FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 5 février 2002
¿ | 0915 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.)) |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Michael Hart (professeur de politique commerciale Simon Reisman, École des affaires internationales Norman Paterson) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Jayson Myers (économiste en chef, Manufacturiers et Exportateurs du Canada) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. David Zussman (président, Forum des politiques publiques) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. David Zussman |
M. David Zussman |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Keith Martin (Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
À | 1005 |
M. Jayson Myers |
M. Keith Martin |
M. Michael Hart |
À | 1010 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Martin |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
À | 1015 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Ms. Lalonde |
M. David Zussman |
M. Jayson Myers |
À | 1020 |
La vice-président (Mme Jean Augustine) |
Mme Aileen Carroll (Barrie--Simcoe--Bradford, Lib.) |
M. Michael Hart |
Mme Aileen Carroll |
À | 1025 |
M. Jayson Myers |
Mme Aileen Carroll |
La présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD) |
M. Jayson Myers |
M. Michael Hart |
À | 1030 |
M. Robinson |
M. Michael Hart |
M. Svend Robinson |
M. Michael Hart |
M. Svend Robinson |
M. Michael Hart |
M. Svend Robinson |
M. Michael Hart |
M. Svend Robinson |
M. Michael Hart |
M. Svend Robinson |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine |
M. David Zussman |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Bernard Patry (Pierrefonds--Dollard, Lib.) |
M. Michael Hart |
À | 1035 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Bernard Patry |
M. Michael Hart |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Bernard Patry |
À | 1040 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
M. Jayson Myers |
M. Michael Hart |
À | 1045 |
Mme Diane Marleau (Sudbury) |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Jayson Myers |
À | 1050 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Keith Martin |
La vice-présidente (Jean Augustine) |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.) |
À | 1055 |
M. Michael Hart |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Á | 1115 |
M.Thorbjørn Jagland (président du Comité permanent des affaires étrangères et du Comité élargi des affaires étrangères,du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
La vice--présidente (Mme Jean Augustine) |
Á | 1120 |
M. Ingvard Havnen (Ambassadeur de Norvège au Canada) |
M. Gerald Schmitz (attaché de recherche auprès du comité) |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Diane Marleau |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
Mme Kristin Halvorsen (membre du comité, Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Bjørn Jacobsen (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
Á | 1125 |
Mme Aileen Carroll |
Mme Marlene Jennings |
M. Haakon Blankenborg (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Morten Høglund (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Finn Martin Vallersnes (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Inge Lønning (premier vice-président du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting); vice-président du Storting) |
M. Christopher Stensaker (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Åslaug Haga (deuxième vice-président du Comité permanent des affaires étrangères et du Comité élargi des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Jon Lilletun (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Lars Rise (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Gunhild Øyangen (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Svend Robinson |
Á | 1130 |
M. Rune Resaland (secrétaire du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
M. Dubé |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Julie Christiansen (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
Á | 1135 |
M. Keith Martin |
M. Jens Stoltenberg (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) |
Mme Marlene Jennings |
Á | 1140 |
M. Jens Stoltenberg |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Dubé |
M. Svend Robinson |
Á | 1145 |
M. Jens Stoltenberg |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Á | 1150 |
M. Thorbjørn Jagland |
Á | 1155 |
M. Keith Martin |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Francine Lalonde |
M. Thorbjørn Jagland |
 | 1200 |
M. Svend Robinson |
 | 1205 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Robinson |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine |
M. Thorbjørn Jagland |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
Mme Åslaug Haga |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
 | 1210 |
M. Thorbjørn Jagland |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Thorbjørn Jagland |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
M. Thorbjørn Jagland |
Mme Julie Christiansen |
 | 1215 |
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le mardi 5 février 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke--Lakeshore, Lib.)): Bonjour.
Conformément au paragraphe108(2) du Règlement, nous menons une étude de l'intégration nord-américaine et du rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins et je précise aux membres du comité que cette partie de notre réunion va durer jusqu'à 11 heures, après quoi nous accueillerons le Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien.
Bien. Nous accueillons pour l'instant M. Michael Hart, professeur de politique commerciale à la Chaire Simon Reisman de l'École des affaires internationales Norman Paterson de l'Université Carleton, M. Jayson Myers, économiste en chef des manufacturiers et exportateurs du Canada, et M. David Zussman, président du Forum des politiques publiques.
Nous allons commencer par demander... Pardon, il y a un rappel au Règlement.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la présidente, je veux annoncer que quand nous aurons quorum, je ferai un rappel au Règlement à propos du fonctionnement du sous-comité sur le commerce qui s'est permis d'entendre des témoins sans la présence aucune de députés de l'opposition.
Ce n'est pas la façon de fonctionner de ce comité ni celle du sous-comité. Je poserai donc une question à ce sujet. Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Oui, mais nous allons commencer par M. Michael Hart, de l'Université Carleton.
M. Michael Hart (professeur de politique commerciale Simon Reisman, École des affaires internationales Norman Paterson): Merci, madame la présidente, de me donner cette occasion de participer aux importants travaux que ce comité consacre à l'évolution future des relations canado-américaines à la lumière des défis entraînés par les événements du11 septembre.
Je veux me concentrer ce matin sur les problèmes d'administration de la frontière et sur certaines préoccupations soulevées à ce niveau depuis le 11 septembre, mais j'aimerais commencer par souligner que certains des problèmes que je vais évoquer datent d'avant le 11 septembreet sont surtout dus au succès de l'Accord de libre-échange canado-américain, l'ALENA, et de l'Accord de l'Organisation mondiale du commerce, car nous constatons depuis trois ans une croissance exponentielle du volume et de la valeur des échanges bilatéraux—des échanges qui dépassent de loin les capacités des services frontaliers.
Mes collègues et moi-même à l'université Carleton, et plus particulièrement au Centre de droit et de politique commerciale, examinons ces questions depuis plusieurs années, et nous avions commencé ce travail bien avant le11 septembre. Naturellement, la tragédie du11 septembrea profondément modifié l'équation en ajoutant une très forte composante de sécurité à un problème qui devenait aigu. Je pense que ces événements ont donné un caractère d'urgence accru à la nécessité de trouver des solutions à cette question.
Je précise que le problème de la frontière est délicat car il soulève de très importantes questions de souveraineté qui dominent souvent le débat, mais qui ne devraient néanmoins pas entraver la recherche de solutions concrètes à des problèmes concrets. Je pense que les Canadiens aiment la frontière. Ils se réjouissent de son existence sur le plan politique, mais ils n'ont aucune envie qu'elle constitue un obstacle pour eux lorsqu'ils font du commerce, qu'ils investissent, qu'ils se déplacent en tant que touristes, qu'ils vont passer l'hiver dans le Sud, etc. De la même façon, les Américains aiment bien cette frontière. Ils ont peut-être tendance à se polariser plus sur l'aspect sécurité que les Canadiens, mais eux non plus ne considèrent pas les Canadiens comme une menace pour leur sécurité. Ils nous considèrent comme leurs voisins, leurs amis, leurs parents et ils souhaiteraient eux aussi avoir une frontière plus ouverte. Le défi pour les deux gouvernements est donc de trouver une série d'accords permettant d'ouvrir cette frontière tout en assurant la sécurité des citoyens de part et d'autre.
Des progrès importants ont déjà été accomplis grâce au dialogue entre nos deux gouvernements, notamment le dialogue qui a débouché sur l'accord sur la frontière efficace annoncé par le ministre des Affaires étrangères de l'époque, John Manley, et le gouverneur Tom Ridge, le directeur de la sécurité du territoire, en décembre. On a déjà accompli beaucoup de travail dans le cadre de cet accord, mais je dois dire que je ne suis pas étonné par les commentaires de la presse qui fait état cette fin de semaine d'une certaine frustration face à la lenteur de la mise en oeuvre de cet accord sur la frontière.
J'y reviendrai dans quelques instants, mais avant cela, permettez-moi de vous signaler une ou deux choses qui me semblent importantes.
À mon avis, l'essentiel est de nous attaquer à l'aspect commercial de la question. Je pense que M. Ridge et M. Manley contrôlent bien les mesures de sécurité, et que nous devons maintenant nous concentrer sur les défis posés par les transactions commerciales à la frontière; sur le travail inachevé de l'ALE, de l'ALENA et de l'OMC, en trouvant une solution au problème de la frontière qui ralentit les choses, qui entraîne des retards et qui provoque des coûts administratifs; sur les retombées de l'application de systèmes de réglementation différents, qui entraîne là encore des coûts que l'on pourrait éviter en prenant en compte les facteurs d'une intégration discrète de plus en plus poussée; et enfin et surtout, sur le fait que les institutions, les procédures et les réglementations des deux gouvernements correspondent certes à la réalité d'un accord de libre-échange, mais ne reflètent pas l'intégration profonde de nos deux pays, une intégration qui va beaucoup plus loin que l'accord de libre-échange et qui ressemble plutôt à une union douanière ou même à un marché commun. Je pense que le défi le plus important pour nos deux gouvernements, c'est de trouver les bonnes institutions et les bonnes procédures et réglementations pour s'adapter à cette réalité. Je pense que cela nécessitera une sérieuse réflexion, du travail et une certaine coopération de la part des deux gouvernements.
Pour y parvenir, je pense qu'il faut préciser plusieurs choses, plusieurs éléments qui font probablement obstacle à un débat serein sur ces questions. Il y a d'abord la question de savoir si le Canada et les États-Unis ont ou non un périmètre commun. Je pense qu'il faudrait bien reconnaître qu'ils partagent un tel périmètre depuis de nombreuses années. C'est un périmètre dicté par la géographie, par la démographie, par l'économie, par des valeurs politiques et autres que nous avons en commun, par des dispositifs communs en matière de sécurité et par des arrangements économiques communs. La question de savoir s'il doit ou s'il ne doit pas y avoir de périmètre est donc superflue. La question est en fait de savoir si nous voulons avoir un périmètre fort ou faible, et je crois à cet égard que la plupart des Canadiens s'entendent pour penser que nous aurions avantage à avoir un périmètre fort aussi bien pour des motifs économiques que pour des motifs de sécurité.
¿ (0920)
Deuxièmement, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a déjà une vaste convergence au niveau des stratégies et des idées de nos deux pays. Par exemple, nos procédures en matière d'immigration, de politique d'accueil des réfugiés, etc., sont beaucoup moins différentes que ce que certains prétendent. Ce ne sont pas des différences de conception, mais plutôt des différences d'ordre administratif résultant de notre histoire et de nos pratiques législatives mutuelles.
Troisièmement, il est vraisemblable que l'intégration de nos deux pays va se poursuivre et s'intensifier d'autant plus que les deux sociétés vont être de plus en plus étroitement liées. La question pour les gouvernements est donc de savoir s'ils veulent gérer, faciliter ou freiner cette intégration.
Quatrièmement, si nous voulons progresser sur le front économique et commercial, nous allons devoir apaiser les inquiétudes des États-Unis en matière de sécurité. Les Américains sont beaucoup plus chatouilleux que nous ne l'avons été traditionnellement sur les questions de sécurité. Pour faire avancer le dossier commercial, nous devons donc régler le dossier de la sécurité. Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, les initiatives lancées par M. Manley et M. Ridge ont constitué un bon point de départ.
Cinquièmement, je ne pense pas que le facteur du Mexique doive nous dissuader d'aller de l'avant. Les États-Unis ont une attitude différente à l'égard du Mexique. Le Mexique n'a pas réagi de la même façon aux événements du 11 septembre. Certes, nous avons un accord nord-américain commun, mais le Canada et les États-Unis ont bien des choses en commun que le Mexique ne partage pas, et de même le Mexique et les États-Unis ont de nombreuses choses en commun que ne partage pas le Canada. Il est donc essentiel pour l'instant que les deux États qui constituent avec les États-Unis l'Amérique du Nord aillent de l'avant de façon parallèle plutôt qu'ensemble. Plus tard, ils pourront déterminer s'ils ont suffisamment d'intérêts partagés pour justifier une démarche commune.
Enfin, je pense qu'il est essentiel de choisir le bon moment. Il est très difficile d'attirer l'attention des Américains, mais nous avons actuellement cette attention. Le dialogue est en cours, et c'est le moment de foncer. Le problème, c'est de savoir comment. Traditionnellement, les observateurs des relations canado-américaines estiment que, pour mener à bien une initiative canado-américaine, il faut faire beaucoup de bruit à Washington et très peu de bruit à Ottawa. Autrement dit, la discrétion s'impose à Ottawa et au Canada à cause des susceptibilités du public, mais c'est le contraire aux États-Unis. Je pense que c'est toujours vrai au Canada, mais je crois qu'on exagère aujourd'hui la crainte d'une réaction hostile des Canadiens à une initiative canado-américaine. Grâce à l'Accord de libre-échange et au progrès de la gestion de l'intégration au cours des années 90, les Canadiens sont beaucoup moins opposés à une intégration plus poussée avec les États-Unis. Je crois qu'on l'a clairement constaté dans la réaction des Canadiens aux événements du 11 septembre.
Plutôt que d'essayer de faire preuve d'une discrétion excessive ici, nous devrions promouvoir très activement les intérêts du Canada à Washington. Il faut le faire tout simplement parce qu'à Washington les choses ne fonctionnent pas de la même façon qu'au Canada. Au Canada, nous sommes habitués à un gouvernement où le pouvoir vient du centre et se diffuse à partir de ce centre. À Washington, c'est exactement le contraire. Le pouvoir vient de la base et se concentre progressivement au centre.
Pour attirer l'attention des États-Unis, il faut attirer l'attention non seulement du président et de ses collaborateurs, mais aussi celle de toutes sortes de personnes qui font avancer les choses à Washington, dans un système extrêmement décentralisé et fractionné. Nous avons donc besoin de porte-parole canadiens aussi bien publics que privés qui s'occupent constamment de rappeler aux États-Unis et à nos interlocuteurs américains l'importance du Canada pour leur bien-être, l'importance du Canada pour leur prospérité et l'importance du Canada pour leur sécurité. Ce n'est qu'en faisant un maximum de pressions à Washington que nous obtiendrons l'attention nécessaire pour obtenir les résultats que nous souhaitons. Si nous ne mettons pas la pression de cette façon, nous ne serons qu'une des multiples questions dont on parle constamment à Washington, mais sur lesquelles on ne fait pas grand-chose. Si nous voulons faire bouger les choses, il faut travailler très fort pour y parvenir à Washington.
Permettez-moi de vous citer brièvement une remarque d'Allan Gotlieb, qui a été l'ambassadeur du Canada aux États-Unis pendant l'essentiel des années 80. Dans un joli petit ouvrage qu'il a rédigé en prenant sa retraite, intitulé I'll be With You in a Minute, Mr. Ambassador, The Education of a Canadian diplomat in Washington, il écrivait que «à Washington... une puissance étrangère n'est qu'un intérêt spécial de plus, et d'ailleurs pas tellement spécial en fait». Il ajoutait:
¿ (0925)
Le gouvernement étranger doit bien comprendre qu'il est sérieusement désavantagé face à d'autres intérêts spéciaux pour la simple raison que les intérêts étrangers n'ont ni sénateurs, ni membres du Congrès, ni agents du personnel pour les représenter à la table des négociations. Ils n'ont ni vote, ni comités d'action politique. |
Pour surmonter ce handicap naturel, les Canadiens doivent agir très activement non seulement auprès du président et des principaux responsables de son administration, mais aussi auprès des principaux membres du Congrès et des principaux représentants de toutes sortes de groupes d'intérêt qui partagent nos intérêts, mais auxquels il est important de le rappeler. Si nous devons le faire, c'est parce que de nombreux organes du gouvernement à Washington disposent d'une indépendance considérable, comme le constate actuellement M. Manley.
J'ai travaillé pour le gouvernement canadien avec le Service des douanes et le Service de l'immigration et de la naturalisation des États-Unis, et j'ai pu à cette occasion constater à quel point ces organismes sont indépendants. En fait, je suis convaincu que certains douaniers et agents du SIN qui travaillent à la frontière canado-américaine ne savent pas encore que nous avons un accord de libre-échange. En tout cas, c'est ce que donne à penser leur attitude lorsqu'ils administrent cet accord, et cela, c'est parce qu'ils travaillent pour des organismes relativement indépendants. Ils ont leurs propres budgets—des budgets approuvés par le Congrès—ils ont leurs propres sources de pouvoir émanant des lois adoptées par le Congrès, et les dirigeants de ces services peuvent être nommés par le président, mais là encore, sur le conseil et avec le consentement du Congrès.
Ces organismes sont donc des joueurs très indépendants et très puissants. Nous avons pu le constater encore une fois la fin de semaine dernière lorsque M. Robert Bonner, le commissaire du Service des douanes américain, a répondu aux remarques de M. Manley—je ne dirais pas que c'était une plainte—au sujet de la lenteur des choses. M. Bonner lui a dit que le Service des douanes américain envisageait de renforcer la sécurité face aux terroristes à la frontière, mais qu'il n'avait pas l'impression que les Canadiens avaient la même vision des choses. En gros, ce qu'il voulait dire, c'est qu'il n'est pas encore prêt à déployer les efforts de son organisme au service de cette entreprise particulière. C'est peut-être ce que souhaite M. Ridge, mais il ne travaille pas pour M. Ridge. Il dispose d'un pouvoir indépendant, et c'est quelque chose dont nous devons être bien conscients quand nous négocions avec les Américains.
Si nous négocions effectivement avec les Américains, il va nous falloir tôt ou tard un accord reposant sur un traité. Il nous faut un accord mettant tout cela par écrit et exposant un dispositif de règlement des différends et divers autres mécanismes institutionnels pour faire respecter l'accord. Là encore, le Service des douanes et le Service d'immigration et de naturalisation sont un parfait exemple. Pendant des années, nos services ont collaboré avec eux et lancé divers programmes à la frontière tels que les programmes INSPASS et CANPASS, qui ont eu beaucoup de succès auprès des personnes qui traversent fréquemment la frontière, mais qui ont été brutalement suspendus le 12 septembre parce qu'ils ne reposaient pas sur des traités. Ces accords n'avaient aucun fondement en droit, et ils n'ont toujours pas été rétablis en dépit des efforts herculéens que M. Manley a déployés en ce sens. Il a dit cette fin de semaine qu'il espérait qu'un projet pilote serait relancé d'ici la réunion de Kananaskis. C'est tout de même une progression très lente, parce que nous progressons au coup par coup, petit pas par petit pas, au lieu de mettre un maximum de pression sur Washington, ce qui est essentiel pour réussir comme je le disais tout à l'heure.
Si nous décidons d'aller de l'avant, il y a une foule de questions à examiner. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler de l'étude que j'ai réalisée avec mon collègue Bill Dymond du Centre de droit et de politique commerciale—j'en ai remis des exemplaires au greffier—, étude dans laquelle nous énumérons toute une liste de questions qu'il faudrait aborder pour parvenir à ce que nous considérons comme un résultat éminemment souhaitable. Ce résultat, c'est une frontière beaucoup plus ouverte et beaucoup plus fluide entre le Canada et les États-Unis, une frontière régie par des institutions, des procédures et des règles conformes au degré d'intégration que connaissent déjà nos deux pays.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.
Notre prochain témoin est M. Jayson Myers, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
M. Jayson Myers (économiste en chef, Manufacturiers et Exportateurs du Canada): Madame la présidente, merci beaucoup de votre invitation à participer à ce débat extrêmement important. Il n'y a probablement pas en effet d'enjeu stratégique à long terme plus important pour le Canada que de mieux définir sa place en Amérique du Nord. Il est vrai que l'économie canadienne est de plus en plus intégrée à celle des États-Unis et que les problèmes de frontières depuis le 11 septembre illustrent vraiment combien nous sommes à la merci de circonstances qui peuvent gêner notre accès à ce marché important.
Aujourd'hui, toutefois, la question des relations économiques du Canada avec les États-Unis dépasse le problème de l'accès au marché pour nos exportations ou du fonctionnement de l'accord commercial qu'est l'ALENA. Cela reste évidemment important, mais cela entre dans un contexte beaucoup plus large qui est celui de la gestion de la politique canadienne d'une façon qui reconnaisse l'importance de l'intégration économique, développe davantage les règles et les institutions régissant nos relations avec les États-Unis et assure en même temps aux Canadiens la qualité de services publics que nous attendons tous.
La question de l'intégration nord-américaine est cruciale pour les entreprises canadiennes depuis longtemps. L'histoire de Manufacturiers et Exportateurs du Canada reflète l'incidence énorme de l'intégration sur l'économie canadienne. MEC a été créé il y a six ans en fusionnant l'Association des manufacturiers canadiens et l'Association des exportateurs canadiens. L'Association des manufacturiers canadiens avait été créée en 1871 dans le seul objectif de lutter contre le libre-échange avec les États-Unis et de protéger l'industrie canadienne. L'Association des exportateurs canadiens a été créée dans les années 40 avec pour seul objectif d'élargir l'accès aux marchés du monde entier pour les produits canadiens.
Aujourd'hui, les défis de la concurrence internationale ainsi que les possibilités que présentent les marchés mondiaux, et surtout le marché nord-américain, signifient que la protection n'est plus une option viable et que les manufacturiers et exportateurs canadiens sont vraiment à l'avant-garde de ce processus d'intégration économique qui n'a fait que s'accélérer depuis 1989 quand est entré en vigueur l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.
L'intégration est une réalité de la vie économique canadienne. Il est certainement inutile de vous rappeler à quel point le Canada et les États-Unis sont en fait intégrés. En 1989, les États-Unis représentaient 71 p. 100 des exportations canadiennes de biens et services et celles-ci représentaient un peu plus de 25 p. 100 du PIB canadien. Depuis 1989, les exportations du Canada vers les États-Unis ont plus que triplé de valeur. Aujourd'hui, les États-Unis comptent pour 83 p. 100 du total des exportations de biens et services canadiens, soit 38 p. 100 de notre PIB.
Nous dépendons également plus des États-Unis pour nos importations. En 1989, 69 p. 100 des importations canadiennes de biens et services, environ 24 p. 100 de notre PIB, venaient des États-Unis. Aujourd'hui, plus de 72 p. 100 des biens et services importés au Canada, plus de 30 p. 100 du PIB canadien, viennent en fait des États-Unis. Et les États-Unis sont également une source majeure d'investissements étrangers au Canada, sachant que 64 p. 100 des investissements directs étrangers et 58 p. 100 de l'ensemble des investissements étrangers viennent de ce pays.
L'accélération de l'intégration économique est particulièrement évidente dans l'économie industrielle canadienne. En 1989, les États-Unis étaient le marché où étaient écoulés 18 p. 100 de tous les biens produits par l'industrie canadienne. En 2000, 63 p. 100 de la production industrielle canadienne a été vendue directement aux États-Unis. Le marché américain est aujourd'hui le premier marché de l'industrie canadienne. Notre marché intérieur absorbe moins de 30 p. 100 de la production industrielle du Canada. C'est la raison pour laquelle la reprise économique des manufacturiers canadiens dépend beaucoup plus des consommateurs et des entreprises aux États-Unis que des faibles taux d'intérêt et de la situation de l'économie canadienne.
Nous achetons en outre de plus en plus de produits fabriqués aux États-Unis. Aujourd'hui, les importations des États-Unis comptent pour plus de 56 p. 100 de la valeur totale des biens achetés sur le marché canadien.
L'Accord de libre-échange canado-américain puis l'ALENA ont ouvert d'énormes débouchés pour les entreprises canadiennes partout en Amérique du Nord. Ils ont également ouvert le marché canadien à une concurrence intense qui continue à abaisser les prix et qui exige que les entreprises canadiennes se restructurent de façon à demeurer rentables et à faire face à la concurrence de ce marché élargi. Les entreprises doivent ainsi réduire leurs coûts de production en investissant dans des produits et services à plus forte valeur ajoutée, en se développant dans toute l'Amérique du Nord et en regroupant leurs activités commerciales sur le continent.
¿ (0930)
Rares sont les entreprises qui aujourd'hui produisent tout un éventail de produits qui ne sont vendus que sur le marché canadien. En général, les entreprises produisent moins d'articles, mais ceux-ci sont plus spécialisés et se vendent partout en Amérique du Nord. Nous estimons qu'environ 60 p. 100 du commerce bilatéral avec les États-Unis est intra-sociétés, c'est-à-dire que les produits et services traversent la frontière mais restent dans la même société. De ce fait, de plus en plus de décisions commerciales et financières sont prises dans une optique nord-américaine et réglées en dollars américains. Dans les grandes sociétés, les décisions concernant les investissements et la haute direction sont plus fréquemment prises aux États-Unis. Les entreprises au Canada se disputent l'exclusivité d'un produit, les investissements et le personnel qualifié avec les autres sociétés et avec d'autres divisions de la même société aux États-Unis. Ce sont les défis que pose l'intégration aux manufacturiers et aux exportateurs au Canada de nos jours.
Pour réussir actuellement sur le marché nord-américain, il faut différencier les produits et services, ajouter de la valeur par une plus forte spécialisation et attirer des investissements en fonction de l'avantage concurrentiel du Canada. Les dix dernières années nous ont montré qu'il ne suffit pas d'être simplement aussi bons que les concurrents. Pour réussir, les entreprises canadiennes doivent être meilleures.
L'intégration économique du Canada avec les États-Unis est motivée par les succès et la restructuration de l'industrie canadienne dans le contexte de l'ALENA. Toutefois, la nature de cette intégration pose un certain nombre de problèmes importants au Canada et aux entreprises canadiennes. Cela crée des contraintes pour la politique canadienne mais, à mon avis, la perte de souveraineté n'est pas le problème. Le débat est de savoir comment mieux gérer nos relations économiques avec les États-Unis et le Mexique de façon à assurer la poursuite de notre croissance économique et la création d'emplois de grande valeur au Canada tout en garantissant aux Canadiens la possibilité de façonner leur propre avenir socio-culturel et économique.
MEC relève à mon avis certains de ces défis de l'intégration économique et de ce que cela représente pour la politique du Canada. Tout d'abord, il est important de comprendre l'intégration dans son contexte. Les relations économiques du Canada avec les États-Unis sont très déséquilibrées. Ce que l'on peut considérer comme intégration économique ici n'est habituellement pas du tout vu de la même façon aux États-Unis. Le Canada est le plus grand partenaire commercial de l'Amérique, mais nous ne représentons que 21 p. 100 des exportations totales des États-Unis et à peine plus de 2 p. 100 de leur PIB. Les importations du Canada représentent 19 p. 100 du total des importations américaines mais seulement 3 p. 100 du PIB américain. Il est vrai que les échanges et les investissements bilatéraux sont cruciaux pour le bien-être d'un certain nombre de grandes entreprises dont les sièges sociaux sont aux États-Unis et au Canada, mais comme l'ont montré les événements du 11 septembre, l'importance des relations économiques du Canada n'est pas forcément bien saisie au sud de la frontière.
Il y a certaines considérations importantes qu'il ne faut pas négliger dans l'élaboration de la politique canadienne. Tout d'abord, le Canada ne peut tenir ses relations économiques et politiques avec les États-Unis pour acquises. Il faut évaluer l'incidence économique et sociale des décisions que nous prenons sachant combien les deux situations sont inégales. Nous devons être prudents et nous montrer proactifs en décidant de l'avenir de ces relations.
Deuxièmement, l'importance des relations économiques du Canada avec les États-Unis doit être mieux communiquée à la population américaine et probablement aussi à la population canadienne.
Troisièmement, des relations étroites entre les décisionnaires canadiens et américains, la recherche d'alliés du Canada aux États-Unis et parmi d'autres partenaires commerciaux influents, sont plus importantes que jamais dans la définition de notre politique par rapport aux États-Unis.
Quatrièmement, les règles et obligations établies à l'échelle multilatérale au sein de l'ALE et de l'ALENA restent la meilleure protection pour le Canada contre des actions unilatérales de la part des États-Unis qui peuvent avoir une incidence négative sur notre pays.
Le déséquilibre qui existe dans cette relation bilatérale avec les États-Unis présente un deuxième défi. Le Canada est en effet un marché limité. C'est un marché qui s'est encore appauvri au cours des dix dernières années du fait du déclin du revenu réel par habitant et de la dépréciation du dollar. Ainsi, on ne peut pas introduire de nouveaux produits sur le marché canadien. Il est plus difficile d'attirer et de conserver du personnel qualifié au Canada. Le Canada a souvent du mal à attirer des investissements et l'exclusivité de produits. En fait, la part du Canada dans les investissements directs étrangers en Amérique du Nord a sensiblement diminué ces 15 dernières années, passant de 23 p. 100 du total en 1985 à moins de 10 p. 100 aujourd'hui.
¿ (0935)
Le Canada court le risque de devenir une économie plus marginalisée en Amérique du Nord. Ici, les conséquences sont très claires. Comme pour les entreprises canadiennes, il ne suffit pas d'être aussi bons que les États-Unis en ce qui concerne le climat économique et les investissements. Le Canada ne pourra contrer l'attraction puissante du marché américain qu'en offrant le meilleur environnement fiscal et financier, la meilleure infrastructure et le meilleur rendement pour les capitaux investis en Amérique du Nord. L'objectif commun de tous les gouvernements de notre pays devrait être de faire du Canada le meilleur endroit en Amérique du Nord pour installer une entreprise, investir, fabriquer, exporter, travailler et se développer.
Cela m'amène à un troisième défi, celui de la compétitivité croissante du Mexique comme lieu d'investissement et de l'industrie mexicaine sur le marché nord-américain. Le Mexique a un sérieux avantage sur le Canada en matière de coûts. Les entreprises mexicaines ont également fait de gros progrès en ce qui concerne la qualité et la productivité. Ce sont des concurrents, mais ce sont aussi des clients et des partenaires pour un nombre croissant d'entreprises canadiennes.
Le marché mexicain a un potentiel de croissance énorme et a l'avantage de la jeunesse. Il y a plus d'ingénieurs qui sortent aujourd'hui avec un diplôme dans la ville de Monterrey que dans toutes les universités du Canada. Tout cela veut dire que la concurrence mexicaine doit maintenant être prise en compte dans l'élaboration et l'évaluation de la politique canadienne. À bien des égards, le Mexique est devenu l'étalon que le Canada doit dépasser pour créer un environnement commercial plus compétitif.
Un quatrième défi qui est très général sera d'améliorer l'efficience du marché nord-américain. M. Hart a parlé d'un certain nombre de choses qu'il faudrait faire ici, comme éliminer les restrictions qui existent toujours au Canada dans le commerce interprovincial; travailler avec les États-Unis à la mise en oeuvre de l'entente frontalière en 30 points et à ce que ce soit fait au plus tard en juin; simplifier les formalités et la réglementation imposées aux entreprises qui importent et exportent des marchandises ainsi qu'aux voyageurs de bonne foi qui franchissent la frontière entre nos deux pays; et abaisser le coût et les obstacles de la réglementation en général au Canada, essentiellement en adoptant des accords de reconnaissance mutuelle avec les États-Unis assortis d'objectifs de réglementation atteignables.
Un cinquième défi, pour le Canada, serait d'améliorer la qualité de ses relations économiques avec les États-Unis. Comme je me plais souvent à le dire, comment peut-on améliorer la compétitivité de l'économie canadienne et assurer des emplois de haute valeur pour le Canada dans une Amérique du Nord intégrée? Je dirais que c'est en éliminant l'écart de productivité qui existe entre le Canada et les États-Unis. Cela nécessite de renforcer l'investissement et la capacité d'innovation de l'industrie canadienne.
La dépréciation durable du dollar canadien est probablement le meilleur indicateur de la difficulté qu'a le Canada de profiter pleinement d'un marché nord-américain plus intégré. Trop d'exportateurs ont compté sur un dollar faible et en chute pour demeurer concurrentiels. Nous n'avons pas suivi nos clients ou concurrents américains en améliorant notre productivité, en investissant dans de nouvelles technologies ni en mettant sur le marché de nouveaux produits et services. La faiblesse du dollar reflète également ces réalités.
Certains experts disent que le Canada devrait adopter le dollar américain comme devise commune. Je crois que cela confirmerait nos pertes en revenus réels et retirerait à la Banque du Canada toute marge de manoeuvre pour orienter notre politique monétaire. Toutefois, ceux qui avancent cette idée pensent qu'il serait préférable de le faire tout de suite avant que le dollar ne tombe plus bas parce qu'il n'y a rien qui puisse renverser la tendance et que cela serait de toute façon néfaste pour les entreprises canadiennes. Personnellement, je ne suis pas d'accord. Je crois que nous pouvons améliorer l'innovation, la productivité et le rendement de l'industrie canadienne et que cela aidera les entreprises à supporter un dollar plus fort. À mon avis, toutefois, le débat sur la dollarisation porte actuellement sur les symptômes du malaise économique du Canada et non pas sur sa cause profonde qui est notre faible productivité. Je ne pense pas qu'une intégration monétaire officielle, même si on pouvait y parvenir, serait la solution. Je ne crois pas de toute façon qu'on pourrait réussir sans prendre des mesures pour renforcer la productivité et l'investissement au Canada.
¿ (0940)
J'ai surtout parlé des défis et implications de l'intégration économique en Amérique du Nord. Il faut savoir que l'intégration économique ne suppose pas nécessairement des politiques communes aux États-Unis et au Canada. Cela signifie toutefois que les décisions sur ce plan ne peuvent plus être prises isolément. Nous partageons davantage d'objectifs généraux, mais les moyens de parvenir à ces objectifs peuvent être différents. Il me semble que la garantie essentielle de notre souveraineté de Canadiens est notre capacité à décider de la meilleure façon d'atteindre nos objectifs politiques
Pour ce qui est de l'économie canadienne, l'intégration est une réalité et deviendra encore plus importante pour assurer notre prospérité à venir. Il y a toutefois beaucoup à faire pour que les Canadiens récoltent tous les fruits de ces liens économiques très étroits que nous avons avec les États-Unis. À long terme, notre attitude à atteindre d'autres objectifs stratégiques dépendra au moins en partie de notre aptitude à les payer. La position du Canada en Amérique du Nord devrait être déterminée par des objectifs stratégiques clairs visant à faire mieux fonctionner notre économie intégrée, mais nous pouvons et devrions aussi façonner notre avenir économique. Notre objectif devrait être de faire du Canada la centrale économique de l'Amérique du Nord.
Merci.
¿ (0945)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci, professeur Myers. J'espère que l'on aura plusieurs questions à vous poser après cet exposé.
Nous allons maintenant entendre M. David Zussman, du Forum des politiques publiques.
M. David Zussman (président, Forum des politiques publiques): Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant vous ce matin.
J'ai lu attentivement votre rapport préliminaire intitulé Le Canada et le défi nord-américain: Gérer nos relations dans un contexte de sécurité accrue , et je dois dire que les membres du Forum des politiques publiques ont été extrêmement impressionnés par les paramètres ambitieux de l'étude que le comité effectuera au cours de l'année prochaine.
Je tiens à dire dès le départ que je ne suis pas un spécialiste des relations canado-américaines, mais dans le cadre des priorités du Forum des politiques publiques, nous avons fait beaucoup de travail dans ce domaine depuis deux ans . Dans une très grande mesure, mes commentaires s'inspireront des travaux terminés par mes collègues Yves Poisson, Peter Larson et Erick Lachapelle. Par conséquent, je consacrerai la plupart du temps qui m'est alloué ce matin à parler du résultat de certaines de nos études et des tables rondes qui nous avons organisées pendant cette période.
Mon exposé se divisera en quatre parties. Tout d'abord, j'aimerais pendant quelques minutes vous expliquer le rôle du Forum des politique publiques. J'aimerais ensuite situer le contexte de notre travail, vous donner un aperçu de certaines de nos principales constatations, et enfin proposer certains domaines que le comité pourrait étudier à l'avenir et où il pourrait effectuer des travaux de recherche .
Certains d'entre vous savent déjà que le Forum des politiques publiques est une organisation qui existe depuis 15 ans et est située à Ottawa. Il s'agit d'un groupe de réflexion à but non lucratif qui examine tous les aspects des politiques publiques au Canada. Il s'agit d'une association mutuelle dont les membres proviennent de 175 organisations différentes en particulier du secteur privé, du secteur public, du secteur à but non lucratif et du mouvement syndical.
Au cours des trois dernières années, nous avons concentré notre travail sur quatre aspects prioritaires à savoir essayer d'améliorer la gestion publique au Canada; étudier l'interdépendance de la politique sociale et de la politique économique, ce qui nous a amenés à faire beaucoup de travail sur la stratégie en matière de compétences; rétablir la confiance dans nos institutions publiques; et enfin—et c'est un travail qui a été fait il y a trois ans par notre conseil d'administration—définir de façon prioritaire les répercussions de l'intégration nord-américaine sur le Canada.
Un grand nombre d'entre vous savent aussi probablement que tous nos travaux s'effectuent dans le cadre de tables rondes multilatérales. Nous n'adoptons pas de position particulière au départ mais nous tâchons de trouver la solution appropriée en réunissant tous les intéressés à plusieurs tables pour discuter des incidences et des orientations futures de diverses questions de politique publique à l'étude.
Dans le contexte du projet nord-américain, notre principale préoccupation a consisté à tâcher de répondre à une question centrale: que devraient faire les Canadiens pour garantir leur avenir économique et continuer à profiter des avantages qui découlent de notre présence dans le même espace économique aux côtés du pays le plus puissant au monde, tout en préservant nos valeurs uniques et notre qualité de vie? C'est là le défi que nous nous sommes fixé et nous avons effectué toute une série d'études ces dernières années, et j'aimerais vous faire brièvement rapport de certaines d'entre elles.
L'année dernière, nous avons préparé un rapport sur une enquête approfondie effectuée auprès de 50 dirigeants d'associations d'industries sur l'intégration économique canado-américaine. Cette enquête comportait des rencontres avec des associations de tous les secteurs industriels, tels que l'agriculture, les ressources naturelles, la fabrication, les finances, etc. J'ai remis à votre greffier un exemplaire de ce bref rapport si vous voulez en prendre connaissance.
De plus, au cours des deux dernières années, nous avons parrainé des visites d'études notamment à Washington et à Mexico, de même qu'en Union européenne. Ont participé à toutes ces visites des hauts fonctionnaires fédéraux et provinciaux, dont l'objectif était de se familiariser davantage avec la question de l'intégration économique et de nous inspirer de l'expérience de l'Union européenne.
Nous avons tenu une table ronde sur la gestion des frontières, les transports et le commerce, à Toronto en avril dernier. Elle comptait des représentants du secteur privé et du gouvernement. Nous avons également organisé des tables rondes à Toronto, à Vancouver et à Halifax, sur la compétitivité du Canada, lesquelles étaient parrainées par Industrie Canada.
L'année dernière, nous avons organisé un certain nombre de réunions-déjeuners avec des hauts fonctionnaires afin de les présenter à des visiteurs intéressants ayant un point de vue unique sur les relations canado-américaines. Nous avons entre autres, accueilli Anthony Zinni il y a un an qui a abordé la question de la sécurité aux États-Unis et de l'état de préparation militaire de ce pays.
Enfin et tout récemment, en novembre, nous avons été l'hôte d'une conférence sur la gestion de notre frontière avec les États-Unis. Cette conférence comptait des représentants des secteurs public et privé, des milieux syndicaux et universitaires. Cette conférence a accueilli également des représentants de groupes de réflexion et d'associations de gens d'affaires des États-Unis. Enfin, M. Manley a été notre principal orateur au dîner organisé dans le cadre de la conférence sur les frontières.
¿ (0950)
Alors, où en sommes-nous? Dans ce contexte, c'est-à-dire avant le 11 septembre—disons en avril 2001—lorsque John Manley était ministre des Affaires étrangères, il a présenté un certain nombre d'éléments qui à mon avis reflètent notre politique étrangère avec les États-Unis. À cette époque, il a mis l'accent sur différents aspects qui caractérisent nos relations—qui ont servi de base à une grande partie de nos travaux. Au nombre des priorités figurait le maintien de relations commerciales solides et constructives avec les États-Unis, surtout dans les secteurs où existaient des différends particuliers qu'il fallait régler.
À l'époque, et c'est toujours le cas aujourd'hui, nous étions aux prises avec les différends sur le bois d'oeuvre et les questions agricoles. Parallèlement, nous étions en train d'étudier la position que le Canada devrait adopter à l'égard de la Zone de libre-échange des Amériques. Par ailleurs, il y a un an, nous étions aux prises avec les énormes défis que nous présentait la gestion de la frontière. Dans ce cas en particulier, nous étions très préoccupés par les questions qui entourent la facilitation et la libre circulation des biens et des services.
Il y a un an, nous nous débattions avec des questions énergétiques afin de déterminer si nous allions envisager la notion d'une politique énergétique continentale. À cet égard, nous nous sommes penchés sur la politique énergétique nationale des États-Unis afin de tâcher de réagir à la situation où le Canada serait considéré comme un important fournisseur de pétrole, de gaz et d'électricité aux États-Unis. Nous avons également étudié de nouvelles méthodes novatrices d'exploration et de transport en ce qui concerne certaines de nos ressources énergétiques septentrionales.
Il y a un an, nous avons poursuivi notre examen des incidences des questions environnementales transfrontalières, comme Kyoto, le changement climatique et les ressources en eau. Nous avons examiné les accords multilatéraux de coopération en matière de politique étrangère en ce qui concerne les mines terrestres, les tribunaux pénaux, et le recours à des mécanismes multilatéraux par rapport à d'autres mécanismes pour traiter de certaines de ces questions de politique étrangère.
Dans le domaine de la sécurité et de la défense, nous avons examiné le Système national de défense antimissiles, la participation du Canada aux opérations militaires et de maintien de la paix, et enfin dans ce contexte, notre rôle au sein de l'OTAN.
Depuis le 11 septembre, comme on l'a déjà signalé, nous nous trouvons devant une situation entièrement différente. De nouvelles questions se trouvent maintenant au premier plan et les anciennes doivent être étudiées sous un nouveau angle. La politique étrangère des États-Unis a radicalement changé, et le Canada a également dû modifier ses politiques et ses priorités. En particulier, comme on l'a d'ailleurs signalé à plusieurs reprises, nous devons maintenant envisager la question de la frontière sous l'angle de la sécurité plutôt que sous l'angle de la facilitation du commerce.
La participation du Canada à la sécurité du territoire, et les questions concernant la coordination de nos politiques, le renseignement de même que les règles d'immigration font toutes l'objet de nouveaux types d'examen détaillé. Dans les secteurs de la sécurité et de la défense, bien entendu, comme nous le savons tous, nous participons désormais à des opérations militaires et probablement à une certaine redéfinition du rôle de NORAD.
À notre avis, pour replacer toute cette question dans son contexte, les événements du 11 septembre n'éliminent d'aucune façon les questions qui existaient auparavant. Il nous faut continuer à assurer la circulation facile des personnes, des marchandises et des services à faible risque, et convaincre les Américains que cela ne compromet pas leur sécurité. Nous devons faire les choix appropriés en ce qui concerne notre intégration économique avec les États-Unis, comme viennent de l'indiquer les deux intervenants précédents. Nous devons décider, comme le Mexique, la façon dont nous partagerons nos ressources énergétiques avec les États-Unis et dont nous contribuerons à leur sécurité énergétique. Nous devons décider de la position que nous adopterons en ce qui concerne le protocole de Kyoto et de la façon dont nous pouvons contribuer à la protection générale de l'environnement. Nous devons continuer à trouver des mécanismes plus efficaces de règlement des différends dans le cadre de nos différends commerciaux avec les États-Unis. Nous devons de toute évidence toujours revoir notre politique étrangère et notre politique en matière de défense.
Permettez-moi de vous donner un aperçu de certaines des constatations clés qui se dégagent de nos études, après quoi nous passerons à d'autres aspects.
Toutes ces tables rondes et ces conférences que nous avons organisées nous ont appris que—ici encore comme l'ont déjà souligné les deux intervenants précédents—l'intégration économique avec les États-Unis avance à grands pas et rien n'indique qu'elle ralentira. Cela signifie un plus grand nombre d'unifications transfrontalières et de transferts de sièges sociaux, et beaucoup plus de discussions à propos des enjeux qui menacent la souveraineté du Canada. Par ailleurs, les idées fausses que les États-Unis se font à propos du Canada menacent sérieusement les relations canado-américaines. Certains universitaires et un grand nombre de gens d'affaires considèrent maintenant qu'en raison de l'ampleur des relations commerciales avec les États-Unis, l'ALENA est maintenant dépassée et qu'il faut discuter d'une union douanière et de l'harmonisation des règlements avec les États-Unis. Comme Jayson l'a mentionné, certains proposent même la dollarisation ou l'établissement d'un marché commun. On en sait très peu sur les répercussions de ces propositions, sauf dans les milieux spécialisés.
¿ (0955)
Les préoccupations en matière de sécurité ne devraient pas éclipser le fait que le Canada dépend de plus en plus des immigrants pour renouveler sa population active et continuer à assurer sa croissance démograhique, ni ne devrait empiéter sur les droits de la personne en vigueur au Canada. Notre conférence sur les frontières nous a appris que la frontière est d'une grande importance pour la prospérité économique du Canada et sa sécurité financière—Jayson nous a d'ailleurs présenté les chiffres qui appuient cet argument. Nous constatons également que la sécurité économique du Canada est inextricablement liée à la sécurité physique de l'Amérique du Nord. Le Canada connait depuis longtemps les problèmes relatifs à l'infrastructure de la frontière de même qu'à ses politiques en matière d'immigration et de détermination du statut de réfugié, mais les événements du 11 septembre lui ont donné l'occasion d'y remédier.
Nous avons entre autres appris à notre conférence sur les frontières qu'en raison du grand nombre de ministères et d'organismes fédéraux de même que d'organisations provinciales qui s'intéressent aux questions concernant la frontière et les relations canado-américaines, il est difficile pour le gouvernement fédéral d'élaborer une réponse et une stratégie cohérentes. Notre appareil gouvernemental est désuet et ne fonctionne pas aussi bien qu'il le pourrait. Nous devons intégrer notre politique commerciale, notre politique étrangère, notre politique en matière d'aide étrangère et notre sécurité dans un système relativement cohérent.
Dans le cadre de nos options stratégiques, nous avons constaté, comme l'a fait Michael dans son exposé, que la conjoncture à l'heure actuelle est très propice au Canada pour entamer des discussions avec les États-Unis sur l'amélioration de la sécurité économique, mais nous ignorons combien de temps elle le demeurera. Lorsque l'on discute de questions qui touchent l'Amérique du Nord, il est essentiel d'inclure le Mexique, tout en reconnaissant les différences importantes qui existent, bien que les participants à notre conférence ne se soient pas entendus sur la façon dont on devrait procéder, ni sur le moment opportun pour entamer des discussions avec les Mexicains.
Enfin, la plus importante constatation qui s'est dégagée de notre conférence sur les frontières, c'est que le plus important enjeu stratégique pour le Canada consiste à comprendre ce que signifie le partage d'un espace économique commun en Amérique du Nord avec les États-Unis, de manière à profiter de notre proximité tout en préservant les valeurs qui nous sont propres. Je tiens à féliciter le comité d'avoir en fait invité les Canadiens à débattre de cette question importante.
À la conférence sur les frontières que nous avons tenue à la fin novembre, M. Manley a dit que nous avions désormais la possibilité d'apporter un véritable changement et d'élaborer et de concrétiser une vision à long terme de ce que nous voulons pour notre pays et pour l'Amérique du Nord dans 10, 20 et 50 ans. Parallèlement, Michael Hart et Bill Dymond ont en fait laissé entendre, dans leur document récent intitulé «Common Borders: Shared Destinies—Canada, the United States, and Deepening Integration», que cela pourrait signifie que le Canada ne devrait pas hésiter à adopter une nouvelle façon de voir les choses ni à conclure de nouveaux arrangements qui iraient au-delà des accords de libre-échange en vigueur.
Qu'est-ce que Bill Dymond et Michael Hart entendent par «une nouvelle façon de voir les choses». Nous avons un certain nombre d'idées que nous aimerions vous proposer à cet égard. Voici notre liste de questions, suivie de certaines propositions de travaux qui pourraient être faits.
Jusqu'où l'intégration économique est-elle dans l'intérêt du Canada? Les gouvernements devraient-ils imposer une limite à la portée de l'intégration? Saurons-nous lorsque nous aurons atteint cette limite, ou devrions-nous permettre à l'intégration de se poursuivre sans se poser de questions ou sans la contester? Le Canada peut-il élaborer une stratégie cohérente en matière de relations canado-américaines en procédant au cas par cas ou doit-il élaborer une approche plus globale fondée sur des principes et des structures? Si nous optons pour cette dernière,en quoi consistera-t-elle? Quel est le processus qui permettrait une discussion libre et ouverte sans vous obliger, vous nos dirigeants politiques, à exprimer une préférence avant que vous soyez prêts à le faire? Le Canada devrait-il redéfinir ses relations avec les États-Unis en entamant un dialogue nord-américain plus général qui inclurait le Mexique? Dans l'affirmative, quand et comment procéder et quelles devraient être les caractéristiques de ce dialogue? Enfin, dans votre rapport, vous laissez entendre que ce qui compte vraiment c'est que le Canada puisse assurer l' efficacité équivalente des politiques frontalières du Canada de manière à prévenir d'autres accidents terroristes en Amérique du Nord. Comment peut-on défendre ce point de vue?
À (1000)
À court terme, je crois que le Canada pourrait assumer la responsabilité d'un certain nombre de ces aspects qui permettraient en fait de répondre à ces questions. Vous avez entre autres formulé une recommandation ferme dans votre rapport comme quoi le Canada devait renforcer ses capacités en matière de politique étrangère—c'est d'ailleurs un thème qui est souvent revenu lors des tables rondes que nous avons tenues un peu partout au pays. Nous considérons également qu'il faut trouver de nouveaux moyens pour permettre aux parlementaires de créer de nouveaux mécanismes de coopération avec leurs homologues américains—et les deux intervenants précédents ont abordé cette question de même que l'énergie dont vous aurez besoin à Washington pour convaincre vos homologues de donner suite aux questions qui pour nous ont de l' importance.
Nous devons recueillir beaucoup plus d'information à propos de notre relation avec les États-Unis, à savoir des données économiques et sociales et souvent les résultats de sondage d'opinion publique. En fait, le Forum des politiques publiques travaille à l'heure actuelle en collaboration avec Les Associés de recherche Ekos à une série d'enquêtes qui seront faites au Canada, aux États-Unis et au Mexique, à propos des relations entre ces trois pays. Nous espérons pouvoir en communiquer les résultats au comité d'ici la fin avril.
Nous allons devoir analyser davantage les types de réactions institutionnelles que nous pouvons proposer qui permettront de régler de façon opportune les différends entre nos deux pays. Cependant, ce n'est probablement pas un aspect auquel les Américains consacreront beaucoup de temps car nous savons que ce n'est pas une question qu'ils considèrent particulièrement importante.
Enfin, nous devons tenir des discussions à grande échelle avec les Canadiens à propos du genre de relation que nous voulons entretenir avec les États-Unis. Il s'agit de toute évidence d'une question très difficile à défendre pour des dirigeants politiques comme vous, étant donné qu'on en ignore les résultats qui sont particulièrement difficiles à contrôler. Cependant, nous savons que le public ne tient pas à participer à la discussion de ces grandes questions stratégiques.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Zussman, puis-je vous demander de...
M. David Zussman: En conclusion...
La vice-présidente ( En conclusion? Je vous remercie.
M. David Zussman: J'y arrivais.
En conclusion, nous continuerons à nous occuper de ces questions au Forum des politiques publiques. Comme je l'ai indiqué, la frontière a connu des changements radicaux récemment et nous estimons que le Canada doit développer son propre programme. Par le passé, nous nous sommes extrêmement bien débrouillés lorsque nous avions un programme. Il faut que nous sachions ce que nous voulons retirer des relations canado-américaines.
Enfin, conformément à la conclusion exprimée dans votre rapport préliminaire, l'élaboration d'une politique canadienne concernant nos relations avec les États-Unis ne devrait pas se faire étroitement ni par une poignée de personnes. Assurer l'avenir du Canada au sein d'une Amérique du Nord plus sûre et ouverte sur l'extérieur doit au bout du compte être une entreprise à laquelle participent tous les Canadiens.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine) : Merci beaucoup. Je crois pouvoir dire au nom du comité que nous sommes très heureux de constater que vous avez pris connaissance de notre travail et l'avez analysé de façon aussi minutieuse.
Nous allons passer maintenant aux questions et commencer par M. Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Messieurs, je vous remercie vivement de témoigner devant nous aujourd'hui. J'espère que vos remarques seront prises en compte non seulement par notre comité, mais aussi par d'autres comités, y compris ceux des Finances et du Revenu.
J'aimerais d'abord m'adresser à vous, monsieur Myers. Je tiens à vous remercier de votre franchise et de votre attitude positive relativement à la marge de manoeuvre dont nous jouissons à l'égard de notre économie, et aussi pour avoir su vous démarquer de la flopée d'économistes qui préconisent la dollarisation plutôt que de se pencher sur les véritables problèmes à l'origine de la faiblesse de notre monnaie.
Étant donné que vos observations seront consignées au procès-verbal et nous seront fort utiles lorsque nous rédigerons notre rapport, monsieur Myers, pouvez-vous nous dire quels sont les problèmes fondamentaux à la source de notre faible compétitivité et qui entraînent la dépréciation de notre dollar? Ensuite, que pouvons-nous faire pour remédier aux problèmes fiscaux et financiers qui sont à l'origine de la perte de valeur de notre dollar?
À (1005)
M. Jayson Myers: Pour ma part, j'estime que l'écart croissant de productivité entre le Canada et les États-Unis est vraiment la cause de bon nombre des problèmes liés à notre monnaie. Le cours du dollar canadien a eu tendance à suivre celui des produits de base, sur plusieurs années, mais à l'heure actuelle, chaque bien produit dans notre pays se transforme très rapidement en produit de base. Il peut s'agir d'un produit de technologie de pointe ou d'une ressource, peu importe, ce bien peut se transformer très rapidement en produit de base dans un milieu international très compétitif, à moins que les entreprises n'améliorent constamment leurs produits, leurs services et la qualité et qu'elles répondent aux nouvelles attentes de la clientèle. L'innovation, qui est aussi une question d'investissements, est cruciale.
À mon avis, la chute du cours du dollar reflète cet écart croissant de productivité qui lui-même illustre à quel point nous n'avons pas suffisamment investi dans la technologie de pointe. Nous n'avons pas non plus suffisamment investi dans notre main-d'oeuvre et n'avons pas réussi à commercialiser suffisamment de nouveaux produits.
Les moyens à prendre pour corriger ce problème sont au coeur d'un débat au sujet de l'innovation, et auquel j'espère nous allons aussi participer très bientôt. Ici, il ne s'agit pas seulement de voir ce que le gouvernement peut faire car l'entreprise aussi doit assumer des responsabilités primordiales, sous forme d'un meilleur leadership et d'une meilleure gestion.
Sur le plan de la fiscalité et de la réglementation, bon nombre de mesures pourraient améliorer le climat des affaires et favoriser davantage l'investissement dans notre pays. Nous pourrions corriger des mesures idiotes comme l'imposition d'une taxe sur l'investissement dans la haute technologie et la perception d'impôt sur le capital. Sur papier, nous avons les plus généreux crédits d'impôts à la recherche et au développement, mais la façon dont on les administre n'avantage pas vraiment les entreprises qui font ces investissements.
Il y a moyen d'améliorer la situation. Il est toujours possible de réglementer à un moindre coût, et à mon avis de façon plus efficace, en limitant les coûts de l'observation. C'est alors que l'on pourra parler d'accords de reconnaissance mutuelle et éliminer les écarts interprovinciaux dans notre pays ainsi que les incohérences et le double emploi dans nos systèmes de réglementation qui s'en trouverait meilleure et plus efficace.
Toutes ces questions ont leur importance ici. À mon avis, nos rapports économiques avec les États-Unis doivent aussi devenir une question nationale portant sur les moyens les plus efficaces d'améliorer la productivité de l'industrie canadienne.
M. Keith Martin: Monsieur Hart, vous avez mentionné un fait très important, à savoir que notre commerce dépasse depuis pas mal de temps la capacité de notre frontière, et c'était le cas bien avant le 11 septembre. Pouvez-vous nous conseiller sur ce qu'il faut faire afin que notre frontière permette le transit très facile de biens et services mais bloque irrémédiablement les éléments criminels et les terroristes?
En dernier lieu, vous avez souligné avec raison le fait que le milieu politique des États-Unis est différent. Estimez-vous que nous devrions créer un mécanisme institutionnel nous permettant d'exercer des pressions pour favoriser les intérêts canadiens aux États-Unis? Pour ma part, j'estime qu'il nous faut donner une forme officielle à un mécanisme quelconque, grâce auquel nous pourrions faire valoir les intérêts du Canada dans le système décentralisé de Washington. Êtes-vous du même avis?
M. Michael Hart: Merci.
Au sujet de nos capacités à la frontière, évidemment, on peut corriger ce problème en augmentant les infrastructures. Nous pouvons par exemple construire davantage de ponts et de postes frontaliers, mais cela coûterait très cher. Une solution plus facile, et à mon avis plus efficace à long terme serait de modifier un peu certaines des formalités avant ou après le transit des biens et services. Déjà, on a réalisé quelques progrès dans la façon dont nous faisons remplir des formulaires avant et après les contrôles en tant que tels, mais on peut encore améliorer beaucoup les choses à cet égard.
Lorsqu'un camion traverse la frontière, il y a trois choses à vérifier: le camion, la charge et le chauffeur. Dans les cas où l'on présente un CANPASS, par exemple, ce document porte sur la charge mais non sur le camion ni sur le chauffeur. Lorsqu'un camion canadien entre aux États-Unis, le chauffeur doit fournir non seulement toutes sortes de formulaires de douanes, mais aussi des documents fiscaux portant sur la charge. Les exigences réglementaires sont donc très lourdes aux frontières et elles ralentissent le transit.
Rappelons que sur toutes les personnes et tous les biens traversant la frontière, 99,9 p. 100 sont conformes aux règlements et si l'on veut donc être plus efficaces, il faut faire en sorte que tous les Canadiens et Américains respectueux de la loi lorsqu'ils traversent la frontière, puissent le faire facilement. On peut envisager diverses techniques pour atteindre cela. Les systèmes CANPASS et INSPASS ont été les premiers modèles, mais on peut certainement faire beaucoup mieux. Ainsi par exemple, le moyen le plus facile de traiter ce genre de cas...
L'une des choses sur lesquelles on continue à insister est les règles d'origine. On les exige en raison des différences tarifaires entre le Canada et les États-Unis, mais ces différences sont minimes. Si l'on observe les niveaux tarifaires respectifs du Canada et des États-Unis par rapport à quelques milliers d'articles tarifés, les écarts sont d'à peu près 1 p. 100. Or, ce 1 p. 100 est à l'origine de règles et partant de nombreux formulaires à remplir, soit l'équivalent de 3 ou 4 p. 100 de la taxe perçue. On pourrait donc se faciliter vraiment la vie en essayant de se débarrasser d'exigences qui ne sont plus vraiment utiles, ou tout au moins en essayant de les rendre plus efficaces. À mon avis, la première étape et la plus facile serait donc de simplifier l'application des douanes.
En second lieu, j'espère qu'un jour prochain, on cessera de poser à chaque Canadien qui revient des États-Unis, la question rituelle et inutile: «Rien à déclarer?» Puisque l'Accord de libre-échange est en vigueur, faut-il vraiment que nous avouions que, oui, nous avons effectivement acheté une paire de pantalon pendant notre séjour à Syracuse? Ce niveau d'échanges commerciaux ne nécessite plus vraiment ce genre d'examen, et je pense donc qu'on peut s'en débarrasser. D'ailleurs, à l'époque où elle était ministre du Commerce international, Mme Pat Carney a été très déçue d'apprendre que le ministère des Finances avait refusé, comme elle le souhaitait, d'éliminer cette question particulièrement irritante.
Par conséquent, à la longue, de toutes petites mesures de ce genre auront un effet cumulatif positif, et les frontières s'en trouveront mieux gérées, mais cela exigera une collaboration très étroite de la part des deux pays et une connaissance des règles en question.
Ainsi, par exemple, M. Myers a parlé d'accords de reconnaissance mutuelle. Il n'est nullement nécessaire pour le Canada et les États-Unis d'harmoniser les règlements, mais chaque pays pourrait profiter d'un processus de reconnaissance mutuelle des règlements de l'autre, car dans la plupart des cas, les différences réglementaires entre les deux pays sont très minimes et le fruit de leur histoire et de leur système législatif respectifs, et ainsi de suite. Cependant, chacun peut reconnaître le programme de l'autre. On peut faire beaucoup de choses.
À (1010)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci, je vous arrête ici. Il vous sera peut-être possible de revenir là-dessus lorsque vous répondrez à une autre question.
M. Keith Martin: Me reste-t-il du temps?
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Non, votre temps de parole est écoulé. J'ai été très généreuse avec vous, monsieur Martin.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci à vous trois d'être là ce matin par ce froid qui pénètre même cette salle.
Monsieur Zussman a dit d'emblée que it was imperative to include Mexico. Tous les deux, M. Hart et M. Myers, vous êtes beaucoup plus interrogatifs sur ce rôle du Mexique. Vous savez peut-être qu'avec Gilles Duceppe et mon collègue Yves Rocheleau du Bloc québécois, j'ai participé à une tournée du monde politique et du monde des affaires syndicales au Mexique. Nous avons abordé trois questions, dont celle d'un fonds social, structurel et social, un peu à l'exemple du fonds de l'Union européenne. C'est Vicente Fox qui avait soulevé cette question quand il était venu ici en août dernier, à Ottawa.
Nous avons abordé la question d'un institut pour une monnaie commune des Amériques, non pas dans la perspective d'avoir une monnaie commune à court terme, mais dans la perspective d'étudier cette question, attendu que l'euro a la vocation de s'étendre en Asie, le yen en Asie et le dollar, déjà on le voit. Alors, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux s'attaquer à cette question, en connaître toutes les dimensions plutôt que de dire non, non, non pour des raisons qui peuvent être valables, alors qu'il nous semble qu'il faut documenter cela.
La troisième question était celle d'un périmètre, mais négocié à trois, ce qui inclut donc, au mieux, une négociation à trois maintenant, au pire, je dirais au moins un observateur mexicain lors des négociations canado-américaines et un observateur canadien lors des négociations mexico-américaines, l'idée étant que le Mexique est là pour de bon. Il joue un rôle important et on ne peut pas faire comme si ce n'était pas le cas. Les réponses que nous avons eues à ces trois questions ont été extrêmement intéressantes dans tous les milieux.
Pour le fonds social, d'emblée tout le monde à dit oui, que ce soit au plan politique... D'ailleurs, ils l'ont dit devant les caméras de Radio-Canada. Chez les gens d'affaires, on a dit oui d'emblée au fonds social, même chose pour l'étude de la question du dollar.
Nous avons également rencontré des représentants importants sur la question du périmètre. Dans le milieu associatif qui doute des bienfaits de la mondialisation, pour parler de façon diplomatique, l'idée d'étudier le fonds social est jugée intéressante, oui, mais pas comme unique mesure. Ce qu'ils retiennent, eux, de l'idée du périmètre, c'est qu'ils sont pris en ce moment avec leur problème de migrants, qui est un problème énorme au Mexique et aux États-Unis, dont on peut penser qu'il ne nous affecte pas. Mais quand on a un voisin aussi puissant que les États-Unis et qu'on partage, ça nous concerne.
Alors, je suis revenue de là convaincue qu'il fallait-- et personne n'en a parlé--intensifier les rapports dans tous les milieux, avec les Mexicains aussi, parce que, bien sûr, pour eux, le voisinage des États-Unis fait que l'importance de leurs exportations aux États-Unis est, disent-ils, de 87 p. 100; nous disons 83, 85 p. 100. Cela dépend des chiffres. Nous avons peut-être la possibilité, en ayant des rapports plus étroits avec les Mexicains, d'attirer d'une façon plus pressante l'attention des Américains.
Vous avez parlé tous les trois, je crois, de cette stratégie. Alors, je vous demande, s'il vous plaît, de nous parler de cette question. Qu'en pensez-vous? Est-ce que les Mexicains ne sont que des compétiteurs?
À (1015)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Vous avez environ 30 secondes pour répondre car Mme Lalonde a utilisé presque tout son temps de parole.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Ils vont répondre, j'en suis certaine.
[Traduction]
M. David Zussman: Au sujet des relations entre le Canada et les États-Unis, je dirais simplement que dans notre pays, nous avons parfois tendance à oublier le rôle important que joue le Mexique en Amérique du Nord, sur les plans bilatéral et trilatéral. Nous sommes d'accord avec les observations de deux précédents témoins pour dire qu'il faut simplement accorder davantage d'attention au Mexique en tant que concurrent, bien sûr, ainsi que vous le proposez, mais également comme partenaire en Amérique du Nord. Il faut aussi se rappeler encore une fois que la dynamique des rapports entre le Mexique et les États-Unis est un élément important à prendre en compte dans l'élaboration de notre propre stratégie de politique étrangère.
Madame la présidente, je m'en tiendrai à cela.
M. Jayson Myers: Je voudrais faire écho aux propos de M. Zussman, car je suis d'accord avec lui. Dans ses rapports avec les États-Unis, le Mexique a bon nombre d'intérêts analogues à ceux du Canada, et il est très important de se rendre compte que les rapports bilatéraux entre nos deux pays peuvent avoir bien des répercussions sur nos propres relations économiques. Il est donc impératif de considérer le Mexique non seulement comme un concurrent mais aussi comme un partenaire économique et un facteur important dans l'élaboration de notre politique étrangère et de notre politique commerciale.
À (1020)
La vice-président (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.
Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll (Barrie--Simcoe--Bradford, Lib.): Merci, madame la présidente.
Messieurs, vos exposés ont été très intéressants, et je vous en remercie.
Monsieur Hart, l'article signé par Yves Fortier et qui a paru dans les journaux récemment, correspondait à certains de vos propos. Il se rapportait directement aux sujets et à la portée de notre étude.
Vous avez repris les propos de Robert Bonner. À bien des égards, ils expriment les nombreux fiefs qu'on trouve dans le régime politique américain. Tom Ridge s'est heurté à certains de ces fiefs. Je pense qu'il a davantage de succès maintenant mais il se heurte toujours à cet obstacle malgré le fait que lui-même travaille au sein du système et certainement avec la bénédiction du président. Donc, qu'essayons-nous de faire?
Je conviens tout à fait avec vous qu'il nous faut exercer des pressions tous azimuts parce qu'il ne s'agit pas là d'une modeste entreprise. Comment envisageriez-vous de mettre sur pied une Équipe Canada pour exercer de telles pressions tout en se fixant des buts réalistes? Et ne vous méprenez pas à mon sujet. Je suis d'accord avec vos idées. Elles sont bonnes, mais j'aimerais voir comment on peut y donner suite.
M. Michael Hart: Tout d'abord, il faut s'entendre sur ce qu'on veut réaliser. Il serait improductif de lancer une campagne tous azimuts si chacun poursuivait des objectifs différents. Il est important d'arrêter un vaste programme, et je crois que ces audiences sont très importantes pour vous aider à définir ce programme.
Nous avons tort de croire que nous pouvons adopter une approche progressive, en ajoutant ici et là, un peu de ceci et un peu de cela. Ce genre de stratégie ne réussira jamais à capter l'attention nécessaire. Aux États-Unis, ce sont les grandes idées qui frappent, parce que les membres importants du gouvernement et du Congrès peuvent s'en emparer et les faire avancer. Il faut d'abord mettre au point cette idée maîtresse, et ensuite, on peut passer à la seconde étape, la vaste campagne à laquelle participeraient non seulement l'ambassade du Canada, le ministère des Affaires étrangères ou d'autres ministères, mais aussi les parlementaires. Je crois que l'ex-président de votre comité poursuivait activement les relations parlementaires canado-américaines, et il a compris combien cette méthode pouvait être utile.
Différentes entités du secteur privé—tant commerciales que non commerciales—doivent également collaborer étroitement avec leurs homologues américains pour faire en sorte qu'il y ait un dialogue. Ainsi, le plus souvent possible, des Canadiens s'entretiendront avec des Américains et l'on verra ces derniers faire signe que oui, ce que nous leur demandons n'est pas uniquement dans notre intérêt, mais dans le leur également. Voilà ce qui compte par-dessus tout. Il faut convaincre les Américains que nous n'agissons pas seulement pour répondre au souhait des Canadiens, mais également parce que c'est dans l'intérêt des États-Unis de faire du progrès sur ces questions, puisque ce sont les seuls enjeux qui sont retenus aux États-Unis.
Lors des négociations sur l'Accord de libre-échange, au milieu des années 80, nous avons constaté, par exemple, que nous devions revoir nos méthodes en profondeur. En effet, nous avions entamé le processus dans le cadre du dialogue traditionnel entre le département d'État et le ministère des Affaires étrangères. Nous avons compris assez vite combien le département d'État était devenu désuet pour traiter de ce genre de questions. Il est utile d'entretenir le dialogue, mais il est essentiel d'avoir l'appui des ministères et des agences importants, ainsi que celui des politiques de premier plan. Cela exige beaucoup de préparation et une activité intense, et cela ne peut être fait rapidement. Le processus est long. Il exige un programme bien défini que l'on exécute, et il faut ensuite employer tous les moyens possibles pour que le message passe. Et il ne faut pas se gêner d'en débattre ici.
Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur Hart. J'espérais vous entendre dire tout cela. Il sera très utile d'avoir ces propos par écrit au moment de rédiger notre rapport.
J'ai une autre question brève qui s'adresse à vous, monsieur Myers. J'ai bien apprécié votre exposé également. Je crois que Mme Lalonde a mis le doigt dessus, comme elle l'a fait par le passé.
Il nous faut examiner clairement les points communs qui existent entre le Canada et le Mexique. Nous avons quelque peu perdu de vue cette communauté et avons adopté une attitude compétitive avec le Mexique en nous demandant si l'Amérique aime le Mexique plus qu'elle ne nous aime? Ce n'est pas la question qu'il faut se poser, et vos propos montrent bien que vous avez compris cela. Je crois que nous avons beaucoup d'enjeux à discuter avec les Mexicains, notamment la position à adopter face aux Américains sur le protocole de Kyoto et bien d'autres choses.
Je suis très heureuse d'avoir entendu vos observations. Nous vous remercions de vos propos.
À (1025)
M. Jayson Myers: Merci.
Je suis d'accord. Je crois que le Mexique doit faire partie intégrante de la façon dont nous envisageons nos relations, non seulement avec les États-Unis mais aussi avec le reste des Amériques.
Mme Aileen Carroll: J'ai fait mes devoirs et j'ai bien lu vos commentaires avant de me présenter à la séance d'aujourd'hui. Peut-on vraiment parler de relations trilatérales, ou ne serait-ce pas plutôt deux axes, soit Washington-Mexico et Washington-Ottawa? Il manque pourtant une autre partie à ce triangle, et j'ai été très contente de vous entendre nous en parler, vous qui représentez tant de gens du secteur privé.
Merci, madame la présidente.
La présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): Merci beaucoup et merci aux témoins de leurs exposés de ce matin.
En tant que membre du comité, j'avoue que c'est avec beaucoup d'appréhension que j'entreprends cette étude de l'intégration nord-américaine, car je suis convaincu que nous sommes déjà bien avancés sur la voie qui détruira non seulement la souveraineté canadienne mais également la qualité de vie de ceux que nous représentons, de même que celle du peuple américain et du peuple mexicain.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des répercussions du niveau actuel d'intégration, puisqu'il faut utiliser le mot à la mode. Je me demande si elle a raffermi ou non l'éducation publique et les soins de santé au Canada. L'intégration a-t-elle réduit l'écart entre les riches et les pauvres au Canada, au Mexique et aux États-Unis? A-t-elle incité à mieux protéger l'environnement dans l'un ou l'autre de ces trois pays? Or, je me vois obligé de répondre aux trois questions par un non catégorique. C'est même tout le contraire. Nous venons tout juste de recevoir un rapport de la Commission de coopération environnementale qui relève de l'ALENA et dont vous connaissez sans doute les résultats. On y signale une détérioration assez catastrophique de la qualité de l'environnement et des normes environnementales, en ce qui concerne particulièrement les changements climatiques.
Les discours sur l'harmonisation et l'intégration des normes me font penser à ces pauvres femmes qui travaillent dans les maquiladoras au Mexique, là où les conditions sont préoccupantes pour moi. Dans ces zones, il n'existe pas de normes environnementales ni de syndicat. Pourquoi voudrais-je harmoniser nos normes à nous à celles-là? Je préférerais plutôt que l'on établisse une série de normes de base pour le travail, pour l'environnement, etc.
Je constate que nous vendons notre pays. Le chapitre 11 de l'Accord nord-américain de libre-échange a eu pour conséquence une perte accrue de notre souveraineté. Je ne souhaite pas que nous continuions dans cette voie. Même M. Jacques Parizeau affirme aujourd'hui que nous aurions peut-être dû lire plus attentivement l'accord avant d'y adhérer. N'est-ce pas intéressant comme commentaire de la part de M. Parizeau?
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces préoccupations que partagent beaucoup de Canadiens, vous le savez sans doute. Que dites-vous devant ces inquiétudes qu'une intégration encore plus poussée pourrait exacerber les tendances destructives qui ont été déjà constatées?
M. Jayson Myers: Puis-je être le premier à répondre?
Je ne suis pas si sûr que le million et demi de Canadiens dont les emplois dépendent directement de nos échanges commerciaux avec les États-Unis soient d'accord avec vous sur la catastrophe économique que représente le libre-échange. Ce serait plutôt le contraire. Six cent mille nouveaux emplois ont été créés dans le secteur manufacturier canadien et c'est l'un des secteurs qui a été le plus touché par le libre-échange. Je crois justement que le libre-échange a ouvert des portes aux entreprises canadiennes qui leur auraient été autrement fermées.
Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu'il n'y a pas de problèmes environnementaux qu'il nous faudra régler ou de problèmes dans le monde du travail. Mais je ne suis pas convaincu du tout que la voie suivie nous mènera à la catastrophe. À mon avis, c'est tout le contraire : en l'absence d'un accord de libre-échange et sans l'expansion économique constatée au Mexique et au Canada, nous serions bien plus mal placés pour pouvoir faire valoir nos préoccupations environnementales ou dans le monde du travail. La plupart des entreprises canadiennes installées au Mexique et, de fait, la plupart des Mexicains dont la majorité des emplois dépendent de ces relations économiques jugeraient sans doute la situation un peu différemment de la façon dont vous l'avez dépeinte.
M. Michael Hart: Madame la présidente, je suis d'accord avec M. Myers pour dire que M. Robinson et moi ne serons sans doute jamais d'accord quant à savoir si, oui ou non, l'ALE, l'ALENA et le reste ont des conséquences dévastatrices. M. Robinson a une opinion radicalement différente de la mienne quant au rapport de cause à effet. J'aurais donc de la difficulté à répondre à cette question, car je ne suis pas d'accord avec la prémisse. Je suis convaincu que l'ALE et l'ALENA ont contribué de façon extrêmement importante à la prospérité du Canada, des États-Unis et du Mexique.
À (1030)
M. Svend Robinson: La prospérité pour qui?
M. Michael Hart: Pour l'ensemble de la population et, sans cette prospérité, un grand nombre des choses qui sont importantes à vos yeux, comme les normes environnementales, les normes du travail et le reste, ne peuvent pas être atteintes. Il s'agit de savoir par où commencer. Je crois qu'il faut mettre en place un régime qui tienne compte du fait que sans prospérité, la plupart de ces autres objectifs ne peuvent pas être atteints.
En deuxième lieu, il ne faut pas oublier que l'ALE, l'ALENA et l'OMC sont des accords qui reflètent le degré d'intégration silencieuse qui résulte des choix individuels faits par les Canadiens, les Américains et les autres dans leur vie quotidienne, lorsqu'ils choisissent d'acheter certains produits et de vivre leur vie d'une certaine façon. Les gouvernements essaient de rattraper cette intégration silencieuse en mettant en place des règles qui reflètent les préférences et les priorités de la plupart des gens.
Cela dit, quand je vois la façon dont les Canadiens ont réagi devant les possibilités que ces accords leur offraient, je dirais qu'ils veulent maintenant aller plus loin. Il y d'autres obstacles à éliminer pour pouvoir pleinement profiter des possibilités qui existent dans une économie plus ouverte. Si vous le faites, si vous créez ces nouveaux débouchés, vous créerez encore des emplois et de la prospérité, ce qui vous permettra de vous attaquer à d'autres types de problèmes sociaux, des problèmes bien réels, mais auxquels la société ne peut pas remédier à moins de pouvoir accroître sa richesse.
M. Svend Robinson: Permettez-moi de vous poser une autre question avant que M. Zussman nous dise ce qu'il en pense.
Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, combien de nouvelles lois environnementales le Canada a-t-il adoptées?
M. Michael Hart: Je n'en ai aucune idée, mais selon moi, cela n'a aucun rapport avec l'existence de l'ALENA.
M. Svend Robinson: Vous ne pensez pas que les effets inquiétants du chapitre 11 aient la moindre répercussion, par exemple?
M. Michael Hart: Non, pas du tout.
Je regrette que vous n'ayez pas participé à un colloque que nous avons tenu il y a deux semaines et au cours duquel nous avons examiné le chapitre 11. Les participants ont conclu que, jusqu'ici, la réputation du chapitre 11 n'avait rien à voir avec la réalité des décisions rendues par divers groupes spéciaux et tribunaux.
M. Svend Robinson: Allez le dire aux gens de Guadalcazar au Mexique qui ne voulaient pas de dépotoir de déchets toxiques chez eux.
M. Michael Hart: Et il n'y en a pas eu.
M. Svend Robinson: Et nous avons été obligés de dédommager Metalclad.
M. Michael Hart: Ils n'ont pas eu ce dépotoir.
M. Svend Robinson: Oui mais nous avons dû verser 30 millions de dollars à Metalclad.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine: Monsieur Robinson...
Monsieur Zussman, vous avez environ 30 secondes pour répondre.
M. David Zussman: C'est l'avantage qu'il y a à être le dernier—et j'au aussi noté «cause et effet», cela dit.
Nous ne sommes pas parvenus à établir dans le cadre de notre travail quelle avait été l'incidence de l'ALENA, mais nous savons que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par l'intégration. C'est pourquoi l'une des questions que j'ai effectivement posées au comité consistait à savoir quel degré d'intégration servait au mieux les intérêts du Canada. C'est à vous que se pose le défi d'y répondre.
Ce que nous essayons de faire c'est de réaliser diverses études, l'une consistant en un sondage que nous entreprenons et nous demandons à des Canadiens, à des Américains et à des Mexicains ce qu'ils pensent de certaines de ces questions. Nous leur demandons par exemple ce qu'ils éprouvent face à ce qui se passe. Dans quelques mois, je l'espère, je serai en mesure de répondre à la question générale des préoccupations.
L'autre chose que nous essayons de faire—mais nous n'y parvenons pas très bien, en réalité—c'est d'étudier les diverses répercussions, par exemple, des déplacements de bureau chef, notamment sur l'emploi et le processus décisionnel général. Je ne peux pas dire que nous ayons recueilli beaucoup de données jusqu'à maintenant, parce que c'est une de ces études qu'il est très difficile à réaliser. Elle en vaut bien la peine, mais, encore là, nous n'avons pas la formation voulue pour répondre directement à votre question.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Docteur Patry.
[Français]
M. Bernard Patry (Pierrefonds--Dollard, Lib.): Merci beaucoup.
[Traduction]
Je ne ferai pas de déclaration. Je vais immédiatement poser mes questions. J'en ai deux.
Étant donné la taille des États-Unis, est-ce réaliste, et le cas échéant, est-ce vital de se doter d'une architecture politique continentale renforcée? J'entends par là la création d'institutions politiques supranationales combinées à des efforts d'intégration plu étroites.
C'était ma première question. Je poserai la seconde quand j'aurai entendu votre réponse.
M. Michael Hart: L'asymétrie entre le Canada et les États-Unis est une donnée dont on doit s'accommoder. L'économie américaine est de 15 à 16 fois supérieure à la nôtre. La population américaine est près de 10 fois supérieure à la nôtre. Nous n'y pouvons rien. Toutefois ce que nous avons appris dans les 50 dernières années—et je pense que c'est un signe distinctif de notre politique étrangère et de notre commerce—c'est qu'en ayant en place des règles, des institutions et des procédures, nous sommes en mesure de faire face à cette asymétrie du pouvoir d'une façon beaucoup plus efficace que si nous n'avions pas ces types d'institutions.
Les Canadiens ont été les grands créateurs de régime institutionnel des 50 dernières années. Il n'existe pas d'institutions ni de régime auxquels les Canadiens ne souhaitent adhérer, et ce n'est pas parce que nous sommes des adeptes du club Rotary, c'est parce que nous savons qu'il y a va de notre intérêt parce que ces régimes nous aident à faire face à la disparité du pouvoir, et plus particulièrement à l'écart qui existe entre le pouvoir du Canada et celui des États-Unis. La grande partie de ce que nous faisons dans les institutions multilatérales vise à gérer les relations entre nos deux pays.
Si je pense que nous pouvons continuer à faire face à ce genre d'asymétrie? Je pense non seulement que nous le pouvons, mais nous le devons. La seule façon pour nous de vivre en harmonie avec notre voisin, c'est d'avoir en place des règles qui sont mises en oeuvre aux États-Unis soit par voie de traité, soit pas voie d'ententes avec le Congrès et qui ont donc force de loi aux États-Unis. L'expérience montre que quand on dispose de ce type d'entente, les États-Unis s'y conforment très bien. Ils respectent ces lois. De sorte que dans les secteurs où les règles ne nous donnent pas satisfaction, il nous revient d'en négocier de nouvelles et de meilleures pour tenir compte de l'évolution de la réalité.
À (1035)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Veuillez poser votre seconde question, docteur Patry.
M. Bernard Patry: Toujours en raison du rapport asymétrique entre le Canada, le Mexique et les États-Unis, y a-t-il un enseignement que nous puissions tirer de l'expérience d'intégration économique européenne?
M. Michael Hart: Beaucoup de gens rappellent constamment que nous avons beaucoup à apprendre de l'Europe. J'en doute, parce que notre situation est nettement différente. D'abord, la principale motivation au mouvement d'intégration en Europe était d'ordre politique. C'était essentiellement une façon de faire face aux bouleversements consécutifs aux deux guerres mondiales et à d'autres guerres qui avaient nécessité le recours à ces moyens économiques pour créer une cohésion politique. Cette motivation fait que le mouvement d'intégration en Europe a toujours animé par la politique tandis que le mouvement d'intégration nord-américain est une réponse à l'intégration silencieuse, comme je le disais tout à l'heure. Cette différence de motivation fait que nous n'avons pas grand-chose à apprendre de l'Europe, contrairement à ce qu'en pensent certains.
Cela dit, l'Europe a réalisé certaines choses en matière de création d'institutions, de réglementation et ainsi de suite qui, à mon avis, méritent d'être étudiées de près pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Mais le fait est qu'en Amérique du Nord nous avons trois partenaires, alors qu'il y en a 15 en Europe, et j'estime que de mon vivant je verrai une Union européenne constituée de 35 à 40 pays. Il en résulte une dynamique tout à fait différente de celle de l'Amérique du Nord, où l'on a un géant flanqué de deux partenaires plus ou moins imposants.
Si vous le permettez, j'aimerais pendant un instant répondre à la question de Mme Lalonde au sujet du Mexique. Je ne partage pas l'avis de MM. Myers et Zussman qui estiment que nous devrions faire nôtres les priorités du Mexique. Je pense que le Canada doit s'en tenir à ses propres priorités. Si le Mexique les partage, alors collaborons. Dans le cas contraire, conservons nos propres priorités, et le Mexique les siennes. Ses priorités diffèrent des nôtres. Quand elles sont analogues, alors nous devons collaborer.
Il est erroné à mon sens de dire qu'il existe une communauté nord-américaine. Il n'y en a pas. Nous avons un Accord de libre-échange nord-américain qui sert de fondement à deux ententes de libre-échange, une entre le Canada et les États-Unis et une autre entre les États-Unis et le Mexique. Il n'existe pas de relation fondamentale entre le Canada et le Mexique. Chaque fois que je vais au Mexique, il m'est donné de constater à quel point ce rapport est ténu. J'ai assisté à des réunions de divers types de comités, comme le Comité nord-américain, l'Institut nord-américain et le Comité des relations canado-américaines—qui est maintenant le Comité des relations nord-américaines—et ce qu'il y a de remarquable à propos de ces comités, c'est l' absence croissante d'intérêt de la part des États-Unis. Cela ne les intéresse plus parce qu'il y a des questions dont ils veulent discuter avec le Mexique et d'autres dont ils veulent discuter avec le Canada, mais ce ne sont pas des questions qu'ils veulent discuter dans un contexte nord-américain. Je pense que nous devrions en tenir compte dans l'examen des types de questions auxquels nous sommes maintenant confrontés.
Merci.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Je crois que M. Robert Pastor comparaîtra jeudi après-midi, et il sera intéressant d'entendre son point de vue sur cette question.
Monsieur Patry, il vous reste environ une minute.
M. Bernard Patry: J'aimerais simplement avoir vos commentaires pour comprendre ce que vous avez dit à la fin. Vous voulez dire que votre approche est de renforcir et d'approfondir les relations bilatérales actuelles avant d'attaquer les féfis liés à l'économie nord-américaine. Vous préférez vraiment une approche bilatérale plutôt que trilatérale. Tel est votre point de vue.
M. Michael Hart: Oui
À (1040)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
[Français]
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Je dois dire rapidement, en l'absence de mon collègue, que la mondialisation, c'est un peu comme la marée: on peut la regretter mais il faut s'arranger pour faire avec et essayer de naviguer dedans.
Je voudrais que vous nous parliez des enjeux très graves et très concrets de la baisse de productivité. L'autre soir, j'ai entendu M. Parizeau faire un exposé très clair et très professoral sur les conséquences de la baisse de productivité. Il ne dit pas que la dollarisation serait un remède immédiat; il dit que de toute façon, on a un grave problème de productivité et que pour que le dollar puisse être adopté, il faudrait avoir une période relativement longue de préparation, ce qui permettrait de profiter de ce dollar et non pas d'être brimés par lui.
La baisse de productivité est constante. Ce que j'en sais pour avoir été au Comité de l'industrie, c'est que c'est un cercle vicieux, parce que plus le dollar est faible, plus les coûts d'équipement sont importants et plus les entreprises ont tendance à profiter seulement des faibles coûts de l'exportation. C'est un enjeu majeur.
J'aimerais savoir quelles sont les solutions concrètes que vous y voyez.
[Traduction]
M. Jayson Myers: C'est vrai. C'est presque un cercle vicieux. Plus le cours du dollar baisse, plus il en coûte cher d'investir dans la nouvelle technologie et plus il devient difficile d'attirer et de conserver du personnel compétent. Ce sont là des facteurs très importants pour comprendre notre piètre rendement en matière d'innovation.
Si l'on examine l'écart croissant entre notre productivité et celle des États-Unis,à un certain égard il est surprenant. Pourquoi cet écart grandissant au chapitre de notre rendement et de notre productivité devrait-il exister alors que nos relations économiques sont de plus en plus intégrées? En fait,il n'y a pas vraiment d'écart grandissant en ce qui a trait à notre capacité de produire des biens et de les exporter sur le marché américain. La croissance de notre production industrielle de même que celle de nos exportations est assez semblable à celle des États-Unis. Là où la grande différence se situe, c'est dans l'investissement dans la nouvelle technologie. Les études montrent que les entreprises canadiennes tardent à adopter de nouvelles technologies, qu'il s'agisse de technologies de production, de nouveaux procédés ou de nouvelles technologies d'Internet. Nous avons tendance à ne pas progresser au même rythme que nos concurrents américains.
En l'occurrence, cela me semble crucial et il s'agit en somme de créer au Canada un environnement plus propice à l'investissement. Quand je m'adresse à nos membres d'un bout à l'autre du pays, je vois que rares sont les entreprises que je visite qui ne sont pas extrêmement efficaces, beaucoup plus efficaces même que la plupart de leurs concurrentes américaines. Mais le tout est de savoir si elles ont les outils voulus, si elles travaillent avec les mêmes outils afin d'avoir les mêmes chances d'améliorer leur productivité. C'est là qu'à mon avis nous avons tendance à accuser un retard. Ce n'est pas que nous n'avons pas fait ces investissements ni amélioré la productivité, c'est que nos grands compétiteurs aux États-Unis le font beaucoup mieux.
A vrai dire, quand on envisage le problème on se rend rapidement compte qu'il s'agit d'un problème d'investissement, et à mon avis la productivité est une question d'investissement. La productivité reflète le rendement sur l'investissement, et c'est pourquoi nous devons aussi examiner ce qu'on peut faire pour inverser cette tendance. Si nos niveaux de productivité augmentaient plus rapidement que ceux des États-Unis et que le fossé en matière de productivité se rétrécisse, le cours du dollar pourrait alors remonter et nous pourrions être extrêmement concurrentiels avec un dollar plus fort, mais nous ne pouvons tout simplement pas le faire actuellement. Si nous ne nous attaquons pas à ces questions de productivité et d'innovation, je crois que nous ne serons pas en mesure de toute manière de garder notre dollar aligné sur le dollar américain.
M. Michael Hart: Me permettrez-vous d'ajouter un point qui me semble important ici? Tout d'abord, on a tort de laisser entendre que la productivité du Canada diminue. Le fossé se creuse parce que la productivité américaine croît beaucoup plus rapidement que celle des autres pays. Si l'on compare la tenue de la productivité canadienne à celle d'autres pays d'Europe, d'Asie, de l'Australie etc., on constate qu'elles sont comparables.
C'est parce que l'économie américaine chauffe à blanc et qu'il y a un très grand nombre de nouvelles technologies en aval, entre autres choses. Des études effectuées au Canada sur la productivité dans des secteurs traditionnels de fabrication, par exemple, indiquent que la nôtre est très semblable à celle des États-Unis, sauf pour les industries en aval. C'est là que le véritable fossé existe. Comme l'a dit Jason, c'est le degré d'innovation qui est critique aux États-Unis.
Différents facteurs interviennent ici. Certains sont d'ordre privé, ont trait à la taille de l'économie par rapport à d'autres types de... Certains sont des facteurs de politique officielle, qui visent à surmonter les obstacles à l'investissement au Canada, à considérer les choix qui s'offrent, et les gens qui décident d'investir dans l'innovation aux États-Unis plutôt qu'au Canada.
Nous devrions faire mieux. Je pense que nous le pouvons, mais il importe de se rappeler que notre productivité s'améliore mais non pas au rythme qu'on souhaiterait et certes pas au rythme auquel croît celle des États-Unis.
Pour ce qui est de notre devise, je suis d'accord avec Jayson pour dire que ce serait probablement très improductif—les problèmes soulevés par la dollarisation ne feraient qu'envenimer la situation. Par ailleurs, je pense que le ministère des Finances doit considérer très sérieusement la mesure dans laquelle l'économie canadienne est déjà dollarisée.
Je pense que si Jayson effectuait un sondage auprès de ses membres, il serait étonné de voir le nombre d'entreprises qui vendent, achètent et concluent toutes sortes de transactions en dollars américains. Selon certaines évaluations, environ 40 p. 100 de l'économie canadienne serait déjà dollarisée. Ce fait à lui seul contribue à la baisse du cours du dollar canadien, parce qu'on crée ainsi artificiellement une forte demande de dollars américains.
À (1045)
La vice-présidente ( Merci, monsieur Hart.
Nous passerons maintenant à Mme Marleau.
Mme Diane Marleau (Sudbury): On m'a dit il y a bien longtemps, lorsque j'ai commencé ma carrière politique, que toutes les questions politiques étaient des questions locales. Cette situation est tout particulièrement évidente aux États-Unis. Dans le domaine de l'autopromotion, personne ne peut battre les Américains. Ils se vendent à eux-mêmes puis au reste du monde.
Nous parlons de nous implanter. C'est très difficile, comme vous le savez tous—nombre d'entre nous avons déjà essayé—parce que les Américains sont beaucoup plus intéressés par qui ils sont, et comment ils font bien les choses, que par autre chose. Notre société canadienne, est également devenue victime de ce petit jeu. Nous avons tendance à nous rabaisser. Je suis heureuse que M. Hart ait signalé que l'écart de productivité entre les deux pays n'a pas vraiment augmenté. On se laisse prendre par cette campagne dans laquelle ils nous disent à quel point ils font tout très bien. Nous nous faisons notre mea culpa et nous oublions que nous sommes excellents dans toute sorte de domaines.
Je crois que le dollar américain est surévalué—vraiment surévalué. Les États-Unis sont la nation la plus endettée du monde, et son économie n'est pas en surchaffe en ce moment. Je ne suis donc pas convaincue qu'il faudrait s'orienter vers une pleine intégration, à tous les égards. Nous devons comprendre que nous avons d'énormes avantages, et que nous voulons les conserver.
Comment, dans un premier temps, allons-nous nous valoriser nous-mêmes et par contrecoup, nous valoriser auprès des Américains? J'ai entendu des gens dire à quel point les choses allaient mal. On dit toujours que tout va mal. C'est notre faute, en quelque sorte si le cours du dollar canadien a baissé par rapport au dollar américain, mais ce n'est peut-être pas entièrement de notre faute. Peut-être le dollar américain est-il surévalué et... Il faut penser à ce genre de choses.
Comment notre nation peut-elle se valoriser davantage, nous juger à notre juste valeur? Nous ne devrions pas dire que l'écart de productivité est trop grand, parce que ce n'est pas le cas. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous avons bien des atouts. Comment communiquer cela aux Canadiens? Alors peut-être que les Américains eux aussi comprendront.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci, madame Marleau.
Qui veut répondre en premier?
M. Jayson Myers: Je vais essayer de répondre à cette intervention.
Je reconnais que nous excellons à faire bien des choses, et que nous n'en parlons pas suffisamment. Je crois que la majorité des Canadiens ne savent même pas ce que nous faisons bien, et ils ne savent certainement pas ce qu'il faut aujourd'hui pour être compétitif.
Je me demande combien de membres de votre comité ont entendu parler de Guigné International, une petite compagnie de Paradise à Terre-Neuve—un merveilleux exemple de restructuration, une compagnie qui est passée de la cartographie acoustique des fonds marins à la technique de lévitateur acoustique. Il s'agit là de la première application commerciale de cette technologie qui soit utilisée par la NASA dans la navette spatiale. C'est une réussite extraordinaire pour une petite compagnie de Terre-Neuve qui à mon avis est une compagnie de technologie de pointe, mais qui s'occupe également de la fabrication. Je me demande si beaucoup de Canadiens sont au courant de ce succès.
Je crois que nous avons beaucoup à faire pour nous vanter. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les Américains écoutent ce que nous avons à dire si les Canadiens ne sont pas prêts à le faire eux-mêmes. Cela dit, le Canada compte des entreprises de niveau international.
Un des problèmes que nous avons cependant identifié récemment—et cela revient un peu à la façon de communiquer le message aux Américains—est qu'il y avait un bon nombre d'entreprises de calibre international qui ont récemment fermé leurs portes en raison de décisions prises par la société mère américaine car on ne jugeait pas logique de poursuivre ces activités.
A mon avis, c'est là un défi de taille. En fait cette situation est attribuable je crois à la petite taille du marché canadien, et, dans une certaine mesure, au fait que de plus en plus les décisions en matière d'investissement sont prises aux États-Unis, et pas nécessairement au Canada.
Voilà certains des défis que nous devons relever; il ne s'agit pas simplement de savoir communiquer nos succès aux Canadiens; il faut également s'assurer que les règles et les institutions nécessaires existent et nous ferons tout ce que nous pouvons pour nous assurer que nos homologues, associés et clients américains comprennent l'importance de ce que nous nous faisons.
À (1050)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Nous passerons maintenant à M. Martin. Monsieur Martin, voulez-vous faire un simple commentaire?
M. Keith Martin: Merci, madame la présidente. En fait je veux simplement faire une demande.
Monsieur Hart, les commentaires que vous avez présentés en réponse à mes questions étaient si convaincants que je vous demanderais de présenter au comité une liste des rèlements fiscaux qui font obstacle à la libre circulation des biens et services au Canada, que vous avez mentionnés. Ces renseignements nous seraient fort utiles; nous pourrions en faire mention dans notre rapport et les proposer au gouvernement qui pourrait alors s'en servir.
De plus, monsieur Hart, je vous demanderais de nous fournir par écrit les divers mécanismes qui nous permettraient d'améliorer notre productivité—dans le secteur des impôts, des finances et de l'éducation—et d'identifier les piliers qui nous permettront d'obtenir l'économie la plus productive et la plus dynamique possible. Nous vous serions fort reconnaissants de nous fournir ces renseignements et tous autres.
Merci.
La vice-présidente (Jean Augustine): Merci, monsieur Martin.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.): Je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés. Je m'excuse de mon retard. Un des ponts entre Hull et Ottawa était fermé du côté de Hull et cela a tout retardé, moi. J'ai cependant pu entendre certains des commentaires. J'ai écouté les questions qui ont été posées. J'étais ici pendant toute la période des questions et j'ai donc pu écouter mes collègues du parti ministériel et de l'opposition poser leurs questions. J'aborderai donc cette question d'un point de vue différent, soit celui de la gestion, de la responsabilisation et de la transparence.
Avant d'être députée, j'étais dans la police, et je sais pertinemment que jusqu'en 1997, les systèmes canadiens de responsabilisation de nos services policiers et militaires servaient de modèle à tous les autres pays, ils étaient sans pareil. Les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Italiens, les Sud-Africains, les Brésiliens venaient tous au Canada étudier nos modèles de surveillance par des civils d'application de la loi. Le Canada a été le premier pays à créer un tribunal militaire civil chargé d'enquêter sur les plaintes formulées contre la police militaire. Vous avez raison, quand on parle d'intégration nord-américaine, de dire que ça s'est produit parce que c'était là le choix des Canadiens. Je le reconnais. Mais je sais également, parce que je connais bien le domaine, que les Canadiens sont parfaitement conscients du fait qu'il existe au Canada dans certains secteurs des mécanismes bien établis qui nous permettent d'assurer une enquête crédible, d'avoir un processus crédible menant à des conclusions, des recommandations ou des sanctions crédibles, au besoin. La même certitude n'existe pas quand on parle du système américain. Je crois que Enron Andersen en ait un parfait exemple.
Puisque le Canada est reconnu pour son travail dans le domaine de la gestion, pour les mécanismes de gestion que nous avons établis dans tous les secteurs, pas simplement celui de la police, mais dans les domaines civil, commercial, etc., je me demande comment nous pouvons intégrer cela de sorte que si nous exerçons des pressions tous azimuts, nous attirerons également l'attention des Américains; de cette façon, lorsque nous accepterons une plus grande intégration, peu importe les formes qu'elle prendra, ces facteurs entreront en ligne de compte; ainsi, ce seront nos modèles, peut-être même améliorés, qui seront adoptés et non pas les modèles américains, des modèles qui dans bien des cas ne sont pas à la hauteur des nôtres? C'est une question bien simple.
À (1055)
M. Michael Hart: J'aimerais faire quelques commentaires en réponse à cette question. Je crois que les négociateurs, s'ils le peuvent, se serviront des meilleures pratiques, essaieront de mettre sur pied un régime qui reflète les meilleures pratiques des deux pays. lesquelles ne sont pas toujours évidentes. Permettez-moi de vous donner un exemple, celui des marchés publics. Au Canada, pendant plusieurs années, ils n'étaient pas aussi transparents, ouverts ou contestables qu'aux États-Unis. Dans le cadre des négociations entourant l'ALE et puis l'ALENA nous avons accepté d'assortir le système des marchés publics de procédures de contestation relatives aux offres. Les Américains voulaient ces procédures pour protéger leurs intérêts. En fait, la majorité de ceux qui ont actuellement recours à ces procédures sont des Canadiens qui ont rendu le système canadien des marchés publics beaucoup plus transparent, et beaucoup mieux surveillé. C'est un gros avantage.
Un des problèmes qui existent aux États-Unis est celui dont j'ai parlé un peu plus tôt, la séparation des pouvoirs ou la fragmentation du pouvoir. Il y a simplement trop de gens qui ont leur propre petit royaume. Un bon exemple est que dans le district fédéral de Columbia, aux États-Unis, il y a 32 forces policières qui ne se parlent pas toujours. Un des gros avantages que M. Ridge voudrait tirer d'un dialogue avec M. Manley serait des institutions qui forceraient ces 32 forces policières à communiquer. Voilà donc une bonne occasion d'améliorer quelque chose aux États-Unis.
De la même façon, je crois que la majorité des Canadiens ne savent pas qu'il existe un rapport entre la Securities and Exchange Commission des États-Unis et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, un rapport qui existe depuis déjà sept ou huit ans et qui assure une reconnaissance mutuelle de haut niveau des déclarations et autres documents à déposer qu'exige chaque pays. Je crois, à la suite de la situation avec Enron, qu'on se penchera à nouveau sur les documents à déposer qui seront exigés; même si, pendant plusieurs années, la SEC n'était pas très chaleureuse à l'égard de la CVMO en raison de l'affaire Bre-X et autres scandales du genre.
Tout le monde a son petit cadavre dans le placard, et ce genre de négociation offre une occasion de voir quelles sont les meilleures pratiques et de décider si nous pouvons instaurer un régime qui assure une couverture internationale afin d'assurer que ces meilleures pratiques seront intégrées dans le droit national. L'expérience m'a appris que c'est souvent la meilleure façon d'obtenir une meilleure gestion.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, monsieur Hart.
Il ne vous reste plus de temps, madame Jennings.
Nous aimerions profiter de cette occasion pour vous remercier d'être venus nous rencontrer ce matin et pour nous faire votre exposé dans le cadre du travail que nous faisons. Nous aimerions également vous inviter, si vous le désirez, à rester parmi nous pour entendre les représentants des Affaires étrangères de la Norvège qui visitent le Canada et les États-Unis. Ils seront des nôtres ce matin.
Je vous remercie de votre exposé. N'hésitez pas à faire parvenir au comité des renseignements supplémentaires si vous le désirez, par exemple en réponse aux questions de M. Martin.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Serait-il possible qu'on se rencontre jeudi matin en comité directeur pour préparer le travail?
Á (1105)
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Oui. Nous avons un peu de temps jeudi matin, mais je veux aussi rappeler au comité que jeudi après-midi nous aurons une réunion très importante.
J'aimerais également signaler que l'honorable David MacDonald, professeur à l'Université de Concordia se trouve avec ses étudiants dans la salle. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes très heureux que vous ayez été des nôtres.
Nous allons ajourner nos travaux pendant deux ou trois minutes en attendant que nos témoins arrivent.
Á (1113)
La vice-présidente ( Conformément à l'article 108(2) du Règlement, la séance se poursuit. Nous accueillons les membres du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien. Au nom des membres du Comité permanent des affaires étrangères du Parlement du Canada, je leur souhaite la bienvenue.
Je m'appelle Jean Augustine. Je suis la vice-présidente du comité et 'appartines au parti ministériel, le Parti libéral. J représente la circonscription d' Etobicoke—Lakeshore, à Toronto. J'ai été élue pour la première fois en 1993. Cela dit, je tiens à vous souhaiter la bienvenue, monsieur Jagland, membre du comité norvégien et ex-premier ministre, de même qu'à monsieur l'ambassadeur Havnen et à tous les membres du comité que nous accueillons ce matin.
À tour de rôle, je vous demanderais de vous présenter sans façon afin que nous sachions les tâches que vous accomplissez au sein de votre propre Parlement. Ainsi, nous saurons à quel parti chaque membre du comité appartient à la Chambre. Nous disposons d'un service d'interprétation et vous pouvez vous servir des petits microphones et des oreillettes, non seulement pour l'interprétation mais aussi pour régler le volume.
Je vous demande donc, monsieur, de faire quelques remarques liminaires, et ensuite nous ferons un tour de table très officieusement.
Merci.
Á (1115)
M.Thorbjørn Jagland (président du Comité permanent des affaires étrangères et du Comité élargi des affaires étrangères,du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Merci beaucoup, madame la présidente. Avant tout je tiens à vous exprimer nos remerciements pour l'accueil chaleureux que nous avons reçu au Canada. Comme je vous ai dit hier au dîner, où certains d'entre vous étaient convives, ce n'est pas accidentel si le comité vient au Canada en ce moment pour la première fois de notre histoire. C'est parce que nous voulons nourrir les très bonnes relations que nous entretenons entre nos deux pays et nous voudrions y ajouter une dimension qui est très importante pour la Norvège. Comme vous le savez, nous sommes un petit pays et nous avons peu d'influence sur les enjeux mondiaux. Bien entendu, nous voulons également protéger nos propres intérêts.
Le Canada et la Norvège ont bien des intérêts en commun, par exemple, notre voisinage avec la Russie. Nous sommes un pays circumpolaire et cela suppose plusieurs dossiers dont nous devons nous occuper. Par conséquent, nous sommes ravis de pouvoir discuter avec vous des nombreux dossiers mondiaux auxquels le Canada et la Norvège coopèrent.
Le Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien regroupe des membres de tous les partis représentés au Parlement. Nombre d'entre eux sont également leaders de leurs groupes parlementaires, de sorte que le comité que vous rencontrer aujourd'hui est très représentatif.
Je voudrais saisir l'occasion pour inviter les membres de votre comité à visiter la Norvège afin que nous puissions poursuivre le dialogue déjà engagé. Je crois que la coopération entre parlementaires est capitale. Nos deux gouvernements coopèrent très bien. Le roi va venir au Canada au mois de mai. La coopération au niveau parlementaire est tout aussi importante.
Par conséquent, je tiens à vous remercier de nous avoir accueillis et nous sommes impatients d'engager une discussion avec vous. Je propose que vous commenciez par parler des relations entre le Canada et les États-Unis, dont nous avons parlées ce matin en comité et nous pourrions passer ensuite aux nombreuses questions qui nous interpellent en commun, comme la lutte contre la pauvreté en Afrique, dossier que le Canada pilote pour qu'il soit en tête de l'agenda politique mondial, ce que est très apprécié. Le Moyen-Orient est également un point chaud où une contribution du Canada comme de la Norvège est possible. Ainsi, si vous pouviez nous renseigner sur les relations entre le Canada et les États-Unis dans le contexte de la guerre actuelle contre le terrorisme, nous vous en serions reconnaissants.
Merci.
La vice--présidente (Mme Jean Augustine): Merci, monsieur le président.
Nous avons étudié plusieurs dossiers, notamment la sécurité humaine, les mines terrestres, les armes légères, les Nations Unies, et toute une série de problèmes auxquels le Canada et la Norvège ont collaboré en partenariat nous offrant ainsi une aide réciproque. Nos rapports, vous le savez, remontent à bien des années et nous aimons rappeler notre travail en partenariat et en collaboration.
Je suis ravie d'apprendre que le roi et la reine de Norvège vont venir en visite au Canada. Nous nous réjouissons à cette idée. Il me semble que c'est l'année de la royauté, parce que notre reine va également venir au Canada cette année.
Il y a certains éléments de votre propre régime qui font notre admiration. Par exemple, j' ai appris hier soir que 39,6 p. 100 des députés à votre Parlement sont des femmes et nous au Canada, nous avons beaucoup à apprendre de vous sur le plan notamment de la participation des femmes à l'élaboration des orientations en général.
Nous allons donc poursuivre les présentations et ensuite nous donnerons la parole aux membres de notre comité qui ont des tâches particulières. Par exemple, Mme Phinney est présidente de notre sous-comité des droits de la personne, et d'autres membres du comité jouent un rôle particulier. Au fur et à mesure que vous vous présenterez, vous pourrez signaler ces rôles particuliers. Nous savons que vous vous intéressez au terrorisme, à l'Afghanistan, aux questions de sécurité, et comme vous l'avez mentionné, à la situation au Moyen-Orient. Ainsi, au cours des présentations, les membres du comité vont pouvoir signaler leurs intérêts particuliers et, au lieu tout simplement de faire des déclarations, poser des questions peut-être pour notre gouverne à tous.
C'est donc dans un esprit de solidarité et de coopération que je donne la parole à monsieur l'ambassadeur.
Á (1120)
M. Ingvard Havnen (Ambassadeur de Norvège au Canada): Ingvard Havnen, ambassadeur du Norvège au Canada.
M. Gerald Schmitz (attaché de recherche auprès du comité): Gerry Schmitz, attaché de recherche auprès du comité.
Je voulais tout simplement signaler que le comité a, il y a quelques années, préparé un rapport volumineux sur la coopération circumpolaire, rapport qui a été déposé en 1997 et dont vous connaissez sans doute l'existence, et qu'un membre du comité s'est rendu à Oslo et a peut-être rencontré certains d'entre vous. J'ai consulté la liste des témoins entendus pour la préparation de ce rapport. C'est certainement un intérêt que nous avons en commun avec vous. Plus récemment, le comité a préparé des rapports notamment sur le Caucase, l'Asie centrale et d'autres questions; nous mettrons ce rapport à la disposition des membres de votre comité et vous pourrez l'emporter.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Madame Marleau.
Mme Diane Marleau: Je m'appelle Diane Marleau. Je suis députée libérale au Parlement et je représente une circonscription du nord de l'Ontario, où se trouve une gigantesque exploitation minière. Je pense qu'une partie du nickel qui en est extrait est acheminé vers la Norvège, pour transformation.
J'ai une question à vous poser et j'espère que vous allez la considérer avec tout le sérieux que j'y mets. Je voudrais savoir comment vous Norvégiens considérez le Canada étant donné qu'il y a des Canadiens qui servent actuellement en Afghanistan aux côtés des Américains et non sous les auspices des Nations Unies. Avez-vous une opinion là-dessus? En outre, comment, d'après vous les Européens considèrent-ils cette situation?
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Comme l'a dit Jean, je suis la présidente du sous-comité des droits de la personne et du développement international. Il y a cinq ou six ans, je suis allée en Norvège où nous avons été accueillis de façon impressionnante. J'accompagnais les membres de l'Association parlementaire de l'OTAN et nous avons fait un excellent voyage. Nous avons été extrêmement bien reçus et bien traités et j'y retournerais volontiers. Nous avons mangé beaucoup de saumon.
Je représente la circonscription de Hamilton, entre Toronto et Niagara Falls, en Ontario, et c'est une région au climat doux où il n'y a pas de neige aujourd'hui.
Mme Kristin Halvorsen (membre du comité, Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)) : Je m'appelle Kristin Halvorsen. Je suis le leader du Parti socialiste de gauche en Norvège. Je suis députée au Parlement depuis 1989, et ma circonscription est à Oslo.
M. Bjørn Jacobsen (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Bjørn Jacobsen, également du Parti socialiste de gauche et je suis député au Parlement depuis seulement quatre mois.
Une voix: Et on vous fait déjà voyager?
M. Bjørn Jacobsen: Oui.
Á (1125)
Mme Aileen Carroll: Je m'appelle Aileen Carroll, députée, et je viens de l'Ontario. Beaucoup de membres du Parti ministériel viennent de cette province. Je suis secrétaire parlementaire auprès du ministre des Affaires étrangères et, puisque nous sommes nombreux, je vais m'en tenir à cela pour l'instant.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Bonjour. Je m'appelle Marlene Jennings et je suis députée de la circonscription de Notre-Dame-De-Grâce—Lachine, qui est située sur l'île de Montréal, dans la province de Québec. Je suis également la secrétaire parlementaire de la ministre de la Coopération internationale.
[Traduction]
M. Haakon Blankenborg (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Haakon Blankenborg. J'appartriens au Parti travailliste et je siège au Parlement norvégien depuis 1981.
M. Morten Høglund (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Morten Høglund. Je suis membre du Parti progressiste et j'ai moi aussi été élu récemment.
M. Finn Martin Vallersnes (membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Finn Martin Vallersnes. Je représente le Parti conservateur depuis octobre l'an dernier. Au sein du groupe de conservateurs qui siègent au comité, je suis plus particulièrement ce qui se passe en Asie et en Afrique. Cela explique que j'ai une question à poser.
J'ai lu avec vif intérêt le discours prononcé par votre premier ministre à New York la semaine dernière, au cours duquel il a mentionné un plan d'action pour l'Afrique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les éléments clés qui serviront à la mise en oeuvre de ce plan? Je pense que c'est une initiative fort intéressante. Merci.
M. Inge Lønning (premier vice-président du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting); vice-président du Storting): Je m'appelle Inge Lønning et je représente Oslo au Parlement. Je suis premier vice-président du Parti conservateur. Je suis également vice-président du Parlement.
M. Christopher Stensaker (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Christopher Stensaker. Je représente le Parti progressiste. Je viens du centre de la Norvège, en l'occurrence de la ville de Trondheim, et je siège au Parlement depuis 1997.
M. Åslaug Haga (deuxième vice-président du Comité permanent des affaires étrangères et du Comité élargi des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Åslaug Haga. J'appartiens au Parti du Centre de Norvège. Je suis l'un des deux vice-présidents du parti. J'ai été élu récemment au Parlement. Je travaille à des questions de relations étrangères depuis un certain temps, ayant été au service extérieur pendant 12 ans, en mission à New York et à New Delhi.
Je m'intéresse à tous les aspects des relations étrangères, mais je suis un multilatéraliste inconditionnel. e m'intéresse surtout aux questions qui touchent les Nations Unies.
M. Jon Lilletun (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Jon Lilletun. Je représente le Parti chrétien démocrate en Norvège. Je suis leader du groupe parlementaire du Parti chrétien démocrate. Je suis au Parlement depuis 1999 et je représente Vest-Agder et Kristiansand. Madame, c'est à Kristiansand que l'on raffine et transforme le nickel qui vient de chez vous et notre collaboration à cet égard est excellente. Merci.
M. Lars Rise (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Lars Rise. Je représente Oslo et j'appartiens au Parti chrétien démocrate. Je suis député depuis 1997. Je m'intéresse vivement aux questions de droits de la personne. Je suis le leader du comité Kashmir au Parlement. On me dit qu'il y a eu une initiative de la part d'un parlementaire canadien concernant le Cachemire et je voudrais que l'on m'en parle davantage, mais cela viendra un peu plus tard.
M. Gunhild Øyangen (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Gunhild Øyangen. Je représente le parti travailliste au Parlement norvégien. Je rentre du Rwanda en Afrique et je souhaite surtout que nous n'oubliions pas à quel point les pays d'Afrique ont besoin d'aide au développement et du soutien de la société internationale. Merci.
M. Svend Robinson: Je m'appelle Svend Robinson. Je suis député du Nouveau parti démocratique, un parti membre de l'Internationale Socialiste. Je représente Vancouver, sur la côte Ouest du Canada. Je suis député depuis 1979 et, ce qui est plus important encore, je crois, min farmor var fra Ålesund i Norge, så siger jag velkommen til Canada
Mon collègue vient de parler d'aide au développement. J'aimerais faire une brève remarque et poser ensuite deux questions. Tout d'abord, merci d'être à l'avant-garde de la communauté internationale sur les questions d'aide étrangère. Les Norvégiens sont véritablement un phare qui guide le reste du monde, et je crois que nous devrions tous nous en inspirer.
Je me demande si quelqu'un pourrait nous parler de deux problèmes particuliers. Il y a d'une part la réponse de votre comité—et je sais qu'il y en aura plusieurs—sur la question du bouclier antimissile. Ce projet de bouclier et l'armement spatial inquiètent beaucoup d'entre nous.
Deuxièmement, il y a le problème qui a suscité de nombreuses préoccupations dans l'Atlantique, et vous en avez certainement entendu parler hier soir. Je veux parler des chantiers navals et des répercussions éventuelles de l'AELE sur nos chantiers navals de la région atlantique.
Á (1130)
M. Rune Resaland (secrétaire du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Rune Resaland et je suis secrétaire du comité.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je m'appelle Antoine Dubé et je suis député de Lévis, juste en face de la ville de Québec, la capitale du Québec. Je suis l'un des 38 députés du Bloc, tout comme Mme Lalonde. Je suis membre, avec Mme Phinney, du Sous-comité des droits de la personne du Comité des affaires étrangères. Je me préoccupe en particulier du dossier de l'Asie et aussi d'un dossier dont vient de parler mon collège Svend Robinson, celui de la construction navale.
Je ne sais pas lequel parmi vous a un chantier maritime dans sa circonscription ou dans le territoire qu'il représente, mais je serais bien intéressé à en parler. Chez nous se trouve le principal chantier maritime au Canada, qui est un peu en difficulté, mais qui se cherche des acquéreurs ces temps-ci. Il semble que certaines sociétés norvégiennes ou scandinaves soient intéressées.
Parmi les questions dont on discute dans le cadre des chantiers navals, il y a aussi, évidemment, toute la question des plate-formes pétrolières. Je sais que vous êtes un des pays leaders dans la mer du Nord à cet égard.
Vous voyez qu'il y a plusieurs dimensions à cela: l'aspect commercial, mais aussi l'aspect des droits de la personne.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je voulais que M. Dubé, comme nous tous, sache que cette séance sera rediffusée à la télévision. L'annonce que vous avez faite est donc maintenant publique.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Francine Lalonde. Je suis députée d'une circonscription de l'extrême est de Montréal qui s'appelle Mercier. Je suis porte-parole de mon parti pour les affaires étrangères. Je suis au Parlement du Canada depuis 1993. Dans une vie antérieure, j'ai ai été ministre du gouvernement de René Lévesque.
J'aimerais vous entendre sur la question de l'évolution du processus d'Oslo, qui a commencé chez vous. Nous sommes ici nombreux et nombreuses à nous inquiéter du fait que le règlement semble toujours plus lointain. Je salue aussi votre contribution en matière d'aide internationale. Soyez certains qu'en ce Parlement, nous citons souvent le nom de votre pays et ce que vous donnez.
J'aimerais aussi, si le temps nous le permet, vous entendre parler de vos rapports avec l'Union européenne et du fait que vous refusez toujours d'en être. Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Madame Christiansen.
Mme Julie Christiansen (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je m'appelle Julie Christiansen. Je suis nouvelle au Parlement où je représente le comté entourant Oslo. Étant ancienne vice-présidente du mouvement européen de la Norvège, je m'intéresse principalement aux relations de la Norvège avec l'Europe et à l'Union européenne. Je m'intéresse aussi d'une manière générale aux questions de sécurité.
Á (1135)
M. Keith Martin: Tusen tak. God morgen.
C'est à peu près tout ce que je sais dire en norvégien.
Merci beaucoup encore une fois d'avoir fait tout ce chemin pour venir nous rencontrer. Vous devez être assez fatigués par le décalage horaire après être restés debout 24 heures hier.
Mon nom est Keith Martin. Je représente une circonscription de l'île de Vancouver, les tropiques du Canada sur la côte Ouest. C'est une île du Pacifique, idéale pour la construction navale et le tourisme, alors venez nous voir souvent.
Je suis le critique suppléant des affaires étrangères du principal parti de l'opposition, l'Alliance canadienne. Je m'intéresse à la politique étrangère, à la prévention des conflits meurtriers, à la réforme de la santé, au renouvellement des programmes sociaux et à l'environnement.
Je m'intéresse beaucoup, moi aussi, au travail remarquable que vous accomplissez en matière d'aide étrangère, à votre action dans le cadre de l'Accord d'Oslo, qui offre à la communauté internationale dans son ensemble une possibilité d'agir sur la situation israélo-palestinienne et aussi aux possibilités d'amélioration des liens économiques entre nos deux pays.
M. Jens Stoltenberg (membre du Comité des affaires étrangères du Parlement norvégien (Storting)): Je représente le Parti travailliste au Parlement. Je suis président du Groupe parlementaire du Parti travailliste. Je représente Oslo.
Je peux faire une courte observation au sujet de la construction navale, dont vous avez parlée, car j'ai rencontré ce problème pour la première fois lorsque j'étais ministre de l'Industrie et de l'Énergie il y a quelques années, au début des années 90.
Je sais que nous avons d'excellentes relations avec le Canada dans tous les domaines sauf dans le domaine de la construction navale, car l'industrie pétrolière et gazière norvégienne aimerait beaucoup participer à la mise en valeur de vos ressources pétrolières et gazières—et elle le fait dans certaines régions. L'obstacle, c'est les tarifs élevés sur les exportations, non seulement sur les navires, mais aussi sur les installations pétrolières et gazières. Par ailleurs, il y a de nombreux chantiers navals, particulièrement sur la côte Ouest de la Norvège, qui aimeraient exporter davantage. D'un autre côté, il y a des chantiers navals sur la côte Est du Canada qui aimeraient éviter des importations d'installations pétrolières et gazières norvégiennes. C'est aussi la principale raison pour laquelle nous n'avons pas pu conclure un accord de libre-échange entre E FTA et la Norvège.
Voilà donc, à ma connaissance, le seul problème dans nos relations bilatérales, mais il existe depuis un certain nombre d'années et il était donc intéressant que vous le mentionniez.
La vice-présidente (Mme Puisque nous avons abordé cette question, je devrais peut-être demander si quelqu'un d'autre a des observations à faire sur la question des tarifs, de la construction navale, et sur l'intervention de M. Dubé concernant la disponibilité d'un chantier naval. Nous pourrions peut-être parler davantage de cette question, puisqu'elle pose quelques problèmes sur le plan de nos relations.
Madame Jennings.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup. J'aimerais faire quelques commentaires sur la question de la construction navale.
J'ai siégé au Comité de l'Industrie, des sciences et de la technologie de 1997 jusqu'au moment de ma nomination comme secrétaire parlementaire, au mois de septembre. Le Comité de l'industrie a fait une étude d'envergure sur toute la question de l'industrie de la construction navale ici, au Canada, et a fait plusieurs recommandations au gouvernement canadien, dont certaines ont été mises en oeuvre, alors que d'autres attendent toujours.
Sur la question du libre-échange entre la Norvège et le Canada dans ce secteur, j'ai l'impression que cela va tarder tant et aussi longtemps que l'industrie de la construction navale ici, au Canada, ne sera pas renforcée au moyen de politiques et de lois canadiennes qui aideront l'industrie à vraiment devenir moderne, productive et compétitive sur le marché international.
À mon avis personnel, le fait de conclure un accord de libre-échange avec la Norvège dans ce secteur-là signerait l'arrêt de mort de l'industrie de la construction navale au Canada.
Á (1140)
[Traduction]
La vice-présidente ( Une réponse de M. Stoltenberg.
M. Jens Stoltenberg: Je pense que nous comprenons tout à fait les problèmes que vous avez, et ce sont des problèmes qui existent en fait dans bon nombre de pays depuis de nombreuses années. La construction navale est l'un des secteurs les plus protégés dans le monde depuis de nombreuses années, et c'est le cas également en Norvège. Nous avons accordé des subventions élevées à l'industrie de la construction navale en Norvège et, jusqu'en 1999, nous avons donné 9 p. 100 en appui direct à même le budget de l'État aux différentes entreprises de construction navale pour chaque contrat.
Nous nous sommes ensuite entendus avec l'Union européenne et nous avons éliminé les subventions directes à l'industrie de la construction navale. Le problème, c'est que ni les États-Unis ni le Canada ne participent, mais nous subissons de vives pressions de pays comme la Pologne, la Corée du Sud, etc., car ces pays n'ont aucune subvention, aucun tarif, et ils aimeraient beaucoup avoir libre accès à tous les marchés d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord.
Naturellement, si nous signons un accord de libre-échange qui n'inclut pas l'industrie de la construction navale, cela nous pose un problème.
[Français]
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé: Je ne croyais pas que ce sujet allait prendre autant de place, mais c'est effectivement un sujet qui préoccupe les gens de ma région et d'autres régions.
Je vais relancer un peu Mme Jennings. En général, on ne se dispute pas devant des gens d'autres pays et on ne se disputera pas non plus, mais je voudrais vous rappeler que j'avais bien étudié cette question et que j'avais même présenté un projet de loi privé qui avait été adopté à toutes les étapes, sauf à la toute dernière, parce qu'il y avait eu des élections, non pas cet automne, mais l'automne précédent.
Le problème que vous soulevez est exactement le même pour nous. Un problème additionnel, c'est que dans les pays asiatiques, notamment, il arrive souvent qu'ils ne paient pas d'impôt parce que ce sont des sociétés d'État; de plus, lorsqu'il y a des déficits, le pays l'absorbe.
Je pense que le domaine de la construction navale et celui du transport maritime sont deux domaines reliés qui, actuellement, n'ont pas à se soumettre à beaucoup de règles internationales. Ce n'est pas juste un problème entre la Norvège et le Canada. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de règles internationales équitables et égales pour tous.
Je termine en vous signalant que si les gens sont un peu opposés à l'abolition du tarif douanier de 25 p. 100, c'est qu'à côté de nous, il y a les États-Unis, qui maintiennent des règles protectionnistes, mais en même temps, il y a une situation un peu inégale puisque ce pays est exempté du tarif douanier. Je termine là-dessus. De toute façon, j'ai identifié quelqu'un avec qui on pourrait continuer de jaser en privé à ce sujet. Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Merci.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: À ce sujet—et je sais que nous voulons passer à d'autres questions—peut-être que M. Stoltenberg pourrait nous donner un éclaircissement.
Naturellement, l'une des préoccupations de mes collègues des provinces atlantiques, dans des régions comme Halifax, St-Jean et ailleurs, c'est qu'à l'heure actuelle des navires sont construits avec des subventions très élevées. Vous avez dit qu'avant 1999, c'était le cas. La Norvège vend ses navires qui ont été construits grâce à des subventions élevées, et ils font concurrence aux constructeurs de navires canadiens qui n'ont pas eu l'avantage de ces subventions. Il est clair que les règles du jeu ne sont pas équitables et ça semble être la préoccupation fondamentale. Comme Mme Jennings l'a dit—et c'est certainement la position que notre parti a adoptée—cela n'est pas équitable, les règles du jeu ne sont pas équitables lorsque des navires qui ont été construits dans de telles conditions font concurrence à notre industrie de la construction navale.
Que répondez-vous à cette préoccupation concernant ces navires qui ont été construits avant 1999 grâce à des subventions élevées? Nous ne devrions pas avoir à faire face à une telle concurrence.
Á (1145)
M. Jens Stoltenberg: Il ne s'agit pas uniquement de navires, mais aussi de plates-formes pétrolières. Ces plates-formes ont déjà été vendues, alors ce n'est pas comme si nous en avions une grande quantité en réserve et que nous n'attendions que l'ouverture du marché canadien. Le problème n'est pas là à mon avis. Le problème tient plutôt au fait que, comme nous n'arrivons pas à nous entendre sur la construction navale, nous retardons tous le processus qui permettrait d'en arriver à un accord de libre-échange entre l'AELE et le Canada.
Nous devrions pouvoir en arriver à une période de compromis, à une solution grâce ``a des concessions, pour que nous puissions aborder votre problème. Je reconnais que cela poserait un problème pour vous que d'ouvrir votre marché et de constater ensuite qu'il vous faut peut-être le fermer ou réduire l'activité de vos chantiers navals sur la côte Eest. Je comprends donc votre préoccupation, mais nous devrions pouvoir trouver un moyen d'y répondre afin que nous puissions nous entendre sur un accord de libre-échange entre l'AELE et le Canada.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Poursuivons la discussion sur cette question, qui est importante à mon avis.
Monsieur le président, je crois que Mme Marleau avait débuté son intervention par une question qui s'adressait à vous.
Á (1150)
M. Thorbjørn Jagland: Oui. Puis-je y répondre brièvement?
Vous nous avez demandé ce que nous pensons du fait que vos soldats sont en Afghanistan avec les Américains mais qu'ils ne sont pas là sous l'égide des Nations Unies. Eh bien, la Norvège appuie la guerre contre le terrorisme depuis le tout début, et il existe un mandat des Nations Unies en ce sens. C'est là quelque chose de très important. Nous devons continuer à mettre l'ONU au premier plan de ce qui va se passer en Afghanistan à compter de maintenant.
J'aimerais insister sur trois points. Premièrement, nous avons besoin aussi bien d'une perspective à court terme que d'une perspective à long terme à cet égard. La campagne militaire est importante, mais nous devons nous concentrer sur ce qui a fait problème et qui continue à faire problème en Afghanistan, à savoir l'effondrement de l'État. Il y a beaucoup de ces États qui se sont effondrés dans le monde, pas seulement en Afghanistan. Le problème était le même en Sierra Leone, où il a fallu non seulement une intervention militaire mais aussi une campagne de reconstruction de l'État et de la société civile. Il faut faire de même en Afghanistan.
Deuxièmement, nous ne réussirons pas en Afghanistan, ni dans la guerre contre le terrorisme, si nous ne mettons pas l'accent sur les problèmes du Moyen-Orient, car le terrorisme dont nous sommes témoins a ses origines, à mon sens, au Moyen-Orient. À moins que nous n'arrivions à remettre sur les rails le processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens, nous ne pourrons pas combattre le terrorisme.
Je peux vous dire un mot de ce processus de paix au Moyen-Orient, puisque vous avez posé la question. Je dois d'abord vous dire que j'ai travaillé au Moyen-Orient pendant 20 ans et que j'ai aussi été membre du comité Mitchell. En ma qualité de membre de ce comité, je tiens aussi à ajouter que le principe qu'a adopté Israël et qui recueille l'aval des États-Unis, principe des «sept jours de calme», ne donnera pas de résultats. Nous en avons la preuve. Combien d'Israéliens et combien de Palestiniens ont été tués depuis qu'on a adopté ce principe des sept jours de calme? Si j'arrive à cette conclusion, c'est que le principe suppose que la suite des événements repose entre les mains des terroristes.
Ce que le comité Mitchell a proposé, c'était de décréter le cessez-le-feu et de s'efforcer ensuite de mettre en place des mesures destinées à renforcer la confiance; j'entends par là qu'Israël doit se retirer vers les positions qu'elle occupait avant le 28 septembre 2001. Ce serait là une mesure qui contribuerait de façon importante à renforcer la confiance. Les Israéliens doivent cesser de créer des colonies de peuplement ou d'élargir celles qui existent déjà, et les Palestiniens doivent maitriser les divers groupes militaires et confisquer les armes de ces groupes qui exercent leur activité en territoire palestinien en violation de l'Accord d'Oslo.
Ensuite--et c'est là surtout où je veux en venir--il faut redémarrer le processus de paix, c'est-à-dire les négociations entre Palestiniens et Israéliens. Je dis cela à cause de ce que l'Accord d'Oslo signifiait pour les Palestiniens. Cet accord ouvrait la voie à la liberté pour les Palestiniens et devait les soustraire à l'occupation. C'est surtout de là que vient le problème. Si les Palestiniens ne sont pas tous convaincus que la promesse de l'accord se réalisera, et qu'ils accéderont ainsi à la liberté et qu'ils seront débarrassés de l'occupant, ils ne garderont pas le silence.
Ce qui est arrivé à Camp David, c'est que les Palestiniens se sont sentis frustrés parce que le processus de paix avait été sacrifié. J'aurais bien des choses à dire au sujet des dirigeants palestiniens à Camp David, mais ce qui est arrivé, c'est que les Palestiniens ont compris qu'on avait mis fin au processus de paix, et c'est ainsi que la deuxième intifada a commencé.
Ainsi, tant qu'Israël et les États-Unis n'auront pas indiqué clairement qu'ils veulent revenir à la table de négociations pour mettre fin à l'occupation et en arriver à un accord définitif, il n'y aura pas de paix, et on ne pourra pas faire échec au terrorisme en l'absence d'un signal clair à cet effet.
En ma qualité de membre du comité Mitchell, je dirais que nos recommandations ont été très mal interprétées. Nous n'avons pas recommandé l'adoption de ce principe des sept jours de calme. Nous avons recommandé un cessez-le-feu, accompagné de mesures destinées à renforcer la confiance, dont la plus importante serait de redémarrer les négociations de paix, conformément à l'Accord d'Oslo.
Les deux parties doivent donc revenir à ce sur quoi elles se sont entendues à Oslo, notamment négocier la paix sans violence. Je m'adresse aussi bien aux Palestiniens qu'aux Israéliens. Les deux parties se sont entendues à Oslo pour dire que c'était la seule façon d'assurer la paix.
Troisièmement, il faut lutter contre la pauvreté. Prenons les Palestiniens comme point de référence. Imaginons une famille palestinienne vivant dans un camp de réfugiés: ils vivent à sept ou huit dans une chambre. Dans cette chambre, on voit deux choses: un drapeau palestinien et un téléviseur. Le drapeau est le symbole de la liberté à laquelle ils espèrent un jour accéder, tandis que le téléviseur leur montre la richesse qu'on connaît dans d'autres pays. On ne peut plus continuer à tolérer une pauvreté aussi abjecte, car il y aura de nouveaux conflits et de nouvelles guerres dangereuses si on n'arrive pas à lutter contre la pauvreté, non pas seulement au Moyen-Orient, car c'est encore pire en Afrique. Aussi je suis très heureux que le Canada joue maintenant un rôle de chef de file pour combattre la pauvreté en Afrique. C'est le seul moyen; c'est là la solution définitive à cette guerre contre le terrorisme.
Merci.
Á (1155)
La vice-présidente ( Merci pour ces éclaircissements et merci aussi pour le travail que vous avez fait comme membre de ce comité.
Y a-t-il d'autres intervenants? M. Martin, puis Mme Lalonde et, ensuite, M. Robinson.
M. Keith Martin: Monsieur Jagland, je vous remercie beaucoup pour cette intervention éloquente.
D'après un excellent article que j'ai lu dans le Herald Tribune, M. Sharon n'a pas du tout à coeur de réaliser la paix à ce moment-ci et M. Arafat a perdu toute emprise sur le Jihad islamique et le Hamas. D'où ma question. À la lumière de votre expérience au portefeuille des affaires étrangères, que peut-on faire pour que ces deux parties se retrouvent à la table de négociations et fassent fi de la capacité des groupe terroristes à faire dérailler le processus de paix?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'Arabie Saoudite, l'exportation de terroristes de l'Arabie Saoudite en Afghanistan est le fruit d'un effort délibéré pour se débarrasser du problème. La structure de l'Arabie Saoudite continue donc à faire problème. Comment pourrions-nous, d'après vous, remédier à cette situation très instable qui existe en Arabie Saoudite? Je crains que nous n'allions nous retrouver face à un autre événement cataclysmique comme celui qui a suivi le renversement du shah d'Iran. L'Arabie Saoudite pourrait ainsi devenir un nouvel Iran dans un avenir pas très éloigné.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Nous allons entendre quelques interventions encore, puis nous allons revenir au...
Madame Carroll, votre nom est sur la liste. Aviez-vous une question? Non? D'accord.
Dans ce cas, nous allons entendre Mme Lalonde, puis M. Robinson.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, monsieur Jagland. J'aimerais vous demander de nous aider à imaginer ce qu'on pourrait faire pour aider les Américains à comprendre qu'ils doivent inciter le président Sharon à négocier, car il faut que le président de l'Autorité palestinienne, qui est toujours encerclé, puisse agir comme un véritable leader. On sait qu'il aurait pu agir autrement, mais il est toujours le leader de l'Autorité palestinienne. Allez-vous parler de cette question aux États-Unis, avec les collègues parlementaires que vous allez rencontrer?
Si vous aviez des suggestions à nous faire, je suis certaine qu'on arriverait, au Comité des affaires étrangères, à adopter des positions unanimes qui pourraient aider à faire débloquer cette situation. Je partage votre analyse.
[Traduction]
La vice-présidente ( Je crois que M. Martin a lui aussi évoqué le cas de l'Arabie Saoudite. Voulez-vous réagir aux deux interventions?
M. Thorbjørn Jagland: Vous avez raison de dire qu'Arafat a perdu le contrôle. Je dois dire également que c'est tout à fait de sa faute, car il a armé tellement de groupes, ce qui n'était pas conforme à l'Accord d'Oslo. Cela doit être très clair. Il ne peut pas reprendre le contrôle alors qu'il est sous assignation à domicile. Comment le pourrait-il dans de telles conditions? Si on se rend dans la région et que l'on voit toutes les mesures de sécurité qui empêchent les autorités palestiniennes d'avoir le contrôle de leur propre territoire, on peut imaginer le problème.
C'est une bonne question: où se dirige Sharon? Je ne sais pas, mais je suis convaincu que la seule solution c'est que la communauté internationale prenne une plus grande responsabilité. La communauté internationale a créé l'Etat d'Israël en 1947, et je suis convaincu qu'elle doit assumer la responsabilité de créer un État palestinien. Les États-Unis doivent jouer un rôle de chef de file, de concert avec l'Union européenne et la Russie. Nous n'avons pas d'autres moyens que de tenter de convaincre les Américains que s'ils veulent lutter contre le terrorisme, ils doivent jouer un rôle de chef de file au Moyen-Orient. Ils ne peuvent pas continuer ainsi.
Quiconque a travaillé dans la région a une grande expérience à offrir. Les petits pays comme la Norvège et les plus grands pays comme le Canada, qui y ont travaillé, sont mieux placés pour écouter ce que les gens ordinaires ont à dire. Si on écoute les gens dans les rues arabes, on pourra dicerner également la solution. Je suis convaincu que si le processus de paix redémarre, cela réduira immédiatement la tension et la violence. Cela ne va pas l'arrêter, mais les gens retrouveront l'espoir. C'est ce que j'entends dans les rues du monde arabe,surtout dans le secteur palestinien.
En ce qui concerne l'Arabie Saoudite, en général je ne peux pas comprendre pourquoi Israël et les États-Unis ne voient pas l'avantage de la paix entre la Palestine et Israël. Ils en profiteront, car je pense que cela ouvrira la voie à un processus de réforme dans bon nombre de pays arabes. Si on écoute ce que disent les gens en Égypte et en Arabie Saoudite, on constate qu'ils sont frustrés. Or, cette frustration est dirigée contre Israël, mais si on obtient la paix, alors la frustration sera dirigée contre les régimes du Moyen-Orient et cela ouvrira la voie à la réforme, réforme dont nous avons bien besoin au Moyen-Orient.
Il y a trente ans, l'Iraq était une nation laïque où existait la liberté de la presse. Les femmes travaillaient. Aujourd'hui, ce pays est dans une situation catastrophique. Saddam Hussein est là car il y a un conflit dans la région. Si on règle ce conflit, je suis convaincu que nous aurons un nouveau débat et une toute nouvelle situation dans cette région.
Il est incroyable que les Américains ne comprennent pas cela. Il est dans leur intérêt d'ouvrir la voie à la réforme et à une nouvelle situation dans tout le monde arabe.
 (1200)
La vice-présidente ( Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup. Je voulais revenir sur certaines observations qui ont été faites.
En ce qui concerne le Moyen-Orient, je dois dire que je suis pessimiste. J'aimerais bien pouvoir dire que je suis optimiste. Je pense qu'avec Sharon au pouvoir, si on tient compte de ce qu'il a fait, particulièrement à Sabra et à Shatila en 1982, et aussi de ce qu'il a déclaré récemment, le seul espoir que j'entrevois c'est que le reste du monde puisse convaincre les États-Unis qu'ils doivent faire pression auprès de Sharon. Il ne le fera pas lui-même.
Ce n'est pas seulement Sharon. Depuis Oslo, le nombre des colonies de peuplement a presque doublé. Par ailleurs, j'ai le regret de dire que sous les gouvernements travaillistes, ils continuent de démolir les résidences, de tuer de façon ciblée, de tirer sur des adolescents qui lancent des pierres. Leur seul espoir, à mon avis, c'est que les États-Unis comprennent finalement qu'ils doivent mettre fin à tout cela.
L'autre grief, et vous en avez parlé, monsieur Jagland, est l'Iraq. Cela fait partie de l'axe du mal dont Bush parle à l'heure actuelle. Il y a les sanctions économiques qui ont tué un demi million d'enfants. Notre comité des affaires étrangères a recommandé au gouvernement canadien, à l'unanimité—tous les partis l'ont recommandé—que ces sanctions soient levées. Nous nous retrouvons maintenant avec une menace réelle d'extension de cette folie à l'Iraq. Je serais intéressé à entendre ce que vous avez à dire au sujet de l'extension possible de la guerre à l'Iraq.
Par ailleurs, j'ai posé une question au sujet de la défense antimissiles, et peut-être que M. Jagland pourrait y répondre. J'avais demandé si votre comité s'était penché sur la question de la défense antimissiles.
 (1205)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Robinson, prenons un sujet à la fois, comme la défense antimissiles, par exemple, et demandons à nos invités de commenter cette question, car le temps file et nous avons déjà abordé l'autre question.
Il ne nous reste que quelques minutes, et je voudrais pourtant que nous abordions le sujet de l'Union européenne et que nous revenions au partenariat avec l'Afrique.
M. Svend Robinson: Dans ce cas, la défense antimissiles, peut-être?
La vice-présidente (Mme Jean Augustine: Nous demanderons donc à nos invités de faire de brèves observations sur la défense antimissiles.
M. Thorbjørn Jagland: Je ne crois pas pouvoir vous répondre au nom de tous les partis, mais je peux le faire au nom du Parti travailliste.
Nous nous alignons beaucoup sur ce qu'a dit hier le ministre des Affaires étrangères du Canada. Nous sommes sceptiques, car nous ne savons pas encore quelles répercussions le système de défense antimissiles aura sur les questions de désarmement. Par conséquent, nous voulons en savoir plus avant de nous prononcer clairement. Pour l'instant, nous cherchons à en apprendre davantage pour pouvoir analyser plus à fond l'incidence que cela aura sur un certain nombre de questions.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Madame Haga.
Mme Åslaug Haga: Notre point de vue ne diffère pas tant tellement de celui des membres du comité sur ces questions. Toutefois, je suis au nombre de ceux qui sont quelque peu plus critiques que ne vient de l'être M. Jagland.
Cela fait 30 ans que nous oeuvrons en vue du désarmement et que nous déployons beaucoup d'efforts pour assurer le contrôle des armements. Juste avant Noël, les États-Unis ont abrogé le traité ABM, ce qui préoccupe certains d'entre nous au plus haut point, car ce traité fait partie intégrante du plus grand enjeu que constitue le système national de défense antimissiles.
Ce dossier soulève beaucoup de préoccupations, notamment celle du désarmement et on se demande où cette abrogation du traité va nous mener? Les signaux que nous envoyons à des pays comme le Pakistan et l'Inde ne sont pas très favorables. Un sujet beaucoup plus préoccupant encore, c'est que nous ne savons pas comment va réagir la Chine, même si le signaux que nous recevons de la Russie sont un peu réconfortants.
C'est un enjeu très vaste qui recoupe beaucoup de questions, mais ce qui me préoccupe principalement, et je dis bien principalement, c'est surtout une autre question que nous voudrons aborder, soit la réduction de la pauvreté. En effet, le système national de défense antimissiles va absorber tant de ressources, et ce sont des ressources qui sont nécessaires à l'échelle mondiale pour pouvoir résorber d'autres problèmes. Or, elles serviront aux armements ce qui, à mon avis, sera malheureusement le résultat de cette démarche.
Merci.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.
Abordons donc maintenant la question de la réduction de la pauvreté et l'engagement qu'a pris le Canada à l'égard de la nouvelle initiative en Afrique. Nous avons examiné les neuf secteur auxquels e s'appliquera l'initiative et nous, parlementaires, sommes en train d'étudier les enjeux. Le premier ministre s'est engagé à se faire le champion de cette initiative lors de la prochaine réunion du G-8 à la fin de juin ou en juillet. Nous, à titre de parlementaires, et en tant que comité entamons cette étude en vue de lui présenter nos recommandations et de le conseiller de notre mieux.
Il faut également noter le travail qui a été effectué à ce jour de façon multilatérale par le truchement de l'Agence canadienne de développement international dans divers pays africains et les efforts qui ont été déployés dans la lutte contre le VIH-sida, l'éducation des fillettes en vue de résoudre des conflits.
Nous savons également qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire dans le cadre du programme d'aide au développement; il suffit de regarder ce que fait la Norvège en ce sens. Nous savons que vous possédez d'énormes ressources pétrolières et gazières, et c'est peut-être ces richesses que vous avez décidé de partager avec le reste du monde, soit dit en passant.
Nous pouvons peut-être discuter de la réduction de la pauvreté et de cet engagement à l'égard de la nouvelle initiative pour l'Afrique. Quel rôle envisagez-vous de jouer dans le cadre de cette initiative, proposée par les dirigeants africains pour l'Afrique, puisque les Africains veulent s'en charger eux-mêmes, même s'ils se tournent vers nous pour obtenir des ressources et notre savoir-faire pour réaliser cette initiative.
 (1210)
M. Thorbjørn Jagland: Nous devons adopter un point de vue légèrement différent, comme nous l'avons fait déjà dans le passé. Le plus important, à mon avis, c'est d'avoir accès aux marchés, après quoi viennent l'allégement de la dette et l'aide au développement. Nous devons utiliser les ressources de façon à limiter les obstacles à la croissance économique qui existent un peu partout dans le monde, comme par exemple les maladies, notamment la malaria. C'est très bien de mettre l'accent sur le VIH-Sida en Afrique, comme on l'a fait, mais n'oublions pas que la malaria est encore plus dangereuse pour les populations africaines.
N'oublions pas non plus les mines terrestres et les armes légères: si vous avez déjà été dans quelques pays africains, vous aurez vu de vos propres yeux la difficulté qu'il y a d'avoir une certaine croissance économique en raison des armes légères qui tiennent la population en otage. Une véritable vie sociale est impossible, et la combinaison des armes légères et des mines terrestres est catastrophique pour de nombreuses localités du continent africain.
Voilà ce sur quoi nous devrions plus souvent mettre l'accent pour pouvoir surmonter les obstacles à toute croissance économique. Voilà où l'on devrait affectere une plus grande part de nos ressources de même qu'à la santé, l'éducation, etc. Mais vous avez raison de dire que l'aide au développement est trop faible dans la plupart des pays. Mais ne parlons pas seulement du niveau de l'aide au développement: parlons aussi de la façon dont l'argent est dépensé.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Il y a une dernière question que j'adresserai peut-être à Mme Christiansen, et c'est celle de l'Union européenne et de la participation de la Norvège à l'union. Vous pouvez peut-être faire une ou deux observations à ce sujet.
M. Thorbjørn Jagland: Vous devriez peut-être vous adresser au représentant du gouvernement.
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): D'accord. Si je me suis adressée à Mme Christiansen, c'est parce qu'elle a dit qu'elle siégeait au comité. Mais je donnerais aussi l'occasion au gouvernement de réagir.
M. Thorbjørn Jagland: Mais elle représente aussi le gouvernement. Ce n'est pas à moi de répondre.
M. Inge Lønning: Aux dames la priorité.
Mme Julie Christiansen: Comme je l'ai dit dans mes propos d'ouverture, nous ne sommes pas membres de l'Union européenne, mais nous appartenons au marché commun de l'Europe car nous avons adhéré à l'accord sur l'espace économique européen. Autrement dit, il est convenu que nous prenons part aux décisions sur les directives et les règles concernant ce marché commun, sans prendre part toutefois aux décisions ultimes prises dans ces domaines au sein de l'UE.
Il existe des procédures d'application de ces règles concernant le marché commun dans la loi norvégienne, et l'accord sur l'espace économique européen comporte également des conditions visant à surveiller la mise en oeuvre des directives et des règles en Norvège, en Islande et au Liechtenstein, qui constitue aujourd'hui le volet AELE de l'accord sur l'espace économique européen.
En outre, il est convenu que nous pouvons prendre part aux consultations dans le cadre du Programme européen de développement social, et nous avons dit clairement vouloir participer aux efforts militaires et autres, advenant d'éventuelles opérations menées dans le cadre du PEDS.
Pour l'instant, ces arrangements nous satisfont, mais nous y voyons également des défis, puisque l'UE coopère désormais de beaucoup plus près sur un nombre plus grand d'enjeux et de plusieurs différentes façons, ce qui a des répercussions sur la position concurrencielle de ces industries et entreprises.
L'élargissement de l'UE pose également de nouveaux défis à notre pays, puisque parmi nos secteurs prioritaires figurent nos pêches et nos exportations de poisson. Nous avons aujourd'hui largement accès aux pays de l'Europe de l'Est, mais lorsqu'ils feront partie de l'Union européenne, il se pourrait que la situation change. C'est pour nous un défi, à l'heure qu'il est.
 (1215)
La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup. Nous aurons l'occasion de poursuivre la discussion au cours du déjeuner et d'aborder peut-être d'autres questions. Le temps file à une telle vitesse quand c'est à ce point intéressant...
Nous voudrions maintenant vous présenter quelques-uns de nos rapports, monsieur le président: Le Canada et l'avenir de l'Organisation mondiale du Commerce : pour un programme du millénaire qui sert l'intérêt public; Développer les objectifs que poursuit le Canada en matière de politique étrangère dans le Caucase méridional et en Asie cxentrale; Traverser l'Atlantique : Élargir les relations économiques entre le Canada et l'Europe; et Le Canada et le défi nord-américain. Nous avons aussi d'autres documents qui pourraient peut-être vous intéresser. S'il y a d'autres sujets qui vous intéressent, sachez que les gens qui travaillent pour notre comité et les attachés de recherche sont excellents et peuvent vous fournir des documents supplémentaires.
J'aimerais vous remettre tous ces volumes et vous remercier. J'espère que vous aurez un séjour excellent au Canada et que vos discussions porteront fruit. Après le déjeuner, vous aurez la possibilité d'assister à la période des questions à partir de la tribune du président. Je sais que j'aurai beaucoup de plaisir à être en votre compagnie au cours des prochaines heures, et particulièrement au cours du déjeuner.
Merci beaucoup.