question. Je suis heureux que la député ait abordé le sujet car on a entendu quelqu'un reprocher aux fonctionnaires d'opter constamment pour une interprétation restrictive. Personnellement, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu'il faut prendre en compte l'évolution des critères et s'inscrire dans son époque . Lorsque mes parents sont venus d'Italie, les critères et les valeurs étaient différents. À l'époque, on était beaucoup plus généreux pour ce qui est d'accueillir des immigrants au sein de la population.
Le président: C'est pourquoi on m'a laissé entrer aussi.
M. Cres Pascucci: J'ai été accepté pour des motifs humanitaires, mais c'est une autre histoire.
Cela dit, je pense que nous sommes les produits de notre époque. À l'heure actuelle, nous sommes dans un environnement différent qui suscite un questionnement quant au choix des immigrants. Quelqu'un a dit qu'il ne faudrait pas utiliser la politique de l'immigration pour des motifs de sécurité, mais j'estime que la sécurité est un facteur.
Nos membres sont des êtres humains. Ils regardent la télévision, ils lisent les journaux. Si l'on regarde CNN, la guerre y est omniprésente. C'est une réalité. On peut discuter de pouvoirs discrétionnaires et non discrétionnaires, de l'adoption de lois, mais au bout du compte, les lignes directrices sont l'outil qui, en un sens, débouche sur une décision presque finale.
À mon avis, la meilleure façon de procéder pour un fonctionnaire est de ne pas travailler de façon restrictive, mais de donner le plus grand bénéfice du doute à la personne qu'il ou elle est appelé à servir ou à évaluer. Comment puis-je donner le feu vert à ce cas? Comment puis-je sanctionner ce cas? Voilà ce qu'un employé de la fonction publique devrait se demander.
Le meilleur exemple de ce genre d'attitude est...je ne sais pas combien d'entre vous connaissent Billy Wilder. C'était un metteur en scène et un auteur qui a créé des films formidables et remporté de nombreux Oscars. Dans son discours d'acceptation d'un de ces Oscars, il a expliqué comment il est entré aux États-Unis. L'exemple est valable quel que soit le pays. Il a été accepté parce que l'agent d'immigration lui a donné le bénéfice du doute et l'a laissé entrer. C'était un Juif Allemand qui fuyait la persécution et d'après la loi, s'il n'y avait pas eu de pouvoir discrétionnaire, il n'aurait pas été admis. Voilà le type de politique d'immigration que nous devrions viser. Ce devrait être notre objectif en tant que chefs de file.
Le président: J'aime cette anecdote.
J'ai deux brèves questions mais étant donné que vous m'avez fait un clin d'oeil, David, cela doit signifier que vous voulez poser une question.
M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.): J'ai deux questions.
Judith, vous avez parlé de chiffres. Vous avez dit que vous aviez des chiffres devant vous. Ce qui m'a dérangé quelque peu, c'est que vous parliez de pourcentages de chiffres totaux. Où se situe le Canada en termes de pourcentages par rapport à notre population? Si l'on fait une comparaison avec les États-Unis, il y a une grande différence. C'était ma question brève.
Ma deuxième question s'adresse à vous. Dans votre mémoire, et plus particulièrement dans la partie concernant les relations de mauvaise foi, vous parlez d'une approche à deux volets. Cela n'est pas très clair pour moi. J'ai plutôt l'impression que si l'on ajoute le critère de la mauvaise foi, nous aurons plus de deux volets. Vous dites éliminer l'un d'entre eux et je voudrais que vous clarifiiez tout cela pour moi.
Le président: Judith, allez-y avec les pourcentages.
Mme Judith Kumin: Vous avez tout à fait raison: les chiffres absolus évoquent une réalité différente des pourcentages. C'est assez intéressant. Je n'ai pas les pourcentages, mais j'ai le nombre de demandes par milliers d'habitants, ce qui traduit la même réalité.
Si l'on considère le nombre de demandes d'asile par milliers d'habitants l'an dernier, on constate que le Canada affichait environ 1,4 demande par milliers d'habitants, ce qui le situe dans la moyenne. L'Autriche vient en tête, avec le ratio le plus élevé, soit 3,7 demandes par milliers d'habitants. Dépassant le seuil de trois, il y a aussi la Norvège, avec 3,3. Les États-Unis, comme vous l'avez signalé, se retrouvent au bas de l'échelle avec 0,3, sur le même pied que la Finlande et un certain nombre d'autres pays éloignés comme l'Australie et la Nouvelle Zélande. Par conséquent, si l'on considère les 29 pays pour lesquels j'ai des chiffres, le Canada se situe au milieu du peloton, entre les deux extrêmes du spectre.
» (1700)
Le président: Mme Go est la suivante, au sujet de la question des deux volets.
Mme Avvy Go: Dans le cadre du système d'immigration actuel, prenons l'exemple d'un conjoint. Le conjoint est exclus de la définition de la catégorie de la famille s'il a contracté son union dans le but d'immigrer au Canada et qu'il n'a pas l'intention de vivre avec son parrain.
D'après le nouveau règlement, une personne qui viendrait ici en vue d'immigrer ne serait pas incluse. Par conséquent, on retire le deuxième critère, qui est également qu'il n'y a pas intention de vivre avec le parrain.
A vrai dire, le problème, c'est qu' en fait, on ne peut jamais savoir vraiment quelle est l'intention. Il est très difficile de juger l'intention. On peut en juger partiellement en déterminant si une personne vit ou non avec celle qui l'a parrainée.
Par conséquent, si l'on retire ce deuxième volet, premièrement il est très difficile de juger de l'intention d'une personne. Deuxièmement, on exclut toute personne dont le mariage serait fondé sur le désir de venir au Canada et non sur l'amour et toutes ces sortes de choses. Mais dans la perspective de la société, il n'y a aucune raison pour laquelle nous devrions exclure quelqu'un qui vit avec un parrain. Cette personne vit sous le même toit que le parrain et reçoit son soutien.
Par conséquent, je pense que cela élimine trop de gens trop facilement. Cela suscite également la question de savoir comment déterminer si la personne a l'intention de se marier afin d'immigrer ou pour d'autres motifs car il n'y a pas ce second critère qui permette de juger de l'intention.
Le président: D'accord. Mark est le suivant.
M. Mark Assad: J'ai reçu une réponse à ma première question.
Le président: Merci.
D'abord, merci à tous pour ces observations et suggestions très utiles. Je voudrais poser une question à Cres et à Janina, parce que cela nous ramène au coeur du sujet.
Nous devons élaborer et mettre en oeuvre des règles à la fois justes et efficaces, et aussi former un grand nombre de travailleurs de première ligne. Je sais que nous manquons de ressources depuis très longtemps. Or, la situation commence à s'améliorer.
Le ministère nous dit qu'il y avait, il y a 25 ans, deux systèmes parallèles en place. C'est bien ce que vous avez dit. Est-il possible d'avoir deux systèmes parallèles pour réduire l'arriéré, qui s'élève à environ 400 000 demandes, au moins 250 000 étant présentées par des immigrants indépendants? Ensuite, une fois le règlement adopté et le personnel formé, pourrons-nous commencer à examiner les nouvelles demandes en vertu des nouveaux critères? J'aimerais en savoir plus sur l'application rétroactive du règlement.
Le comité voudrait proposer une solution qui se veut juste à l'égard des personnes qui ont présenté une demande en vertu des anciennes règles, les nouvelles n'étant pas encore tout à fait prêtes. À votre avis, quelles mesures devons-nous prendre pour résoudre les problèmes que posent la rétroactivité et la mise en oeuvre du règlement, pour trouver les ressources qui sont si importantes, pour faire en sorte que les deux systèmes, l'ancien et le nouveau, soient justes et équitables?
M. Cres Pascucci: On peut régler ces problèmes très facilement. On l'a fait pendant les périodes d'amnistie, par exemple, en examinant les demandes rapidement, en prenant des décisions rapides. On peut le faire sans difficulté, même si le nombre de demandes est élevé.
Le but de cet exercice, en passant, n'est pas de chercher à recruter un plus grand nombre de membres. Pas du tout. Il faut être juste envers tout le monde, faire en sorte que le système fonctionne. Pour cela, il faut prendre le temps de bien faire les choses.
Le président: D'accord. Encore une fois, merci à tous pour vos conseils et suggestions fort utiles.
Chers collègues, nous allons passer aux témoins suivants. Nous allons faire une pause de deux ou trois minutes afin de leur donner le temps de s'installer.
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Le vice-président (M. Paul Forseth (New Westminster--Coquitlam--Burnaby, Alliance canadienne)): Merci. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration reprend ses travaux. Nous allons entendre cet après-midi l'Association canadienne des conseillers en immigration, l'Association nationale de la femme et du droit et, je l'espère, le Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Ces trois organismes vont nous présenter un bref exposé, après quoi nous passerons aux questions. Nous allons essayer de terminer avant 18 h 30.
Nous allons d'abord entendre l'Association canadienne des conseillers en immigration.
» (1710)
M. John Ryan (président national, Association canadienne des conseillers en immigration): Merci, monsieur le président.
Au nom de l'Association canadienne des conseillers en immigration, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
À ma gauche se trouve M. Joe Kenney, premier vice-président national de l'Association.
Quelques mots sur l'association. L'Association canadienne des conseillers en immigration est un organisme sans but lucratif à charte fédérale qui représente les intérêts des intervenants professionnels canadiens spécialisés en immigration. Un de ses rôles majeurs est de permettre à ses membres, qui comprennent des anciens agents du gouvernement des services des affaires étrangères et de l'immigration ainsi que des avocats et des conseillers professionnels, de conseiller et d'aider le gouvernement du Canada à formuler et mettre en application ses politiques et ses procédures d'immigration.
Avant de présenter nos commentaires, nous voulons vous dire que nous pensons que le règlement comporte de nombreux points positifs. Toutefois, nous voulons aussi signaler nos profondes inquiétudes concernant certaines mesures du règlement qui, à notre avis, ne servent au mieux les intérêts de notre pays et de son avenir. Nous pensons également que quelques-unes des mesures proposées ne sont pas justes et équitables pour des centaines de milliers de personnes qui veulent s'installer dans notre pays. Nous pensons que certains éléments du règlement proposé ne donnent pas une bonne image de notre pays au reste du monde.
Notre présentation et nos remarques aujourd'hui se concentrent sur la sélection des immigrants par les bureaux des visas à l'étranger, et en particulier sur le processus de sélection de la catégorie des immigrants appelés «travailleurs qualifiés». Ce groupe d'immigrants compte pour plus de la moitié du flux d'immigration total annuel vers le Canada et leur nombre dépasse les 100 000 par an. Nous devons signaler que, bien que notre association et d'autres organisations aient été sondées par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration au cours des dernières années, les mesures du règlement auxquelles nous nous opposons n'ont pas, à notre connaissance, fait l'objet de consultations préalables de la part du ministère.
La première de ces mauvaises surprises est l'application rétroactive proposée du nouveau règlement pour les immigrants qui ont déposé leur demande avant le 15 décembre 2001. Notre exposé offre un argumentaire détaillé contre les dispositions de la rétroactivité et explique le préjudice porté, à notre avis, à la réputation du Canada à l'échelle internationale. Tout simplement, nous vous recommandons vivement de faire pression sur le ministre pour qu'il annule son projet d'application rétroactive du nouveau règlement proposé par son ministère. Nous demandons que vous exigiez que le ministère tienne son engagement envers les 200 000 demandeurs dans l'attente d'une décision concernant leur demande. Cela signifie de traiter leur dossier d'une manière efficace et professionnelle, selon les règles en existence, lors du dépôt de leur demande aux bureaux des visas.
Je vais maintenant demander au premier vice-président national de passer en revue certaines des recommandations que nous formulons aujourd'hui.
Mr. Joseph Kenney (premier vice-président, Association canadienne des conseillers en immigration): Les autres recommandations contenues dans notre exposé sont les suivantes: nous recommandons que le comité conseille vivement au ministère d'augmenter les incitatifs pour les demandeurs en cours et pour les nouveaux demandeurs d'un visa de travailleur qualifié dans le but d'obtenir des mesures objectives de leur maîtrise des langues par une évaluation normalisée. Cette mesure permettra une réduction plus rapide du retard accumulé dans le traitement des demandes en cours et une réduction du temps de traitement pour les futurs demandeurs.
Nous recommandons des notes de passage différentes pour les demandeurs mariés et célibataires, les demandeurs célibataires étant désavantagés par les critères proposés.
Nous recommandons vivement au comité de s'attaquer aux défauts du système de points actuel pour les travailleurs qualifiés en cherchant à abaisser la note de passage. Cela permettra de tenir compte des besoins économiques et démographiques du Canada, et aussi de maintenir des critères élevés et appropriés pour admettre des travailleurs qualifiés au Canada. De façon plus précise, nous recommandons une note de passage de 70 pour les demandeurs célibataires, et de 73 pour les demandeurs mariés.
Par ailleurs, nous recommandons au comité de faire pression sur CIC pour qu'il réexamine la proposition sur le fonds d'établissement concernant les travailleurs qualifiés, cité au paragraphe 64(b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, et pour qu'il fixe des exigences plus raisonnables et appropriées pour les demandeurs au titre de cette catégorie.
Nous recommandons également que CIC élimine l'exigence énoncée au paragraphe 9(1) du Règlement selon laquelle les demandeurs ne peuvent faire une demande qu'auprès du bureau des visas responsable de leur pays de résidence habituelle, afin de préserver le caractère non discriminatoire et impartial de notre système de sélection d'immigration.
Nous recommandons au comité qu'il fasse pression sur le ministre et le ministère pour qu'ils développent et mettent en application en même temps que la nouvelle loi, un mode alternatif de règlement des conflits pour la révision des décisions des agents des visas à l'étranger.
Enfin, nous recommandons que le comité demande au ministre de collaborer avec le Collège de praticiens d'immigration du Canada pour mettre en application les recommandations citées plus haut du rapport de 1995 du comité sur les conseillers en immigration.
Nous répondrons volontiers à vos questions. Merci
» (1715)
Le vice-président (M. Paul Forseth: Merci, monsieur Ryan et monsieur Kenney.
Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association nationale de la femme et du droit.
Mme Chantale Tie (avocate, Association nationale de la femme et du droit): Merci.
Je m'appelle Chantal Tie. Je suis accompagnée d'Andrée Côté, qui est la directrice générale de la politique et de la réforme du droit auprès de l'Association nationale de la femme et du droit.
Je tiens à préciser que nous appuyons les recommandations que le FAEJ de la côte Ouest a formulées dans son mémoire concernant les demandes présentées pour des considérations humanitaires. De façon plus précise, nous sommes d'accord avec l'idée de reconnaître comme principales considérations les menaces de violence, la réadaptation des victimes de trafic et l'intérêt supérieur des enfants. Nous appuyons également la recommandation selon laquelle l'autonomie financière ne devrait pas être prise en compte pour accorder la résidence permanente pour des considérations humanitaires, et ce, en raison de l'impact négatif que cela a sur les femmes.
Nous vous avons remis un mémoire de six pages qui a été traduit en français. Nous jugeons importants tous les points qui y sont exposés. Toutefois, comme nous n'avons que cinq minutes, je veux surtout mettre l'accent sur deux points en particulier.
Il y a d'abord le point 8, qui traite de la durée de la période de parrainage. J'aimerais vous dire quelques mots à ce sujet et vous parler aussi des effets du programme de parrainage. Tout porte à croire que le parrainage crée une tension dans les relations, surtout dans les relations conjugales. Même si c'est plus évident dans les relations conjugales, rien n'indique que le programme de parrainage n'a pas un impact sur les relations parents-enfants, parents-grands-parents ou sur les relations de longue date. Autrement dit, les hommes continuent de se servir du programme de parrainage pour exercer un contrôle sur les femmes, ce qui contribue à l'inégalité de celles-ci. Je mentionne dans mon mémoire l'étude réalisée par Condition féminine. Il existe aussi des études théoriques qui le démontrent clairement.
Ensuite, les engagements de parrainage ont toujours fait partie du processus d'immigration. Jusqu'à tout récemment, ces engagements n'étaient pas exécutoires au Québec. On signait l'engagement de parrainage, et si on ne respectait pas une de ces clauses, on ne pouvait plus parrainer une autre personne. Point à la ligne.
Personne ne s'occupait vraiment des engagements de parrainage. Maintenant qu'ils sont exécutoires, nous devons revenir aux principes de base et examiner ceux-ci de plus près. Le fait qu'ils soient maintenant exécutoires va changer les choses de façon radicale.
L'article 126 du nouveau règlement définit l'assistance sociale comme suit: «à l'égard d'une personne, toute prestation en espèces, en biens ou en services fournie à la personne ou pour son compte par la province au titre des programmes d'assistance sociale, y compris le programme désigné par la province qui vise à subvenir à des besoins fondamentaux, notamment la nourriture, le logement, les vêtements, le combustible, les services publics, les articles ménagers, les articles personnels et les soins de santé non couverts par le système public de santé, y compris les soins dentaires et les soins oculaires». Voilà comment l'assistance sociale est définie. Or, l'engagement de parrainage exige le remboursement de toutes les dépenses engagées au cours d'une période précise, ce qui peut représenter une somme considérable. Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour vous aider à mieux comprendre ce que cela veut dire dans les faits.
Prenons le cas d'une personne qui s'engage à parrainer un nouveau-né, au Canada, jusqu'à l'âge de 22 ans. Il s'agit d'un engagement de parrainage de 22 ans qui lie le parrain pendant toutes ces années. Qu'est-ce que cela signifie? Disons qu'un mari s'engage à parrainer sa femme et leur nouveau-né au Canada. Ils sont autorisés à venir. L'enfant a moins d'un an. Tout se passe bien. Ils s'installent au Canada et, trois ans plus tard, ils obtiennent leur citoyenneté canadienne. Sept ans plus tard, l'enfant est frappé par une voiture et devient handicapé. Il a besoin de services de soutien, car il faut installer une rampe lui permettant d'avoir accès à la maison. Il a besoin d'un fauteuil roulant, de services d'éducation spécialisée. La famille a besoin de divers services qui ne sont pas visés par les programmes de soins de santé au Canada, mais qui sont offerts dans le cadre de programmes de soutien pour les personnes handicapées.
» (1720)
Disons, par exemple, que la famille travaille à l'heure actuelle, que les deux parents ont un emploi, mais que leur revenu ne suffit pas à prendre à charge ces coûts. L'enfant, à 18 ans en Ontario—c'est l'âge auquel il y a droit—fait une demande et est accepté au titre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Il touche l'allocation maximale d'environ 980 $ par mois, à proprement parler 1 000 $ par mois. Lorsque l'enfant atteint l'âge de 22 ans, ses parents devront presque 60 000 $ au titre du programme en sus d'autres prestations versées pour des services de soutien. S'ils ont eu accès à des logements subventionnés afin d'avoir un logement accessible pour leur enfant, cela serait aussi visé.
Il s'agit de coûts exorbitants et en rendant ces prestations remboursables le gouvernement exerce de fortes pressions sur la famille qui peut alors ne pas recourir à ces services. Cela signifie ou pourrait signifier que, pour éviter une faillite à la famille, un enfant pourrait ne pas recourir aux services d'aide dont il a besoin pour rester le plus indépendant possible. Il en va de même pour les personnes âgées parrainées par leurs enfants: en vertu d'un parrainage permanent, par exemple. Ils doivent au finalement des centaines de milliers de dollars.
Nous devons revenir, je crois, aux principes initiaux étant donné que le respect de l'engagement fait clairement ressortir l'inégalité qui consiste à avoir des membres de la société canadienne et des citoyens canadiens dans ce pays qui n'ont pas accès au filet de sécurité social de droit. Ils n'y ont droit que sur la base d'un prêt, ce qui a de graves conséquences sur la famille à savoir si elle se prévaudra de ces programmes ou si l'enfant exploité pourra quitter le foyer et avoir accès à des prestations sociales d'étudiant. Quand est-il d'un conjoint exploité? Pourra-t-il avoir accès à ce filet de sécurité quand c'est finalement son conjoint qui devra payer cette facture? Nous devons réfléchir à ces questions. Les conséquences sont très graves.
Deuxièmement, comme je l'ai dit, cela crée deux catégories de citoyens au Canada et c'est la définition de l'inégalité. Cela signifie au bout du compte que les nouveaux Canadiens qui sont parrainés n'ont pas le même statut que tout le monde et que les enfants qui sont parrainés n'ont pas le même statut que tous les autres enfants pendant 22 ans. Je voulais aussi parler de l'aide sociale, mais je veux que vous réfléchissiez à cela. C'est très grave, mais je n'entends personne d'autre dire que toutes ces mesures sont maintenant applicables.
Le Québec a commencé à mettre en oeuvre les ententes de parrainage et nous constatons que les gens sont criblés de dettes. Si vous craignez que les gens parrainent des personnes dont elles sont responsables et que nous payions tous, je veux que vous réfléchissiez à trois choses.
Premièrement, les nouveaux Canadiens paient des impôts disproportionnés par rapport aux autres Canadiens et utilisent moins qu'eux les services sociaux, y compris l'aide sociale. Vous demandez donc à un groupe de personnes de payer deux fois pour les services sociaux, une fois par l'entremise de l'impôt qu'ils versent lorsqu'ils qu'ils travaillent et une fois lorsqu'ils remboursent le gouvernement.
Je pense qu'on m'interrompt ici.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci beaucoup. Voilà certes matière à très grande réflexion.
Nous allons maintenant passer à un représentant du Conseil national d'action sur le statut de la femme.
Mme Sungee John (présidente du Comité de l'immigration et trésorière, Comité national d'action sur le statut de la femme): Nous vous remercions de l'occasion que vous nous offrez de présenter notre mémoire aujourd'hui.
Notre mémoire est en anglais et nous n'avons malheureusement pu en terminer la traduction française à temps. Elle devrait l'être cette semaine.
Nous ne reprendrons pas certains des points abordés par ceux qui m'ont précédée ici. Nous insisterons plutôt sur les règlements et leur impact sur les femmes.
Le règlement précise qu'une analyse comparative entre les sexes serait soumise à l'approbation du gouverneur en conseil. Nous sommes convaincus qu'une analyse de ce genre ne devrait pas être effectuée après coup, qu'elle devrait être incluse dans le règlement. Premièrement, une analyse devrait être préparée avant que le règlement soit présenté au comité, pas seulement une analyse comparative entre les sexes, mais une analyse qui tienne compte de l'origine raciale et de la catégorie.
À la lecture du règlement, nous sommes inquiets du fait qu'il s'y trouve des obstacles importants ayant une plus grande répercussion sur les femmes que sur les hommes en ce qui a trait à la Loi sur l'immigration. Par exemple, en ce qui a trait à la catégorie des travailleurs qualifiés, comme la grille qui était fondée sur les professions, où les points sont fondés sur les professions, a été éliminée...l'ancien système comportait ses propres obstacles, mais le nouveau ne reconnaît pas les compétences acquises par les femmes. Un grand nombre de ces compétences ne sont pas quantifiables. Bien des femmes, surtout dans ces pays, possèdent des compétences qui ne sont pas reconnues officiellement, qui ne sont pas accréditées. Et bien des femmes dans ces pays ne jouissent pas de l'égalité d'accès à des études supérieures et à une formation professionnelle.
Par conséquent, et qui plus est, l'évaluation des points fondés sur les années d'étude reconnues d'une personne, effectuée au moyen des diplômes, des grades et des certificats, ne tient pas compte du fait que les femmes à l'échelle planétaire ne jouissent pas de l'égalité d'accès à l'éducation. Je crois qu'il faut se pencher là-dessus et procéder à une réévaluation pour en tenir compte.
Dans des exposés précédents qui ont .....t. présentés lors du dépôt du projet de loi C-11, les travailleurs domestiques ont beaucoup critiqué le programme destiné aux aides familiaux résidants. À la lecture des règlements, nous constatons que très peu de changements ont été apportés pour améliorer les conditions de beaucoup de personnes qui relèvent de ce programme, la vaste majorité des femmes. Par exemple, en vertu du règlement proposé, les aides familiaux résidants continueraient à être tenus de demeurer sous le même toit que leur employeur et ne pourraient demander le statut de résident permanent qu'après avoir occupé un emploi pendant deux ans sur trois.
Selon des recherches effectuées par Intercede, un groupe qui défend les travailleurs domestiques, il est dit et je cite:
«La possibilité d'obtenir le statut de résident permanent et, essentiellement, l'avenir de la personne au Canada de même que ces droits—ou l'absence de ceux-ci—sont directement liés à de solides antécédents de travail et en dépendent. Les aides familiaux tout comme leurs employeurs le savent très bien.»
Cela signifie qu'un aide familial continue d'être vulnérable aux caprices de l'employeur. Si l'employeur estime qu'il n'est pas satisfait de cette personne, ou si l'employeur exploite l'aide familial, il ne le recommanderait certainement pas et cela aurait certainement un impact sur leurs chances d'obtenir le statut de résident permanent.
Qui plus est, il est très difficile pour les femmes de respecter l'exigence de 24 mois sur une période de trois ans pour pouvoir demander le statut de résidente permanente. Ainsi, plutôt que de lier les conditions du genre travailler deux ans avant d'avoir même le droit de présenter une demande de statut de résident permanent, nous recommandons que le comité examine la possibilité de reconnaître que ces femmes ont le droit de demander automatiquement le statut de résident permanent en tant qu'aide familiale résidante.
» (1725)
Pour ce qui est de la question du parrainage, je veux seulement faire mes compliments à Mme Tie pour son vigoureux plaidoyer. Le problème, au sujet du parrainage, est encore le fait que les règlements ne prévoient rien contre la persécution fondée sur le sexe. Les lois et les règlements ne reconnaissent toujours pas le potentiel d'abus des femmes. Leurs droits et leur liberté d'échapper à ces situations doivent être plus explicites. Cela pourrait aussi s'accompagner d'une meilleure analyse fondée sur le sexe.
Autre chose qui nous inquiète, c'est le fait qu'il n'est pas traité assez rigoureusement de l'aspect de la détention des mineurs. Le Canada est signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et pourtant des enfants sont détenus s'ils ne peuvent présenter de documents d'identité. En vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, les enfants de devraient pas être emprisonnés et devraient avoir droit à l'éducation. Pourtant, depuis quelques années, nous constaté que des mineurs sont emprisonnés et, parfois, qu'ils sont intimidés et insultés pendant qu'ils sont sous garde. Ce sont des situations que ne devraient pas subir des enfants qui cherchent asile. S'il sont des réfugiés, ils ne devraient pas être traités comme des criminels et incriminés.
Enfin, nous reconnaissons qu'il y a eu légèrement plus de transparence dans les processus de rédaction des règlements, mais il y a toujours place pour l'amélioration. Alors que des femmes, dans le monde entier, luttent pour obtenir, et obtiennent, plus de droits à l'égalité, elles se butent à de nouveaux obstacles que posent les politiques d'immigration, non pas seulement au Canada mais dans de nombreux pays soi-disant développés. Il est clair que le gouvernement canadien doit s'attaquer sérieusement au sexisme et au racisme de ses politiques d'immigration.
Alors que les immigrants sont de plus en plus des gens du sud—c'est-à-dire d'origine non européenne—la barre est relevée encore plus haut. Avec la population vieillissante qui pèse plus lourdement sur les services et programmes sociaux, le maintien de l'infrastructure dépend d'autant plus de la capacité des nouveaux immigrants de contribuer à l'impôt.
De nombreux pays de l'Europe sont confrontés au dilemme de ce qu'il faut faire avec une population déclinante et un fardeau fiscal croissant. La seule réponse est l'immigration, mais alors que nous sélectionnons soigneusement les catégories d'immigrants que nous souhaitons, nous négligeons le fait historique que les immigrants—les gens qui tentent d'aller vivre dans un autre pays—sont en quête d'une vie meilleure. Pour cela, ils ont la volonté de réussir, et c'est cette volonté de réussir qui consolidera notre pays, qui améliorera le Canada tandis que nous avançons dans ce nouveau millénaire.
Je vous remercie.
» (1730)
Le vice-président (M. Paul Forseth): Je vous remercie de cette présentation.
Nous passons maintenant aux questions, en commençant avec l'Alliance canadienne, l'opposition officielle. Lynne Yelich, vous avez la parole.
Mme Lynne Yelich: Je vous remercie. Je voudrais revenir sur la première présentation, celle de M. Ryan, le président national, au sujet de vos règlements relatifs aux experts-conseils en immigration. Avez-vous des suggestions sur la façon dont cela se ferait?
M. John Ryan: Je remercie madame de sa question. Bien que le comité ne le sache pas et, fait étonnant, le ministre ne le savait pas non plus lorsqu'il est arrivé devant votre comité pour vous donner vos devoirs, le ministère a déjà fait des démarches à ce propos.
Je suis l'un des directeurs nationaux du nouveau College of Immigration Practitioners of Canada qui, il y a deux ans—et je vous invite à consulter à ce sujet l'annexe C de notre document—a signé un protocole d'entente avec Citoyenneté et Immigration Canada, en vertu duquel Joan Atkinson, l'ancienne directrice générale des politiques sociales, devait collaborer avec le ministère à la conception d'un régime d'auto-réglementation et d'auto-inscription pour l'industrie.
Nous partageons sans réserve les vues d'un autre notre groupe qui doit comparaître devant vous demain, l'Organization of Professional Immigration Consultants, sur la nécessité d'inscription des experts-conseils, tout simplement pour protéger les signataires les plus vulnérables de notre registre d'inscription, qui demandent à immigrer ici et qui subissent les abus de pouvoir aux mains d'experts-conseils sans scrupule, à l'étranger comme au Canada. Il faut protéger ces gens-là. C'est une question de protection des consommateurs et il est certainement de l'intérêt du Canada de le faire. Nous demandons que le comité incite le ministre à faire pression sur ses collaborateurs pour faire avancer ce protocole d'entente et les démarches qu'ils ont entamé pour concevoir ce régime d'auto réglementation ou d'auto-inscription.
Il y a plusieurs problèmes. Un régime doit répondre à huit ou neuf critères. J'attire votre attention sur une lettre de Mme Atkinson au College, qui cite les critères de base. Elle se trouve est à l'annexe B.
Il faut que le régime soit auto-suffisant—autrement dit, qu'il soit efficace par rapport aux coûts pour le contribuable canadien—qu'il soit soutenu par ceux qui y seront inscrits à ce régime.
Il y a des exigences rigoureuses, personnelles et professionnelles, d'admission. C'est l'une des choses sur lesquelles nous sommes d'accord avec le gouvernement.
Il y a des exigences minimales au sujet de l'envergure et de la portée de la composition de l'association, y compris au sujet de la représentativité dans l'ensemble du pays.
Une autre condition serait la capacité de former et d'éduquer ses membres, avec un programme d'éducation continue. Il s'agit d'éducation professionnelle continue en vue de la réinscription.
Il y a un code de déontologie; la capacité de surveiller et de s'assurer que les membres y adhèrent; diverses mesures d'application, y compris l'expulsion; des mécanismes de compte-rendu; et aussi un fonds de rémunération ou une assurance responsabilité pour les gens qui font ce travail.
C'est le fondement de la création du College of Immigration Practitioners, et je ne doute pas que mon homologue, le président de l'Organization of Professional Immigration Consultants, en parlera beaucoup plus longuement demain.
» (1735)
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre le représentant du parti au pouvoir.
Monsieur Assad, vous avez la parole.
M. Mark Assad: Je n'ai qu'une courte question à poser pour l'instant.
Vous avez parlé de trois éléments. Vous avez mentionné le fait que les néo-Canadiens paieront plus d'impôts et seront un fardeau moins lourd pour notre régime social. Je pense qu'il est important que vous étoffiez vos explications sur les deux autres éléments, parce que malheureusement, la plupart des Canadiens ne connaissent pas ces faits sur nos néo-Canadiens. Voulez-vous vous expliquer?
Mme Chantale Tie: Il y a deux autres éléments dont je n'ai pas encore parlé. Selon tous les avis, la réunification des familles est de fait un droit de la personne, et c'est ce qui sous-tend nos présentations, aussi, sur l'aide sociale et le parrainage par les bénéficiaires de l'aide sociale.
Mais la troisième chose, c'est qu'il existe déjà les mécanismes appropriés pour faire en sorte que les gens qui assument légalement la responsabilité d'autres personnes s'en acquittent. Chaque province prévoit, dans le droit de la famille et la loi sur l'aide sociale, que l'on doit tenter d'obtenir le soutien de quiconque en est capable et qui a l'obligation légale de payer. Donc il existe un mécanisme pour, si on est parrainée par un conjoint, en obtenir le soutien. C'est prévu dans la loi. Pour obtenir l'aide sociale, il faut passer par le conjoint. Si vos enfants reçoivent de l'aide sociale, ils doivent poursuivre leurs parents. Cela existe donc.
La différence fondamentale, cependant, entre l'obligation de soutien dans l'engagement et l'obligation de soutien dans le droit de la famille de chaque province, c'est que les lois provinciales tiennent compte de la capacité de payer et des situations qui ont changé. L'engagement de parrainage d'un immigrant ne prévoit pas de mécanisme pour tenir compte d'aucune circonstance, de situations humanitaires ou du fait que l'on peut ou non payer, ou même que cela peut nous mener à la faillite. C'est une différence fondamentale.
Vous n'avez pas besoin de cet engagement. Toutes les lois sont là. Vous pouvez le faire. Vous pouvez veiller à ce que les gens fournissent un appui, puisqu'ils y sont tenus par les lois sociales et la loi sur le droit de la famille dans chaque province. Vous n'en avez pas besoin.
Ce sont les trois choses que je voulais dire. Je peux continuer de parler de l'aide sociale, si vous voulez.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Est-ce que quelqu'un a des observations à faire sur ce sujet particulier?
Mme Chantale Tie: Je veux parler de l'aide sociale. Étant donné que nous considérons la réunification des familles comme un droit de la personne, nous ne pensons pas que ce droit devrait être lié à un prix; c'est là que nous parlons d'engagement. Mais c'est aussi un droit de la personne, alors les bénéficiaires de l'aide sociale ne devraient pas être exclus. On le sait, vous n'avez pas exclu les bénéficiaires de prestations d'invalidité, dans les règlements. Alors qui dépend encore de l'aide sociale? Toutes les études démontrent que les bénéficiaires d'aide sociale, à long terme, sont des mères célibataires. Pourquoi le sont-elles? Parce qu'elles sont mères célibataires, parce qu'elles n'ont pas de conjoint; ainsi, votre règlement qui empêchait les mères qui sont unique soutien de famille, en fait, de parrainer leur conjoint, est dément. C'est leur seule chance, probablement, de se sortir de l'aide sociale, d'avoir un partenaire, un conjoint, pour partager les responsabilités familiales, de pouvoir rester à la maison et s'occuper des jeunes enfants tandis que leur conjoint va travailler.
Si vous interdisez le parrainage par des bénéficiaires de l'aide sociale, c'est une condition d'admissibilité. Cela signifie qu'il n'y a pas de possibilité d'appel, parce que ces personnes ne sont pas admissibles. Maintenant, même si vous recevez de l'aide sociale, vous pouvez parrainer quelqu'un. Si on vous le refuse, vous pouvez faire appel, et tous les facteurs seront tenus en compte, y compris les intérêts des enfants. Nous parlons ici, peut-être, de parrainer un père, n'est-ce pas? Maintenant, c'est impossible. Qu'arrive-t-il à ces enfants-là? Nous avons le devoir de protéger leurs intérêts dans tout ce que nous faisons. C'est ce que nous ont dit les tribunaux et c'est ce que dit la nouvelle loi. L'interdiction aux bénéficiaires d'aide sociale de parrainer quelqu'un va à l'encontre de cela.
» (1740)
Le vice-président (M. Paul Forseth) Merci beaucoup.
Passons maintenant au Bloc. Madeleine, vous avez une question.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonjour, tout le monde.
Madame Tie, je vais souligner votre façon exceptionnelle de défendre les femmes. J'avoue que c'est très sécurisant de voir qu'il y a des femmes qui peuvent prendre la part des femmes.
À vous écouter--et j'ai plutôt tendance à partager votre vision--, le projet de règlement qu'on a devant nous, notamment la grille des critères, donne une large part de discrimination à l'endroit des femmes. J'aimerais vous en entendre parler parce que beaucoup de témoins ont pris position avec beaucoup de réserves sur cette grille. Il y a, bien sûr, la note de passage qui devrait être abaissée, mais il y a aussi des ajustements qui devraient être faits dans les différents paramètres. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre un petit peu là-dessus, les trois groupes, parce que c'est important les critères.
Mme Chantale Tie: Je vais répondre en anglais parce que je ne peux pas parler aussi vite en français.
Mme Dalphond-Guiral: Mais ça semble aller très bien pourtant.
Mme Chantale Tie: Mais pas aussi vite.
[Traduction]
L'ANFD se préoccupe grandement du système de points. Dans le passé, nous avons critiqué ce système, parce qu'il est clairement fondé sur le sexe. Il donne un aspect scientifique à un processus qui ne l'est pas du tout. En gros, le système de points comprend toutes sortes d'hypothèses cachées, qui ont été soulignées à plusieurs reprises, et je peux suggérer au comité des articles qui analysent le système de points et qui démontrent comment il est fondé sur des préjugés sexistes. Le problème est exacerbé lorsque les points sont augmentés de 70 à 80. Cela ne fait que rendre un système, qui a déjà été défini comme étant médiocre, encore plus médiocre.
De plus, on ne doit pas supposer que notre pays n'a besoin que de gens hautement qualifiés et grandement instruits. Nous avons besoin de toutes sortes d'immigrants. Les annonces de postes que je vois à Ottawa ne s'adressent pas toujours à des personnes hautement qualifiées. Les femmes, qui dans bien des pays n'ont pas accès aux études supérieures , à la haute technologie et aux compétences spécialisées, ont un rôle important à jouer au Canada. Une fois arrivées ici, bon nombre d'entre elles se prévalent de ces droits. Nous parlons donc de potentiel humain, et nous ne devons pas sélectionner des immigrants en nous fondant seulement sur ce qu'on leur a permis de réaliser dans leurs pays. C'est très important.
Il est très intéressant d'examiner le système des États-Unis, qui ne comprend pas de système de points. Après cinq ans, les immigrants des États-Unis sont les mêmes qu'ici en termes de compétences professionnelles. Nous utilisons donc ce processus qui se veut hautement scientifique mais qui ne l'est pas en réalité. Comme le disait mon amie, nous devons sélectionner des immigrants qui veulent vraiment venir s'installer dans un nouveau pays et qui sont prêts à en tirer parti. C'est la qualité la plus importante, mais le système de points n'en tient pas compte.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci beaucoup.
Passons maintenant au NPD. Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
J'ai une question pour chacun des témoins. J'aimerais commencer par John Ryan.
L'Association of Immigration Counsels of Canada a probablement été le premier groupe à soulever tout cet ensemble de problèmes relatifs à la rétroactivité. Dans votre déclaration d'aujourd'hui et dans des déclarations à la presse, vous avez clairement dit que cela ne correspond pas à l'image du Canada et des Canadiens, c'est le moins qu'on puisse dire. Vous avez soulevé toute la question de l'équité.
J'aimerais que nous parlions de quelques options. Selon moi, lorsque nous présenterons cette question au ministre, nous devrons insister pour que le règlement entre en vigueur au moment de l'adoption du projet de loi. L'autre jour, le ministre nous a essentiellement donné quelques options et nous a dit qu'il examinait plusieurs possibilités. Est-ce votre position? Sinon, laquelle devrions-nous adopter?
Ma prochaine question s'adresse à l'Association nationale de la femme et du droit. Vous avez soulevé une nouvelle question que je n'avais jamais entendue. Je ne sais pas si les autres membres ont bien compris qu'en vertu du règlement, les ententes de parrainage sont maintenant obligatoires et exécutoires. Est-ce que quelque chose nous a échappé? Cela faisait-il partie du projet de loi C-11 ou est-ce que cela a été ajouté en douce au règlement?
J'examine l'ensemble de la réglementation et notamment les règlements 149, 150, 153, 154 et 155. Nous devons absolument tenter de changer ces propositions. Que devons-nous faire? Devons-nous toutes les changer? Les mettons-nous de côté pour repartir à zéro ou pouvons-nous travailler avec ce que nous avons?
Ma dernière question s'adresse à Sungee, qui a fait une observation importante à propos d'une analyse comparative des effets entre les sexes. Le ministère nous a transmis aujourd'hui une telle analyse où un certain nombre de questions sont soulevées à propos de l'effet différentiel, indiquant ainsi que c'est celui qu'il faut étudier. Il me semble que nous allons le faire après coup.
Que nous conseillez-vous? Ralentir tout le processus jusqu'à ce que nous soyons vraiment certains que cela n'entraînera aucun effet disproportionné sur les femmes?
Désolée, je sais que ces trois questions sont longues.
» (1745)
M. John Ryan: Merci Judy pour votre question.
Honnêtement, mesdames et messieurs, je suis un immigrant. Je suis venu ici et j'ai eu le privilège d'être accueilli dans un pays qui a permis à ma famille de s'installer, à mes frères et soeurs d'étudier, et qui nous a offert de nombreuses possibilités. J'ai travaillé comme agent de douane et comme agent principal d'immigration avant de devenir conseiller. Je crois bien que la profession n'a plus de secrets pour moi.
J'aimerais d'abord vous témoigner toute l'aversion que je ressens à l'égard de la rétroactivité appliquée aux immigrants. Je crois que cela va à l'encontre de l'identité canadienne, comme mes déclarations à la presse vous l'ont indiqué. C'est quelque chose que nous n'avons simplement jamais fait, surtout en ce qui concerne les cas à traiter, comme l'a confirmé Joan Atkinson, la sous-ministre actuelle, devant le Comité pendant son témoignage.
Existe-t-il des solutions? Nous pouvons nous contenter de nous plaindre en se demandant si ce sont des cas à traiter ou des cas accumulés. Cela dépend de la terminologie utilisée. Mais, oui il y a des solutions.
En 1997, année du dernier changement apporté au règlement touchant les travailleurs qualifiés, le système était à deux vitesses. La date limite du 15 décembre a été prévue parce qu'on ne voulait pas se retrouver avec un plus grand nombre de cas accumulés avant le changement du règlement étant donné que les gens auraient tenté de présenter leur demande avant l'entrée en vigueur de nouveau règlement. Je peux donc comprendre le raisonnement du ministère. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec la rétroactivité.
Que peut-on faire pour contrôler les cas à traiter? Je crois que c'est une des questions que doit régler le comité et plusieurs facteurs doivent être pris en considération. Présentement, à l'étranger, on utilise certains outils comme les dispenses d'entrevues, les examens anglais comme le test TOEFL offert par le British Council.
Pour les pays où il y a le plus grand nombre de cas accumulés, surtout la Chine, où l'arriéré est considérable en ce moment, nous proposons dans notre rapport de relever l'incitatif en faisant passer le test d'anglais dès le départ. Cela présente deux avantages: premièrement, on élimine la décision qu'un agent d'immigration doit prendre de manière subjective à propos des compétences linguistiques, et on met l'accent sur le bien-fondé de la demande en termes d'expérience de travail. Cette simple mesure permettrait probablement de réduire le nombre de cas à traiter de 30 % à 35 % si l'agent disposait de ces données administratives.
On pourrait aussi prendre des mesures novatrices comme cela s'est fait récemment en Australie, soit des entrevues de groupe pour les candidats à faible risque. Je crois que les bureaux de l'immigration à l'étranger ont beaucoup trop recours aux entrevues. Je connais surtout la Chine, et je sais que l'on est en droit de s'inquiéter des papiers exigés et des demandes frauduleuses faites par des immigrants. Toutefois, cela doit être remis en perspective par les agents, qui doivent utiliser leur jugement.
Un des membres du comité a mentionné plus tôt le fait qu'il est plus facile de dire non, parce que cela n'entraîne aucune conséquence, que de dire oui. C'est encore plus vrai avec cette réglementation, parce qu'elle supprime effectivement le droit d'un candidat refusé d'en appeler de la décision en cas d'une erreur de droit de la part de l'agent d'immigration. Cela accorde beaucoup de pouvoir à l'agent d'immigration à l'étranger.
Voici quelques commentaires que je tenais à exprimer.
M. Joseph Kenney: J'aimerais ajouter quelque chose. Nous avons indiqué dans notre mémoire qu'il y a un juste milieu, selon nous. Je crois que vous aviez dit que la date butoir serait la date de promulgation, soit le 28 juin de cette année. Le problème que nous envisageons, et je suis sûr que c'est la même chose pour le ministère, c'est que d'ici là, le nombre de demandeurs qui peuvent être admissibles en vertu du système actuel va être phénoménal.
Ce n'est pas un problème pour nous que de dire qu'effectivement, comme ce règlement a été publié avant la promulgation de la loi, soit le 15 décembre, toute demande présentée avant cette date devrait se voir accorder le bénéfice du doute et devrait être traitée en vertu des règles en vigueur aujourd'hui et qui étaient en vigueur à ce moment-là. Toutefois, depuis le 15 décembre, la plupart des gens sont au courant de ces propositions.
CIC a publié un avis sur son site Web, le 17 ou le 18, si je ne me trompe, indiquant que si vous présentez une demande maintenant, vous risquez d'être évalué en vertu de ce nouveau critère lorsqu'il entrera en vigueur en juin, car il est fort probable que votre demande ne sera pas traitée avant cette date.
Selon nous, il serait bon d'arriver à un juste milieu afin de pouvoir dire à ceux qui ont présenté une demande lorsque aucune autre règle n'existait, qu'ils devraient bénéficier des anciennes règles. Ceux qui présentent une demande après la publication des nouvelles règles, pourraient passer, en théorie, au niveau système, une fois qu'il aura été promulgué.
» (1750)
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons de nouveau au côté du gouvernement avec M. Pickard.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'invoque le Règlement, je sais que mon temps de parole est écoulé, mais je me demande simplement si nous ne pourrions pas revenir aux réponses aux deux autres questions.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Jerry, pourriez-vous...
M. Jerry Pickard: Je peux attendre.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Allez-y, rapidement.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai déjà posé mes questions, j'attends simplement les réponses.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Je vais donc demander à Jerry de poser sa question une fois que nous aurons obtenu vos réponses.
Mme Chantale Tie: Vous m'avez demandé si nous pourrions régler la question du parrainage et de son interaction avec l'engagement. Très franchement, il me semble qu'il faut continuer de faire ce que l'on a toujours fait en pratique, c'est-à-dire ne pas rendre les engagements exécutoires. C'est la seule solution que je peux voir, franchement.
Lorsque des immigrants arrivent ici, nous prenons des risques en tant que Canadiens. S'ils décrochent un emploi intéressant et contribuent de façon disproportionnée à l'impôt, ils ne le récupèrent pas uniquement parce qu'ils sont des néo-Canadiens. S'ils n'ont pas les moyens voulus et ont recours à plus de services sociaux que d'autres, c'est là que nous prenons le risque. Si nous acceptons les avantages, nous devrions prendre les risques également.
D'après l'ANFD, cela peut se justifier pendant trois ans, c'est-à-dire le laps de temps qu'il faut pour obtenir la citoyenneté, mais ce n'est certainement pas justifié au-delà de ces trois ans.
Le vice-président (M. Paul Forseth): D'accord, nous poursuivons.
Monsieur Pickard, allez-y.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce qui m'a particulièrement intéressé, c'est que vous avez exposé les problèmes auxquels sont confrontés les femmes à propos du règlement et je suis tout à fait d'accord qu'il y a injustice dans ce domaine. Cependant, je crois également que d'autres groupes dans d'autres pays, mis à part les femmes--et je parle ici des personnes à faible revenu--souhaitent émigrer. Cela englobe aussi ceux qui n'appartiennent pas à une classe sociale relativement élevée dans certains autres pays et qui ne peuvent pas se permettre de suivre des études postsecondaires ou d'avoir accès à une bonne éducation qui leur permettrait d'apprendre deux ou trois autres langues étrangères. Très franchement, si vous venez de Chine, à moins d'appartenir à un groupe privilégié de personnes dans ce pays, vous ne parlerez ni n'écrirez le français ou l'anglais couramment.
Nous sommes presque du côté des femmes, mais je ne voudrais pas m'en tenir à cela. J'aimerais élargir mes perspectives. À mon sens, il ne s'agit pas uniquement des femmes, car il y a toute une gamme de personnes que nous avons tout simplement éliminées.
J'aimerais revenir à une deuxième question que je pose à John ou à Joseph. En tant que conseillers, vous examinez le système et essayez de déterminer comment vous pourriez aider ceux qui en ont besoin pour entrer au Canada. Le fait de mettre l'accent sur la maîtrise linguistique au départ n'est-il pas, à votre avis, à un énorme obstacle pour bien des gens?
Je connais un homme dans ma circonscription qui souhaite recommander son frère. Il a un emploi et pourrait l'héberger et il est tout à fait disposé à appuyer financièrement son frère et à l'aider à travailler. Le frère a un emploi, mais ne peut pas venir dans la catégorie de la famille, si bien qu'il doit dépendre du système de points. Il est absolument impossible qu'il apprenne à parler l'anglais dans un laps de temps raisonnable, alors qu'il est toujours en Chine. Mon électeur me dit que quand il est arrivé au Canada, il ne parlait pas un seul mot d'anglais ou de français, mais que cela ne lui a pris que trois ou quatre mois à apprendre, étant donné les pressions qui s'exerçaient sur lui au sein de notre société, différente de la sienne, et du fait qu'il n'avait pas d'autre choix que d'apprendre à communiquer. N'est-ce pas le cas de 50 p. 100 des immigrants qui sont arrivés au Canada, ou, à tout le moins, d'un nombre important d'immigrants? Sommes-nous très restrictifs? Ce qui me préoccupe, c'est la mesure dans laquelle nous sommes restrictifs pour certaines catégories de gens en vertu du règlement.
» (1755)
Mme Chantale Tie: Je serais heureuse de pouvoir répondre à cette question, et je suis sûre que Sungee interviendra également.
On retrouve certainement de l'inégalité économique dans notre Loi sur l'immigration et dans le règlement qui en découle. À titre d'exemple, je dirais qu'il n'est pas possible de parrainer lorsque l'on bénéficie de l'aide sociale.
La seule façon de contourner le problème—la seule façon que je connaisse—c'est de traiter une partie du processus de l'immigration de la même façon que les États-Unis, soit en adoptant un système de loterie. Vous prenez ceux qui veulent faire une demande, qui peuvent en présenter une et, tant qu'ils ne sont pas inadmissibles aux plans médical et criminel, ils peuvent participer à un système de loterie. Du point de vue des États-Unis, le système de loterie est d'une part, très simple à gérer, par rapport au système de points et, d'autre part, tend également à attirer des gens très motivés qui veulent entrer aux États-Unis pour y commencer une nouvelle vie.
Par conséquent, je suis complètement d'accord avec vous, notre Loi sur l'immigration est criblée d'inégalités économiques, notamment en ce qui concerne le parrainage et la sélection. Ce n'est pas ce dont nous avons parlé dans notre mémoire, mais il ne fait aucun doute que cela existe bel et bien. Toutefois...
Le président: Excusez-moi, avant de passer à un autre point. Est-ce que le comité sur le statut de la femme recommande que nous options pour un système de loterie dans notre pays?
Mme Chantale Tie: Je n'ai aucune idée de ce que recommande ce comité...
Le président: Désolé, je voulais parler de votre organisation.
Mme Chantale Tie: L'Association nationale de la femme et du droit n'a pas pris position à ce sujet.
Le président: Il semble vraiment que vous soyez en faveur d'un système de loterie.
Mme Chantale Tie: Je suis en faveur d'un système de loterie pour une partie du processus, mais c'est un point de vue personnel.
M. Jerry Pickard: Pourriez-vous décrire l'importance de cette partie du processus? Sérieusement.
Mme Chantale Tie: Non.
Ce n'est certainement pas prévu dans le règlement. Ce n'est pas quelque chose que je pensais devoir discuter aujourd'hui. Je suis heureuse d'en parler, mais en mon nom propre seulement et non pas au nom de l'ANFD.
Le président: Sungee.
Mme Sungee John: Ce n'est pas juste une question économique. Effectivement, dans les pays pauvres, c'est une question de classe sociale; en effet, ceux qui sont en bas de l'échelle économiquement parlant ont le moins accès à ce qui pourrait les aider à émigrer ou à rechercher une meilleure vie. Il faut toutefois faire une analyse comparative entre les sexes. Alors que des familles sont très pauvres, les femmes sont toujours pauvres et les familles font des choix. Si les familles ont de l'argent pour envoyer un enfant, ce sera le garçon, et non la fille. Encore une fois, les femmes ne s'en sortent pas vraiment.
Le président: John.
M. John Ryan: Je voudrais revenir au point que vous avez soulevé et vous parler un peu du contenu.
D'abord, la grille de sélection pour les travailleurs qualifiés est très rigide. En ce qui a trait à la langue, on attribue 16 points pour la maîtrise de celle-ci, sauf que ce chiffre tombe ensuite à 8. A-t-on décidé tout à coup que, même si j'ai droit à 16 points parce que je maîtrise bien la langue, je n'en recevrai que la moitié parce que ma prononciation n'est pas très bonne?
Nous voulons que l'agent des visas prenne une décision objective. Bon nombre des cas portés devant la Cour fédérale--même s'ils sont en grande partie rejetés--portent sur la langue. Un agent peut décider, d'une façon subjective, de convoquer une personne en vue de lui poser des questions et d'évaluer ses connaissances en anglais. À mon avis, le test IELTS, qui est donné par des professionnels, nous permet de déterminer, de façon objective, si une personne maîtrise bien l'anglais. Mais je ne veux pas trop insister là-dessus.
En ce qui a trait au programme visant les travailleurs qualifiés, nous voulons des personnes qui sont capables de s'intégrer rapidement à la société. Je pense qu'il faut établir une distinction entre ce programme et celui de la catégorie de la famille. Par ailleurs, s'il y a une chose qui nous préoccupe, c'est la disparition du programme concernant les entreprises familiales, qui aurait pu être utile à la personne mentionnée dans votre exemple. Ce programme, qui a disparu en vertu de ce règlement, permettait à une personne de parrainer un membre de sa famille au Canada et de lui fournir un emploi au sein de l'entreprise familiale, peu importe ses connaissances linguistiques. Bien entendu, nous savons que dans le cas des entrepreneurs et des investisseurs, les exigences linguistiques, ça n'existe pas. Ils sont admis au Canada même s'ils n'ont pas une bonne connaissance de l'anglais.
Donc, oui, le travailleur qualifié qui veut se trouver un emploi doit maîtriser l'anglais ou le français. Existe-t-il d'autres façons de parrainer d'autres membres de la famille? Oui. Par l'entremise du programme concernant les entreprises familiales.
¼ (1800)
Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions?
Concernant le projet de loi C-11, on a effectué une analyse comparative entre les sexes, ou plutôt c'est le ministère qui s'est chargé de le faire. Vous pouvez la consulter si vous voulez. Le comité a exigé qu'une telle étude soit réalisée. Or, certains d'entre vous ont parlé de l'analyse comparative entre les sexes, sauf que je ne sais pas si vous faisiez allusion au projet de loi C-11 ou au règlement. Vous semblez bien connaître le sujet. Pouvez-vous, en vous fondant sur ce que vous avez vu dans le règlement, et parce que nous allons aborder plusieurs de ces questions au cours des deux ou trois prochaines semaines, nous faire une brève analyse du règlement de ce point de vue-là?
Sungee.
Mme Sungee John: Merci. On a beaucoup parlé aujourd'hui du programme de parrainage, des travailleurs qualifiés et...
Le président: Avez-vous eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur l'analyse comparative entre les sexes...
Mme Sungee John: Non.
Le président: ...et sur les principes qui sous- tendent le projet de loi et le règlement? Il nous serait utile d'avoir votre opinion là-dessus, puisque nous allons nous pencher sur ces questions dans les deux ou trois semaines qui viennent. Qu'en dites-vous?
Mme Chantale Tie: J'aimerais bien voir l'analyse et les conclusions qu'elle contient. Nous aimerions bien en avoir une copie. Nous n'étions même pas au courant de son existence.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Peut-on y avoir accès en direct?
Mme Chantale Tie: À qui doit-on s'adresser?
Le président: Eh bien, au ministère. Nous lui avons demandé de nous en fournir une copie.
Mme Chantale Tie: Le ministère ne l'a pas rendue publique. Personne n'a...
Le président: Il est étonnant de voir ce qu'on peut obtenir quand on en fait la demande. De toute façon, vous en avez maintenant une copie. La voici.
Mme Chantale Tie: Merci. Cela nous sera très utile.
Le président: L'analyse n'a pas été rendue publique et je m'en excuse. Elle aurait dû l'être parce que nous voulons un système transparent.
John, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. John Ryan: Et bien, en ce qui a trait à l'analyse, on constate que la grille de sélection—et je vais insister là-dessus—si l'on jette un coup d'oeil sur les facteurs d'adaptation, défavorise les demandeurs célibataires. S'ils ne sont pas mariés... Nous sommes en train, avec ce règlement, de créer une véritable petite industrie de conseillers qui vont chercher à encourager les gens à se marier, qui vont leur dénicher des offres d'emploi. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Le président: Nous serons tous des conseillers agréés.
M. John Ryan: Je l'espère, monsieur Fontana, surtout si nous pouvons compter sur votre aide.
Le président: Vous soulevez un point intéressant.
Puis-je poser une question au sujet du parrainage? Le projet de loi C-11 reconnaît que les dispositions de l'ancienne loi, qui fixaient à 10 ans la durée de la période de parrainage, avaient force exécutoire. Elles ont été appliquées, ce qui veut dire que les parrains ont été tenus de respecter leurs engagements pendant ces dix années. Certains membres du comité ont interrogé le ministère là-dessus. En ramenant la durée de la période de parrainage de 10 à 3 ans, on a voulu reconnaître le fait qu'on ne pouvait pas exiger d'une personne qu'elle s'occupe de quelqu'un d'autre pendant 10 ans. Tout le monde a dit que le fait de passer de 10 à 3 ans était un pas dans la bonne direction.
Chantale, vous avez dit qu'il n'y avait pas de règlement qui régissait le parrainage. Or, il y en avait un dans l'ancienne loi. Il y avait un règlement. Je ne sais pas pourquoi vous dites qu'il n'a pas été appliqué.
Mme Chantale Tie: Je ne sais pas ce que le ministère vous a dit. Mis à part le Québec, je ne sais pas... Les dispositions du programme qui s'appliquent aux personnes touchant des prestations d'aide sociale n'ont jamais été appliquées. Seul une règle a été appliquée et c'est la suivante: si vous aviez parrainé quelqu'un dans le passé et que vous n'aviez pas respecté l'engagement de parrainage, vous ne pouviez plus parrainer une autre personne.
Je ne sais pas pourquoi elles n'ont pas été appliquées. Je pense que c'est à cause de la façon dont la Loi sur l'immigration est libellée, et à cause du programme lui-même. Il n'y a pas de lien contractuel entre le parrain et les autorités provinciales. Je ne sais pas pourquoi elles n'ont pas été appliqués. Je pratique le droit de l'immigration depuis 20 ans, et les dispositions en matière de parrainage n'ont jamais été appliquées puisque les personnes qui recevaient de l'aide sociale n'ont jamais été tenues de rembourser les sommes qu'elles ont reçues.
En Ontario, on déduit un montant de votre chèque d'assistance sociale si vous êtes un immigrant parrainé. Mais c'est une tout autre question. Je ne sais pas ce que le ministère vous a dit au sujet des engagements de parrainage antérieurs, mais je peux vous dire que leurs dispositions n'ont jamais été appliquées.
¼ (1805)
Le président: Nous allons nous renseigner. Êtes-vous en train de dire qu'un accord de trois ans ne peut être appliqué, ou ne devrait pas l'être?
Mme Chantale Tie: Je ne dirais pas qu'il ne peut être appliqué, parce que c'est ce qu'ils semblent vouloir faire, mais même le fait de ramener la période à trois ans... Le Québec offre, depuis plusieurs années maintenant, un programme de parrainage de trois ans pour les conjoints. Or, l'étude réalisée par Condition féminine, et j'en fait mention dans une note en bas de page, montre que le fait d'avoir ramené cette période à trois ans n'a pas contribué à résoudre les nombreux problèmes que crée le parrainage. Les problèmes continuent et finissent par se transformer en problèmes sociaux.
Mme Andrée Côté (directrice, Législation et réforme du droit, Association nationale de la femme et du droit): Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose? J'ai participé à l'étude de trois ans qui a été rendue publique au Canada.
Ce n'est qu'après avoir ramené la durée de la période de parrainage pour les époux de 10 à 3 ans que le Québec a commencé à appliquer les dispositions du programme. Cela ressemblait à un échange: nous allons simplifier le système pour certaines personnes, pour les époux, mais nous allons commencer à appliquer les dispositions du programme de façon plus rigoureuse. Or, il y a des personnes qui ont parrainé un membre de la famille qui touchait des prestations d'aide sociale il y quatre, cinq ou dix ans de cela, et qui doivent maintenant rembourser 10 000, 20 000, 30 000 ou 40 000 dollars.
Une voix: Cent mille dollars.
Mme Andrée Côté: En fait, on soutient que cette pratique, au Québec, est inconstitutionnelle et discriminatoire. Je ne sais pas où cela va nous mener, mais c'est très inquiétant. Cela crée tout un fardeau, financier et autre, pour les immigrants qui cherchent à réunir leur famille, qui est un droit de la personne.
Le président: Je suis désolé, Chantale.
John.
M. John Ryan: En fait, je pense que dans le cas du ministère, le problème en est surtout un de ressources--du moins, c'était le cas quand je m'occupais des enquêtes à Toronto. Si on constatait qu'une personne ne respectait pas les clauses du programme de parrainage, si les travailleurs sociaux nous signalaient le cas d'une personne qui touchait des prestations d'aide sociale, on convoquait celle-ci en vue de l'interroger. Franchement, c'était une question de ressources. Il n'y avait pas suffisamment d'agents d'immigration pour assurer l'exécution du programme.
Le président: D'accord. Jerry, aviez-vous une autre question?
M. Jerry Pickard: Chantale, vous avez soulevé un point tout à fait valable, mais il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre.
Les provinces se plaignent du fait que, l'immigration étant ce qu'elle est, cela leur coûte très cher quand elles doivent verser des prestations d'aide sociale et autre chose du genre. C'est ce qui les préoccupe. Or, je crois comprendre--et vous pouvez peut-être m'éclairer sur ce point--que les provinces peuvent, en vertu de leurs lois et de leurs régimes sur le droit de la famille, se faire rembouser les sommes versées au titre de l'aide sociale. Je ne vois absolument pas pourquoi cela devrait figurer dans la Loi sur l'immigration. Pouvez-vous m'éclairer là-dessus?
Mme Chantale Tie: Je ne veux pas vous induire en erreur, mais le programme de parrainage pour les époux et les enfants n'a aucune raison d'être. Nous avons des obligations légales. Or, si vous parrainez vos parents, vos grands-parents ou quelqu'un d'autre, cette obligation n'existe peut-être pas, sauf que vous pouvez maintenant présenter une demande contre vos enfants. Je sais qu'on peut le faire en Ontario.
M. Jerry Pickard: Je n'arrivais pas à comprendre ce que vous vouliez dire quand vous avez parlé des dépenses considérables qu'une personne peut engager pendant 21 ans. Le message dans ce cas-là est très clair.
Si vous êtes un parent non immigrant, vous avez des obligations à l'égard des enfants. Les parents ont des responsabilités à l'égard des enfants, qu'ils soient adoptés ou non. Les personnes âgées ajoutent un autre volet à la problématique, et c'est à ce niveau-là que la loi devrait surtout être appliquée.
Pour revenir à votre réponse, ne croyez-vous pas que les parents ont des responsabilités? Je suis certain que vous pensez qu'ils en ont. Est-ce que cela a sur les conjoints et les enfants? Pas vraiment. Sur les personnes âgées? Absolument.
¼ (1810)
Mme Chantale Tie: Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je m'excuse, mais je n'ai pas compris.
M. Jerry Pickard: En vertu de la Loi sur l'immigration, les règles en vigueur dans la province sont toujours les mêmes pour ce qui est du remboursement des coûts et autre chose du genre.
Mme Chantale Tie: Au contraire, les règles ne sont plus les mêmes.
M. Jerry Pickard: Expliquez-vous.
Mme Chantale Tie: En vertu de la Loi sur l'immigration, vous pouvez être tenu de rembourser tous les services de soutien qu'une personne a reçus, peu importe votre capacité de payer ou les changements de circonstances. Il s'agit là d'une différence fondamentale. Il n'y a pas de tribunal qui détermine combien vous devez verser, quand et dans quelles circonstances. Vous avez une dette à rembourser au gouvernement.
Je présume qu'ils perçoivent l'argent comme ils le font habituellement, c'est-à-dire au moyen de retenues d'impôt, de retenues sur les prestations fiscales pour enfants, sur le crédit pour TPS, ainsi de suite.
M. Jerry Pickard: Ils n'y vont pas de main morte, et c'est ce qui pose problème.
Mme Chantale Tie: Ils n'ont aucune considération, ils ne tiennent pas compte de l'intérêt de l'enfant. C'est très différent.
M. Jerry Pickard: D'accord, je comprends maintenant ce que vous vouliez dire.
[Français]
Le président: Yvon, la parole est à vous.
M. Yvon Charbonneau: Je voudrais demander à MeTie d'expliquer de nouveau ou davantage le lien qu'elle fait entre parrainage et aide sociale. Si j'ai bien compris, quelqu'un qui reçoit de l'aide sociale ne peut pas devenir parrain. On sait que quelqu'un qui bénéficie de l'aide sociale reçoit un montant d'argent à peine suffisant pour subvenir à ses besoins et on dit que, parfois, c'est sous le seuil de la pauvreté.
Comment peut-on espérer qu'une telle personne puisse prendre en charge d'autres personnes qui viennent de l'extérieur? Où va-t-elle trouver les moyens pour faire cela? Pouvez-vous nous expliquer de nouveau ce qui, selon vous, est inacceptable dans cette interdiction aux assistés sociaux de parrainer des gens alors qu'ils n'ont visiblement pas les moyens nécessaires de le faire?
[Traduction]
Mme Chantale Tie: C'est très simple. Prenons l'exemple d'une femme qui souhaite parrainer son mari, qui est ingénieur informatique. Il n'a pas suffisamment de points pour venir au Canada sans son aide. Donc, il s'installe ici. Ils ont trois enfants qui sont tous au Canada. Elle vit de l'aide sociale. Il se trouve un emploi dès qu'il arrive au Canada et elle cesse de recevoir des prestations. Tous les régimes d'aide sociale exigent que, dans le cas de familles biparentales, un des parents recherche activement un emploi. Les parents célibataires sont exemptés de cette exigence, parce qu'ils ne peuvent chercher un emploi s'ils ont de jeunes enfants.
Si on ne veut plus dépendre de l'aide sociale, il faut trouver un partenaire. C'est ce qui est ironique. Le règlement ne tient pas compte de ce facteur: pour ne plus dépendre de l'aide sociale, il faut trouver un partenaire qui peut gagner un revenu.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Comment cette personne a-t-elle pu entrer au pays avec trois enfants? Elle reçoit de l'aide sociale. Comment a-t-elle pu passer au travers du système de points et obtenir sa citoyenneté?
[Traduction]
Mme Chantale Tie: Cette femme était peut-être une réfugiée qui s'est installée ici toute seule, qui ne savait pas où se trouvait son mari. Elle le retrouve une fois la guerre civile terminée, et le parraine. Elle n'a pas le choix. On les oblige à vivre séparément. Les enfants ne sont peut-être de lui. Ils sont peut-être mariés. Il est peut-être venu ici illégalement, je ne le sais pas.
Vous dites qu'on ne devrait pas pouvoir parrainer une personne qui reçoit des prestations d'aide sociale. Or, cette personne risque de vivre de l'aide sociale toute sa vie si on agit de la sorte. Les femmes ont besoin d'aide sociale parce qu'elles sont célibataires. Dans la plupart des cas, elles cessent de dépendre de l'aide sociale quand elles trouvent un partenaire. C'est un fait.
Le président: Si j'ai bien compris, Chantale, si le règlement n'interdisait pas à une personne qui vit de l'aide sociale de parrainer son conjoint ou quelqu'un d'autre, si celle-ci pouvait pouvait démontrer qu'elle est en mesure de le faire, ce serait une bonne chose. On devrait pouvoir le faire, et non pas l'interdire.
Mme Chantale Tie: C'est ce que dit la loi à l'heure actuelle. N'importe qui peut parrainer une personne. Le règlement, lui, l'interdit.
Le président: D'accord. C'est ce que j'avais cru comprendre.
Mme Chantale Tie: On ne peut pas interjeter appel, de sorte que les autres facteurs ne sont pas pris en compte.
Le président: Vous pourriez peut-être, de concert avec John et Sungee, proposer un libellé qui tiendrait compte de ces facteurs, qui ne rendrait pas cette interdiction automatique. On pourrait examiner la demande de la personne qu'on veut faire venir...
¼ (1815)
Mme Chantale Tie: Il n'est pas nécessaire de proposer un libellé. Il suffit tout simplement de supprimer l'inadmissibilité, si vous vivez de l'aide sociale. Le règlement serait alors le même. La demande peut être rejetée si la personne parrainée doit recevoir de l'aide sociale, sauf qu'on peut interjeter appel et demander que l'intérêt des enfants soit pris en compte. Point à la ligne.
Le président: En parlez-vous dans votre mémoire?
Mme Chantale Tie: Oui.
Le président: D'accord, vous pouvez peut-être le surligner pour nous. Merci beaucoup.
Au nom du comité, je vous remercie de nouveau du temps que vous nous avez consacré et des efforts que vous avez déployés non seulement en ce qui a trait au projet de loi C-11 mais aux règlements. En bout de ligne, grâce à votre aide, je suis convaincu que nous améliorerons le règlement sera meilleur tout comme ce fut le cas pour le projet de loi C-11.
John, je vous ai entendu dire, alors que Paul se tirait très bien d'affaire pour présider le segment, que vous aviez déjà préparé certaines lignes directrices à l'intention du ministère concernant le code de déontologie ou le registre à l'intention des consultants. Nous vous en serions grandement reconnaissants. Merci, John.
Chers collègues, nous allons maintenant mettre fin à cette partie-ci de la séance. Cependant je vous demander de rester cinq minutes pour régler un problème de régie interne. Merci beaucoup.
Il nous faut des motions pour les déplacements que nous devons faire. Quelqu'un pourrait-il proposer que le comité entreprenne une étude du document intitulé «Attirer les immigrants» et se déplace pour visiter les bureaux de l'immigration canadienne à l'étranger?
M. Jerry Pickard: Je le propose.
Le président: Quelqu'un s'y oppose? Non.
(La motion est adoptée)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je ne vais pas m'y opposer, mais je crois que nous devrions nous en abstenir étant donné qu'en tant que petit caucus il nous est si difficile de nous imaginer comment équilibrer les déplacements avec le... Je vais donc simplement m'abstenir, mais je ne voterai pas de nouveau.
Le président: D'accord.
Vous allez aimer ceci. Lynne m'a remis sa procuration.
En ce qui a trait à l'itinéraire, il est proposé que le comité adopte l'itinéraire proposé (Europe, Inde, Asie) entre le 13 avril et le 25 avril 2002, relativement à son étude du document «Attirer les immigrants». Y a-t-il une motion?
Une voix: Je le propose.
M. Jerry Pickard: L'Europe et l'Asie?
Le président: Oui.
M. Jerry Pickard: Je croyais qu'il y avait trois lieux différents auparavant. Est-ce des changements ont été apportés?
Le président: Non, c'est bien trois. Le groupe un est celui de Londres, Berlin et Vienne. Le groupe deux est celui de Paris, New Delhi et Sri Lanka. Le groupe trois est celui de Hong Kong, Shanghai, Beijing et ainsi de suite.
Mr. Jerry Pickard: D'accord.
Le président: Nous avons éliminé l'Amérique du Sud.
M. Yvon Charbonneau: [Note de la rédaction--Inaudible]...proposé par...
Le président: Impossible à faire.
D'accord, en ce qui a trait à l'itinéraire...
(La motion est adoptée )
Le président: Troisièmement, en ce qui concerne le budget, pour le groupe un à destination de l'Europe le montant est de 49 254 $; pour le groupe deux à destination de l'Inde le montant est de 86 056 $ et pour le groupe trois le montant est de 78 395 $. Quelqu'un le propose?
Une voix: Oui.
Le président: Des objections?
(La motion est adoptée)
[Français]
M. Yvon Charbonneau: [Note de la rédaction: inaudible] ...proposer cela.
[Traduction]
Le président: N'est-il pas important de signaler que vous devez nous faire part de vos préférences en ce qui a trait à la portion du voyage à laquelle vous voulez participer.
Jacques vous fera parvenir un questionnaire à cet égard. Vous ne pouvez choisir qu'une portion. Vous devez nous faire parvenir vos réponses d'ici jeudi ou vendredi.
Mme Anita Neville: Vous faites...
Le président: J'ai déjà annoncé cela.
Merci beaucoup. Nous nous reverrons demain matin.