CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 27 mars 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour chers collègues. Nous reprenons notre examen du projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.
Nous recevons ce matin le Conseil canadien pour les réfugiés ainsi que le groupe EGALE. Nous passerons la prochaine heure à parler avec les représentants de ces deux organisations qui font de l'excellent travail pour notre pays.
J'espère que nos invités prendront entre cinq et sept minutes pour résumer leurs mémoires. Nous vous remercions d'avoir fourni votre mémoire à l'avance, ce qui nous laissera beaucoup de temps pour vous poser des questions.
Les représentants du Conseil canadien pour les réfugiés sont Janet Dench, directrice générale, et Francisco Rico-Martinez, président. Pour ce qui est du groupe EGALE, nous accueillons John Fisher et Ron Chaplin, et nous attendons encore Michael Battista, qui arrivera sous peu. Merci beaucoup.
Peut-être pouvons-nous commencer par le Conseil canadien pour les réfugiés. Est-ce Janet ou Francisco qui va commencer?
M. Francisco Rico-Martinez (président, Conseil canadien pour les réfugiés): Bonjour à tous. Nous vous remercions de nous avoir invités à vous parler brièvement de nos préoccupations concernant le projet de loi C-11.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre organisme, permettez-moi de vous expliquer que le Conseil canadien pour les réfugiés regroupe environ 170 organismes membres. Nous «uvrons pour les droits et la protection des réfugiés au Canada et dans le monde de même que pour l'établissement au Canada des réfugiés et des immigrants.
Ces dernières années, nous avons participé de très près au processus d'examen législatif qui a conduit au projet de loi C-11.
• 0910
Je voudrais parler du processus. Avant de passer au projet de
loi proprement dit, j'aimerais dire quelques mots au sujet des
consultations entreprises par le Comité permanent de la citoyenneté
et de l'immigration. À notre avis, ces consultations abrégées et
hâtives sont insuffisantes étant donné qu'il s'agit, selon nous,
d'une importante mesure législative qui aura d'énormes conséquences
pour des centaines de milliers de réfugiés et d'immigrants de même
que pour la réputation du Canada.
Pour ce qui est de notre mémoire, il compte plus de 75 pages et 80 recommandations. Des exemplaires de notre mémoire sont disponibles en français et nous pourrons vous les distribuer tout à l'heure. Bien entendu, nous ne pouvons aborder que quelques-uns des principaux points pendant le temps qui nous est imparti ce matin. Permettez-moi de commencer.
Premièrement, voici ce que nous pensons, de façon générale, de ce projet de loi. Dans l'ensemble, le projet de loi C-11 est contradictoire, il ne correspond pas aux valeurs canadiennes et il est hostile aux réfugiés et aux immigrants. Il va sérieusement saper les droits et la protection des réfugiés et des immigrants au Canada et il n'est pas digne de notre pays.
Deuxièmement, tout le monde convient de ce qu'une loi cadre confie à la réglementation un grand nombre de règles essentielles. Les lois cadres confèrent le pouvoir de modifier les règles sans l'approbation du Parlement. Nous vous demandons de réfléchir sérieusement pour voir si c'est vraiment la chose à faire.
En ce qui concerne les obligations vis-à-vis des droits de la personne, nous nous réjouissons de ce que le projet de loi C-11 fait davantage mention que la Loi sur l'immigration actuelle des obligations du Canada à cet égard, par exemple, en offrant une protection contre un retour vers la torture, comme le garantie l'article 3 de la Convention contre la torture, et en mentionnant l'intérêt supérieur de l'enfant. Toutefois, les dispositions du projet de loi ne respectent pas nos obligations à l'égard des droits de la personne.
Plusieurs de ces dispositions ne tiennent pas compte de l'opinion fournie par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Un certain nombre de dispositions sont contraires aux obligations que nous confèrent les conventions sur les droits de l'homme dont nous sommes signataires.
Nous exhortons le comité à modifier le projet de loi pour que le Canada conserve sa réputation de chef de file dans le domaine des droits de la personne. Nous invitons également le comité à consulter les organismes internationaux compétents et notamment le Comité sur la torture des Nations Unies, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
Pour ce qui est de l'application, tout le monde conviendra, je pense, que le projet de loi C-11 et le projet de loi C-31 qui l'a précédé, insistent beaucoup sur ce point. Cela accentue les stéréotypes négatifs au sujet des réfugiés et des immigrants. Malheureusement, cette insistance ne se retrouve pas seulement dans les explications que le gouvernement donne au sujet de cette mesure, mais dans les dispositions du projet de loi qui confèrent des pouvoirs discrétionnaires encore plus importants aux agents d'immigration. Cela compromet sérieusement la protection des réfugiés et des immigrants. Par exemple, le projet de loi élargit les pouvoirs de détention et le gouvernement a fait part de son intention de détenir davantage de gens, surtout, semble-t-il, pour donner l'impression d'être moins laxiste, même si un récent rapport des Nations Unies dit clairement que nous ne respectons pas toujours les normes internationales minimums concernant la détention.
Je dois également signaler qu'en accordant de plus grands pouvoirs discrétionnaires aux agents d'immigration, on ouvre la porte aux abus contre les minorités raciales. On se plaint déjà souvent des préjugés ou du racisme des agents d'immigration et il n'y a pas de procédure indépendante pour enquêter sur ces plaintes. Le CCR recommande de circonscrire le pouvoir de détention et de le soumettre à un examen approfondi. Nous demandons également la mise en place d'une procédure d'enquête indépendante pour les plaintes.
J'aimerais maintenant céder la parole à Janet Dench, qui poursuivra la lecture de notre mémoire.
Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Nous voulons souligner la spécificité des réfugiés. La plupart d'entre eux sont visés par des dispositions distinctes du projet de loi qui concernent la protection des réfugiés compte tenu du fait que ces derniers ne sont pas dans la même situation que les immigrants. Toutefois, cette distinction n'est pas entièrement respectée dans le projet de loi. La réinstallation des réfugiés est abordée dans la partie 1 «Immigration au Canada», mais nous remarquons que le projet de loi n'a presque rien à dire à ce sujet étant donné que c'est dans le règlement que les détails apparaîtront.
Un grand nombre des règles s'appliquant aux demandeurs d'asile, y compris en ce qui concerne la détention, figurent dans la partie 1 où l'on ne tient pas compte des réalités qui sont propres aux réfugiés.
Le CCR demande que la partie du projet de loi consacrée à la protection des réfugiés aborde de façon plus complète les programmes destinés aux réfugiés et plus particulièrement le programme de réinstallation des réfugiés et les demandes de résidence permanente faites par les réfugiés.
[Français]
Nous aimerions maintenant proposer quelques solutions simples qui, selon nous, pourraient améliorer le projet de loi et le programme d'immigration de façon importante. Ces recommandations sont motivées par trois préoccupations; premièrement, avoir un processus équitable; deuxièmement, avoir un processus à la hauteur des normes internationales en matière de droits de la personne; troisièmement, avoir un processus efficace.
[Traduction]
Voici quelques-unes des nombreuses recommandations qui figurent dans notre mémoire.
Octroi automatique aux réfugiés du statut de résident permanent. Depuis plusieurs années, un énorme problème se pose du fait que les réfugiés reconnus comme tels par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié doivent souvent attendre des années pour obtenir la résidence permanente. Dans l'intervalle, ils se trouvent dans des limbes juridiques et n'ont pas les droits que le Canada est tenu de respecter aux termes de la Convention sur les réfugiés. Le projet de loi C-11 ne remédie pas à ce problème.
Le CCR recommande une solution bien simple qui consiste à modifier le projet de loi pour accorder automatiquement le statut de résident permanent à toutes les personnes protégées. CIC continuerait à pouvoir retirer ce statut aux rares personnes qui n'y auraient pas droit.
Deuxièmement, il faudrait éliminer le test d'admissibilité du processus de détermination du statut de réfugié. Aux termes de la loi actuelle comme du projet de loi C—-11, le test d'admissibilité empêche un petit nombre de revendicateurs d'avoir accès au système de détermination du statut de réfugié. Une nouvelle disposition du projet de loi C-11 empêche toute personne qui fait une deuxième demande d'obtenir une audience de détermination du statut de réfugié. Cet obstacle va à l'encontre des obligations que nous confère la Convention sur les réfugiés et la Convention contre la torture. La vérification de l'admissibilité est une étape supplémentaire qui exige du temps et des ressources, mais qui permet seulement d'éliminer un très faible pourcentage des demandes.
Nous recommandons d'éliminer tout simplement cette étape et de confier cette fonction à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui peut procéder à cet examen dans le contexte de l'audience de détermination du statut de réfugié.
Troisièmement, l'examen des risques avant renvoi devrait être confié à la CISR. Le projet de loi C—-11 créera deux structures parallèles, l'une à la CISR et l'autre à CIC, qui appliqueront la même définition mais offriront des protections très différentes. Certaines personnes suivront les deux procédures. Le système est tellement compliqué que le libellé du projet de loi C-11 et du projet de loi C-31 pose des problèmes et nous ne savons toujours pas exactement ce que prévoit la procédure d'examen des risques avant renvoi.
Dans l'intérêt de la justice, pour respecter les normes internationales et par souci d'efficacité, le CCR recommande de confier l'examen des risques avant renvoi à la CISR.
Pour conclure, nous répétons ce que nous avons dit au départ à savoir que, dans l'ensemble, le projet de loi C-11 est contradictoire, il ne correspond pas aux valeurs canadiennes et il est hostile aux réfugiés et aux immigrants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
C'est maintenant au tour d'EGALE. Qui va commencer? John, allez-y.
M. John Fisher (directeur exécutif, EGALE): Merci, monsieur le président. Je me réjouis d'avoir été invité à comparaître ici aujourd'hui avec mes collègues, Ron Chaplin et Michael Battista.
EGALE est un organisme national qui compte des membres dans chaque province et territoire du pays. Il a pour mission de promouvoir l'égalité et la justice pour les lesbiennes, les homosexuels, les bisexuels, les transsexuels et leurs familles de tout le Canada.
Nous aborderons aujourd'hui trois questions: Je parlerai de l'inclusion des couples de même sexe dans le regroupement familial, M. Battista examinera les questions relatives aux réfugiés, surtout ceux qui fuient les persécutions fondées sur l'orientation sexuelle ou leur identité sexuelle, et M. Chaplin parlera des tests de dépistage du VIH.
Bien entendu, nos observations seront centrées sur le projet de loi proprement dit, le projet de loi C-11. Nous savons que votre comité ne se penche pas directement sur le règlement d'application et nous reconnaissons que le projet de loi C-11 est conçu comme une loi cadre.
• 0920
En même temps, à plusieurs égards, le projet de règlement est
relié inextricablement aux dispositions de la loi. Lorsque la
réglementation proposée aborde des questions sur lesquelles
s'articule l'ensemble du régime et dont dépend peut-être la
constitutionnalité de certains éléments du régime, nous croyons que
votre comité devrait au moins exprimer ses opinions et guider les
rédacteurs du règlement afin qu'ils puissent bénéficier de son
expérience et de son avis sur ces questions.
Je voudrais maintenant aborder la question du regroupement familial. Généralement, lorsque je présente un mémoire devant un comité parlementaire au sujet des couples de même sexe et de la reconnaissance de nos relations, je commence par expliquer pourquoi les couples de même sexe ont droit au même traitement au regard de la loi.
Je vais partir du principe que nous n'en sommes plus là. Je pense que la Cour suprême du Canada a clairement établi que la Constitution exige de reconnaître que nos relations se situent sur un pied d'égalité. Le gouvernement canadien a affirmé qu'il s'engageait à reconnaître ce principe en adoptant, l'année dernière, le projet de loi C-23, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations. Bien entendu, dans le contexte de l'immigration, les couples de même sexe ont pu entrer au Canada, depuis des années, pour des motifs d'ordre humanitaire.
La question qui se pose donc aujourd'hui n'est pas de savoir si les couples de même sexe devraient être reconnus au même titre que les autres dans le contexte de l'immigration, mais plutôt comment. Quels sont les critères qui s'appliquent à eux? Où les dispositions les concernant se situent-elles? Nous appuyons et nous applaudissons l'inclusion et la reconnaissance des conjoints de fait dans la catégorie regroupement familial. C'est là qu'est leur place et non pas dans la catégorie motif humanitaire. Nous voyons là un pas en avant.
Nous avons une modification à proposer au projet de loi. Il est fait mention des conjoints de fait au paragraphe 12(2) du projet de loi C-11. Nous sommes pour cette inclusion, comme nous l'avons dit, mais nous voudrions qu'on précise que cela comprend à la fois les conjoints de même sexe et les conjoints de sexe opposé. Nous proposons donc d'insérer après les mots «conjoint de fait», entre parenthèses, l'expression «de même sexe ou de sexe opposé».
Les raisons de cet ajout sont les suivantes. Premièrement, en tant que loi cadre, cette mesure devrait indiquer les raisons premières qui permettent de faire partie de la catégorie du regroupement familial. Nous pensons qu'en précisant que les conjoints de même sexe sont inclus, on indique qui peut se prévaloir du régime au lieu de mentionner simplement quels sont les critères, lesquels peuvent être précisés dans le règlement.
Deuxièmement, cela répond à un souci de transparence. Bien des gens ne savent pas que les conjoints de fait comprennent les conjoints de même sexe. Nous savons que le recensement de 2001 de Statistique Canada constitue un important précédent. Dans le cadre du recensement, Statistique Canada demande aux Canadiens quelle est la nature de leurs relations personnelles et, pour la première fois cette année, une question est posée sur les relations entre conjoints du même sexe. Pour se conformer au projet de loi C-23, Statistique Canada utilise l'expression «conjoint de fait», mais après les mots «conjoint de fait», on a ajouté entre parenthèses «même sexe» et, pour une question différente, «conjoint de fait» suivi de «sexe opposé» entre parenthèses en demandant aux Canadiens de cocher celui de ces deux types de relations qui s'appliquent à eux, s'il y a lieu.
Statistique Canada l'a fait, bien entendu, à la suite d'études intensives auprès de groupes de consultation et a constaté que c'était la façon d'obtenir les résultats les plus exacts car autrement, les gens ne comprennent pas que les conjoints de fait comprennent nécessairement les conjoints de même sexe.
C'est d'autant plus important dans le contexte de l'immigration que beaucoup de gens chercheront à accéder à la procédure d'immigration et à la comprendre à partir de l'étranger. Les homosexuels et les lesbiennes qui se trouvent dans des pays où leurs relations ne sont pas reconnues, où la loi ne protège pas les couples de même sexe, supposeront automatiquement que l'expression conjoint de fait désigne seulement les conjoints de sexe opposé, comme c'est le cas dans de nombreux pays.
C'est donc le principal amendement que nous proposons d'apporter en ce qui concerne la catégorie du regroupement familial.
J'aborderai maintenant brièvement une importante question traitée dans le règlement, mais que nous examinons plus en détail dans notre mémoire. Nous craignons en effet que dans le projet de règlement déposé au comité, on propose d'identifier les conjoints de fait en fonction de leurs relations conjugales et d'une cohabitation d'un an. Dans le contexte de l'immigration, la cohabitation ne peut pas être un critère. Les gens sont souvent séparés pour des raisons d'immigration et ne peuvent pas vivre ensemble sous le même toit.
Nous formulons donc plusieurs propositions, qui sont énoncées plus en détail dans notre mémoire, pour améliorer les dispositions à cet égard. Toutefois, pour le moment, nous exhortons le comité à examiner la question et à exprimer son opinion en réaffirmant que la cohabitation n'est pas nécessairement le meilleur critère dans le contexte de l'immigration. Je me ferai un plaisir de revenir là-dessus si vous avez des questions à poser à ce sujet. Merci.
Me Michael Battista (avocat spécialisé en immigration et réfugiés, EGALE): Merci.
Je crois qu'il faut commencer par reconnaître que, dans de nombreux pays du monde, les lesbiennes, les homosexuels et les transsexuels sont victimes de très graves violations des droits de la personne. Le Canada est l'un des rares pays à offrir une protection aux personnes qui fuient les persécutions fondées sur leur orientation ou leur identité sexuelle. Néanmoins, même chez nous, il y a des obstacles importants qui empêchent les lesbiennes, les homosexuels et les transsexuels de bénéficier d'une protection.
Par exemple, après avoir vécu pendant des années dans un environnement répressif, une personne qui demande une protection en raison de son orientation ou de son identité sexuelle peut avoir peur de divulguer aux autorités canadiennes les raisons véritables pour lesquelles elle revendique le statut de réfugié. Cette personne peut également ignorer qu'elle peut revendiquer ce statut en raison de son orientation ou de son identité sexuelle. C'est particulièrement important, car ce n'est pas mentionné explicitement dans la loi ou dans le règlement sur l'immigration. Nous avons fait valoir que le projet de loi C-11 allait augmenter les obstacles que doivent déjà surmonter ceux qui ont besoin d'une protection en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelle.
Nous avons mis en lumière certaines dispositions d'inadmissibilité qui, à notre avis, n'ont pas les mêmes répercussions pour les homosexuels, les lesbiennes et les transsexuels qui demandent asile au Canada. Étant donné que, comme je l'ai déjà mentionné, ces personnes peuvent avoir de bonnes raisons de ne pas divulguer leur orientation ou leur identité sexuelle dès la première occasion, nous craignons que les restrictions qui les empêcheraient de présenter ce genre de preuves aux étapes ultérieures empêchent les personnes qui fuient les persécutions fondées sur leur orientation ou leur identité sexuelle d'obtenir une protection. Aucune disposition ne permet de rouvrir le dossier d'un revendicateur devant la section du statut de réfugié afin de présenter des preuves qui n'ont pas déjà été produites ou qui proviennent d'un examen des risques avant renvoi.
Enfin, en raison de l'affaiblissement d'autres mesures de protection telles que l'examen par un seul commissaire, il est essentiel d'élaborer des lignes directrices et de dispenser une formation aux commissaires de la section de protection du statut de réfugié pour l'examen des revendications fondées sur l'orientation ou l'identité sexuelle. Merci.
M. Ron Chaplin (président, Political Action Committee, EGALE): Merci, Michael.
Avant de terminer, nous voudrions ajouter brièvement qu'EGALE s'inquiète de toute disposition de la loi ou de son règlement d'application qui obligerait les immigrants de toute catégorie à se soumettre à un test de dépistage du VIH. En vertu de la loi actuelle et du projet de loi, une personne peut se voir refuser l'entrée au Canada si son état de santé risque d'être une menace pour la santé ou la sécurité du public ou imposer un fardeau excessif aux services gouvernementaux. Ces deux critères sont acceptables. Toutefois, les tests de VIH obligatoires et l'exclusion automatique des personnes séropositives ne correspondent à ni l'un ni l'autre de ces critères.
Le dépistage obligatoire de certaines maladies chez les immigrants constituerait une mauvaise utilisation de ressources qui ne contribuerait pas beaucoup à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Il vaudra au mieux consacrer ces ressources à la mise en «uvre de programmes d'éducation publique en matière de santé. Le traitement du VIH a beaucoup progressé et continue de le faire. Les séropositifs peuvent mener une vie productive et contribuent de façon positive à l'économie canadienne. Nous recommandons donc de ne pas modifier les politiques actuelles, lesquelles accordent aux agents d'immigration le pouvoir discrétionnaire de réclamer qu'un candidat à l'immigration subisse un test de dépistage du VIH et de tenir compte des résultats de ces tests en fonction des circonstances de chaque cas. À notre avis, la séropositivité en soi ne devrait pas constituer un motif permettant de refuser l'entrée d'une personne au Canada à titre de visiteur, de réfugié ou de membre de la famille immédiate.
Le président: Je vous remercie de ces exposés ainsi que de votre intérêt continu pour ces questions. Je sais que vous avez beaucoup eu à dire au sujet du projet de loi C-31, le prédécesseur du projet de loi à l'étude, et les vues que vous avez alors exprimées nous ont été très utiles. Je sais que bon nombre d'entre vous ont abordé la question de la réglementation. Je vous rappelle qu'avant d'entreprendre ces audiences publiques, le comité a demandé à la ministre de faire paraître un document de discussion donnant un aperçu du règlement qui serait pris aux termes du projet de loi. La ministre a acquiescé à notre demande. J'ignore si vous avez déjà reçu un exemplaire du document de discussion ou si vous avez pu l'examiner. Vous aurez évidemment amplement l'occasion de faire connaître vos vues sur ce document à mesure que le processus de consultation progresse.
• 0930
Merci encore. J'ouvre maintenant la période des questions.
M. Inky commencera le premier tour. Vous avez 10 minutes. Vous
pouvez partager ce temps avec l'un de vos collègues si vous le
souhaitez. Je demande aux députés de poser de brèves questions et
aux témoins de répondre à ces questions aussi brièvement que
possible. De cette façon, nous pourrons vous poser le plus de
questions possible. Je vous remercie.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour et bienvenue devant le comité.
J'ai quelques brèves questions à poser dont la première s'adresse au Conseil canadien pour les réfugiés. Vous avez dit ne pas aimer le fait que le projet de loi est un projet de loi cadre. Vous préféreriez que le gouvernement ne s'en remette pas tant à la réglementation. Je partage cet avis. Je crois que le sujet est trop important pour s'en remettre à la réglementation. Qu'aimeriez-vous voir dans ce projet de loi qui n'y est pas maintenant et qui figurera dans la réglementation?
Mme Janet Dench: Nous avons donné en exemple le programme de réinstallation des réfugiés dont ne fait presque pas mention le projet de loi. Il ne donne en particulier aucune précision au sujet des droits des immigrants et du processus de réinstallation. Voilà donc un exemple de ce qui devrait figurer dans le projet de loi.
Nous aimerions aussi que le projet de loi accorde de façon générale davantage de protection aux immigrants. Le plus gros de cette protection doit leur être accordé par voie réglementaire. Or, le gouvernement peut changer le règlement s'il ne lui convient pas ou si un tribunal rend une décision qui ne lui plaît pas. Nous nous inquiétons du fait qu'on peut modifier facilement un règlement.
M. Francisco Rico-Martinez: Cette question nous préoccupe grandement. Nous comprenons qu'il est préférable que certaines questions de détail soient traitées dans le règlement, mais ce n'est pas toujours à l'avantage des réfugiés et des immigrants. Je songe par exemple aux critères portant sur la détention et l'expulsion. Un projet de loi cadre ne convient pas dans ces cas- là. Le projet de loi ne traite pas non plus des domaines où un rôle proactif s'impose comme dans le domaine de la réinstallation, de la prise en compte du meilleur intérêt de l'enfant et des questions liées à l'égalité des sexes. Cette approche risque de créer des problèmes.
M. Inky Mark: Je vous remercie. Ma question suivante s'adresse au groupe EGALE. Étant donné que le projet de loi C-23 a été adopté l'an dernier, n'êtes-vous pas surpris que le projet de loi à l'étude n'aborde pas ouvertement la question des couples de même sexe?
M. John Fisher: Si j'ai bien compris votre question, nous sommes d'avis qu'il s'agit de l'achèvement théologique de l'approche amorcée l'an dernier avec le projet de loi C-23. En adoptant ce projet de loi, le gouvernement a clairement fait savoir qu'il allait traiter les couples de même sexe de la même façon que les autres couples. Nous savions cependant que la question faisait l'objet d'un examen distinct en ce qui touche l'immigration. Nous pensons que l'intention du gouvernement était de faire en sorte que les partenaires de même sexe soient traités de la même façon que les autres dans ce projet de loi. Comme je l'ai dit, l'article 12 du projet de loi assure un traitement égal aux couples de même sexe bien que comme nous l'avons fait remarqué dans notre déclaration préliminaire, nous aurions préféré que cette protection soit beaucoup plus explicite, par souci de transparence.
Le président: Gurmant.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, AC): Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: J'ai promis d'être gentil avec vous.
M. Gurmant Grewal: Je vous remercie. Je m'en réjouis, monsieur le président.
Ma première question s'adresse au CCR. Vous prétendez que certains agents d'immigration font preuve de préjugés et de racisme. Avez-vous des cas de ce genre à soumettre au comité? Si vous ne pouvez pas nous les soumettre tout de suite, vous pouvez le faire plus tard.
M. Francisco Rico-Martinez: Le Comité des droits de la personne au Manitoba a entendu plusieurs plaintes portant sur le racisme dont auraient fait preuve des agents d'immigration.
• 0935
Nous avons aussi dénoncé à plusieurs reprises le programme
d'interdiction qui repose sur le racisme. En effet, c'est en
fonction de l'apparence des gens qu'on les empêche en plein
processus de venir au Canada. On peut les empêcher de le faire à
partir de Londres, par exemple. Nous avons donné différents
exemples.
Le nombre de demandes de parrainage qui sont acceptées à l'étranger varie, par exemple, d'un poste à l'autre. Nous discutons de ce genre de cas avec les fonctionnaires du ministère de l'Immigration depuis 20 ans.
Le ministère connaît bien le problème. Voilà pourquoi nous réclamons la création d'un mécanisme d'examen indépendant auquel ce genre de plaintes pourront être présentées et qui veillera à améliorer certains aspects du processus d'immigration et du processus d'examen des demandes de statut de réfugié.
Mme Janet Dench: J'aimerais ajouter quelques mots.
Nous avons préparé un rapport en prévision de la Conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les divers types d'intolérance, dans lequel nous abordons les aspects des programmes d'immigration et de réfugié au Canada qui dénotent du racisme et de la xénophobie. Nous vous enverrons volontiers un exemplaire de ce document.
Le président: Je vous remercie.
Gurmant.
M. Gurmant Grewal: J'ai une brève question à poser au sujet du droit d'établissement automatique pour les réfugiés. Vous avez fait remarquer que ce droit ne figure pas dans le projet de loi. Pourriez-vous m'indiquer dans quel article du projet de loi il est dit qu'un réfugié n'aura pas un droit d'établissement automatique?
Pourriez-vous aussi me dire quelles sont les recommandations précises que vous formulez à ce sujet? Je n'ai pas très bien compris ce qu'il en était.
Mme Janet Dench: Le projet de loi énonce simplement que les réfugiés—des personnes dont le droit à la protection a été reconnu par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié—peuvent demander à obtenir le statut de résident permanent. Les critères qui s'appliqueront aux réfugiés seront précisés dans le règlement.
Le ministère nous a dit que le règlement devrait confirmer les critères actuels, ce qui signifie qu'une personne ne pourra pas obtenir le statut de résident permanent à moins de pouvoir prouver son identité à un agent d'immigration, ce qu'un bon nombre de réfugiés ne peuvent pas faire parce qu'ils n'ont pas de pièces d'identité pour une raison ou une autre.
Nous proposons que le projet de loi énonce clairement qu'une personne de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié considère comme une personne devant être protégée se voit automatiquement accorder le statut de résident permanent.
Le statut de résident permanent pourrait évidemment être enlevé à ces personnes si elles y devenaient inadmissibles. Le processus d'examen actuel s'appliquerait alors.
Nous proposons cependant que la loi reconnaisse aux réfugiés le statut de résident permanent. Il ne devrait pas être nécessaire aux réfugiés de devoir répondre à toutes sortes de critères pour obtenir ce statut.
M. Gurmant Grewal: Proposez-vous que ce soit le cas même pour les personnes qui pourraient par la suite commettre un crime?
Mme Janet Dench: Il est impossible d'obtenir le statut de personne protégée si l'on a commis un crime grave. Les personnes qui ont commis des crimes graves non politiques sont inadmissibles au statut de personne protégée.
Il y aura une petite proportion de gens à qui il ne conviendra pas d'accorder le statut de résident permanent, mais cela ne devrait pas nous empêcher de l'accorder aux autres.
Le président: Francisco.
M. Francisco Rico-Martinez: Cette proposition se fonde sur notre connaissance du fonctionnement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
La commission applique des critères en matière d'identification qui sont très rigoureux. À la fin de l'audience sur le statut de réfugié, la commission sait si le requérant est bien qui il dit être et s'il est un véritable réfugié à qui nous devons protection.
Le statut de réfugié n'est pas accordé de façon automatique à quelqu'un à son arrivée au Canada. Une décision doit être rendue à ce sujet à l'issue d'un long processus. Si Immigration Canada continue de se poser des questions au sujet de l'identité d'une personne ou au sujet de ses antécédents criminels, on peut revoir son cas. Le ministère peut révoquer le statut d'immigrant reçu de cette personne s'il a de bonnes raisons de le faire.
Le président: Je vous remercie.
Inky, vous avez droit à une dernière question.
M. Inky Mark: Le statut de résident permanent était automatiquement accordé avant 1993 aux personnes que la commission d'examen estimait être des réfugiés véritables. C'était alors le seul critère qui s'appliquait.
Le défi consiste aujourd'hui à établir qui est un véritable réfugié et un véritable demandeur d'asile. C'est le défi auquel non seulement notre pays fait face, mais d'autres pays également. Faites-vous une distinction entre ces deux catégories de personnes? Pour les gens avec lesquels je discute de la question, la question de l'identité est la plus importante.
M. Francisco Rico-Martinez: À mon avis, le problème qui existe est dû au fait que nous confondons deux choses dans les pays occidentaux, à savoir les pièces d'identité et l'identité elle-même.
Où que j'aille, je suis Francisco Rico. Je n'ai pas à montrer mon permis de conduire pour le prouver. Au Canada, on attache cependant beaucoup d'importance aux pièces d'identité. Or, dans certains pays, les gens n'ont pas de pièces d'identité comme ici. On lèse immédiatement la moitié de la population du monde si l'accent est mis sur les pièces d'identité.
Il y a aussi la question de la protection des réfugiés. La CISR est l'organe gouvernemental qui s'occupe de l'examen des demandes de réfugié. La commission fait du bon travail. Il suffit de faire confiance à cet organe dont le rôle est de distinguer les véritables réfugiés des autres.
Comme nous confondons pièce d'identité et identité, nous n'avons pas vraiment étudié tous les aspects juridiques de la question. Cette situation lèse beaucoup de gens animés de bonnes intentions qui ont besoin de notre protection mais qui n'ont pas de passeport à fournir.
Le président: Je vous remercie.
Steve, allez-y. Je crois que Gurbax veut ensuite poser une question.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): J'aimerais poser des questions à nos deux groupes de témoins. Ma première s'adresse cependant aux représentants du CCR.
Vous n'êtes pas les seuls témoins à soulever la question de l'utilisation du terme «étranger» dans le projet de loi. Je me demande si ce n'est pas vraiment une tempête dans un verre d'eau. Pourriez-vous m'expliquer quel est le problème.
Si quelqu'un n'a pas encore la citoyenneté canadienne, n'est-il pas un étranger. Je ne vois pas quel est le problème.
Mme Janet Dench: Nous ne pensons pas que l'utilisation du terme «étranger» convient dans le cas des résidents permanents. À strictement parler, ces personnes sont évidemment des étrangers parce qu'elles sont toujours citoyens d'un autre pays. Par ailleurs, elles sont aussi des membres de notre société.
Le Canada est un pays qui est fondé sur l'immigration. Les immigrants font partie de la société canadienne. Un résident permanent peut être au pays depuis très longtemps ou depuis peu. Il nous appartient à nous de nous montrer accueillant à leur endroit. Si la Loi sur l'immigration désigne ces personnes comme des étrangers, cela revient à dire qu'elles ne sont pas membres de notre société.
M. Steve Mahoney: Vous donnez l'impression que les résidents permanents se font continuellement rappeler qu'ils viennent d'un autre pays. Je ne vois pas pourquoi la loi ne pourrait cependant pas préciser le statut juridique qui est celui des personnes qui proviennent d'un autre pays.
Le président: Bien des gens pensent aussi que les députés viennent d'une autre planète.
M. Steve Mahoney: C'est vous qui le dites.
Le président: Francisco, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Francisco Rico-Martinez: Nous proposons de créer un terme ou d'utiliser un terme qui existe déjà et qui ferait ressortir le fait que ces personnes veulent faire partie de notre société.
On continue d'appeler des étrangers des demandeurs du statut de réfugié ou des réfugiés de plein titre qui vivent ici depuis trois, quatre ou cinq ans. Bien que ces personnes veulent vivre ici et faire partie de notre société, on continuera de les appeler des étrangers et si on ne leur accorde pas le statut d'immigrant reçu et de citoyen canadien, c'est souvent que nous les empêchons de le faire.
Quand on utilise le terme «étranger», on n'insiste pas sur le fait que ces personnes veulent faire partie de notre pays. On pourrait peut-être utilisé un autre terme comme celui de «non-Canadien». Il existe déjà en droit des termes qui ne mettent pas l'accent...
M. Steve Mahoney: Je ne veux pas consacrer tout le temps qui m'est imparti à cette question.
Vous proposez qu'on amende le projet de loi pour empêcher l'imposition de contingents. Où est-il question de contingents dans le projet de loi?
Pendant que vous cherchez la réponse à cette question, permettez-moi de vous en poser une autre qui porte sur la détermination du statut de réfugié.
• 0945
Vous faites valoir que les personnes dont la demande de statut
de réfugié a été rejetée ne peuvent pas présenter une seconde
demande. Ces personnes n'ont-elles cependant pas droit à une
évaluation des risques avant le renvoi, ce qui revient à une
seconde demande. Ce projet de loi ne supprime donc pas ce
processus. Je sais que vous aimeriez qu'il relève de la CISR.
Quelle que soit la place de ce processus dans le système, il
existe.
Le président: Pouvez-vous répondre à la première question?
Mme Janet Dench: En réponse à votre première question, l'alinéa 14(2)c) énonce que des règlements peuvent régir le nombre de demandes à traiter et dont il peut être disposé et celui de visas ou autres documents à accorder par an, ainsi que les mesures à prendre en cas de dépassement.
Nous réclamons qu'une exception soit faite dans le cas des réfugiés. Ce genre de limites ne convient pas dans leur cas. Ces limites n'existent pas à l'heure actuelle et nous ne voulons pas que le gouvernement en établisse dans l'avenir.
Le président: Pour ce qui est de la seconde question?
M. Francisco Rico-Martinez: Au sujet de l'ERAR, vous avez raison de dire que nous voulons que ce soit la CISR qui établisse dans tous les cas qui a le droit d'obtenir le statut de réfugié. Le tribunal quasi judiciaire de la CISR se reportera aux mêmes critères que les agents d'immigration pour évaluer le risque que pose une personne.
Par conséquent, nous disons qu'il ne s'agit pas d'une revendication du statut de réfugié. Par définition, si vous appliquez la convention de 1951, vous verrez que ce n'est pas considéré comme une revendication du statut de réfugié. Il s'agit d'un examen des risques avant renvoi parce que, du point de vue de la loi, on ne peut pas obtenir une deuxième chance en invoquant la convention sur les réfugiés.
M. Steve Mahoney: J'ai une ou deux questions à poser à EGALE, si vous le permettez.
Tout d'abord, pour ce qui est d'ajouter entre parenthèses l'expression «de même sexe ou de sexe opposé», à la suite du projet de loi C-23 et du changement d'attitude qu'il sous-entend, j'aurais cru que vous n'en étiez plus là ou que nous n'en sommes plus là en ce sens que nous savons ce qu'on attend par «conjoint de fait».
M. John Fisher: Nous savons peut-être nous-mêmes ce qu'il faut entendre par l'expression conjoint de fait, mais est-ce le cas des personnes qui voudront se prévaloir du système d'immigration canadien?
À l'heure actuelle, les conjoints de même sexe peuvent entrer au Canada en invoquant les motifs humanitaires. Cela a donné d'assez bons résultats depuis plusieurs années. Toutefois, je reçois de nombreux appels de gens qui ne savent pas qu'ils peuvent faire une demande pour des motifs humanitaires. Certains d'entre eux ont consulté des avocats à l'étranger qui ont eux-mêmes étudié la Loi sur l'immigration du Canada et n'y ont trouvé aucune mention des conjoints de même sexe dans la catégorie du regroupement familial ou des motifs humanitaires.
Il s'agit donc de rendre ces renseignements le plus accessibles possible, surtout pour les gens qui font leur demande de l'étranger et qui ne savent peut-être pas qu'au Canada nous considérons que l'expression «conjoint de fait» comprend les conjoints de même sexe. Je crois que ce n'est pas connu sur la scène internationale et particulièrement dans les pays où l'expression «conjoint de fait» ne s'applique qu'aux conjoints de sexe opposé et où l'homosexualité expose même à des sanctions pénales.
D'autre part, comme je l'ai déjà dit, Statistique Canada a posé la question à titre expérimental et constaté que, même chez les Canadiens, les réponses sont plus exactes si vous précisez «de même sexe ou de sexe opposé».
M. Steve Mahoney: Une formation ne réglerait donc pas vos préoccupations à cet égard.
M. John Fisher: La formation serait certainement utile. Nous croyons important de publier des brochures et de prévoir des séances d'information pour les agents de visa et autres afin qu'ils administrent nos politiques d'immigration à l'étranger en étant le mieux informés possible.
Mais nous craignons également que les gens qui ont consulté des avocats à l'étranger et qui ne savent pas quels sont leurs droits ne représentent que la pointe de l'iceberg et que de nombreuses personnes ne savent pas ce qu'il en est.
M. Steve Mahoney: Je comprends vos préoccupations. Pendant des années vous vous êtes battus pour être traités comme tout le monde, mais maintenant, en incluant cette définition dans le projet de loi, vous vous placez de nouveau à part des autres. Je vois là un manque de logique.
Je comprends vos inquiétudes et vos difficultés, mais je me demande s'il n'existe pas une meilleure façon de les résoudre au lieu de procéder ainsi. Mais nous allons examiner la chose.
• 0950
Pour ce qui est de l'inadmissibilité des personnes qui
imposeraient un fardeau excessif aux services de santé et aux
services sociaux, je crois que ce projet de loi contient de
nouvelles dispositions qui exemptent les conjoints, conjoints de
fait et enfants à charge parrainés dans le cadre du regroupement
familial, les réfugiés au sens de la convention acceptés outre-mer
et les personnes dans des circonstances similaires ainsi que leurs
enfants à charge.
Cela ne dissipe-t-il pas vos inquiétudes concernant les tests?
M. Ron Chaplin: Non. Nous félicitons la ministre d'avoir inclus cette clause et d'avoir bien précisé que le test du VIH ne déterminera pas l'admissibilité dans ces circonstances particulières. Nous nous inquiétons toutefois de ce que la ministre a laissé entendre publiquement que toutes les personnes qui demanderont à immigrer au Canada devront se soumettre au test du VIH. Nous croyons que c'est inutile. Cela ne répond pas aux critères établis dans la loi.
M. Steve Mahoney: Vous voulez me dire que vous croyez qu'on imposera un test obligatoire?
M. Ron Chaplin: La ministre a fait des déclarations en ce sens en public et je suppose qu'il s'agissait de simples ballons d'essai.
Le président: Merci.
Me Michael Battista: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose...
M. Steve Mahoney: J'ai entendu la ministre dire aussi le contraire.
Le président: Nous obtiendrons un éclaircissement.
Me Michael Battista: La non-application des critères d'inadmissibilité médicale dont vous parlez ne vise pas les immigrants indépendants. Il peut s'agir de personnes qui peuvent apporter une grande contribution à la société canadienne sur le plan économique et culturel. Cette exclusion ne s'applique pas dans leur cas.
Le président: Merci.
Nous allons passer à Madeleine.
[Français]
Cinq minutes.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse au Conseil canadien pour les réfugiés. Vous avez parlé dans votre présentation d'accorder la résidence automatique aux réfugiés. J'aimerais savoir si dans les autres pays qui reçoivent des réfugiés—il y en a un certain nombre—un processus équivalent de résidence automatique est nécessairement attribué aux réfugiés, auquel cas on ne ferait que se conformer à la norme, mais dans le cas contraire, le Canada ne deviendrait-il pas un endroit privilégié pour les réfugiés, alors que le projet de loi veut limiter l'immigration un petit peu?
Ma deuxième question s'adresse également au Conseil canadien pour les réfugiés. Vous avez parlé d'éliminer le processus d'admissibilité pour tous les demandeurs d'asile. Vous avez dit qu'il y en avait finalement très peu. Êtes-vous en mesure de me donner une idée en termes de pourcentage? Parle-t-on de 1 p. 100, 5 p. 100, 10 p. 100 des demandeurs qui ne sont pas admissibles au statut de demandeur d'asile?
Le président: Janet.
Mme Janet Dench: Pour la première question, je pense qu'au sein des différents pays, il y a une grande diversité dans la façon dont les réfugiés sont traités. Au Canada, nous avons un avantage et je pense que c'est un atout qu'on devrait certainement préserver. En effet, nous encourageons les réfugiés à devenir résidents permanents dans les plus brefs délais et à devenir des citoyens s'ils le veulent, privilégiant ainsi l'intégration de ceux-ci.
Cependant, dans d'autres pays, il existe des réfugiés au sens de la Convention sur les réfugiés, et ces réfugiés ont les droits qui y sont stipulés. Ils ont des droits que les divers pays devraient respecter selon la convention. Au Canada, nous n'avons pas cette catégorie du tout, puisqu'en général, les réfugiés deviennent assez rapidement des résidents permanents. Ils ont accès aux droits par le biais du statut de résidence permanente.
Le fait d'octroyer automatiquement la résidence permanente aux réfugiés serait un peu l'équivalent de ce qui se fait dans d'autres pays, c'est-à-dire d'accorder aux réfugiés comme tels des droits axés sur les services, sur l'éducation, le droit à des documents de voyage, etc.
M. Francisco Rico-Martinez: Permettez-moi d'ajouter quelque chose à ce sujet. Nous faisons déjà ce que nous leur demandons de faire outre-mer. Il y a 10 ou 15 ans, des Salvadoriens sont venus au Canada, des gens qui se trouvaient dans les camps de réfugiés du Honduras, du Nicaragua et du Guatemala. Ils n'avaient aucune pièce d'identité. Nous les avons acceptés, nous leur avons accordé la résidence permanente et maintenant, ce sont des citoyens canadiens. Ils n'avaient aucune pièce d'identité du Salvador, par exemple. La situation est la même dans plusieurs camps de réfugiés. Nous le faisons déjà.
Le problème est que nous faisons deux poids deux mesures. Nous le faisons à l'étranger dans certains cas, et nous sommes satisfaits de ces mesures, mais nous ne le faisons pas au Canada et cela sans aucune raison. Nous demandons le même genre de traitement pour l'identification des gens et l'obtention du statut de résident permanent.
[Français]
Mme Janet Dench: Pour ce qui est de la deuxième question, je n'ai pas avec moi les chiffres exacts, mais je sais que c'est beaucoup moins que 5 p. 100. Il s'agit de 1 p. 100 ou de moins de 1 p. 100. C'est minime. J'imagine que le ministère pourrait vous fournir les chiffres exacts.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci. Une petite question?
Le président: Oui.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mon autre question s'adresse au groupe ÉGALE, un groupe qui est très bien organisé. Je vais quand même déplorer une chose. Vous avez dit que vous aviez des membres à la grandeur du Canada. J'imagine que vous en avez au Québec, et je regrette que vos recommandations ne me soient parvenues qu'en anglais, surtout que ce n'était pas extrêmement long. Il aurait été facile de le faire.
Je comprends tout à fait vos préoccupations quant au sens de l'expression connue des gens qui veulent venir au Canada, en disant qu'ils sont maltraités par rapport à leur orientation sexuelle. Il est sûr que l'expression «partenaires de même sexe ou de sexe opposé» serait plus claire. Je suis plutôt d'accord sur l'idée que les expressions soient le plus claires possible. Je serais tout à fait favorable à cela.
Par ailleurs, comme M. Chaplin, je reconnais que le VIH n'est pas la fièvre aphteuse. Ce n'est pas du tout la même chose. Dans les examens de santé qui sont demandés, est-ce le seul qui vous pose problème? Je me rappelle avoir été obligée, il y a très longtemps, de subir un test de syphilis pour me présenter à une formation. Je peux dire qu'à l'époque, la syphilis était au moins aussi mal vue que le VIH. Est-ce le seul examen qui vous pose problème, ou si on exige encore des tests de syphilis?
[Traduction]
M. Ron Chaplin: Je ne voudrais pas trop insister, mais ce que nous proposons ne change rien à la procédure actuelle qui confère aux agents d'immigration à l'étranger le pouvoir de demander un test du VIH et ensuite de déterminer si une personne séropositive pourrait représenter un fardeau excessif pour les services gouvernementaux du Canada. Nous nous opposons seulement à ce que ces tests deviennent obligatoires pour toutes les personnes qui demandent à immigrer.
Le cas qu'elle a soulevé est très intéressant. La syphilis est une raison pour laquelle on peut refuser le droit d'entrer au Canada pendant une certaine période. De gros progrès ont été réalisés dans le traitement du VIH. Je suis moi-même séropositif depuis 16 ans. Mais il n'y a toujours pas de guérison. Si vous adoptez une politique d'exclusion générale pour toute personne séropositive, cela veut dire que, compte tenu de l'état actuel de la science, ces personnes sont exclues pour le reste de leur vie. L'exclusion pour la syphilis ou la tuberculose est différente parce que ces maladies peuvent être guéries.
Le président: Merci beaucoup.
Judy, cinq minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Seulement cinq minutes, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais essayer.
Le président: Je suis très généreux, vous le savez.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai trois questions. La première s'adresse à Janet et Francisco. Le Conseil canadien pour les réfugiés a fait énormément de travail au cours des années pour venir en aide aux réfugiés et veiller à ce que nous nous conformions à la convention des Nations Unies sur les réfugiés.
• 1000
Je voudrais d'abord savoir si ce projet de loi va rendre votre
tâche encore plus difficile? Vous retrouverez-vous dans une
situation plus dangereuse? Je veux parler des dispositions du
projet de loi C-11 qui prévoient des sanctions pour ceux qui
organisent la venue au Canada de personnes qui ne sont pas en
possession d'un visa. Cela a-t-il des répercussions pour les
organismes comme le vôtre et les personnes qui veillent à ce que
des personnes sans visa puissent venir au Canada? Étant donné la
façon dont le projet de loi est formulé, risquez-vous des sanctions
en raison de la contribution humanitaire que vous apportez?
Deuxièmement, vous avez soulevé dans votre mémoire de nombreuses préoccupations dont nous avons déjà entendu un bon nombre. Nous sommes nombreux à croire que ce projet de loi présente de graves lacunes et qu'il faut lui apporter des amendements. Cela couvre toutefois toutes sortes de domaines. Pourriez-vous nous donner une idée des lacunes les plus évidentes de ce projet de loi et de ce que nous devrions faire pour centrer notre attention sur les amendements à apporter?
Ma troisième question s'adresse à EGALE. Je crois que Ron a fait un commentaire fort pertinent en réponse à la question de Steve. La ministre a effectivement fait une déclaration avant les élections, ou plutôt a laissé entendre que le gouvernement se penchait sur la possibilité de mettre sur pied un programme de dépistage obligatoire. Tout cela a soulevé beaucoup d'inquiétudes, et nous ne savons pas en fait où en est ce dossier. Compte tenu du libellé actuel du projet de loi C-11, est-ce qu'on pourrait mettre en place de façon détournée un programme de dépistage obligatoire? Est-ce que ce programme de dépistage existera de toute façon en raison du libellé des dispositions portant sur l'état de santé des revendicateurs, et dans l'affirmative, que devrions-nous faire pour changer cela ou tout au moins surveiller ce qui se passe, afin d'assurer que ça ne devienne pas routine ou que le gouvernement ne nous entraîne pas dans cette voie dangereuse?
Le président: Très bien. Première question, Francisco ou Janet.
M. Francisco Rico-Martinez: Cette question nous inquiète. Nous sommes heureux que le Canada comprenne que, pour venir ici, les gens qui fuient la persécution se servent de faux documents—c'est compréhensible. Ils traversent parfois la frontière illégalement. Ils vivent au Canada sans visa. Ce sont là les gens avec qui je travaille tous les jours, ceux avec qui je vis dans ma maison. Ils doivent agir de cette façon pour échapper à une situation de persécution ou d'autres situations intolérables.
Nous sommes inquiets du fait que le projet de loi ne fait pas de distinction pour le travail humanitaire que font les ONG et divers intervenants—peu importe comment on les appelle—et nous devons faire ressortir l'importance de ce travail. Les ONG du Canada et les Canadiens ont reçu il y a 12 ans un prix pour leur travail auprès des réfugiés et des immigrants, l'aide qu'ils leur offraient. Il nous faut poursuivre dans la même voie et reconnaître qu'une bonne partie des choses que nous faisons s'inspirent de nos traditions humanitaires et que nous avons pour objectif d'aider ces gens. La loi ne propose pas de faire la distinction entre le travail qui est fait pour des raisons humanitaires et ce qui est fait pour d'autres raisons. C'est la première question.
Mme Janet Dench: Quand à la deuxième question, c'est assez difficile pour nous d'y répondre. Comme vous le savez, beaucoup de choses nous préoccupent, et ce sont d'importantes préoccupations. J'en reviens au commentaire que nous avons fait au début de la réunion. Ce projet de loi est une mesure législative fort importante qui aura un impact sur la vie de centaines de milliers de gens au cours des prochaines années; il nous faudrait donc prendre tout le temps nécessaire pour étudier chaque disposition du projet de loi afin de s'assurer qu'elles correspondent aux normes internationales en matière des droits de la personne et qu'elles assureront un traitement juste pour les réfugiés et les immigrants.
M. Francisco Rico-Martinez: L'un des problèmes que l'on doit mentionner est celui de l'analyse comparative entre les sexes. Ce projet de loi doit être vraiment analysé pour qu'on puisse déterminer l'impact qu'il aura sur les femmes et les enfants, et tout particulièrement les femmes, parce que ce projet de loi ne semble pas tenir compte de leurs circonstances particulières.
Le président: Michael
Me Michael Battista: J'aimerais répondre à la question que vous avez posée à EGALE. Le programme de dépistage qui est destiné aux Africains qui veulent immigrer au Canada est appliqué sur une base discrétionnaire. Cela ne dépend vraiment d'aucune des dispositions de la loi. Il s'agit d'une décision prise par un médecin lorsqu'il examine une personne qui désire immigrer au Canada. Je peux vous assurer—et j'ai une pratique privée d'avocat à Toronto—que j'ai cru enregistrer depuis les commentaires que la ministre a faits aux médias une augmentation du nombre de personnes qui doivent passer un test de dépistage du VIH. En tout cas, un nombre plus important de clients qui viennent à mon bureau me disent qu'ils ont été testés et qu'ils sont séropositifs.
• 1005
J'aimerais également ajouter que beaucoup de ces médecins
n'ont pas eu la formation ou le counselling nécessaire pour
composer avec des cas de VIH. Certains de mes clients ont appris au
téléphone qu'ils étaient séropositifs. Cela a eu un impact
dévastateur sur leurs rapports avec d'autres personnes. Le
counselling est un élément très important dans ce dossier.
Le président: Merci.
John McCallum suivi de Gurbax. Vous disposez de cinq minutes; vous pouvez poser deux questions chacun.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci.
J'aimerais poser une question sur l'évaluation des risques avant le renvoi; j'aimerais savoir si cette évaluation devrait être faite par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou par le ministère et la ministre.
Certains ont suggéré ce que vous avez proposé un peu plus tôt—que cette évaluation soit effectuée par la Commission—et on a dit que c'était parce que la Commission était plus compétente dans ce domaine.
Cependant lorsque le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié était des nôtres l'autre jour, je lui ai posé cette question. Si je me souviens bien, il a dit que pour prendre cette décision il fallait faire la part des choses entre d'un côté le risque pour le particulier s'il était renvoyé du Canada et de l'autre côté le risque que sa présence représente pour la sécurité publique ou l'intérêt national et des choses du genre. Il s'agit à ce moment-là d'une décision plutôt politique.
Le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié semble penser qu'il vaudrait mieux procéder comme on le propose dans le projet de loi. Je voudrais simplement savoir ce que vous en pensez.
M. Francisco Rico-Martinez: Très bien.
Nous avons proposé que la Commission s'en charge pour deux raisons. Tout d'abord, la question de compétence, comme vous l'avez signalé. De plus, cela coûterait moins cher parce qu'il existe déjà un responsable. Il ne serait donc pas nécessaire de créer un service et de payer beaucoup de gens pour faire ce travail. La CISR existe déjà, elle dispose de salles d'audience, et de tout ce dont on aurait besoin. La CISR peut le faire et dispose des compétences nécessaires.
Pour ce qui est des diverses tâches, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le président de la CISR parce que nous avons déjà eu cette discussion auparavant. Actuellement, la CISR ne fait que révéler la destination du réfugié. C'est tout ce qu'elle doit faire. Nous demandons maintenant à la Commission de faire autre chose—par exemple s'occuper de la protection et d'autres choses—et les membres de la CISR sont disposés à le faire.
À mon avis, il s'agit d'un problème de ressources et de formation, et la CISR peut faire tout ce qu'elle veut parce qu'elle assume déjà d'autres responsabilités qui sont proposées dans ce projet de loi. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème.
Je crois qu'on pourrait accroître la capacité de la Commission. Ce serait plus utile que d'investir pour créer une structure parallèle qui serait coûteuse et qui créerait toutes sortes de problèmes parce qu'il ne s'agirait pas d'un organisme indépendant ou quasi judiciaire. Il s'agirait de fonctionnaires, qui prendraient des décisions qu'on pourrait contester de diverses façons.
Le président: Merci.
Gurbax, une question.
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, Monsieur le président.
Certains groupes croient que le projet de loi C-11 donne plus de pouvoirs aux agents d'immigration pour arrêter les gens sur la base de l'identité. De plus, certains croient que les demandeurs ne pourraient pas faire appel à la Commission, y compris les résidents permanents, s'ils sont interdits de séjour pour des raisons de sécurité ou atteintes aux droits humains ou aux droits internationaux.
Qu'en pensez-vous?
Mme Janet Dench: Pour ce qui est de l'arrestation sur la base de l'identité, cette question nous inquiète sérieusement.
Les pouvoirs d'arrestation sur la base d'identité sont élargis dans le projet de loi C-11. Nous nous inquiétons tout particulièrement des impacts que cela pourrait avoir sur les revendicateurs du statut de réfugié parce que s'ils sont arrêtés sur la base de l'identité, on exercera alors des pressions sur eux pour qu'ils collaborent pour obtenir des documents d'identité. Cela pourrait les placer, les membres de leur famille ou leurs collègues en danger s'ils doivent présenter une demande officielle de documents.
Les réfugiés qui ont quitté leur pays parce qu'ils y étaient persécutés ne devraient jamais être tenus de retourner dans cet État pour demander au gouvernement de leur fournir les documents nécessaires.
M. Francisco Rico-Martinez: Permettez-moi de dire quelques mots là-dessus.
De plus, si vous étudiez les statistiques de la CISR, vous constaterez que 80 p. 100—peut-être 75 p. 100—des revendicateurs du statut de réfugié qui viennent au Canada n'ont pas de pièce d'identité. Cependant pendant le processus de détermination et en attendant leur tour d'avoir une audience, d'eux-mêmes ils arrivent à communiquer avec leur pays d'origine, avec leurs familles, leurs parents, peu importe, et ils finissent par fournir les documents dont nous avons besoin. Quatre-vingt pour cent d'entre eux fournissent cette pièce d'identité, et il ne s'agit pas d'un faux document. Ils ne leur est pas possible de voyager avec deux séries de pièces d'identité, les documents authentiques et les faux documents, parce qu'ils seront arrêtés partout à tous les aéroports. De cette façon, ils peuvent toujours produire ces documents et nous le savons. Nous ne pouvons pas arrêter 80 p. 100 des revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent au pays. Cela serait tout un problème, ce serait très coûteux et à mon avis très inhumain.
Le président: Merci.
Je tiens à vous remercier de vos commentaires fort éclairés... et vous connaissez tous deux très, très bien le dossier... John, vouliez-vous ajouter quelque chose avant...
M. John Fisher: Je me demande si je peux faire un commentaire supplémentaire en réponse à la question qu'a posée Mme Wasylycia-Leis un peu plus tôt.
Le président: Quelle question?
M. John Fisher: On se demandait s'il y avait quelque chose dans ce projet de loi qui permettrait au comité de se pencher sur la question du dépistage obligatoire et de l'exclusion. Je sais que tout cela sera concrétisé par voie de politiques et règlements, mais l'alinéa 38(1)c) est l'endroit où l'on fait état des motifs d'exclusion.
Le problème est que les motifs touchent principalement ce qu'on appelle le fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, mais il n'est pas possible dans ce projet de loi de tenir compte de la contribution possible du candidat à la société canadienne, ce qui pourrait faire contrepoids à ce fardeau. Il serait peut-être possible d'ajouter à la fin de cet alinéa 38(1)c) un autre passage qui se lirait comme suit peut-être «En tenant compte des circonstances particulières du requérant, y compris sa contribution possible à la société canadienne». Ainsi l'analyse porterait plus sur un cas particulier et ne s'attarderait pas simplement au fardeau que leur condition pourrait représenter pour les services sociaux ou de santé; on tiendrait également compte de leur contribution positive à la société canadienne. Nous pourrions chercher un libellé approprié, mais je crois que ce que vous proposez pourrait être ajouté à cette disposition.
Le président: Je vous remercie de cette précision.
Je crois qu'il est évident que le Canada a une très bonne loi en matière d'immigration et a une bonne loi depuis déjà plusieurs années. Elle a été reconnue par d'autres pays. Notre loi sur la protection des réfugiés a également été reconnue par les Nations Unies et d'autres intervenants; on y voit une des meilleures et peut-être plus généreuses loi du monde.
Francisco et Janet, je m'inquiète un peu quand vous dites que le projet de loi C-11 va à l'encontre des valeurs canadiennes et est hostile à l'égard des réfugiés. Je veux comprendre vraiment ce que vous entendez par là. Nous sommes saisis d'un projet de loi qui, je crois que tout le monde est d'accord, doit être amélioré. Il y a eu le projet de loi C-31 qui assurait certaines améliorations et qui était le fruit de quatre à cinq années de consultation désintéressée. Nous avons maintenant le projet de loi C-11. Pouvez-vous répondre brièvement à cette question: Le projet de loi C-11 représente-t-il un pas en avant ou un pas en arrière? Lorsque vous dites des choses comme «hostile à l'égard des réfugiés» et «va à l'encontre des valeurs canadiennes», je m'inquiète un peu.
M. Francisco Rico-Martinez: En quelques mots, je peux dire que ce projet de loi représente un pas en avant à certains égards et un pas en arrière sur la plupart des points.
Le président: Permettez-moi de vous assurer que le comité ne fait que commencer ses travaux. Nous entendrons les commentaires des Canadiens, nous avons entendu vos commentaires. Il s'agit d'un processus qui est assez long. Nous avons l'intention de prendre le temps voulu pour nous assurer que ce projet de loi sera une bonne mesure législative.
Je vous ai posé une question, et vous aurez peut-être d'autres commentaires à faire là-dessus, sur le document de travail sur les règlements. Si vous voulez nous faire parvenir une lettre pour compléter votre proposition, une lettre dans laquelle vous feriez état des inconvénients et des avantages que présente cette mesure législative, j'espère que vous n'hésiterez pas à le faire parce que cela pourrait vraiment aider le comité dans son étude de cette mesure législative.
Je vous remercie sincèrement de votre participation et j'espère que nous pourrons collaborer avec vous pour améliorer cette mesure législative. Merci.
Chers collègues, nous entendons un deuxième groupe de témoins qui sont légèrement en retard. Je vous demanderai simplement de vous préparer à les accueillir. Merci.
Le président: Chers collègues, voulez-vous reprendre vos places et accueillir notre prochain groupe de témoins?
Nous accueillons ce matin les représentants du projet Getting Landed. Nous accueillons Ahmed Hashi, coordinateur, ainsi que Saada Abdi—j'espère que j'ai bien prononcé. Et, du Conseil ethnoculturel du Canada, nous accueillons M. Emilio Binavince—est-ce exact?—et Michael Doi.
Bienvenue à cette réunion du comité. Je ne sais pas si nous avons reçu vos mémoires, mais dans l'affirmative, le greffier les distribuera. Nous vous demanderons de prendre cinq à sept minutes pour résumer votre position sur le projet de loi et formuler vos recommandations. Nous passerons ensuite aux questions.
Nous allons commencer par les responsables du projet Getting Landed et demander à—est-ce Saada ou Ahmed?—de commencer.
Excusez-moi. J'essayais de découvrir si nous avions reçu des mémoires.
Une voix: Oui.
Le président: Je sais, mais les témoins devraient comprendre que c'est plutôt difficile lorsque les députés reçoivent les mémoires le jour de la comparution des témoins. Croyez-le ou non, nous aimons faire nos devoirs et lire les mémoires à l'avance pour pouvoir préparer nos questions. Cela nous donne également le temps voulu pour faire traduire les documents dans l'autre langue officielle. J'espère que vous tiendrez compte de ce facteur la prochaine fois, parce que cela nous simplifie vraiment la vie. Vous pouvez commencer.
M. Ahmed Hashi (coordinateur, Projet Getting Landed): Merci, monsieur le président. Pour ce qui est des mémoires, j'aimerais signaler que le projet Getting Landed a envoyé son mémoire il y a déjà deux ou trois jours.
Monsieur le président, le projet Getting Landed vise à réduire la période d'incertitude pour les réfugiés qui vivent au Canada et appuyer les efforts qui sont déployés pour éliminer les obstacles à l'établissement des réfugiés au sens de la Convention. Le projet est associé au groupe Citizens for Public Justice dont il relève et est appuyé par trois coalitions qui représentent quelque 84 organisations au Canada.
Monsieur le président, nous reconnaissons qu'il existe certains aspects positifs dans le projet de loi C-11, comme la confirmation des principes des meilleurs intérêts de l'enfant et des autres intervenants. Cependant, nous avons de graves préoccupations quant à l'orientation et la teneur de ce projet de loi ainsi qu'à ses lacunes et quant au fait que le législateur ne semble pas avoir accordé d'attention particulière aux questions importantes qui ont un impact sur la vie de milliers de réfugiés au Canada.
À notre avis, nombre des dispositions de ce projet de loi pénalisent les requérants, insistant plutôt sur les interdictions, l'arrestation et les sanctions sévères. À notre avis, cela reflète l'opinion populaire au Canada, qui se manifeste par un sentiment d'opposition face aux immigrants et aux réfugiés, par des arguments financiers visant à limiter les avantages sociaux et les droits des réfugiés, certaines préoccupations au niveau de la sécurité nationale et, en fait, un racisme systémique.
• 1020
Nous nous inquiétons entre autres choses du traitement des
pouvoirs discrétionnaires dans ce projet de loi. Les agents
d'immigration reçoivent beaucoup plus d'autorité et de pouvoir
qu'il n'est nécessaire à notre avis. On y retrouve les pouvoirs
d'arrestation, de fouille avec ou sans mandat, détention à
l'arrivée au Canada—y compris la détention de mineurs—et la
confiscation de documents.
De plus, nous nous inquiétons du fait que beaucoup trop de choses ne seront annoncées que lorsque les règlements seront adoptés. Les règlements peuvent être modifiés sans qu'ils fassent l'objet de l'étude ou de la discussion du public ou du contrôle du Parlement. À notre avis, les règlements représentent le paradis pour les fonctionnaires, parce qu'il n'y a pratiquement aucune participation ou consultation des représentants élus, à l'exception de lignes directrices générales. Personne ne sait ce qui figurera dans les règlements ou dans les notes de service sur les opérations connexes.
Un parfait exemple touche la récente ordonnance de la cour fédérale dans Aden, qui porte sur les papiers d'identité. Les plaignants et le ministère ont convenu, sous l'égide de la cour fédérale, du fait qu'il suffit de démontrer l'identité d'un réfugié sans papier d'identité pour satisfaire aux exigences de la loi actuelle. L'ordonnance dans l'affaire Aden est très claire; elle enjoint les agents d'immigration d'accepter les déclarations solennelles des réfugiés sans papier d'identité. Cette ordonnance a été signée le 14 décembre 2000. Le ministère a publié des notes de service sur les opérations il y a une semaine. Après près de quatre mois, personne n'a été autorisé à s'établir au Canada en vertu de cette ordonnance de la cour fédérale.
Monsieur le président, d'autres choses nous préoccupent également, dont la plus importante est la question de l'identité des réfugiés. Comme on l'a expliqué plus tôt, les réfugiés sont nombreux à fuir les guerres et les persécutions. Souvent, ils arrivent avec des documents, mais parfois sans. Or, le projet de loi ne traite pas suffisamment de la documentation.
Le Canada est signataire de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. Or, l'article 27 de cette Convention stipule que les États contractants délivreront—cela ne dit pas «peuvent délivrer»—des pièces d'identité à tout réfugié se trouvant légalement sur leur territoire. Le projet de loi ne tient pas compte de ce que dit la Convention.
Ce qui nous préoccupe aussi, c'est la délivrance ou le refus de délivrer des titres de voyage à des réfugiés au sens de la Convention. Actuellement, les titres de voyage sont délivrés uniquement aux immigrants reçus. Or, le paragraphe (1) de l'article 28 de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés stipule que les États contractants délivreront—cela ne dit pas ici non plus peuvent délivrer—aux réfugiés des titres de voyage. Notre grand pays, le Canada, pays de compassion, ne se conforme pas à la Convention et enfreint donc et l'esprit et la lettre de ce document international.
Je donnerai ce qui me reste de temps à ma collègue, Saada Abdi, qui est une réfugiée au sens de la Convention et qui vit dans le quotidien les problèmes dont nous parlons.
Mme Saada Abdi (membre, Projet Getting Landed): Bonjour. Je suis une mère de quatre enfants arrivée au Canada en novembre 1991. En juillet 1992, on m'accordait le statut conventionnel de réfugié. En septembre 1992, je demandais le statut d'immigrant reçu. Aujourd'hui, en 2001 je n'ai toujours pas de papier, ce qui constitue un obstacle à mes objectifs, et à la réalisation de mes rêves et de ceux de mes enfants. Deux d'entre eux sont prêts à entamer des études universitaires, mais cela leur est impossible, car ils ne peuvent obtenir ni prêt ni bourse parce que leurs numéros d'assurance sociale commencent par un 9.
• 1025
Moi-même, je ne peux voyager, ni aller voir ma mère qui est
malade. Cela fait 10 ans que je n'ai pas vu ma famille, car je n'ai
aucun titre de voyage. Je ne peux trouver d'emploi qui réponde à
mes objectifs, à cause de mon fameux numéro d'assurance sociale. Je
parle quatre langues, j'estime être une personne intelligente, et
pourtant je ne peux réussir parce que je n'ai pas de papier.
Jusqu'à quand dois-je attendre encore? Cela fait déjà 10 ans que
j'attends, et c'est parfaitement ridicule. Je n'ai pas vu ma
famille depuis ce temps ni revu mon pays. Pourquoi? Je ne suis pas
une criminelle, tout ce que je souhaite, c'est de me faire un bel
avenir au Canada.
Le président: Merci. J'espère que nous pourrons trouver des réponses à vos interrogations, à défaut de vous répondre personnellement. Nous pourrons peut-être discuter de votre cas personnel à un autre moment, mais je suis moi aussi préoccupé de voir que votre cas traîne depuis 9 ou 10 ans. Il faut visiblement aller voir ce qui retarde, mais nous pourrons faire cela pour vous un peu plus tard. Merci beaucoup de vos commentaires très sentis. Ce que nous voulons faire ici, c'est justement d'édifier un système qui fasse preuve de compassion, tout en étant efficace et équitable, pour que des gens comme vous, qui avez choisi notre pays et avez été accepté puisse enfin commencer à vivre et à nous aider à édifier notre pays. Merci, madame.
Emilio.
M. Emilio Binavince (conseiller juridique honoraire, Conseil ethnoculturel du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. Le Conseil ethnoculturel du Canada, que vous connaissez sans doute tous, représente plus de 30 organisations ethniques nationales au Canada.
Comme nous avons reçu notre avis de comparaître il y a à peine une ou deux semaines, nous n'avons pas pu préparer de mémoire écrit. Toutefois, sachez que nous avions déjà préparé un mémoire écrit portant sur le projet de loi C-31 et que ce mémoire vaut encore aujourd'hui en grande partie. Voilà pourquoi je suggérerais aux membres du comité de se reporter au mémoire que nous avons envoyé au sujet du projet de loi C-31. Nous allons nous contenter de commenter les innovations ou changements qu'apporte le projet de loi actuel. Mais nous ne sommes pas ici pour pinailler sur des petits détails du projet de loi. Le Conseil est plutôt ici pour expliquer les divergences de vue philosophique qu'il a par rapport à certaines prémisses du projet de loi, divergences de point de vue qui nous semblent très importantes.
D'abord, il faut reconnaître que le projet de loi, tout comme son prédécesseur le projet de loi C-31, réussit à bien refléter la définition de la famille qu'a notre société actuelle. C'est toute une réalisation en soi, et nous en félicitons la ministre et les membres du gouvernement. Toutefois, ce que je vais vous dire vous semblera en grande partie une critique, et j'espère que vous pourrez quand même faire la juste part des choses. Après tout, comme le disais Platon, une vie sans critique ne vaut pas la peine d'être vécue. Vous êtes ici pour entendre nos critiques et essayons-nous de voir si la vie vaut la peine d'être vécue.
On parle souvent dans les journaux d'immigration, et souvent de façon assez hystérique. Or, ce genre de réaction hystérique amène presque toujours le législateur à paniquer et à légiférer. Votre comité et le Parlement devraient comprendre en premier lieu que la Loi sur l'immigration est observée la plupart du temps et respectée. Je parie que dans plus de neuf cas sur dix d'immigrants arrivant au Canada, la loi n'est enfreinte ni en théorie ni en pratique. Voilà pourquoi il ne faudrait pas que les événements parfois tragiques dont font état les journaux et les médias déclenchent le processus législatif, car c'est ce qui amène le Parlement à concevoir une loi fondée sur les cas d'exception. Or, vous devez concevoir des lois qui sont des règles générales s'appliquant à la conduite humaine, et non pas aux cas d'exception.
• 1030
Voilà pourquoi je voudrais vous soumettre certaines
propositions pour que notre point de vue soit clairement compris.
La tâche que vous avez—celle de rédiger une loi sur
l'immigration—devient relativement simple une fois qu'elle est
vidée de toute considération d'ordre technique. En effet, elle
consiste en deux choses: en premier lieu, il s'agit de décider qui
peut être admis au Canada, et c'est donc une question de choix. En
second lieu, il s'agit pour vous de décider comment la loi sera
administrée et appliquée, et c'est alors une question de pratique.
Commençons par la première proposition, à savoir qui peut être admis au Canada. Au fil des ans, la sélection des immigrants au Canada a toujours reposé sur trois grandes considérations. En premier lieu, il faudrait admettre ceux qui peuvent permettre au Canada d'évoluer. C'est une vaste proposition, mais c'est pourquoi nous avons dû définir ce qui est bénéfique pour le pays. En second lieu, comme nous l'avons observé au Canada au fil des ans, il faudrait admettre ceux qui répondent à notre notion de famille. La redéfinition de la famille constitue sans doute le mouvement le plus spectaculaire des dernières années. Si le comité et le Parlement ne suivent pas le mouvement, vous constaterez que vos lois passeront pour être quelque peu autoritaires. En troisième lieu, il faut admettre ceux qui cherchent à fuir des gouvernements abusifs.
Voilà, en gros, les trois types de gens que nous accueillons au Canada, et aucun autre. Il s'agit donc de rédiger une politique qui vous aide à admettre ces gens-là. Pour ce qui est maintenant de l'administration de la loi—et ce qui constitue le deuxième aspect de la mesure législative—la grande majorité des arrivées au Canada se déroulent plutôt sans histoire, et sans qu'elles soient spectaculaires. En fait, c'est toujours l'exception de taille qui attire notre attention et fait travailler notre imagination.
Nous affirmons que même si la loi doit être préservée et respectée—et je parle de celle que vous avez rédigée—la justice doit également être rendue. C'est ce principe qui devrait prévaloir dans l'administration et l'application de toute loi, mais particulièrement dans celle de la Loi sur l'immigration. Rappelez-vous que loi et justice ne coïncident pas toujours. Or, c'est lorsque l'on fait face aux cas d'exception que le choix douloureux entre la simple loi et la justice prend tout son sens.
L'articulation de cette politique autour de ces deux composantes de la Loi de l'immigration se fait simplement en deux étapes: d'abord, le gouvernement articule une politique que le Parlement traduit ensuite en loi. Ces deux fonctions doivent être clairement distinguées, car dès lors qu'on les confond, cette confusion entraînera une délégation et une abdication des responsabilités. L'articulation de la politique et la soumission de ces politiques par le ministre et par le gouvernement au Parlement est ce dont nous débattons aujourd'hui, puisque nous voudrions que le Parlement soit celui qui ait le mot de la fin dans tout ce qui concerne la loi que vous allez adopter.
J'en arrive donc au premier élément du projet de loi qu'il m'est difficile d'accepter, celui de la délégation et de la réglementation. Dans le projet de loi d'aujourd'hui, comme dans l'ancien C-31, il existe quelques 11 dispositions permettant la délégation. L'article 6 contient pour sa part une disposition de délégation générale, qui est suivie de nouvelles délégations dans presque toutes les sections du projet de loi.
Voici mon argument. Au moment de choisir ceux qui doivent être admis au Canada, il ne faudrait jamais déléguer cette responsabilité, puisqu'il s'agit là d'une politique. Notre perception de notre pays ainsi que la notion que nous nous en faisons se fondent sur cette définition. Si vous déléguez cette responsabilité-là au ministre, il modèlera le pays à sa propre image, qui n'est pas nécessairement celle des Canadiens. Si on délègue cette responsabilité à un niveau encore plus poussé, c'est-à-dire à celui des agents d'immigration, on fait face à des restrictions encore plus grandes. Voilà pourquoi j'exhorte les membres du comité à être très prudents lorsqu'il s'agit d'étendre les pouvoirs de réglementation.
• 1035
Il est vrai que le gouvernement est élu par la population,
mais c'est tout de même le Parlement qui fait les lois. Il est
inadmissible qu'en vertu de l'ancien projet de loi C-31, tout comme
en vertu du nouveau projet de loi C-11, il n'en soit rien du tout,
quoi qu'en disent les communiqués. Les règlements et les pouvoirs
de réglementation existent toujours aujourd'hui.
Passons à notre deuxième argument qui porte sur les pouvoirs de réglementation...
Le président: Monsieur Binavince, puis-je vous demander de résumer vos propos, pour que nous puissions avoir le temps de vous poser des questions. Je ne voudrais pas vous presser, mais nous aimerions entendre votre conclusion.
M. Emilio Binavince: Bien sûr.
Le pouvoir administratif qui permet la mise en oeuvre de cette loi ne pose pas vraiment de difficulté. En effet, je le répète, dans 99 p. 100 des cas, les cas sont courants. Toutefois, c'est le recours au jugement discrétionnaire dans l'administration de la loi qui pose problème.
Je prétends que tant que les êtres humains ne sont pas devenus meilleurs, il faut limiter l'exercice du pouvoir discrétionnaire. La loi sur l'immigration présente depuis ses débuts une faille majeure, et c'est le grand pouvoir discrétionnaire accordé par délégation à ceux qui administrent la loi, et particulièrement aux frontières.
Le pouvoir d'exclure, c'est le pouvoir de déterminer ce que deviendra notre pays. À moins de limiter ce pouvoir, l'objectif du Parlement ne sera pas atteint.
En troisième lieu, j'aimerais vous parler des contraintes de plus en plus grandes pour ce qui est du contrôle judiciaire et des appels. Tant que les êtres humains useront du pouvoir discrétionnaire, il faut pouvoir surveiller l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Dès lors qu'on augmente ce pouvoir, il faut également laisser plus de place au contrôle judiciaire et aux appels. On ne peut permettre l'inverse. Or, c'est exactement ce que fait le projet de loi.
Malheureusement, même dans le cas des appels, ce que vous avez proposé, c'est un appel purement théorique. Un appel théorique, cela ne donne rien, et cela ne représente pas la justice. Je répète qu'il y a une différence entre la loi et la justice.
Je demanderais maintenant à mon collègue, Michael Doi, de vous parler des contrôles judiciaires.
Le président: Brièvement, je l'espère.
M. Michael T. Doi (représentant, Conseil ethnoculturel du Canada): Oui, je serai bref.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité.
Je voudrais traiter deux sujets: d'abord, le contrôle judiciaire des décisions prises outre-mer et la nécessité d'obtenir une permission pour lancer le contrôle judiciaire; et ensuite, l'expulsion des résidents permanents et des demandeurs du statut de réfugié avant le démarrage des procédures du contrôle judiciaire.
Actuellement, lorsqu'un agent des visas outre-mer refuse la demande d'immigration de quelqu'un relevant de la catégorie des immigrants indépendants ou des immigrants économiques ou d'affaires, celui-ci peut demander à la Cour fédérale du Canada un contrôle judiciaire. Toutefois, le projet de loi C-11 empêche dans les faits tout contrôle judiciaire des refus des agents d'immigration outre-mer, puisqu'il exige des demandeurs qu'ils obtiennent la permission de la Cour fédérale. En pratique, cela peut être considéré comme une difficulté injuste pour les requérants outre-mer, pour des raisons que vous pouvez imaginer, comme de trouver un avocat, de préparer des documents, de le faire traduire, etc. Par conséquent, les demandeurs outre-mer qui essuient un refus se voient donc refuser un accès véritable à des recours juridiques.
Le contrôle judiciaire est d'autant plus important dans le cas des demandeurs de l'étranger parce qu'on ne permet pas à ces derniers d'être accompagnés d'un avocat et qu'on ne conserve aucun compte rendu officiel des procédures, contrairement à ce qui se passe dans le cas de demandes internes. Or des différends peuvent en résulter lorsqu'on ne se conforme pas aux exigences juridiques ou lorsque l'on ne s'entend pas sur ce qui a été affirmé et entendu.
En vertu du processus d'appel prévu dans le projet de loi C-11 et en dépit d'une prolongation du délai inscrit dans le projet de loi C-31 lorsqu'on veut demander un contrôle judiciaire, la période de 60 jours accordée par le nouveau projet de loi donne très peu de temps à un demandeur pour préparer un mémoire.
Par conséquent, nous recommandons qu'il ne soit pas nécessaire de demander une autorisation de contrôle judiciaire dans le cas de demandes de l'étranger. En second lieu, les procédures ministérielles relatives aux causes entendues à l'étranger devraient aussi permettre la présence d'un avocat et des procès-verbaux.
• 1040
En ce qui a trait à l'expulsion de résidents permanents et de
revendicateurs du statut de réfugié avant qu'il y ait eu contrôle
judiciaire, le projet de loi C-11 prévoit la mise en oeuvre et
l'exécution expéditives des mesures de renvoi de tous les
ressortissants étrangers, qu'un contrôle judiciaire soit commencé
ou non.
La loi actuelle prévoit l'émission d'ordres de renvoi au début de la procédure d'exécution, avant le contrôle judiciaire et la procédure d'appel et même la demande de contrôle judiciaire. La loi prévoit aussi que les mesures de renvoi affectant des revendicateurs et des immigrants ne seront pas exécutées tant que les procédures de détermination et d'appel seront en cours. En vertu de l'article 49, les demandeurs d'asiles et les immigrants sont protégés de mesures d'expulsion pendant que leur demande d'appel est entendue par la Cour fédérale; il y a prolongation du sursis prévu par la loi.
Le projet de loi C-11 favorise l'exécution expéditive de mesures de renvoi et ne prévoit aucun sursis à l'expulsion dans le cas de résidents permanents ou de demandeurs d'asile qui ont demandé un contrôle judiciaire. Au mieux, le projet de loi C-11 permet aux résidents permanents de faire appel auprès de la Section d'appel de l'immigration, bien que cela ne donne qu'une seule possibilité d'étudier les circonstances entourant la cause.
Le seul mécanisme de réexamen d'une décision rendue par la Section d'appel est le contrôle judiciaire avec appel auprès de la Cour fédérale. À notre avis, un tel régime se soldera par des décisions sévères faute d'un processus satisfaisant dans les causes où on aura refusé l'appel auprès de la Cour fédérale parce qu'il y aura eu renvoi expéditif. Compte tenu de cela, nous estimons que les résidents permanents faisant l'objet de mesures de renvoi et les demandeurs d'asile à qui l'on a refusé accès au processus de détermination, doivent bénéficier d'un sursis des mesures d'expulsion en attendant d'interjeter appel auprès de la Cour fédérale.
Merci.
Le président: Merci beaucoup de vos excellents mémoires et de vos remarques. J'espère que les questions qu'on vous posera seront de la même qualité que vos interventions.
Nous allons maintenant accorder la parole à M. Inky Mark, qui ouvrira le premier tour de questions.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu témoigner devant notre comité aujourd'hui.
La grande majorité de nos témoins nous font part de graves préoccupations au sujet du projet de loi. Ainsi que le disait l'un d'entre eux, parfois le texte de loi devrait se soucier davantage de la justice que de refléter les sentiments observés en société. Malheureusement, les lois sont parfois adoptées dans le sillage de ces mêmes sentiments. C'est pour cela que nous vous sommes reconnaissants de nous communiquer votre point de vue afin que nous connaissions bien la situation et que la loi soit juste et équitable pour tous.
Vous n'ignorez pas qu'à l'heure actuelle, les médias insistent beaucoup sur la sécurité. Je conviens qu'il s'agit d'une considération importante, mais on peut certainement en tenir compte de façon responsable dans les premières étapes du processus, grâce à la sélection et à un examen approfondi, plutôt qu'en réduisant les droits des réfugiés et des immigrants.
Le projet de loi comporte une nouvelle disposition, l'exigence en matière de résidence. Vous savez sans doute que la loi actuelle n'en a pas. C'est très subjectif. Je me demande souvent pourquoi on a décidé d'en créer une. Je n'ai eu connaissance d'aucune statistique justifiant la nouvelle approche. Je sais en revanche que cette question suscite beaucoup de préoccupations et de problèmes, dont le fait qu'un résident permanent est jugé être un ressortissant étranger, ce qui me paraît alarmant. Avez-vous certaines remarques à faire sur cette exigence en matière de résidence? Estimez-vous qu'elle est nécessaire? Si tel est le cas, existe-t-il d'autres moyens d'en tenir compte que le processus envisagé?
Le président: Emilio.
M. Emilio Binavince: La question s'adresse-t-elle à moi ou à n'importe lequel des témoins?
Le président: Puisque vous avez parlé d'immigration, elle semble vous être toute destinée. Sinon, je vous l'adresse quand même.
M. Emilio Binavince: Je vais donc vous dire ce que j'en pense.
Le président: Soyez bref cependant car malheureusement, M. Mark ne dispose que de 10 minutes pour les questions et les réponses.
M. Emilio Binavince: Si je vous répondais brièvement, on ne me comprendrait pas et je n'atteindrais pas mon objectif.
Les exigences en matière de résidence sont inutiles. Elles servent à quelque chose lorsqu'on postule la citoyenneté. En l'occurrence, elle suscite l'une de mes principales objections à ce projet de loi. Cela fait bon nombre d'années que nous fonctionnons sans exigence en matière de résidence. La seule chose qu'on doit parfois établir est qu'on ne s'est pas absenté du pays pour plus de 180 jours. En ce cas on serait admis. Ici, on reprend la règle de la citoyenneté. Or à mon avis, elle est tout à fait sans objet ici.
Le président: Et monsieur Hashi, pouvez-vous répondre à la seconde question.
M. Ahmed Hashi: Pour ce qui est de la résidence, je pense que le régime antérieur était satisfaisant; il exigeait simplement que la personne ne se soit pas absentée du pays pendant plus de 180 jours. Maintenant, on crée cette nouvelle obligation. On doit cependant se demander pourquoi il faudrait l'adopter puisque le système fonctionne très bien tel quel.
Le président: Nous ne serons peut-être pas d'accord là-dessus, mais de toute façon, c'est pour cela que nous cherchons à connaître votre avis. Quoi qu'il en soit, le système actuel et celui qui est proposé dans le projet de loi C-11 sont censés faciliter les choses et non les rendre plus difficiles. Vous n'ignorez pas que la règle de 181 jours crée de grandes difficultés pour ceux et celles qui doivent effectuer beaucoup de voyages à l'étranger.
Monsieur Mark, c'est à vous que revient ce temps de parole.
M. Emilio Binavince: Mais justement, la loi actuelle n'exige pas une absence inférieure à 180 jours. Elle oblige simplement le résident à affirmer qu'il ne renonce pas à son intention de demeurer au pays. L'exigence de preuves matérielles proposée aujourd'hui m'inquiète beaucoup. Ce n'est pas la présence au Canada qui suscite l'amour de ce pays. Il y a en effet de grands Canadiens qui ont vécu à l'extérieur du pays. Je ne comprends pas tout cela.
M. Inky Mark: En vertu de la loi actuelle, on est obligés de faire connaître son intention soit de demeurer au pays, soit de le quitter.
Ma prochaine question porte sur le fait qu'on considère les résidents permanents comme des ressortissants étrangers. J'aimerais connaître votre avis là-dessus. Le projet de loi devrait-il parler des résidents permanents du Canada de cette façon?
M. Ahmed Hashi: L'un des problèmes que je vois dans le choix de ces termes est d'abord qu'ils mettent dans le même sac des groupes très divers. Cela inclut les revendicateurs du statut de réfugié, les réfugiés selon la Convention, les résidents permanents, les travailleurs temporaires et les étudiants. Tous ces gens sont désignés sous l'expression ressortissant étranger. Voilà pour une chose.
L'autre aspect est la connotation négative d'exclusion qui se dégage des mêmes termes. Or si l'on se reporte à l'objet du projet de loi C-11, on découvre qu'il s'agit en partie de faciliter l'intégration des réfugiés et des immigrants à notre pays. Donc à part les aspects formels de l'arrivée et de la demande de citoyenneté, le recours à l'expression «ressortissant étranger» est à notre avis offensant pour les nouveaux venus et devrait être supprimé.
Le président: Monsieur Binavince ou monsieur Doi, avez-vous des remarques à faire au sujet de l'expression «ressortissant étranger»?
M. Michael Doi: Monsieur le président, à cet égard, comme nos voisins de gauche, nous aussi nous estimons que ces termes ont une connotation d'exclusion.
Le président: Nous allons maintenant céder la parole à M. Mahoney.
M. Steve Mahoney: Quelqu'un peut-il me dire quel terme on voudrait voir utiliser?
M. Ahmed Hashi: Nous pouvons conserver les termes en usage jusqu'à maintenant. Si on est demandeur d'asile, on a un statut correspondant. Si on est réfugié au sens de la convention, il y a une autre catégorie appropriée. La même chose vaut pour un résident permanent et enfin pour un résident temporaire. Nous devrions simplement définir ces termes dans le texte du projet de loi C-11 et les conserver. Quoi qu'il en soit, je pense que cette terminologie garde les gens à distance. À cet égard, nous nous inspirons probablement des États-Unis, où l'on traite presque tout le monde d'étrangers.
M. Steve Mahoney: Mais c'est précisément cela, nous n'utilisons pas le terme «étranger».
Cette préoccupation me paraît curieuse car depuis des années, des gens sont venus ici de partout dans le monde, que ce soit comme réfugiés, immigrants ou dans d'autres catégories, tout en continuant de profiter de leur culture d'origine et de la célébrer. Ils sont fiers de venir soit de la Grèce, de l'Italie ou d'ailleurs dans le monde.
• 1050
L'expression «ressortissants étrangers» reconnaît simplement
qu'ils sont citoyens d'un autre pays. Je ne comprends pas pourquoi
c'est perçu comme une gifle. La plupart des nouveaux Canadiens sont
fiers de leur patrimoine.
Nous avons toujours discuté de cette double appartenance des Canadiens, mais pour ma part, je n'y ai jamais vu de problème. Cependant, ça préoccupe manifestement certaines personnes parce que selon ce que nous rappelait M. Mark, les groupes que nous avons entendus en audience ici nous ont manifesté leur préoccupation. Cela dit, je serais assez renversé si les nombreux groupes de témoins que nous entendons nous couvraient de fleurs. Ce n'est pas ce qui se produit d'habitude et je ne m'attends pas à ce que ce soit ainsi. Je me demande tout simplement si ce n'est pas une tempête dans un verre d'eau.
M. Emilio Binavince: J'aimerais intervenir là-dessus.
Le président: Oui, monsieur Binavince.
M. Emilio Binavince: Le Parlement ne devrait pas créer quelque chose dont on n'a pas besoin. Même la Charte canadienne des droits et libertés ne parle pas de ressortissants étrangers.
Demandez-vous à quoi sert le recours à «ressortissants étrangers» dans ce texte? À distinguer entre les diverses sortes de...
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, je ne tiens pas à me lancer dans une discussion d'une demi-heure là-dessus. J'ai d'autres questions à poser.
Excusez-moi, mais je ne me rappelle pas quel groupe a mentionné la possibilité qu'il y ait arrestation et détention sans mandat. Monsieur Hashi, je crois que c'était vous.
En fait, ce n'est pas vrai. D'autres groupes ont eux aussi affirmé cela, il me paraît donc important de bien tirer la question au clair. C'est le projet de loi précédent, le projet de loi C-31, qui permettait l'arrestation sans mandat, dans tous les cas de non-admissibilité au Canada. Cependant, en reconnaissance des droits accrus que l'on reconnaît maintenant aux résidents permanents et aux réfugiés et du fait que de tels droits doivent être mieux protégés, le projet de loi précise que l'arrestation de résidents permanents et de réfugiés devra s'effectuer avec mandat.
Êtes-vous au courant de cela? D'autres groupes ont porté la même accusation.
M. Ahmed Hashi: Oui, je suis au courant. Cependant, par rapport à cela, nous discutons d'une orientation générale.
Parlons franchement. Nous parlons d'une part de mondialisation et d'autre part des migrations internationales. Or malgré le fait que d'après les chiffres, seulement 650 personnes sont entrées en Colombie-Britannique, on entend des gens pousser des hauts cris et protester parce que le pays est envahi par des migrants économiques qui ne sont pas de véritables réfugiés. À cause de cela, nous inscrivons donc des mesures punitives dans le projet de loi C-11, à tel point qu'un migrant économique et légal encourt une peine de prison à perpétuité. Le paragraphe 15(3) autorise les agents d'immigration à fouiller tout moyen de transport amenant les personnes au Canada et à interroger les personnes qui s'y trouvent. Cela inclut aussi la possibilité d'interdire le séjour dans les aérogares.
Dans ces derniers cas, le ministère poste des agents de visa dans les grands aéroports internationaux du monde, et il ne fait aucun doute que ceux auxquels on oppose le plus facilement une fin de non-recevoir dans ces aérogares sont les gens de couleur qui viennent de l'hémisphère sud.
M. Steve Mahoney: Vous n'aviez pas mentionné cela plus tôt, mais j'en prends bonne note. Quoi qu'il en soit, vous devez certainement être favorable à la recherche de solutions aux problèmes de l'introduction clandestine de migrants. Cela a donné lieu à de terribles tragédies dans le monde entier; des gens sont morts, et il y en a peut-être beaucoup d'autres dont nous n'avons même pas entendu parler, dont les navires ont coulé ou qui ont disparu autrement. Il faut certainement que nos lois soient suffisamment fermes dans notre pays, pas dans l'intention de punir les migrants, et ainsi je conviens avec vous qu'il y a eu des cris d'alarme tout à fait excessifs lorsque les navires clandestins ont abordé chez nous—mais pour contrer les passeurs illégaux et les autres qui s'occupent de l'immigration clandestine. Nous devons appliquer la loi avec rigueur face à ce problème.
M. Ahmed Hashi: Supposez par exemple que des gens se rendent au Canada en passant par l'aéroport de Francfort en Allemagne. Un de nos agents des visas y est posté et l'objet de son travail est de découvrir si les voyageurs sont des revendicateurs du statut de réfugié légitimes ou non. La tâche incombe donc à cet agent d'immigration de se prononcer. Or, comment pourrait-il savoir qu'un tel du Rwanda, du Burundi, de la Somalie, de la Chine ou de Hong Kong est un réfugié légitime ou non?
M. Steve Mahoney: C'est la plus grave difficulté que connaissent les agents.
M Emilio Binavince: Non, il y a une solution à cela. Laissez-les entrer. Laissez le processus suivre son cours. Laissez les voyageurs passer par la filière de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et si après le processus on confirme qu'il s'agit bien de demandeurs d'asile légitimes fuyant la persécution ou une guerre civile, alors que le processus suive son cours.
Si en revanche on conclut qu'il ne s'agit pas de réfugiés au sens de la Convention ni de demandeurs d'asile légitimes, alors les dispositions du projet de loi C-11 et celles de la loi actuelle permettent d'annuler les décisions de la CISR et de les expulser.
M. Steve Mahoney: Vous reconnaissez cependant qu'une fois entrés, les revendicateurs bénéficieront de la protection intégrale de la Charte canadienne des droits et libertés. Par conséquent, d'affirmer qu'on n'a simplement qu'à annuler la décision et à déporter les revendicateurs, ça me paraît incomplet... Je pourrais vous citer des exemples pris dans ma propre collectivité, où des gens étaient entrés illégalement, et où il a fallu jusqu'à trois ans pour lancer le processus menant à l'expulsion, sans mentionner les difficultés à trouver un agent disposé à les arrêter et à les amener à l'aéroport.
Il faut en arriver à un équilibre quelconque ici. Si nous ouvrons toutes grandes les vannes, quitte à songer à l'expulsion seulement après, je ne pense pas que la population canadienne tolérera cela.
M. Emilio Binavince: Mais monsieur Mahoney, la charte existe. Elle est là.
M. Steve Mahoney: La charte canadienne devrait-elle protéger les gens à l'étranger? Est-ce ce que vous êtes en train de me dire?
M. Emilio Binavince: Non. Ce que je dis, c'est que face à ceux qui veulent entrer au Canada, qu'ils y aient été poussés ou attirés, personne ne pourra savoir s'ils sont des demandeurs d'asile légitimes ou non.
M. Steve Mahoney: Je le conçois bien.
M. Emilio Binavince: En ce cas, laissons-les entrer. Laissons-les passer par la filière de l'audience...
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Vous pouvez poser une dernière question.
M. Steve Mahoney: J'ai une dernière question à poser au sujet de l'exigence d'une résidence permanente d'au moins deux ans sur une période de cinq ans. Cela me laisse perplexe, étant donné toutes les exceptions accordées: on peut se rendre à l'extérieur du Canada si on accompagne un conjoint citoyen canadien; on peut travailler à l'extérieur du pays pour le compte d'une entreprise canadienne; on peut accompagner un conjoint ou un conjoint de fait citoyen canadien qui est à l'emploi d'une entreprise canadienne et le reste. Il y a même une disposition passe-partout dans les règlements prévoyant d'autres moyens d'échapper aux exigences. Ça me paraît très généreux.
Cela dit, à mon avis, si l'on est un résident permanent, est- ce qu'on ne devrait pas vivre ici au moins une partie du temps? Cela me paraît la question essentielle à se poser.
Le président: Monsieur Binavince.
M. Emilio Binavince: Lorsqu'une personne vient ici pour obtenir le statut de résident permanent, vous et moi savons ce qu'elle cherche. Elle veut vivre ici. L'exception intervient dans les cas où la personne ne se trouve pas ici; or c'est à la raison qu'il faut s'arrêter. Dans le libellé d'aujourd'hui, s'il s'agit d'une personne qui ne trouve pas d'emploi dans le pays, comme un médecin... il aimerait peut-être aller à Hong Kong et y exercer là-bas pour venir en aide à sa mère et à ses enfants. Toutefois, il n'entre pas dans vos catégories. Nous ne voulons pas faire des immigrants ou des réfugiés des assistés sociaux mais nous ne leur permettons pas de chercher de l'emploi à l'étranger afin qu'ils soutiennent leur famille. Il y a une contradiction flagrante dans le projet de loi à cet égard. Tout cela est inutile. Il faudra qu'on fasse une sélection. Si les gens ne veulent pas devenir citoyens, alors tout s'arrête là, mais il est inutile d'avoir tous ces règlements ou toutes ces exigences en matière de résidence permanente. À mon avis, il s'agit là d'un exercice tout à fait inutile, générateur d'autres lourdeurs bureaucratiques.
Le président: Merci.
Madame Dalphond-Guiral, à vous la parole puis à Yolande.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ma première question s'adresse au coordonnateur du projet Getting Landed, M. Hashi.
Vous avez fait allusion, comme plusieurs autres témoins avant vous, au problème créé par l'absence de pièces d'identité. Si l'attribution automatique de la résidence permanente était une réalité au Canada, est-ce que ça ferait disparaître une partie du problème?
[Traduction]
M. Ahmed Hashi: Je n'ai pas entendu l'interprétation en anglais au complet, auriez-vous l'obligeance de répéter s'il vous plaît?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vais répéter ma question.
• 1100
Vous avez fait allusion,
dans votre présentation, au problème créé par
l'absence de documents d'identité pour certains
réfugiés. Si la résidence permanente devenait
automatique pour tous ceux qui sont reconnus comme des
réfugiés, est-ce que cela n'éliminerait pas une
grande partie du problème?
[Traduction]
M. Ahmed Hashi: C'est vrai. Une fois qu'un revendicateur du statut de réfugié a obtenu sa reconnaissance comme réfugié au sens de la convention, il n'y aura pas de problème si on lui accorde la résidence automatique. C'est d'ailleurs l'une des choses que nous avons recommandée au ministère et à votre comité comme solution de rechange. À l'heure actuelle, il y a près de 8 000 dossiers de réfugiés au sens de la convention mais sans papier, et combien d'autres personnes dans chacun de ces dossiers? Ces derniers bénéficient de la protection de la convention de Genève mais n'ont pas obtenu leur résidence, comme mon amie Saada Abdi, ici présente, et des milliers d'autres dont la vie est en quelque sorte en suspens.
Nous recommandons donc à votre comité d'inscrire dans le projet de loi des dispositions accordant la résidence automatique aux personnes reconnues comme réfugiés au sens de la convention, ce qui exclut bien sûr les criminels et ceux dont les vérifications de sécurité dévoilent des choses inacceptables. Cela faciliterait la tâche du ministère, des collectivités concernées et de la société canadienne dans son ensemble.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mon autre question s'adresse à M. Binavince.
J'ai eu l'impression, sinon la certitude, en écoutant votre présentation, qui était très claire, que vous trouviez que les agents d'immigration disposaient de beaucoup trop de pouvoirs, de pouvoirs trop larges. J'aimerais vous entendre sur ce que vous évalueriez comme des pouvoirs suffisants.
[Traduction]
M. Emilio Binavince: Il est très difficile de trouver une définition de ce qui est satisfaisant. C'est ce dont les agents ont besoin. Bien sûr, dans certains cas, il faut exercer un pouvoir assez ferme, selon les circonstances. Je ne vais pas essayer de me prononcer là-dessus. Cela dit, il ne s'agit pas de limiter un tel pouvoir mais de préciser clairement de quoi il s'agit. Celui ou celle qui l'exercera devra se reporter à des lignes directrices claires. Nous aimerions aussi qu'intervienne ensuite un système de réexamen afin d'être sûrs que le pouvoir a été exercé de façon conforme à la loi.
Je conviens tout à fait qu'il faut détenir quelqu'un qu'on soupçonne d'être un criminel, qu'il y a lieu d'effectuer une enquête. Cependant, il peut aussi y avoir harcèlement pendant ladite enquête. C'est donc l'exercice du pouvoir plutôt que son existence qui peut faire problème.
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à Yolande puis à Mme Wasylycia-Leis.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais revenir aux remarques soulevées plus tôt par la dame qui représente le groupe Getting Landed.
Monsieur le président, je comprends très bien qu'on n'est pas ici pour régler des problèmes personnels, mais le problème soulevé par madame est trop important pour qu'on le passe sous silence. Je ne dirais pas que le problème est fréquent, car c'est peut-être un mot trop large, mais beaucoup de mes collègues m'ont dit que de telles situations existaient chez eux, dans leur circonscription.
Au cours de toutes ces années, madame, vous avez certainement posé des questions pour vous renseigner. Quelles réponses est-ce que les autorités de l'immigration vous ont données au cours de toutes ces années? Est-ce qu'on vous a toujours donné la même réponse, la même explication?
Mme Saada Abdi: Non, ce n'est jamais la même réponse. C'est toujours différent. On ne m'a jamais donné une raison claire. On ne m'a jamais expliqué quels étaient mes droits. Je peux vous assurer que les agents de l'immigration agissent comme s'ils étaient Dieu sur terre.
J'ai eu la naïveté de dire à l'un de ces messieurs que mon fils se préparait à aller à l'université et que j'avais besoin de mes papiers. Il m'a demandé si je croyais qu'il avait eu une bourse, lui, pour aller à l'université. Il m'a dit qu'il avait dû travailler et que mon fils devait aussi travailler s'il voulait aller à l'université. Voilà la réponse que j'ai eue.
M. Ahmed Hashi: J'aimerais faire encore une observation sur le sujet. Ce qui fait problème, c'est la loi actuelle. Une disposition prévoit que les réfugiés au sens de la convention doivent fournir des papiers d'identité satisfaisants avant d'obtenir leur résidence. Les agents d'immigration doivent se conformer à la règle et la mettre en oeuvre. Donc le problème se trouve dans la loi. Nous vous demandons donc de ne pas exiger de tels documents dans le cas de réfugiés au sens de la convention. Si nous résolvons ce problème, il n'y aura plus de cas comme celui de Saada et de milliers d'autres dont la vie est en suspens.
Une voix: J'aimerais bien partager cela, monsieur le président...
Le président: Non, je vais céder la parole à Mme Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais poursuivre sur cette lancée car je pense que le cas de Saada Abdi n'est pas unique. D'après ce que nous avons entendu dire, beaucoup de gens se trouvent dans la même situation. Je crois savoir que vous avez témoigné lors d'autres séances d'information destinées aux députés et aux sénateurs, et que vos arguments sont très convaincants, mais cela fait des années que l'on défend ces causes. Malgré cela, nous n'avons pas encore trouvé de solution. Le projet de loi nous donne l'occasion d'intervenir, je vous demande donc comment nous devrions nous y prendre.
Monsieur Hashi, vous avez affirmé que c'est la loi actuelle qui fait problème. Or c'est précisément ce que l'Institut Caledon dit depuis fort longtemps, c'est-à-dire qu'avec le libellé de la loi actuelle, les réfugiés légitimes ont l'autorisation de vivre au Canada mais dans un vide juridique puisqu'on leur refuse le statut de résidents permanents parce qu'ils n'ont pu fournir de papiers satisfaisants aux agents d'immigration, sans que cela soit leur faute. Où peut-on intervenir à cet égard dans le projet de loi C-11? Vous venez de faire allusion à cela mais pouvez-vous être un peu plus précis? Que devrions-nous inscrire dans le projet de loi C-11 pour nous conformer pleinement à la convention sur les réfugiés?
M. Ahmed Hashi: C'est une bonne question, à laquelle on peut répondre de diverses manières par rapport à ce projet de loi. Je vais vous expliquer comment je vois la chose.
Ahmed Hashi revendique le statut de réfugié, passe donc par le processus de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et est reconnu comme réfugié. Ahmed Hashi n'est ni Michel ni Saada. L'identité du revendicateur est donc déterminée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dès le point de départ. Or, une fois que la CISR s'est prononcée sur l'identité du demandeur d'asile, pourquoi faudrait-il une autre détermination d'identité au moment de la demande de résidence? Il faudrait donc d'abord que les dispositions du projet de loi demandant à la CISR d'établir l'identité du revendicateur dès le point de départ suffisent à confirmer son identification sans qu'on ait besoin de demander des papiers. Voilà une possibilité.
En second lieu, on peut demander que le projet de loi comporte des dispositions explicites, où il serait dit que le Canada devra... attendez, je vais citer le paragraphe 31(1), qui se rapproche le plus de ce dont on a besoin:
-
Il est remis au résident permanent une attestation de statut; la
personne protégée peut s'en voir délivrer une.
C'est la seule disposition du projet de loi qui se saisisse un peu de la question mais elle ne suffit pas.
En second lieu donc, il faudrait inscrire dans le projet de loi une disposition obligeant le Canada à délivrer des papiers aux réfugiés au sens de la convention qui n'en disposent pas. Croyez- moi, il y a relativement peu de demandeurs sans papiers. Ainsi que le disait le Conseil canadien pour les réfugiés, à peu près 25 p. 100 de l'ensemble des revendicateurs du statut de réfugié arrivent au Canada sans pouvoir fournir quelque papier que ce soit, et ce pour de très bonnes raisons.
• 1110
Cela permettrait d'atteindre l'un des objectifs du projet de
loi, qui vise, selon l'alinéa 3(2)b), à remplir les obligations en
droit international du Canada relatives aux réfugiés.
La grande charte en matière de droit des réfugiés, c'est la convention de Genève sur les droits des réfugiés de 1951. Or notre gouvernement ne s'y conforme pas, et une disposition dans le sens que j'ai indiqué devrait donc être inscrite dans le projet de loi.
Il y a un autre problème au sujet des documents de voyage. Il s'agit de l'aspect très important dans la convention sur les droits des réfugiés. Or à l'heure actuelle, dans les faits, on délivre des documents de voyage aux seuls immigrants reçus. Dans d'autres pays, même aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Belgique, une fois qu'un demandeur a obtenu le statut de réfugié au sens de la convention, alors on lui remet immédiatement un document de voyage à sa demande. Les gens peuvent ainsi voyager, rendre visite à leurs familles et revenir au Canada. Il s'agit là d'une omission grave dans ce projet de loi, et on devrait y remédier.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hashi.
Monsieur Malhi, vous pouvez poser une question.
M. Gurbax Malhi: Merci, monsieur le président. Au sujet des documents de voyage à émettre aux réfugiés au sens de la convention, un demandeur affirme avoir fui certains périls dans son pays d'origine et être en danger de mort. Cependant, dans un sens vous affirmez qu'il faudrait lui fournir des documents lui permettant de retourner là-bas.
M. Ahmed Hashi: Lorsque j'ai parlé de leur permettre de voyager, il s'agit d'aller rendre visite à leurs familles. Or ces dernières pourraient se trouver dans un pays voisin, comme c'est souvent le cas, ou au sein d'une diaspora dans un autre pays. Ils pourraient ainsi aller aux États-Unis s'ils ont de la famille là-bas.
Par définition, les réfugiés selon la convention sont interdits de séjour dans leur pays d'origine une fois qu'ils ont obtenu leurs papiers de réfugiés. Par définition, ils ne peuvent retourner d'où ils viennent.
Le président: Avant de vous remercier beaucoup de votre apport très éclairant, me permettez-vous de poser une question?
Pour ce qui est d'Emilio, il y a deux ou trois choses.
D'abord cependant, monsieur Hashi, et madame Abdi, je demeure très perplexe. Je ne puis parler au nom du comité, mais je demeure perplexe devant cette proposition de passer immédiatement de la reconnaissance du statut de réfugié à la résidence. Je sais que d'attendre neuf ans est tout à fait inacceptable pour qui que ce soit. Il me parait incroyable que votre famille et vous-même êtes encore dans une espèce de zone grise parce qu'on cherche encore à trouver le petit document qui confirmera que vous êtes bel et bien Saada Abdi. Ça me semble incroyable.
Cela m'intrigue, cette idée d'arriver à trouver un système qui, manifestement, doit donner la priorité aux administrés plutôt qu'à la bureaucratie. Cette proposition m'intrigue.
Emilio, pour ce qui est de l'amélioration du sort des familles ou de l'amélioration que propose le projet de loi dans le cas des familles, la définition de famille qui s'y trouve comprendrait les parents. Je sais que la ministre a déjà dit que la famille pouvait également s'entendre des frères et des soeurs—après consultation avec les provinces qui semblent croire que si nous ajoutons les frères et les soeurs, tous vont finir par se retrouver à l'assistance publique. Cela me dépasse totalement que les provinces puissent être de cet avis alors que nous savons pertinemment bien, et les statistiques le prouvent, que de 90 à 95 p. 100 de ces gens travaillent et viennent simplement aider leurs familles.
Seriez-vous favorable à ce que la définition de la famille comprenne les frères et les soeurs?
M. Emilio Binavince: À mon avis, monsieur le président, ce serait facilement justifiable. Je pense que nous devons également être attentif aux préoccupations des Canadiens qui souhaitent endiguer ce flot de personnes à charge qui arrivent au Canada. Très souvent, il est nécessaire...
Permettez-moi de parler des grands-parents pour commencer car, comme je vois les choses, ceux-ci font partie de la famille dans certaines cultures.
Le président: Moi aussi, j'aime mes grands-parents.
M. Emilio Binavince: Il fut un temps où j'aimais plus mon grand-père que mes parents, et je pense que cela, nous devons l'admettre.
Le président: C'est parce qu'ils peuvent vous renvoyer à la maison lorsqu'ils en ont assez de vous après quelques heures.
M. Emilio Binavince: Je pense que c'est un peu plus difficile dans le cas des frères et des soeurs. À mon avis, il est possible de les inclure, mais avec certaines réserves dans certains cas. Par exemple, il y a des frères qui ont à coeur leurs responsabilités mais qui sont vraiment à charge car ils n'ont personne d'autre. Si on ne les inclut pas, c'est tout le système de soutien familial qui disparaît. Par contre, s'il y a une quinzaine de frères et soeurs toujours en vie de l'autre côté de l'océan, c'est le genre de situation qu'on ne devrait pas admettre.
• 1115
Je pense que ce qui nous manque ici, c'est une définition de
la famille qui soit un peu plus ingénieuse et qui comprenne deux
éléments. Le premier est le contexte culturel, et le second le
système de soutien familial, parce qu'après tout, c'est de cela
qu'il s'agit.
Le président: Le deuxième problème concerne le lieu de résidence. Je serais également curieux de savoir s'il vous est ou non possible de déterminer, de façon qualitative ou quantitative, si une personne qui a voulu venir au Canada va manifestement renoncer à s'intégrer en raison de son métier. Peut-être s'agit-il de quelqu'un qui veut voyager beaucoup, qui ne sera pas souvent au Canada, et qui risque donc de perdre ses droits en raison d'un critère de résidence. Que recommanderiez-vous au sujet de la façon de déterminer le niveau d'attachement à son pays d'un résident permanent du Canada qui doit le demeurer pendant un certain temps avant d'obtenir sa citoyenneté?
M. Emilio Binavince: Monsieur le président, permettez-moi d'abord une précision: Le système actuel fonctionne fort bien et je ne pense pas qu'il faille imposer quelque critère que ce soit en matière de résidence permanente.
L'autre système, le système de la citoyenneté, n'a pas donné de trop bons résultats. Ce qui s'est passé au moment de rédiger le projet de loi, c'est que cette préoccupation dans le cas de la citoyenneté a fini par transparaître dans l'ensemble du texte de la Loi sur l'immigration. À mon sens, il n'y a pas d'analogie.
Lorsque nous permettons à quelqu'un de venir au Canada, ce qu'il faut en réalité... S'il vient au Canada pour investir, il est considéré comme immigrant économique—c'est cela, l'idée fondamentale. Nous voulons qu'il vienne s'établir au Canada. Dans son secteur d'activité, il va probablement travailler pas seulement chez nous, mais à l'étranger aussi, ce qui aura un effet favorable pour le Canada. En revanche, si nous permettons à quelqu'un d'immigrer ici pour venir aider sa grand-mère malade, il ne pourra plus partir.
Il faut bien être conscient de ces notions de résidence dans le bon contexte, mais malheureusement, le système que nous avons actuellement est trop mécanique. Il nous faut donc des lois plus ingénieuses et des applications plus ingénieuses elles aussi, et cela n'est possible que par le truchement de critères généraux.
Le président: Espérons que nous puissions faire preuve d'imagination au moment où nous adopterons ceci. Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai ici tout un tas de membres de tous les partis qui ne manquent pas d'imagination, de sorte qu'il est à espérer que nous parvenions à ne pas décevoir vos attentes. Merci beaucoup de nous avoir ainsi livré vos réflexions.
M. Emilio Binavince: Pourrais-je simplement ajouter encore un mot à propos de ce qu'a dit M. Hashi? Je n'ai pas parlé du tout des réfugiés, mais ce qu'il dit est tout à fait exact dans la réalité, et il faut que vous le compreniez. Je pense que dès lors que l'audience se termine devant la Commission, le statut d'immigrant doit être accordé automatiquement.
Le président: Je vous remercie infiniment.
Le comité ajourne ses travaux à jeudi.