ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 19 février 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.) |
Mme Elizabeth May (directrice exécutive, Sierra Club du Canada) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Mills (Red Deer) |
Le président |
M. Mills (Red Deer) |
Le président |
M. Reed |
¿ | 0930 |
Le président |
Mme Kraft Sloan |
Le président |
Mme Kraft Sloan |
M. Bob Mills |
Mme Karen Kraft Sloan |
Le président |
Mr. Herron |
M. Bob Mills |
Mr. Herron |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ) |
Le président |
M. Ed Wittingham |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Mme Kraft Sloan |
M. Ed Wittingham |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Lara Ellis (campagne Wildlands, Fédération canadienne de la nature) |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Joan Kuyek( coordonnatrice nationale, Mining Watch Canada) |
Le président |
Mme Joan Kuyek |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
Mr. Mills (Red Deer) |
À | 1015 |
Mme Elizabeth May |
Mr. Mills (Red Deer) |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Bernard Bigras |
À | 1020 |
Mme Elizabeth May |
M. Bernard Bigras |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. John Herron |
Mme Joan Kuyek |
M. John Herron |
Mme Elizabeth May |
À | 1025 |
M. John Herron |
Mme Joan Kuyek |
M. John Herron |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Reed |
Mme Joan Kuyek |
À | 1030 |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Ed Wittingham |
Le président |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
À | 1035 |
Mme Elizabeth May |
Mme Karen Redman |
Mme Joan Kuyek |
Mme Karen Redman |
Mme Joan Kuyek |
Mme Karen Redman |
Le président |
À | 1040 |
Mme Kraft Sloan |
M. Ed Wittingham |
Mme Kraft Sloan |
M. Ed Wittingham |
Mme Kraft Sloan |
Le président |
Madame Elizabeth May |
Mme Kraft Sloan |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Kraft Sloan |
Mme Elizabeth May |
À | 1045 |
Mme Kraft Sloan |
Mme Elizabeth May |
Le président |
Mme Joan Kuyek |
Le président |
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne) |
Mme Elizabeth May |
À | 1050 |
M. Ed Wittingham |
M. Roy Bailey |
Le président |
Mme Joan Kuyek |
À | 1055 |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD) |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Ed Wittingham |
M. Joe Comartin |
Mme Elizabeth May |
Á | 1100 |
Mr. Comartin |
Mme Elizabeth May |
M. Joe Comartin |
Mme Kraft Sloan |
M. Joe Comartin |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
Mme Elizabeth May |
M. Rick Laliberte |
Á | 1105 |
M. Ed Wittingham |
Mme Elizabeth May |
M. Rick Laliberte |
Le président |
Mme Kraft Sloan |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le mardi 19 février 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Le mot «indemnisation» résonne toujours dans nos oreilles, et il pourrait résonner encore pendant quelque temps, qui sait? Ce mot a certainement eu de nombreuses répercussions hier.
J'aimerais vous remercier pour les interventions que vous avez faites hier. Elles ont toutes contribué à nous faire mieux comprendre les différents points de vue, politiques et régionaux, de sorte que d'ici Pâques nous pourrons terminer notre examen des amendements.
Je voudrais faire deux petites annonces. Tout d'abord, la séance de jeudi est annulée, pour ainsi dire, car nous ne pouvons tout simplement pas faire les deux. Il nous est impossible d'être aux deux endroits, et il y aurait un chevauchement—à moins que vous ne demandiez le contraire, naturellement. Nous serons peut-être obligés de faire la même chose mardi prochain, selon les progrès que nous aurons accomplis d'ici jeudi soir. Le greffier surveille ce qui se passe tous les jours et apportera des modifications au besoin.
L'autre annonce concerne une visite de parlementaires de Hong Kong. Le programme a été distribué à tous. Nous les recevons à déjeuner aujourd'hui. Vous êtes plusieurs à avoir à exprimer le souhait de les accueillir. J'espère que le vote ne vous en empêchera pas et que vous serez en mesure d'être là, car nous connaissons très peu leur point de vue en tant que parlementaires. Comme vous le savez, lorsqu'on vient de loin, on veut rencontrer d'autres personnes, de sorte qu'ils tiennent beaucoup à établir des contacts. Le greffier vous a fait parvenir les renseignements à vos bureaux.
Aujourd'hui nous recevons un assez grand nombre de témoins en un seul groupe. Si les témoins sont d'accord, nous allons tout d'abord entendre Elizabeth May, et vous pourrez ensuite décider de quelle façon vous voulez procéder. Je vous demanderais d'être assez brefs lorsque vous nous ferez vos observations; cela nous permettra de faire un ou deux tours de table pour poser des questions, ce qui est habituellement plus intéressant que de simples monologues. C'est donc à vous de déterminer la durée de vos interventions.
Bienvenue à notre comité. Vous avez la parole.
Mme Elizabeth May (directrice exécutive, Sierra Club du Canada): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Merci. C'est toujours un honneur de comparaître devant votre comité. Je vous remercie également de l'excellent travail que vous avez fait relativement à d'autres projets de loi.
Les changements apportés au projet de loi à l'étude pourraient sembler assez modestes, en comparaison de ce qu'on aurait s'il s'agissait d'une toute nouvelle mesure législative, mais nous considérons le projet de loi C-19 comme étant extrêmement important car il donne l'occasion d'améliorer un régime qui est essentiel au développement durable et à la planification environnementale au Canada.
Je vais vous faire grâce des observations liminaires concernant le rôle de Sierra Club du Canada en matière d'évaluation environnementale, sauf pour dire que nous avons participé à toutes les étapes de l'élaboration de la LCEE et au processus d'examen quinquennal. Personnellement, j'ai tenté de faire en sorte que le Bureau du Conseil privé et le gouvernement du Canada approuvent le concept de l'évaluation environnementale établie par la loi lorsque je travaillais au Bureau du ministre de l'Environnement dans les années 80, et c'est à cause d'une question relative à l'évaluation environnementale que j'ai quitté le Bureau en question. Ce sont donc des questions qui ont joué un rôle très important dans ma vie personnelle, et qui me tiennent profondément à coeur.
Je ne voudrais pas répéter ce que vous ont déjà dit des spécialistes du droit de l'environnement qui vous ont présenté d'excellents mémoires très complets. Je voudrais simplement dire aux fins du compte rendu que le Sierra Club du Canada a examiné les mémoires qui vous ont été présentés par l'Association canadienne du droit de l'environnement, la West Coast Environmental Law Association, le Environmental Law Centre de l'Alberta et les recommandations spécifiques relativement aux parcs qui ont été présentées par le Sierra Legal Defence Fund, et que nous aimerions appuyer toutes ces propositions.
Ce que j'ai pensé faire, c'est vous donner une idée du monde réel, afin que vous puissiez en tenir compte lorsque vous examinerez les modifications. Naturellement, au fil des ans, nous avons remarqué que certains éléments de la LCEE, et auparavant, le décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation environnementale, créent essentiellement, un conflit d'intérêts, en ce sens que l'auto-évaluation signifie que c'est au ministère qui souhaite le plus qu'un projet se réalise, qu'il incombe de prendre toutes les décisions clés, dans la plupart des cas—parfois il y a un peu moins de liens de dépendance.
Nous avions vraiment donner notre appui aux engagements pris dans le livre rouge de 1993. J'ignore si vous vous en rappelez, mais la LCEE est l'un des ces projets de loi qui n'a été adopté qu'après une lutte très âpre. En fait, il avait été adopté au Sénat à l'époque du gouvernement Mulroney, et il attendait la sanction royale lorsque le gouvernement Chrétien est arrivé au pouvoir. Le livre rouge de 1993 nous avait donc donné beaucoup d'espoir car le gouvernement promettait que la CLEE recevrait la sanction royale, mais après l'avoir considérablement renforcée et avoir créé une Agence canadienne d'évaluation d'environnementale dont les fonctions ressembleraient davantage à celles du CRTC. Cela devait nous permettre de nous éloigner de l'auto-évaluation et de donner une certaine rigueur et un certain professionnalisme à cet organisme; cela créerait davantage de prévisibilité pour l'industrie et permettrait de prendre des décisions qui ne consisteraient pas simplement à donner des conseils à un ministre, car, si cette agence devait être comme le CRTC, ces décisions seraient exécutoires à moins qu'elles ne soient annulées par le conseil des ministres.
J'ai souvent regretté, pour de nombreuses raisons, que le gouvernement qui a appuyé le livre rouge n'ait pas accédé au pouvoir. Je ne sais trop comment cela s'est produit, parce que c'est pourtant ce gouvernement qui est arrivé au pouvoir. Quoi qu'il en soit, la suggestion de créer une agence semblable au CRTC en ce qui concerne la LCEE est essentielle et excellente, et je pense que c'est entièrement hors de la portée de l'examen du projet de loi C-19, ce qui est dommage, car ce sont là des changements fondamentaux qu'il serait à mon avis nécessaire d'apporter.
Une autre pierre angulaire de la LCEE qui est excellente est la disposition concernant la participation du public, mais encore une fois, en raison d'un manque de volonté politique, ni le régime d'évaluation environnementale comme tel ni, surtout ses engagements en matière de participation du public sont toujours respectés. Et c'est pourquoi, j'ai voulu insister sur ces deux cas particuliers. Je vais tenter de vous en parler assez brièvement, même si cela est difficile. J'aurais pu en choisir beaucoup d'autres. Je fais allusion à certains autres cas dans mon mémoire.
Nous pourrions parler de la décision de l'ACDI de financer une évaluation environnementale en vue de la construction d'un barrage à Bélize. On ne croirait pas nécessairement qu'il puisse s'agir là d'une mauvaise chose, mais si le financement de cette évaluation environnementale facilite la construction d'un mauvais projet, alors cette décision de financer l'évaluation environnementale aurait dû elle-même, à notre avis, faire l'objet elle-même d'une évaluation environnementale, ce qui n'a pas été le cas. Par exemple, le ministère des Pêches et des Océans envoie régulièrement des lettres dans lesquelles il conseille aux promoteurs d'éviter de déclencher une évaluation environnementale, afin de réduire au minimum l'évaluation environnementale nécessaire pour un projet. La décision de limiter l'évaluation environnementale à un simple pont qui traverse une rivière alors que pour construire ce pont, il faut abattre des centaines de milliers d'acres de forêts—voilà le genre de choses dont on parle. Sur la côte Est, nous avons une situation bizarre en ce sens que jusqu'à tout récemment, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers n'était pas du tout assujetti au régime d'évaluation environnementale. C'est quelque chose qu'on est en train de corriger, mais les modifications manquent toujours de muscle.
¿ (0910)
Pour gagner du temps, je n'aborderai que deux cas de figure. Dans le cas du premier, Sierra Club est toujours en instance devant les tribunaux. Il s'agit de la décision d'éviter de procéder à une évaluation environnementale lorsqu'on a décidé de financer la construction de deux réacteurs CANDU en Chine. L'historique du deuxième cas est une question beaucoup plus modeste, mais les faits dans cette affaire nous scandalisent. Il s'agit d'une petite—importante pour la région—exploitation d'aquaculture dans un petit port de l'île du Cap Breton. C'est un projet de Bounty Bay.
Je vais essayer de vous expliquer ces cas rapidement.
Certains parmi vous connaissent peut-être les grandes lignes du cas du réacteur CANDU. Je pense qu'il faut remonter à l'origine. Quand la LCEE a été adoptée, une différence très nette entre les dispositions de cette loi et le régime de lignes directrices précédent tenait au fait que la loi devait s'appliquer aux projets menés à bien à l'extérieur du Canada. Au départ, quand la LCEE est entrée en vigueur, on se disait que tout le régime d'évaluation environnementale prévu pour des projets nationaux, s'appliquait intégralement à tout ce qu'entreprenait l'ACDI ou tout autre ministère fédéral, comme le ministère de la Défense nationale.
Soit dit en passant, le ministère de la Défense nationale a pris les choses tout à fait au sérieux et a fait des évaluations environnementales lorsqu'il s'est agi de creuser des tranchées en Bosnie. Les travaux entrepris ont donc été visés de cette façon. Un officier très impressionnant était en charge du processus d'évaluation environnementale.D'autres ministères n'ont pas été à la hauteur même si l'ACDI a elle aussi fait des efforts pour appliquer le processus d'évaluation environnementale.
Les sociétés d'État, vous le savez, ont été traitées tout à fait différemment. Je pense que sur le plan juridique on peut faire valoir qu'il n'y a aucune raison que les sociétés d'État échappent à l'application de la LCEE en attendant que des règlements soient pris.
Je tiens à ajouter, pour mémoire, que les responsables de l'évaluation environnementale au Canada ont été impeccables, sur le plan de la consultation et de la participation du public, par l'intermédiaire du Comité consultatif de réglementation et d'autres organismes. Pendant ce temps, un sous-comité de ce comité consultatif de réglementation a été créé pour étudier les projets devant être exécutés à l'extérieur du Canada.
En 1993, le Sous-comité sur les projets hors Canada a été constitué. J'y ai siégé, aux côtés de représentants des organismes nucléaires canadiens, des exportateurs canadiens, des ONG s'occupant de développement et d'autres ministères. Nous avons travaillé jusqu'en septembre 1995, alors que nous avons signé une réglementation pour rationaliser le processus d'évaluation environnementale pour les projets hors Canada.
J'ai sous la main, pour la gouverne des membres du comité, l'ébauche originale de la recommandation. Tous ceux qui siégeaient au comité, représentant divers intérêts, sont tombés d'accord et le règlement a été paraphé par le comité consultatif plénier. Les exigences aux termes de la LCEE avaient été nettement diluées. Certains écologistes se disaient—et je représentais le réseau canadien de l'environnement au sein de ce caucus, aux côtés de quelqu'un d'autre—que nous étions allés trop loin dans la rationalisation.
Toutefois, nous avions maintenu dans l'ébauche de la réglementation le droit du public canadien d'évaluer l'information, de voir le document d'évaluation environnementale, de tout projet exécuté à l'extérieur du Canada et de déposer des commentaires écrits. Il s'agissait d'un processus raccourci, mais je pense qu'il respectait l'essentiel de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Nous avons donc paraphé le Règlement sur les projets hors Canada en septembre 1995, et à ce moment-là il ne s'est rien passé. Il ne s'est rien passé pendant plus d'une année.Je n'ai jamais révélé les détails de ce qui s'est déroulé alors mais je pense qu'il faut que je le fasse maintenant.
Le 5 novembre 1996, je suis arrivée à mon bureau pour trouver un message téléphonique très troublant. Quelqu'un d'un ministère m'avait téléphoné et avait laissé un message anonyme et compliqué à une bénévole qui n'avait pas l'habitude de prendre les messages. Cette personne avait répété trois ou quatre fois le message qui disait que le Cabinet était sur le point d'émasculer les projets hors Canada et que les principaux articles du règlement qui exigeaient une étude exhaustive des mégaprojets se déroulant à l'extérieur du Canada allaient être entièrement supprimés; qu'une version diluée et révisée du Règlement sur les projets hors Canada allait être présentée au Cabinet pour approbation le lendemain soir lors d'une séance spéciale du Cabinet.
Je n'en croyais pas mes oreilles. C'était un message anonyme. Parfois, quand on connaît la situation et qu'on peut donner des coups de téléphone, on peut obtenir assez facilement des confirmations. Ensuite, lors de conversations avec des gens de quatre organismes gouvernementaux différents, j'ai reçu la confirmation que le cabinet du premier ministre venait d'être avisé que le financement à hauteur de 1,5 milliard de dollars pour la vente de deux réacteurs CANDU 6 de 700 mégawatts à la Chine déclencherait une évaluation environnementale aux termes de la LCEE. On avait conclu que le temps manquait pour mener à bien cet examen des réacteurs et de la vente à Qinshan en Chine, avant la participation du premier ministre à la cérémonie de signature qui devait se dérouler à Shanghai le 26 novembre 1996, c'est-à-dire 20 jours plus tard.
L'adoption du Règlement sur les projets hors Canada où ne figurait plus l'examen obligatoire ou la participation du public à des projets figurant sur la liste globale était la solution d'urgence qu'on avait retenue. Le 6 novembre 1996, le Cabinet a approuvé ce que j'estime être un règlement sur les projets hors Canada détourné.
¿ (0915)
Le lendemain, 7 novembre, le Règlement sur les projets hors Canada a reçu la sanction royale sans avoir été auparavant publié dans la Gazette du Canada et sans la période habituelle de 60 jours permettant au public de réagir. Le 26 novembre, à Shanghai, le premier ministre a été témoin de la signature de ce marché qui pouvait compter sur le prêt externe le plus important de l'histoire du Canada. Le 27 novembre, le règlement sur les projets hors Canada était publié dans la Gazette du Canada. Il avait été en vigueur pendant 20 jours sans avoir été rendu public.
Un peu plus tard, à une époque dont je ne parle pas en détail dans le mémoire, nous avons écrit aux ministres responsables de la décision concernant le financement—le ministre du Commerce international et le ministre des Finances—et nous avons demandé que l'on procède à une évaluation environnementale de leur décision. Quand cette demande adressée aux ministres a été rejetée, nous avons saisi l'occasion pour déposer une requête devant la Cour fédérale du Canada, et cela se passait le 20 janvier. C'était la date limite et nous avons déposé une requête pour examen judiciaire en Cour fédérale, division de premier instance. Les intimés étaient le ministre des Finances et le ministre du Commerce international, dont la signature était obligatoire en vertu de la Loi sur les exportations pour garantir 1,5 milliard de dollars tirés du Trésor public du gouvernement du Canada et versés au compte du Canada. Notre principal argument était que la garantie de prêt à hauteur de 1,5 milliard de dollars relevait des dispositions sur le financement qui figurent à l'article 5 de la LCEE et déclenchait donc l'obligation de procéder à une évaluation environnementale.
Le résultat de cette solution de facilité choisie pour contourner l'élément embêtant du règlement, perdure. En vertu de la réglementation sur les projets hors Canada, les projets mineurs—y compris par exemple un système de gestion du fumier dans une ferme d'autruches encore en Chine, —ont fait l'objet d'évaluations environnementales en vertu de la loi mais les réacteurs nucléaires et les super-barrages, par exemple, en sont exemptés. C'est un résultat absurde qui découle de la situation difficile dans laquelle le cabinet du premier ministre se trouvait à ce moment-là.
Quant à notre organisation, croyez-le ou non, nous sommes toujours au tribunal. L'affaire n'est pas brûlante d'actualité mais nous avons déposé plus de 14 requêtes différentes et nos comparutions au tribunal nous ont coûté plus de 100 000 $ jusqu'à présent.
En avril 1998, quinze mois après avoir déposé notre demande d'examen judiciaire, la société d'État EACL, que nous ne considérons pas comme intimé dans l'affaire, a demandé au tribunal de lui permettre de participer aux instances en tant qu'intimé. Le tribunal a refusé cette requête mais a accordé à la société la qualité d'intervenant et l'EACL s'est dès lors employée à faire ralentir les progrès de notre affaire.
L'EACL a tout d'abord contesté notre droit de porter l'affaire devant les tribunaux. La société a perdu, mais il a fallu pour cela bien des interventions au tribunal et vous pouvez imaginer le travail que cela a représenté. La société a ensuite essayé de faire annuler notre plaidoyer, mais elle a encore une fois perdu. Elle a ensuite demandé la permission de déposer des preuves de l'évaluation environnementale menée à bien en Chine en vertu de la loi chinoise à la condition que ces renseignements demeurent confidentiels, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas s'y référer dans un jugement éventuel et nos avocats seraient tenus de traiter le serment de ne pas révéler le contenu de l'évaluation environnementale chinoise des réacteurs de Qinshan. Bien entendu, nous n'avons pas accepté.
La division de première instance de la Cour fédérale a convenu avec nous que l'intérêt public, dans des audiences publiques, ne pouvait pas être supplanté par les intérêts commerciaux de l'EACL. La division d'appel nous a également donné raison. Malheureusement pour nous, la Cour suprême du Canada a accordé le droit d'interjeter appel à la société EACL, et nous sommes donc allés jusqu'à la Cour suprême du Canada sur des questions préliminaires.
Le 6 novembre 2001, cinq ans, jour pour jour, après que le cabinet eut émasculé le règlement sur les projets hors Canada, la question d'introduire les renseignements découlant de l'évaluation environnementale chinoise confidentielle devant les tribunaux canadiens a été entendue à la Cour suprême. Nous attendons encore l'arrêté de la Cour suprême. Pour l'heure, le bien-fondé de notre cause ne sera peut-être pas entendu d'ici au moins une autre année, et, comme si j'avais besoin de le rappeler, les réacteurs Qinshan sont sur le point d'être terminés.
La dure réalité politique fait que lorsque les autorités constituées veulent mener à bien un projet, l'examen environnemental est considéré comme un obstacle. L'examen environnemental et la participation du public sont alors bafoués. Si vous voulez des preuves supplémentaires, veuillez vous reporter à un mémoire au cabinet communiqué clandestinement aux médias et que ces derniers ont révélé en novembre 1997. Le document portait sur la réunion du cabinet du 24 avril 1997, où il était question de l'éventuel financement de réacteurs nucléaires en Turquie. Le Cabinet a approuvé le financement dans des conditions identiques à celui des réacteurs de Qinshan: 1,5 milliard de dollars et une garantie de prêt grâce au compte du Canada, sans examen environnemental. Ce que je trouve particulièrement scandaleux c'est que le Cabinet a poursuivi en abordant la question du litige actuel qui l'oppose au Sierra Club du Canada.
Selon ce que l'on pouvait lire dans les journaux, le document du Cabinet révélait que le ministère de la Justice avait donné le conseil suivant: «sa position n'est pas solide et la Cour fédérale pourrait très bien décider en faveur du Sierra Club».
¿ (0920)
Contre toute attente, le cabinet a décidé de concevoir une évaluation environnementale fantôme pour la vente à la Turquie, laquelle pouvait être transformée rapidement en un examen qui respecterait les exigences de la LCEE, si nous obtenions gain de cause au tribunal. Au bout du compte, la Turquie a décidé de ne pas se munir du nucléaire, à notre grand soulagement, et au soulagement de la Grèce également. De toute façon, voilà le genre de choses qui se passent. Par conséquent, je pense qu'il est indéniable que la stratégie employée ici vise à notre déconfiture financière, ce qui risque fort d'arriver. Encore une fois, l'intérêt public est bafoué.
Nous avons soulevé une grave question. Nous avons fait plus qu'il ne fallait. Il a été très difficile de poursuivre l'affaire au tribunal, de trouver les fonds nécessaires. Si nous avons persévéré, ce n'est pas seulement parce que nous n'aimons pas l'idée qu'il y ait des réacteurs nucléaires en Chine, mais parce que nous trouvons tout à fait scandaleux que le système d'évaluation environnementale soit ainsi violé—et il n'y a pas de mot pour décrire la façon dont le processus est bafoué car, voyant qu'il constituait un empêchement, on s'en est débarrassé.
Je pense que le comité peut intervenir. Le tribunal va peut-être trancher la question pour nous, en temps utile, mais entre-temps, nous pourrions préciser les choses. Je sais que la Société pour l'expansion des exportations relève de sa propre loi. Nous appuyons les recommandations de l'Association canadienne du droit de l'environnement qui préconise que le projet de loi C-31 soit étudié par votre comité afin de veiller à ce qu'il soit conforme à la LCEE.
On pourrait tout aussi facilement, à mon avis, cité dans les dispositions de la loi les articles de la Loi sur l'expansion des exportations et ceux de la Loi sur la gestion des finances publiques qui exigent que les ministres autorisent les prêts accordés par le gouvernement du Canada, par la population du Canada afin qu'ils soient visés par un examen.
Permettez-moi de parler rapidement du deuxième cas d'espèce. Je ne vais vous en donner que les grandes lignes.
L'exploitation aquicole d'élevage intensif de moules au Cap-Breton est une affaire qui nous préoccupe en temps qu'organisation nationale, à la fois parce que nous y avons des membres locaux mais aussi parce que cela serait la plus grosse exploitation aquicole d'élevage de moules au Canada. L'exploitation est très intensive. L'écosystème est limité et vulnérable. Ce que je veux vous signaler, parce que j'ai trouvé la chose extraordinaire, c'est que le Bureau de la région de l'Atlantique du ministère des Pêches et des Océans a accepté , comme l'exigeait l'entrepreneur, que l'évaluation environnementale comporte l'avertissement suivant: «Ce rapport qui est la propriété de Bounty Bay Shellfish Inc. ne doit pas être diffusé et/ou copié sans la permission des propriétaires dont le nom figure plus haut.» Le rapport n'est pas disponible. On l'a offert dans seulement cinq endroits du Cap-Breton. Nous sommes une organisation nationale et nous voulions en prendre connaissance mais nous n'avons pas pu. La population locale devait aller le consulter dans un lieu public, et reconnaître par la signature qu'on leur avait donné la permission de le consulter, et on les surveillait pour s'assurer qu'ils ne copiaient aucun passage de ce rapport.
La LCEE peut très bien accorder des droits au public pour qu'ils participent au processus mais à moins qu'on ne les précise très clairement et à moins que l'exécution de la loi ne soit assortie de sanctions, les résultats peuvent se révéler tout à fait absurdes. Si nous n'étions pas intervenus dans cette affaire, je ne pense pas que qui que ce soit à l'agence aurait été au courant.
L'agence se prépare à garder un registre des renseignements recueillis et elle disposera d'un coordonnateur de sorte qu'on peut parler de progrès dans les dispositions du C-19. Mais si je devais vous laisser un seul message aujourd'hui, je vous dirais que la loi ne sera jamais assez bien ficelée pour empêcher les gens de la contourner. Rappelez-vous cela quand vous examinerez chaque article. Des choses incroyables vont se produire. Il vous appartient de vous en occuper.
Je tiens à vous remercier de m'avoir écoutée et je vous remercie du travail minutieux que vous allez accomplir en examinant le projet de loi C-19. J'ajouterai que même si le rôle d'activiste défenseur de l'environnement au Canada est un rôle difficile, je pense qu'il est encore plus décourageant d'être député, quand on voit le produit de délibérations intenses et difficiles rejeté par le gouvernement. Au nom de nos milliers de membres, je termine en remerciant tous les membres du comité, plus particulièrement son président, pour leur dévouement et leur engagement à l'égard du public et de la viabilité environnementale.
Merci.
¿ (0925)
Le président: Merci.
Avant de passer au témoin suivant, je voudrais profiter du fait que nous avons le quorum pour présenter une motion de Bob Mills, vice-président du comité, concernant ce qui va se passer à Vancouver au mois de mars. Voulez-vous en parler?
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
J'ai regardé le programme et les détails qui concernent cette conférence. Puisque Kyoto aura un tel impact sur nous et sera au coeur des discussions, il me semble que ce serait là une bonne occasion de s'intéresser aux énergies de remplacement et aux choix qui pourront s'offrir à nous à l'avenir. Cette conférence se déroulera du 13 au 15 mars. C'est une foire commerciale, 60 pays y exposant leur technologie pour le développement durable de l'avenir
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je vous donne tous les détails. Je pense qu'il serait bon que certains membres du comité assistent et participent à ces conférences. Nous entendrons sans doute des exposés passionnants et ce sera l'occasion de voir ce que le reste du monde fait sur le plan des énergies de remplacement, de la conservation, etc.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'ajouter quoi que ce soit. La conférence portera sur la façon de réduire les déchets, sur le nouvel éco-design et sur une multitude d'autres sujets. Je pense que nous pouvons assumer les frais de déplacement jusqu'à Vancouver mais je propose que le Comité de l'environnement s'occupe de frais de séjour.
Le président: Vous devez présenter une motion.
M. Bob Mills: Je propose que le Comité permanent de l'environnement et du développement durable demande l'autorisation de se rendre à Vancouver, Colombie-Britannique, du 12 au 16 mars 2002, relativement à une conférence organisée par Globe 2002 et intitulée Mondialisation des affaires... Marché mondial pour des solutions environnementales.
Le président: Je vous remercie.
Y a-t-il des questions ou des observations?
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): L'idée me semble bonne, monsieur le président.
¿ (0930)
Le président: Merci.
Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Monsieur le président, la Chambre siège cette semaine-là, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
Mme Karen Kraft Sloan: Est-ce que nous nous y rendrions en tant que comité ou simplement quelques représentants ou... Faudra-t-il obtenir la permission?
M. Bob Mills: Je pense qu'il appartient au comité d'en décider. Que nous y allions à un, deux, cinq ou à plusieurs, ce sera bon pour nous.
Mme Karen Kraft Sloan: Bien sûr. Monsieur Mills, allez-vous rester dans la suite de réception?
Le président: Monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy--Royal, PC/RD): Ai-je bien compris la motion de M. Mills, à savoir que le billet d'avion ne serait pas couvert?
M. Bob Mills: C'est cela.
M. John Herron: D'accord.
Le président: Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Si je comprends bien, une demande doit être faite et elle doit être approuvée par les leaders à la Chambre. Donc, est-ce que la demande sera faite pour tous les députés membres du comité? C'est ce que je comprends.
Le président: Pour tous ceux qui veulent y aller.
[Traduction]
Voyons qui cela intéresse; que ceux qui voudraient y aller lèvent la main.
Cela représente un quart ou un tiers des membres du comité.
(La motion est adoptée)
Le président: Merci.
Nous passons à M. Wittingham.
M. Ed Wittingham (directeur, Banff Environmental Action and Research Society): Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, au nom de la société BEAR et de UTSB Research, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter notre mémoire qui porte sur le projet de loi C-19. Je pense que vous avez reçu copie de notre mémoire.
[Français]
Parce que j'habite dans l'ouest du Canada, à Banff, je n'ai pas beaucoup d'occasions de pratiquer mon français. Alors, aujourd'hui, je vais faire ma présentation tout en anglais.
[Traduction]
La Société BEAR est un groupe de conservation à but non lucratif voué à la préservation de l'habitat sauvage dans les Rocheuses canadiennes. UTSB Research est une société de conservation à but non lucratif qui fournit des conseils aux particuliers, aux entreprises, au gouvernement et à d'autres groupes à but non lucratif, tout comme la Société BEAR. Au total, la Société BEAR et UTSB Research ont examiné environ 150 évaluations environnementales portant sur les parcs situés en montagne dans l'Ouest canadien, et nous avons soumis des observations écrites sur quelque 50 d'entre elles. Nous estimons que cette vaste expérience des évaluations environnementales nous permettra d'éclairer le comité sur la portée réelle de la participation du public à diverses étapes d'une évaluation environnementale. J'aimerais donc commencer par vous parler de ce point même, c'est-à-dire de la participation du public.
Je vous signale que la principale autorité responsable dans le cas des parcs de montagne est Parcs Canada. Lorsque je parlerai de l'administration responsable, je ferai donc allusion à Parcs Canada.
De façon générale, on peut dire que Parcs Canada sait comment solliciter la participation du public aux évaluations environnementales. Le service sollicite notamment notre participation par voie électronique, ce qui est pratique pour un organisme comme le nôtre. Malheureusement, on ne peut pas dire que Parcs Canada excelle dans ses méthodes, dispose de lignes directrices ou donne des conseils au public sur la façon de présenter ses observations pour qu'il en soit tenu compte dans l'évaluation environnementale. Ce genre de conseils aideraient cependant des groupes comme le nôtre à participer au processus de la façon la plus efficace possible.
Par conséquent—et je vais ici condenser le contenu de notre mémoire écrit—, nous voudrions formuler la recommandation suivante. Nous appuyons la modification proposée au paragraphe 10(2) qui vise à améliorer l'uniformité ainsi que la portée de la participation publique aux examens préalables. Comme pour l'ensemble du projet de loi C-19, nous sommes cependant d'avis que la modification pourrait aller plus loin. Nous attirons votre attention sur une recommandation faite par le CCR dans le rapport qu'il a soumis au ministre. Il s'agit de la recommandation numéro 3 qui a fait l'objet d'un consensus et qui portait sur la question numéro 21. Je crois qu'un membre du CCR a d'ailleurs comparu devant le comité la semaine dernière ou la semaine précédente. Le CCR a recommandé l'élaboration de lignes directrices régissant la participation du public aux examens préalables, et a, en particulier, précisé comment la participation du public doit être prise en compte lorsqu'elle est appropriée, comment en établir la portée et aussi comment établir si cette participation était significative comme le prévoit la loi. Il s'agit évidemment d'un terme subjectif et nous recommandons que le comité envisage de définir exactement ce qu'on entend par participation significative du public.
J'aimerais faire d'autres recommandations portant sur les dispositions du projet de loi C-19. La première recommandation porte sur l'article 7 qui traite des arrêtés et des injonctions ministérielles. Nous nous réjouissons que le gouvernement propose cet article qui, s'il avait été en place, aurait été utile. Cet article pourrait cependant aller plus loin et je vous donnerai des précisions à cet égard dans un instant après vous avoir donné un exemple précis de la façon dont il aurait été utile.
À la page 5 du mémoire, vous trouverez un dessin humoristique. Comme la reproduction n'est pas très bonne, je devrai vous l'expliquer. En 1996, on a proposé d'ouvrir une nouvelle piste de ski du nom de Waterfall, au lac Louise dans le Parc national de Banff et il aurait fallu dégager une zone et couper des arbres pour l'aménager. On a coupé ces arbres avant qu'on ait décidé qu'il était nécessaire de procéder à une évaluation environnementale. Cette oeuvre d'un dessinateur d'animation locale montre comment on aurait pu réparer le tort causé si le projet avait été rejeté. Comme l'image n'est pas claire, je vais vous expliquer le dessin. On voit des troncs d'arbres et des arbres coupés sur lesquels figurent des numéros correspondants. On veut évidemment laisser entendre que si Parcs Canada avait décidé de rejeter le projet, le promoteur aurait sans doute recollé l'arbre à son tronc. C'est évidemment absurde. Cela ne peut être fait.
Lorsque des projets semblables sont mis en oeuvre avant qu'on ait décidé s'il faut procéder à une évaluation environnementale, le public perd énormément confiance dans le processus. Cela n'incite pas non plus le public à participer au processus d'évaluation environnementale ou à le respecter. Soit dit en passant, l'histoire se répète actuellement avec le plan de développement communautaire du lac Louise. Ce plan régit la croissance de la région du lac Louise.
¿ (0935)
Ce plan a reçu l'approbation ministérielle en juin 2001 sous réserve de l'approbation législative prévue en vertu de la Loi sur les parcs nationaux, à savoir la Loi sur les parcs nationaux du Canada. L'article 34 de la loi énonce spécifiquement que les plans communautaires doivent être soumis à la Chambre. Ils doivent être renvoyés au comité pour que les parlementaires aient l'occasion de les examiner et de les évaluer. Certains parlementaires pensent peut-être comme nous que la région du lac Louise est suffisamment développée.
Nous avons appris pas plus tard que la semaine dernière que les planificateurs principaux de Parcs Canada estiment que le plan est acceptable. Ils ont pris cette décision avant même qu'un comité comme le vôtre se penche sur la question, monsieur le président.
Compte tenu des exemples que je viens de vous donner, nous recommandons que le comité amende le nouvel article 11.1—je suis maintenant à la page 6 de mon mémoire—de manière à ce que non seulement le ministre, mais aussi le public puissent recourir à des injonctions pour empêcher la mise en chantier des projets qui ne sont pas conformes à la LCEE.
J'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet de l'article 8 qui propose d'ajouter un nouvel article 12.2 à la loi. Cet article oblige le coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale de veiller au recensement des autorités disposant éventuellement des connaissances voulues touchant le projet.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple se rapportant aux parcs de montagne et qui montre comment cet article leur aurait été utile s'il avait été en place. En janvier 2001, lors de l'évaluation environnementale portant sur l'usine de traitement des eaux usées du lac Louise, le responsable des sciences aquatiques du Parc national de Banff a présenté un rapport, qui ne lui avait pas été commandé, dans lequel il exprimait des doutes au sujet de l'incidence du développement prévu de la région sur les écosystèmes aquatiques et par la suite sur l'intégrité écologique du parc de Banff ainsi que sur des secteurs situés à l'extérieur des frontières du parc. Son rapport étudie en particulier l'incidence de ce développement sur la rivière Bow qui traverse le parc ainsi que des collectivités comme Canmore et Calgary pour aboutir dans les Prairies.
Son rapport a ensuite fait l'objet de la question Q-17 en date du 21 février 2001 inscrite au Feuilleton de la Chambre. Le rapport que le responsable des sciences aquatiques a présenté de son propre chef n'était pas très favorable au développement prévu dans le plan communautaire du lac Louise.
Nous regrettons d'informer le comité, monsieur le président, que le responsable en chef des sciences aquatiques à Banff n'est plus responsable du dossier du lac Louise bien que ses préoccupations soient partagées, entre autres personnes, par M. David Schindler, que certains d'entre vous reconnaissent peut-être comme l'un des plus éminents biologistes aquatiques du Canada.
La recommandation que nous formulons vise encore une fois à éviter que des situations semblables se produisent puisqu'elles font perdre confiance au public dans le processus d'évaluation environnementale. Je vous renvoie au premier passage en caractère gras à la page 7 de mon mémoire. Nous demandons au comité d'amender le nouveau paragraphe 12.4(1) de manière à faire des parcs nationaux un autre domaine de compétence prescrite dans lequel l'Agence canadienne d'évaluation environnementale soit le coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale. Cet amendement garantirait que le coordonnateur relèverait du ministre de l'Environnement plutôt que de Parcs Canada.
Vous pourriez vous demander pourquoi cela devrait être le cas. Je vais vous fournir deux raisons. Premièrement, Parcs Canada est à la fois le promoteur et l'autorité responsable dans 25 p. 100 des évaluations environnementales effectuées dans le parc national de Banff. Comme vous pouvez vous l'imaginer, cela place Parcs Canada dans une situation de conflit d'intérêts.
Deuxièmement, après qu'on eu réduit de 25 p. 100 le budget de Parcs Canada en 1996, le service a dû trouver d'autres moyens de générer des revenus. Deux de ces moyens consistaient à faire en sorte que les gens demeurent dans le parc plus longtemps et qu'ils le visitent aussi pendant la saison morte, c'est-à-dire à l'automne et au printemps, ce qu'ils ne faisaient pas normalement. À notre avis, cela encourage Parcs Canada à trouver des projets qui ont cet objectif. L'objectif du Centre des congrès de sept étages qu'on propose de construire au lac Louise dans le parc national de Banff vise exactement à amener des gens dans le parc pendant la saison morte.
Le fait que le coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale relève de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale plutôt que de Parcs Canada dissipera l'impression que Parcs Canada encourage les projets de développement et évitera également les situations de conflits d'intérêts potentiels.
¿ (0940)
J'aimerais vous parler brièvement de l'article 26 sur le registre canadien sur l'évaluation environnemental. Je suis à la page 8 de mon mémoire.
Dans la société BEAR et UTSB Research ont bénéficié du fait qu'ils ont été avisés par courrier électronique que les rapports préalables sur le parc national de Banff étaient affichés sur le Web. Des groupes comme le nôtre continuent cependant d'utiliser des copies papier ou des CD-ROM de la loi en raison du fait qu'il est plus facile de consulter de cette façon une loi de cette taille ou pour éviter les pépins électroniques.
Je peux vous donner un exemple d'actualité. Ce volumineux rapport d'évaluation environnementale—il compte de nombreuses pages—a été rendu public le 11 février dernier. Le rapport évalue les conséquences environnementales de l'octroi d'un permis d'approvisionnement en eau au Château Lac Louise pour pouvoir approvisionner le Centre des congrès dont j'ai parlé. Il s'agit d'un rapport de 340 pages. Il est tellement volumineux qu'il ne peut pas être condensé en format PDF de sorte qu'il ne peut pas être affiché sur le Web. Il a fallu en faire des copies papier. Ma collègue, Elizabeth May, vous a dit combien il lui avait été difficile d'en obtenir un exemplaire. J'ai ici l'un des dix exemplaires qu'on peut consulter dans trois endroits. On ne peut pas normalement sortir un exemplaire à l'extérieur de Banff. Il faut consulter le rapport sur place. On peut heureusement en transcrire des parties puisque le rapport ne fait l'objet d'aucun droit d'auteur et je peux donc vous fournir ces extraits.
Si la loi et le registre ne sont accessibles que par voie électronique, nous craignons que cela nuise à la capacité des Canadiens de participer aux évaluations environnementales ce qui nuira par conséquent au processus lui-même.
Mme Karen Kraft Sloan: Pourriez-vous répéter cela? Avez-vous dit que cela nuirait à la participation du public? Comment une version électronique nuirait-elle à la participation du public?
M. Ed Wittingham: Non, mais ce serait le cas s'il n'existait qu'en format électronique. Nous recommandons que l'on garde le registre actuel mais qu'on y ajoute un registre électronique comme le propose la loi.
Toutefois, nous pensons qu'il est essentiel de garder des copies papier des rapports d'évaluation environnementale comme ceux-ci et d'aller plus loin que le projet de loi C-19 et de s'assurer que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) exige que les administrations responsables fournissent des copies papier de tous les documents à ceux qui en feront la demande dans des délais raisonnables.
Pour ce rapport d'évaluation environnementale, bien qu'il n'ait que 340 pages, une période de 15 jours est prévue. Normalement, Parcs Canada accorde 14 jours. Nous avons demandé une prolongation et on a obtenu 15 jours.
Enfin, j'aimerais terminer en vous donnant matière à réflexion. Nos deux groupes ont constaté que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale va à l'encontre et nuit à l'efficacité des autres lois environnementales dans nos parcs nationaux. Je comprends qu'il y ait conflit, qu'il y ait perte d'efficacité lorsque l'on songe que la LCEE et la Loi sur les parcs nationaux du Canada ont des mandats différents. Monsieur le président, comme le savent probablement les membres du comité, la Loi sur les parcs nationaux du Canada place en tête des priorités l'intégrité écologique dans toute prise de décision dans les parcs nationaux, alors que la LCEE porte plutôt sur le développement durable. Et il s'agit d'atteindre un équilibre sans mettre fin au développement.
Si nous envisageons la chose en termes de hockey, monsieur le président, pardonnez-moi cette analogie, mais songez à la partie de dimanche entre le Canada et l'Allemagne. Lorsqu'une équipe est à cette hauteur au niveau du talent et de la force et que l'autre équipe est ici en bas, il peut se produire une de deux choses. L'équipe la plus faible peut atteindre la compétence et la force de l'équipe plus forte, ou comme ce fut le cas lors de la partie de dimanche, l'équipe plus forte peut jouer au niveau de l'équipe plus faible.
Nous pensons que c'est ce qui se produit dans nos parcs nationaux avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et la Loi sur les parcs nationaux du Canada, dont les mandats contradictoires affaiblissent en fait la Loi sur les parcs nationaux.
Une chose à laquelle nous aimerions que l'on accorde une plus grande attention, monsieur le président, c'est l'adoption d'une loi d'évaluation environnementale distincte qui viserait à protéger des territoires tels que nos parcs nationaux, qui d'ores et déjà sont protégés dans une plus grande mesure. Cependant, ce n'est pas ce que nous proposons dans le cadre de l'examen de ce projet de loi C-19, en fait nos recommandations se situent à deux niveaux.
D'abord, nous recommandons d'adopter les amendements proposés par le Sierra Legal Defence Fund à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui se trouvent au tableau 7 de son mémoire, à savoir l'application de la loi s'applique dans les parcs nationaux. Je sais que mon collègue de la Fédération canadienne de la nature vous parlera plus tard de l'intégrité écologique et de l'importance d'avoir dans les parcs nationaux des groupes de maintien de cette intégrité écologique et il vous parlera du processus de la LCEE.
Notre dernière recommandation, c'est que le comité modifie le projet de loi C-19 afin d'y prévoir un examen obligatoire au bout de cinq ans ainsi qu'un processus de consultation, comme l'exige la loi actuelle de façon à nous permettre de continuer à proposer des possibilités tentantes comme l'adoption éventuelle d'une législation distincte d'évaluation environnementale pour des régions protégées.
¿ (0945)
Le président: Merci, monsieur Whittingham.
Nous entendrons maintenant Mme Ellis.
Mme Lara Ellis (campagne Wildlands, Fédération canadienne de la nature): Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à prendre la parole sur une question à propos de laquelle j'ai acquis beaucoup d'expérience au cours des 10 dernières années.
Je m'occupe des questions qui touchent les parcs nationaux pour la Fédération canadienne de la nature. Notre fédération compte 40 000 sympathisants, y compris 100 organisations affiliées, d'un océan à l'autre. Nous faisons également partie de Birdlife International. La Fédération canadienne de la nature s'occupe depuis longtemps des parcs nationaux et à ce titre,nous avons contribué à protéger ou à créer de nombreux parcs nationaux, et nous avons également participé à des nombreux dossiers concernant l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada.
Aujourd'hui, j'ai l'intention d'être brève car je sais que vous avez déjà entendu des témoignages sur cette question en particulier de Jerry DeMarco du Sierra Legal Defence Fund.
Après des années de travail, la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada a publié son rapport en l'an 2000. Ce rapport a formulé entre autres des recommandations à propos de la modification de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. La Commission a formulé ces recommandations parce que dans le cadre de son programme de travail, elle a reconnu qu'un grand nombre des stress auxquels sont soumis nos parcs nationaux proviennent non seulement d'activités internes—mon collègue de la BEAR Society en a donné certains exemples—mais aussi d'activités qui sont externes aux parcs nationaux. Parmi ces stress figurent la disparition d'habitat, la fragmentation d'habitat, la disparition de grands carnivores, la pollution atmosphérique, les pesticides, les espèces exotiques et la surutilisation. Bien que la nouvelle Loi sur les parcs nationaux du Canada traite d'un grand nombre de ces questions, elle ne peut pas s'occuper des problèmes qui existent à l'extérieur des limites des parcs. Tous nos parcs nationaux ont signalé que leur intégrité écologique était soumise à des stress, à l'exception du parc Vuntut, qui se trouve dans l'extrême nord-ouest du pays.
Nous nous sommes réjouis des recommandations formulées par la commission, car nous considérons qu'elles contribueront dans une bonne mesure à régler ces problèmes, et nous avons été très heureux lorsque la ministre Sheila Copps a accepté ces recommandations. Nous avons été un peu découragés en constatant qu'elles n'avaient pas été incluses dans le projet de loi C-19, et nous comprenons, après y avoir réfléchi, qu'il s'agissait simplement d'un oubli, comme Jerry DeMarco l'a mentionné dans son exposé.
J'aimerais simplement vous donner un aperçu d'une situation en particulier dont je m'occupe à l'heure actuelle et qui pourrait être à notre avis nettement améliorée si la LCEE était modifiée pour qu'on y intègre les recommandations de la Commission. Le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard est ce que nous considérons être le parc national le plus menacé du Canada. Il ne couvre qu'une superficie de 18 kilomètres carrés et accueille près de 35 000 visiteurs par kilomètre chaque année. Ce parc représente un habitat important pour les populations de pluvier siffleur, une espèce en péril à l'échelle mondiale. Le parc a eu la chance de faire une nouvelle acquisition, l'Annexe des dunes de Greenwich, qui est en très bon état. On y trouve des écosystèmes de dunes et de plages de très grande qualité. L'année dernière, un projet de développement a été proposé tout près de la nouvelle acquisition du parc. Le projet prévoit la construction d'un hôtel de 150 chambres et d'un restaurant, plus de 900 unités ou condos de multiples propriétés, un parcours de golf de 18 trous, et 8,5 kilomètres de sentiers de randonnée et de piste cyclable. Le promoteur de ce complexe de villégiature a dit qu'il prévoyait accueillir 140 000 visiteurs par an, ce qui équivaut au double du plafond établi par Parcs Canada pour cette annexe en particulier. Par conséquent, le nombre de visiteurs serait en fait trois fois plus élevé que celui que Parcs Canada considère pouvoir accueillir. Nous savons que cela aurait des conséquences très graves pour la faune du parc, sans compter les conséquences probablement plus graves sur ses étangs d'eau douce. Le rabattement des nappes d'eau souterraine anticipé pour capter l'eau nécessaire à l'exploitation du complexe, des condos et du parcours de golf pourrait se traduire par la contamination de la nappe phréatique en raison d'une intrusion d'eau salée.
Bien que les répercussions de cette proposition sur le parc ne fassent aucun doute, la province n'a pas à en tenir compte. Si les modifications proposées par la Commission sur l'intégrité écologique étaient acceptées, nous sommes d'avis que cela permettrait d'éviter que ce genre de situation se produise à l'avenir.
¿ (0950)
J'ai été témoin de situations de ce genre dans d'autres parcs nationaux également, notamment celui de Pukaskwa et le parc national de la Péninsule-Bruce. Il y a aussi un problème actuellement au parc national des Lacs-Waterton. Nous avons bon espoir que, si les recommandations formulées par la Commission sur l'IE sont intégrées à la loi, nous serons en meilleure posture. Ce n'est pas que les solutions à ces problèmes soient faciles, car il est certain au contraire que ce sont des solutions difficiles qu'il faut prendre le temps d'élaborer, mais nous estimons qu'en rassemblant toutes les parties et en examinant les faits, en examinant les mesures d'atténuation et les stratégies pour s'attaquer à ces problèmes, nous serons en mesure de trouver des solutions dans un cadre beaucoup plus coopératif et axé sur la conciliation.
Je ne vais pas passer en revue les amendements, car je pense que vous les avez reçus de Jerry DeMarco. Mais je voulais vous donner un exemple concret d'une situation que nous pourrions, nous semble-t-il, régler par la conciliation si l'on acceptait ces amendements.
Merci.
Le président: Merci, madame Ellis.
Mme Joan Kuyek( coordonnatrice nationale, Mining Watch Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis enchantée d'être ici et de m'adresser au comité,
Le président: Voudriez-vous vous présenter aux fins du compte-rendu?
Mme Joan Kuyek: Je m'appelle Joan Kuyek et je suis la coordinatrice nationale de Mining Watch Canada.
Mines alerte est une coalition d'organisations dans les domaines suivants: environnemental, autochtone, justice sociale, développement et travail. Parmi nos membres, citons le Sierra Legal Defence Fund, la Fédération canadienne de la nature, l'Association canadienne du droit de l'environnement, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, et le Sierra Club. Nous appuyons donc leurs recommandations. Notre tâche est de traiter plus particulièrement des questions relatives aux mines.
Je voudrais aussi vous présenter Jamie Kneen, qui est notre coordonnateur des communications et qui travaille avec nous. Jamie préside le caucus de l'évaluation environnementale du Réseau canadien de l'environnement et il fera tout à l'heure un exposé au nom de ce caucus. Nous voulons vous faire savoir dès maintenant que nous appuyons les recommandations que vous ont formulées ces autres organisations, mais nous voulons attirer votre attention sur certains problèmes très pointus qui se posent dans le secteur minier au Canada. Notre exposé est en fait une série d'anecdotes.
Nous avons un certain nombre de préoccupations au sujet des modifications proposées à l'ACEE et je vais les passer en revue en citant des projets miniers précis.
Le premier point et le plus important. dans notre esprit, c'est que la participation du public ne doit pas être facultative. Nous sommes d'avis qu'elle doit plutôt être obligatoire à tous les niveaux. À l'heure actuelle, même quand on consulte le public, l'exercice se fait souvent sous la direction du promoteur du projet et il n'y a aucune évaluation de la qualité de ces évaluations.
Les difficultés auxquelles sont confrontées les localités du Nord de l'Ontario qui s'inquiètent de la Mine Aquarius illustrent mon argument. La Mine Aquarius se trouve dans la région de Timmins. Elle a enfin fait l'objet d'une étude approfondie aux termes de l'ACEE en l'an 2000. C'est une mine d'or à ciel ouvert dont les promoteurs sont Echo Bay Mines et AGRA. La mine se trouve juste à côté d'un esker qui renferme le principal aquifère régional, nommément l'aquifère Frederick House, et se trouve jusqu'à côté du parc provincial des Lacs Kettle.
Pour empêcher l'eau d'envahir la mine, la compagnie gèle le sol autour de la mine à l'aide de 2 200 colonnes remplies d'eau salée dont la température est maintenue à moins 20oC par deux appareils de réfrigération. C'est une technologie tout à fait expérimentale dans le domaine minier, bien qu'elle soit utilisée dans le secteur de la construction.
Le minerai sera traité sur place et les déchets miniers seront déversés dans une vallée entièrement naturelle sur le flanc est de l'esker, qui sera alors bordé de polyéthylène de forte densité confiné par un barrage en terre. Après avoir traversé un marécage, les effluves seront déchargées dans le ruisseau Crooked. L'amoncellement de stériles aura 30 m de hauteur et s'étendra sur 250 hectares. On prévoit que la mine sera exploitée pendant seulement six ans. Quand elle sera épuisée, on laissera fondre le mur glacé et un lac se formera dans la mine. On n'a presque pas discuté d'éventuels plans d'intervention d'urgence si jamais cela ne fonctionne pas.
L'ACEE a été appliquée pour la première fois en 1996, le ministère des Pêches et des Océans étant l'autorité responsable. Toutefois, quand le projet a été affiché à l'index fédéral des évaluations environnementales, le nom du projet et son emplacement ont été inscrits de façon inexacte. C'est ainsi que, même si Northwatch, petite ONG régionale, surveillait de près cet index, elle n'a pu prendre connaissance de cette inscription avant février 1999. En mars 1999, et d'autres fois aussi tout au long de 1999 et pendant le premier trimestre de 2000, Northwatch a demandé au MPO des renseignements sur le projet, mais en vain. La version définitive du rapport d'étude approfondie a été terminée et rendue publique en mars 2000, peu après le début de la période d'examen de six semaines.
Le promoteur a organisé trois assemblées publiques dans la région, une en février 1997 à Timmins, à laquelle ont assisté 150 personnes; et deux autres, le 8 mai et le 9 mai 1977, à Timmins et à Connaught, respectivement, auxquels ont assisté au total environ 110 personnes. Une quatrième assemblée a eu lieu le 3 juin 1997, pour aborder d'autres sujets de préoccupation.
La plupart des gens de la région qui ont assisté à ces assemblées ont dit à Northwatch qu'ils ne savaient absolument pas que ces réunions étaient considérées comme des exercices de consultation publique dans le cadre du processus de l'ACEE. Ils pensaient plutôt qu'il s'agissait d'un programme de relations publiques pour la mine.
À ce moment-là, 137 personnes ont exprimé des préoccupations au sujet du projet, dans des lettres, des commentaires ou en signant une pétition. Ces préoccupations n'ont pas été accueillies avec respect par la compagnie ou par les autorités responsables. Dans le REA, on disait que l'on avait répondu à toutes les préoccupations, à l'exception de celles de deux personnes. C'est un exemple qui illustre clairement comment on traite la participation du public.
Nous appuyons les préoccupations exprimées par nos organisations partenaires, à savoir que le nouveau registre électronique est encore plus faible que le système actuel. On pose au départ l'hypothèse que les personnes visées ont accès à des ordinateurs perfectionnés et aux lignes téléphoniques.
¿ (0955)
Nous travaillons régulièrement avec des gens de la région qui sont touchés directement par les mines et qui doivent se fier au télécopieur, à la poste ou à un service de messagerie pour obtenir de l'information, ou encore qui disposent seulement d'un ordinateur dépassé qui leur a peut-être été donné. Il faut donc maintenir l'obligation de conserver des documents papier dans des endroits accessibles, et nous appuyons à coup sûr la recommandation de BEAR que ces documents soient disponibles dans bien d'autres endroits.
Troisièmement, le ministre doit être en mesure de changer les paramètres de l'évaluation environnementale si les préoccupations du public et de nouveaux renseignements le justifient. Nous vous donnons à ce sujet l'exemple de Niocan, mine située près d'Oka, au Québec. On prévoit que ce sera une mine de niobium souterraine près d'une mine de columbium fermée qui était exploitée par la compagnie St. Lawrence Columbium. La mine a été exemptée d'évaluation environnementale au titre de l'organisme Québec BAPE parce que sa production prévue est inférieure au niveau requis pour l'inclusion automatique. Par contre, le tollé est de plus en plus important à mesure que les habitants des localités environnantes en apprennent davantage sur la mine .
La mine aura un impact sur 28 km carrés de terres et sur une région agricole homogène et dynamique dont les produits sont acheminés directement des exploitations à la population de Montréal. Cette région comprend les territoires traditionnels des Mohawks de Kanesatake et le projet aura un impact sur leur approvisionnement en eau et leurs exploitations agricoles. La mine puisera des quantités importantes d'eau dans les aquifères de la région.
En outre, la mine émettra de la radioactivité. On trouve des isotopes de radium et de polonium à des taux de concentrations élevés dans le minerai que Niocan se propose d'extraire. Ces matériaux radioactifs et d'autres, notamment le radium-226, le plomb-210 et le thorium-230, se retrouveront dans les quantités importantes de déchets radioactifs des activités minières, sous forme de scories et de stériles. On compte réutiliser l'eau des procédés pour arroser les champs des fermiers des alentours.
Aucun spécialiste en radioactivité n'a été consulté dans le cadre de l'étude d'impact environnementale effectuée pour Niocan. Il y avait des ingénieurs, des hydrogéologues, des biologistes et bien d'autres, mais personne possédant une expertise quelconque en radioactivité. La compagnie n'a aucun plan de gestion relativement à cette radioactivité.
À mesure que la population prend conscience de ces problèmes, le public se fait entendre. D'abord, un référendum a été organisé par la paroisse d'Oka, la région rurale qui serait le plus directement touchée. Plus de 60 p. 100 de la population s'est prononcée contre la mine. La municipalité a alors embauché son propre expert-conseil, Donat Bilodeau, qui a constaté que la mine aurait un impact plus important sur les aquifères que ce que Niocan avait prédit. C'est alors que le conseil Mohawk de Kanesatake s'en est mêlé. Les Mohawk ont embauché leurs propres avocats et experts-conseils et ont contesté la mine devant les tribunaux, interjetant appel de la décision rendue par la Commission de protection du territoire agricole du Québec, qui avait autorisé l'exploitation de la mine.
Les questions sur la mine se sont accumulées à tel point qu'on peut maintenant soutenir qu'en dépit des faibles niveaux de production de la mine, l'inquiétude publique est telle qu'elle justifie une évaluation environnementale pleine et entière en application de la loi du Québec. En outre, les préoccupations relatives à la radioactivité, l'utilisation de terres autochtones et l'intérêt manifesté par ces derniers, et l'emplacement de la mine tout près de cours d'eau transfrontaliers importants, voilà autant de raisons pour déclencher l'application de la LCEE.
Quatrièmement, les nouveaux règlements devraient rendre impossible de conclure des ententes avec les promoteurs pour éviter le déclenchement de la loi. Elizabeth a traité de cet aspect dans son exposé.
L'agrandissement de la mine du Lac des Îles en est un exemple. La North American Palladium, qui est le seul producteur primaire de palladium du Canada, exploite une grande mine à ciel ouvert située à 85 km au nord-ouest de Thunder Bay. La mine du Lac des Îles a entrepris un grand projet d'agrandissement, et l'on prévoit que la production passera de 2 400 tonnes par jour à 15 000 tonnes par jour d'ici la fin de l'année. La durée de vie prévue de la mine est de seulement 11 ans. Cette mine est d'une telle ampleur qu'elle sera visible de loin, car les amoncellements de résidus domineront le paysage puisqu'ils s'élèveront à 80 mètres, deux fois la hauteur de la formation naturelle la plus élevée dans la région.
En 1997, la mine du Lac des Îles était exploitée comme mine à ciel ouvert, à faible tonnage et à forte teneur. Avec cet agrandissement énorme, la mine deviendra une entreprise à fort tonnage et à faible teneur. On doit notamment construire une nouvelle usine, un entrepôt, un atelier d'entretien, et un laboratoire d'assayerie, ainsi qu'une usine de traitement de l'eau, en plus de l'agrandissement de la mine elle-même. Comme vous pouvez le constater, c'est énorme.
Soit dit en passant, une modification a été apportée au document qu'on vous a remis. Cet exemple ne figure pas dans le document que vous avez en main, mais le greffier en a un exemplaire.
L'agrandissement de la mine n'a pas été évalué aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Aux termes de la législation fédérale en la matière, nous croyons comprendre que tout agrandissement minier qui augmenterait la capacité de minerai de 50 p. 100 ou de 1 500 tonnes par jour doit faire l'objet d'une étude approfondie, parce que, comme on le précise dans les règlements, certains projets auront probablement des conséquences nuisibles, compte tenu de leur ampleur. Mais d'après les sources consultées au ministère provincial, la compagnie s'est concertée avec le ministère des Pêches et des Océans pour éviter de déclencher la LCEE.
À (1000)
Les provinces ont fait des examens hétéroclites; le ministère de l'Environnement modifiait des approbations visant l'augmentation du traitement et du déversement des effluents miniers ainsi que les quantités d'émissions atmosphériques, et le ministre du Développement du Nord et des Mines acceptait un plan de fermeture modifié.
D'après certains rapports de l'industrie, la mine aurait reçu les permis de construction nécessaires 60 jours seulement après qu'on ait décidé de son expansion. Par contre, le ministère des Pêches et des Océans a mis plus de 120 jours pour répondre aux demandes relatives à l'examen fédéral de l'expansion de cette mine.
De nombreux éléments peuvent déclencher un examen, entre autres les permis pour la destruction des poissons et de leur habitat et le déversement de substances délétères dans des eaux habitées par le poisson. Il y a une liste complète des autres éléments. Je les ai inclus dans le mémoire, y compris l'usine de traitement des eaux usées, le déversement des effluents miniers à partir de plusieurs points dans le ruisseau Creek et le lac Hasson, ainsi que les répercussions à long terme que pourrait avoir à l'avenir le déversement d'effluents miniers acides et la lixiviation des métaux que provoquent ces déversements.
La Première nation de Gull Bay habite tout près et pourtant, elle n'a à peu près pas été consultée par le promoteur du projet.
Cinquièmement, les politiques et les programmes devraient pouvoir servir à déclencher des évaluations environnementales. Nous trouvons choquante notre incapacité à participer aux discussions sur les effets environnementaux des grands programmes et des politiques du gouvernement fédéral. La politique commerciale en est un exemple typique.
En Tanzanie, au Ghana et aux Philippines, le gouvernement canadien a participé à la promotion de l'exploitation de mines d'or à grande échelle qui appartiennent à des sociétés canadiennes ainsi qu'à l'éviction par la force de milliers de petits artisans qui exploitaient ces gisements.
Exportations et Développement Canada fournit à ces entreprises une assurance-risque politique au Canada,. On n'a jamais fait d'évaluation environnementale des répercussions de ces politiques commerciales, même si des études intensives, entre autres le rapport intitulé Boom and Dislocation de Thomas Akabzaa, du Third World Network, montre très clairement que cette politique contribue à la dégradation de l'environnement et à la pauvreté.
Sixièmement, on compte trop sur des mesures d'atténuation qui souvent ne donnent pas de résultats ou ne sont pas réalisées. D'après notre expérience, les décisions prises en application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour la réalisation d'un projet mettent trop l'accent sur l'atténuation des effets nuisibles du projet sur l'environnement, même lorsque ces effets peuvent être extrêmement destructeurs. Souvent, ces mesures d'atténuation ne donnent pas de résultats ou sont entièrement inexécutables. Lorsque ces mesures échouent, les amendes et les indemnités ne suffisent pas à compenser les dégâts qui ont été causés à l'environnement. Je vais en donner trois exemples.
Premièrement, les exploitants de la mine de diamants Diavik avaient proposé un certain nombre de mesures d'atténuation et pris des engagements à partir desquels le permis d'exploitation avait été octroyé. L'évaluation environnementale du projet exigeait que toutes les approbations réglementaires soient accordées avant que le projet soit mis en oeuvre. Mais le 31 décembre 1999, Diavik a présenté une demande de permis d'utilisation des terres en vue d'exploiter 40 000 mètres cubes de rock à cet endroit. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a refusé cette demande invoquant le motif que le ministre n'avait pas encore autorisé l'accord environnemental. À la fin du mois de janvier, une inspection de routine du MAIN a permis de constater que Diavik exploitait déjà une grande partie de cette zone et avait affecté de 115 à 120 personnes à ces travaux.
Le deuxième exemple touche également la société Diavik. Cette société a construit une énorme digue sur le lac de Gras, à 300 kilomètres au nord de Yellowknife, pour exploiter la mine. Lorsqu'elle sera achevée, cette digue retiendra une infime portion des eaux de ce lac de 60 kilomètres de long. Une fois que l'eau sera drainée derrière la digue, la société exploitera à ciel ouvert les filons de kimberlite du fond du lac. Elle s'attend à recueillir jusqu'à 6 millions de carats de diamants au lac de Gras, une fois l'exploitation à pleine capacité, en 2005.
La construction de la digue et le reste du projet vont bon train et on voit maintenant un mur de pierre massif de quatre kilomètres qui s'étend le long des terres en forme de fer à cheval. Ce mur est large d'environ 30 mètres, soit environ la largeur d'une route.
Diavik a utilisé des filtres limon de plastique pour contenir les eaux boueuses issues de la construction de la digue et pour protéger l'habitat halieutique dans le reste du lac. Ce filtre à limon va de la surface du lac jusqu'à deux mètres sous son lit. Lorsque les travaux de construction brassent ces eaux boueuses, le courant écarte ces eaux de la construction, mais le filtre à limon les rediriger vers le lit du lac, où les sédiments peuvent se déposer plus rapidement.
À (1005)
Ce filtre doit, parait-il, réduire les effets des eaux boueuses à l'extérieur de la zone de construction. C'est une des conditions du permis. Toutefois, une partie de ce filtre s'est décrochée de son ancrage et a été projetée dans les terres durant une grosse tempête en août 2001 et à d'autres reprises au cours de l'été. Lors d'une de ces occurrences, le personnel du MPO a remarqué qu'une partie des eaux boueuses qui se trouvaient dans ce filtre ont été déversées dans le reste du lac.
Les filtres n'ont pas pu être remis en place avant que le temps se soit calmé. Mais ce n'était toutefois pas un problème de l'avis de la Diavik, puisque le niveau total des solides en suspension établi par l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie pour le projet de Diavik était suffisamment élevé et que, d'après Carl Loughton, directeur des examens réglementaires de l'Office, «même une panne massive de ce filtre à limon n'aurait pas posé de problème».
Le troisième exemple est celui de la mine Ekati. En 1996, la mine Ekati a reçu son permis d'exploitation après qu'un comité d'évaluation environnementale fédéral eut effectué un examen complet du projet proposé. Dans le cadre de l'accord environnemental signé par BHP et les gouvernements fédéral et territorial, on a créé une agence indépendante de surveillance. L'accord comprenait également un certain nombre de mesures d'atténuation.
Le 31 mars 2001, cette agence a fait rapport de ses conclusions. Elle a constaté deux problèmes très troublants et complètement imprévus à la mine.
Tout d'abord, l'évaluation d'impact environnementale du projet de la BHP n'avait pas prévu, en 1995, les changements en aval dans la géochimie et l'environnement aquatique du bassin hydrographique Koala, entre autres la réduction des taux d'oxygène dans certains lacs, l'augmentation des quantités de phytoplanctons—probablement imputable à l'augmentation des nitrates venant de l'usage d'explosifs—et de légères augmentations des taux de sulfate, d'arsenic, de cuivre et de nickel dans certains lacs situés en aval.
Deuxièmement, l'exploitation minière produit, comme vous le savez, de vastes quantités de stériles qui sont ramenés et déposés en surface. En dix mois, d'avril 2000 à février 2001, plus de 30 millions de tonnes de stériles ont été produites dans ces puits. Ces piles de stériles s'élèvent à plus de 50 mètres dans le paysage.
On a maintenant découvert que des effluents minéraux acides se développent dans ces stériles par suite de l'oxydation des minéraux sulfureux de la roche, ce qui contrevient au permis d'exploitation des eaux. Personne ne sait comment freiner ces effluents acides une fois qu'ils se produisent.
Septièmement, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale devrait s'appliquer à la SEE. Nous sommes très troublés que ce ne soit pas le cas à l'heure actuelle. Nous faisons partie du groupe de travail des ONG sur la SEE et nous appuyons l'inclusion d'EDC parmi les organismes visés par cette loi.
Nous avons récemment participé à une réunion sur le nouveau cadre d'évaluation environnementale qui a été mis au point par EDC. Ce cadre ne pourra certes pas protéger l'environnement. Il laisse à EDC la latitude de régir elle-même ses activités.
Merci de nous avoir écoutés. Je suis désolé que nous n'ayons pas eu de version finale de notre document à vous remettre, mais votre greffier a la nouvelle version et nous vous en ferons parvenir d'autres.
À (1010)
Le président: Merci de ces bonnes nouvelles.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous allons maintenant faire un tour de table rapide, à cinq minutes par personne. M. Mills va commencer, et il sera suivi de M. Bigras, M. Herron, M. Reid, Mme Redman et Mme Kraft Sloan.
Allez-y, je vous en prie.
M. Bob Mills: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais remercier nos invités. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt car une bonne partie du parc national Banff se trouve dans ma circonscription. Je le contemple chaque jour quand je suis chez nous, et c'est un plaisir.
Il y a plusieurs choses à dire à propos des questions que vous avez soulevées. Elizabeth, vous avez dit que vous voudriez que tout cela soit organisé comme le CRTC. À mon avis, ce n'est pas un bon exemple. Je crois que le CRTC protège Radio-Canada et crée ce que nous avons là, donc je ne suis pas d'accord avec votre argument. Enfin, ce n'est pas là ma question.
Quand on parle d'imposer cet ensemble de règlements à la Société pour l'expansion des exportations, je pense à un pays comme la Chine, que je connais assez bien. Il y a un potentiel de ce côté-là. Les Chinois ont l'intention de mettre en service 18 centrales au charbon dénuées de toute technologie moderne. Cela veut dire qu'il n'y aura pas d'épurateur, et que ces centrales pollueront l'environnement. Elles seront plus grosses que toutes les centrales que nous avons ici, et elles auront un énorme approvisionnement en charbon. En revanche, quand j'examine des options comme le barrage des Trois gorges ou les réacteurs CANDU, je pense que ce serait un moyen de répondre aux besoins énergétiques de ce pays de façon moins nocive pour l'environnement. Je m'interroge donc sur nos possibilités d'intervention à cet égard.
Quand on parle des mares de goudron de Sydney, de la vallée du Fraser ou du déversement d'égouts dans nos océans, je constate aussi une situation de conflit énorme car il faudrait que nous commencions par régler nos problèmes chez nous en en faisant une priorité dans ce projet de loi. Pour moi, il y a là un véritable conflit qui nous pose problème.
Il y a aussi le conflit fédéral-provincial, le conflit au niveau des mines entre les aspects socio-économiques et... Il faut bien faire des compromis. L'industrie peut-elle les faire? Peut-elle améliorer sa situation, et comment?
À (1015)
Mme Elizabeth May: Si vous le permettez, monsieur Mills, je voudrais tout d'abord préciser que quand j'ai parlé du CRTC, c'était simplement pour rappeler l'engagement du livre rouge qui concernait un organe de prise de décisions, pas les décisions elles-mêmes de cet organisme.
M. Bob Mills: En tout cas, ce n'est pas ma bible.
Mme Elizabeth May: Je sais; j'ai l'impression que ce n'est plus la bible de personne.
Je voudrais répondre à votre question au sujet des projets à l'étranger. Notre organisation n'est pas vraiment d'accord avec la décision que nous avons prise de fournir une technologie nucléaire à la Chine à une époque où la Chine violait les dispositions du Traité de non-prolifération nucléaire. À cette époque-là, les États-Unis avaient imposé un embargo aux entreprises privées du secteur nucléaire qui avaient des transactions avec la Chine à cause du risque de prolifération des armements nucléaires dans cette région, notamment dans des pays qui étaient sur le point d'accéder à la technologie nucléaire comme le Pakistan, qui a réussi à s'approprier cette technologie grâce à cela.
Cela dit, le problème, c'est que si nous n'intervenons pas à l'étranger, c'est très bien à condition que les contribuables canadiens n'en fassent pas les frais pour 1,5 milliard de dollars, alors qu'il n'y a aucun contrôle. Si nous devons proposer de vastes montages financiers à des pays pour les convaincre d'acheter notre technologie, qui dans un marché libre ne les intéresserait pas sans ce dispositif de financement privilégié...
Pour moi, la Loi canadienne sur l'évaluation environnement est parfaitement claire. L'article 5 parle de financement, de garantie d'emprunt, en tout ou en partie. Le texte de cet article 5 couvre toutes sortes de transactions financières, alors que du point de vue politique, ce genre de grandes transactions financières ne semble pas relever de la LCEE.
J'ai ici les deux versions de la réglementation pour les projets à l'étranger, et je vais les laisser au greffier au cas où cela intéressait quelqu'un. Il y a le texte initial pour lequel il y avait un consensus de tous les groupes: exportateurs, secteur nucléaire, ministères de la Défense et des Affaires étrangères, ACDI, groupes environnementaux, groupes pour le développement. Nous étions tous d'accord pour une procédure accélérée pour les projets à l'étranger, et nous avons abouti à cette réglementation absurde qui exempte tous les gros mégaprojets d'un examen obligatoire ou d'une participation publique au Canada.
Je ne préjuge nullement de la conclusion à laquelle nous aboutirions. Si nous avions fait une évaluation environnementale, nous aurions peut-être abouti au même point de vue que vous. N'est-ce pas merveilleux? Nous pourrions aider la Chine à éviter de répandre dans l'atmosphère des gaz à effet de serre émanant de ses centrales au charbon, ou nous pourrions... Mais nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner quoi que ce soit parce qu'il n'y avait pas d'examen, parce qu'on n'a pas fait d'évaluation environnementale au Canada, parce que le gouvernement a décidé que... D'après nos renseignements, c'était uniquement parce qu'il n'avait pas réfléchi et qu'il n'avait plus le temps de faire le travail correctement. Le règlement accéléré sur les projets à l'étranger que nous avions accepté tous ensemble dans le cadre du comité consultatif sur la réglementation était tellement simplifié qu'ils n'auraient pas eu beaucoup de mal à le respecter.
Par conséquent, tout cela se ramène à quelques préoccupations de démocratie et de liberté de parole. Dans le cas des réacteurs CANDU de la Chine, nous avons dans nos dossiers du tribunal des entrevues accordées par des ministres lorsque nous avions présenté notre demande en Cour fédérale. À l'époque, la ministre des Ressources naturelles, Anne McLellan, avait déclaré que les Chinois n'appréciaient pas l'idée d'une participation publique à l'évaluation environnementale et que même si le gouvernement estimait ne pas avoir l'obligation de faire un examen, il adoptait ce règlement simplement pour rassurer ses clients en Chine. C'était vraiment pousser un peu loin l'insulte.
Je vais m'arrêter là.
[Français]
Le président: Monsieur Bigras, s'il vous plaît.
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.
Soit dit en passant, tout comme vous, nous pensons que la Société pour l'expansion des exportations devrait être couverte par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, mais ce ne sera pas l'objet de ma courte question.
Ma question va plutôt porter sur le droit d'avoir accès à l'information sur tout projet en vue d'accroître la participation du public. Quand je lis l'ensemble de vos mémoires, je vois que vous êtes unanimement en faveur de certaines réserves quant au registre qui sera créé en vertu de l'article 26. Donc, l'article 26 vient créer un registre électronique public.
Premièrement, souhaitez-vous qu'une version papier de ce registre soit toujours accessible, et estimez-vous que le projet de loi tel que rédigé fait en sorte que la version papier sera dorénavant exclue du processus?
Deuxièmement, estimez-vous que tous les documents nécessaires à l'accroissement de la participation du public seront dans ce registre? Si votre réponse est non, quels documents devraient être accessibles par l'entremise du registre public électronique?
À (1020)
Mme Elizabeth May: Je vais essayer de répondre en français un peu. Toutes les recommandations des autres organisations de loi comme CELA et la West Coast Environmental Law Association d'Edmonton font de bonnes recommandations très précises, mais le principe, c'est que toute l'information est disponible. L'électronique, c'est bien, mais s'il y a un problème et que ce n'est pas disponible en format électronique, ce doit être disponible sur papier. Le principe est que l'information est là. Si un projet commence, il est nécessaire qu'il soit dans la banque de données électronique. De plus, la décision doit être disponible en format électronique ou sur papier.
[Traduction]
Donc il est clair que ce qui est essentiel, c'est d'avoir assez d'information pour pouvoir participer. Si toute l'information était disponible en format électronique, nous n'aurions pas d'objection, mais le problème, comme l'a dit mon collègue Ed de la société BEAR, c'est que si des documents ne peuvent pas être divulgués en format électronique, nous ne pourrons pas les avoir.
L'autre problème, c'est la traduction. Elle a posé problème pour la LCEE. Si les documents doivent être disponibles en anglais et en français, il paraît que cela pose un problème pour eux. Le fonctionnement du registre électronique pose manifestement des problèmes logistiques, et c'est pourquoi nous ne voulons pas exclure dans certains cas la possibilité de présenter l'information soit sur papier, soit par voie électronique, ou les deux quand c'est possible. Mais nous n'acceptons pas qu'on ne puisse pas avoir accès à certains documents simplement parce qu'ils ne peuvent pas être divulgués en format électronique. Il faut bien comprendre aussi que les Canadiens ne sont pas tous branchés sur la toile. Bien des gens peuvent plus facilement trouver les informations si elles existent sur papier à proximité de chez eux.
[Français]
M. Bernard Bigras: Ma question est courte: selon votre évaluation du projet de loi, est-ce que la copie papier est exclue automatiquement?
[Traduction]
Mme Elizabeth May: Oui, d'après le texte actuel du projet de loi, c'est ce que nous comprenons. À notre avis, c'est une erreur, mais il nous semble que c'est ce que laisse entendre le texte. Merci.
Le président: Merci, monsieur Bigras.
Monsieur Herron.
M. John Herron: M. Bigras a dit que la documentation sur papier viendrait simplement compléter la documentation électronique. Ne pourrait-on pas ajouter qu'en ayant des annonces sur papier pour certaines tribunes publiques, on pourrait attirer l'attention de personnes qui pourraient très bien ne pas être au courant du projet et que cela pourrait être une façon de faire participer le public?
Mme Joan Kuyek: Je pense que cela contribuerait effectivement à faire participer le public. Il y a vraiment un problème dans les régions éloignées où les gens ne sont même pas au courant du fonctionnement de la LCEE. Donc il est très important d'attirer leur attention par tous les moyens pour leur permettre d'en savoir plus sur le projet, d'intervenir et de s'y opposer s'ils le veulent.
M. John Herron: Si je lis bien le texte, la SEE ne tombe pas obligatoirement sous le coup d'un examen dans le cadre de la LCEE. Vous dites que cela devrait être le cas aussi. Est-ce qu'à votre connaissance le gouvernement du Canada ou le Bureau du Conseil privé ou quelqu'un d'autre est réticent à accepter un tel contrôle?
Mme Elizabeth May: Pour soutenir la concurrence internationale, elle ne devrait pas être soumise à un examen aussi rigoureux. Comme beaucoup de projets sont exclus en vertu de la loi, la SEE n'aurait sans doute pas de mal, du point de vue commercial, à se conformer à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Il y a maintenant une filière accélérée qui fait appel à un comité consultatif et, de plus, il n'y a plus d'étude globale obligatoire. Comme on a édenté le processus pour autoriser la vente de réacteurs CANDU à la Chine, je suis renversée de voir que la SEE a choisi la voie du projet de loi C-31 pour se doter d'une autre filière. Honnêtement, je ne comprends pas les justifications qui ont été avancées.
À (1025)
M. John Herron: Le gouvernement a-t-il dit pourquoi il ne veut pas que la SEE soit assujettie à la filière de la LCEE?
Mme Joan Kuyek: Il s'agit de pouvoir soutenir la concurrence avec les pays dont la réglementation environnementale, selon lui, est moins stricte que la nôtre. Il préférerait passer par l'OCDE et d'autres organismes internationaux pour élever la barre.
M. John Herron: Vous avez donné de nombreux exemples où le gouvernement a décidé de ne pas suivre la filière de la LCEE pour les ouvrages à l'étranger. Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire à propos du biais utilisé par le gouvernement dans le cas de l'ACDI au Bélize et sur la manière dont on pourrait réparer cet oubli dans le cadre de notre étude.
Le président: Veuillez être bref.
Mme Elizabeth May: Je veux préciser que pour toute demande d'être entendu, y compris de la part des auteurs du projet qui font une évaluation environnementale, doit faire l'objet d'une sélection et inviter la participation du public.
Le président: Nous avons eu une bonne discussion à Washington précisément sur ce point, à savoir le rôle des sociétés d'expansion des exportations dans chaque pays. Un document a été réalisé et je serais heureux de vous en faire tenir copie.
Il semble que le volume total des transactions de sociétés comme la SEE dans le monde s'établit à près de 40 milliards de dollars par année. Il y a donc une activité phénoménale et chaque pays se fait concurrence. Cela va dans le sens de ce qu'a dit Mme Kuyek plus tôt.
Figurent sur ma liste M. Reed, Mme Redman, Mme Kraft Sloan, M. Bailey, M. Tonks et le président.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.
Voici un exemple du difficile équilibre que nous avons à trouver. On a parlé de la vente de réacteurs CANDU à la Chine. David Schindler a dit qu'actuellement environ 5 000 tonnes de mercure flottent dans l'atmosphère pour retomber dans l'Arctique et contaminer la faune. La Chine est la deuxième, voire la première source de ces émissions de mercure, qui proviennent de la combustion du charbon. Il me semble que cela doit être un facteur quand on essaie de trouver un juste équilibre.
La Chine fait ce qu'elle peut pour fournir de l'énergie propre à sa population. C'est le plus grand producteur mondial de turbines hydrauliques et le plus gros consommateur de sa propre production. C'est la réalité, mais il reste que la combustion du charbon--et la Chine en possède en abondance--se poursuit toujours et notre pays, parmi d'autres, subit cette contamination. J'essaie souvent de mettre les choses en perspective pour que vous compreniez notre travail d'équilibristes.
Madame Kuyek, vous avez évoqué certains problèmes et vous avez mentionné trois mines. Je ne sais pas si je vous ai bien comprise, mais je me demandais si vous aviez ajouté des recommandations pour atténuer les problèmes que vous percevez.
Mme Joan Kuyek: Tout d'abord, nous estimons que c'est la Loi canadienne d'évaluation environnementale qui est censée nous permettre d'avoir un débat ouvert sur les mérites d'un projet. L'information sur l'opportunité d'appuyer une industrie basée sur le charbon ou une industrie nucléaire devrait faire partie de l'évaluation environnementale stratégique et particulière au projet. Nous sommes ici pour demander au gouvernement de s'acquitter correctement de ses responsabilités. Le comité a fait tout ce qu'il peut dans la plupart des cas pour convaincre le gouvernement d'agir ainsi.
Il en va de même pour les recommandations que nous pourrions formuler à propos de l'exploitation minière. Nous avons fait des recommandations d'ordre général. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il y a parmi nos membres un certain nombre d'organisations qui ont formulé des recommandations très détaillées, auxquelles nous souscrivons entièrement. C'est le cas notamment de celles du Sierra Legal Defence Fund et du West Coast Environmental Law. Nous n'avons pas jugé bon de les répéter aujourd'hui. Elles atténueraient partiellement les problèmes reliés à la LCEE.
Comme le Sierra Club et les autres groupes vous l'ont dit, il est dur de ne pas tomber dans le cynisme quand on voit tous les chantiers miniers dans le pays et tous les dégâts qu'ils provoquent, quand on sait qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une évaluation en bonne et due forme pour déterminer si leurs avantages économiques vont compenser leur dégât écologique. Dans les cas où il y a eu des audiences, nous constatons que les mesures d'atténuation--à l'utilité souvent non prouvée--ne protègent pas l'environnement.
C'est une façon de tourner en dérision les longues évaluations environnementales dont a fait l'objet la mine Ekati, par exemple, quand on apprend que certains effets ne peuvent être atténués et que les dégâts pourraient perdurer pendant des siècles.
Tous ceux qui sont ici et la plupart des membres du comité réclament une loi d'évaluation environnementale à laquelle nous pouvons nous fier et qui évalue comme il se doit les conséquences environnementales et sociales des ouvrages, grands et petits, au Canada et réalisés par des entreprises canadiennes à l'étranger. Nous et les générations futures aurions ainsi l'assurance que nous n'avons pas pris de décisions pour le court terme économique qui finiront par détruire la planète.
À (1030)
Mme Elizabeth May: J'aimerais brièvement ajouter un argument qui n'a pas déjà été présenté au comité.
Il n'y a pas que les dégâts écologiques attribuables au fait qu'on n'a pas fait l'évaluation environnementale ou qu'on l'a mal faite. Les mauvais plans ont aussi des coûts économiques. Je pourrais vous donner quantité d'exemples, à commencer par l'incinérateur construit à Sydney à la fin des années 80 et au début des années 90, où l'on a dit qu'une évaluation environnementale n'était pas nécessaire, sauf une évaluation préliminaire, parce qu'il s'agissait d'un projet environnemental. Le projet est allé de l'avant. Une bonne planification aurait permis de réaliser que l'on dépensait 55 millions de dollars pour quelque chose qui n'a pas marché.
Il y a beaucoup d'exemples de ce qui peut arriver lorsque l'on omet l'évaluation environnementale pour accélérer les choses... Westray. Il y a des cas d'approbation expéditive à des fins politiques à court terme qui sont de mauvaises décisions économiques tout autant que de mauvaises décisions environnementales.
Le président: Merci, monsieur Reed.
Madame Redman.
M. Ed Wittingham: J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur le président.
En outre, nous avons parlé des conséquences économiques. Nous avons aussi parlé des conséquences environnementales. Il faudrait aussi parler des conséquences sur le plan de la participation de la population et du désillusionnement du public. L'évaluation environnementale, pour quelque raison que ce soit, se fait à la va-vite, sans transparence. Quand cela sonne faux, les parties intéressées s'en désintéressent. Elles choisissent d'exprimer leurs préoccupations ailleurs. C'est pourquoi il nous faut absolument des mécanismes d'évaluation environnementale fiables si l'on veut que la population y participe.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
La parole est à Mme Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame May, dans son rapport au Parlement, le ministre a affirmé qu'il proposait de prendre des règlements pour quelques sociétés d'État—vous en parliez vous-même dans votre exposé—de manière à reconnaître des circonstances particulières.
Notre collègue a déjà parlé de Radio-Canada, et je dois dire que je suis une grande partisane de Radio-Canada.
Une voix:Bravo, bravo!
Mme Karen Redman:Mais c'est tout autre chose que la Commission de la Capitale nationale.
D'après vous, de quelle société d'État faudrait-il traiter en priorité?
À (1035)
Mme Elizabeth May: Comme je l'ai dit plus tôt, on peut se demander pourquoi la loi ne s'applique pas aux sociétés d'État, comme prévu. La décision de ne les inclure que par voie de règlement pose problème, parce rien ne pousse à préparer des règlements, si elles n'y sont pas actuellement assujetties. Si elles l'étaient, comme l'ACDI depuis le début, et qu'un règlement ultérieur ne faisait que préciser le genre d'évaluation exigée, on serait plus encouragé à régler le cas des sociétés d'État.
Manifestement, certaines sociétés d'État ont très peu d'incidence directe sur l'environnement. Je n'ai pas une liste exhaustive des sociétés d'État sous la main, mais à un bout du spectre, on trouverait par exemple Radio-Canada, dont on peut dire qu'elle ne construit pas beaucoup de projets. Mais si on pense à une société d'État comme Énergie atomique du Canada limitée, on voit pourquoi il faudrait s'en occuper plus rapidement. Nous avons noté les noms de sociétés d'État comme la Société d'expansion des exportations et la situation particulière qui est la sienne, dans le cadre du projet de loi C-31. Divers organismes subventionnaires du Canada, qui sont des sociétés d'État, prennent des décisions. Par exemple, je connais bien le cas de la Société d'expansion du Cap-Breton.
Il y a de petites et grandes sociétés d'État qui ont une incidence sur l'environnement, et il sera bien fastidieux de les réglementer une à la fois. Il serait à mon avis plus sensé de dire qu'en vertu du projet de loi C-19, ces sociétés d'État doivent suivre les règles de la LCEE, à moins qu'un règlement bien précis ne les en dispense.
Si une société d'État a peu d'incidence sur l'environnement, il ne lui sera pas difficile de satisfaire aux exigences de la LCEE. Elles n'ont qu'à examiner la chose, faire l'examen préalable et dire que l'étude approfondie n'est pas nécessaire. Si leur projet a une incidence environnementale et est assujetti à la LCEE, il leur faudra se conformer au texte de la loi. Les coûts d'élaboration des règlements pour chacune des sociétés d'État sont certainement prohibitifs et certainement indus.
Mme Karen Redman: Madame Kuyek, dans la mise en oeuvre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, si on devait inclure une évaluation stratégique, comment définiriez-vous le terme «programme», dans ce contexte?
Mme Joan Kuyek: Je pense qu'il devrait englober tout programme ou politique du gouvernement fédéral, et il doit y avoir un programme d'évaluation, comme pour les projets. Dans les faits, bon nombre de politiques ont bien plus de répercussions dévastatrices pour l'environnement et pour l'économie qu'un projet, et pourraient se dispenser de nombre d'évaluations de petits projets, s'il y avait eu au départ une évaluation des politiques.
Je ne suis pas en mesure de vous dire exactement comment le faire. Il y a d'autres organisations, notamment membres de la nôtre et d'autres, qui y ont bien réfléchi.
Mme Karen Redman: Vous estimez donc qu'il suffit d'inclure les politiques et les programmes, pour ne pas avoir à définir le mot «programme»?
Mme Joan Kuyek: Oui.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci.
Je devrais peut-être rappeler qu'il y a dix ans, quand la loi a fait l'objet des discussions et de l'étude article par article du comité, il y a eu un débat très animé sur l'inclusion ou l'exclusion des sociétés d'État. À l'époque, le gouvernement pensait bien sûr qu'il fallait les exclure. Je présume que le gouvernement actuel prend la même position, c'est-à-dire que les sociétés d'État doivent jouir d'une plus grande autonomie que les ministères. Tant qu'on ne discutera pas de cette attitude et qu'on n'y trouvera pas une solution, nous aurons ce problème.
L'exclusion des sociétés d'État est bien ancrée dans la mémoire parlementaire et c'est peut-être un sujet sur lequel il faudrait revenir. Mais je ne crois pas qu'il relève de notre mandat, d'après ce que je sais de ce projet de loi, d'envisager un amendement à ce sujet. Même si un amendement était présenté, il serait irrecevable.
Cela ne signifie pas pour autant que la question soit sans importance et nous voudrons peut-être, si le comité ne peut pas présenter d'amendement acceptable en vertu des règles, du moins soulever la question au moment du débat en troisième lecture, présenter les arguments et faire en sorte que ce débat ait lieu en Chambre, au moins, si nous ne pouvons en discuter ici.
Veuillez excuser cette intervention.
La parole est à Mme Sloan.
À (1040)
Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
En passant, au sujet de la discussion sur la SEE, et ce que dit le gouvernement de la compétitivité commerciale, signalons que ce sont les Américains qui poussent les Européens et le gouvernement canadien à adopter des normes relatives à un meilleur cadre environnemental. On veut se tourner vers la Banque mondiale. Je ne connais pas très bien la question, et je ne peux donc pas vous dire si ce cadre serait utile ou non, mais lorsqu'on reparlera de compétitivité commerciale, rappelons-nous que notre principal partenaire commercial, devant qui nous tremblons chaque fois que nous osons faire quelque chose d'intéressant ou d'important comme Kyoto, est aussi celui qui veut nous pousser plus loin encore sur le sentier de l'environnement durable.
Cela étant dit, monsieur Wittingham, je m'intéresse à ce que vous avez dit au sujet du nouvel article 11.1 qui prévoit des sanctions pour ceux qui ne se conforment pas au projet de loi C-19. Nous tous ici pouvons penser à un exemple de projet dont la conformité était douteuse. J'ai le projet de loi C-19 sous les yeux, et je me demande si vous pouvez m'aider à comprendre, comment votre recommandation cadre avec le nouvel article 11 proposé dans le projet de loi C-19.
M. Ed Wittingham: Nous avons formulé cette recommandation parce que nous voulions que des groupes puissent agir, si comme dans l'affaire de Waterfall, dont j'ai parlé, le ministère n'agit pas à notre place...Je vous avoue, madame Kraft Sloan, que je ne suis pas un avocat.
Mme Karen Kraft Sloan: Moi non plus.
M. Ed Wittingham: Pour toute question de nature juridique, j'aimerais laisser Mme May ou le Sierra Legal Defence Fund vous répondre. Je vais au moins expliquer notre intention.
Nous voulons nous assurer que dans un cas pareil, si nous voulons intervenir et demander au ministre de formuler une injonction, ou si le public peut, comme nous le recommandons, avoir la possibilité comme le ministre d'émettre une injonction pour un projet qui n'est pas conforme à la LCEE, il y ait un recours, une plainte publique qui peut faire l'objet d'un examen, pour veiller à ce que des situations comme celle présentée dans cette caricature ne se reproduisent plus. C'est ce que nous voulions dire dans cet article.
Mme Karen Kraft Sloan: Bien.
Madame May.
Le président: Très brièvement.
Madame Elizabeth May: En attendant que soit terminée l'évaluation environnementale fédérale, il faudrait intégrer dans la loi de nouvelles dispositions sur des infractions et des sanctions, pour les violations de l'article 11 et d'autres dispositions. Pour plus de précisions, vous pouvez lire le mémoire de l'Association canadienne du droit de l'environnement, aux pages 16 et 17 de la version anglaise, ainsi que le tableau des changements proposés, à la fin du texte.
Mme Karen Kraft Sloan: Il faudrait donc un nouvel article sur les peines.
Mme Elizabeth May: Il est tentant de continuer à parler du fait que les mesures d'atténuation ne se concrétisent pas et qu'aucun contrôle n'est exercé. C'est le cas célèbre du barrage sur la rivière Oldman. Après la décision de la Cour suprême, on a fixé des mesures d'atténuation pour le barrage qui n'aurait jamais dû être construit, mais la garde côtière n'a même pas veillé à la mise en oeuvre de ces mesures.
Le président: Madame Kraft Sloan, une courte question, s'il vous plaît.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai bon nombre d'autres questions, que j'espère poser pendant la deuxième ronde.
Madame May, dans votre exposé, vous avez parlé des lettres de conseils écrites par certains ministères et je me demande si vous pourriez nous donner quelques précisions, pour que les membres du comité puissent bien comprendre.
Mme Elizabeth May: Il se trouve qu'au cours des dernières années, le ministère des Pêches et des Océans donne des conseils aux entrepreneurs qui ont besoin d'un permis en vertu de la Loi sur les pêches, afin qu'ils conçoivent leur projet et rédigent leur demande d'évaluation environnementale de manière à éviter une étude approfondie. Les exemples en sont nombreux. C'est devenu chose courante au ministère des Pêches et des Océans que de conseiller aux promoteurs de minimiser la nature de leurs activités afin de ne pas déclencher plus qu'un examen minimal de leur projet.
À (1045)
Mme Karen Kraft Sloan: Souvent, des gens de ma circonscription viennent me voir parce qu'ils font une demande auprès d'un programme gouvernemental, par exemple du ministère du Patrimoine, et je les mets en communication avec le ministère, où on leur explique la meilleure façon de présenter leur demande, pour être admissibles. Est-ce aussi inoffensif que cela? Un projet, c'est un projet, et rien d'autre.
Mme Elizabeth May: Pour nous, ce n'est rien d'inoffensif. Nous estimons que c'est un effort délibéré de se soustraire aux droits de participation du public et à la portée de la loi, d'éviter les conséquences d'un examen aussi complet que celui que prévoit la LCEE, notamment la recherche d'autres solutions et la considération des effets cumulatifs des projets. En segmentant les projets en leur plus petite composante et en n'évaluant que cela, on peut accélérer des projets qui peuvent avoir de plus grandes conséquences pour l'environnement.
Joan aura peut-être un commentaire à formuler à ce sujet. Partout au pays, on nous donne des exemples de cela, dans nos groupes de discussion sur les évaluations environnementales. Les gens sont scandalisés du fait que le MPO aide souvent les promoteurs à contourner la loi. Il ne s'agit pas de conseil utile sur la façon de se conformer au processus d'évaluation environnementale, comme dans votre exemple sur Patrimoine canadien, mais plutôt des conseils sur les façons de se soustraire à la loi.
Le président: Madame Kuyek, vous pouvez donner une courte réponse.
Mme Joan Kuyek: L'exemple que j'ai donné, sur la mine du Lac-des-Îles, se rapporte précisément à ce problème. L'entreprise tenait vraiment à éviter l'évaluation environnementale et le MPO lui a montré comment faire. C'est ce que nous avons compris. Et cela, avec la collaboration du ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario, pour trouver comment faire pour éviter l'évaluation environnementale.
Le président: Merci.
M. Bailey, suivi de M. Comartin, de M. Laliberte, et du président.
Monsieur Bailey, vous avez la parole.
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président et merci à tous d'être venus.
J'ai de la sympathie pour les gens comme vous et pour les organisations comme les vôtres. Je ne doute ni de votre sincérité, ni de votre compétence, mais tout cela mis ensemble est de peu de poids lorsqu'arrive un projet créateur de nombreux emplois, qui peut sauver une région. Toute mise en garde de votre part susciterait alors une réaction négative, parce que ce mégaprojet, aux yeux des personnes en cause, est plus important que ce que vous représentez.
Je crois que vous savez de quoi je parle, et de quelles régions. Prenons l'exemple des Territoires du Nord-Ouest, et de Yellowknife, et de la mine de diamant dont vous parlez. Il y a là beaucoup de réactions négatives envers des organisations comme la vôtre, qui se font éclipser par l'avantage commercial que représente le projet. Ce n'est qu'une observation de ma part. Et je si je dois poser une question, c'est sur la façon de surmonter ce problème?
J'ai une autre question pour vous, qui se rapporte à la règle de droit. Il me semble que le projet de loi C-19 est rédigé de manière suffisamment claire, même pour moi, qui ne suis pas avocat, pour que nous le comprenions. Pourtant, les gouvernements eux-mêmes, et parfois les entreprises minières, essaient de contourner la loi, dans leur intérêt. Notre comité peut observer la situation et la suivre de près, mais c'est le gouvernement qui reste le maître de nombre de ces décisions, particulièrement au sujet des sociétés de la Couronne, et nous avons les mains liées. Vous devez sentir la même impuissance.
Que proposez-vous, que proposez-vous au comité, pour que la primauté du droit soit plus respectée, pour ce genre de questions?
Mme Elizabeth May: Merci, monsieur Bailey; vous me permettez enfin d'aborder cette question.
Tout d'abord, il ne faudrait pas qu'on perçoive notre engagement envers de bonnes évaluations environnementales au Canada comme une opposition à la création d'emplois ou à l'expansion économique. Le gouvernement du Canada et le Parlement du Canada ainsi que la population canadienne soit sont pour une saine planification, dont l'évaluation environnementale est un outil, soit ne le sont pas. S'il n'y a pas cet engagement, il faut cesser de faire comme s'il existait.
J'ai parlé des 55 millions de dollars consacrés à un incinérateur qui ne marchait pas, et pour lequel il n'y avait pas eu d'évaluation environnementale. Je pourrais aussi parler de la pire mise à pied de l'histoire du pays, qui a touché 30 000 personnes qui ont perdu leur emploi lorsque s'est effondrée la pêche à la morue.
Mr. Roy Bailey:Vous avez raison.
Mme Elizabeth May:On a essayé d'obtenir une évaluation environnementale pour les quotas de stocks de morue des pêcheurs côtiers, mais personne à la Cour fédérale nous a prêté l'oreille. S'il y avait eu une bonne évaluation environnementale de ces décisions, ces emplois existeraient toujours. Il y a de nombreux exemples de ce genre.
Dans le cadre du projet de loi C-19, ce que nous pouvons faire... les commentaires formulés par le président m'ont vraiment touchée. Si vous dites que certains règlements doivent s'appliquer comme à une agence semblable au CRTC, et d'autres à toutes les sociétés d'État, les changements ne seront pas facilement acceptés par le gouvernement.
Quels changements peut-on apporter, pour qu'on en voit des effets? On peut imposer des peines pour le défaut de se conformer à la loi. Fixer des exigences. Rien d'extraordinaire. Soit vous croyez dans la procédure mise sur pied par le gouvernement, soit vous n'y croyez pas. Le défaut de respecter la primauté du droit devrait être assorti de conséquences et d'un certain suivi. Dans la version actuelle de la loi, ce n'est pas le cas.
M. Roy Bailey:Oui.
À (1050)
M. Ed Wittingham: Je vais vous donner un exemple tiré des parcs nationaux. Notre intérêt est plus limité. Nous ne tenons pas compte de ce qui se passe à l'étranger—en Chine, par exemple—mais pour prendre l'exemple des parcs nationaux, j'aimerais revenir à une recommandation que nous avons formulée.
Si vous avez l'intention d'avoir un coordonnateur de l'évaluation environnementale, au niveau fédéral, il faudrait établir une séparation entre la personne à qui ce coordonnateur est tenu de rendre compte et le patron de ce dernier. Je soulève l'exemple de Parcs Canada. Parcs Canada fait beaucoup d'auto-évaluations, et tout naturellement, étant donné la nature d'une auto-évaluation, vous pouvez vous imaginer qu'on a tendance à soupçonner un conflit d'intérêts, ou la possibilité pour Parcs Canada d'aller de l'avant et de commencer un projet avant que la détermination ne soit faite. C'est un système qui, en soi, est imparfait.
Nous pourrions apporter une distinction dans nos parcs en ayant un coordonnateur de l'évaluation environnementale qui serait redevable auprès d'un ministère tout à fait différent—c'est-à-dire, Environnement Canada plutôt que le ministère du Patrimoine canadien. Cela permettrait à Parcs Canada de se retirer de cette position difficile qui l'oblige non seulement à créer un revenu mais de tenter, sans trop de parti pris, de trouver des projets qui pourraient apporter un revenu. Dans l'exemple que je vous cite, si nous avons une instance distincte, nous pouvons éliminer toute crainte de favoritisme. Cela donne à des groupes comme le nôtre, la possibilité de s'adresser à une personne qui doit rendre compte à un ministère différent.
Voilà donc un exemple, monsieur Bailey, tiré de nos parcs nationaux.
M. Roy Bailey: Merci.
J'ai une dernière petite question.
Nous savons que dans le passé—et, madame May, vous avez cité certains exemples—que si on avait tenu compte des conseils donnés par le milieu scientifique, et si un gouvernement était intervenu pour refuser, pour les raisons que j'ai soulevées plus tôt, la situation aurait été très différente.
Cependant, est-il possible d'avoir un projet minier, un développement quelconque—et là je songe aux prairies—sans pour autant causer du tort à l'environnement? Est-il possible d'avoir un projet d'envergure sans porter atteinte à l'environnement?
Le président: Nous en aurions pour une conférence de trois jours.
Madame Kuyek.
Mme Joan Kuyek: Je ne le pense pas. C'est comme dans la vie, lorsqu'on a à faire un choix; nous savons qu'il y aura des répercussions, et nous voulons agir en connaissance de cause. Malheureusement, dans l'absence d'une bonne évaluation environnementale, on ne peut pas le savoir, ce qui signifie que, selon l'expression populaire, on achète un chat dans un sac.
Les mines de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest ou les mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan représentent des enjeux très importants. Les effets seront à long terme. Dans 20 ans, ces mines ne seront plus exploitées. C'est dans moins d'une génération. Bien entendu, pour le court terme, les avantages économiques pour les Territoires du Nord-Ouest sont très intéressants, et ils en ont vraiment besoin, mais ce n'est pas là la question. La question est de savoir ce qui se passera 20 ans plus tard? Que vont-ils faire lorsque ces mines ne seront plus exploitées?
J'ai vécu pendant 30 ans à Sudbury. En 1970, quand je suis arrivée, il y avait 20 000 employés qui travaillaient pour Inco. Il n'y en a plus que 5 000 maintenant. Si cette entreprise ferme ses portes--et la rumeur veut que le minerai sera bientôt épuisé--nous aurons 900 milles carrés de terres dévastées, et c'est tout.
Ces décisions doivent se faire dès le départ. Les emplois à court terme doivent se comparer à la durabilité de la région. C'est pour cela que nous avons la LCEE, et c'est ce que doit nous apporter le processus d'évaluation environnementale. Malheureusement, c'est à vous qu'on a accordé la responsabilité de vous en assurer.
À (1055)
Le président: Nous avons M. Comartin, M. Laliberté, et le président. Et ensuite nous allons devoir lever la séance.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.
Madame Kuyek, vous venez de me couper l'herbe sous le pied, car j'allais faire la même chose que vous, mais vous l'avez fait de manière beaucoup éloquente que moi. J'ai passé une partie du congé de Noël à Port Colborne et j'ai vu ce que la société Inco a fait à cette localité et les conséquences que celle-ci a subies, tant du point de vue économique que de la santé. Lorsqu'on voit ce genre de chose, on comprend l'importance de ce projet de loi. C'est pourquoi je vous remercie tous de votre présence et de tout le travail que vous faites.
Monsieur le président, allons-nous arrêter à 11 heures?
Le président: Nous allons arrêter à la fin du premier tour. Certains d'entre nous ont d'autres engagements.
M. Joe Comartin: Je voulais soulever une question. Je pourrais peut-être le faire maintenant et utiliser une partie du temps qui m'est alloué.
Je suis quelque peu préoccupé par une des déclarations que vous avez faites, lors de votre intervention, en disant que nous sommes limités par les dispositions du projet de loi sous sa forme actuelle. Je n'accepte pas cette interprétation. La question a déjà été soulevée auparavant. Avons-nous décidé d'obtenir une décision—qu'il s'agisse d'un avis juridique ou d'une décision de la part du Président?
Le président: Nous avons demandé au Président de rendre une décision. Il nous a demandé de communiquer avec l'un de ses greffiers, et nous vérifions continuellement auprès de lui si les projets d'amendement sont recevables. Toutefois, aucune décision finale n'a été prise. Lorsque nous en serons à l'étude article par article, le représentant du greffier ou du président sera à même de nous dire quels amendements sont recevables ou non en vertu du Règlement.
M. Joe Comartin: Si l'on pouvait faire valoir auprès du greffier qui se penche sur la question que nous sommes... Permettez-moi de reformuler cette phrase. Je travaille en partant du principe que nous pourrons peut-être proposer des amendements qui sortent du cadre de ce projet de loi. Si cela nous est impossible, nous perdons notre temps. Nous pourrions peut-être faire savoir au greffier que nous souhaitons connaître cette décision assez rapidement.
Le président: Il ne fait aucun doute que les amendements ne doivent pas sortir de la portée du projet de loi. Il s'agit de voir comment les définir et comment trouver des clauses de sauvegarde et les parties non limitatives du projet de loi qui puissent nous permettre d'examiner une motion dans ce sens. Nous devons toutefois rester dans le cadre du projet de loi. Il n'y a aucun...
M. Joe Comartin: Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point, car si nous procédons à un examen de cette mesure législative, comment peut-on nous obliger à n'examiner que les amendements proposés par le gouvernement?
Le président: Si vous avez des suggestions à faire sur la façon de modifier le Règlement pour pouvoir proposer des amendements qui dépassent la portée de ce projet de loi, n'hésitez pas à les faire lors de la prochaine séance, car c'est le dilemme dans lequel nous nous trouvons.
Vous pourriez peut-être répondre à la question de M. Comartin?
M. Joe Comartin: Monsieur Wittingham, j'ai été troublé de vous entendre dire, si je vous ai bien compris, que Parcs Canada a déjà commencé à considérer ces amendements comme ayant force de loi. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Ed Wittingham: Je parlais précisément du plan communautaire de Lac Louise. Votre question va-t-elle plus loin que cela?
M. Joe Comartin:Oui.
M. Ed Wittingham: Nous avons appris qu'il existe un plan communautaire pour Lac Louise, comme pour Banff et les autres collectivités qui ont un parc national, qui prévoit des mesures d'expansion. Nous avons appris que Parcs Canada considère déjà ce plan comme pouvant être mis en vigueur. Or, à mon avis de profane qui examine la Loi sur les parcs nationaux du Canada, j'ai l'impression que cela va à l'encontre de l'article 34, qui stipule que ce plan doit en fait être soumis aux parlementaires et renvoyé à un comité.
Nous voulions simplement le signaler, monsieur Comartin, car on a dit que cela nous permettra d'élaborer un plan de mise en oeuvre des projets d'expansion et de prendre des mesures comme l'établissement d'une loterie commerciale, jusqu'au point où on demande aux promoteurs de soumettre des propositions qui seront ensuite examinées et qui déclencheront peut-être des évaluations environnementales.
M. Joe Comartin: J'ai une brève question à poser à Mme May—il s'agit d'une mise à jour sur l'affaire du CANDU. Avez-vous une idée de la date à laquelle la Cour suprême va statuer à ce sujet?
Mme Elizabeth May: Non, nous n'en savons rien. Je le répète, la cour a entendu l'affaire début novembre et va peut-être rendre sa décision d'ici quelques jours ou dans six mois. Nous avons essayé d'obtenir une décision de la Cour suprême pour que cette affaire soit réglée rapidement, pour que nous puissions présenter nos arguments sur le bien-fondé de la question. Notre demande a été rejetée. Les coûts juridiques de cette entreprise sont difficiles à assumer, et plus le temps passe, plus il est vraisemblable que les réacteurs Qinshan seront entièrement construits avant que la cour ne statue sur la question de savoir si les ministres du Commerce international et des Finances avaient été tenus d'assujettir leur décision à la loi.
Á (1100)
M. Joe Comartin: Avez-vous obtenu des décisions favorables en matière de dépens au cours de tout ce processus?
Mme Elizabeth May: Chaque fois que nous gagnons dans un dossier, ce qui a été le cas la plupart du temps, il y a eu attribution des dépens dans l'affaire. La seule fois où nous avons perdu, sur la question d'accélérer cette affaire pour nous permettre de présenter des arguments sur le bien-fondé, les dépens ont été attribués à la partie adverse. Nous devons donc actuellement 10 000 $ à EACL.
M. Joe Comartin: Et vous n'avez jamais rien touché après décision de la cour?
Mme Elizabeth May: Non.
M. Joe Comartin: Je tiens à faire une brève déclaration, car certains membres de notre comité font toutes sortes de remarques péjoratives au sujet des avocats qui peuvent...
Des voix: Oh, oh!
M. Joe Comartin: J'ai droit à une défense, monsieur le président.
Mme Karen Kraft Sloan: [Note de la rédaction: Inaudible] ...une clause d'exclusion de votre part.
M. Joe Comartin: Ce que je veux dire, c'est que nous avons entendu certaines remarques faites avec le plus grand sérieux par M. Reed, de l'autre côté, ainsi que M. Mills selon lesquelles les avocats font la promotion de ces causes, c'est-à-dire en incitant des gens à intenter des poursuites. Mais lorsqu'on voit comment les choses se passent—et il arrive fréquemment que de petits groupes insuffisamment financés se manifestent—il arrive souvent que les coûts du procès soient tellement exorbitants qu'ils ne s'en remettent pas. Il y a donc deux côtés à la médaille. Il n'y a pas que les petits propriétaires fonciers qui sont pénalisés par ce processus, du point de vue coût.
Merci, monsieur le président.
Mme Elizabeth May: Si je peux répondre à cela, je ne veux pas effrayer mon conseil d'administration s'il lit ces observations dans le hansard, mais la survie même de notre groupe est vraiment menacée.
Nous ne sommes pas un organisme caritatif. La Fondation Sierra Club du Canada, en tant qu'organisme distinct, a le statut d'organisme de bienfaisance. Tout l'argent que nous avons dépensé pour payer nos avocats et assumer nos dépenses au cours des cinq dernières années venait de dons faits par des gens qui ne pouvaient pas profiter d'un reçu aux fins d'impôt pour don de charité.
Il est très difficile de garder ce dossier ouvert et de faire entendre l'affaire. Nous voulons simplement que l'affaire soit entendue sur la question du principe: le gouvernement fédéral et son conseil des ministres peuvent-ils en toute impunité faire fi de leurs propres lois?
Le président: Merci, madame.
Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser une question sur l'effet cumulatif de différents projets. Nous avons des régions écologiques—pas seulement les bassins hydrographiques, mais également toute la forêt boréale qui s'étend d'un bout à l'autre du pays. Comment cette loi va-t-elle...? Comment le gouvernement fédéral peut-il évaluer l'effet cumulatif de certains projets sur les régions écologiques ou les couches aquifères ou tenir compte des répercussions que peuvent avoir les divers aspects des projets?
Mme Elizabeth May: Je ne peux pas m'imaginer que, dans le cadre d'une évaluation environnementale concernant un projet, l'on prenne en considération l'impact cumulatif sur une région aussi vaste que, disons, toute la forêt boréale. L'objectif est d'examiner l'impact cumulatif pour une région précise.
Prenons l'exemple de la mine Cheviot, située près de Hinton, en Alberta. On s'inquiétait qu'en raison de toutes les activités forestières dans la région et de la présence d'une mine de charbon à ciel ouvert, ainsi que d'activités reliées au pétrole et au gaz, l'effet cumulatif de toutes ces activités serait dévastateur sur l'habitat de l'ours grizzli—cela débordait du cadre dans lequel évoluait ce projet particulier. En ce sens, il définit son écorégion, puisqu'on examine l'habitat d'une espèce précise.
Dans le cas de toute une écorégion, telle la forêt boréale, si vous vouliez entreprendre une évaluation environnementale de portée générale et examiner dans quelle mesure les permis de coupe influent sur les avantages reliés aux puits de carbone au Canada en vertu de la Convention de Kyoto, voilà un exemple où il serait de mise d'examiner les effets sur une écorégion entière. Mais dans le cas d'une évaluation environnementale réalisée pour un projet précis, je ne crois pas que l'on tienne compte de l'impact sur l'écorégion, à moins que les effets de l'activité soient tels que le gros bon sens dicte nos actions.
M. Rick Laliberte: J'ai pris l'exemple d'une région plus vaste, d'une écorégion, mais il y a également les bassins d'eau. Je crois que de nombreux bassins hydrographiques sont maintenant reliés à des aquifères. Tous les Canadiens sont extrêmement conscients des questions entourant l'eau et de la qualité de l'eau, et je crois que l'effet cumulatif...
En quoi le projet de loi aborde les effets cumulatifs? Il parle de la participation fédérale aux examens, mais qu'en est-il des examens provinciaux ou internationaux? Nous avons des eaux frontalières internationales; certains de nos bassins hydrographiques traversent la frontière américaine; certains cours d'eau traversent plusieurs provinces; certains courants aériens vont de l'Alberta à la Saskatchewan; et parfois des résidus d'uranium aboutissent dans les eaux du fleuve Mackenzie.
Ce concept va bien au-delà des frontières provinciales. Il faut en parler; il faut discuter des effets cumulatifs qu'auraient ces projets. Qu'en pensez-vous?
Á (1105)
M. Ed Wittingham: Monsieur Laliberte, nous partageons les mêmes préoccupations. J'ai soulevé l'exemple de la station d'épuration des eaux de Lake Louise et le spécialiste en chef du parc pour ce qui est du milieu aquatique, qui a présenté son rapport très tard, n'a même pas été consulté, même s'il était l'expert dans le domaine des effets cumulatifs et de la qualité de l'eau. Nous devons nous assurer que les spécialistes comme lui soient inclus. Nous devons aussi nous assurer que les rapports régionaux, tels que les rapports d'Environnement Canada sur le changement climatique, l'amincissement du manteau neigeux et la réduction de l'eau disponible à long terme, sont incorporés au processus d'évaluation environnementale. Selon le libellé actuel de la loi, on peut ne pas tenir compte du tout de ces rapports et de ces spécialistes. Il y a ici des modifications qui garantiraient que des spécialistes comme ceux-ci et des rapports comme ceux-ci sont inclus, pour que nous puissions avoir une perspective régionale globale.
Nous sommes allés devant les tribunaux en raison des effets cumulatifs. Pour faire suite aux propos de M. Comartin, nous avons contesté l'article 15, qui porte sur l'établissement de la portée de l'évaluation, ainsi que l'article 16 de la loi, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nous avons perdu et nous devons maintenant 40 000 $ en frais judiciaires.
Mme Elizabeth May: J'ajouterai seulement qu'une des recommandations sur laquelle il y a eu consensus de la part du comité consultatif de la réglementation, c'était d'améliorer les dispositions concernant les questions transfrontalières et de permettre au ministre de décider si on devrait procéder à un examen préalable, à une étude approfondie, à une médiation, ou à une commission d'examen. C'est l'étude approfondie qui permettra la meilleure évaluation des impacts cumulatifs. Une autre recommandation était de permettre au ministre de nommer une autorité fédérale principale à l'évaluation du projet. Voilà deux recommandations du comité consultatif de la réglementation qui ont fait l'objet d'un consensus et qui, je crois, reflètent votre point de vue, quoique je tiens à me faire l'écho de vos observations.
J'espère que je n'ai pas donné l'impression que je rejetais l'idée que dans l'aménagement des bassins versants, les effets cumulatifs d'une écorégion s'étendront certainement au-delà des frontières de la province, et même au-delà des frontières du pays. Bien sûr, il y a des dispositions qui portent sur des évaluations environnementales conjointes et je crois que la création d'un coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale devrait aider. Nous sommes d'avis que ces dispositions peuvent être améliorées, comme plusieurs mémoires l'ont déjà mentionné, mais cela veut dire qu'il faut coordonner les domaines de compétence pour mieux évaluer les impacts cumulatifs des projets sur les bassins versants transfrontaliers, les bassins atmosphériques, et ainsi de suite.
M. Rick Laliberte: Merci.
Le président: Merci, monsieur Laliberte.
Laissez-moi terminer en vous demandant si vous seriez prêts à lire les questions dans les notes de synthèse pour la réunion d'aujourd'hui et, après les avoir lues, si vous pourriez choisir certaines questions auxquelles vous pourriez répondre par écrit. Il y a là certaines questions qui vous intéresseront peut-être. Nous aurions ainsi les avantages d'une réunion beaucoup plus longue, qui pourrait durer plusieurs heures bien sûr.
Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan: Je n'ai pas lu les notes de synthèse—et je m'en excuse—mais j'allais ajouter que si vous croyez qu'elles devraient inclure une question sur ce qui manque dans la loi C-19, s'il vous plaît faites-nous en part. Merci.
Le président: Il y a des questions qui portent là-dessus.
Vous pouvez le faire dans une lettre adressée aux membres du comité, quand cela vous conviendra, bien sûr.
J'aimerais vous remercier au nom des membres du comité pour cet échange très instructif et utile. Madame Kuyek, madame Ellis, monsieur Wittingham et madame May, nous espérons vous revoir. Merci d'être venus nous voir aujourd'hui.
La séance est terminée.