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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 mars 2001

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Nous traitons aujourd'hui du projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.

D'ici à 10 heures, nous entendrons un groupe de quatre témoins représentant respectivement l'Association des universités et collèges du Canada, le Conseil canadien des ingénieurs professionnels et la Coalition of Regulatory Related Agencies.

• 0905

Je vous souhaite à tous la bienvenue devant le comité.

Michael, comment ai-je pu vous oublier? Nous accueillons aussi Michael Murphy, de la Chambre de commerce du Canada. Veuillez m'excuser, je ne suis peut-être pas bien réveillé ce matin.

Comme à l'habitude, nous allons demander au représentant de chaque organisation de s'adresser au comité pendant cinq à sept minutes.

Nous avons reçu vos mémoires, et nous vous remercions de nous les avoir envoyés à l'avance. Je sais que nous avons tous veillé tard hier soir pour pouvoir les lire attentivement et nous avons donc déjà une bonne idée de vos positions respectives. Peut-être pourriez-vous donc simplement les résumer ce matin. Ce qui compte le plus, c'est que nous puissions dialoguer de façon à savoir comment nous pourrions tous collaborer pour produire un bon projet de loi et faire en sorte que l'immigration reste un facteur positif pour notre pays.

Cela dit, nous allons tout de suite passer à l'Association des universités et collèges. Sally, vous avez la parole.

[Français]

Mme Sally Brown (première vice-présidente, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur. Il me fait plaisir d'être ici.

L'AUCC abordera le projet de loi C-11 sous l'angle de ses répercussions sur les étudiants internationaux.

[Traduction]

Je vais donc parler de son incidence sur les étudiants internationaux.

Comme vous le savez peut-être, les universités canadiennes cherchent de plus en plus à internationaliser leurs campus, et les étudiants étrangers jouent un rôle important à cet égard. Les étudiants internationaux apportent des avantages économiques importants aux universités canadiennes et aux collectivités locales, ainsi qu'au Canada dans son ensemble. Selon des estimations du MAECI, ils apportent 2,7 milliards de dollars à l'économie canadienne. Plus important encore, peut-être, faire venir ces étudiants au Canada offre d'énormes avantages du point de vue des intérêts commerciaux et diplomatiques à long terme du pays.

Pourtant, le Canada prend du retard par rapport aux autres pays sur ce plan. Certains se sont dotés d'une stratégie plus cohérente de recrutement d'étudiants internationaux, ils investissent plus dans la promotion et ils ont une approche plus compétitive du point de vue de leurs politiques et de leurs pratiques d'immigration. À notre avis, le Canada peut et doit faire mieux à cet égard, et ce projet de loi nous en offre une première occasion importante.

Hélas, sous sa forme actuelle, il n'accorde que relativement peu d'importance au recrutement d'étudiants internationaux et à leur intégration dans nos établissements d'enseignement, ce qui veut dire qu'il ne donne pas clairement le signal que cette question est importante.

Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, nous avons effectué de nombreuses recherches pour comparer les politiques d'immigration du Canada et des pays qui nous font concurrence: États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande et France. Ces recherches nous ont montré que tous ces pays, à l'exception notable du Canada, ont adopté ou adoptent actuellement une démarche plus stratégique à l'égard des étudiants internationaux, démarche d'ampleur pangouvernementale, et que l'importance de cet objectif ressort clairement de leurs politiques d'immigration respectives.

Nous croyons que le Canada passe à côté d'une chance exceptionnelle d'utiliser ce projet de loi et son règlement pour modifier sa politique comme il le devrait pour devenir un acteur de premier plan sur le marché mondial du recrutement des étudiants internationaux. Nous recommandons en conséquence que l'on mette plus l'accent, dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, sur la facilitation du recrutement d'étudiants étrangers comme objectif clé de Citoyenneté et Immigration Canada.

Nous recommandons en particulier que la partie «Objet de la loi», à l'alinéa 3(1)g), soit divisée en deux. Le deuxième objectif porterait précisément sur le recrutement d'étudiants internationaux de façon à faciliter leur entrée au Canada du fait des avantages académiques, économiques et culturels qu'ils nous apportent.

En ce qui concerne le règlement qui sera élaboré pour accompagner le projet de loi C-11, l'une des dispositions proposées consisterait à autoriser les étudiants internationaux à demander le statut de résident permanent alors qu'ils se trouvent déjà au Canada. Le ministère se propose d'offrir cette possibilité «aux diplômés étrangers de fraîche date qui satisfont aux critères d'admission comme immigrants économiques, ont une offre d'emploi permanent et ont travaillé au Canada pendant un an».

Nous appuyons ce changement, dont la formulation est encourageante. Toutefois, si l'on accepte la double intention, nous craignons que nos agents de l'immigration à l'étranger ne se sentent obligés d'évaluer les étudiants en fonction de deux types de critères: pour un permis de séjour et comme immigrants éventuels. Cela pourrait avoir pour effet de retarder le traitement des demandes de permis de séjour des étudiants—ce n'est sans doute pas l'objectif visé mais ce serait un effet possible—et nos recherches montrent que le Canada a déjà le plus long délai de délivrance des visas d'étudiant parmi tous les pays considérés.

• 0910

Vous aurez constaté que nous recommandons dans notre mémoire d'examiner le modèle australien, qui serait une solution possible pour trouver un juste équilibre entre garder le système d'autorisation des permis de séjour le plus simple possible et tirer un meilleur parti de ce bassin d'immigration. Nous recommandons en conséquence que l'on crée une catégorie d'immigrants reçus à partir du Canada même, pour les étudiants internationaux, et que l'on trace une distinction claire entre le processus d'autorisation des étudiants et le processus d'obtention du statut d'immigrant reçu.

Nous recommandons aussi dans notre mémoire quatre domaines dans lesquels CIC pourrait adopter de nouveaux règlements pour essayer de rattraper son retard. Je n'en mentionnerai que deux aujourd'hui, en vous invitant à consulter notre mémoire au sujet des deux autres.

Premièrement, des études ont montré que les dispositions relatives au travail revêtent beaucoup d'importance pour les étudiants internationaux au moment où ils choisissent entre plusieurs pays d'accueil. Or, selon nos recherches, le Canada est le seul pays qui n'autorise pas les étudiants internationaux à occuper un emploi à temps partiel hors campus pendant leur séjour ou leurs vacances—et nous parlons ici simplement de 15 à 20 heures de travail par semaine. En conséquence, nous recommandons que CIC autorise les étudiants internationaux à occuper un emploi à temps partiel hors campus pendant leurs études et leurs vacances.

Ma deuxième remarque est que tous les pays s'efforcent de trouver un juste équilibre entre la nécessité de faciliter l'entrée de vrais étudiants internationaux et de maintenir l'intégrité du système d'immigration, ce que l'AUCC comprend parfaitement. L'expérience passée et les données disponibles permettent de penser que les étudiants internationaux suscitent moins de préoccupations en ce qui concerne le risque de fraude, l'infraction aux conditions d'octroi des visas et le refus de retourner dans le pays d'origine. Certains de nos concurrents ont donc modifié leur approche pour tenir compte de cette différence de risque. L'Australie, par exemple, s'écarte peu à peu de son régime de visa unique pour étudiants afin d'instaurer un régime comprenant plusieurs types de visas: tertiaire, professionnel, secondaire et anglais deuxième langue. Ces nouvelles catégories seront évaluées en fonction de facteurs de risque particuliers pour chaque marché visé dans chaque sous-secteur de l'enseignement.

Nous pensons que l'adoption par le Canada d'une approche similaire en matière d'évaluation du risque et de rationalisation des demandes réduirait sensiblement les délais d'octroi des visas sans accroître le risque en ce qui concerne les vrais étudiants. En conséquence, nous recommandons à CIC de modifier la catégorie du visa unique pour les étudiants afin d'élaborer et de mettre en oeuvre un système de visas différents pour chaque sous-secteur de l'éducation.

[Français]

En conclusion, les étudiants internationaux sont d'une importance critique pour l'avenir de nos universités, de nos étudiants et du Canada. À longue échéance, les anciens étudiants internationaux ayant fréquenté un établissement canadien deviennent à l'étranger d'importants représentants pour ne pas dire des ambassadeurs du Canada, de ses valeurs et de son commerce. Les établissements membres de l'AUCC ont fait de l'éducation internationale l'une des plus importantes priorités et le regroupement des étudiants internationaux s'insère parfaitement dans cela.

Le gouvernement fédéral doit aborder cette question d'une manière stratégique. L'un de ses premiers gestes à poser consiste à équiper CIC de meilleurs moyens pour le traitement des demandes d'études au Canada, tout en modifiant la façon par laquelle le ministère établit ses politiques et ses pratiques.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à accroître la présence du Canada à l'étranger. Les missions commerciales d'Équipe Canada (Team Canada) ont toujours comporté un important volet éducation parce que le gouvernement en reconnaît les grands avantages économiques. J'ai personnellement participé à deux de ces missions et chaque fois, j'ai pu constater un vif intérêt en faveur d'une mobilité accrue des étudiants, tant au Canada qu'auprès de nos partenaires ailleurs dans le monde.

Cependant, tous constatent toujours que les politiques canadiennes d'immigration ne s'inscrivent pas dans la mouvance de nos politiques commerciales. Nous croyons que le Canada peut améliorer ses efforts dans ces domaines.

• 0915

[Traduction]

Selon nous, les modifications que nous proposons au projet de loi C-11 donneraient le signal important que les étudiants internationaux constituent un atout pour le Canada, et elles nous permettraient d'apporter les changements nécessaires pour répondre aux attentes que nous créons dans le monde entier à l'occasion des missions d'Équipe Canada et d'autres missions.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci, Sally, pour un excellent mémoire et d'excellentes recommandations. J'aurai bien des questions à vous poser.

Je vais maintenant donner la parole aux représentants du Conseil canadien des ingénieurs professionnels, Marie Lemay, directrice des Opérations, Noel Cleland, président, et Digvir Jayas, président.

Qui veut prendre la parole?

Mme Marie Lemay (directrice des Opérations, Conseil canadien des ingénieurs professionnels): Monsieur le président, puis-je demander aux représentants de la COR de passer avant nous? Comme nous faisons partie de cette coalition, cela nous éviterait de répéter ses arguments.

Le président: D'accord.

Mme Marie Lemay: Cela vous pose-t-il un problème?

Le président: Pas du tout.

Je vais donc donner la parole à Wendy McBride, Claude-Paul Boivin et Charles Brimley, de la Coalition of Regulatory Related Agencies.

Vous avez la parole.

Mme Wendy McBride (directrice exécutive, Canadian Association of University Schools of Nursing; Coalition des organismes de réglementation): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Wendy McBride et je suis directrice générale de la Canadian Association of University Schools of Nursing. Je suis accompagnée de Claude-Paul Boivin, directeur général de l'Association médicale vétérinaire canadienne, et de Charles Brimley, directeur général du Canadian Council of Technicians and Technologists.

Nous sommes très heureux de témoigner aujourd'hui devant votre comité au nom de la Coalition des organismes de réglementation pour vous présenter l'opinion de nos membres sur le projet de loi C-11.

La COR représente les organismes qui attribuent des permis, accordent des accréditations ou réglementent la plupart des 500 000 professionnels du Canada, c'est-à-dire des architectes, des ingénieurs, du personnel infirmier, des médecins, des technologues, des chiropraticiens, des physiothérapeutes, des pharmaciens et d'autres types de professionnels.

Comme plusieurs autres pays du Commonwealth, le Canada s'est doté d'un système d'autoréglementation de certaines professions, notamment de celles qui touchent directement la santé et le bien- être du public. C'est un système qui existe depuis la création du pays. De fait, les divers membres de la COR préservent l'intégrité du filet de sécurité qui a été mis en place par les provinces et les territoires qui leur délèguent leur pouvoir de réglementation. L'essence même de ce filet de sécurité se compose des normes professionnelles élevées qui sont formulées depuis plus de 130 ans.

Cela dit, ce filet de sécurité est quasiment invisible et la plupart des Canadiens n'en ont pas nécessairement conscience. Ils ne connaissent pas nécessairement le niveau de protection qui leur est garanti par la quarantaine de professions réglementées du pays. Pourtant, tous les citoyens accordent leur confiance aux personnes qui assurent la prestation de leurs soins de santé, qui conçoivent et bâtissent leurs ponts, qui leur vendent des médicaments et qui influent sur leur vie de nombreuses autres manières.

Les membres de la COR sont fiers du rôle qu'ils jouent pour préserver ce filet de sécurité et il importe que celui-ci reste solide en imposant les mêmes normes rigoureuses à toutes les personnes qui veulent avoir accès aux professions, qu'il s'agisse de diplômés canadiens ou de diplômés étrangers. Nous tenons cependant à souligner que nous ne gérons pas l'accès aux professions. Il ne nous appartient pas de gérer le bassin de professionnels disponibles au Canada. De fait, les membres de la COR sont unanimes à condamner les mesures qui empêchent les étrangers de venir au Canada en fonction de facteurs autres que les qualifications et les aptitudes.

Je vais maintenant demander à mon collègue de l'Association médicale vétérinaire canadienne d'exposer la réponse de la COR au projet de loi.

[Français]

M. Claude-Paul Boivin (directeur exécutif, Association médicale vétérinaire canadienne, Coalition des organismes de réglementation): Merci, Wendy.

Monsieur le président, notre coalition est convaincue de la nécessité de changer l'actuelle Loi sur l'immigration. Nous constatons que la loi actuelle n'a pas réussi à combler les besoins de main-d'oeuvre du pays, ni les attentes des immigrants et des immigrantes. Le mémoire que nous présentons à votre comité a été préparé dans un seul but. En somme, le but visé est de donner aux immigrants et aux immigrantes une chance équitable d'accéder à une profession au Canada tout en préservant les normes qui ont contribué, au cours des années, à assurer la sécurité, le bien-être et la qualité de vie de tous ceux et celles qui vivent au Canada.

Monsieur le président, nous appuyons l'intention générale du projet de loi C-11, qui est de contribuer à la prospérité économique du Canada. De plus, nous reconnaissons que l'arrivée sur le marché du travail d'hommes et de femmes hautement qualifiés est essentielle à cette prospérité économique. Toutefois, monsieur le président, malgré notre appui global au projet de loi, nous avons quelques réserves, et nos préoccupations sont de trois ordres.

[Traduction]

Notre première préoccupation, monsieur le président, concerne le concept du travail connexe. Le projet de loi C-11 repose sur l'hypothèse que les immigrants qui sont des professionnels dans leur pays d'origine se contenteront de travailler dans une profession connexe s'ils ne sont pas qualifiés pour être accrédités ou certifiés au Canada. Cela va à l'encontre de ce que nous savons, monsieur le président. En fait, bon nombre d'immigrants qui arrivent au Canada en espérant travailler dans leur profession ne sont pas satisfaits d'occuper un emploi connexe. Bon nombre expriment leur frustration en contestant les décisions devant les tribunaux ou auprès de la Commission des droits de la personne. Pire encore, certains—délibérément ou non—exercent leur profession illégalement au Canada ou offrent des services qu'ils ne sont pas autorisés à dispenser.

• 0920

Notre deuxième préoccupation concerne une disposition que l'on envisage d'inclure dans le règlement pour que la profession ne fasse plus partie des critères de sélection de l'immigration économique. Si la profession n'est plus un facteur de sélection des immigrants, cela risque de couper par inadvertance la communication de renseignements aux candidats à l'immigration sur les normes d'accréditation professionnelle, de licence ou d'exercice.

Les gouvernements ont le devoir de divulguer aux candidats à l'immigration toutes les informations possibles sur les processus et défis auxquels ils risquent d'être confrontés. Une prise de contact rapide et directe avec les instances canadiennes de réglementation des professions est cruciale pour veiller à ce que les candidats à l'immigration sachent parfaitement à quelles conditions ils pourront exercer légalement leur profession au Canada. Si l'on ne fournit pas rapidement des informations exactes, on risque de constater une augmentation de l'exercice illégal de certaines professions, plus de pression pour autoriser ou accréditer des personnes non qualifiées ou, plus important encore, de fausses attentes qui causeront des problèmes d'adaptation aux personnes non qualifiées.

Je vais maintenant demander à mon collègue, Charles Brimley, d'exposer notre troisième et dernière préoccupation.

[Français]

M. Charles Brimley (directeur exécutif, Conseil canadien des techniciens et technologues, Coalition des organismes de réglementation): Merci, Claude-Paul.

[Traduction]

Notre dernière préoccupation, monsieur le président, concerne l'aiguillage des professionnels vers le réseau d'agences provinciales d'évaluation des diplômes, dans le cadre du processus d'immigration. Ces agences sont en mesure d'établir des équivalences générales pour les études à l'étranger et de déterminer le niveau de compétence requis. Par contre, il est clair qu'elles ne sont pas à même d'évaluer les qualifications en vue de l'octroi d'un permis d'exercice ou d'une accréditation, surtout en ce qui concerne les professions où les exigences d'éducation sont complexes. Ces évaluations, effectuées par des organismes de certification, sont foncièrement différentes de celles effectuées par la plupart des instances de réglementation. Or, les différences entre les deux procédures risquent d'engendrer de la confusion et de créer des attentes erronées chez les immigrants qui souhaitent obtenir un permis d'exercice ou une accréditation au Canada. Encore une fois, cela risque de causer des problèmes d'adaptation ou d'accroître l'exercice illégal des professions.

La COR pense que le projet de loi C-11 est susceptible d'offrir un cadre solide pour l'élaboration des futures politiques du Canada. Toutefois, il lui semble essentiel que le comité veille à ce que le projet de loi et son règlement permettent de gérer correctement les attentes des candidats à l'immigration et d'orienter ces derniers vers les instances de réglementation professionnelle qui sont à même d'évaluer correctement leurs qualifications.

Outre cette recommandation d'ordre général, monsieur le président, la COR souhaite formuler respectueusement les quatre recommandations suivantes: premièrement, que le projet de loi C-11 fasse directement référence aux instances de réglementation et au rôle de protection de la sécurité publique qui leur est confié par la loi; deuxièmement, que le projet de loi C-11 exige des immigrants qu'ils se mettent directement en rapport avec l'instance de réglementation voulue avant de prendre une décision d'immigration, lorsque leurs études ou leur expérience de travail concerne une profession réglementée; troisièmement, que l'on reconnaisse dans le projet de loi C-11 l'expertise confirmée, l'expérience et le pouvoir légal des instances de réglementation et d'accréditation du Canada en matière d'évaluation des qualifications professionnelles et des diplômes de toutes les personnes sollicitant l'admission aux professions au Canada; et, quatrièmement, que l'on ajoute au projet de loi C-11, à l'article concernant le modèle de sélection des travailleurs instruits, la disposition suivante relative à la faculté d'adaptation:

    la preuve que la candidate ou le candidat répond ou a une attente raisonnable de répondre aux exigences établies par l'organisme de réglementation approprié au Canada.

• 0925

En conclusion, monsieur le président, les membres de la COR tiennent à ce que les immigrants ayant des qualifications professionnelles puissent s'établir avec succès au Canada. À titre de représentants des instances de réglementation du Canada, nous voulons faire notre part pour assurer le succès de cet objectif.

Nous vous remercions de nous avoir permis d'exposer les vues de nos membres.

Le président: Vous nous avez aussi donné un mémoire tout à fait impressionnant, et d'excellentes recommandations, Wendy, Claude-Paul et Charles. Je vous en remercie.

Je donne maintenant la parole à Marie Lemay et aux ingénieurs professionnels.

Mme Marie Lemay: Je vous remercie de nous permettre de nous adresser au comité, monsieur le président. Je m'appelle Marie Lemay et je suis directrice générale du Conseil canadien des ingénieurs professionnels. Je suis accompagnée de Noel Cleland, notre président, et de Digvir Jayas, le président de notre conseil d'accréditation.

Comme je l'ai dit, nous représentons le Conseil canadien des ingénieurs professionnels qui regroupe les 12 associations provinciales et territoriales chargées de réglementer la profession au Canada. Par leur truchement, nous représentons plus de 157 000 ingénieurs de tout le pays.

[Français]

À titre de membre de la Coalition des organismes de réglementation et de signataire de son mémoire, le Conseil canadien des ingénieurs professionnels appuie entièrement les recommandations de la coalition.

Je crois que mes collègues ont fait un extrêmement bon travail dans l'identification des points qui nous concernent et des problèmes qui pourraient en découler ainsi que des solutions que nous proposons.

Je voudrais cependant prendre quelques minutes pour réitérer ce qui nous préoccupe. Nous croyons qu'avec la réglementation qui découlera du projet de loi tel que proposé, nous verrons davantage de problèmes d'adaptation pour les immigrants qui s'attendraient à travailler comme ingénieurs au Canada et qui, malheureusement, ne posséderaient pas les compétences suffisantes pour obtenir un permis de pratique ici, au Canada.

Deuxièmement, nous croyons que nous subirons des pressions encore plus grandes afin d'admettre au sein de la profession des personnes qui n'ont pas nécessairement les compétences voulues. Cela pourrait avoir pour effet de compromettre les standards de compétences canadiens, qui sont reconnus mondialement.

Finalement, ce qui nous préoccupe encore plus, c'est la possibilité de voir davantage de personnes qui, sciemment ou non, exerceraient illégalement la pratique du génie, que ce soit par un manque de connaissance du système ou par simple frustration. On peut comprendre que l'exercice illégal de la profession présente un risque direct pour la sécurité du public.

Alors, je ne prendrai davantage de votre temps pour répéter ce que mes collègues viennent de vous dire.

[Traduction]

Je vais plutôt inviter Noel Cleland, notre président, à vous indiquer ce qui se passe aujourd'hui avec les candidats à l'immigration qui ont fait des études ou acquis une expérience comme ingénieur. Cette procédure est appliquée en grande mesure parce que l'ingénierie fait actuellement partie de la liste générale des professions.

En vous exposant cette procédure, nous voulons vous adresser trois messages. Premièrement, vous indiquer quels types de contacts nous avons avec certains des candidats à l'immigration économique avant qu'ils ne prennent leur décision. Deuxièmement, vous montrer la complexité, la cohérence et la valeur de notre système de réglementation. Troisièmement, vous donner une idée des difficultés d'adaptation qui résulteront probablement de l'élimination totale de la profession des critères de sélection des travailleurs qualifiés qui souhaitent travailler dans une profession réglementée, si l'on n'adopte pas d'autres mesures.

Noel.

M. Noel Cleland (président, Conseil canadien des ingénieurs professionnels): Merci, monsieur le président.

Le CCIP jouit d'une longue expérience dans ce domaine, ce qui peut surprendre les membres du comité. En fait, il a lancé son premier programme d'évaluation pour aider le ministère à évaluer les compétences des ingénieurs étrangers lorsqu'il a négocié un protocole d'entente avec Citoyenneté et Immigration Canada en 1981. Depuis une vingtaine d'années, donc, le Conseil a examiné les diplômes de près de 120 000 candidats à l'immigration, et le nombre de candidats augmente chaque année. Rien que l'an dernier, nous avons traité 24 000 demandes et avons répondu à des milliers de demandes de renseignements supplémentaires.

La première chose que nous faisons est d'évaluer le métier du candidat. En effet, la définition de ce qu'est un ingénieur n'est pas la même dans tous les pays. En Chine, par exemple, les gens qui peuvent légitimement s'appeler des ingénieurs peuvent être aussi considérés comme des ingénieurs au Canada mais pourraient tout aussi bien être des chimistes, des agronomes ou des technologues. Autrement dit, tous les ingénieurs chinois ne seraient pas nécessairement des ingénieurs au Canada. Dans le système actuel, nous sommes en contact avec la plupart des immigrants économiques qui ont obtenu une formation d'ingénieur, avant qu'ils ne prennent définitivement la décision d'immigrer.

• 0930

Quand nous avons déterminé que le candidat est effectivement un ingénieur, la question est de savoir s'il répond aux normes canadiennes d'obtention d'un permis. Posséder un diplôme d'ingénieur de l'étranger ne garantit pas un niveau de compétence suffisant. Au Canada, le Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie examine avec rigueur les programmes universitaires d'études en ingénierie. Si les programmes ne répondent pas aux normes établies par la profession, ils perdent leur accréditation.

Cela veut dire que les étudiants qui ont obtenu un diplôme d'un programme non accrédité sont tenus de passer une série d'examens pour garantir qu'ils sont aptes à exercer la profession au Canada. De même, les diplômés de programmes d'ingénierie de l'étranger sont tenus de passer les mêmes examens, en totalité ou en partie.

Le dernier concept que je souhaite aborder au sujet du projet de loi C-11 concerne le postulat que les professionnels de l'étranger accepteront volontiers un emploi dans une profession connexe. L'accréditation professionnelle, obtenue après des années d'études, des examens et une certaine expérience, atteste des qualifications de l'individu et elle est légalement exigée pour travailler comme ingénieur au Canada. Si les gens qui arrivent au Canada n'ont pas eu de contact antérieur avec la profession, ils risquent de découvrir qu'ils ne peuvent exercer leur profession d'ingénieur de manière indépendante sans un permis et ne peuvent donc assumer aucune responsabilité juridique à l'égard de leur travail. Découvrir cela après coup serait à la fois insatisfaisant et frustrant.

Pour prendre mon cas personnel, j'avais étudié pendant sept ans en Australie pour devenir ingénieur avant d'émigrer au Canada en 1954. J'avais passé quatre ans à l'université et j'avais travaillé pendant trois ans sous la supervision d'ingénieurs professionnels. En arrivant ici, j'ai obtenu une expérience canadienne avant de présenter une demande d'enregistrement comme ingénieur professionnel. Si je n'avais pas eu la perspective de travailler comme ingénieur complètement agréé, je n'aurais jamais envisagé de venir au Canada.

Mon collègue, M. Jayas, a lui aussi fait l'expérience du système d'accréditation professionnelle du Canada en tant qu'ingénieur né et éduqué à l'étranger, mais sans doute un peu plus récemment que moi. Bien que nous n'ayons pas assez de temps pour qu'il puisse vous donner tous les détails, il m'a dit que sa propre expérience d'immigrant, tout comme celle d'autres personnes qu'il a rencontrées au Manitoba, l'amène à conclure que les personnes qui sont qualifiées n'ont pas de problème à passer les examens ou à subir le processus d'évaluation, alors que celles qui sont sous-qualifiées peuvent rencontrer des difficultés.

La profession est consciente de ces difficultés et en a tenu compte pour modifier ses procédures. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour éliminer les obstacles qui étaient discriminatoires ou simplement inutiles. Récemment, notre association de la Colombie-Britannique s'est jointe aux gouvernements provincial et fédéral pour mettre en oeuvre un projet pilote destiné à permettre aux immigrants d'obtenir la formation linguistique et l'expérience professionnelle nécessaires avant d'obtenir leur permis.

Comme nous arrivons à la fin du temps qui nous est imparti, je vais conclure en formulant nos trois recommandations.

Premièrement, il convient de faire directement référence dans le projet de loi C-11 aux professions réglementées en reconnaissant le rôle de protection du public qui est prévu par la loi.

Deuxièmement, l'admissibilité à une profession certifiée au Canada devrait faire partie des facteurs de sélection des travailleurs qualifiés au Canada dans le cas de ceux qui ont fait des études ou obtenu une expérience dans une profession qui est réglementée au Canada.

Finalement, les immigrants devraient être orientés vers l'organisme de réglementation plutôt que vers un organisme provincial d'évaluation des diplômes s'ils ont fait des études ou obtenu une expérience dans une profession qui est réglementée au Canada.

Cela met fin à notre exposé, monsieur le président. Mes collègues et moi-même serons très heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci de cet excellent exposé.

Je donne maintenant la parole à Michael Murphy, de la Chambre de commerce du Canada. Bienvenue, Michael.

[Français]

M. Michael Murphy (vice-président principal, Politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président. Au nom de tous les membres de la Chambre de commerce du Canada, il me fait vraiment plaisir d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

Comme nous l'indiquons dans notre court mémoire, la Chambre a certaines réserves importantes au sujet du projet de loi C-11. Ces réserves touchent en particulier le fait que le projet de loi, sous sa forme actuelle, risque de miner certains des efforts que nous déployons pour attirer des immigrants et pour préserver un régime d'immigration positif.

Je vais inviter mon collègue, Ben Trister, de la firme Borden, Ladner, Gervais, qui est aussi membre de la Chambre de commerce et président de notre groupe de travail sur l'immigration, à vous exposer de manière un peu plus détaillée nos principales préoccupations.

Le président: Merci. Bienvenue, Benjamin.

M. Benjamin Trister (président, Groupe de travail sur la Loi et la politique de l'immigration, Chambre de commerce du Canada): Merci.

• 0935

Je parlerai d'abord de la disposition relative au contrôle judiciaire. Comme vous le savez, en vertu de la loi actuelle sur l'immigration, si un agent rejette une demande de visa, le candidat a le droit de s'adresser à la Cour fédérale pour obtenir une révision judiciaire de la décision. En vertu du projet de loi C-11, le candidat devra demander une autorisation pour pouvoir s'adresser à la Cour fédérale. Cela nous préoccupe beaucoup.

À l'heure actuelle, le nombre de demandes de révision judiciaire ne dépasse pas plusieurs centaines par an et n'atteint pas plusieurs milliers mais nous croyons que la possibilité de s'adresser à la Cour aura un effet paralysant sur les agents d'immigration. Ceux-ci savent aujourd'hui que leurs décisions peuvent être révisées par un organisme indépendant et, comme les autres mécanismes de contrôle de la qualité se sont avérés déficients—en fait, près des deux tiers des personnes qui demandent une révision judiciaire obtiennent gain de cause, d'une manière ou d'une autre—nous pensons que la révision judiciaire est un mécanisme essentiel de contrôle de la qualité pour le ministère. Dans le contexte actuel, c'est le plus efficace possible.

Dans son dernier rapport sur Citoyenneté et Immigration Canada, le vérificateur général du Canada disait que l'on obtiendrait 10 décisions différentes si l'on soumettait la même demande d'immigration à 10 agents d'immigration différents.

Le ministère a connu beaucoup de difficultés du point de vue des ressources dont il dispose. Il a dû fermer beaucoup de bureaux. Il a dû confier la responsabilité de certaines décisions préliminaires à du personnel recruté localement. Tous ces facteurs sont à l'origine de problèmes de qualité.

Notre préoccupation à ce sujet est la suivante: comme les nouveaux critères de sélection des immigrants seront établis lorsque le projet de loi C-11 entrera en vigueur, il faudra un certain temps aux agents pour s'adapter à des règles entièrement nouvelles et il serait donc absurde d'éliminer en même temps votre mécanisme essentiel de contrôle de la qualité.

La Chambre recommande que la disposition relative au contrôle judiciaire ne soit pas mise en oeuvre. Même si elle est adoptée, elle ne devrait être proclamée qu'une année ou deux après l'entrée en vigueur du projet de loi, pour éviter les dérapages. De cette manière, on aurait l'assurance que les agents comprennent bien ce qu'ils doivent faire.

Je vais vous donner un exemple de l'importance de ce facteur. L'importance du droit de s'adresser à la Cour pour affiner les nouveaux changements ressort du fait que, lorsque le gouvernement a mis en oeuvre la nouvelle classification professionnelle nationale pour l'immigration, celle-ci indiquait notamment que le candidat devait atteindre les exigences d'éducation de l'emploi. Normalement, la classification mentionne les critères d'éducation en disant qu'il s'agit de ce qui est «usuellement» requis. Par exemple, quelqu'un qui veut être metteur en scène est usuellement tenu d'avoir un diplôme en beaux-arts. Or, le ministère a envoyé aux agents l'instruction d'interpréter le mot «usuellement» comme étant «obligatoire». Il est évident que cela n'était pas conforme à la loi, ce que nous avons signalé au gouvernement, mais celui-ci a tenu à aller de l'avant quand même. Une telle situation ne pourrait être réglée qu'en ayant accès aux tribunaux.

Quand on voit qu'un problème aussi simple que le sens premier du mot «usuellement» doit être réglé par les tribunaux, il est clair que la disposition de contrôle judiciaire rendra la situation encore plus difficile. Il faudra mettre en oeuvre d'autres mécanismes de résolution des différends et il faudrait que le système ait le temps de s'adapter avant que la disposition de contrôle judiciaire ne soit mise en oeuvre. C'était notre première réserve.

La deuxième concerne l'octroi de cartes de résidents permanents. Il y a actuellement un mouvement vers une «carte de résident permanent» qui remplacerait le document actuel, la «fiche d'établissement», qui n'a pas de date d'expiration. Dès qu'une personne arrive au Canada, ce document donne la preuve de son statut pendant tout le temps qu'elle est ici. Donc, si quelqu'un veut faire la preuve de son statut d'immigrant au Canada, c'est normalement ce document qui fait foi.

Il y a entre le projet de loi C-31 et le projet de loi C-11 des changements importants qui ne sautent pas nécessairement aux yeux car leur formulation est subtile. En vertu du projet de loi C-31, la carte de résident permanent était censée donner la preuve du statut de résident permanent. Ainsi, une personne rentrant au Canada aurait pu présenter cette carte, ce qui aurait eu le même effet qu'un permis de retour pour résident permanent.

Avec le projet de loi C-31, le permis de retour pour résident permanent a été éliminé, ce qui a amené les gens à penser qu'ils pourraient rentrer sans difficulté après de longs séjours légitimes à l'étranger. Le gouvernement a dit qu'il allait éliminer le permis de retour mais que la carte aurait le même effet.

• 0940

Avec le projet de loi C-11, on constate que la carte n'aura plus cet effet. La carte de résident permanent ne constituera plus une preuve du maintien du statut. Donc, si vous revenez avec une carte valide après avoir été absent pendant plus de deux ans sur les cinq autorisées, un agent pourra affirmer que vous n'êtes pas un immigrant, même si la carte dit le contraire, et vous serez obligé de prouver votre statut devant un juge. Le problème est que cela engendre de la confusion. On peut s'attendre à ce qu'un Canadien qui possède une carte valide pour une période de cinq ans, ce qui est la même période que pour la résidence, ne s'y retrouve plus et connaisse des difficultés à la frontière.

En ce qui concerne le projet de loi C-11, nous savons que le gouvernement croyait que les seules personnes qui demanderaient la carte seraient des personnes revenant au Canada. On a toutefois mentionné au gouvernement qu'il y a d'autres cas dans lesquels on doit faire la preuve de son statut, et ce sera encore plus vrai avec le projet de loi C-11, par exemple quand des employeurs, comme nos membres, ont l'obligation positive de faire preuve de diligence pour s'assurer que les gens peuvent travailler au Canada. Cela nous oblige à consulter une carte. Si quelqu'un nous présente une carte expirée, nous allons lui dire d'en obtenir une nouvelle. Nous n'en serons pas très heureux, ce qui sera aussi le cas de la banque où la personne demandera une hypothèque ou du RAMO si la personne a besoin d'une assurance médicale.

On sait donc maintenant, et je pense que Citoyenneté et Immigration Canada en conviendrait, que tout le monde va demander une telle carte étant donné ses nombreuses utilisations possibles. Citoyenneté et Immigration Canada va donc embêter des centaines de milliers de gens chaque année en imposant cette carte.

Nous comprenons certaines des raisons pour lesquelles le gouvernement veut l'imposer. Par exemple, l'une des raisons est que certaines personnes restent à l'extérieur du Canada plus longtemps que le gouvernement ne le voudrait. Nous pensons toutefois que toutes les raisons envisageables ne valent que pour un petit nombre de gens et que cela ne justifie pas d'embêter des centaines de milliers de gens par an. C'est un système trop lourd qui causera généralement des difficultés à tous les immigrants.

Nous serions favorables à la création d'une carte ayant certaines caractéristiques de sécurité, pour remplacer la fiche d'établissement. Il n'est absolument pas nécessaire que cette carte ne soit valide que pendant une période limitée. En outre, si l'on tient vraiment à imposer une date d'expiration, cela devrait être 10 ans comme pour la carte américaine. Il n'est pas nécessaire que ce soit tous les cinq ans, ce qui alourdirait la charge de travail. Il n'y a strictement aucune raison que la carte arrive à expiration au bout de cinq ans, alors que la période de résidence pour la citoyenneté est de six ans. Les gens vont constamment être obligés de demander une nouvelle carte, même s'ils sont admissibles à la citoyenneté.

Nous aimerions donc au minimum que la période de validité soit supérieure à cinq ans. Il faudrait aussi qu'il soit absolument clair que l'exigence de résidence, la période de cinq ans, n'est pas du tout reliée à la carte. Il y aura de sérieux problèmes de transition—éduquer le public, des panneaux d'information énormes aux aéroports. Les Américains avaient prévu de nombreuses années pour appliquer leur nouvelle carte.

Nous sommes également préoccupés au sujet des résidents de retour. Si vous êtes à l'étranger et que vous n'avez pas de carte, et que vous voulez revenir alors que vous avez été absent pendant plus d'un an, un agent pourrait vous dire, en vertu du projet de loi C-11: «Je pense que vous n'êtes plus un immigrant; vous pouvez interjeter appel de ma décision.» Si vous êtes originaire d'un pays pour lequel les visiteurs sont obligés d'obtenir un visa de visiteur, vous devrez rester en dehors du pays en attendant que votre appel fasse l'objet d'une décision. Vous ne pourrez pas recouvrer votre emploi, vous ne pourrez pas retrouver votre famille si celle-ci est au Canada. Par contre, si vous venez d'un pays exempté, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, et que vous pouvez arriver à notre frontière, nous vous laisserons entrer. Les gens dont je parle sont toujours des résidents permanents du Canada. Le projet de loi C-11 ne devrait pas faire de discrimination contre les résidents permanents sur la base de leur nationalité, ce qui est manifestement et incontestablement le cas sous sa forme actuelle.

Ma dernière remarque, pour rester bref, est que la politique actuelle permet aux étudiants étrangers de sortir du Canada et d'y revenir ensuite. Leur statut de résident est préservé. Dans le cas d'un immigrant qui veut aller étudier à l'étranger, nous l'y autorisons et nous allons lui laisser le droit de revenir. Avec le projet de loi C-11, ce système disparaîtra, mais je ne sais pas s'il sera maintenu au moyen du règlement. Quoi qu'il en soit, il est important d'autoriser les gens à se perfectionner, à améliorer leurs compétences, pour qu'ils puissent ensuite revenir sur le marché du travail canadien afin d'y contribuer encore mieux.

Le président: Merci. Je vous remercie tous et toutes de vos mémoires très intéressants et de vos exposés. Je suis heureux de voir que tout le monde est en faveur d'un accroissement et d'une amélioration de l'immigration, et que votre objectif est à l'évidence d'éliminer certains obstacles. Nous vous remercions beaucoup de vos recommandations.

• 0945

Nous allons maintenant passer aux questions. En ce qui concerne les professions réglementées, je ne sais pas si l'on aura beaucoup de questions à vous poser car c'est un sujet dont nous avons déjà traité en détail.

Je donne la parole à Inky.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président.

Le président: Peut-être pourriez-vous diviser vos 10 minutes en deux périodes de cinq, et nous ferons la même chose?

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à souhaiter la bienvenue à tous nos témoins. Je suis heureux de vous voir ici ce matin. Le projet de loi dont nous sommes saisis est très important et il aura manifestement une incidence profonde sur le Canada, probablement au cours des 20 prochaines années, comme ce fut le cas du précédent.

Ma première question concerne les ingénieurs professionnels et s'adresse aux témoins de la COR. À titre de députés, nous recevons tous des demandes de reconnaissance de nouveaux immigrants qui sont des professionnels. C'est un problème classique. Je l'ai rencontré la première fois à la fin des années 60, lorsque j'étais enseignant professionnel. Même à cette époque, il y avait un débat sur ce qui différenciait les enseignants qualifiés de tel ou tel pays. Le problème n'est évidemment pas disparu. Ces dernières années, l'arrivée de médecins de l'Amérique latine m'a causé beaucoup de problèmes, personnellement, et je ne suis certainement pas le seul, en ce qui concerne l'accréditation. J'ai aussi constaté que les méthodes d'accréditation des provinces engendrent leurs propres types de problèmes.

J'ai dit à des témoins ce matin que le Danemark a mis sur pied l'an dernier une commission pour étudier toute cette question de l'accréditation des immigrants et pour trouver des solutions d'application générale, au moins au palier fédéral. Comme vous le savez, nous avons des barrières provinciales et des problèmes d'accréditation dans tout le pays. Que pensez-vous de l'idée de mettre sur pied une commission pour régler cette question une fois pour toutes?

Mme Wendy McBride: Merci.

Je vais commencer. Depuis l'accord sur le commerce intérieur, toutes les professions collaborent afin d'estomper les différences entre les provinces, et bien des progrès ont déjà été réalisés de cette manière. Maintes professions, par exemple les sciences infirmières, ont maintenant des examens nationaux. C'est le même examen qui s'applique d'un bout à l'autre du pays. L'enregistrement se fait au palier provincial, puisque c'est encore une responsabilité provinciale, mais les normes sont des normes nationales. C'est la même chose lorsqu'il s'agit de l'accréditation des programmes d'enseignement: il y a des normes nationales qu'appliquent les professions. Les choses ont donc beaucoup changé à cet égard.

Ce que nous avons voulu dire dans notre mémoire, c'est que les gens devraient obtenir les informations pertinentes le plus vite possible afin de bien comprendre les exigences auxquelles ils devront satisfaire s'ils viennent au Canada. Une fois qu'ils sont ici, toutes les informations pertinentes sont disponibles par le truchement des sites Web des organisations concernées et des organismes de réglementation.

Les ingénieurs ont peut-être quelque chose à ajouter.

Mme Marie Lemay: Je tiens à dire que nous comprenons bien le problème auquel vous êtes confrontés. Nous lisons aussi les journaux et nous n'aimons pas ce que nous y lisons. Nous faisons donc beaucoup d'efforts, depuis plusieurs années, pour améliorer la situation. Comme l'a dit Wendy, nous avons la conviction qu'un élément de solution important consiste à diffuser les informations pertinentes dans le système, pour que les immigrants puissent en prendre connaissance avant de décider d'immigrer.

Nous avons un système qui est différent et dont nous pouvons être fiers. Les autres pays pensent que notre système est bon et certains s'en inspirent. Nous avons fait en sorte que les qualifications de nos professionnels soient élevées, ce qui contribue à protéger le public et à nous donner la qualité de vie que nous connaissons.

Comme je l'ai dit, il faut expliquer le système aux candidats à l'immigration avant qu'ils n'arrivent ici. De cette manière, leurs problèmes d'adaptation seront moins lourds. Certes, nous avons encore un rôle à jouer après leur arrivée, car nous tenons à faciliter leur adaptation, et nous voudrions jouer un plus grand rôle à cet égard.

• 0950

Récemment, le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis en oeuvre avec le gouvernement fédéral et l'Association provinciale un projet pilote destiné à s'attaquer à cette partie du problème après l'arrivée des immigrants, c'est-à-dire à les aider dans leur adaptation et dans leur processus d'accréditation. Notre but est qu'ils obtiennent leur accréditation car nous les voulons dans notre profession.

M. Inky Mark: Ma deuxième question s'adresse à la Chambre.

J'ai beaucoup de mal à comprendre ce que vous dites au sujet des résidents de retour. Nous considérons que les immigrants sont légitimes lorsqu'ils sont résidents permanents mais le mot «permanent» ne semble avoir aucun sens puisque, quand nous parlons d'eux, nous les considérons comme des étrangers lorsqu'ils veulent revenir chez nous. Que voulez-vous exactement, Benjamin? Devrions-nous abolir le mot «étranger?»

M. Benjamin Trister: Si vous me le permettez, je ferais une remarque d'ordre général tirée de mon expérience personnelle. L'un de mes meilleurs amis est réalisateur de films. Je n'avais aucune idée qu'il était simplement un immigrant avant qu'il ne demande sa citoyenneté pour pouvoir aller travailler aux États-Unis tout en continuant de travailler au Canada. Il était né aux États-Unis.

J'ai toujours pensé que l'immigrant est traité comme un Canadien, comme un égal. On ne peut pas voter et, si on commet un crime, on est expulsé. À part ça, on est généralement traité comme un citoyen.

Faire comme les Américains—leur concept est celui «d'étranger résident», alors que le nôtre est celui d'«étranger»—me semblerait personnellement non conforme à notre histoire. Je pense que cela aussi éclaire le dialogue, si je peux dire, sur ce que pense le gouvernement aujourd'hui au sujet des résidents permanents.

Notre opinion est que la liberté de circulation, même à l'échelle internationale, peut être conforme à l'intérêt économique du Canada. Il n'est peut-être pas nécessaire de dire aux immigrants qu'on veut les bloquer sur notre territoire pendant un certain temps avant qu'ils ne puissent aller à l'étranger faire des choses qui seraient bénéfiques au Canada.

Ce projet de loi aura certainement un effet paralysant. Je sais déjà que la simple perspective de l'adoption du projet de loi C-31 avait empêché certains cadres de sociétés multinationales d'accepter des postes à l'étranger car ils ne voulaient pas mettre leur statut canadien en danger. Il y aura des limitations à la mobilité et une réduction du sentiment qu'ils sont égaux aux Canadiens.

Le président: Merci.

Gurmant.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, AC): Merci, monsieur le président. Je souhaite moi aussi la bienvenue aux témoins et je les remercie de leurs recommandations.

On ne manque pas de personnes sous-employées au Canada, monsieur le président, surtout de professionnels. Cela étant, j'ai déposé en Chambre le 28 mars une motion de dépôt d'un projet de loi d'initiative privée pour débattre de deux questions. La première...

Le président: Vous n'êtes pas en train de faire votre publicité, n'est-ce pas?

M. Gurmant Grewal: Certainement pas, monsieur le président.

Le président: Vous avez toujours d'excellentes idées mais n'oubliez pas que vous devez poser vos questions aux témoins.

M. Gurmant Grewal: Je le sais bien, monsieur le président, mais l'un des éléments de cette motion concerne la standardisation de l'éducation des professionnels au Canada, d'une province à l'autre. À l'heure actuelle, ce n'est pas standardisé. La deuxième partie est destinée à reconnaître les diplômes étrangers au Canada. Ma motion est donc tout à fait pertinente dans le cadre de notre débat. C'est pourquoi j'en parle, monsieur le président.

La première question que je voudrais poser est de savoir si l'on fait quoi que ce soit pour standardiser les programmes d'enseignement ou les diplômes professionnels au Canada afin de faciliter la mobilité à l'intérieur de nos frontières.

Je constate par ailleurs que CIC ne coordonne pas très bien ses activités avec celles des autres ministères, comme DRHC, Agriculture, Santé ou MAECI, en ce qui concerne les candidats à l'immigration qui souhaitent faire reconnaître leurs diplômes. CIC leur donne des points pour l'immigration indépendante au Canada mais, quand ils arrivent ici, d'autres ministères, comme Environnement, DRHC ou Santé, ne reconnaissent pas ces diplômes. Que peut-on donc faire pour mieux coordonner les activités de ces différents ministères?

Je constate aussi que...

Le président: Votre temps de parole est presque écoulé, Gurmant. J'aimerais entendre les réponses à vos questions.

M. Gurmant Grewal: Les réponses, monsieur le président...

Le président: Prenons vos deux premières questions d'abord, si vous le permettez.

Qui va répondre? Charles.

M. Charles Brimley: Certainement, monsieur le président.

L'idée que les normes ne sont pas équivalentes dans tout le pays m'est un peu étrangère, Gurmant. J'emploie le mot «étrangère» parce que, dans notre profession comme dans beaucoup d'autres, les normes sont équivalentes. Ce sont des normes nationales qui s'appliquent également dans toutes les provinces. Elles s'appliquent non seulement à l'octroi de permis aux particuliers mais aussi à leur accréditation. Ce sont aussi les mêmes normes nationales qui s'appliquent lorsque nous évaluons les programmes d'enseignement des diverses provinces. Je saisis donc mal le sens de votre question car il est clair à mes yeux que l'on applique des normes nationales dans les professions.

• 0955

Le président: Vous n'avez que peu de temps pour poser une autre question car vos 10 minutes sont écoulées.

M. Gurmant Grewal: Les normes s'appliquent nationalement mais, si vous voulez parler de l'intérieur du Canada, le fait est que certains professionnels ne peuvent exercer. J'en donnerais comme exemple les agents immobiliers. Quand on suit un cours sur l'immobilier dans une province, on ne peut exercer dans les autres. C'est dans ce contexte que je posais ma question.

Si vous me le permettez, j'en poserais une autre très brève, sur la double intention. On a dit tout à l'heure que le problème de la double intention est très important. Je crois que cela limitera la possibilité pour les étudiants d'obtenir un visa de visiteur. Croyez-vous que le nombre d'étudiants potentiels diminuera à l'avenir à cause de cette restriction liée à la double intention?

Le président: Sally.

Mme Sally Brown: Il y a un risque que les agents d'immigration se sentent obligés de prendre plus de temps pour évaluer les demandes d'étudiants s'ils estiment qu'ils doivent les évaluer non seulement pour leur octroyer un visa d'étudiant mais aussi en vue du statut d'immigrant. Je crois qu'il faudrait éclaircir la Loi et le Règlement si l'on veut aller dans cette voie. Ainsi, le traitement des demandes d'étudiants ne sera pas ralenti à cause des modifications apportées au Règlement. C'est un risque, et c'est un risque que nous jugeons très important, considérant les discussions que nous avons eues à ce sujet. Dans de nombreux pays, c'est déjà comme cela que les visas d'étudiants sont évalués, et nous pensons que c'est un problème dont il faut tenir compte.

Le président: Merci, Sally.

Steve Mahoney et Gurbax Malhi, qui se répartiront les 10 minutes.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il est dommage que l'Alliance canadienne n'ait pas appuyé des normes nationales en matière d'apprentissage, mais je m'écarte du sujet.

Le président: En effet, nous sommes ici pour parler d'immigration.

M. Steve Mahoney: Je vais donc m'adresser au Conseil canadien des ingénieurs professionnels et à la COR, en vous laissant le soin de décider qui va répondre. Je suis sensible aux efforts que vous faites pour essayer de répondre aux préoccupations exprimées par bon nombre des personnes qui arrivent sur nos côtes. Je constate que beaucoup arrivent en pensant qu'elles pourront automatiquement exercer leur profession. C'est peut-être quelque chose que nous pourrions régler tous ensemble. Il ne s'agit pas nécessairement de modifier la loi mais peut-être plutôt de faire simplement de la publicité et de distribuer des informations à l'étranger.

Je suis préoccupé par l'amendement que vous proposez à l'alinéa 3(3)c). Vous recommandez d'ajouter les mots «autorités provinciales et territoriales de réglementation» et je suis sûr que certains membres du comité vous accuseront alors d'ingérence provinciale, en tout cas les députés de certaines provinces—notamment de la province du Québec, bien que je soupçonne que toutes les provinces risquent de se lever en masse si le gouvernement fédéral, surtout dans le cadre d'une loi, essaye d'enchâsser quelque chose qui représenterait clairement une ingérence dans le champ de compétence provincial. Qu'en pensez-vous? Avez-vous discuté de cela avec vos gouvernements provinciaux? Croyez-vous qu'ils nous donneraient leur appui?

Le président: Wendy.

Mme Wendy McBride: Merci.

Je peux peut-être répondre en disant que, si vous examinez notre recommandation, vous verrez que nous ne demandons rien de plus que la reconnaissance. Cette partie parle de faciliter la coopération entre le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux, les pays étrangers, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales.

Nous vous demandons simplement de reconnaître qu'il devrait y avoir une coopération entre les autorités provinciales et territoriales de réglementation, car nous existons aussi. Ce ne serait pas différent de la coopération qui doit s'établir avec un gouvernement provincial, un État étranger ou une organisation internationale.

Les autorités provinciales et territoriales de réglementation existent. Elles possèdent des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et elles ont un rôle clé à jouer en matière d'accréditation des professionnels. Nous demandons donc simplement que cela soit reconnu en les ajoutant à la liste des parties avec lesquelles le gouvernement fédéral devrait coopérer.

• 1000

M. Steve Mahoney: Je suppose qu'un bon exemple serait l'ajout des ONG qui figurent déjà à la fin de cet article. Bien que la plupart des ONG ne traitent pas directement avec le gouvernement fédéral, elles sont non gouvernementales, et il y a peut-être une certaine justification à reconnaître au moins le rôle que vous jouez.

J'ai deux questions à poser. J'ai entendu certaines critiques—ce n'est pas mon opinion—disant que cela a tendance à ouvrir grand les portes ou à accroître le nombre de membres et, par conséquent, à diluer le sociétariat existant. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ma deuxième question—et je suppose que celle-ci vient de l'Association des universités et des collèges—concerne le travail à temps partiel sur campus ou en dehors. Recommandez-vous que ce travail soit autorisé mais qu'il soit limité à 15 ou 20 heures? Est-ce là simplement un énoncé de la réalité ou recommandez-vous que l'on établisse réellement cette limite dans la loi?

Merci, monsieur le président.

Le président: Marie ou Noel pourrait répondre à la première question, et Sally, à la deuxième.

Mme Marie Lemay: L'impression que vous venez d'évoquer n'est que cela, une impression. Nous devons faire des efforts pour la dissiper car elle ne correspond pas à la réalité. Comme je l'ai dit, nous tenons à accueillir les immigrants, les personnes ayant eu une formation à l'étranger, et les normes qu'ils doivent respecter sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux Canadiens. C'est donc simplement une impression et c'est là-dessus que nous devons travailler.

Le président: Sally.

Mme Sally Brown: Merci, monsieur le président.

Merci de votre question. La réalité est que, même pour les étudiants canadiens, travailler 15 à 20 heures par semaine est déjà beaucoup. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'exprimer cela sous forme de limite enchâssée dans la loi, à moins que cela ne rassure le législateur que les étudiants n'occuperont pas un emploi à temps plein pendant qu'ils étudient aussi à temps plein. Quoi qu'il en soit, c'est certainement la norme et je pense que ce serait acceptable d'une manière ou de l'autre.

Le président: Gurbax, vous avez les quatre minutes et demie restantes.

M. Gurbax Malhi: J'ai une question pour le Conseil canadien des professionnels. Vous dites que les services d'immigration à l'étranger ne divulguent pas pleinement aux candidats les exigences des diverses professions du Canada. Comment résoudre ce problème? En outre, que pouvez-vous recommander pour assurer une pleine coopération et une pleine communication entre les autorités de l'immigration et les professionnels qui présentent une candidature à l'immigration, à l'étranger?

M. Noel Cleland: Je peux répondre à cette question, monsieur le président.

Il existe actuellement un système qui marche très bien lorsque l'agent d'immigration étranger met le candidat à l'immigration qui a une formation de professionnel en contact avec la profession au Canada. Ça marche fort bien. Le problème est que nous ne réussissons pas à entrer en contact avec tous. Si l'on pouvait améliorer cette situation, de façon à avoir plus de contacts par le truchement des bureaux d'immigration à l'étranger, le système marcherait encore mieux que maintenant.

M. Gurbax Malhi: Il y a beaucoup d'immigrants qui ont des qualifications très poussées et une longue expérience professionnelle qui font face à beaucoup de problèmes lorsqu'ils arrivent ici. Ils deviennent chauffeurs de taxi, ils travaillent dans des restaurants ou ils livrent des pizzas. Que pensez-vous de ceux-là qui ont beaucoup d'expérience et de bonnes qualifications? Que pouvez-vous faire à ce sujet?

M. Digvir Jayas (président, Conseil canadien des ingénieurs professionnels): Pour ce qui est des ingénieurs, on applique les mêmes normes aux diplômés canadiens qu'aux diplômés étrangers. Si quelqu'un adresse une demande à l'Association, nous évaluons ses qualifications et, si nous constatons que la personne ne possède pas vraiment les qualifications qu'elle pensait avoir, c'est là qu'il y a un problème.

• 1005

Bien des gens pensent avoir des qualifications d'ingénieur mais, quand on applique les normes canadiennes, lesquelles valent autant pour les Canadiens que pour les étrangers, on peut constater qu'ils ne répondent pas aux exigences. Ce n'est pas que la profession veuille les exclure. Au contraire, la profession les encourage à repasser les examens deux, trois, voire cinq fois. Une fois qu'ils réussissent les examens, ils sont considérés comme étant qualifiés et ils peuvent exercer au Canada.

M. Gurbax Malhi: En médecine, par exemple, les possibilités sont limitées. S'ils n'ont pas l'occasion de passer l'examen, comment peuvent-ils se qualifier?

M. Noel Cleland: Je ne peux répondre à cette question. Wendy?

Mme Wendy McBride: Je peux essayer d'y répondre. Je ne viens pas du secteur de la médecine mais je peux dire qu'il y a également une procédure d'évaluation dans ce domaine. On évalue les diplômes et l'expérience professionnelle et on s'assure ensuite que la personne répond aux mêmes exigences que tous les Canadiens qui désirent exercer la médecine. Que les personnes aient fait leurs études au Canada ou à l'étranger, ce sont les mêmes exigences qui s'appliquent. Je sais qu'il y a des limites quant au nombre de places dans les écoles, et c'est cela qui fait problème.

Le président: Merci.

Mme Wendy McBride: Mais les examens et les qualifications sont les mêmes.

Le président: Steve. Je m'excuse, Gurbax.

M. Steve Mahoney: Je voudrais faire une remarque importante à ce sujet. Je me demande si vous savez que l'on organise à l'étranger des conférences sur cette question à l'intention des immigrants potentiels. De fait, la politique actuelle de CIC... Ce n'est pas dans la loi et je suppose qu'on peut se demander si ça devrait y être. La politique actuelle amène les immigrants potentiels à signer un formulaire expliquant le système d'accréditation professionnelle du Canada, en plus des conférences et des réunions qui sont organisées. Il semble que CIC déploie beaucoup d'efforts pour diffuser ce message. Il y a peut-être une raison pour laquelle il ne passe pas et je me demande si... Encore une fois, c'est une politique, pas une exigence législative.

Mme Marie Lemay: Vous avez tout à fait raison de dire que CIC déploie beaucoup d'efforts, et je peux ajouter qu'une bonne partie du changement et de l'amélioration que nous avons apportée au service que nous offrons l'a été ces dernières années. On fait donc beaucoup de travail à cet égard.

Selon nous, la meilleure solution consisterait à faire en sorte que les immigrants potentiels soient d'une certaine manière forcée de prendre contact avec l'association professionnelle de leur secteur réglementé, avant de prendre une décision. Si nous trouvions le moyen de mettre cela dans le règlement et de veiller à ce que l'immigrant potentiel soit tenu de prendre contact avec l'association, nous aurions l'assurance qu'il obtienne les informations. Il nous faut travailler ensemble pour imposer cette prise de contact. Si nous avons cela, nous pouvons envoyer l'information. Nous fournirons les services, nous travaillerons dur avec CIC et nous ferons ce travail parce que nous voulons que ça marche.

Le président: Merci.

Madeleine.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.

Merci à chacun et chacune. J'ai écouté attentivement vos présentations et je les ai trouvées très intéressantes, d'autant plus que j'ai enseigné dans un collège et que je suis infirmière. Alors, vous comprenez que ça me touche beaucoup.

J'ai deux questions à poser, compte tenu de l'heure. La première s'adresse à l'Association des universités et des collèges du Canada. Vous suggérez que le visa unique qui s'adresse aux étudiants soit en sous-sections. Je peux comprendre l'objectif derrière cela—et je ne sais pas si c'est parce que je suis Québécoise et très échaudée par la charte—mais est-ce que vous croyez qu'au niveau de la charte, ce serait acceptable? Est-ce que ce ne serait pas une discrimination? Je m'explique. Bien qu'un étudiant de niveau universitaire semble être un meilleur choix, un choix plus intéressant, parce qu'il est moins susceptible de toute sorte de mauvaises affaires, si on vient d'un pays étranger et qu'on est déjà au niveau universitaire, est-ce qu'on peut penser que ça pourrait être une discrimination basée sur le niveau économique, puisque pour se rendre à une formation universitaire, il faut déjà être dans un milieu socialement favorisé, généralement? C'est ma première question au niveau de la charte. Elle est théorique, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

• 1010

Ma deuxième question est la suivante. J'ai été tout à fait ravie d'entendre que les ingénieurs avaient fait des démarches intéressantes d'équivalence entre différents États. Ce que j'aimerais savoir, c'est si, au niveau des autres professions, le même processus est commencé ou envisagé. Je sais que du côté des infirmières, il y a des choses qui sont faites, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Bien sûr, la responsabilité d'un État comme le Canada ou le Québec, dans le cas des immigrants qui vont au Québec, c'est d'ouvrir les portes. Mais on a aussi la responsabilité d'utiliser au mieux les compétences des gens qui viennent d'ailleurs, et retarder le processus d'utilisation de ces compétences, c'est, finalement, perdre à la fois pour nous-mêmes et pour eux. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

Le président: Sally.

[Français]

Mme Sally Brown: Merci beaucoup pour votre question.

[Traduction]

Je ne pense pas qu'il y ait des incidences reliées à la Charte. Si vous vous demandez d'où viennent nos étudiants internationaux, et pour quelle raison, je dois dire qu'ils viennent du monde entier, aussi bien de pays développés que de pays en développement. Et ils ne vont pas seulement dans les universités, ils vont aussi dans les collèges, les cégeps, les écoles techniques et les écoles professionnelles. Le Canada offre une formation en anglais et en français langues secondes de façon à rendre le pays plus attrayant pour les étudiants des pays dont l'anglais n'est pas la première langue.

L'ACDI et d'autres ministères offrent leur aide pour veiller à ce que le Canada n'attire pas seulement des étudiants qui ont le moyen de payer mais aussi des étudiants qui peuvent avoir besoin d'une aide financière pour venir étudier au Canada.

J'espère que cela répond à votre question. Je ne pense aucunement que cela soulève une question reliée à la Charte.

Le président: Deuxième question, Wendy.

[Français]

Mme Wendy McBride: Si je vous ai bien entendu et compris, madame, c'est une question d'équivalence dans l'éducation, la formation des professionnels, la reconnaissance et pour la certification des professionnels.

Je suis membre et coprésidente d'une association d'agences d'agrément au Canada. Il y a plus de 20 professions qui font partie, qui sont membres de cette association et qui partagent des informations sur les systèmes d'agrément de l'éducation, par exemple. C'est une façon de faire l'équivalence.

Comme l'a expliqué M. Cleland, il y a des standards nationaux qui sont appliqués à chaque programme d'éducation des professionnels: les ingénieurs, par exemple, les infirmières, les médecins, les architectes. Ils ont tous leur système d'agrément avec des standards et des processus pour l'évaluation de la qualité, de la qualité supérieure.

Dans chaque province aussi, il y a des systèmes. Au Québec, par exemple, il y a un système d'approbation qui est sous la juridiction de la province, du ministère de l'Éducation, pour s'assurer que les programmes de formation des professionnels et de chaque faculté, par exemple, atteignent des standards minimaux. Mais pour l'agrément, les standards nationaux sont là pour la qualité supérieure, l'excellence dans la formation.

Aussi, il y a cette reconnaissance de l'éducation et de la formation. C'est différent dans chacune des institutions. Par exemple, pour les sciences infirmières, nous avons des énoncés de ce qui doit être inclus dans leur formation, mais il appartient à chaque institution de décider comment faire. Mais les compétences, les acquis, les habiletés, la formation et la connaissance sont bien décrits.

Le président: Avez-vous une dernière question? Non?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Non. Je les verrai après.

[Traduction]

Le président: Sally.

Mme Sally Brown: Je voudrais mieux comprendre votre question. Voulez-vous dire que nous devrions faire une différence entre les étudiants universitaires et d'autres...

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

[Traduction]

Mme Sally Brown: Je ne pense certainement pas que ce soit relié à la Charte. Toutes les données disponibles permettent de penser que le risque est beaucoup moins élevé pour les étudiants universitaires que, par exemple, pour les étudiants d'anglais seconde langue.

Si nous savons qu'il y a beaucoup moins de risque pour certaines catégories d'étudiants, pourquoi n'y a-t-il aucune différence dans les délais de traitement? C'est une question de procédure. Notre argument n'est pas qu'il s'agit là d'une meilleure catégorie d'étudiants. Nous disons simplement que nous savons qu'il y a des risques associés aux différents types d'étudiants. Pourquoi ne pas concevoir un système capable de tenir compte des différents niveaux de risque?

• 1015

Le président: Judy, pour cinq minutes.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président. Merci aux témoins. Je voudrais me concentrer sur le problème des diplômes et sur la reconnaissance des études, de la formation professionnelle et de l'expérience des personnes qui viennent au Canada.

J'ai quelque difficulté à accepter les recommandations parce qu'on entend constamment dire—et le Dr Jayas le sait fort bien, qui vient du Manitoba—que les immigrants se sentent extrêmement frustrés face à ce décalage terrible qu'il y a entre la réalité qu'ils découvrent au Canada et celle qui leur avait été présentée à l'étranger. Nous sommes probablement d'accord sur le problème. Il doit être extrêmement frustrant d'arriver dans ce pays comme médecin et de se retrouver chauffeur de taxi ou d'arriver comme ingénieur et de se retrouver livreur de pizzas. Cela pose un problème considérable auquel nous devons nous attaquer.

Je crois que ce problème existe vraiment à l'heure actuelle et je pense qu'il existera encore avec le projet de loi C-11. Je ne sais pas si la réponse consiste à modifier les critères économiques et les critères professionnels. Il me semble qu'il faudrait plutôt s'attaquer aux obstacles profonds qui existent en matière de reconnaissance des professionnels formés à l'étranger. Il importe d'abolir ces obstacles, et peut-être devrions-nous revoir le système dans son ensemble pour ce qui est de la manière dont nous entérinons les diplômes étrangers, ou nous demander si nous avons vraiment éliminé tous les préjugés qu'il y a dans ce système et si nous sommes vraiment prêts à accepter des expériences différentes, une formation différente. Je pense que nous devons le faire. Dans ce monde compétitif, nous perdons trop de gens au profit d'autres pays qui sont prêts à leur ouvrir leurs portes et à reconnaître des diplômes différents.

J'adresse la question à tous les témoins.

Le président: Vous venez de poser une question que nous avons tous à l'esprit. Elle est tout à fait pertinente. Y a-t-il un décalage? Est-ce plus un mythe qu'une réalité?

Comme les témoins sont des professionnels de première ligne, ils vont peut-être pouvoir nous répondre. Marie ou Charles peuvent peut-être commencer, mais je dois ajouter que nous devons faire vite car nous sommes un peu en retard.

C'est une question très importante. Merci, Judy.

Mme Marie Lemay: Merci beaucoup.

Je voudrais m'attaquer à cette question des diplômes. Le problème que nous pose le projet de loi, sous sa forme actuelle, concerne en fait ce qu'il y aura dans le règlement.

Selon nos informations, ce que l'on propose, c'est d'évaluer les immigrants potentiels. Leurs diplômes seront évalués par des organismes de certification. Dans le cas des personnes qui veulent travailler dans un secteur qui est réglementé—où il faut un permis d'exercice pour pouvoir travailler au Canada—nous pensons que les personnes qui délivreront les permis sont celles qui devraient évaluer les diplômes. Cela réduirait, limiterait ou éviterait le risque de décalage entre l'évaluation par un organisme d'accréditation qui n'évalue pas de la même manière que la profession. Cela fixerait les attentes des immigrants au bon niveau.

Donc, si nous, représentants des professions, pouvions évaluer leurs... Par exemple, si nous disons qu'un ingénieur étranger ne peut pas être un ingénieur au Canada, il y en a certains qui peuvent s'appeler ingénieurs dans un autre pays—et à juste titre, car ce sont des ingénieurs dans ce pays—mais il se trouve simplement qu'il leur faudrait peut-être un ou deux cours ou examens de plus pour pouvoir exercer au Canada. Comme le disait le Dr Jayas, il leur suffit peut-être de passer un examen supplémentaire pour faire partie de la profession. Nous ne prétendons pas que ce ne sont pas des ingénieurs mais qu'il y a cette étape supplémentaire à franchir.

Donc, si l'évaluation est faite par les professions...

Le président: Les réponses doivent être aussi brèves que les questions.

Mme Marie Lemay: Veuillez m'excuser.

Le président: Charles, puis Ben.

M. Charles Brimley: Claude-Paul?

M. Claude-Paul Boivin: Vous parlez d'obstacles. Je pense quant à moi qu'il faut parler des normes destinées à protéger les consommateurs canadiens. Ce sont ces normes auxquelles il faut satisfaire et elles sont les mêmes pour tout le monde, que l'on ait fait ses études à l'étranger ou au Canada.

Quand nous parlons de normes, nous voulons nous assurer que ces gens sachent bien ce qu'elles sont, avant de prendre leur décision d'immigrer, et qu'ils sachent quelles étapes ils devront franchir pour obtenir leur accréditation. Cela dit, je ne pense pas que ce soit un obstacle. Ce sont simplement des normes élevées qui se sont développées au Canada au cours des années pour assurer la protection des consommateurs canadiens. C'est ce que les Canadiens eux-mêmes attendent de leur pays.

Le président: Ben, vous vouliez faire une remarque?

M. Benjamin Trister: Quelqu'un disait plus tôt que les gens qui ne peuvent pas être sûrs de pouvoir exercer leur profession hésiteront à venir. Je n'en suis pas certain. Et l'Immigration non plus, et je pense que c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles on a tendance à s'écarter du système relié aux professions.

• 1020

Nous voulons que les gens qui sont prêts à venir travailler au Canada puissent entrer sur le marché du travail à n'importe quel niveau, s'ils répondent à un certain niveau de compétence fondamentale nous donnant l'assurance qu'ils pourront s'adapter au marché du travail. Voilà à quoi servira le nouveau système de sélection. Il n'est pas axé sur les professions car celles-ci ne sont pas des indicateurs de sélection utiles du point de vue de l'adaptabilité globale, et c'est précisément pourquoi tant de gens arrivent ici et ne peuvent pas exercer leur profession. Beaucoup ne peuvent pas entrer dans leur profession parce que, malheureusement, quand l'employeur est confronté à un candidat qui a des qualifications mieux connues, c'est celui-là qu'ils choisiront de préférence, peut-être par ignorance.

Beaucoup de facteurs sociaux influent sur l'adaptabilité des immigrants. Quand on discute du nouveau système de sélection, il ne faut pas oublier que le coeur du débat doit être de savoir si l'on accepte ou non l'affirmation de Citoyenneté et Immigration Canada que l'adaptabilité compte plus que la profession. Sur ce plan, la Chambre est d'accord avec CIC.

Le président: Merci.

Je vous remercie tous et toutes de vos excellents mémoires et de vos excellentes recommandations, dont nous tiendrons évidemment compte. Judy a posé une question qui allait vraiment au coeur du problème. Il y a beaucoup de mythes dans ce domaine. C'est une réalité.

Vous pourriez nous aider, le groupe principal et tous ceux qui sont à la table principale, en nous indiquant exactement comment nous pouvons en fait être utiles. Nous entendons tous dire qu'il y a des problèmes d'accès au système. Peut-être serait-il utile de se pencher sur les questions d'adaptation. Une fois que les immigrants arrivent ici, ils ont peut-être besoin de cours supplémentaires. Ils ont besoin d'une expérience additionnelle, de remplir les bons formulaires, de trouver le bon emploi qu'ils espéraient trouver.

Vous pouvez nous aider en nous donnant un document indiquant exactement ce qu'il faut faire dans ce domaine. Il nous serait utile—parce que M. Mark et d'autres l'ont demandé—de savoir s'il y a ou non des problèmes de mobilité dans notre pays. C'est ce que nous entendons constamment dire. Un enseignant de la Colombie-Britannique ne peut pas enseigner en Ontario. Une infirmière de l'Alberta ne peut pas exercer en Ontario.

Il y a beaucoup de perceptions de ce genre qui sont répandues, et les Canadiens et leurs parlementaires aimeraient bien en savoir plus à ce sujet. Votre aide dans ce domaine nous aiderait à franchir le maquis des idées fausses ou des mythes pour aller au coeur même du problème. Nous tenons à faire en sorte que ce système marche bien. Nous vivons dans un monde très compétitif et nous voulons inviter, et nous assurer que le Canada attire, les meilleurs du monde entier. C'est indispensable. Notre population et notre pays l'exigent.

Avec votre aide, nous pourrons faire en sorte que ces qualités et les normes voulues sont en place. Merci à tous d'être venus témoigner ce matin.

• 1023




• 1025

Je présente mes excuses au deuxième groupe de témoins. Nous avons eu d'excellentes questions et réponses et nous n'avons jamais assez de temps. Ce projet de loi est très important et nous accueillons de très bons experts. Nous voulons avoir la possibilité de leur poser le plus de questions possible, dans l'espoir d'améliorer le projet de loi.

J'ai le plaisir d'accueillir maintenant la représentante canadienne du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Judith Kumin, accompagnée de Kim Mancini, agente législative régionale; nous accueillons aussi Glen Cheriton, directeur général de FatherCraft Canada, et Jonas Ma, président du Conseil national des Canadiens chinois, ainsi que Firdaus Karas, témoin privé.

Nous avons lu vos mémoires et vous nous avez aussi donné des résumés, dans certains cas, pour que nous puissions vous poser nos questions. Je vais commencer avec Judith Kumin, qui a été un témoin extrêmement précieux pour notre comité lorsque nous étions saisis de la question des réfugiés, ainsi qu'au sujet du projet de loi C-31. Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue au sujet du projet de loi C-11.

Mme Judith Kumin (déléguée au Canada, Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie d'avoir invité le HCNUR à comparaître à nouveau devant votre comité, cette fois au sujet du projet de loi C-11.

Vous avez déjà présenté ma collègue, Mme Kim Mancini, qui est la conseillère juridique du Haut-Commissariat à Montréal.

Comme vous l'avez dit, nous avons déjà adressé au comité, le 5 mars, des commentaires détaillés sur le projet de loi C-11 et j'espère que vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. Je ne vais donc pas répéter ce qu'il y avait dans ce mémoire. Si vous me le permettez, monsieur le président, je prendrai cinq ou six minutes pour établir le contexte international dans lequel s'inscrit le projet de loi C-11 et pour faire quelques remarques sur le projet lui-même.

En guise d'introduction, et pour l'information de ceux et celles qui n'étaient pas membres du comité lors de notre précédente comparution, il y a un an, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est l'organisme des Nations unies que la communauté internationale a chargé d'accorder protection aux réfugiés et d'aider les gouvernements à résoudre leurs problèmes de réfugiés.

Plus particulièrement, et c'est peut-être plus directement relié à votre mandat, nous avons pour mission de superviser la mise en oeuvre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui a été ratifiée par le Canada et par 139 autres pays.

Notre agence est aujourd'hui à l'oeuvre dans plus de 120 pays, et elle est présente au Canada depuis 1976.

En ce qui concerne le projet de loi C-11, nous sommes très heureux de la décision du Canada de moderniser sa législation sur l'immigration et sur les réfugiés. Évidemment, notre intérêt à l'égard du projet de loi concerne celles de ses dispositions qui touchent la protection des réfugiés, de manière générale, et les obligations du Canada au titre de la Convention de 1951, de manière plus particulière.

Comme l'indiquait le projet de loi C-31 dans l'énoncé de ses objectifs, une manière très utile de répondre au besoin de protection des réfugiés consiste à mettre sur pied des programmes de réinstallation, programmes en vertu desquels des réfugiés sont sélectionnés et admis à partir de l'étranger. Je tiens à dire dès le départ que le Haut-Commissariat félicite le Canada pour l'action qu'il a toujours menée en faveur des réfugiés. Nous attachons beaucoup de prix à la coopération quotidienne que nous accorde Citoyenneté et Immigration Canada, autant au Canada qu'à l'étranger, en ce qui concerne la réinstallation des réfugiés.

Le projet de loi confirme l'engagement continu du Canada à l'égard des réfugiés, et des consultations très transparentes et inclusives se tiennent en ce moment même sur les textes réglementaires relatifs à la réinstallation. Toutefois, l'adoption de programmes de réinstallation ne suffit pas. Comme la plupart des autres pays industrialisés, le Canada fait face aujourd'hui au phénomène de la migration irrégulière. Le projet de loi C-11 contient certaines dispositions importantes à cet égard.

Nous vivons dans un monde où les frontières s'estompent de plus en plus pour faciliter la circulation du capital, des marchandises et des informations, et il n'est donc pas étonnant qu'un nombre croissant de personnes—réfugiés, migrants, demandeurs d'asile—aillent chercher opportunité et protection à l'extérieur de leurs frontières. Face à cela, les gouvernements, et le Canada n'y fait pas exception, ont adopté diverses mesures de contrôle qui sont destinées à limiter l'accès à leur territoire.

• 1030

Il ne serait pas honnête, à mon sens, de ne pas reconnaître que les obstacles érigés pour faire face à la migration irrégulière sont aussi des obstacles pour les personnes à la recherche de protection. Comme ils rendent l'admission plus difficile, beaucoup de réfugiés n'ont pas d'autre solution que d'avoir recours aux services d'agents ou de passeurs pour essayer de trouver un asile.

C'est aussi pour cette raison qu'il est important de ne pas confondre les demandeurs sans papiers avec les demandeurs non coopératifs ou abusifs. Bon nombre de réfugiés n'ont pas d'autre choix que de voyager avec de faux papiers, voire sans papiers du tout.

De même, les mesures prises par les États et les gouvernements pour intercepter à l'étranger les voyageurs dépourvus de documents légitimes, en route vers des pays d'asile potentiels comme le Canada, doivent s'accompagner de mesures de sauvegarde pour garantir que l'interception ne débouche pas sur le renvoi dans un pays où leur vie et leur liberté seraient menacées.

Je vous invite en même temps à replacer ces problèmes dans leur contexte. Malgré la mondialisation, une majorité écrasante des réfugiés du monde—près de 12 millions d'entre eux—reste dans des pays en développement. L'an dernier, toutes catégories confondues, à peine plus de 500 000 personnes ont demandé l'asile dans 28 pays du monde industrialisé, soit en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Un peu moins de 7 p. 100 de ce total ont demandé l'asile ou le statut de réfugié au Canada.

Le défi que pose le projet de loi C-11—et c'est un défi qui est posé à la plupart des pays industrialisés—consiste à réagir à ces pressions migratoires sans fermer la porte aux personnes qui ont légitimement besoin de protection.

Je tiens à vous rappeler que le droit d'asile des personnes qui en ont besoin, et le droit de ne pas être renvoyé dans un pays où la vie et la liberté seraient menacées, constituent les deux des valeurs les plus importantes du régime de protection des réfugiés. Ce sont deux valeurs qui sont énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont l'article 14 dispose que «devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile».

Évidemment, la mise en oeuvre de ce droit humain fondamental exige des systèmes nationaux capables de faire la distinction entre les réfugiés légitimes et ceux qui ne le sont pas. Le système canadien de détermination du statut de réfugié est foncièrement sain, et nous croyons qu'il sera renforcé par deux nouvelles mesures du projet de loi C-11. Premièrement, il sera certainement renforcé par l'introduction d'une Section d'appel du statut de réfugié, qui rehaussera la crédibilité du régime de détermination du statut de réfugié étant donné qu'un mécanisme d'appel est un élément fondamental de la règle de droit. Vous savez certainement que le Haut-Commissariat réclame depuis une décennie l'instauration d'un mécanisme d'appel au Canada.

Une deuxième mesure très positive est l'introduction d'un système de décision intégré. Cela veut dire que la Section de protection du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, examinera le besoin de protection des individus en fonction à la fois de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et de la Convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cela contribuera à faire en sorte que toutes les personnes en danger soient correctement identifiées.

Avant de conclure, je voudrais vous demander de prêter une attention particulière, dans votre étude des dispositions du projet de loi C-11, à un certain nombre de questions qui auront une incidence sur la protection des réfugiés. Je n'en mentionnerai que cinq parmi toutes celles qui sont exposées dans le mémoire que nous vous avons adressé. Ces cinq commentaires émanent du Haut-Commissariat mais ils ont aussi été formulés, sous des formes variables, par d'autres groupes de protection des réfugiés.

La première question est celle de l'accès. Nous invitons le Canada et tous les autres pays à garder les mécanismes de détermination du statut de réfugié accessibles à toutes les personnes à la recherche de protection. Les obstacles législatifs à la détermination du statut de réfugié comportent un risque, à savoir que des personnes ayant besoin de protection ne soient pas identifiées comme telles. Voilà pourquoi le HCNUR affirme depuis toujours qu'il est préférable de traiter des questions d'admissibilité dans le contexte d'une procédure de détermination du statut de réfugié plutôt que de prime abord.

Deuxièmement, comme mesure de sauvegarde minimum, toute personne qui se voit refuser l'accès à une procédure de détermination du statut de réfugié doit avoir accès à une évaluation du risque avant l'expulsion, de la part d'un décideur qualifié. Le projet de loi C-11 n'est pas tout à fait clair à ce sujet.

Troisièmement, nous demandons aux États d'éviter, de manière générale, de placer les demandeurs d'asile en détention. Je n'ai pas besoin de vous dire que la privation de liberté ne devrait être que tout à fait exceptionnelle. Elle devrait être limitée à la plus courte période possible et n'être imposée que pour des raisons soigneusement définies et limitées. Les demandeurs d'asile ne devraient pas être détenus avec les criminels ordinaires, et les enfants demandant l'asile ne devraient en aucun cas être placés en détention.

• 1035

Quatrièmement, nous vous implorons d'appuyer des mesures positives pour faciliter la réunification des familles des réfugiés, mesures qui, selon nos informations, figureront dans le règlement accompagnant le projet de loi. L'union familiale est un droit fondamental et nous savons, de par notre expérience, que la réinstallation des réfugiés a beaucoup plus de succès, et que leur intégration est beaucoup plus rapide, lorsque les familles sont intactes et qu'elles ne sont pas séparées.

Finalement, dans un domaine connexe, je vous invite à envisager des mesures pour résoudre le problème continu des réfugiés en suspens—c'est-à-dire des personnes que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié considèrent être des réfugiés au titre de la Convention mais qui ne bénéficient pas de tous les droits énoncés dans la Convention et qui ne sont pas admissibles à la réception dans le pays parce qu'elles ne possèdent pas de documents d'identité satisfaisants. Ces personnes ne peuvent revendiquer la réunification familiale, ne peuvent recevoir de documents de voyage pour réfugiés et elles sont tenues de payer les droits d'inscription exigés des étudiants étrangers pour faire des études supérieures.

En résumé, monsieur le président, le Canada applique traditionnellement à l'égard des réfugiés une politique qui lui fait honneur. Sa procédure de détermination du statut de réfugié est excellente, son programme de réinstallation des réfugiés est le deuxième au monde de par la taille, il attache une importance considérable aux déplacements humains, il contribue financièrement aux programmes du HCNUR, et c'est un membre actif de notre conseil d'administration.

Le Canada a toujours déployé des efforts considérables pour que les questions de sécurité humaine restent au premier plan des préoccupations politiques. Pour toutes ces raisons, ses lois et politiques concernant les réfugiés sont considérées comme des exemples par de nombreux pays. Le Bill C-11 n'y fera pas exception.

Encore une fois, merci beaucoup de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, Judith. Comme d'habitude, merci beaucoup pour votre excellent mémoire et pour ce que vous venez de dire au sujet de la réputation dont jouit le Canada à l'échelle internationale en ce qui concerne son système de détermination du statut de réfugié et l'aide qu'il consent aux organismes de protection des réfugiés.

Je vais maintenant donner la parole à Glen Cheriton, de FatherCraft. Vous avez cinq minutes.

M. Glen Cheriton (directeur général, FatherCraft Canada): Merci.

Je vous remercie de m'autoriser à m'adresser à vous au sujet d'une question tout à fait particulière. Je voudrais en effet aborder très précisément cette partie du projet de loi C-11 qui, si je comprends bien, donne à la ministre le pouvoir d'abolir le droit d'une personne de parrainer un immigrant dans le cadre de la réunification familiale si cette personne est en défaut de paiement de pension alimentaire. C'est en tout cas ce que j'ai lu dans les journaux ainsi que dans des communiqués de presse de la ministre elle-même.

Vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, que cette disposition vise avant tout les pères. En fait, elle est considérée comme plus prioritaire que les criminels de guerre. Autrement dit, il me semble que le projet de loi est destiné à s'attaquer aux pères plutôt qu'aux criminels de guerre.

Le président: Non, nous tenons simplement à ce que les gens assument leurs responsabilités, c'est tout.

Poursuivez, Glen.

M. Glen Cheriton: Je suis sûr que vous pourriez appliquer ce principe à beaucoup d'autres domaines, par exemple aux gens qui ne paient pas leur impôt.

Ce qui m'importe, c'est d'examiner les détails du mécanisme qui est proposé. Cette mesure sera évidemment appliquée dans le cadre du règlement, qui laissera au gouvernement beaucoup plus de latitude que le projet de loi lui-même. Je tiens cependant à attirer votre attention sur les objectifs du projet de loi C-11, notamment sur l'alinéa 3(2)d) de la partie intitulée «Objet de la loi»:

    d'offrir l'asile à ceux qui craignent avec raison d'être persécutés du fait de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques, leur appartenance à un groupe social en particulier

Vous constaterez que le sexe ne figure pas dans cette liste. Il semble bien que le but même du projet de loi soit d'enfreindre les engagements qu'a pris le Canada à l'échelle internationale de protéger les gens contre toute discrimination fondée sur le sexe. Je crains très sérieusement que ce projet de loi ne vise à s'attaquer à des personnes qui—et je reviendrai là-dessus plus tard—sont traditionnellement les immigrants qui réussissent le mieux au Canada, je veux parler d'hommes qui arrivent souvent ici seuls et qui travaillent dur pour faire venir le reste de leur famille, qui travaillent pour faire venir leur épouse et qui contribuent énormément au Canada. C'est cette forme d'immigration qui a toujours connu le plus de succès au Canada et qui a toujours le plus contribué au développement du pays. À mon sens, ce projet de loi constitue donc une attaque gratuite et choquante envers certaines personnes simplement à cause de leur sexe, et simplement parce qu'elles sont pauvres.

• 1040

Tout d'abord, selon la politique du gouvernement, la ministre est censée produire une analyse neutre sur le plan sexuel de toutes ses politiques. J'ai tenté d'obtenir cette politique. Elle ne semble pas exister et la ministre ne semble même pas consciente de la nécessité de produire cette analyse avant de prendre l'initiative d'une nouvelle politique quelconque. Cela m'inquiète.

Je voulais savoir combien de personnes approximativement seraient touchées par cette mesure. En fait, le nombre est extrêmement petit. Le nombre réel de personnes qui ne paient pas, selon Carolina Giliberti, de l'équipe de soutien des enfants du ministère de la Justice, représente moins de 10 p. 100. En outre, la raison dominante pour laquelle ces personnes ne paient pas est qu'elles sont pauvres. Il est peu probable que ces hommes pauvres essaient réellement de parrainer des immigrants. Donc, le nombre d'hommes visés par cette mesure est absolument minime.

Je me suis aussi demandé ce que cela allait coûter. Quelle sorte de mécanisme faudra-t-il mettre en oeuvre pour respecter ce qui est clairement l'intention du projet de loi C-11? Tout d'abord, il faudrait que l'on ait une définition du «défaut de paiement» mais il n'y en a pas.

Selon certains gouvernements provinciaux, on est en défaut de paiement si on ne verse pas la pension alimentaire à temps au début du mois. Toutefois, si vous recevez votre chèque de paie le 8 du mois et que la pension alimentaire est automatiquement déduite, vous serez en défaut de paiement entre le 1er et le 8 du mois en vertu de ces normes provinciales.

Chaque gouvernement provincial et chaque agence définit différemment, parfois même d'une année à l'autre, ce qu'est le défaut de paiement. Il y a à Vancouver un type qui est en prison pour défaut de paiement de sa pension alimentaire alors qu'il était le parent qui avait la garde de ses enfants. Cet argent était censé aller au gouvernement provincial. L'idée d'obliger un homme... Il ne s'agit pas ici de l'obliger à assumer ses responsabilités, il est tout à fait choquant d'envoyer en prison le parent qui a la garde...

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Cheriton, nous sommes ici pour parler de la loi sur l'immigration...

M. Glen Cheriton: C'est vrai.

Le président: ...et pas des pensions alimentaires, ce qui est une question complètement distincte. C'est le Comité de la justice qui s'occupe de cette question. Vous devriez vous en tenir au sujet.

Il vous reste une minute et demie. Nous aurions apprécié de recevoir votre mémoire à l'avance, pour pouvoir l'examiner, malheureusement nous ne l'avons pas obtenu. Donc, si vous pouviez continuer...

M. Glen Cheriton: Je voulais traiter de toute la question des mesures de sauvegarde. Si cela n'est pas l'intention du projet de loi, la ministre a sérieusement induit le Parlement en erreur, ainsi que le public par ses communiqués de presse.

J'aborde dans mon mémoire, que je lui ai envoyé par courriel et par télécopieur, la question des règles d'interprétation. J'ai aussi donné des copies de mon mémoire au monsieur qui est là-bas. En ce qui concerne les règles de l'interprétation, on indique dans le projet de loi que «Les faits—actes ou omissions»—ce qui semble inclure le défaut de paiement d'une pension alimentaire—«mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu'ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir».

Donc, si quelqu'un croit que vous risquez de devoir payer un jour une pension alimentaire, vous risquez de perdre ce droit. Nous ne parlons pas ici d'immigrants ou de réfugiés, nous parlons de citoyens canadiens qui perdront leurs droits en vertu du projet de loi C-11. Ce que je viens de citer se trouve dans le projet de loi. Vous croyez peut-être que ce n'est pas pertinent mais, en fait, cela fait aussi partie de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

Nous venons de jeter à l'eau tout notre système judiciaire. Au lieu de décider sur la base du doute raisonnable, on dit que l'on peut maintenant décider sur la base de la prépondérance des probabilités. En fait, cela vise uniquement à dissimuler tout un système d'opinion que l'on veut faire passer pour un système de décision mais qui n'est en fait qu'un système de préjugés.

Je mentionne dans mon mémoire que le ministère applique déjà un programme accélérant l'admission des femmes comme réfugiées, programme auquel les hommes ne sont pas admissibles. Il y a donc là toute une série d'événements qui me porte à croire que cela procède d'une politique générale du gouvernement disant aux hommes qu'on ne veut pas d'eux. J'ai rencontré beaucoup d'hommes qui ont quitté ce pays...

Le président: Veuillez m'excuser. Écoutez, vous avez parfaitement droit à votre opinion mais tout cela n'a aucun sens. Je m'excuse. Merci beaucoup de votre intervention.

Monsieur Jonas Ma, s'il vous plaît.

M. Jonas Ma (président, Conseil national des Canadiens chinois): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Jonas Ma et je représente le chapitre d'Ottawa du Conseil national des Canadiens chinois. Comme le temps passe vite, je vais centrer mon exposé sur deux questions qui intéressent directement notre communauté, la catégorie familiale et le statut et les droits des résidents permanents.

• 1045

Je précise que d'autres questions, comme le traitement des migrants de la province de Fujian, en Chine, l'été dernier, qui a été déterminé sur une base collective plutôt que selon les circonstances individuelles, sont aussi une source de profonde préoccupation pour notre communauté. Toutefois, je suis sûr que le comité permanent mènera des consultations dans d'autres régions du pays où résident des membres de notre communauté et où je suis sûr qu'il entendra alors des exposés très éloquents sur ce problème.

De manière générale, nous trouvons dans le projet de loi un certain nombre de changements, concernant notamment la réunification familiale, qui sont positifs et que notre communauté appuie. Je veux parler de la création d'une catégorie au Canada pour les conjoints et partenaires parrainés, du relèvement de 19 ans à 22 ans de l'âge des enfants à charge, de l'exemption des conjoints parrainés et des enfants et partenaires à charge du point de vue de l'inadmissibilité médicale, et de la réduction de 10 ans à trois ans de la durée du parrainage.

Nous approuvons aussi l'inclusion des parents dans le nouveau projet de loi, ce qui est une amélioration par rapport au précédent. Nous sommes encouragés par l'expansion envisagée de la catégorie familiale. Toutefois, nous préférerions que tout cela figure dans le projet de loi plutôt que dans le règlement. Nous pensons qu'il serait souhaitable de tenir des consultations plus larges, notamment auprès des communautés d'immigrants et de réfugiés, au sujet de la définition de la catégorie familiale.

Le projet de loi ne contient que les règles générales, la plupart des détails étant laissés au règlement. Bien qu'un certain nombre des changements envisagés se trouvent dans le projet de loi, je pense que la majeure partie figurera en fin de compte dans le règlement. Cela veut dire que le ministère aura la possibilité de changer les règles en dehors du processus parlementaire et sans consultation suffisante du public. Je n'en donnerai pour exemple que la situation des personnes obtenant un permis de résident temporaire. On n'indique pas dans le projet de loi comment ces personnes peuvent demander un permis d'établissement après avoir obtenu un permis temporaire. À mon sens, il serait préférable de préciser cela dans la loi elle-même plutôt que dans le règlement.

Je veux parler aussi de l'extension des pouvoirs discrétionnaires des agents d'immigration, alors qu'on réduira dans bien des cas l'accès à la procédure d'appel. J'examine cette question de manière plus détaillée dans la partie suivante de mon exposé, concernant le statut et les droits des résidents permanents.

L'un des changements envisagés dans le projet de loi concerne l'instauration d'une carte d'identité. Le retour au Canada d'un résident permanent pourra être refusé par un agent d'immigration au point d'entrée s'il ne satisfait pas aux exigences de la loi, à savoir convaincre l'agent d'immigration qu'il a habité réellement au Canada pendant deux ans au cours d'une période de cinq ans, et prouver son statut de résident permanent au moyen d'une carte d'identité qui devra être renouvelée tous les cinq ans. Nous pensons que cela ouvre la porte à un risque considérable de refus d'admission erroné. Nous en avons vu des exemples dans le passé, lorsqu'on a exigé des documents excessifs de certains groupes pour prouver qu'ils avaient résidé au Canada. Le projet de loi facilite le retour de ceux qui ont été absents du pays pendant moins d'un an, sans carte valide, mais je pense qu'il faudrait préciser ce mécanisme dans la loi elle-même.

On indique aussi dans le projet de loi que l'on établira un seuil plus élevé d'examen pour les résidents permanents que pour les autres étrangers, mais nous ne savons pas si cela sera laissé à la discrétion de l'agent d'immigration ou si ce sera précisé dans le règlement. D'après nous, cela devrait être précisé dans la loi elle-même.

Les résidents permanents peuvent être expulsés sans possibilité d'appel, peu importe les circonstances, en raison d'une seule condamnation pénale ou pour des raisons de sécurité. Cette disposition peut toucher un grand nombre de personnes qui, dans leur pays d'origine, ont pu appartenir à une organisation autrefois considérée comme un groupe terroriste. Exemple: le CNA de l'Afrique du Sud.

Je veux mentionner aussi le droit à la réunification familiale des personnes économiquement défavorisées. Les personnes touchant l'assistance sociale ne seront pas autorisées à parrainer les membres de leur famille, qu'il s'agisse de conjoints ou d'enfants mineurs. Cela constituera manifestement une entrave à la réunification familiale et une infraction à bon nombre des pactes internationaux ratifiés par le Canada. Je veux parler notamment du Pacte international sur les droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le projet de loi simplifie aussi les procédures en vertu desquelles les gouvernements pourront pourchasser des répondants si des personnes parrainées touchent des prestations d'aide sociale. Il ne fait aucune distinction entre les répondants incapables de payer en raison de circonstances qui leur échappent et ceux qui seraient capables de payer mais refusent de le faire.

• 1050

Comme vous le savez, les immigrants et les réfugiés sont toujours défavorisés parce qu'ils sont plus vulnérables au congédiement en cas de récession économique. Il convient donc de tenir compte des circonstances ayant entraîné une défaillance du parrainage.

Ma dernière remarque concerne la non-admissibilité pour raisons médicales des immigrants indépendants. Bien que l'on se propose dans le projet de loi d'exempter les conjoints et partenaires parrainés des conditions reliées à une trop lourde charge sur le plan des services de santé et des services sociaux, on ne traite pas de la situation actuelle dans laquelle la demande d'une famille entière de la catégorie des immigrants indépendants sera rejetée si l'un des membres souffre de troubles médicaux. Or, ces troubles médicaux sont bien souvent tout à fait mineurs.

En conclusion, nous appuyons bon nombre des modifications proposées dans le projet de loi au chapitre de la catégorie familiale mais nous préférerions que la catégorie familiale élargie soit mieux définie dans la loi elle-même, après une consultation publique suffisante. Nous croyons qu'une définition plus précise dans le projet de loi éviterait une mise en application incohérente qui ne pourrait que nuire aux immigrants et aux groupes minoritaires, surtout aux personnes faisant partie des minorités raciales visibles et des groupes économiquement défavorisés.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, Jonas.

Finalement, bienvenue, monsieur Karas.

M. Firdaus Karas (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Quand j'ai reçu l'invitation de votre comité à comparaître, je n'ai pas préparé de mémoire car je pensais qu'il serait plus intéressant de dialoguer avec vous sur les questions qui vous intéressent.

Voici quelques détails à mon sujet. En 1980, j'ai rédigé un projet de Convention contre la torture dans le cadre d'un essai de recherche à l'université Carleton. Je suis l'un des très rares Canadiens qui ont participé à la rédaction de la Convention contre la torture.

En fait, mon projet a ensuite été utilisé non pas par la délégation canadienne mais par la délégation suédoise aux Nations Unies. On en a beaucoup discuté. Cela se passait quatre ans avant l'adoption réelle de la Convention contre la torture. Donc, si vous avez des questions à me poser à ce sujet, je serais très heureux d'y répondre.

Après cela, j'ai rédigé un manuel sur comment immigrer au Canada. Puis, pendant cinq ans, à titre de chef du personnel et de directeur général de l'Association des Nations Unies au Canada, je me suis beaucoup occupé de toutes les questions qui intéressent les Nations Unies, y compris, bien sûr, dans une certaine mesure, la politique sur les réfugiés et la politique de l'immigration.

Ensuite, en 1988, Mme Barbara McDougall a été nommée ministre de ce que l'on appelait alors la CEIC, Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada. Comme vous le savez, c'est alors qu'est sorti l'arrêt Singh de la Cour suprême. Notre processus de décision du statut de réfugié a alors commencé à s'effondrer complètement. J'étais à l'époque consultant indépendant agissant comme conseiller de politique auprès de la ministre sur les questions d'immigration et de réfugiés, et j'ai été en grande mesure responsable de la rédaction des nombreux amendements que nous avons alors apportés au projet de loi qui a été déposé devant le Parlement.

Vous vous souviendrez peut-être que ce projet de loi a fait l'objet d'un jeu de ping-pong entre le Sénat et la Chambre parce que le Sénat avait de sérieuses réserves à son sujet. Les ONG s'y opposaient en masse. Je veux parler du projet de loi qui a créé la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le système qui existe encore plus ou moins aujourd'hui.

À l'époque, nous avions créé un système à deux paliers mais on l'a ensuite supprimé. Aujourd'hui, on veut revenir à un système à deux paliers, et j'aimerais faire quelques remarques à ce sujet dans un instant.

Nous avions à l'époque un retard énorme dans le traitement des demandes du statut de réfugié. La ministre et le Cabinet ont dû prendre une décision. Comme vous le savez, beaucoup de gens ont alors été acceptés selon un critère appelé de «crédibilité», qui constituait en fait la première étape du système à deux paliers, avec un arbitre et un membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

J'étais vice-président adjoint de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et j'étais chargé d'examiner l'arriéré des demandes. Une cinquantaine de membres de la Commission travaillaient avec moi dans tout le pays en tenant des audiences selon le critère de crédibilité, pas selon la définition exacte de la Convention, pour essayer d'éponger l'arriéré accumulé. Il s'est avéré finalement que le nombre de demandes du statut de réfugié accumulées au Canada a atteint près de 121 000, de 115 pays différents.

Il a fallu trois ans et demi à quatre ans pour éponger l'arriéré. Après cela, pendant environ un an, j'ai occupé le poste de vice-président adjoint de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, responsable de la région d'Ottawa et des Maritimes. Ensuite, je suis parti parce que j'avais un mandat fixe de cinq ans et j'ai quitté complètement le domaine de l'immigration.

• 1055

Je tenais à vous faire ce bref résumé de ma carrière pour que vous puissiez m'interroger sur les remarques que je vais formuler au sujet du projet de loi.

Dans les documents publics que j'ai pu lire au sujet du projet de loi, on dit souvent que le système sera «plus rapide». Est-ce vraiment le cas? Comprenons bien ce que nous faisons avec le projet de loi C-11: nous retournons à l'époque du système de détermination du statut de réfugié en deux étapes, ce qui n'est rien de nouveau.

Si j'ai bien compris, voici la procédure que l'on envisage. Quand un réfugié arrivera, il fera l'objet d'une évaluation selon la procédure accélérée ou non. S'il n'est pas évalué selon la procédure accélérée, il fera l'objet d'une détermination du statut de réfugié selon la Convention par une personne au lieu de deux. On dit dans la documentation que le fait d'avoir un décideur au lieu de deux, à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, accélérera la procédure. Je ne vois pas pourquoi. Qu'il s'agisse d'une personne ou de deux, le temps requis pour examiner un dossier reste sensiblement le même. De fait, je pense que le temps requis sera différent parce qu'il faudra appliquer deux conventions au lieu d'une.

Ensuite, on passera au comité d'une personne. Si ce comité d'une personne dit non, il y aura un examen documentaire devant la section d'appel. Il y aura alors peut-être une audience pré-évaluation pour la première fois, ce qui correspondra au système qui existait autrefois. Pour la première fois, nous aurons introduit la possibilité d'une audience orale à l'étape de l'évaluation pour le refoulement. Ce sera peut-être une audience orale, mais peut-être pas. Je ne sais pas quels sont les critères. On dit simplement dans le projet de loi qu'il pourra y avoir une audience orale à cette étape. Ensuite, il y aura une demande d'appel et on passera devant le tribunal.

Le projet de loi C-11 instaure donc à nouveau un système à plusieurs paliers. Nous avions essayé d'établir un tel système il y a plusieurs années mais il s'est effondré. À l'époque, nous avions 121 000 demandeurs provenant de 115 pays différents.

Je vais donc vous faire la proposition suivante: si j'étais à votre place, je ferais extrêmement attention à ce qu'on ne retourne pas aux procédures accélérées qui existaient autrefois pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'arriéré, je veillerais à ce qu'on n'élimine pas ce que l'on devrait faire en vertu de la Convention pour prendre de bonnes décisions, et je veillerais à ce qu'on ne recommence pas à prendre du retard dans le traitement des dossiers à cause de l'instauration d'un système comportant trop de paliers différents.

La deuxième remarque que je souhaite faire concerne l'application de la Convention contre la torture. Je suis sûr que la quasi-totalité des personnes qui se sont adressées à vous ont parlé du système de détermination du statut de réfugié, tout comme le feront celles qui me suivront. Toutefois, nous venons d'introduire pour la première fois une deuxième convention dont devra tenir compte la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la Convention contre la torture. Comme j'ai participé à la création de la Convention contre la torture, je sais fort bien que l'une des situations les plus difficiles pour la communauté internationale a précisément été de définir la torture. Si vous le voulez, nous pouvons en parler.

Certes, il y aura peu à peu une jurisprudence canadienne sur ce qu'est la torture dans le contexte canadien. Je ne doute pas que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié suivra alors la jurisprudence dans ses décisions. Toutefois, il faudra un certain temps pour que cette jurisprudence voie le jour. Il y aura sans doute un nombre d'appels assez élevé concernant la question de la Convention contre la torture, y compris la définition de la torture et l'applicabilité de la Convention à divers cas particuliers. Autrement dit, on verra apparaître exactement la même chose qu'avec le système de détermination du statut de réfugié, où l'on a vu se constituer ce type de jurisprudence au cours des années.

Ce qui m'inquiète, c'est l'applicabilité de la Convention contre la torture et l'octroi de cette responsabilité à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Certes, je comprends bien pourquoi on a pris cette décision. Je sais de quel article il s'agit. Je sais ce qui se passe aux États-Unis. Je ne veux pas dire qu'il ne faudrait pas agir de cette manière. Tout ce que je dis, c'est que, quand on crée une convention complètement nouvelle en définissant de manière complètement différente la population à laquelle elle s'applique, on se retrouve avec toutes les inefficiences et tous les problèmes inhérents qui en résultent, tout comme on l'a constaté avec la Convention sur les réfugiés.

• 1100

Voilà les deux questions que je tenais à soulever. Je serais très heureux de répondre à vos questions.

C'est très étrange car je connais bien le domaine de l'immigration, celui des réfugiés et celui de la torture, ce qui fait probablement de moi un cas assez rare parmi vos témoins. Merci.

Le président: Merci, monsieur Karas. Je sais que vous n'aviez pas de mémoire mais, même si nous l'avons fait traduire et que nous l'avons entendu, peut-être pourriez-vous, d'ici la fin de nos audiences, nous envoyer quelque chose sur la base de ce que nous avons entendu.

M. Firdaus Karas: Certainement, monsieur le président.

Le président: Je pense que ce serait utile. Votre expérience et votre expertise sont évidemment un outil précieux. Merci.

Nous allons passer rapidement aux questions. Nous aurons des tours de cinq minutes. Inky, avez-vous une question?

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. Je serai bref pour permettre aux autres membres du comité de poser aussi leurs questions.

Merci d'être venus témoigner. Vos remarques sont très intéressantes, notamment sur la nécessité d'assurer la sécurité de nos frontières mais, plus important encore, de veiller à ce que les droits juridiques des vrais réfugiés, des candidats à l'immigration et même des résidents permanents soient bien protégés.

Je rentre juste de Chine où j'ai eu l'occasion de discuter de nos problèmes avec un certain nombre de nos représentants. L'un de ces problèmes concerne toute la question des preuves et de la validation des documents, en ce qui concerne non seulement les réfugiés mais aussi les immigrants économiques et maintenant, avec les changements du projet de loi, les résidents permanents. J'aimerais savoir ce que vous pensez de toute cette question de la documentation.

Le président: Judith, comme vous avez parlé de la documentation dans votre mémoire, voulez-vous répondre à cette question?

Mme Judith Kumin: Je n'en aborderai qu'un aspect, celui de la certification de l'identité. Ce que nous voulons, c'est que l'on comprenne bien qu'une personne qui fuit la persécution ou le danger dans son pays d'origine n'a peut-être pas nécessairement des originaux valides de documents d'identité.

Cette situation est complètement différente de celle du candidat à l'immigration qui souhaite entrer au Canada par le truchement de la procédure établie. Dans ce cas, il est évidemment tout à fait normal que l'on s'attende à ce que la personne fournisse des documents d'identité ainsi que tous les certificats exigés par la procédure d'immigration.

Il convient cependant aussi de tenir compte du fait que certains réfugiés, mais pas tous, risquent de ne pas avoir de tels documents. Certes, le demandeur du statut de réfugié doit être capable de démontrer qu'il a une crainte légitime de persécution, mais cette crainte risque de ne pas pouvoir être confirmée par une preuve documentaire. Voilà pourquoi l'examen effectué par le décideur est tellement important et pourquoi, dans certains cas, il convient de donner le bénéfice du doute au demandeur. Un réfugié ne sera pas toujours en mesure de fournir les documents que l'on pourrait espérer, ce qui n'est pas le cas d'un candidat à l'immigration.

M. Jonas Ma: Je vous remercie de soulever cette question de documents. Nous avons souvent entendu dire, dans la communauté sino-canadienne, que le critère de la documentation est appliqué de manière incohérente. Certains bureaux semblent exiger un nombre énorme de documents, mais pas tous. Nous pensons qu'il y a presque un préjugé dans certains cas. Par exemple, dans le cas de la Chine—d'où provient la majorité des immigrants de notre communauté, et non pas de Hong Kong ou de Taïwan—on semble se méfier des candidats et penser que ceux qui présentent une demande dans la catégorie de l'immigration économique ou des immigrants indépendants essaient de tricher. Leurs documents semblent toujours être insuffisants et on leur en demande toujours de nouveaux.

Voilà pourquoi nous souhaitons que les exigences soient plus claires, au lieu de laisser cette décision à la discrétion des agents d'immigration. Certaines personnes ont eu l'impression qu'elles étaient traitées différemment parce qu'elles avaient des amis qui avaient présenté une demande à partir d'autres pays et qui n'étaient pas obligés de répondre à des demandes de documentation aussi excessives. Cela confirme ce que je disais plus tôt au sujet de la nécessité de préciser les critères dans la loi au lieu de les laisser à la discrétion des agents ou d'attendre qu'ils soient établis dans le règlement.

• 1105

Le président: Merci. D'autres questions? Personne?

Jean.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, surtout pour les parties que je pense être pertinentes.

J'ai avec moi une lettre qui rappelle les préoccupations de M. Ma. Les personnes qui viennent au Canada ne sont pas attachées au pays individuel. Elles sont au chômage, elles vivent avec une petite pension, elles ne peuvent pas se payer le voyage. Ça coûte cher de venir au Canada. Elles souhaitent peut-être venir ici pour travailler, etc., etc. Que pensez-vous du projet de loi C-11 dans le cadre de ce type de demande? Pensez-vous que le projet de loi répond aux très sérieuses préoccupations des familles qui sont déjà ici, du point de vue de la réunification?

Le président: Jonas.

M. Jonas Ma: Nous pensons que le changement proposé dans le projet de loi pour retirer le droit de parrainage familial aux personnes qui sont économiquement défavorisées est très sérieux car il va à l'encontre de l'engagement que nous avons pris par le truchement des nombreuses conventions internationales que nous avons ratifiées. Je parlais tout à l'heure du Pacte international sur les droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. D'après nous, cette interdiction devrait être retirée du projet de loi et les gens devraient avoir le droit d'être réunis avec leur famille, quel que soit leur statut social et économique. Il s'agit là de discrimination fondée sur le statut social et économique. C'est très clair pour nous.

Le président: Comme je sais que Judy doit partir, je me demande si le comité m'autorise à lui permettre de poser rapidement sa question. Avez-vous une question, Judy?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, je vous en suis reconnaissante. Je dois aller rapidement au Comité de la santé et j'aimerais être en contact avec l'opposition...

Le président: Je suis très sensible aux besoins des autres partis et je sais que vous devez être dans trois comités en même temps.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci beaucoup.

Je n'ai qu'une question à poser à Judith. Vous avez confirmé ce que nous ont déjà dit d'autres témoins, à savoir que le Canada, avec ce projet de loi, est en contravention avec la Convention sur les réfugiés et avec la Convention contre la torture. Si je me trompe, n'hésitez pas à me le dire. Toutefois, quels sont les deux amendements les plus importants que nous pourrions apporter à ce projet de loi pour faire en sorte que le Canada respecte pleinement les conventions de l'ONU?

Mme Judith Kumin: Ce n'est pas moi qui dis cela; ce sont vos paroles, pas les miennes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord.

Mme Judith Kumin: Il y a deux questions que nous avons identifiées dans notre mémoire qui pourraient retenir votre attention. Peut-être étiez-vous présente à la réunion de déjeuner que nous avons tenue il n'y a pas très longtemps, grâce à la sénatrice Lois Wilson, pour discuter de cela.

Le premier concerne les documents d'identité des personnes reconnues comme réfugiés au titre de la Convention. La Convention de 1951 relative aux réfugiés contient trois articles, 25, 27 et 28, touchant le statut d'une personne qui a été reconnue comme réfugiée. L'article 25 dispose que le pays d'asile fournira assistance administrative à cette personne, à la place du pays d'origine. L'article 27 affirme que le pays d'asile remettra un document d'identité au réfugié. Et l'article 28 dispose que le pays d'asile fournira un document de voyage au réfugié. Je vous rappelle que cela touche les personnes qui ont déjà été légalement reconnues comme réfugiées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous ne parlons pas ici des simples demandeurs.

Une chose qui serait certainement très satisfaisante consisterait simplement à ces articles soient mis en application sans autre forme de procès. La Loi actuelle sur l'immigration, à l'article 46.08, je crois, exige qu'un réfugié reconnu possède un passeport ou document d'identité valide pour être admissible à un permis d'établissement. Cette disposition ne se retrouve pas dans le projet de loi C-11. Il faudra voir si on la trouve dans le règlement, mais le projet de loi C-11 nous donne certainement la chance de faire un pas de géant pour résoudre ce problème. À notre avis, les réfugiés reconnus, au sens de la Convention, devraient être en mesure d'obtenir un document d'identité de leur pays d'asile, le Canada, et un document de voyage.

• 1110

Une autre préoccupation qui figure dans notre appel concerne l'accès à la procédure de détermination du statut de réfugié. Le Canada oppose depuis longtemps des obstacles de filtrage et des obstacles législatifs à la détermination du statut de réfugié. Certaines personnes sont exclues d'office. Avec le nouveau projet de loi, les personnes qui sont exclues d'office devraient quand même, selon nous, faire l'objet d'une évaluation du risque avant d'être refoulées. Si l'on juge qu'une personne n'est pas admissible à la procédure de détermination du statut de réfugié parce qu'elle est soupçonnée d'être un criminel de guerre ou un membre d'une organisation terroriste, par exemple, cela ne devrait pas empêcher qu'on évalue le risque auquel elle sera exposée par le refoulement.

Voici nos deux préoccupations à cet égard. La première est de veiller à ce que cette évaluation du risque soit effectuée. Le texte des dispositions pertinentes du projet de loi C-11 est difficile à suivre sur cette question. Il faudrait donc que vous obteniez confirmation à cet égard. Deuxièmement, il faudrait s'assurer que le filtrage qui est effectué de prime abord pour déterminer qui aura accès à la procédure de détermination du statut de réfugié ne jette pas le filet tellement loin que l'on exclue des gens qui devraient avoir la chance d'établir leur revendication et d'exposer leur situation aux décideurs de la Commission. Effectuer ce filtrage simplement sur la base de l'appartenance, notion qui n'est pas définie, ou de la relation avec un gouvernement particulier, reviendrait à jeter le filet beaucoup trop loin.

Le président: Merci.

[Français]

Madeleine.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai entendu, au cours de vos témoignages, des inquiétudes relativement au projet de loi C-11 et au respect des obligations internationales relatives à la torture. Si vous le dites, ça doit être vrai. J'aimerais que vous nous suggériez une façon de rendre ce projet de loi conforme aux obligations internationales.

J'imagine que c'est quelque chose qui vous préoccupe beaucoup à cause de vos responsabilités et de votre connaissance du dossier. On a eu le cas, récemment, d'un jeune Tunisien qui a été retourné à Tunis.

Le but de la loi, c'est d'éviter le plus possible les bavures. Alors, je vous demande votre aide si vous pouvez, effectivement, nous donner des pistes de solution.

Mme Judith Kumin: Malheureusement, il n'y a pas de solution magique. Des erreurs sont toujours possibles: nous sommes des êtres humains. Les personnes qui prennent les décisions à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sont des êtres humains qui doivent évaluer un cas et prendre une décision.

Évidemment, la formation des personnes qui prennent les décisions est extrêmement importante et il faudra, c'est clair, une formation supplémentaire relative à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En fait, le projet de loi met en oeuvre une obligation que le Canada a déjà assumée dans le contexte de cette convention et dans le contexte de son article 3, qui indique très clairement qu'un pays signataire de cette convention ne peut pas renvoyer quelqu'un vers un pays où il y aurait un risque considérable de torture.

Il y a une lacune, si vous voulez, dans le projet de loi C-11, dans la mesure où dans la Convention contre la torture, cet article, l'article 3, ne permet pas de dérogation. L'interdiction de renvoyer quelqu'un vers la torture est sans exception dans la convention. Dans le projet de loi, il y a une exception, évidemment, pour les cas où il est question de sécurité ou de danger pour le public. Et cela risque d'être problématique dans le contexte de la mise en oeuvre des obligations du Canada en rapport avec la Convention contre la torture.

Le président: Merci.

[Traduction]

Steve. Je suis désolé de vous avoir fait rater votre tour.

M. Steve Mahoney: J'ai quelques questions à poser, monsieur le président.

La première s'adresse à M. Ma. Connaissez-vous, monsieur, le paragraphe 12(2), de la page 7 du projet de loi, qui permet aux parents d'être inclus dans la catégorie familiale, ce qui est contraire à...

M. Jonas Ma: C'est pourquoi je suis heureux du changement.

M. Steve Mahoney: Veuillez m'excuser, je croyais vous avoir entendu dire: «Par exemple, dans la loi, les parents sont exclus de la catégorie de la famille».

M. Jonas Ma: Avez-vous le bon document?

M. Steve Mahoney: J'ai celui qui a été distribué.

M. Jonas Ma: Est-ce que le titre est «Mémoire, projet de loi C-11...»?

• 1115

M. Steve Mahoney: Oui, c'est celui-là. Je lis ceci:

    Le projet de loi ne contient que les grandes règles générales. La plupart des détails sont relégués au règlement. Cela signifie que le ministère pourrait changer les règles en dehors du processus parlementaire et sans consultations publiques suffisantes. Par exemple, dans la loi, les parents sont exclus de la catégorie de la famille mais, dans les règlements, ils seront inclus.

M. Jonas Ma: C'est intéressant. J'ai changé ce texte. Je vous donnerai des exemplaires du nouveau texte.

Le président: Oui, vous pourriez nous remettre la dernière version. Ce que nous avons est peut-être différent.

M. Steve Mahoney: J'ai deux exemplaires de ce mémoire et je lisais peut-être le mauvais.

M. Jonas Ma: Sans doute.

Le président: Vous vouliez peut-être étendre l'application de cette disposition des parents aux grands-parents, ce qui conviendrait aussi à certains d'entre nous.

M. Steve Mahoney: En fait, cela devait être ma deuxième question. Si on lit le paragraphe 12(2), on trouve ceci:

    ou à titre d'autre membre de la famille prévu par règlement.

Je ne comprends pas bien ce que cela veut dire mais je suppose que cela pourrait comprendre les grands-parents. Je ne sais pas si cela pourrait aller jusqu'à inclure les fiancés, que vous avez évoqués au moins dans ce document—et je ne suis pas sûr qu'il le faudrait. Inclure un fiancé dans la catégorie familiale pourrait ouvrir la porte à des abus assez évidents.

M. Jonas Ma: Je pense que la catégorie familiale devrait être définie après des consultations publiques, comme je l'indique dans mon mémoire révisé. Nous devrions envisager cela dans un contexte plus diversifié sur le plan culturel. Je sais que la famille nucléaire type d'Amérique du Nord a été la norme pour l'élaboration de ce projet de loi, mais nous pensons qu'il conviendrait de tenir des consultations publiques plus larges sur cette question, à une époque où le Canada est plus diversifié. Telle est mon opinion, mais je pense que la décision devrait être prise après des consultations publiques.

M. Steve Mahoney: Bien. Je voudrais poser une question à Judith.

Je dois dire, monsieur le président, que l'une des expériences les plus incroyables que j'ai eu l'occasion de vivre comme député a probablement été d'accompagner la ministre au Kenya et d'aller dans un camp de réfugiés de 110 000 âmes où j'ai pu constater le travail extraordinaire du HCNUR et du Canada, ainsi que de nombreuses autres nations. Je tiens à vous féliciter et à vous dire que j'ai beaucoup de respect pour ce que vous faites.

Cela dit, pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez affirmé—si mes notes ne me trompent pas—qu'il faut maintenir l'ERAR. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Quand j'examine l'article 112, qui porte sur l'évaluation des risques avant le renvoi, je trouve quatre raisons pour lesquelles un étranger pourrait ne pas être assujetti à l'ERAR, en vertu de la Loi sur l'extradition ou de l'alinéa 101(1)e), etc. Cela vous préoccupe-t-il particulièrement ou y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles vous avez fait cette affirmation?

Mme Judith Kumin: Non, je pense que vous venez d'indiquer le passage préoccupant, c'est-à-dire surtout l'alinéa 112(2)c). C'est peut-être simplement une question de formulation, et nous devons avoir des discussions vendredi avec Citoyenneté et Immigration précisément pour avoir plus de détails sur la manière dont on pense que se fera l'évaluation des risques avant le renvoi. Notre problème est que, si une personne est exclue de la procédure de détermination du statut de réfugié à cause des divers facteurs d'exclusion de la loi, cette personne doit néanmoins faire l'objet d'une évaluation des risques inhérents au renvoi par un décideur qualifié, afin de nous assurer que son renvoi ne l'exposera pas à la mort, à la torture ou à un traitement ou une sanction inhumaine. Je crois que l'intention de la ministre est que toutes ces personnes aient accès à une évaluation des risques avant le renvoi mais j'estime que la formulation du projet de loi n'est pas assez claire à ce sujet.

Le président: Merci.

M. Steve Mahoney: Merci.

Le président: Gurbax, pour une question.

M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Une seule?

Le président: Oui.

M. Gurbax Malhi: Très bien. Je vais donc la poser au Conseil national des Canadiens chinois. Comme vous avez parlé de la catégorie familiale, que pensez-vous—ou que pense le Conseil—du membre de la catégorie familiale qui est resté à l'étranger?

M. Jonas Ma: Me demandez-vous qui devrait faire partie de la catégorie familiale?

• 1120

M. Gurbax Malhi: Non. Il arrive parfois qu'une seule personne, comme un neveu ou une nièce, ne fasse pas partie de la catégorie familiale. Comme l'a dit la ministre la dernière fois, elle va se pencher sur cette question. Quelle est l'opinion de votre Conseil à ce sujet?

M. Jonas Ma: Nous avons...

M. Gurbax Malhi: Ce serait une possibilité qui ne serait offerte qu'une seule fois à une personne.

M. Jonas Ma: Oui. Il s'agit en fait d'une question que notre organisation de Vancouver a soulevée devant la ministre et, si j'ai bien compris, d'après les consultations qui ont été menées dans la communauté de Vancouver, l'idée jouit d'un appui considérable. Je me souviens que le gouvernement, au début des années 90, appuyait l'immigration au Canada des membres de la famille non mariés, malgré les limites d'âge, et que cette idée bénéficiait d'un appui considérable. Je crois que nous souhaiterions une interprétation plus libérale de la catégorie familiale—cela a toujours été notre position. Encore une fois, cependant, nous pensons que cela devrait faire l'objet de consultations dans la communauté. Il se peut que d'autres communautés aient un avis différent dont nous devrions également tenir compte.

Le président: Nous avons une réponse à votre dilemme, Jonas, au sujet de votre mémoire. Nous avions reçu votre mémoire sur le projet de loi C-31 et nous avons aussi reçu celui concernant le projet de loi C-11. Toutefois, comme nous ne l'avons pas reçu à temps, nous n'avons pas pu le faire traduire et les membres du comité ont seulement reçu votre mémoire sur le projet de loi C-31. Le mystère est donc résolu.

J'aimerais vous poser une question, Judith. En vertu du projet de loi C-31, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés aurait été autorisé à participer à toute procédure concernant des candidats au statut de réfugié. En vertu du projet de loi C-11, ce rôle se limite à celui d'observateur—tout comme avec la loi actuelle, je le précise. Avez-vous des remarques quelconques à formuler à ce sujet? Mon interprétation est-elle exacte?

Mme Judith Kumin: Elle est partiellement exacte, monsieur le président.

Le président: C'est l'histoire de ma vie—partiellement exact.

Mme Judith Kumin: En vertu du projet de loi C-11, le HCNUR aura le droit d'observer les travaux de toute section de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié—c'est-à-dire de la Section de l'immigration, de la Section d'appel de l'immigration ou de la Section de protection des réfugiés. Ce droit était important à nos yeux et nous en avions longuement discuté avec Citoyenneté et Immigration Canada, ainsi qu'avec la Commission, notamment parce que la procédure de la Section de l'immigration et de la Section d'appel de l'immigration, en vertu de la nouvelle loi, doit se tenir à huis clos. Nous pensons qu'il est important qu'au moins un observateur international soit présent.

Le projet de loi prévoit aussi que le HCNUR pourra intervenir au niveau d'appel devant la nouvelle Section d'appel des réfugiés. La disposition de l'ancien paragraphe 161(2) du projet de loi C-38 a été scindée en deux parties et on doit donc examiner deux dispositions différentes du nouveau projet de loi. Quoi qu'il en soit, celui-ci nous donne accès, à titre d'observateur, à tous les paliers de la procédure, comme à l'heure actuelle, mais en ajoutant la possibilité pour nous d'intervenir devant la Section d'appel dans les affaires de détermination du statut de réfugié. C'était là quelque chose qui était très important pour nous car c'est à ce palier que certaines décisions auront valeur de précédent. Comme nous avons aussi pour rôle d'interpréter le droit international sur les réfugiés, nous pensions que ce palier était celui auquel nous devrions nous faire entendre.

Nous avons discuté du texte du projet de loi C-38, «prendre part à», et nous avions aussi—je le dis très honnêtement—certaines préoccupations à ce sujet car, comme nous sommes une institution diplomatique au Canada, nous ne sommes pas assujettis à la procédure judiciaire du Canada et nous ne pouvons pas vraiment prendre part à une procédure. En revanche, nous pouvons déposer un mémoire, et le texte du projet de loi C-11 est donc tout à fait acceptable pour nous.

Le président: Merci beaucoup de cette précision.

Si vous me le permettez, monsieur Karas, vous avez posé une question, non seulement dans notre étude préliminaire...

Je pense que l'objectif de la ministre, et c'est le nôtre aussi, est d'accélérer une procédure qui semble être interminable pour un trop grand nombre de personnes qui se retrouvent ainsi en suspens en ne sachant pas si elles sont ou non acceptées comme réfugiées et en se demandant si elles seront ou non renvoyées dans leur pays. Notre but est d'établir un système beaucoup plus équitable mais un système capable d'agir rapidement, tout en respectant les droits des personnes ayant pris pied sur notre sol.

Considérant votre expérience, et comme vous dites que nous retournons vers un système à deux paliers, pensez-vous qu'il sera trop lourd? Pensez-vous que la procédure sera trop longue? Fait-on erreur en établissant deux systèmes distincts pour déterminer si quelqu'un est ou non un vrai réfugié? Devrait-on n'instaurer qu'un seul système, tout le monde passant par la même porte, tout le monde étant évalué selon les mêmes critères, en ayant ensuite un système capable d'arbitrer équitablement mais beaucoup plus rapidement?

• 1125

M. Firdaus Karas: Je crois que notre objectif à tous, avec le nouveau projet de loi, est de rendre la décision le plus rapidement possible pour le vrai réfugié qui a besoin d'être protégé par le Canada, ou pour la personne qui court un risque de torture. Nous voulons accorder à cette personne le droit de rester au Canada.

Ce qui me préoccupe, c'est que nous semblons retourner non seulement à un système à deux palier mais au système à plusieurs paliers qui existait autrefois. Le système à plusieurs paliers est aujourd'hui un système à deux paliers avec la Convention sur les réfugiés et la Convention sur la torture, auxquels on ajoute l'examen avant le renvoi, puis l'appel devant les tribunaux, etc.

Ce qui pourrait poser un problème, ce serait le cas d'une personne ne méritant pas la protection du Canada. N'oubliez pas que, lorsque notre système s'est effondré, nous avions un nombre énorme de demandes de gens venant de pays comme le Portugal et Trinidad dont j'ai dû m'occuper et qui provenaient de l'arriéré précédent. À l'examen, fort peu de ces demandes, pour autant qu'il y en ait eu une seule, ont été jugées comme émanant de vrais réfugiés.

Le problème est que cela devient un cercle vicieux car, plus les gens de cette nature sont attirés au Canada parce qu'ils pensent que notre système de détermination du statut de réfugié prend trop de temps et qu'ils parviendront à rester même si ce ne sont pas vraiment des réfugiés, plus le système court à l'effondrement—et, ensuite, plus cela attire d'autres personnes. C'est un cercle vicieux dont on perd rapidement le contrôle.

Certains pays, par exemple en Europe, comme l'Ukraine, ont aujourd'hui un arriéré considérable. Je ne veux pas dire qu'ils sont confrontés à des demandes manifestement sans fondement, je dis simplement qu'il est très facile d'accumuler un arriéré. Plus on introduit de paliers dans le système, plus celui-ci devient inefficient.

Je conviens avec vous, monsieur le président, que l'idéal serait d'avoir un système rapide et efficient permettant de décider rapidement et définitivement mais avec justice, et tout en préservant la protection de la Charte et en accordant aux demandeurs tous les droits prévus par le système canadien.

Ce qui m'inquiète avec ce système, c'est que nous ne pourrons nous occuper que des gens qui méritent une protection rapide. Je crains que nous ne puissions pas nous occuper de ceux qui n'ont pas besoin d'une protection rapide. En fin de compte, ce sont eux qui risquent d'embouteiller tout le système.

Le président: Avez-vous une remarque à faire à ce sujet, Judith?

Mme Judith Kumin: C'est précisément le défi qu'évoquait le témoin de mardi, le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Ce sera effectivement un défi de mettre en place un système d'appel qui n'engendre pas de délais indus. Comme nous le pensons depuis 10 ans, nous estimons qu'établir un système d'appel est nécessaire si l'on veut instaurer une procédure complètement juste.

C'est précisément pour la raison qui a été mentionnée plus tôt, à savoir que l'on risque toujours de commettre des erreurs. Faire réviser une décision par une autre personne est une mesure de sauvegarde que nous croyons indispensable. Certes, nous espérons que l'introduction d'un mécanisme d'appel rapide sur documents amènera un moins grand nombre de personnes à avoir recours aux tribunaux pour demander une révision judiciaire, et que la Cour fédérale sera ainsi en mesure de traiter plus rapidement les demandes d'appel qui lui seront adressées, puisqu'elle saura que chaque demande a déjà fait l'objet de deux examens.

M. Firdaus Karas: Puis-je simplement ajouter, monsieur le président, que nous avions autrefois un système fondé sur les documents. C'était l'ancien Comité consultatif sur le statut de réfugié, le CCSR, qui a existé jusqu'à la création de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Avant l'arrêt Singh, nous avions simplement un appel. C'était l'examen sous serment. Après l'examen sous serment, le décideur pouvait effectuer une révision à partir des documents. Tout ce que je dis c'est que le processus s'est embouteillé, pour quelque raison que ce soit.

Le président: C'est le retour au futur.

Merci beaucoup de vos excellents témoignages.

La séance est levée.

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